Semaine de cours… Semaine d’isolement en milieu social… C’était pas ma faute… Je n’arrivais pas à me lier avec des gens que je voyais cinq jours par mois. Les gens étaient gentils, mais ça ne cherchait pas très loin. Puis les cours… Je maîtrisais, presque, j’avais plus de mal avec la littérature, mais je connaissais de quoi on parlait. Fallait dire que les cours au laboratoire… c’était poussé… Au maximum ! Je hissais mon sac sur mon dos avant d’attraper mon portable pour vérifier si N°1 ne m’avait pas prévenue. Non rien, je devais rentrer toute seule. À pied ou en bus… Une heure à attendre que le bus passe. Au moins je prendrais l’air en marchant. Je saluais les filles de mon cours avant de me poser contre la grille du lycée pour sortir mon casque audio pour le poser sur mes oreilles et le brancher à mon portable.
Je soupirais de soulagement de m’isoler dans ma musique, dans des ondes sonores. Ça faisait du bien… Je rouvris les yeux avant de regarder mon téléphone. Je venais de passer dix minutes totalement immobile, plongée dans des ondes de musique. Allez, il fallait se mettre en route. J’étais bien, je me sentais en sécurité… Pourquoi je le serais pas ? Dans cette ville tout ça… Personne savait qui j’étais… Ce que j’étais. Je fronçais les sourcils en me massant les tempes pour casser un début de migraine. Je fronçais les sourcils en sentant une onde étrange. Je m’arrêtais et observer autour de moi avec attention, les sens aux aguets.
J’avalais ma salive avant de réduire ma musique à un simple murmure au creux de mes oreilles. J’enfonçais mes poings dans mes poches avant de rabattre ma capuche sur mon crâne pour me rendre plus invisible que jamais. Je restais bien droite en regardant avec attention autour de moi. Mon instinct me hurlait que quelque chose n’allait pas du tout...
De nouveau, tu ne fais pas grand chose sans avoir une idée derrière la tête. Aujourd'hui, tu ne t'es de nouveau pas déplacé jusqu'à Metropolis pour rien. Tu aurais pu, dans l'unique but de te détendre et de te changer les idées mais.. Ce n'est pas ton genre. Tu ne te détends que rarement. Tu ne te détends que lorsque tu as fini de travailler, et encore, t'as jamais vriament fini de travailler. Et donc, actuellement, tu n'as pas de raison de te détendre. Parce que t'as des choses à faire.
Tu t'étais dit que tu pouvais rendre visite à n°4, aujourd'hui. Pourquoi ? Pourquoi pas ? Il fallait que tu tentes de.. Pas de sympathiser, pas vraiment, t'étais pas sûre que ça soit possible. Mais apprendre un peu à la connaître, tu savais que ça pouvait t'être utile d'une manière ou d'une autre. Ce que tu savais aussi, c'était que la jeune fille avait cours, cette semaine. La seule semaine du moins, tu ne savais pas si ça lui était utile mais c'est vrai que c'était probablement nécessaire. Enfin bon, ça ne tiendrait qu'à toi, tu ne perdrais pas de temps à lui faire suivre des cours en extérieur. Mais soit, ça ne te concernait pas vraiment.
Tu t'es renseigné sur où pouvoir trouver la jeune fille. Probablement près de son lycée. Tu es venu en voiture mais tu la cherches à pied. C'est sans doutes un peu plus avenant que de la suivre en voiture. Tu as mis un certain moment à la trouver, mais tu parviens à le faire. Qu'elle porte une capuche ou non. Tu n'aurais pas pensé ça aussi facile, mais soit. Tu ne vas pas te plaindre d'un peu de facilité. Tu t'approches tranquillement, ni trop lentement ni trop vite, les mains dans les poches de ta veste.
