Joke's on you, we're still alive || Joker

Joke's on you, we're still alive

Elle avait mis du temps à sortir de l’ombre de son père, mais elle avait fini par y arriver, par avoir sa propre carrière, sa propre signature et la célébrité qui allait avec. Non pas qu’elle courait après la célébrité, et puis le fait que son père soit mort avait beaucoup aidé à ce qu’elle se fasse un nom. Tout ça pour dire, s’il y avait bien une chose que Zee adorait, c’était son métier de prestidigitatrice. Courir après les méchants, sauver le monde une fois par mois, tout ça, c’était beau, mais elle n’aimait pas particulièrement ça. Non, le cœur de sa vie, c’était son travail, surtout parce que son travail consistait à attirer les foules et à leur mettre des étoiles dans les yeux. Les cris et les sourires des enfants, l’attention extrême qu’elle générait chez leurs parents, et même le brin de magie, de vraie magie qu’elle injectait dans ses spectacles : elle aimait l’idée que les gens oublient le temps d’un spectacle toutes les petites et grandes difficultés de leur vie pour assister à des miracles. Bien sûr, il y avait toujours un « truc », pour le public. Cela aussi, Zee aimait ça. Parce que des fois, il n’y en avait pas, c’était véritablement de la magie, mais les spectateurs ne sortaient jamais de ses shows convaincus que les miracles existaient. Ils cherchaient toujours le truc, se disaient toujours que c’était une illusion, un piège, un mensonge. Cela ne dérangeait pas du tout Zee évidemment. Bien sûr que la prestidigitation était un mensonge. Plusieurs degrés de mensonges, qui fonctionnaient grâce à plusieurs degrés d’attention et de conviction chez le public. La prestidigitation n’était pas une relation à sens unique, ce n’était pas elle qui coupait une femme en deux ou faisait jaillir des lapins de son chapeau face à des gens passifs. Ils participaient à leur manière, en acceptant de ne pas comprendre, en acceptant d’être roulés dans la farine, pour le plaisir d’être surpris, impressionnés et, finalement, ravis.

Partout où elle allait, désormais, elle faisait salle comble. Il n’était pas rare qu’elle soit invitée à faire des spectacles dans le monde entier, mais elle revenait toujours à Gotham, la ville où elle était née et où elle avait grandi. Elle s’était produite dans toutes sortes de salles, bars et théâtres, des plus selects aux pires endroits imaginables – du genre parking de vendeur de voiture ou club privé du Pingouin. Mais son endroit préféré pour réunir un public, c’était bien les salles de spectacle de taille moyenne des vieux quartiers de la ville. Tout en boiseries usées, sièges tapissés de rouge avachis et lourdes teintures. Elle adorait leur charme désuet qui rappelait la grande époque, celle de son père. Et puis la scène, dans ces théâtres, était en général bourrée de mécanismes ahurissants permettant à tout bon magicien qui se respecte une vaste gamme de petits tours, apparaître ici, disparaître là, projecteurs de sol, asperseur de fumée, anneaux et cordes d’arrimage, bref, un bonheur pour elle et toute son équipe. Quand elle réfléchissait à un show, elle le faisait en fonction de la scène et en fonction du placement du public, avec Mikey et Andrew, qui s’occupaient avec elle de toute la scénographie et des effets spéciaux – ceux qui nécessitaient l’intervention humaine. Du coin de l’œil, Zee pouvait voir Mikey en train de tirer comme une brute sur une corde épaisse pour faire glisser dix conteneurs pleins de paillette sur un rail suspendu au plafond haut, invisible pour le public. Dans peu de temps, elle déclencherait le mécanisme qui relâcherait les paillettes sur le public, pour couronner le numéro de lévitation que Zee était en train de montrer – et avec un peu de magie, absolument tout et tout le monde pouvait voler ! À la faveur d’une pirouette, elle capta le pouce levé de son amie, qui lui signifiait par là que c’était quand elle voulait pour le clou du spectacle.

Zee ramena à elle les quatre ballons qu’elle faisait danser au-dessus du public et que les enfants avaient désespérément tenté d’attraper au passage, comme à la fête foraine, puis les laissa tomber à ses pieds où ils éclatèrent dans un nuage de fumigène bleuté. Quatre petites panthères s’en échappèrent et se mirent à arpenter la scène autour d’elle, générant des cris en face d’elle : toujours, tenir les gens sur un fil – était-ce réel ? était-ce normal ? Elle esquissa un sourire pour rassurer son monde. Les panthères étaient des illusions, et d’un geste théâtral de sa baguette, elle les fit grandir, grandir, jusqu’à ce qu’elles ressemblent à des statues assises autour d’elle. Le public cria encore, applaudit, certains se levèrent. C’était le moment. D’un nouveau geste, elle écarta les bras sans cesser de sourire, et entendit à peine le claquement du mécanisme des conteneurs à paillettes se déclencher sous la musique old-school qui arrivait elle aussi à son apogée. Au fond elle aussi dans ces moments-là oubliait ses petits soucis.

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La publicité ventait en gras le succès de la prestigitatrice. Salle comble, succès complet, cinq étoile sur les sites d’achat de billet, du jamais vu, des commentaires exubérants de spectateurs et des critiques dithyrambique ! Le clown enrageait de jalousie. Lui avait eut droit quelques semaines plus tôt à un article écrit à l’acide où l’on disait que ses numéros étaient tristes et misérables, son humour douteux et ses blagues ne faisaient rire que lui.  Le Joker ne comprenait vraiment pas cette ville ! Les gens s’enthousiasmaient sur un stupide numéro de magie que n’importe qui pouvait faire et ne reconnaissaient même pas tout le talent et le travail fournit par le clown pour faire de ses crimes des spectacles originaux, inoubliables et à l’humour pas piqué des hannetons ! Tous ces efforts pour rien puisque le public ne semblait même pas le comprendre, ne même pas faire l’effort. Bien sûr s’il ajoutait sa toxine, là tout le monde riait, à s’en cogner le cul par terre, mais sans la toxine ? La salle restait désespérément silencieuse !

Puisqu’ils ne savaient pas apprécier son humour à sa juste valeur, le clown avait décidé de punir le public qui ne le méritait décidément pas. Il s’était pour l’occasion taper l’incruste dans l’équipe technique du spectacle de magie. Zatanna était plutôt connue et embauchait pas mal de monde. Il lui suffit de revêtir une tenue lambda de travailleur, de cacher ses cheveux verts sous une casquette et voilà qu’il paraissait tout à fait ordinaire, avec un poil de maquillage. Il ouvrit la porte de derrière à ses hommes la veille du spectacle, à une heure où les autres étaient en pause dej. Là, ils remplacèrent les paillettes par des clous dans un énorme sac suspendu qu’un mécanisme devait relâcher. L’opération fut délicate, ils devaient changer aussi le mécanisme afin qu’il soit capable de supporter le poids et les propulser assez loin et vite pour blesser voire tuer le public ! Mais ses hommes étaient habitués à ses idées farfelues et à ses plans sadiques. Ils avaient déjà dû installer des aquariums géant rempli de piranha pour bouffer tout cru le Batman après tout. Une fois l’installation faite, le Joker et ses hommes disparurent.

Un meurtrier revient toujours sur les lieux du crime, un criminel assiste toujours au dénouement de son plan surtout lorsqu’il lui demande autant de labeur. Le Joker avait donc assassiné un spectateur et s’était emparé de sa place. Il portait pour la première un smoking assez simple, sobre, tout de noir et de blanc, avec un mouchoir rouge sur sa poche, quand à son visage, il l’avait peint en blanc, masquant les cicatrices et le sourire. Il avait l’air d’un type bizarre mais riche, aussi la sécurité le laissa passer pensant qu’il était juste un fan. Le Joker s’installa, parmi les premiers rangs, ne voulant rien rater du clou du spectacle ! Et il attendit sagement l’instant fatidique. Il en salivait presque, bondissait presque sur son siège, il s’agitait tant dedans que ses voisins s’en plaignaient. Il se retint fortement de les assassiner froidement, ça aurait interrompu le spectacle, et il ne voulait cela pour rien au monde !

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S’il y avait bien une chose que Zatanna Zatara n’avait jamais entendu lors de ses spectacles, c’étaient des hurlements d’horreur. Du moins pas pour bonne raison. Quand elle s’enfermait dans un conteneur plein d’eau, enchaînée et les yeux bandés, ou quand elle se suspendait par les chevilles au-dessus d’un tapis de lames, oui, les gens avaient tendance à hurler, mais elle captait toujours, derrière le frisson, la confiance qu’ils avaient en elle. Parce qu’elle-même savait exactement ce qu’elle savait, et que le public le ressentait. Et puis, ça n’arrivait jamais, n’est-ce pas ? Qu’un numéro tourne horriblement. C’était ce qu’on voulait faire croire, pour que les spectateurs ressentent l’adrénaline dans leurs veines et soient en totale empathie avec elle, mais au final, c’était une illusion. Quand les premiers clous tombèrent, que les premiers cris retentirent, Zee resta une bonne seconde interdite, ne comprenant pas ce qu’il se passait. Des hurlements horrifiés dans [i]sa[/] salle de spectacle ? Impossible. Inconcevable. Puis les réflexes prirent le dessus et sans chercher à savoir, elle embrassa le public d’un large mouvement de bras, les mots se bousculant sur ses lèvres dans la précipitation – « seL settelliap ne snollipap ! » La chose que peu de personnes savaient sur son compte, c’était qu’elle n’avait pas réellement besoin de verbaliser un sort pour faire de la magie. Celle-ci était dans son sang, dans ses gênes, faisait partie d’elle. Si elle parlait ainsi à l’envers, c’était parce que cela l’aidait à se concentrer, à contrôler ses dons, à obtenir le résultat optimal. Ce n’était pas des paillettes qui tombaient, mais ce n’était pas grave car les mots n’avaient pour elle que le rôle de focus. Malgré tout, la précipitation, la formule biaisée, tout cela fit que le résultat, justement, ne fut pas parfait. Malgré tout, une bonne partie des projectiles furent transformés en papillons de papier qui s’envolèrent dans un froissement à peine couvert par les cris des gens. Cependant, c’était trop peu et trop tard.

Sous ses yeux se formait déjà un mouvement de foule, tous ceux qui n’étaient pas blessés ou qui l’étaient légèrement ne pensaient plus qu’à une chose : sortir de la salle. Le personnel de sécurité était déjà parmi eux pour réguler le flot. Et à mesure que la foule évacuait le théâtre, les gens qui restaient derrière étaient révélés. Blessés. Voire pire. Son équipe aussi avait déboulé en renfort, et elle savait que les secours étaient déjà prévenus. Elle fut tentée de s’envoler pour aller étudier les mécanismes qui avaient été trafiqués – inutile de chercher une autre cause. Mais elle pouvait aider les gens. Elle sauta dans la fosse, adressant un geste à Mikey pour qu’elle monte dans les hauteurs : elle était bien plus douée que Zee pour ça. La magicienne se pencha sur un enfant qui hurlaient, un clou planté dans la main, et des griffures sur le visage là où d’autres l’avaient heurté. Sa mère eut un mouvement de recul, mais avant qu’elle ne puisse la chasser, Zee prononça une formule de guérison et le clou fut retiré sans douleur et les plaies refermées. Pour le traumatisme, elle ne pouvait rien faire. Elle sentit quelqu’un la pousser, faillit tomber, la foule continuait à vouloir sortir en courant. Elle soigna encore quelques personnes, puis, alors qu’elle cherchait un autre blessé, elle remarqua une silhouette remarquablement immobile au milieu de tout ce mouvement, de toute cette panique. On aurait dit qu’il écoutait une musique inaudible, un chant qui semblait lui plaire, et Zee le fixa quelques secondes. Et allons, il la regardait aussi. Était-ce un sourire qu’elle voyait sur son visage ? Difficile de le rater.

Elle sentit la colère l’envahir et sans plus réfléchir, elle se téléporta devant lui. « Joker ! » Elle l’avait reconnu. Elle fréquentait Bruce depuis bien assez longtemps pour savoir qui il était, même si elle n’avait encore jamais eu affaire à lui personnellement. Elle songea une seconde que Bruce serait fou de rage de le savoir ici, et de la savoir, elle, en train de lui faire face. Oh, elle avait entendu toutes les histoires, mais comment aurait-elle pu réellement comprendre ? Encore que, ces clous, ces cris, ces enfants blessés, cette horrible pantomime de spectacle… Habituée aux menaces magiques, extraterrestres ou dimensionnelles, Zee en oubliait, dans sa jeunesse et ce qui restait encore de sa naïveté, que l’homme pouvait être le pire des adversaires. « Pourquoi as-tu fait ça ? Il n’y a rien pour toi ici ! » Et en même temps, que savait-elle de ses motivations ? Le chaos… Eh bien, ils étaient en plein dedans.

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Joker avait tant attendu le clou du spectacle qu’il sautait presque sur son fauteuil quand les clous commencèrent à voler dans les airs. Il ne chercha même pas à s’en protéger. Pendant que les spectateurs hurlaient, de douleur pour ceux s’en étant reçu, de terreur pour ceux qui venaient de voir leur compagnon, enfant ou simple voisin se prendre un clou dans l’œil ou dans la joue, Joker lui sentait les bouts de métal tranchants l’effleurer, un clou se planta même dans son crâne sans qu’il n’y prête la moindre attention. Il était comme un enfant le soir de noël. Rien ne le rendait plus ivre de joie que d’entendre le murmure du chaos même si ce soir, grâce à lui, il était assourdissant. Alors qu’il sautait sur son fauteuil, la magicienne sur la scène lança une formule magique, une vraie. Joker n’avait pas le moindre don dans le domaine, il ne pouvait que se fier à ce qu’il voyait. Il savait qu’il avait remplacé lui-même les paillettes par des clous, il savait qu’elle ne pouvait pas changer cela à moins d’user de véritable magie. Cela ne l’amusa pas du tout de voir ses clous si chèrement amené là où il le voulait transformé en papillons de papier coloré inoffensif. Mais lui comme elle savait qu’il était trop tard, la panique avait remplacé la joie dans la salle et le public s’enfuyait déjà pris de terreur. Qu’importait ses dons, elle ne pouvait effacer ce qu’il venait de se passer. Un sourire mauvais se peignit sur les traits distordus du clown qui s’était figé en la regardant.