« Bonjour, ça ne fait pas si longtemps que ça pour une fois. »
Bruit de pas… Je concentrais légèrement quelques ondes électromagnétiques dans mon portable que je tenais dans mes doigts pour pouvoir écrire un sms et l’envoyer à Lucian sans perdre une minute. Ni même une seconde ou un geste. Je continuais d’avancer en écoutant autour de moi, en regardant autour de moi. Avance, encore un peu, encore un pas. Plus vite. La voix. Je reconnais la voix et je me retiens de le propulser à l’autre bout de l’avenue d’une onde. Les supers-héros ne tuent pas gratuitement. J’hésitais une fraction de seconde à l’ignorer, à m’éloigner vite… Mais il avait des contacts avec les scientifiques… Tout cela… Il fallait que je sois prudente… Je glissais mon regard sur lui, notais ses mains dans ses poches. Est-ce qu’il cachait quelque chose ? Il semblait détendu… Pourquoi était-il là ? Je glissais mon casque en arrière. Politesse feinte tout ça, en soutenant son regard. Par la même occasion j’ôtais ma capuche. Autant… au besoin qu’on puisse me reconnaître de loin.
« Bonjour Monsieur Jean-Jérome. »
Quoi ? Je ne connaissais pas son prénom. Je savais que son nom était Crane, c’était moche, mais soit. Mais je ne connaissais pas son prénom, et si je pouvais l’attaquer sur ça, j’allais pas me gêner. Je continuais d’avancer d’un bon pas en « jouant » avec mon téléphone pour toujours m’assurer d’avoir son visage plus ou moins dans le cadre de l’appareil photo. Savait-on jamais… Je préférais au cas où avoir une photo à envoyer à Lucian.
« Oui, effectivement, pas longtemps du tout. Vous êtes loin du Labo. Vous avez rendez-vous avec qui ? »
Pourquoi… pour une fois que j’aurais été ravie que N°1 vienne me chercher, Bah il ne venait pas. Je n’aimais pas cet homme. Il ne m’inspirait que de la méfiance. Je l’observais avec attention à nouveau.
« Vous avez de nouvelles lunettes. »
Les dernières je lui avais brisé… Je me demandais vraiment le hurlement qu’il pousserait si je réduisais chacun de ses os en miette… Presque sûre que je me reprocherais d’avoir fait ça ensuite, mais sur le coup cela me ferait sans aucun doute du bien. Et s’il pouvait sortir les mains de ses poches… J’allais finir par croire qu’il planquait une seringue pour me la planter dans la gorge.
Sans doutes qu'elle n'est pas ravie de te voir. Ca ne changeait pas grand chose, t'étais là et tu n'allais pas repartir de Metropolis aussi vite. Tu lui souris, même si tu n'es pas sûr que ça la rendra plus heureuse. Au moins, elle a eu la gentillesse de retirer son casque, c'est un bon début. Même si tu ne t'étais pas attendu à ce qu'elle t'appelle.. Jean-Jérôme ? Jean-Jérôme. Très bien. Tu avais été déconcerté pendant quelques secondes, mais tu te reprends relativement vite. Elle ne connaît pas ton prénom, c'est vrai. Mais tu n'as pas eu l'utilité de le lui donner, en même temps. Mais qu'elle t'en sorte un nouveau comme ça totalement au hasard.. Ca t'avait fait sourire. Mais tu n'allais pas le relever, pas maintenant. Tu continues de t'approcher, jusqu'à t'asseoir non loin d'elle. Tu ne vas pas aller trop près d'elle, tu ne voudrais pas la stresser. Ou la tendre plus que nécessaire, t'étais pas sûr qu'elle apprécie et la contrarier n'était sans doutes pas l'idée la plus judicieuse que tu pourrais avoir.
« Assez oui.. Avec personne je n'ai pas de rendez-vous. Je voulais juste venir te voir toi, à vrai dire. »
Après, tu avais plusieurs raisons, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Mais tu n'avais que très rarement de mauvaises raisons ou mauvaises idées. Et t'étais plutôt sûr que l'idée de venir ici n'était pas mauvaise. Tu souris une fois de plus à sa remarque. Effectivement, t'avais de nouvelles lunettes. Tu aurais pu aller faire faire de nouveaux verres, mais t'avais finalement aussi opté pour une nouvelle monture par la même occasion.
« C'est une nouvelle paire, oui. Je n'ai pas vraiment eu le choix, tu te souviens sans doute de l'état dans lequel était mes lunettes la fois passée. »
Mais ce n'était pas très grave, ce n'était que des lunettes. Tu pouvais t'en passer, et tu pouvais t'en racheter lorsque c'était nécessaire. Là, ça l'avait été. Parce qu'il s'était passé tant de choses, la dernière fois.. C'est bien pour ça que t'étais là aujourd'hui. En partie.
« Tu as besoin d'être raccompagnée au laboratoire ? J'ai tout mon temps, je peux faire ça. »
J’analysais le comportement de l’homme avec attention. Pour une fois que ces cours d’analyse corporelles n’étaient pas que de la théorie… Il n’était pas spécialement sur ses gardes, juste attentif. Il fallait dire qu’il m’avait vu à l’œuvre une ou deux fois. Donc il savait que je pouvais tout détruire sur mon chemin si j’en avais envie… Il était calme… Comme face à un animal sauvage qu’il cherchait à approcher et dompter. Super, j’étais un animal. Pas grave, j’avais l’habitude d’être considéré dangereuse. Par contre… il était conscient que rien que sa présence il me mettait en position tendue, sur mes gardes. J’étais prête au cas où l’envoyer voler loin de moi ou déployer mon bouclier. Venir… me voir juste moi ? Creepy Jean-Jérome. Je me doutais que tu étais LARGEMENT majeur, et moi je ne l’étais pas.
« Ah. »
Que dire d’autre ? Lui poser des questions ? Oui, effectivement c’était une bonne idée pour savoir pourquoi il était là pour moi. Je secouais la tête pour chasser les mèches de mes yeux
« Pourquoi ? »
Oui effectivement c’était bien de savoir. Je le suivis des yeux quand il s’assit, mais je ne l’imitais pas. Je préférais ne pas baisser ma garde avec lui… S’il pouvait sortir les mains de ses poches et les poser sur ses cuisses… Peut-être que je serais plus… facilement approchable. Je clignais des yeux quand il évoqua ses lunettes et je réfléchis. Vu ce que j’avais fait à la vitre…
« Poussière de verre. Pas facile pour s’en resservir effectivement. »
Je plissais les yeux en l’écoutant me proposer de me raccompagner. Tu restes loin de moi, ou je te décapite. Je secouais poliment la tête.
« Non merci monsieur Jean-Jérome. Ce n’est pas très loin. »
Mensonge, j’en avais pour deux heures, mais ça il ne le savait pas… Enfin… j’espérais qu’il ne le savait pas. Sinon il allait me coller au train pour me suivre… Et je n’aimais pas ça. Je fis à nouveau tourner mon portable entre mes doigts avant de prendre l’homme en photo sans flash. Voilà. Lucian au cas où… J’avais une photo. Je ne dis rien en soutenant son regard.
Bon, eh bien comme tu avais pu t'y attendre, elle n'était pas ravie de la raison de ta présence ici. Du moins tu le supposais étant donné qu'elle n'avait pas eu d'explosion de joie. Mais tu voyais surtout qu'elle demandait des explications. Elle en avait le droit, tu pouvais comprendre la question. Mais elle t'avait fait sourire. Pourquoi ? Est-ce que tu avais vraiment besoin de répondre ? Sans doutes que oui.
« Pourquoi pas ? »
Autant rester assez évasif pour le moment. Ca la faisait se questionner, peut-être que ça l'inquiétait un peu. Eh bien si ça pouvait être le cas, ça serait plutôt amusant. ..On s'amuse avec ce qu'on peut, oui. Et puis bon, elle n'était pas toujours la plus coopérative possible avec toi, alors tu n'avais pas l'obligation de lui répondre clairement. Ca serait moins distrayant.
« Ahhh, effectivement. J'y tenais à ces lunettes mais si c'est le prix à payer pour avoir plus d'informations quant à tes capacités, je le paie volontiers. »
Tu pouvais faire ça, oui. Mais c'est sûr que tu n'allais pas pouvoir apprendre grand chose d'autre sur ses capacités ou sur elle-même tout court. Et ça, ça t'emmerderait plutôt pas mal. Alors tu n'allais pas abandonner ici, certainement pas, t'étais plus fort que ça. Bien plus fort. Alors tu avais souri et enlevé tes mains de tes poches, enlevé tes lunettes pour les mettre dans la poche de ton costume.
« J'insiste. Le trajet est particulièrement long, je le sais. Quel serait l'intérêt de me mentir ? »
C'était une vraie question dont la réponse t'intéressait. Tu trouvais vraiment ça curieux. Presque vexant.