La magicienne vola au secours de son public, presque littéralement. Il était indéniable qu’elle aurait fait n’importe quoi pour effacer le coup tordu qu’il lui avait fait. Le Joker ricanait dans sa barbe en la voyant faire. Alors qui était le véritable magicien ici ? Qui transformait la joie et les rires en terreur et larmes et ce, sans formuler la moindre parole, sans agiter de baguette magique ! Il se tenait encore debout sur son fauteuil, dodelinant de la tête quand enfin, elle le vit. Joker la regarda en lui adressant un immense sourire, puis un clin d’œil. Pensait-elle vraiment pouvoir lui faire concurrence sans en payer le prix ? Quand elle se téléporta face à lui, Joker ne se départi de son sourire. Il ne ressenti qu’un frêle frémissement d’inquiétude, elle l’avait surpris, c’était tout. Au fond, il s’y attendait. Son sourire s’élargit. Il était tel l’homme qui riait de Victor Hugo, avec ses lippes toutes de rouges vêtue, grossièrement maquillées et son visage à la blancheur anormale, aux cicatrices éparses, si nombreuses qu’il était impossible même pour lui de pouvoir désigner laquelle il avait obtenu et comment. Les souvenirs comme la raison, tendait à s’enfuir, et c’était sans doute pour le mieux. « Oh voyons, Zatana, tu es quelqu’un de la scène, tu devrais comprendre. A quel point le public est important. » fit-il en guise de réponse à sa demande. Pendant qu’ils parlaient, le Joker avait sorti de sa poche ce qui semblait être une grenade. Il la dégoupilla et la lança bien en arrière vers la masse de public qui essayait encore de sortir massivement par la porte principale formant une foule compacte où la grenade alla se nicher. C’était sa porte de sortie. « Je voulais juste choyer ton public. Voilà un petit cadeau, explosif. Tu devrais aller la récupérer à moins de vouloir recoller ton cher public morceau par morceau. » ajouta-t-il comme pour lui faire comprendre au cas où ça lui avait échappé ce qu’il allait se passer dans 10s. Il savait qu’elle aurait le temps d’agir, il la connaissait, mais elle ne le connaissait pas encore, pas suffisamment.

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Il y avait quelque chose de terrible à le voir sourire ainsi au milieu des cris et des sanglots. À rebours de la scène qui se jouait autour de lui, statique quand les autres couraient, le coin des lèvres retroussés quand les autres hurlaient, comédie et tragédie, et bien sûr qu’il n’était pas touché par le spectacle qui se jouait sous ses yeux, il en était le chef d’orchestre. Et elle savait aussi qu’elle avait tort d’essayer de trouver une raison à ce drame. C’était ainsi qu’elle se rendrait folle, qu’elle se torturerait à la recherche de réponse quand il n’y en avait pas, du moins pas à sa portée. Bruce peut-être aurait pu lui donner des éléments de réponse, et encore. Toutes les fois où il lui avait parlé du Joker, et il lui en avait parlé souvent, c’était pour lui ordonner de ne pas s’approcher de lui, et de l’appeler, lui, si jamais un jour c’était le Joker qui s’approchait d’elle. Alors, c’était probablement ce qu’elle aurait dû faire ? Mais elle était trop en colère pour ça, et puis elle n’était plus l’enfant que Bruce avait connue, plus une petite fille, et largement capable de mener ses batailles seules. Et pourtant, encore une fois, elle n’eut pas le temps de réagir quand elle le vit sortir ce qui ressemblait à une grenade de sa poche. En fait, elle en était encore à se dire que ce n’était pas possible, qu’il n’allait pas faire ça. Elle en était encore à chercher des indices cachés dans la réponse qu’il lui avait fait. Elle suivit des yeux l’arabesque de la petite bombe et ne prit même pas la peine de regarder à nouveau le Joker. Le choix était aussi naturel pour elle que de respirer, il n’y avait aucune frustration derrière tout ça. Plus tard, plus tard elle lui ferait payer.

Elle s’envola au-dessus de la foule et d’une formule inversée, fit s’écarter les gens avec une bourrasque de vent violente. Elle repéra la grenade et l’entoura d’un bouclier psychique au moment même où elle explosa. Elle crut voir des paillettes en jaillir, comme un rappel hideux et cruel à la façon dont son spectacle aurait dû se terminer. Mais en se posant à terre, elle vit aussi d’autres clous et morceaux de ferraille, qui aurait déchiqueté les gens tentant de sortir de la salle. Ces derniers se précipitèrent de nouveau vers les portes sans égard pour elle, la bousculant au passage, ne la voyant probablement même pas, trop aveuglés par la terreur, probablement. Zee se retourna, mais bien sûr, le Joker avait disparu. Le reste de sa soirée fut plutôt simple : accueillir les pompiers, les ambulanciers et les policiers, raconter dix fois la même histoire, se retenir de parler elle-même à la presse qui déjà accourait, laissant Solveig, sa PR, gérer la crise devant les caméras. Quand elle rentra chez elle, la matinée du lendemain était déjà bien avancée. Après une longue douche brûlante, elle envoya des e-mails à Solveig pour lui demander de la tenir au courant de l’état de santé des blessés, puis un autre, un seul, à Babs. Pour lui demander de convaincre Bruce de la laisser tranquille. Elle savait qu’elle pouvait compter sur elle. Elle savait aussi que Batman était déjà probablement au courant, mais elle avait un mensonge tout prêt à lui servir s’il venait la sermonner. Puis elle se rhabilla et retourna à la salle de spectacle. Il allait y avoir du ménage à faire, des réparations, et un nouveau spectacle à élaborer, parce que peu importait qui s’invitait à la fête pour tenter de la gâcher : le show devait continuer.




La nuit était déjà bien avancée et tout le monde était rentré chez lui. Cela faisait quatre semaines qu’ils préparaient tous ensemble la nouvelle scénographie du prochain spectacle de Zatanna, et comme le temps guérissait toutes les blessures, sauf chez les psychopathes, l’ambiance était plutôt bonne. Elle venait de passer une heure assise dans un des fauteuils du public, à regarder d’un œil un technicien mettre en place la grande boîte qui lui servait pour ses numéros d’escapologie, et les notes dans son ordinateur de l’autre. Elle écrivait le déroulé de son show au fur et à mesure, annotait certaines passages, en supprimait d’autres, et ainsi de suite, jusqu’au dernier moment. Il lui semblait que le numéro d’escapologie devait se placer plutôt en milieu de show. Elle avait largement de quoi faire monter la tension après ça. Le coup du magicien enfermé dans une boîte remplie d’eau ou attaché au-dessus de lames tranchantes, avec un temps limité pour s’échapper, était vieux comme le monde. Les gens y croyaient parce qu’ils le voulaient bien, c’était toujours un clin d’œil sympa à faire aux plus grands prestidigitateurs du monde et surtout à Houdini, mais ce n’était pas le clou du spectacle, loin de là. En relevant les yeux, elle vit que le technicien avait disparu. Elle avait la salle pour elle. Pourquoi ne pas s’entraîner un peu ?

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Pendant quatre semaines, le Joker avait oublié la magicienne. Ses nuits étaient tout aussi occupées que ses journées. Il n’avait pas chômé. Son gang s’était élargit, et il avait presque réussit à tuer le Batman. Enfin. Presque. Son plan était sophistiqué, et plutôt drôle si on l’observait de son point de vue. Laisser le Batman seul avec des piranhas, un plan qu’il devait à Harley. Un piège qu’il devait à sa visite à la magicienne. Il n’y aurait jamais pensé sans cela. C’était dans le foutra de ses affaires, laissées en arrière plan, non utilisé. Il avait vu cette immense cage en verre censé renfermer de l’eau. Harley avait vu ses photos et s’était exclamé qu’ils pourraient y enfermer le Batman avec un groupe de piranha. La pauvre, Joker l’avait presque couvert d’insulte quand il avait vu le plan se réaliser, à deux secondes d’avoir un succès conséquent. Il ne l’avait plus vu depuis. Il savait qu’elle reviendrait. Elle l’adorait, il n’y avait que lui dans son monde, Mister J. Il devait bien admettre que ça l’avait rendu dingue qu’elle ait une idée pareille, et que son plan, si tordu, y parvienne.

Quand il l’avait vu les affiches pour le spectacle de la magicienne, qui n’aurait lieu que dans quelques jours, il s’était dit que, étant seul, et ayant plein de temps à revendre, il devait se faire discret pour éviter que le Batman qui rôdait autour de son QG ne lui tombe dessus. Par chance il avait réussit à lui échapper, de justesse, et à pas finir à nouveau à Arkham même si l’un de ses séjours lui avait permit de rencontrer Harley. Il avait prévu de rendre une petite visite à la magicienne et peut-être de lui la surprendre à nouveau. S’insinuer parmi le staff de la magicienne fut un jeu d’enfant, il l’avait déjà fait et parvint à le refaire sans mal. Vêtu du tee-shirt noir du staff, il se débrouilla pour avoir un temps seul avec l’infernale cage. C’était supposé être le clou du spectacle, un clou tout à fait différent de la dernière fois. Pour être seul avec cette machine, il avait mit du laxatif dans toute la bouffe du staff, ainsi ils étaient aux toilettes ou rentré chez eux, le laissant seul. Il était tard, plus personne ici, juste lui et cette grande cage. Il suivit les instructions qu’avaient dessiné Harley mais cette fois-ci il ne s’agissait plus de plonger son ennemi dans une eau baignée de piranhas il devait coincer la magicienne à l’intérieur. Mais pour pimenter le tout, il avait combiner le tour de la cage avec celle des lames tranchantes qui descendent sur le magicien. Sauf que, les chaines avaient été changées par de véritables et non des truquées, et les lames étaient également totalement vraie, comme la serrure qui refermait la cage. Le piège était parfait.

Le lendemain, il était là, prêt à attendre la jeune femme. Toute la journée, il l’attendit. Oh il n’était pas pressé, il n’avait que cela à faire. Il savait qu’elle allait finit par s’entrainer, à un moment ou à un autre. Le clown n’avait pas toujours besoin de spectateurs, parfois, il aimait agir dans l’intimité, profitant à nouveau de l’absence du staff, cette fois-ci parti manger ailleurs, ils doutaient de la cantine, normal après ce qu’il leur était arrivé hier. Un léger sourire baigna ses lèvres alors qu’il contemplait la magicienne qui s’approchait de la cuve. Le spectacle promettait d’être intéressant. Il était confortablement installé sur les rails où étaient accrochés la lumière.

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C’était un classique de la prestidigitation, inventé par les plus grands noms de la magie et perfectionné au fil des décennies. L’escapologie, sous toutes ses formes, mis en lumière par Houdini, avait toujours fait office de clou du spectacle. Aujourd’hui, des tas de magiciens avaient modernisé le tour, mais Zee appréciait ses classiques, tout comme son père avant elle. Elle n’avait jamais réalisé ce genre de tour avec des lasers, des lumières, des effets spéciaux ultramodernes. Non, il fallait rester old-school : une cage infernale remplie d’eau, des chaînes, et des lames retenues par une corde que la flamme d’une bougie dévorait peu à peu… Bien sûr, rien n’était laissé au hasard. La prestidigitation reposait entièrement sur la préparation, aussi peu sexy que ça puisse paraître – mais heureusement, les spectateurs se fichaient bien de savoir comment les magiciens faisaient. Tout cet art reposait sur ce compromis entre l’artiste et le public : oui, il y avait un truc. Mais en échange d’un tour effectué à la perfection, les gens acceptaient de se laisser prendre. Il fallait leur en donner pour leur argent, évidemment, ne pas se foutre d’eux, mais alors, ils rendaient les efforts au centuple. Bien sûr, dans le cas de Zee, il y avait parfois de la vraie magie, qui laissait souvent les gens perplexes, mais ils en revenaient toujours au bon vieux « truc » qui existait forcément, alors…

Elle pouvait tout à fait faire fonctionner le mécanisme toute seule, maintenant que son staff l’avait mis en place. Elle fit tourner la manivelle pour tendre la corde glissée dans une poulie, qui fit se maintenir la plaque de métal hérissée de lames au-dessus de la cage, et qui, si elle ne se libérait pas avant, s’abattrait sur ladite cage comme un couvercle mortel. Elle alluma une bougie moyenne, savant parfaitement combien de temps cela prendrait à la flamme pour brûler la corde, ils avaient effectué des milliers de tests au fil du temps. Tout ça, oui, elle pouvait le faire les yeux fermés. Elle ôta sa veste, se retrouvant en simple leggings, baskets et débardeur de sport, et s’harnacha avec les boucles complexes des chaînes. Normalement, sur scène, elle aurait demandé à une assistante de refermer le dernier verrou, mais seule, elle se contenta d’un peu de magie. Tout était en place, et elle compta dix-sept secondes de plus dans sa tête pour laisser à la bougie le temps de grignoter encore un peu de corde, puis elle plongea dans la cage, aussitôt attirée vers le fond par le poids des chaînes. Pourquoi un tel tour exactement ? Là encore, c’était un deal entre elle et les spectateurs. Objectivement, ça ressemblait plus à une séance de torture, mais pour elle, c’était un savoir-faire ancestral et pour eux, quelques minutes d’adrénaline récompensées par le ravissement au moment où elle se libérait de ses chaînes, car elle se libérait toujours… après un peu de spectacle, évidemment. Ici, elle n’avait pas besoin de se débattre, d’en rajouter des tonnes. Mais pendant le show, le but était de jouer le jeu, et au passage de créer assez de remous et de bulles pour disparaître aux yeux des gens et lui permettre au final de sortir par une petite trappe, pour réapparaître à côté de la cage trempée mais libérée.

Environ deux minutes, c’était le temps qu’elle pouvait passer sans respirer, et le temps que la bougie mettrait à sectionner la corde, elle faisait ce tour depuis si longtemps qu’elle avait gagné en capacité respiratoire. Deux minutes, c’était très long, mine de rien, et d’habitude elle ne prenait pas autant de temps. Il ne fallait pas non plus que les gens s’ennuient ou soient mal à l’aise. En général, elle faisait le show pendant moins d’une minute, puis un mécanisme coupait la corde sans attendre que la flamme ait finit de la dévorer au moment où elle-même ouvrait la trappe pour s’enfuir – ainsi, le timing était parfait. Cette fois, au moment où elle plongea, elle sut que quelque chose n’allait pas. Avec les chaînes. Il y avait des étapes, pour ce tour, c’était comme résoudre un rubik’s cube, sinon c’était inutile, ça ne servait à rien de se débattre et de tirer. Dès la première étape, les chaînes ne répondirent pas comme elle le voulait, pas comme d’habitude. L’ironie étant que, si elle pouvait assez facilement bouger ses mains, elle ne pouvait plus vraiment prononcer de sort sous l’eau, n’est-ce pas ? Ces chaînes n’étaient pas les siennes, et personne dans son staff n’aurait commis une erreur aussi grossière. Elle plaqua les mains contre la paroi de la cuve pour fouiller la salle de spectacle – et repéra une silhouette qui l’observait. Le cri de rage qu’elle poussa en le reconnaissant lui fit bien perdre dix précieuses secondes d’oxygène. Le salopard ! Bien sûr que c’était lui ! Et de rage, elle cogna contre le verre, même si c’était inutile. Elle n’avait jamais eu autant envie de tuer quelqu’un, en cette seconde.

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Le Joker observa la magicienne marcher sur scène, observer la cage qui devait être son tombeau, son cercueil, se dévêtir pour entrer dedans. Comme il l’avait deviné, elle aimait être seule pour essayer le numéro. Un pervers aurait apprécié d’autant plus le spectacle de ce corps ferme et jeune, de cette beauté qui devait briser plus d’un cœur, mais le Joker était totalement imperméable à ce genre de pensées. C’est à peine s’il ressentait des pulsions de cet ordre là. Harley seule parvenait à faire battre son cœur, mais ces derniers temps, il la sentait distante. La Harley qu’il avait connu si empressée de le rendre heureux, comblant le moindre de ses désirs, les préfigurant semblait avoir disparue. Il craignait qu’elle ne disparaisse complètement. Il l’avait délaissé, encore ce soir, il la délaissait pour voir la magicienne mourir. Quel genre d’homme était-il ? Pas de ceux qu’on admire assurément. Dire qu’il préférait le spectacle de la mort à celui de la vie, qu’il préférait la destruction d’un cœur innocent au fleurissement des tendres sentiments, il n’avait qu’abjection pour les amoureux. Pauvre Harley. Pauvre lui.

La magicienne entra dans l’eau sans se méfier, elle avait verrouillé ses chaînes sans les éprouver auparavant, cruelle erreur qui allait lui coûter la vie, du moins l’espérait-il. Il avait eut mille et une preuve devant les yeux qu’elle maniait de la magie et pourtant, il croyait fermement qu’elle ne pourrait rien, dans l’eau il était impossible de parler, et ses gestes seraient rendu impossible par les chaînes. Elle était faite. Piégée. Sous sa coupe. Pendant un bref instant, il regretta d’avoir rendu malade toute son équipe, de l’avoir privé de tout public, de toute assistance, non pas qu’il leur aurait permit de l’aider elle, mais qu’il aurait aimé que quelqu’un profite un peu du spectacle, quelqu’un d’autre que lui. Le Batman par exemple, il aurait le cœur brisé en apprenant la mort de la magicienne, non ? Depuis, le Joker avait cru comprendre que le Batman et la magicienne se connaissait. Mais cela importait peu au fond, le Joker voulait la mort de la belle parce qu’elle avait trop de succès sur les planches, ni plus ni moins que par jalousie pure. A cet instant, il savourait sa victoire.

Elle frappant contre la vitre, paniquant sans doute, et furieuse à la fois. Elle l’avait vu. Dans le public, dans la pénombre et pourtant, présent, observant le spectacle, le gouttant, le savourant jusque dans ses moindres détails. Il éprouvait une joie malsaine à l’idée de sa mort si proche à présent. Combien de minutes peut-on retenir sa respiration ? Normalement dépasser les 3 minutes tient de l’impossible mais il connaît deux ou trois types capables de battre le record officiel. Le Joker compte la laisser flotter quelques instants de toute façon, quand elle aura fini de lutter, et gaspiller les dernières gouttes d’oxygène. Il s’en réjouissait d’avance. Dans son fauteuil rouge, il battait des mains, applaudissant à s’en rompre, un étincelant sourire sur les lèvres. « Bravo madame ! » hurla-t-il incertain qu’elle puisse l’entendre en se levant, se dressant debout, battant toujours des mains se moquant de la piqure de douleur sur ses paumes, souriant à s’en tordre les muscles des joues. « Quel spectacle ! » ajouta-t-il. « Certainement votre meilleur. » souffla-t-il alors que son sourire avait à présent quelque chose de macabre, de funeste et de carnassier.

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Elle s’en voulait, pour tout un tas de chose, même si ce n’était pas le moment de faire la liste des mauvaises décisions qu’elle avait prises concernant le cinglé qui était présentement occupé à se marrer, tranquillement assis au fond de la salle. Elle aurait dû faire ceci, faire cela, et en premier lieu, elle aurait dû parler à Bruce de sa première rencontre avec le Joker. Et qu’est-ce que ce bon vieux Bruce aurait fait, cela dit ? Lui dire de ne pas chercher à se venger ? Ce n’était pas son genre. La faire surveiller ? Elle aurait détesté ça. Lui coller aux basques ? Elle l’aurait détesté, lui, pour ça, et puis ce n’était pas le genre de Batman de faire de la protection rapprochée. Hélas, on ne pouvait pas aider tout le monde, on ne pouvait pas toujours être là pour les autres et on ne pouvait pas à jamais esquiver les ennuis. Il fallait bien que cela arrive un jour, encore que la raison pour laquelle le Joker faisait cela lui échappait. Mais là encore, il était inutile de chercher à trouver le pourquoi du comment. Comment aurait-elle pu comprendre un tel homme ? Pour ses crimes, pour la souffrance qu’il avait infligée à temps de personnes et surtout à ses proches, à Bruce, à Jason, à Babs et à tant d’autres, elle le haïssait, mais la vérité, c’était qu’à elle, il n’avait jamais rien fait, et elle ne lui avait jamais rien fait non plus, alors pourquoi maintenant, pourquoi comme ça ?

Elle tira de nouveau sur les chaînes, juste au cas où. Il était clair qu’il les avait sabotées et qu’elle n’aurait aucune chance de s’en débarrasser de manière traditionnelle. La magie de scène ne lui serait d’aucune utilité, place à la vraie magie. Encore fallait-il qu’elle puisse jeter un sort. Son père, depuis toujours, l’avait forcée à fonder toute sa magie sur les sorts qu’elle prononçait non seulement à voix haute, mais à l’envers. En grandissant, Zee avait compris qu’il s’était foutu d’elle. Il avait simplement peur, pas d’elle, mais de ce qu’elle pouvait faire, et plutôt que de faire confiance en l’éducation qu’il lui avait donné, il lui avait fait croire qu’elle était sans défense si elle ne pouvait pas se servir de sa voix. C’était faux, mais le mal était fait. Prononcer les mots à l’envers aidait Zee à se concentrer, à contrôler sa magie, lui servait de focus. Les sorts prononcés dans l’ordre lui échappaient souvent. Ne pas parler du tout – dans une situation d’urgence pareille, impossible. Déjà, la brûlure dans ses poumons la faisait paniquer. Mais elle n’était plus une enfant, et elle avait connu pire situation. Il fallait juste qu’elle s’en souvienne, et qu’elle garde son calme. Elle ferma les yeux, parce que rien que la vue de l’autre en face d’elle la rendait folle de rage – et un peu de panique.

Elle porta son poignet droit à sa bouche et y planta ses dents, là où la peau était la plus fine, puis elle fit la même chose avec le gauche, franchement, sans aucune pitié. Il fallait que le sang coule, et la douleur n’était rien d’autre qu’un moyen différent de retrouver sa concentration. Nick Necro lui avait appris ce tour il y avait longtemps, dans une autre vie. Il li avait appris qu’elle pouvait se libérer des mots et utiliser son sang ; tout, chez lui, menait toujours à la douleur et au sang, mais en cette seconde, elle ne regrettait rien de ses enseignements. Loin de se diluer dans l’eau, le sang se rassembla et forma des lettres qui se collèrent contre le verre de la cuve en un mot à l’envers, pour elle du moins : etalcÉ. C’était écrit à l’endroit du point de vue du Joker – spoiler alert. Dès que la dernière goutte de sang eut fini de se ventouser au verre, celui-ci commença à se fissurer, et elle se recula autant qu’elle put, avant que la cuve n’explose et que toute l’eau de se déverse sur la scène. Elle roula par terre, toujours enchaînée, et se redressa à genoux aussitôt, cherchant son souffle. « nosiréuG ! » réussit-elle à souffler, et le sang cessa de couler de ses poignets. Elle aurait préféré utiliser son précieux souffle pour s’en prendre au Joker, mais sa liste des priorités était claire.

Elle se leva en titubant. « Tu as apprécié le spectacle, alors ? Cela ne m’étonne pas, vu la qualité des tiens ! » Elle tira de nouveau sur ses chaînes – « leG ! » – et celles-ci, dévorées par la glace, tombèrent en morceaux. Elle faisait peine à voir, trempée, gelée et furieuse, mais elle savait qu’elle avait encore de quoi punir l’ordure pour son insolence. Et peut-être qu’elle aurait moins pitié de lui que Bruce. Oh, qu’est-ce qu’elle voulait se faire croire ? Elle n’était pas plus capable que son ami de supprimer une vie humaine, en tout cas pas dans ces conditions. « Tu vas adorer le clou du spectacle, Joker. » Elle leva la main et prononça une formule, et quatre plaques de bois apparurent autour de l’homme grimé, l’enfermant dans un bruit sourd comme dans un cercueil. Il ne lui manquait plus qu’une épée et elle allait lui faire le bon vieux coup de la boîte à sabres.

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En vérité c’était fascinant. Le Joker savait au fond de lui qu’il devrait se tirer à la minute où il la voit se mordre profondément la chair. Il n’y connaît rien en magie, mais son instinct l’alerte. Ça ressemble trop à quelque chose d’ancien, de mystérieux et de sacré. Mais ce qu’il voit dans cette cage remplie d’eau ressemble trop à de la folie pour que ce mystère ne l’intéresse pas, pour qu’il ne le dévore pas des yeux presque avec gourmandise. Il l’observe, cette créature de magie, cette presdigitatrice qui lui vole son public, son succès, ce dont il rêvait et il aime la voir plonger dans les abimes qui l’habitent et qu’il ne quitte jamais vraiment. Danse petite sorcière, danse, dans la ronde infinie, de la douleur et de la démence, du sang et du désespoir. Il s’approche, captivé par le spectacle, observant les gouttes de sang s’agglutiner et former un mot. Ses sourcils se froncent. De la magie, ça semble être. Le clown ne croit pas en de pareilles choses qu’en la magie, qu’en la véritable magie, il n’y a guère besoin de cela pour que le monde soit triste à en mourir, tragique à en pleurer, comme une bonne comédie. Mais ce qu’il voit là ne s’explique, pas plus que la folie. Il sourit, penche la tête sur le côté, puis éclate soudainement de rire alors que le verre explose sous la pression de l’eau qui l’asperge en même temps que la scène dont il s’est approché.

Le Joker s’ébroua tel un animal sauvage en observant la magicienne encore attachée. « Alors, c’est pas du chiqué hein ? Tu pratique vraiment la magie ? » fit-il en bondissant tel un chat sur le siège, non pour s’enfuir mais pour l’observer. Certes, il aurait vraiment dû se tailler avant. Parce que si c’était vraiment de la magie ou des pouvoirs surnaturels comme l’ange bleu de métropolis, il allait vraiment devoir se trouver quelque chose pour s’assurer sa survie. Peut-être le Batman. Oui, ce dernier s’assurait toujours qu’il soit vivant, peu importait ce qu’il faisait, et l’amenait à Arkham où sincèrement le Joker passait toujours de bons moments. Ce bon vieux Batman qui ne comprenait jamais rien, et exécutait toujours les mêmes tours, mais c’est pour cela qu’il l’aimait tant, passionnément, à la folie ! Mais là, tout de suite, il devait cesser de sautiller en se bidonnant, il devait s’en aller. Qu’y pouvait-il s’il riait à en pleurer, secouer en deux pendant que quatre planches l’entouraient. « C'est quoi le prochain tour ? Laisse moi chérie, être le clou de ton spectacle, mais ne jamais sous-estimer un clown est la première des leçons ! » Allait-elle l’enterrer vivant ? Pourquoi pas, après tout. Ce serait de bonne guerre. Le clown n’avait cependant pas dit son dernier mot. Attrapant un de ses nombreux accessoires rangés dans ses innombrables poches, un truc qu’il avait piqué au Batman ça, et aux clowns évidemment. Toujours avoir deux ou trois trucs en poche pour surprendre le public. Il sortit une grenade, haussa les épaules, la dégoupilla et la jeta vers la jeune femme. Puis il sorti un pistolet et tira mais n’en jaillit qu’un drapeau, il le lança aussi vers la jeune femme. Puis il sorti un marteau, qu’il s’amusa à planter dans le bois, il posa le pied dessus, puis attrapa le haut des planches, et parvint à se hisser, et à sortir du trou à rat où elle l'avait mis. Tient, sa grenade n'avait explosé ?

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Elle n’y connaissait pas grand-chose à la folie, Zee. Pas la folie dont tout le monde s’emparait pour qualifier tout et n’importe quoi, pas les « fous » qu’elle avait déjà croisés et combattus, qu’on préférait taxer de cinglés plutôt que d’affronter en face leur mégalomanie, leurs idées répugnantes ou leurs arguments dérangeants. Non, las folie clinique, la vraie, c’était un trou noir pour elle comme pour d’ailleurs quiconque n’avait pas un diplôme de psychiatrie, il ne fallait pas se leurrer. Et là tout de suite, ce qui déstabilisait complètement la magicienne, c’était l’absence visible d’instinct de survie du Joker. Pour ce qu’elle en savait, il était humain, et comme tous les humains, il aurait dû avoir ce fusible ultime, déclencheur de la peur, du réflexe de fuite : la peur de la mort. Peut-être qu’il savait parfaitement qu’elle ne le tuerait pas, mais comment le saurait-il ? Ils ne se connaissaient pas. Et elle, bien sûr, elle ne le comprenait pas. Elle ne comprenait pas ce rire qui l’agitait, cette curiosité spontanée dans son regard, complètement déplacée compte tenu de la situation. Impossible d’anticiper ses réactions, ses actes, la moindre de ses paroles, et bien sûr, tout cela générait une seule question, obsédante : pourquoi ? Pourquoi faisait-il ça ? Qu’est-ce que ça lui apportait, si ça lui apportait seulement quelque chose, qu’est-ce qu’il gagnait ? Avait-il conscience du prix qu’il pouvait payer si elle le voulait, s’en souciait-il seulement ? La véritable folie était anormale selon les standards de Zatanna Zatara, évidemment, et alors, ne restait en elle que le malaise, le profond, déstabilisant malaise. Parce que, alors qu’elle aurait dû agir par réflexe comme elle savait le faire les yeux fermés, elle n’y arrivait pas. Il y avait toujours cette seconde d’hésitation qui éclatait en elle, comme une bulle de savon, simplement parce qu’elle le regardait et ne savait pas à quoi s’attendre tout en essayant de comprendre ce qu’il était et ce qu’il voulait.

C’était un abîme, en fait, il était un abîme dans lequel elle ne pouvait s’empêcher de regarder alors qu’elle n’avait pas du tout envie que l’abîme la regarde en retour. Elle hésita. Une seconde. Suffisante pour qu’il lui balance ce qui ressemblait à une grenade. Par réflexe, elle tendit la main et la transforma en lapin en peluche, mais déjà un autre projectile suivait et de nouveau elle hésita, tout en ayant conscience du danger que cela représentait : et si c’était une autre bombe ? Avec un cri de rage, elle lacéra l’objet d’un trait d’énergie, avant de se rendre compte que ce n’était qu’un vulgaire pistolet en plastique. Et le temps de relever les yeux sur le Joker, elle vit qu’il avait échappé à son piège. « Oui, Joker, la magie existe, mais je ne crois pas que tu puisses la comprendre. Et moi, je comprends pourquoi Batman se méfie tant de toi. » Oh, cela devrait lui faire plaisir, qu’elle dise cela, mais ce n’était pas comme si c’était un secret, pour personne. La vie de ces deux-là étaient intriquées, probablement à jamais, probablement même après que l’un ou l’autre disparaîtra. Elle se demanda si elle devait appeler la police. Mais si les flics arrivaient, ils risquaient de se faire blesser ou même tuer. « noisullI ! » Sur ce mot, une vingtaine de Zatana Zatara apparurent partout dans la salle. Elle pouvait essayer de jouer sur son terrain – les faux-semblants. Sauf qu’en fait c’était probablement une fausse bonne idée, justement.