Je fronçais les sourcils à sa remarque. Ce n’était clairement pas une réponse, je voulais savoir :
« Parce que je ne suis pas de bonne compagnie. Alors je me pose la question. »
Et je sous-entendais clairement que je voulais une réponse. Et rapidement. Moi ? Agressive ? Pas du tout. Je voulais connaître… Le savoir était une manière de rester en vie, de grandir, de maîtriser son environnement et de détruire d’adversaire. Même moi j’étais plus coopérative que lui. Surtout parce que je n’avais pas le choix. Sinon lui… Lui avec une série d’onde de choc dans son corps, je l’aurais transformé en sac de sang. Je plissais très légèrement les yeux, pensive quant à cette idée.
Mais putain encore ! Pourquoi tout le monde voulait des informations sur moi. Je sentis l’habituel goût de la haine, de la colère envahir ma bouche. Je me vis, comme-ci c’était qu’un film, l’attraper par la gorge et serrer de toutes mes forces, voir son visage devenir rouge et le sang dégouliner de son menton pour venir éclabousser mon visage… Tout ça parce que j’aurais réduit sa gorge en une bouillie rougeâtre. J’aurais aimé que ce soit Lucian à sa place, ou Conner… Eux auraient pu me calmer, eux ils pouvaient me toucher et me serrer contre eux sans que je ne pète un plomb. J’entendis une très légère mélodie dans mon casque et je détournais une seconde le regard pour poser l’écouteur contre mon oreille. Du français… Mrs Yéyé, avec Lou, Prendre les Armes. Je souris un peu à la mélodie avant de la couper. Dommage, elle était bien. J’avais dû oublier de couper la musique.
Je plissais aussitôt les yeux avant de me tendre en le voyant sortir les mains de ses poches. Le bouclier d’ondes de quelques micro-millimètres me recouvrit immédiatement. Invisible à l’œil nu ou même à l’écoute, il était bien là. Et merde. Il savait que ce n’était pas si prêt que ça. Je gardais un visage neutre avant de hausser les épaules.
« Deux heures. Ça me fait prendre l’air, j’aime bien, ça change du labo. Je suis seule avec ma musique. »
Sous-entendue : Je ne veux pas de compagnie si ce n’était que ma musique. Et il avait ôté ses lunettes. Je plissai le nez à nouveau en observant d’un battement de cils autour de nous. L’endroit était désert à cette heure. Pas de témoins…
« Vous avez enlevé vos lunettes monsieur Jean-Jérome. Vous avez peur que je les brise encore ? »
Et ton crâne avec. Quelques petits morceaux partout… Ça serait très distrayant. Je baissais juste un instant les yeux sur mon portable, je faisais confiance à mon bouclier d’ondes pour me protéger pour envoyer un message à Lucian. Je préférais le prévenir au sujet de ce gars.
Pas de bonne compagnie ? Ca t'avait fait rire, un peu. Doucement en tout cas. Si elle n'était pas de bonne compagnie, tu ne savais pas ce que toi tu étais. Pas de très bonne compagnie non plus, hein. Certainement pas. Peut-être que tu étais une des moins bonnes compagnies qui puisse exister, mais ça ne changeait pas grand chose. Tu n'allais pas partir d'ici pour autant, même si tu te doutais bien du fait qu'elle préférerait ça.
« Je ne suis pas de bonne compagnie non plus, je ne ferais pas attention à ça. »
C'était bien vrai. Si tu avais besoin de discuter avec quelqu'un, tu le faisais généralement, que la personne soit de bonne compagnie ou non. Ce n'était pas ta priorité, toi ta priorité c'était les résultats et c'était pas en fuyant que t'allais en avoir. De toute manière, tu ne fuyais que très rarement et tu ne voyais pas pourquoi ça changerait maintenant. Enfin bon.
Tu n'arrivais pas trop à déchiffrer ses expressions. Ca te perturbait autant que ça t'intriguait, mais tu te rendais bien compte que quoi qu'elle puisse penser, ça ne devait pas être quelque chose de très positif étant donné qu'il y avait de fortes chances que ça te concerne.
« Deux heures, c'est quand même particulièrement long.. De toute façon maintenant que je suis là, ça serait stupide que je reparte. Le trajet jusqu'à Metropolis n'est pas court. »
Autant lui faire un peu comprendre que qu'elle le veuille ou non, tu comptait bien rester ici un moment à la suivre, l'accompagner, lui parler, peu importe. N'importe quoi te conviendrait, à vrai dire. Tant que tu ne repartais pas sans avoir rien appris.