Elle prit conscience aussi du temps qui passait. Si elle avait osé lancer sur lui une attaque létale, tout serait déjà fini. Foutue conscience. Toutes les Zee encerclèrent le Joker. « Laisse-toi arrêter, d’accord ? Je crois savoir comment ça va finir, tu seras de nouveau libre bientôt, mais en attendant, c’est la seule façon dont tout ça peut se finir sans que personne ne soit blessé. » Ah ça oui, son grand magicien de père serait fière d’elle, vraiment. Appelle Bruce ! Voilà ce qu’une petite voix hurlait dans sa tête. Mais merde, elle était bien capable de se défaire de ce type par elle-même. « Les véritables artistes savent mettre fin à leur petit numéro, Joker. Tu le saurais si tu en étais un. » Encore une fois : complètement désespéré de croire qu’elle pouvait déstabiliser un fou, mais en fait, pourquoi pas ? Tout était bon pour que cela se termine avec le Joker ligoté par terre, prêt à être récupéré par le GCPD.

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La tête du Joker se pencha sur le côté. Le fait que la magie existait ou non au fond l’intéressait peu. Il était presque déçu en réalité, la véritable prestidigitation était un art comme le fait de maintenir le souffle du public coupé, et la magie était en quelque sorte de la triche. Enfin, l’estimait-il ignorant les montagnes d’effort que la magie impliquait, ignorant plus encore les risques qu’elle comportait. Tout ce qu’il voyait c’était la déconcertante facilité qu’elle avait à changer l’état des choses et à détourner ses pièges. Il en était presque frustré. Mais pas déçu non, bien au contraire, il aimait que ses proies aient du répondant, lui tiennent tête, menace son existence. Mais honnêtement, c’est la flatterie qu’elle glissa qui le fit sourire, un immense, énorme, dévorant sourire. « C’est vrai ? Batou se méfie de moi ? Tu lui diras que moi aussi, je l’adore ! » Car assurément, craindre quelque chose c’était l’adorer selon les standards du Joker. Il avait joint ses mains, l’une contre l’autre, sous son menton. Il était l’imitation grotesque et inquiétante d’une figure de chérubin.

Sa nouvelle formule la fit se dupliquer, il ne compta même pas combien il y en avait. Il savait que c’était une illusion, et peut-être que toutes étaient elle, peu importait. Il attendit qu’elle vienne à lui, sagement, gardant la pose car il avait indéniablement le sens du spectacle. La jeune femme lui demanda de la laisser l’arrêter, ce qui le fit rire, éclater d’un immense et grand rire qui résonna dans la salle de spectacle. Il rit jusqu’aux larmes qui faisaient couler le maquillage qu’il portait, sous le blanc du maquillage se cachait une peau pâle et malade, rongée par des produits toxiques où il avait barboté bien plus qu’il n’était raisonnable de le faire. « Ma chérie, tu ignore la toute première règle du spectacle : the show must go one ! » s’exclama-t-il ravi de son petit effet en sortant de sa poche intérieure une petite fleur qu’il accrocha à sa veste calmement comme si de rien n’était puis il la regarda et lui lança un clin d’œil.

D’un doigt il pressa la fleur, de celle-ci jaillit un gaz dont il avait le secret, un gaz hilarant qu’il avait détourné, recomposé chimiquement, transformé en une arme létale. Ceux en respirant mourraient généralement, un grand sourire sur les lèvres. Lui était immunisé. Le bain dans les produits toxiques l’avait immunisé à pas mal de gaz mortels. « Allons, ris un bon coup, t’as l’air si stressé ! » Le clown du crime lui riait de bon cœur, il laissa le gaz les entourer. Il y avait vingt version d’elle, et toutes n’étaient pas aussi proche de lui, mais qu’importait, il aurait parié que la seule et vraie Zee se tenait juste devant lui, que c’était elle qui lui parlait, elle qui le foudroyait du regard alors qu’il riait de ce rire si caractéristique, glaçant, foudroyant, qui n’avait rien de communicatif, rien du tout, au contraire, ce rire éveillait une terreur venue du fin fond des âges.

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Un jour, un jour peut-être, le Joker ressortirait cette histoire à Batman, lui dirait qu’il savait de source sûre que le bat-justicier pensait à lui jour et nuit jusqu’à ce que les draps s’en souviennent et tout ça, et alors Zatanna passerait un sale quart d’heure, mais pour le moment elle s’en fichait bien, et elle espérait bien que quand Bruce viendrait râler, elle serait capable d’en rire, de ce moment. En attendant, elle ne riait pas, car évidemment, tout ce qu’elle pouvait dire ou faire n’impressionnait pas le Joker. C’était d’une ironie insupportable, car elle aurait pu le tuer d’un mot, d’un seul, oui elle aurait pu. Elle en avait le pouvoir, elle en avait même l’envie, qui la prenait violemment, par vagues, comme la marée qui monte. Mais elle ne pouvait pas. Non, elle ne pouvait pas ôter une vie, pas si ce n’était pas une question de vie ou de mort. Elle n’était pas du genre à se laisser trucider sans rien faire et elle avait déjà ôté la vie, elle savait ce qu’en pensait Batman, et même tous ceux de la Justice League. C’était bien pour ça qu’elle les avait fuis, tous, eux et leurs valeurs, qu’elle partageait, mais qu’elle n’était pas capable de suivre. Toute la question était là, le grand problème de la criminalité, de ceux qui se sentaient légitimes dans le mal qu’ils causaient : ils ne craignaient pas les conséquences. Malgré tout, Zee était contre la peine de mort, contre la mort tout court, et voilà pourquoi elle se retrouvait dans cette situation absurde. Même si elle se demandait pourquoi le Joker n’essayait pas de la tuer, elle. Peut-être qu’il ne pouvait pas non plus, et contrairement à elle, c’était une réelle question de capacité, et pas de volonté.

Une fois encore, il éclata de ce rire insupportable, un rire qui n’en était pas un mais le dictionnaire manquait de mots pour définir ce qu’il contenait, et ce qu’il provoquait chez elle. Pas vraiment la peur, pas vraiment le malaise, pas vraiment la rage, mais un peu de tout cela quand même, et bien plus encore. Non, il n’allait pas se laisser arrêter ; étonnant, n’est-ce pas ? Et voilà qu’en plus il lui donnait des leçons ? Alors ça, jamais. S’il y avait bien une chose dont elle était sûre, c’était qu’elle était meilleure artiste que lui. Toutes les Zatanna se jetèrent sur lui, mais au même moment, un gaz jaillit de sa veste. Planquée au milieu de ses doubles, la magicienne n’eut d’autre choix que de reculer brutalement, quand toutes les autres, dans la seconde qui s’écoula, continuèrent d’avancer, dévoilant aux yeux de son adversaire où était la vraie Zee. Ses doubles ne craignaient pas son petit tour, évidemment, mais elle avait bien assez souvent entendu parler des armes horribles dont le Joker se servait pour préférait battre en retraite, sans trop savoir si elle avait été touchée ou pas. Quel horrible bonhomme. Quelles horribles circonstances l’avaient mené à ça ? Zee avait de l’empathie et de la sensibilité, mais pas pour lui. Elle se fichait de ses souffrances, rien ne justifiait à ses yeux ce qu’il était – ce qu’il avait fait à Jason. Elle sentit sa gorge se contracter et une quinte de toux la secoua, qui se transforma en un rire bref et abrasif. Oh non, non certainement pas.

Elle avait déjà entendu parler de cette toxine et avait pu en voir les effets sur des archives collectées par Bruce. Elle n’avait pas assez d’ego pour ne pas savoir quand il lui fallait battre en retraite, surtout qu’elle était sûre que l’affreux rictus morbide des victimes de ce gaz ne lui irait pas du tout au teint. Toutes ses illusions éclatèrent sur le Joker en se transformant en paillettes qui l’ensevelirent par milliards, tandis que sur un dernier « annataZ tuo ! », la magicienne se téléportait, directement dans la batcave, où elle savait qu’elle trouverait Batman, ou à défaut Alfred, qui pourrait lui administrer l’antidote à cet horrible poison. Plus tard, elle pourrait grogner sur le fait que cela faisait deux fois que le Joker se fichait d’elle – mais en attendant, elle devrait aussi probablement affronter la colère froide de Bruce, qui lui arracherait la promesse de ne jamais se confronter seule à nouveau au Joker, promesse qu’elle ne tiendrait jamais évidemment.

UNE STAR AU MUSÉE DES ANTIQUITÉS DE GOTHAM !

C'est un témoignage extraordinaire qui trône depuis mercredi dans la salle la plus reculée et la mieux protégée du musée des Antiquités de Gotham City, dans le cadre de l'exposition temporaire sur les Objets du quotidien mythologique à travers le monde. L'épée d'Arthur, Excalibur, a en effet entamé un tour du monde sous l'impulsion d'un généreux mécène qui a souhaité rester anonyme (il se murmure, dans les milieux de l'art, que le propriétaire de cette pièce maîtresse et inestimable serait le riche collectionneur Jason Blood). Il y a quelques jours encore, Excalibur ravissait les New-Yorkais, mais c'est à présent à Gotham que la célèbre épée fait escale. On se souvient du débat que la décision du conservateur du musée de Gotham de ne pas accueillir l’œuvre d'art entre ses murs avait suscité : Allan Johnson clamait alors ne pas avoir les fonds suffisants pour avoir pu installer un système de sécurité apte à protéger l'inestimable objet, profitant de cette tribune médiatique rare pour exprimer d'ailleurs les problèmes récurrents de budget auxquels est confronté le musée, accusant à demi-mots la municipalité de Gotham City de ne pas assez injecter d'argent dans la vie culturelle gothamite. M. le maire s'est évidemment empressé de s'exprimer à ce sujet, prouvant à tous sa bonne volonté en acceptant à la place d'Allan Johnson d'accueillir Excalibur, promettant par la même occasion plus de moyens humains et techniques pour protéger l'épée. Dévoilée au public il y a deux jours, la lame mythique a déjà fait se déplacer plus de sept mille visiteurs. Votre serviteur a visité l'exposition cet après-midi même : n'hésitez plus, foncez ! Ce ne sera pas l'ajout supposé de personnel de sécurité qui vous gâchera le plaisir car en vérité, qu'ils soient très discrets ou simplement imaginaires, les vigiles ne se marchent pas dessus dans le musée, contrairement aux touristes venus de toute la région !

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La venue de la célèbre épée Excalibur à Gotham avait fait tout un foin. Que l’épée soit vraie ou un simple bout de métal datant à peu près de l’époque où la légende avait été consignée sur papier par des moines copistes en mal d’imagination, tout le monde voulait voir l’épée. Le vernissage avait attiré une masse de personne assez impressionnante, et déjà, tous les monstres criminels de Gotham envisageaient de la voler. Le Pingouin avait rassemblé ses hommes et planifié de voler l’épée dans le but de montrer l’incapacité du maire à protéger dignement les trésors de Gotham, tout le monde savait que le Pingouin rêvait de s’asseoir à la place du Maire. Catwoman envisageait le vol évidemment, et le ferait discrètement, quand personne ne le verrait, à un moment où l’attention serait détournée sur tout autre chose, comme la soirée de bienfaisance ayant lieu dimanche soir par exemple. Même Poison Ivy, Harley Quinn avaient prévenue elles aussi de tenter un vol, quoi qu’il est possible qu’elles finissent par se rattacher à Cat. Joker savait tout cela, y compris l’intention de Double Face de la faire fondre en plusieurs pièces. Il avait des oreilles partout et surveillait soigneusement les autres gangsters qui pensaient pouvoir lui damner le pion. C’était en connaissant leur plan à l’avance qu’il pouvait les devancer, les coiffer au poteau, ou profiter de tous leurs efforts à un endroit pour faire ses affaires pendant ce temps là ailleurs. Joker n’avait pas le moindre attachement à cette épée ni la moindre envie de la voler, de prime abord. Mais, le chef de la sécurité embauché spécialement pour l’événement s’était vanté que même le Joker ne parviendrait à déjouer son système de sécurité et pareille déclaration avait de quoi donner envie au clown de lui prouver qu’il se trompait lourdement.

Seulement, Joker ne ferait comme aucun autre des criminels de Gotham. Il n’avait pas l’intention d’attendre la soirée de bienfaisance organisée par Bruce Wayne, ni de s’acoquiner avec aucun autre criminel, le défi lui avait été lancé à lui. Et justement, vendredi soir, l’exposition restait tardivement ouverte proposant à ses plus jeunes visiteurs des prix réduits. Le clown n’avait que faire de l’épée, en revanche, s’attaquer à un large public, la jeunesse dorée de Gotham, l’avenir de Gotham, le poumon de Gotham, son cœur battant, cela lui donnait le sourire, cela lui donnait envie de rire aux éclats ! Il avait donc prévu de débarquer ce vendredi soir, en tenue pour l’occasion. Il s’était déguisé en ce vieux Merlin, même s’il ressemblait plus à Floki, le fou dans Vikking qu’à Merlin, ou à clochard complètement dingue vous sautant dessus à la gorge dans la rue. Ses hommes avaient tous des déguisements plus ou moins adroit en lien avec la légende arthurienne. Simple passe droit pour rentrer. Les gardes furent en effet trop stupides pour voir une menace en eux, pensant qu’il s’agissait là d’un public de passionné. Le Joker dut se retenir de pas les tuer ou les taillader, diantre qu’il aimait tailler d’immenses sourire aux gens trop stupides pour se méfier de lui. Il pensait leur rendre service, leur donner une leçon de vie, en réalité, il s’amusait comme un petit fou. Il dansait presque autour de la vitrine. Il saisit l’une des arbalètes exposées et ficha un carreau dans la vitrine qui explosa aussitôt. L’alarme silencieuse résonna aussitôt. Le Joker s’empara de l’épée, abandonnant l’arbalète dans les bras d’un de ses gars habillés en Morgane. Dommage pour eux, Harley était partie de la bande, elle aurait été magnifique en Morgane, elle aurait su adapter le mythe à ses formes généreuses, à sa folie dansante, elle avait toujours eu le sens du spectacle. Il vivait mal la rupture, devenant de plus en plus dangereux.

« J’ai décroché Excalibur tonna-t-il, il me faut trouver mon jeune Arthur ! » Il éclata de rire en disant cela enfonçant l’épée dans le torse du premier adolescent face à lui. « Mais non, pas comme ça, faut la prendre avec tes mains ! » Le pauvre ado essaya de se protéger, tendit ses mains face au clown qui les lui découpa d’un geste vif. Diable, cette épée était drôlement tranchante. Il avait pensé qu’elle serait émoussée, toute rouillée, mais non, elle semblait luire d’une étrange lueur comme si le sang versé l’abreuvait. Le joker n’y prêtait évidemment pas attention, il la faisait tournoyer joyeusement envisageant à présent de faire rouler des têtes après avoir tranché des mains. « Allons, qui sera le roi Arthur ! » Le public glapissait de terreur, hurlait, paniquait, se ruait vers les sorties tandis que le Joker dansait presque l’épée à la main, attendant les gardes, les justiciers, ayant envie de s’amuser ce soir.

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« Tu es complètement cinglé de confier ce truc à Gotham. » C’était en substance le message qu’elle avait envoyé à Jason quand elle avait appris, pour Excalibur au musée. Enfin, en termes un peu plus polis, parce qu’elle le respectait, quand même. Mais vraiment. C’était triste à en mourir de voir le peu d’argent alloué à la vie culturelle à Gotham, quand bien même des gens comme Bruce ou même elle faisaient régulièrement des dons. Zee était à fond pour les initiatives qui pouvaient pousser les habitants de la ville à sortir, à découvrir des choses et à se changer les idées. Et sur le papier, c’était incroyable que cette pièce ait trouvé sa place dans un musée à Gotham. Mais Zee ne donnait pas une semaine à l’objet avant qu’il ne soit la victime de tentatives de vol. Un truc pareil dans un musée mal surveillé et mal équipé, c’était l’équivalent du batsignal dans le ciel de Gotham : un appât, une friandise pour tous les voleurs, cambrioleurs et autres caïds de la ville. Et ça n’aurait pas dû être son problème. Elle avait demandé à Jason s’il avait au moins fait en sorte de protéger l’épée et il avait eu une réponse cryptique, un smiley bizarre, de sorte qu’elle n’avait pas su s’il répondait par l’affirmative – et elle y croyait, il avait dû jeter deux ou trois sorts bien corsés sur Excalibur – ou si ce vieux machin bourgeois ne savait juste pas se servir de son smartphone, ce qui était une possibilité. Bon, elle se doutait que tous les justiciers de la ville étaient également sur le pied de guerre. Mais enfin, pour bien faire, il aurait fallu s’organiser. Si tout le monde faisait le guet de neuf heures à cinq heures puis rentrait chez lui, ça ne servirait à rien. Elle doutait que Batman s’intéresse à une vieille épée poussiéreuse, on ne pouvait pas tuer plus de monde avec ça qu’avec une fourchette, à moins que l’épée ait des propriétés magiques, ce qui n’était pas exclu, mais Grognon préférait s’occuper des hommes, et pas des objets.

Alors voilà, nerveuse, tout en se disant qu’elle aurait dû s’en ficher, si Jason se faisait piquer ses jouets, elle faisait des petites incursions nocturnes et diurnes dans le musée, sans faire sonner les alarmes, son corps intangible ne s’affichant pas sur les caméras de surveillance, si seulement elles marchaient, et si seulement il y avait un pauvre type mal payé présent devant les écrans de contrôle toute la nuit. Elle était sûre qu’après s’être fait passer pour un grand mécène dans les journaux, le maire n’avait pas versé un centime de plus au musée pour renforcer la sécurité. Personne ne s’y attendait, ni la presse, ni le directeur du musée, ni même les gens de Gotham, et quand cette épée serait volée, cela n’étonnerait personne, et c’était cette inertie générale qui permettait à des types comme cet idiot de maire de ne jamais avoir de problèmes. Il y avait du monde ce soir encore, le musée ayant décidé de repousser son heure de fermeture pour permettre à toujours plus de monde de venir. Au moins, financièrement, c’était une bonne chose pour le directeur… Elle montra son pass à l’année à l’entrée et le vigile la salua d’un air méfiant. Cela faisait quatre fois qu’elle venait cette semaine, elle devait avoir l’air d’une cinglée. Elle traversa les différentes salles sans s’arrêter ni jeter un regard aux collections. Juste avant d’arriver au clou du spectacle, elle vit que les gens s’étaient mis à courir en sens inverse, droit vers la sortie. Elle pressa le pas en serrant les dents. Avec les hurlements qui retentissaient de la pièce où était exposée Excalibur, inutile de se demander ce qui était en train de se passer. Le seul mystère qui restait, c’était de savoir lequel de ces idiots s’était décidé à agir. Elle espérait que ce ne soit pas Selina. Elle l’aimait, mais elle ne pouvait pas lui laisser cette épée.

La scène qui l’attendait la fit se figer sur place, et son sang se glaça dans ses veines. Oh non. Non, non, non. Ce n’était pas un vol, ou en tout cas pas un simple vol. Un voleur ne restait pas sur place avec son butin à attendre les vigiles. Un voleur ne blessait pas les gens, pas avec une telle cruauté. La plupart des gens s’étaient enfuis, un garçon gisait à terre, recroquevillé sur lui-même dans une marre de sang, et quatre ou cinq vigiles s’étaient ramenés, armes à la main. Face à eux, une bande de types déguisés, dont un brandissait Excalibur et braillait avec une voix qu’elle ne reconnaissait que trop bien. Cela la fit frémir. Elle ne s’était pas du tout attendue à ce que ce soit lui. Inutile d’essayer de comprendre la raison de sa présence. Elle se précipita sur l’adolescent et lui lança aussitôt un sort de guérison pour sa plaie à la poitrine. Quant à ses mains… Elle se mordit les lèvres. Les plaies étaient nettes et toutes fraîches. Alors que dans son dos, elle entendait les vigiles hurler à la bande de se rendre – dans dix secondes, ce serait un bain de sang –, elle ouvrit un portail directement dans les urgences de l’hôpital de Gotham et y téléporta l’adolescent. Et ses mains. Il faudrait compter sur le personnel soignant de l’hôpital, et elle leur faisait confiance. Elle se releva ensuite, et foudroya le Joker du regard. « zegagéD ici’d ! » hurla-t-elle à l’adresse des vigiles, qu’elle envoya voler hors de la pièce d’une rafale de magie, du moins ceux qui étaient encore vivants. « Donne-moi cette épée, Joker. Elle est faite pour un roi, pas pour un bouffon. » Mais elle savait que ça ne servait à rien de la lui demander. Alors elle tendit la main vers le Joker, et vers la lame. « sneiV à iom, rubilacxE ! »

Et là, elle sut qu’il allait y avoir un problème. Sa magie rencontrait une résistance bizarre, antinomique, une magie qui n’était pas la sienne et qui était faite spécifiquement pour se défendre – oh, non, Jason, vieux renard ! Mais c’était trop tard pour reprendre ses mots et son sort. L’épée vint à elle, mais le Joker aussi, pour ce que ça valait, puis elle sentit le choc de deux magies opposées qui déchira littéralement l’espace tout autour d’eux, lui coupant le souffle et l’aveuglant momentanément.

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L’épée dans la main, le Joker jouait au roi ou plutôt au bouffon du roi, un rôle qui lui allait à ravir mais cette farce se devait d’être macabre et le sang de couler. Le pauvre gosse qui se trouva sur son chemin fut planté par l’épée, en pleine poitrine, et les mains coupées, sur un caprice du bouffon qui n’aimait rien d’autre que de voir la panique, le chaos, et d’entendre les cris, les hurlements de terreur autant que de douleur. Ce spectacle fut pourtant gâté par l’apparition d’une petite souris. Une magicienne qu’il avait tourmenté par deux fois, enfin, tourmenté, il avait surtout rendu ses spectacles et ses numéros plus trépidants qu’ils ne l’auraient été sans lui. La petite souris soigna sa victime malheureuse, à son habitude de vouloir réparer des tords ne lui étant causé, une regrettable habitude qu’il avait déjà observé chez ses vieux ennemis de la bat-family. Joker eut alors l’expression la plus contrariée du monde. Cette petite souris provoquait chez lui tantôt de l’inspiration pour de sordides tours dont il avait le secret, tantôt élan de colère le rendant aussi impulsif et sadique que sa triste réputation. Soupirant en la voyant paraître et lui arracher des mains sa victime, il fit signe à ses hommes de préparer la retraite tandis qu’il préparait pour la sorcière un mauvais tour de son secret. Il s’apprêtait à jeter son gaz auquel elle avait déjà par un miracle étrange survécu, espérant qu’elle aurait la même réaction de fuite mais il n’en eut le loisir, elle l’attira à lui, il ne sut qui de l’épée ou de lui elle voulait attirer à elle, certainement l’objet de valeur qui n’était à ses yeux qu’un accessoire, qu’un trésor ridicule. Ce qui se passa ensuite fut tout simplement extraordinaire !

Ni lui ni elle ne s’y était attendu. Le Joker n’y entendait rien en magie et n’aurait jamais pu soupçonner que l’épée eusse été véritable encore moins qu’elle fut magique. Mais la dame qui jetait des sorts quand lui jetait des cadavres dans les fleuves et cuves d’acides, parut-elle aussi surprise. Le clown eut bien du mal à croire que l’histoire la surprenait autant. Mais, le fait d’être projeté dans un autre monde aussi surprenant fut-il, ne fut point si désagréable. Outre le léger trouble qui le gagna, le haut le cœur que lui procura le voyage, ses yeux découvrirent un univers coloré, aussi dingue que son imagination n’aurait pu l’envisager quoi qu’il avait une sacrée imagination et de quoi l’alimenter, surtout quand il venait jouer les troubles fêtes aux magiciennes et artéfacts aussi anciens. Des couleurs de partout, des espaces à la géométrie impossible, des odeurs aussi abominables que surprenantes, des animaux stupéfiants, créatures incroyables qu’on ne saurait imaginer, mais le plus étrange était la surface du sol, enfin, sa texture. Molle on s’y enfonçait joyeusement avant de rebondir. L’ensemble ressemblait à une version enfantine qu’on aurait pu avoir d’une dimension parallèle. Peut-être l’était-ce, après tout, il tenait une épée, et aimait les mauvais tours comme un vilain garçon. « Quelle fantaisie incroyable, petite sorcière si tu avais envie de m’emmener en voyage, il suffisait de le demander ! » plaisanta-t-il en regardant la petite souris qui l’avait accompagné dans le voyage et tenait encore l’épée. Il dégagea celle-ci des mains de la magicienne. « Dis donc toi, laisse-moi mon épée, c’est moi qui l’ai trouvé. » lâcha-t-il comme un enfant capricieux. Mais cet affront qu’il lui faisait valait-il l’estime qu’il lui portait ?

Car alors qu’une de ces créatures étranges qui habitait ces lieux s’approcha d’eux ou plutôt fonça sur eux. Gigantesque limace rose transparente qui ressemblait à une énorme gelée, elle avait néanmoins une taille suffisante pour être vu comme une menace d’autant que sa salive paraissait cuisante, acidulé. Le Joker ne laissant le temps au doute pourfendit la créature qui s’avançait par trop vite et par trop frontalement sur leurs personnes. Ainsi lui avait-il, le pensait-il, sauvé la vie.

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C’était un cauchemar. Non, c’étaient deux cauchemars. Un cauchemar dans un autre cauchemar. Le tout saupoudré d’un peu de cauchemar pour faire bonne mesure. Zee savait parfaitement ce qu’il s’était passé. Elle avait tenté d’envoyer le Joker directement à la case prison, mais son portail dimensionnel les avait envoyés ailleurs à cause de la magie maintenue dans Excalibur. Et elle était même sûre que cet affreux monde sur lequel ils avaient atterri, qui semblait tout droit sorti de la tête d’Hannibal Lecter quand il devait avoir trois ans ne leur avait pas tendu les bras au hasard. Il fallait probablement y voir l’influence du propre esprit du Joker. Si Zatanna s’en était tenue à sa propre idée, au moins, ils se seraient retrouvés à Manhattan ou sur une plage de Sumatra, mais certainement pas dans ce dessin-animé des années quatre-vingt-dix à donner la nausée. Par prudence, elle s’envola aussitôt, abandonnant pour le moment l’épée à son ennemi, qui de toute façon ne pouvait plus en faire grand-chose à part peut-être se la planter dans la jambe à force de l’agiter comme un cinglé, ce qui la dérangerait pas plus que ça. En fait, objectivement parlant, la situation n’était pas si terrible. Elle pouvait tout simplement s’en aller d’ici, et ses ennuis, et ceux de nombreuses personnes à Gotham, d’ailleurs, seraient réglés. Oui, à condition d’abandonner l’épée avec le Joker. Et puis, en vérité, pouvait-elle vraiment l’abandonner ? L’idée était plaisante et elle la goûta quelques secondes avec plaisir, mais elle savait déjà qu’elle n’en serait pas capable. Pas plus qu’elle ne serait capable ensuite de regarder Bruce dans les yeux quand ce dernier se demanderait tout haut où était passée sa Némésis, sachant qu’il saurait très bien ce que Zee avait fait, vu qu’il savait toujours tout, et qu’il la jugerait et la condamnerait pour ça. Foutue morale !

Non, elle n’avait pas d’autre choix que d’évacuer les lieux avec l’idiot du village. Mais tant qu’il tiendrait l’épée, ce serait compliqué, très compliqué. Elle refusait de jouer à nouveau à ouvrir un portail tant qu’Excalibur était entre ses mains. Elle pouvait gérer le voyage avec cette force magique contraire, mais seulement si c’était elle qui tenait l’épée, elle qui se protéger de son influence, et si aucune autre influence ne venait perturber ses propres ondes. Donc, elle avait besoin qu’il lâche cette épée. Mais elle ne pouvait pas la lui prendre avec la magie, donc. Ne restait que la bonne vieille violence physique, et il avait beau ne pas payer de mine, elle savait qu’elle ne pouvait pas lui sauter dessus comme ça, il allait falloir qu’elle attende son moment. Qui ne serait pas maintenant, vu qu’une limace géante décida soudain de leur foncer dessus. Zee s’envola un peu plus haut avec une exclamation de dégoût, observant le Joker manier l’épée. Il s’y croyait vraiment. Elle plana à son niveau pour observer le cadavre dégoulinant de bave et de sang bleu. « Regardez-moi ça. On devient chevaleresque, et tout. Laissez-moi deviner, quand vous étiez petit, vous rêviez d’être chevalier, de sauver les demoiselles en détresse ? » Oh, elle s’en fichait bien du Joker-quand-il-était-petit. Et puis, à cet instant, le cadavre de boursoufla soudain, enfla et se tordit dans tous les sens. « Oh non. Non, non, non, NON ! » Le cadavre explosa à ce moment-là et elle leva le bras pour former un bouclier de magie au moment où le sang, la bile, les entrailles et le reste giclaient dans tous les sens et que se déversaient partout des milliers de toutes petites limaces s’extirpant de la carcasse.

Zee resta de longues secondes le bras en l’air, à regarder les liquides dégouliner sur son bouclier invisible comme une vitre, et les rejetons de l’enfer s’éparpiller autour d’eux. Elle se tourna vers le Joker, pâle comme un linge, qu’elle avait par défaut protégé des jets de sang acides et du reste. « Écoutez-moi bien, vous. On va tout de suite repartir dans notre monde. » Parce qu’elle ne supporterait pas une seconde de plus d’être dans cet enfer bubble-gum et boyaux. « Donnez-moi cette épée, comme ça on sera sûrs de ne pas atterrir dans l’espace la prochaine fois. » Est-ce qu’elle tentait de faire appel à son bon sens ? Acte d’une désespérée, c’était sûr. Son bouclier éclata comme une bulle de savon et elle attendit, la main tendue, que le Joker se montre sage et raisonnable.