« C'est vrai. Oh, pas spécialement, qu'est-ce que ça changerait.. ? Je devrais plus craindre le fait que tu me brises quoi que ce soit d'autre. Les lunettes.. C'est simplement signe que je te fais confiance, que je n'ai pas besoin de garder mes yeux rivés sur toi. »
Il riait. J’imaginais un instant un déferlement d’ondes sur lui… Juste… imaginer l’état de ses os, réduits en état de poudre, le sang jaillirent de tout ses orifices… Je clignais des paupières. Il fallait que je me calme, que je ne cède pas à la colère. Même si j’en mourrais d’envie. Je n’étais pas spécialement… porté sur la vengeance ou le meurtre, bien que j’eusse déjà tué. Mais il ne fallait pas que je cède à cela. Il fallait que je me calme malgré toute la haine que j’avais pour lui. Je préférais garder un visage le plus neutre possible. Pour une fois que mes cours de comportent servaient vraiment. Restais neutre, simplement. Fais chier… il avait décidé de me causer quoi que je dise.
Je gardais mes mains dans mes poches en rangeant mon portable. Je n’avais pas besoin de mes mains pour manipuler les ondes. Juste de mon corps, c’était comme ça. Je gardais mon regard focaliser sur lui, analysant le moindre de ses gestes, sa manière d’être. Il ne se cachait pas. Il était attentif… Mais relâché. Et paradoxalement… cela me tendait plus encore. Ouais, il n’avait pas du tout l’intention de me lâcher. Et moi je pouvais le semer. Juste détourner les ondes lumineuses de moi… Me transformer en rien. Me rendre invisible. Il ne me lâcherait pas… J’allais devoir le semer dans les rues de Métropolis et rentrer. Mais il pourrait m’y attendre… Et surtout je n’avais pas envie de lui donner des indices sur les capacités de mes pouvoirs. Il avait sentit que je pouvais le briser en deux d’un claquement de doigts. Tu devrais garder tes yeux sur moi. Je fronçais très légèrement les sourcils.
« Dans tous les cas il faut que je me mette en route. Vous avez qu’à me suivre si vous voulez. Sinon je vais être en retard. »
Et ça me ferait chier quand même. J’avais envie de m’enfermer dans ma chambre et juste écouter de la musique. Je me mis à marcher sans rien dire, mes mains dans mes poches. Je regardais droit devant moi en fronçant très légèrement les sourcils. Gauche, droite, pas de voiture, on traverse. Je tournais vaguement la tête vers Jean-Jérome en tapotant légèrement mon casque. J’avais besoin de ma musique. À quel point pouvais-je lui faire peur ? C’était la question à se poser. Je m’arrêtais juste un instant devant la vitrine d’une pâtisserie pour admirer les gâteaux à l’intérieur.
« C’est quoi votre pâtisserie préférée et votre musique ? »
C’était important à savoir. Ou pas du tout. Je mordis l’ongle de mon pouce pendant une seconde avant de reprendre ma route en allongeant les foulées. Je le sentis arriver. L’acouphène. Je le sentis venir avant d’entendre le sifflement déchirer les tympans. Le sol se déroba à moitié sous mes pieds et je plaquais mes mains sur mes oreilles pour faire taire un sifflement qui n’existait pas pour les autres autour de moi, j’étais la seule à le percevoir. C’était horrible, je me laissais tomber à moitié contre le mur le plus proche. Je fermais étroitement les yeux en attendant que ça passe. La musique… Il n’y avait pas de traitement pour ce putain de truc… C’était lié à la manipulation des ondes… Mais là, je n’étais pas bien du tout. Je m’appuyais lourdement sur le mur incapable de faire un geste. L’acouphène durait.
C'est qu'elle t'avait proposé de la suivre, clairement. Sans doutes que ça ne lui faisait pas plaisir, qu'elle n'en n'avait pas du tout envie. C'était un peu évident, mais tu n'en n'avais grand chose à faire étant donné que même si elle ne te l'avais pas proposé, tu te serais quand même mis à la suivre. Parce que ça t'étais semblé être une bonne idée, et tu n'abandonnais pas tes bonnes idées comme ça. Sauf si une nouvelle bonne idée s'offrait à toi, sauf si tu changeais d'avis. Mais tu changeais vraiment rarement d'avis. Enfin bon. Le fait est que tu avais hoché la tête suite à ses paroles.