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Joker devait bien l’avouer, passé la surprise de se découvrir ailleurs, il s’amusait comme un petit fou. Ce monde aux couleurs hallucinées et aux créatures hallucinantes qui avaient l’air de sortir tout droit d’un auteur de SF des années 70 après avoir englouti une bonne dose d’acides lui plaisait. On aurait dit une version améliorée et survitaminée des rêves qu’il avait parfois. C’était dans ce genre d’univers qu’il aurait aimé inviter Harley en balade. Depuis qu’elle l’avait plaquée pour aller vivre chez Poison Ivy il broyait du noir, et pour palier à ce noir qu’il se refusait de broyer, pas question d’avoir l’air d’être triste ou en manque, c’était elle qui était partie après tout, il essayait donc de rire de tout, d’être tout le temps joyeux, tout le temps énergique. Un bel effort de compensation. Et cet univers semblait parfaitement coller. Sauf qu’il y manquait sa princesse, Harley. Sans elle ce monde paraissait un poil fade. Enfin, le pensait-il jusqu’à ce qu’une grosse limace lui fonce dessus. Joker n’avait aucune idée de ce qu’était cette créature mais il avait envie de planter sa grosse épée dedans juste pour voir de quoi elle était faite à l’intérieur. Il entendit au loin une voix se moquer de lui, la sorcière, il l’avait presque oublié, tout halluciné par le monde incroyable qu’il avait sous les yeux. Il acheva la créature, et se tourna vers le ciel où la magicienne volait et le narguait. « Chevalier, tu déraille ma vieille. Redescend donc, y’a des chances pour que l’air soit toxique, tu commence à sérieusement partir en… » La créature ou plutôt son cadavre faisait un bruit bizarre, et paraissait gonfler. Il ne s’éloigna pas comme l’aurait voulu la prudence, la mesure ou simplement la logique, non, il s’avança curieux et planta son épée dans la boursouflure qui explosa aspergeant essentiellement la magicienne et un peu le clown.

Bien que responsable en grande partie des aventures qu’ils vivaient, le clown ne se sentait absolument pas coupable, d’ailleurs pour lui, ce trip d’enfer était vraiment très cool. Il n’avait aucune envie de revenir au monde normal quand un nouveau monde s’offrait à lui. Peut-être pourrait-il régner sur ce monde… il avait envie de chevaucher une de ces limaces. « Pourquoi repartirions-nous ? Est-ce que Christophe Colomb est reparti après avoir découvert l’Amérique ? » fit le clown en secouant la tête et gesticulant encore l’épée. Ça l’amusait de faire des moulinets avec, d’autant que la dite épée brillait quand il faisait cela, et produisait un son marrant, une sorte de wosh lorsqu’elle passait près de son oreille. Il observa l’étendue colorée autour d’eux voyant des créatures étranges au loin se rapprochant d’eux. Ils étaient l’objet d’une vive curiosité manifestement. « Te donner l’épée ? Pour qu’on se retrouve dans un monde peuplé de lapins magiques ? Non merci. J’ai pas envie. » fit-il boudeur. Il avait conscience qu’elle avait un net avantage ici dans cet univers de magie, puisque s’en était un, forcément. Mais manifestement l’épée jouait un rôle, alors il ne comptait pas la lâcher. De surcroit, elle n’osait pas s’approcher de lui, sans doute était-ce parce qu’elle redoutait qu’il la gaze à nouveau. « Si j’ai bien compris, c’est l’épée qui nous fait voyager… tu crois qu’elle fait voyager dans le temps… si supposons je voulais arriver avant la naissance de Batou… » Il eut un sourire mauvais. En vérité même si l’idée l’amusait, empêcher la naissance de Batman l’ennuyait profondément. Il ne pouvait se passer de son meilleur ennemi, n’est-ce pas ?

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Elle savait bien que scientifiquement parlant la folie n’était pas contagieuse, mais ce type allait la rendre folle, c’était sûr. Si l’air était toxique ici, c’était probablement à cause de lui et de toutes les bêtises qui franchissaient ses lèvres. Deux secondes après qu’elle lui ait demandé l’épée, elle baissa la main, parce qu’elle souvenait de ce qui était arrivé aux mains du pauvre gosse qui avait croisé la route de Joker et de l’épée, et parce que de toute façon, elle savait bien que c’était inutile. De demander. De demander gentiment. Sauf qu’elle n’osait plus utiliser la magie sur lui tant que ce fichu canif faisait partie du tableau. Dès qu’elle serait rentrée, elle agonirait Jason de reproches, elle lui ferait payer. En attendant, elle ne voulait pas trop montrer à Joker ce qui la retenait de ne pas le transformer en grenouille ici et maintenant, de sorte qu’elle opta pour un repli stratégique. Vu qu’il semblait avoir quand même pas mal de soucis d’attention, il lui suffirait d’être patiente. Elle possédait au moins cette qualité-là, même elle était mise à rude épreuve par son binôme de l’angoisse. Elle leva les yeux au ciel en réponse à la comparaison avec Christophe Colomb. Ah ouais, et c’était la prochaine étape, ils massacreraient toutes les populations du coin pour y planter des champs de coton ? Cela dit, il ne pouvait pas vraiment comprendre à quel point il était dangereux pour eux d’être ici. Et même s’il l’avait compris, il y avait de fortes chances pour qu’il s’en fiche complètement. Sauf qu’à un moment donné, il devait bien avoir un minimum d’instinct de survie ! Il n’aurait pas vécu aussi longtemps, sinon. S’il n’avait eu que Batman comme ennemi, c’était facile, vu que la chauve-souris ne tuait jamais personne, mais il y en avait d’autres qui avaient tenté leur chance. Le Joker ne voulait pas mourir, aux dernières nouvelles. Et il devait bien y avoir un moyen d’atteindre les deux onces de conscience qu’il devait cacher quelque part.

Patience, donc. Uuuuugh. « C’est moi qui nous fais voyager, que les choses soient claires. Et c’est moi qui nous ramènerai chez nous, au cas où l’envie vous prendrait de vouloir me couper la tête. Vous trouvez ça drôle maintenant mais ça ne va pas durer et je suis sûre que vous allez finir par vous lasser. » Il y avait bien des trucs auxquels il tenait et qui lui donnerait envie de rentrer. Une douche. Des toilettes. Un chien. Peu importait. Quant à sa proposition de voyager dans le temps… Honnêtement, elle fut tentée de dire oui juste pour le convaincre que pour l’emmener trucider baby-Bruce, elle avait besoin qu’il lui donne l’épée, mais il n’y croirait jamais. S’il avait proposé de tuer Hitler, à la limite, elle aurait été crédible d’accepter, mais ça… « C’est ça, vous seriez satisfait de le battre comme ça, sans même l’affronter… Ce n’est pas très spectaculaire, comme façon de faire. » Elle croisa les bras en tapant du pied par terre le temps de retrouver son calme. Elle pouvait partir sans lui. Non, elle avait déjà dit non. Cette idée revenait en boucle, probablement parce que c’était la seule qu’elle avait pour le moment. Partir, et revenir avec Batman ? Pff, et à quoi ça servirait à part le coincer ici, lui aussi ? N’empêche qu’elle se garda ça dans un coin de l’esprit. Un peu aussi parce qu’imaginer « la Nuit » dans ce décor amena un sourire sur ses lèvres contre lequel elle lutta un moment de peur de passer pour une cinglée avant de se rappeler avec qui elle se trouvait.

« Écoutez, l’épée créé des distorsions dans la magie. Elle est dangereuse, et elle peut tout  à fait avoir votre peau si… si… » Elle n’arrivait plus à se concentrer. Une espèce de grosse volaille au plumage violet s’était posé près d’eux et les regardait fixement. Zee essaya de ne l’ignorer, mais elle avait perdu le fil de cette conversation déjà complètement barrée, et de toute façon, la volaille voulait s’exprimer. « À moi. » La magicienne fixa le volatile parlant avant de fixer Joker. C’était encore une de ses blagues ? Mais le piaf parla à nouveau : « À moi. » Puis un second se posa à côté de lui. Et un troisième. « À moi. » « À moi. » « À moi. » Et tout en disant cela, ils regardaient plus spécifiquement Joker. Est-ce qu’elle avait envie de savoir pourquoi ces dindons clamaient la paternité du Joker ? Elle se fichait bien des outrages qu’ils voulaient lui faire subir. Ou pas. Sauf que ce n’était probablement pas lui qui les intéressait, en vérité. L’épée rayonnait de magie pour quiconque y était sensible d’une manière ou d’une autre. Une vraie sucette. Un phare dans la nuit. L’anneau unique. Zee recula doucement. Quatre autres piafs venaient de grossir cette armée angoissante. « C’est l’épée qu’ils veulent. Laissez-la-leur, d’accord ? Elle ne vaut pas votre vie. » Ah, elle valait mille fois sa vie !! Mais ça restait un objet, et en plus, si le Joker abandonnait Excalibur, ils pourraient rentrer chez eux. Et elle n’aurait plus qu’à trouver une merveilleuse histoire pour expliquer à Jason où elle avait perdu son épée.

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La sorcière prétendait que c’était elle qui les faisait voyager dans le temps, mais il avait un doute. Peut-être que sa magie et celle de l’épée provoquait le phénomène mais elle ne paraissait avoir le moindre contrôle dessus… Il l’observa en essayant de comprendre le phénomène. Il ne s’y connaissait pas le moins du monde en magie, et la plupart du temps, ce genre de choses l’assommaient, de sorte que, il n’y prêtait pas réellement de l’attention. Mais à cet instant, dans ce contexte particulier, il lui fallait mieux comprendre, et donc apprendre ces choses là aussi vite que possible. C’était ça son talent, l’improvisation et un sens de la déduction assez éclatant, peut-être pas autant que le chevalier noir, mais tout de même, il l’équivalait presque quand il s’en donnait la peine. Il observa la sorcière. « C’est bien pour ça que je veux pas vous filer l’épée ma chère, d’un vous n’avez aucun sens de l’humour, de deux vous seriez enchantée de me laisser ici. Ne le niez pas, ça vous arrangerait. Vous n’auriez à vous soucier de moi. Je ne vous en fais pas le reproche, je ferais la même chose si je le pouvais. » Parce que tout aussi fou qu’il était le Joker était quelqu’un d’assez perspicace qui comprenait le genre humain et les affects de chacun, c’est ce qui le rendait aussi perturbant au fond, comment quelqu’un qui semblait ne vivre que pour le chaos, se nourrir que de la folie, pouvait-il comprendre aussi bien la psyché humaine ?

Evidemment l’idée de tuer Batou avant même qu’il ne devienne le justicier ne plait pas à la magicienne. Il secoue la tête. « Oh ma chère, je disais ça pour voir votre réaction, mais quel intérêt aurais-je à l’empêcher de devenir la superbe créature qu’il est devenu ? Sans lui, je ne suis rien, et j’ose espérer que l’inverse est vrai, mais j’ai des doutes. » C’était sans doute la plus éclatante déclaration d’amour et d’admiration du Joker pour le chevalier noir. C’est vrai qu’il l’aimait, et qu’il l’admirait, et plus encore, que le Batman lui avait inspiré le Joker, que sans lui il n’y aurait jamais eu de Joker et cette idée empoissonnait l’esprit du chevalier noir plus sûrement que la mort traumatisante de l’un de ses Robins. Il eut un petit sourire en songeant à cela.

La magicienne essaya de le convaincre de renoncer à l’épée quand des volatiles vinrent à la charge en disant des A moi digne d’un film de Pixar. Le Joker regarda amusé les piafs qui leur tournait autour. Il voulu voir l’effet que pouvait avoir la dite épée sur les piafs. La magicienne disait que c’était l’épée qui les attirait, qui provoquait des distorsions de magie. Peut-être disait-elle ça pour le faire renoncer mais elle semblait bien trop insister sur la question alors que manifestement ça n’avait aucun effet sur lui. L’argumentation semblait d’ailleurs assez faible, pas très convaincante avec quelqu’un comme lui que ni la mort ni la folie n’effrayait. Aussi agita-t-il l’épée et les oiseaux s’envolèrent sur ce mouvement, tournoyant dans le ciel avant de fondre en piquée vers lui. Joker sourit, il adorait ça, de l’action, il abattit l’épée sans même réfléchir à ce qu’il faisait sur le premier oiseau, puis le second. Les corps s’accumulaient à ses pieds et leur sang scintillant entourait le Joker, réagissait avec l’épée. Quelque chose allait se produire d’une seconde à l’autre et le Joker n’en avait pas conscience ou alors cherchait justement à provoquer quelque chose… « C’est comme jouer à la Wii ! » s’exclama-t-il en faisant voler la tête d’un Dindon en direction de la magicienne. « Attrape ! » lâcha-t-il en éclatant de rire. La magie continuait à pulser et à se concentrer, l’explosion magique était imminente, plus qu’une question de secondes à présent.

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Voilà qu’elle se faisait psychanalyser par Joker, à présent. Non, c’était même pire que ça. Il venait d’une part de lui dire qu’elle n’avait aucun sens de l’humour – quoi ? outrage ! – et pire encore, il avait vaguement fait une comparaison entre eux, qui bien sûr n’était pas à l’avantage de la magicienne. Mais dans quel monde, dans quelle galaxie est-ce que cet homme vivait ? Est-ce que parfois il lui arrivait de dormir ? Trouverait-elle du paracétamol sur ce monde vu la migraine qui la guettait ? Rarement dans sa vie elle avait eu autant envie de fuir un problème, de ne pas assumer ses responsabilités, mais elle savait bien qu’à la seconde où elle ferait ça, elle le regretterait, et plus le temps passerait, et plus elle culpabiliserait, jusqu’à ce qu’immanquablement, elle revienne chercher Joker. Et quand elle parlait de « temps », ce ne serait pas des mois ou des années, non, cela se compterait en heures. Des fois, elle se détestait vraiment d’être aussi sympa. C’était un crime. Quoiqu’il en soit, elle ne put s’empêcher de frissonner de manière incontrôlable quand Joker se mit à parler de Batman. C’était un ensemble, un vrai package complet. Le fond, la forme. Les mots, le ton employé, même la posture. Quiconque aurait eu tendance à ne pas prendre ce clown au sérieux aurait pris une gifle à ce moment-là, alors qu’il parlait de Batman. Si Zee n’avait pas eu encore plus peur de rester coincée ici à vie avec lui, c’est à ce moment-là qu’il lui aurait foutu les jetons pour de bon. Heureusement, l’armée des dindons vint interrompre leur petit débat stérile, vu qu’évidemment il ne voulait pas lui rendre l’épée, il ne voulait pas retourner sur Terre, il ne voulait pas l’aider en quoi que ce soit.

Zee ne savait pas à quoi s’attendre. Ils se trouvaient dans un autre monde, peut-être dans une autre dimension. Peut-être même dans un autre temps. Tout était possible et ces foutues volailles pouvaient très bien tirer des lasers mortels avec leurs yeux, pour ce qu’ils en savaient. Mais pour le Joker, apparemment, ce n’était que des dindons. L’homme ne devait jamais s’inquiéter de rien. Ne jamais songer aux conséquences. Ne jamais anticiper quoi que ce soit. Ce devait être reposant, quand même. Que disait l’adage ? Heureux les simples d’esprit et les innocents. Bon, il ne semblait pas entrer dans une de ces deux cases, cela dit. Elle le regardait dézinguer des poulets et se disait qu’il avait quand même le coup d’œil. Cette épée pesait une tonne, mais cela ne l’empêchait pas de commettre un massacre, c’était Duck Hunt version Moyen Âge, les corps décapités pleuvaient autour d’eux, et pendant ce temps-là, l’épée semblait pulser et vibrer de plus en plus. Ce n’était pas un artefact maléfique, il y avait peu de chance qu’elle soit en train de se nourrir du sang de ses ennemis mortels, mais il se passait définitivement quelque chose et il fallait y mettre un terme. « zessA ! » La main tendue ver la tête de poulet volante que le Joker venait de lui envoyer, elle dévia la barbaque pour éviter un drame sur ses habits, et repoussa du même coup tous les dindons qui les attaquaient, puis elle tendit l’autre main vers l’épée. « rubilacxE srodner-iot ! » C’était risqué mais elle n’avait pas le choix.

Elle vit l’épée se convulser dans la main dans de Joker, puis piquer vers le sol et s’y planter jusqu’à la garde. Elle resta incrédule pendant une seconde, n’arrivant pas à croire qu’elle avait réussi. Puis elle sentit que les pulsations continuaient, faisant trembler la terre, et déjà les dindons, une multitude, revenaient à l’attaque. Oh non. Elle saisit Joker par le collet. « C’est elle ou vous, et je ne vous laisse pas le choix ! » Elle s’envola à une dizaine de mètres au-dessus du sol, arrachant le clown à son nouveau jouet qui de toute façon était coincé dans la pierre, au moment où une déflagration magique en jaillissait, vaporisant ce qui était peut-être l’entièreté de la population dindon de ce monde. Elle préférait ne pas y penser. Elle se contenta de fixer le massacre au-dessous d’eux. Franchement, les mots lui manquaient. Mais au moins, le calme était revenu. Seulement… « Oh non… » Elle redescendit vers le sol comme une feuille morte, les yeux fixés sur Excalibur toujours plantée là où elle s’était plantée, et lâcha Joker à une hauteur assez raisonnable pour que la chute ne le tue pas. Puis elle s’approcha de l’épée sans oser la toucher. Parce que la garde avait changé. Ce n’était plus la garde puissante, ouvragée, d’Excalibur. C’était rose bonbon. Et clairement en plastique. On aurait dit la garde d’un bâton de magical girl. Zee sentait qu’il s’agissait toujours d’Excalibur, elle avait juste changé d’apparence, probablement à cause d’elle. Elle n’eut même pas la force d’arracher l’épée à sa gangue de terre et se contenta de s’accroupir pour la regarder, les larmes aux yeux. « Oh non, non, non… » Jason allait la tuer. Il allait l’assassiner.

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Massacrer des dindons était fun, très fun. Le Joker s’amusait comme un petit fou et se disait qu’il aimerait bien se couronner roi de cette dimension. Il se voyait déjà chevauchant ces dindons ou peut-être qu’il y avait des créatures carrément plus badass comme des dragons ? Il n’avait pas eu une enfance très rose, et le monde des contes de fée lui avait toujours paru incroyablement lointain, impossible, mais les voir prendre vie sous acide avait quelque chose de totalement dépaysant et de divertissant. L’impression d’irréalité rendait tout possible. Le monde était à conquérir et lui ouvrait les bras. Il avait envie de s’en saisir. Cette épée à la main, il était galvanisé par un sentiment de toute puissance qui était à peu près semblable à celui qu’il ressentait quand il sentait l’un de ses plans sur le point de réussir, généralement 2 secondes plus tard, Batman réussissait à lui arracher toute chance de parvenir à ses fins le rendant très ronchons par la suite, sa mauvaise humeur, Harley ne la supportait plus… D’ailleurs c’est exactement ce qu’il se passa, les dindons furent arrêtés et l’épée s’arracha de ses mains pour aller se planter dans la terre sous les yeux hallucinés du Joker. « Mais… c’est mon épée ! » hurla-t-il alors qu’elle plongeait vers lui et le soulevait du sol. « Lâche-moi !!! Tu peux pas laisser l’épée là ! » Il faisait appel à sa morale si elle en possédait une.

Etait-ce la morale où le trouva-t-elle trop lourd à porter ? Quoi qu’il en fut, il tomba au sol, assez lourdement mais il se rattrapa. Il n’avait pas l’adresse de Catwoman mais il savait tout de même se débrouiller pour garder l’équilibre. Il s’épousseta en regardant sa veste prune qui était pleine de poussière… qui était en fait des paillettes ! Ce monde était décidément bien étrange. Hélas, Harley n’était pas là, elle aurait adorer ce monde. Si seulement il pouvait lui ramener quelque chose d’ici. La magicienne poussa un soupire qui attira son attention, elle était penchée sur l’épée mais de là où il était il ne pouvait voir pourquoi elle semblait si déçue. Curieux, il s’avança et vit le cadeau parfait pour Harley ! Une vraie épée de Princesse, magique qui plus est ! Harley adorait Wonder Woman au point d’avoir une collection de produits dérivés à son effigie. Il pensait que c’était pile le genre de truc qu’elle allait adoré. « Elle est parfaite comme ça !!! » s’exclama-t-il en déboulant comme un enfant impatient, il posa ses mains sur l’épée qui parut le reconnaître, mais lorsqu’il la dégagea du sol, non seulement elle garda sa forme d’épée magique de princesse toute rose mais le Joker changea d’apparence, ses vêtements changèrent de couleur, ses cheveux passèrent du vert à un espèce d’arc-en-ciel. Il ressemblait à un lutin. « Harley va adorer cette épée ! J’veux bien qu’on rentre finalement, magicienne. » Il se tourna vers elle en la regardant ne comprenant pourquoi elle le regardait comme ça.

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Bien sûr, qu’il était content. Bien sûr, qu’il était ravi ! Il vivait sa meilleure vie grâce à elle et cette seule idée la rendait malade. Déjà, elle n’aimait pas devoir être l’antagoniste de quelqu’un, c’était trop fatiguant et beaucoup de boulot. Mais voilà qu’en plus, elle permettait au pire criminel de Gotham de vivre les vacances de ses rêves, tous frais payés par la magie. Elle faisait la pire super-héroïne de l’année. Heureusement qu’il n’y avait pas de témoin, et surtout pas Batman. Cette histoire ne devrait jamais, jamais revenir à ses oreilles pointues. Encore qu’elle doutait que le secret puisse être conservé : pour un bon secret, il fallait au moins être deux, et elle était sûre que l’autre partie du duo n’aurait pas du tout envie de lui faire ce plaisir. Elle ne prendrait même pas la peine de le lui demander, de toute façon. Et surtout, là tout de suite, elle avait d’autres problèmes. Si par un hasard tout à fait probable ou par une magie absolument pas rarissime, le grand Arthur Pendagron se relevait d’entre les morts maintenant, il aurait le plaisir de récupérer sa merveilleuse Excalibur sous forme d’un bâton de magical girl en plastique. Aux yeux de Zee, c’était la pire faute qui soit. Et surtout, elle n’avait aucune idée de comment réparer son erreur, tout simplement parce qu’elle n’avait aucune idée de quelle erreur elle avait commise, mais de toute façon, c’était forcément la faute de Joker. Forcément.

Elle le laissa récupérer l’épée, alors qu’elle aurait eu tort de se fier à son apparence, vu qu’elle sentait que la magie de la lame était toujours bien présente, intacte et dangereuse. Elle se releva cependant parce que pendant une seconde, elle crut, très sincèrement, que Joker allait lui faire une Sailormoon. Et ça, ça l’aurait achevée. Elle n’était pas du tout prête à voir ce cinglé en petite jupe à volant et bottes montantes. Heureusement, et bizarrement, son apparence ne changea pas tant que ça, i ce n’est qu’il avait l’air plus… reluisant ? Scintillant ? Fabulous ? Adapté à ce monde, en somme. Elle n’irait pas jusqu’à dire qu’il avait l’air respectable, mais enfin, il s’agissait là probablement de l’équivalent jokeresque de la magical girl. En tout cas, il était content. Pas elle. Elle le regardait le bec ouvert, surtout ses cheveux. Encore un peu et il se serait transformé en licorne. Allez expliquer au GCPD pourquoi vous leur livrez une licorne avec des menottes. Elle croisa les bras, de mauvaise humeur. Ah bon, maintenant il voulait rentrer ? « Vous vous êtes vu, au moins ? Vous voulez vraiment rentrer comme ça ? » Elle prononça le mot « illusion » à l’envers et un double du Joker apparut à côté de lui et s’écarta d’un pas pour que l’original puisse se regarder, comme dans un miroir où le reflet ferait ce qui lui plaisait.

Mais soit, elle aussi elle voulait rentrer et elle devait saisir cette occasion au vol avant que ses deux secondes d’attention ne l’entraînent sur une autre pente, sur laquelle Zee n’en finirait plus de glisser. « Parfait, alors. Et oui, Harley adorera cette épée, et les femmes adorent les cadeaux. » Oh oui, elle savait. Qui à Gotham n’avait pas entendu parler de la grande rupture de la décennie ? Bien sûr, Zee n’avait pas du tout l’intention de laisser Joker offrir l’épée à Harley tout ça parce qu’il avait froid la nuit tout seul dans son petit lit. Mais à ce stade, elle était prête à tous les mensonges, avec lui. « En revanche, je vais avoir besoin de l’épée. Je dois accorder ma magie à la sienne, et pour ça il faut que je la touche. » Elle tendit la main et attendit deux secondes angoissantes avant d’ajouter : « Vous pouvez la tenir par l’autre bout si vous n’avez pas confiance en moi. » Ah ! Tu m’étonnes… Une fois rentrée sur Terre seulement, elle se poserait la question de comment la lui arracher des mains. L’avantage, c’est qu’au moins, elle ne coupait plus, cette foutue épée. Elle tendit les mains et n’essaya même pas de prendre une expression encourageante. Il devait bien le savoir, qu’il rendait tout le monde fou. Tout ce qu’elle avait à faire, c’était toucher l’épée, prononcer un mot et les envoyer sur Terre. C’était aussi simple que ça.

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Le double projeté du Joker apparu à ses côtés. Le clown fronça les sourcils devant cette version de lui-même bien trop coloré et trop enfantine. Ce n’était pas exactement l’allure qu’il voulait avoir mais ce n’était pas si mal en fin de compte… si ça plaisait à Harley. Il vivait mal cette rupture, ça lui manquait de plus avoir sa Harley à la maison, lui qui se plaignait de la décoration qu’elle avait changé, de l’agitation qu’elle faisait naître mais en fin de compte, ça lui manquait tout cela, d’avoir quelqu’un s’occupant de lui, quelqu’un l’aimant envers et contre tout, quelqu’un qui riait toujours à ses blagues et qui lui donnait des petits noms d’amour. Il réalisait qu’il l’avait rejeté un peu trop vite, et à présent, il se morfondait. Ses sbires étaient d’un ennui trouvait-il. Personne n’arrivait à la cheville de la petite Harley pensait-il en boudant. Il observa ce double de lui-même qui était un parfait reflet, ayant les mêmes gestes. « Je peux le garder, mon double ? Ça serait super pratique… et Harley aimerait, deux Mister J pour le prix d’un ! » Il eut un petit sourire coquin en disant cela pourtant les choses de l’amour lui échappait, mais Harley aimait cela, et se morfondait bein souvent en l’attendant.

La magicienne finit par céder à son caprice, elle accepta de rentrer. Au fond, elle y avait sans nul doute son intérêt, et le Joker se doutait bien qu’elle ferait tout pour mettre la main sur l’épée, qu’elle ne lui laisserait pas la donner à Harley. Il allait devoir se débrouiller pour lui faire croire qu’elle pourrait l’obtenir afin de rentrer, il avait besoin d’elle pour retrouver Gotham. Il fronça les sourcils, fit semblant de se méfier encore, dans l’unique but qu’elle baisse ses défenses. Ils jouaient tout deux au même jeu, pensant pouvoir l’emporter chacun. Joker avança boudeur l’épée qui n’avait plus rien de tranchant… dommage si elle avait encore coupé il aurait été tentant de la transpercer avec l’épée. Ses lèvres se tordirent dans une horrible grimace, tant de frustration et de déception dans cet instant. Ce monde merveilleux allait lui manquer. La magicienne elle paraissait presque soulagée quand il la laissa toucher l’épée. « C’est dommage de rentrer, tu te rends compte, on aurait pu régner toi et moi sur ce monde, en faire un endroit fabuleux, un nouveau Camelot ! »

En disant cela, il lui adressa un clin d’œil comme s’il avait préparé un mauvais coup. Il ne maîtrisait aucunement cette magie mais il avait compris quelque chose, la magicienne ne maîtrisait pas tant que ça non plus, et visiblement, sa présence à lui parasitait sa magie, la transformait, s’il y mettait de la volonté, suffisamment, ne pourrait-il pas les amener où il le voulait ? Où Harley se trouvait actuellement ? Chez Ivy, ou peut-être à Coney Island, elle adorait cet endroit, avec toutes ses couleurs ? Et s’ils embarquaient Harley et revenaient ici, il en ferait sa Reine… « Tu aurais pu être Merlin, moi évidemment Arthur et Harley Gennièvre… Batou, il nous faudrait Batou pour faire Lancelot ! » Les idées lui venaient si rapidement. Mais pourrait-il l’influencer en ce sens là ? Il l’espérait. Coney Island à cette époque, avec cette épée magique qui faisait des miracles… lPeut-être qu’en fin de compte il devrait garder cette épée pour lui.

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Inutile de dire que le double illusoire disparut à la seconde où le Joker lui demanda s’il pouvait le garder. Ne lui en déplaise, et malgré ce qu’il semblait passer, Zee doutait que quiconque sur cette planète et dans tous l’univers aurait apprécié d’avoir deux Joker au lieu d’un, et moins encore Harley. Encore que, d’une manière un peu tordue, peut-être bien que Batman serait enthousiaste à cette idée, deux Joker pour deux fois plus de fun et d’autodestruction. Et donc à la demande de Joker et à ses sous-entendus, elle répondit par une moue non-identifiable qui ne voulait dire ni oui ni non, avec un peu de malaise en prime, mais quant au double lui-même, il ne fit pas long feu, ce qui devait être une réponse assez claire. Depuis qu’ils étaient sur cet affreux monde, elle avait l’impression de ne pas assez insister sur le fait qu’ils étaient des antagonistes, parce qu’elle se sentait extrêmement seule et n’avait aucune idée si elle allait pouvoir rentrer chez elle, mais enfin tout de même, il était un ennemi, un assassin et un cruel psychopathe. Elle n’était pas là pour lui rendre service, à la fin ! Et c’était pitoyable de sa part que, à un niveau très profond de son inconscient, elle profitait de sa présence pour pouvoir faire autre chose que parler toute seule et se morfondre sur sa situation.

Malgré toutes ces bonnes résolutions, elle faillit pleurer de soulagement quand enfin Joker décida de lui tendre l’épée. Pas de la lâcher, non, quand même… On n’apprenait pas au vieux singe à faire la grimace… Mais il y avait du progrès. Elle s’empara de la lame en plastique non sans grimacer encore de cet outrage à un objet quasi sacré, et sentit aussitôt la magie contenue dans Excalibur lui sauter à la figure, partir à l’assaut de sa main, puis de son bras, comme des milliers de petites fourmis rouges. Cela la picotait et n’était pas agréable, mais ce n’était que provisoire. Le problème n’en était pas vraiment un, il suffisait que, comme deux cordes d’une guitare, elle accorde son énergie à celle de l’épée, qui elle ne pouvait pas accorder la sienne à celle de la magicienne. Il s’agissait de deux magies différentes, pas complémentaires du tout mais pas forcément opposées non plus. Une fois qu’elle aurait calmement apprivoisé l’épée, elle pourrait user de sa propre magie pour les ramener à Gotham sans qu’Excalibur ne fasse de caprice. « Régner sur quoi, sottard, des dindons ? En plus, depuis qu’on est là, tout ce qu’on a fait – tout ce que vous avez fait, c’est massacrer les autochtones. Alors non merci. » Quand elle s'énervait, elle retrouvait le langage désuet de son père, ça sortait tout seul. Et si cet endroit avait des livres d’histoire, un jour il serait raconté aux enfants que deux êtres étranges avaient débarqué ici pour commettre un génocide sur dindons avant de repartir sans un mot. En plus, elle ne pouvait pas vivre sans un lit confortable et une baignoire avec large rebord pour poser son verre de vin.