« Je vois, oui. C'est gentil de me le proposer. Tu tiens beaucoup à la ponctualité ? »
Tu n'aurais pas pensé. Mais ce n'était de toute manière pas important, tout comme la question qu'elle venait de te poser. Tu la soupçonnais de vouloir te distraire, mais sa réussite n'était pas assurée. Tu savais te concentrer sur une chose et ne pas prêter attention aux diverses distractions autour de toi, heureusement. Alors répondre ne devrait pas être un souci.
« Je dirais les macarons et la musique romantique, comme Choppin.. Qu'en est-il de toi ? »
Tu te le demandais réellement. Mais tu n'avais pas eu le temps de te le demander très longtemps, parce que c'est plutôt rapidement que tu constate que quelque chose ne va pas. Elle ralentit jusqu'à s'arrêter, et ça te déconcentre pendant un moment. Tu fronces les sourcils et t'approche d'elle, bien que tu décides de rester à une distance respectable.
Je restais immobile les mains plaquées sur mes oreilles. J’avais tellement mal… C’était comme-ci mes propres ondes sonores se retournaient contre moi et me déchiraient les tympans. J’en avais les larmes aux yeux. Par les dieux… J’avais tellement mal. Je me laissais glisser contre le mur jusqu’au sol les mains toujours crispées sur mes oreilles. Qu’est-ce que j’allais faire encore ? Je ne savais pas… Il fallait que je rentre après… Le laboratoire me sembla tellement loin… Peut-être qu’il faudrait que j’appelle N°2 ou N°1 pour qu’ils viennent me chercher d’une manière ou d’une autre ? Je ne savais plus… J’avais juste mal et je voulais que ça finisse. Cela me vidait de mon énergie et me mettait particulièrement… Pas KO… Mais quelque chose dans ce goût-là. Je sentis quelqu’un s’accroupir face à moi et me demander ce qu’il se passait. Je ne dis rien pendant de longues secondes jusqu’à ce que la douleur finisse par s’estomper progressivement.
Je finis par ôter les mains de mes oreilles et de prendre une profonde inspiration qui secoua tout mon corps. Je me sentais vidée de toute forme d’énergie ou quoi… Il fallait encore que je rentre d’une manière ou d’une autre… C’était brusquement si loin… Je reniflai en essuyant rapidement mes yeux. Je n’avais pas pleuré, mais cela n’avait pas été loin. Je repris plusieurs fois profondément mon souffle en regardant le ciel que je voyais entre les toits. La réponse de Jean-Jérome me revient. Là aussi il fallait que je réponde à mon tour. Je posai enfin mon regard sur lui, l’analysant… Il était proche mais à une distance raisonnable… Proche, mais je pouvais toujours le repousser au besoin… Enfin, je soutiens quand même son regard en cherchant mes mots pour lui expliquer le mal aise qui venait de se passer. Je passais la pointe de ma langue sur mes lèvres.
« Crise d’acouphène… »
Expliquais-je en prenant appuie sur le mur pour me redresser avec maladresse. J’avais la tête qui tournait et un équilibre plus que précaire. Est-ce que j’allais pouvoir rentrer véritablement ? Je ne savais pas réellement… Mais soit il fallait le faire… sinon… Sinon j’allais être en retard et mes frères allaient s’inquiéter. J’avalais ma salive avant de me mettre à marcher, tenter, pour reprendre ma route tranquillement. C’était pas gagné pour que je réussisse à atteindre le laboratoire… Ça non… Et je ne voulais pas appeler mon frère pour rien … Je devais me débrouiller toute seule.
« C’est… c’est important d’être ponctuel… J’aime bien… le chocolat sinon… Et en musique… j’écoute absolument tout… ça dépend de mon humeur. »
Avance… avance… il fallait encore avancer ! Tu pouvais le faire… Même si tu marchais aussi vite qu’une grand-mère boiteuse et sans son déambulateur… Ouais bon… je faisais ce que je pouvais… J’avais vraiment pas envie de déranger mon frère pour si peu… Il fallait bien que je rentre seule… Et hors de question de… d’inquiéter tout le monde… Je pouvais le faire toute seule. Ou pas, mais ça c’était qu’un détail.
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