Elle fronça les sourcils en essayant de ne pas écouter le babillage du Joker, alors que chacune de ses propositions générait chez elle une avalanche de scénarios de film d’horreur. Il le faisait exprès, évidemment, et elle ne se fatigua pas à lui dire de se taire. Si finalement ils se rematérialisaient dans le vide intersidéral de l’espace à cause de lui, au moins, elle l’aurait emporté dans la tombe avec elle. Elle ne prit pas la peine de le prévenir ou de se saisir de lui pour être sûre de bien l’embarquer avec lui pour le voyage retour. Elle ne doutait pas qu’il allait s’accrocher à l’épée comme à une moule à son rocher. « mahtoG ytiC… » souffla-t-elle sans plus attendre, et le sol se déroba pendant une fraction de seconde sous ses pieds, le décor changea et soudain, ils se trouvaient sur un toit plat, sombre et humides, entourés d’autres bâtiments du même acabit, sous un ciel de plomb, dans un air sale et étouffant : good ol’ Gotham ! C’était l’endroit parfait pour se faire égorger mais quand même, Zatanna était fière d’elle. Elle regarda Joker avec une lueur moqueuse dans les yeux, puis se rendit compte qu’il avait repris son apparence normale, si on pouvait appeler ça normal, et surtout que l’épée était redevenue une épée et qu’elle la tenait par la lame. Elle n’eut pas d’autre choix que de la lâcher avant qu’il n’ait le réflexe de lui trancher quelques doigts. « Uh, ça n’en finira jamais ! Joker, je vous préviens, si je ne peux pas récupérer cette épée aujourd’hui, je vais devoir demander à son véritable propriétaire de venir la chercher, et vous ne voulez pas ça, croyez-moi. Vous ne pourrez plus du tout vous amuser avec Batman avec la tête arrachée du reste du corps. » Et c’était exactement ce qu’Etrigan lui ferait, à lui, à tous ses hommes, et d’ailleurs à quiconque le démon croiserait ce faisant.

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Le Joker s’arrêta deux secondes. « Scottard ? » Il fronça les sourcils. « Hey dis donc, on a pas élevé les cochons ensembles ! Batou t’as pas appris les bonnes manières ? » Ok ce qui l’énervait en vrai c’est qu’elle voulait pas s’amuser et qu’elle tuait tout le fun. Tout de suite, génocide, pourquoi pas crime de guerre pendant qu’on y est ! Pour deux malheureux dindons. Et puis ils n’avaient qu’à pas débouler comme ça aussi… c’est pas des manières. Il secoua la tête, impossible de croiser les bras en tenant l’épée, alors il se contenta d’une grimace boudeuse. « Ensuite, j’ai pas commis plus de meurtre ou de massacre que d’habitude… tu devrais t’estimer heureuse, j’ai tué que des animaux pour l’instant. » Il appuya lourdement sur le dernier mot, car si elle continuait ainsi, il allait peut-être songer à la tuer et en finir. L’épée était en plastique mais qui c’est avec ce monde, la magie les entourant, tou était possible non ? L’épée pouvait bien reprendre sa forme originale ou le cœur de la sorcière devenir en mousse… La sorcière ne prêta bien sûr attention à ce qu’il lui racontait ce qui eut le don de l’agacer plus encore. Il était frustré que cette maudite épée demeura en plastique, rose, vraiment ? Il soupira en ronchonnant quand elle prononça la formule, évidemment, elle ne le prévient pas avant de le faire et il manqua de rester sur place. Mais il s’était accroché à l’épée, il la tenait par la garde autrement dit, il y avait peu de chance qu’il reste sur le carreau. En revanche elle… rien n’était moins sûr.

Le décor bascula, au grand dam du Joker. Revoir Gotham ne lui fit même pas éprouvé une once de joie. Peu de choses donnait de la joie au Joker à l’exception d’une bonne blague, de batou, d’une mort violente… ok y’avait des trucs qui faisait battre son petit cœur, et retrouver ce toit pluvieux aurait pu en faire parti s’il n’avait l’impression qu’il aurait pu s’amuser plus longtemps sans cette maudite ras-bas-joie. Cette dernière avait l’air sacrément heureuse d’être de retour à Gotham ce qui ne l’étonna guère. Elle avait l’air d’être heureuse à chaque fois qu’un truc l’emmerdait lui. L’inverse était vrai aussi. Mais Joker l’oubliait vite. Seule note positive, l’épée était redevenue une épée. Cette fois-ci ce fut lui qui eut un sourire machiavélique. Le Joker voyant l’épée libérée se mit à la faire tournoyer à nouveau, prêt à l’enfoncer dans le corps de la magicienne. « Si je vous tue avant vous n’aurez pas le temps de prévenir qui que ce soit… et je crois pour votre gouverne qu’Arthur est mort… en plus ça doit même pas être la vraie… » Penserait-il que Merlin a vraiment existé ? Avant de voir débarquer Darkseid sur Terre, peut-être, depuis il avait vu tellement de choses étranges qu’il n’était plus à ça près. Et après le voyage qu’ils venaient de faire, il voulait bien admettre que Merlin puisse avoir exister en revanche que son épée soit restée intact tous ces siècles… il avait de sérieux doute. Gotham était la ville du crime, si y’avait bien un endroit qui pouvait vous produire des arnaques en série c’était bien Gotham. Ils avaient même eut droit à des faux Batman alors… Pour prouver ses dires, il tenta de la pourfendre d’un geste sûr, parce qu’il en avait marre de parler et qu’elle l’écoutait pas de toute façon.

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Des animaux, des animaux, c’était vite dit. Pour ce qu’ils en savaient, ces dindons étaient les principaux habitants de ce monde, et si ça se trouvait, c’était une civilisation hautement avancée, devenue pacifiste et ultra bénéfique pour leur monde. Si ça se trouvait, il avait décapité l’équivalent dindon de Einstein, Stephen Hawking et le reste. Mais elle savait bien que c’était inutile de rentrer dans ce débat-là avec lui. En fait, c’était bien là l’erreur qu’elle ne cessait de commettre avec Joker. Aux dernières nouvelles, Batman ne perdait pas son temps à lui faire la conversation lors de ses confrontations avec lui. Personne ne pouvait gagner un débat avec ce type puisqu’il était cinglé. Mais elle, qui n’avait aucun goût pour la violence et cherchait toujours par habitude une voie de sortie alternative au combat, ne cessait de tomber dans ce travers. Sauf qu’avec Joker, c’était perdu d’avance. Quoi, il allait soudain avoir une réalisation, se rendre compte qu’il avait tort et qu’elle avait raison, qu’il était mauvais et qu’il devait aller se faire soigner ? Bien sûr que non. Cependant, elle ne pouvait pas en venir à le faire prendre feu ou à le transformer en caillou. C’étaient là des actes de violence ultimes dont elle était incapable. Elle comprenait un peu mieux pourquoi Batman n’avait jamais réussi à se débarrasser de lui en toutes ces années. Même si elle persistait à croire qu’il y trouvait un peu son compte. Sans son costume de Batman, Bruce aurait bien du mal à trouver une raison de vivre. Et le Joker justifiait à lui seul l’existence de Batman.

Bref, quoi qu’il en soit, ils étaient de retour à Gotham, ce qui était une bonne nouvelle, Joker semblait ronchon, ce qui était aussi une bonne nouvelle – pour elle –, en revanche, évidemment, il ne voulait pas lâcher son hochet, et elle leva les yeux au ciel. « Écoutez, sans vouloir vous manquer de respect, quoiqu’un peu quand même parce que je me fiche de votre ego de la taille d’une vache, mais Arthur n’est pas le propriétaire de cet épée. Et il n’est probablement même pas mort, pour ce que ça vaut. » Elle n’allait quand même pas lui donner un cours d’artefacts magiques ici, sur ce toit pourri et glacial, non ? « Les objets magiques ont tendance à toujours chercher des propriétaires, pour pouvoir exercer leur sale boulot, et ils ne restent jamais longtemps sans maître. Et avant que vous ne vous preniez pour le nouveau roi de Camelot, je vous le répète : cette épée a déjà un propriétaire, qui le restera jusqu’à sa mort. » Elle croisa les bras et adressa un sourire amusé à Joker, parce que mine de rien, tout ça commençait à être drôle, de son point de vue. « Si vous voulez devenir le propriétaire d’Excalibur, alors il vous faudra tuer Etrigan le démon. » Est-ce que ça ne serait pas un bon compromis pour sa conscience ? Elle ne ferait pas le sale boulot elle-même, mais enverrait Joker taper à la porte infernale du démon qui avait été roi des enfers et qui était virtuellement inarrêtable, et laisserait l’empereur de la rime se charger de dévorer le clown.

« Même si vous essayez de la garder, cette épée finira par provoquer votre mort, dans le seul but de revenir à son propriétaire. Vous feriez mieux d’en rester à votre domaine de compétence… » Qui était, quoi ? braquer des banques et empoisonner des gens ? Elle n’avait jamais vraiment compris les motivations de ce type, mais probablement parce qu’il n’en avait pas d’autres que de regarder le monde brûler. Un vrai agent du chaos comme on n’en faisait plus. Les sales types, ces temps-ci, avaient toujours un agenda – devenir plus riches, plus forts, plus ceci ou plus cela… Cela rendait leur neutralisation plus simple. Une fois encore, donc, elle tentait d’en appeler à la bonne volonté du Joker. Mais cette fois, c’était la dernière fois. Déjà, elle avait un sort sur les lèvres. Il ne pouvait pas échapper à sa magie si seulement elle décidait d’arrêter de craindre de lui faire du mal. Et il avait réussi à l’amener au bord de cet abîme-là. Probablement qu’il en serait très content, mais voilà, Zee n’en avait plus rien à faire, de la santé du Joker.

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Forcément, la mention du démon ne fit rien d’autre que stimuler un peu plus l’esprit malade de Joker. Elle aurait pu s’en douter – elle aurait dû, même. La seule chose qui l’empêchait encore de l’attraper et de l’étrangler à mains nues, c’était qu’il ne savait pas, ne pouvait pas savoir de quoi il parlait. De manière spontanée et probablement honnête, il imaginait Etrigan avec une joie non contenue, tant mieux pour lui. Mais il ne pouvait pas imaginer ce qu’était ce démon, voire un démon en général. Qu’au fil des années personnes n’ait tué le Joker relevait en fait du miracle, et surtout de la volonté de Batman, probablement. Et même si Joker n’avait pas peur de la mort… La mort, ce n’était pas le pire. Ce n’était même pas la fin, en vérité. Elle croisa les bras et lui adressa un sourire en coin. « Il est du genre à prendre votre place. Il est du genre à devenir le roi des rois partout où il va, il est du genre à devenir le roi de Gotham et à vous faire tomber dans l’oubli en quelques jours seulement. Je vous le garantie. S’il était dans les parages, plus personne ne s’intéresserait à vous, tout le monde oublierait votre existence. Vous ne feriez plus peur à personne. » Il serait presque regretté, même. Elle faillit rire de cette éventualité surréaliste. Eh bien, il pouvait voir ça comme une bonne occasion de braquer plus de banques et s’enterrer dans la quelconque cave où il se cachait pour fomenter des plans clownesques, à la limite.

Mais évidemment, comme toujours avec le Joker, on ne s’amusait jamais. Elle s’envola à sa suite alors qu’il fonçait vers la porte et poussa un cri de rage quand il passa la lame en travers du corps d’un type qui venait d’ouvrir la porte. « POTS ! » La magie jaillissant de ses lèvres, de tout son être, pétrifia Joker alors qu’il allait passer le pas de la porte. Elle atterrit devant lui mais s’accroupit devant le blessé sans accorder un regard à son ennemi. Elle passa ses mains au-dessus de la blessure, arrêtant le sang. Mais elle ne pouvait pas savoir si des organes avaient été touchés. Il n’était pas mort, pas encore, alors elle en déduisit qu’il restait une chance. Elle se releva, attrapa la cravate du Joker et tendit la main vers le blessé. « À latipôh’l ! » Et elle les téléporte directement dans une salle d’attente des urgences les plus proches, qu’elle avait appris à bien connaître, comme n’importe qui vivant à Gotham. Les gens présents poussèrent des hurlements, mais elle n’y fit pas attention. Elle abandonna là le blessé puis, sans lâcher la cravate, les téléporta de nouveau tous les deux. Elle avait pensé à un désert. Une île déserte. Le sommet enneigé d’une montagne. Mais elle savait qu’elle aurait culpabilisé toute sa vie de l’avoir abandonné à une mort quasi certaine et surtout, là était la nuance : « quasi ». Il aurait été capable de survivre, de retrouver la civilisation et de faire s’écrouler ladite civilisation dans la foulée. Non, il n’y avait que Gotham qui pouvait encaisser une présence pareille, qui pouvait survivre à un tel virus. Alors ils se matérialisèrent sur l’île d’Arkham, devant le portail de la prison. Elle fixa Joker, fixa l’épée qu’il tenait toujours fermement. « Je suis désolée. Mais je récupère Excalibur. Si vous la voulez, vous savez où me trouver, non ? » Elle n’en savait rien, en fait. Et il était probable que dans une heure, il se soit trouvé un nouveau hobby et aurait tout oublié de cette histoire quand elle en ferait des cauchemars pendant longtemps.

« uT se nu nwolc, rekoJ ! » psalmodia-t-elle. Qu'est-ce que ça faisait de subir ainsi sa magie, conscient mais incapable de bouger de faire quoi que ce soit ? Oh, elle s'en doutait très bien. Il n'y avait que les ordures qui étaient censées faire ce qu'elle lui faisait. Les bras de Joker se transformèrent en jouet, littéralement. Des bras de pantin, en plastique coloré et avec les coudes en accordéon. Elle tendit la main pour rattraper l'épée dont le poids entraînait le bras accordéon vers le bas, et dut encore tirer et secouer pour la lui arracher, comme s’il en clamait encore la propriété. Le bras émettait des « pouic » frénétique de canard en plastique, mais elle finit par récupérer Excalibur. Elle s’envola à plusieurs mètres de hauteur, pour plus de sûreté, et dépétrifia le Joker d’une formule. Elle espérait qu’il avait un téléphone sur lui pour appeler ses mignons, parce qu’elle n’allait pas l’aider à se barrer. Encore qu'avec des bras en plastique inutilisable, il ne pouvait de toute façon pas lever de portable jusqu'à son visage. « Je suis sûre que la prochaine fois qu’on se croisera, vous serez de nouveau entier. » Et hélas, c’était probablement vrai. Lui aussi avait un réseau de personnes qui savaient tout faire, même faire repousser des bras. Et probablement qu'elle ferait mieux de lui rendre ses bras un jour, parce que sinon, il trouverait le moyen d’obtenir des membres alien ou robotiques qui feraient de lui quelqu’un d’encore plus dangereux – parce que c’était ce que Zee faisait : quand elle voulait bien faire, elle empirait toujours les choses.

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