Dinah Laurel Lance ✸ Black Canary

Le froid, la peur, je ne ressentais même plus la douleur. Mes paupières étaient lourdes, je les fermais. On m'ordonnait alors de ne pas le faire, de rester éveillée... mais j'en étais incapable. Je m'endormais, c'était plus fort que moi. On me choquait, une fois. Retour plus de vingt ans en arrière. J'avais à peine sept ans quand je me glissais discrètement dans le salon au beau milieu de la nuit. Je n'avais pas le droit bien sûr, à cette heure-ci je devais être au lit, il y avait école le lendemain. Je portais un pyjama jaune poussin et de grosses pantoufles roses. Mes cheveux bruns étaient coiffés en queue de cheval tandis que mes yeux bleus se posaient sur mes parents, tous deux assis dans le canapé devant la télévision. Le journaliste parlait des exploits du Black Canary, ma mère. Mes parents riaient en se tenant tendrement la main. Je les aimais tant... Je les admirais tant. Ils étaient si forts et ma mère si belle... Je voulais être comme eux. Je sortais alors de ma poche de pantalon, un masque, que j'avais fabriqué avec une vieille paire de chaussettes, et je l'enfilais. J'avais alors l'impression d'être moi aussi une justicière. Je m'imaginais moi aussi combattant le crime, me retrouvant en vedette au journal du soir. Je souriais, des étoiles plein les yeux. Mon père m'avait remarqué, il m'avait même lancé un petit clin d’œil complice et amusé. Il ne prévenait pas ma mère de ma présence afin que cette dernière ne me gronde pas. Alors je lui lançais moi aussi un clin d'oeil complice avant de m'éclipser et de retourner dans ma chambre. Sur mes murs, des tas de dessins de Black Canary, du lieutenant Drake mais aussi de tous les autres justiciers connus à l'époque. Je les adorais, je les admirais, je rêvais de devenir l'un d'entre eux. J'observais alors chacun de ces dessins, le sourire aux lèvres, puis je sautais en cabriole dans mon lit avant de fermer paisiblement les yeux car c'était une certitude... Un jour, je serai comme elle. Oui, un jour je serai comme ma mère.

Malgré le choc, je ne me réveillais pas... Je sombrais à nouveau dans les ténèbres, glaçantes et terrifiantes. On me choquait, une seconde fois. Retour dix ans en arrière. J'avais à peine vingt ans quand je rentrais en catimini à la maison. Je revenais d'un entrainement avec Ted et je n'avais qu'une seule envie, prendre une bonne douche et dormir pendant au moins douze heures. Mais ma mère ne l'entendait pas de cette oreille. Assise dans le fauteuil du salon, elle m'attendait dans la pénombre. Elle avait tout découvert et elle était folle de rage. Cette nuit là, je me prenais l'une des plus grandes soufflantes de toute ma vie. Je m'en souviens encore. Elle m'avait interdit de suivre son chemin, de devenir moi aussi une justicière. Elle disait que le monde avait changé, qu'il était trop dangereux désormais d'arpenter les rues pour aider les faibles et les opprimés. Elle était furieuse après moi mais aussi après Ted... Je m'en voulais tellement, je ne voulais pas mettre à mal une si belle amitié. Mais pour autant, je lui répondais tout de même. Qu'elle n'avait pas le droit de m'empêcher de vivre ma vie, que j'étais en âge de prendre mes décisions, que je serai justicière avec ou sans son accord. Le ton était monté et les mauvais mots avaient fusé. Cette nuit là, j'avais pleuré toutes les larmes de mon corps, enfermée dans ma chambre. J'aimais ma mère, je l'aimais vraiment, mais elle avait été trop loin, j'avais été trop loin. Cette même nuit, je faisais mes valises et je disparaissais, laissant en suspend cette dernière et ultime dispute. C'était sa maison, ses règles... alors je n'avais plus rien à faire ici. Je m'installais chez une amie le temps que les choses s'apaisent. Mais elles n'en eurent malheureusement jamais le temps. Plusieurs jours plus tard, alors que je me rendais à l'école de police, je découvrais sur les écrans d'une vitrine de magasin qu'un terrible incendie avait fait rage dans l'immeuble d'un quartier défavorisé de Star City. Pire encore, je découvrais, sans ménagement, que la grande Black Canary y avait perdu la vie en tentant de sauver les habitants. Mon coeur s'était alors brisé en mille morceaux, jamais je n'avais ressenti une telle douleur. Je m'étais littéralement écroulée, mon monde s'était écroulé. J'avais déjà perdu mon père et maintenant je perdais ma mère. Je ne pouvais pas y croire. Mais ce qui me faisait peut être encore le plus mal, c'était cette terrible dispute, les derniers mots que nous avions échangé à tout jamais. Je m'étais alors précipitée chez Ted, trouvant refuge dans ses bras paternels. Il était tout ce qu'il me restait, ma seule famille.

Après de longues et inquiétantes minutes, je refaisais enfin surface dans cette ambulance. Ce goût de sang dans ma bouche, la douleur, les souvenirs, tout se réveillait en même temps que moi et je me laissais envahir par la panique. On m'administrait alors un tranquillisant et je me rendormais, paisiblement cette fois. Lorsque je rouvrais enfin les yeux, le décor avait changé, j'étais désormais dans une chambre d'hôpital. Tout était plus calme et serein autour de moi. Oliver était là, assoupis à mon chevet. Je tentais alors de l'appeler mais cela m'était impossible, je ne pouvais plus parler. Mon cœur s'emballait et le moniteur avec. L'accélération des bips continus le réveillait et il tentait alors de me rassurer. Mais je n'entendais même pas sa voix, je ne comprenais aucun de ses mots, j'étais juste terrifiée. Que m'avaient-ils fait? Pourquoi, pourquoi m'infligeaient cela? Oliver m'intimait de me calmer et les infirmières ne tardèrent pas à arriver pour prendre la relève. On m'administrait à nouveau un tranquillisant et je repartais encore. Retour deux ans plus tôt. J'avais vingt huit ans. Oliver était allongée à mes côtés, son regard tendre et doux posé sur moi. Je me sentais à l'abri de tout. Je me disais à cet instant précis que jamais je n'avais aimé un homme autant que lui et qu'assurément je n'en aimerai jamais un autre autant que lui. J'étais persuadée qu'il était l'homme de ma vie, mon âme soeur. Pourtant, nos début à la Justice League n'avaient pas été très glorieux. Il m'insupportait littéralement. Le milliardaire superficiel et coureur de jupons qui se rachetait une image et une bonne conduite pour faire bonne figure, pour soulager sa conscience. Je détestais tout ce qu'il représentait et je ne m'étais pas privée pour lui faire savoir. Il m'avait bien rendu la pareille le bougre, nos rapports étaient plus que froids et tendus. Et puis, par la force des choses, nous avions été obligés de faire équipe à plusieurs reprises et j'avais découvert que finalement, je l'avais jugé un peu trop vite. Nos charmes respectifs avaient fait le reste et de la haine, nous étions vite passés à la passion. Une passion dévorante et délicieuse. Oui, Oliver Queen avait capturé mon coeur, il y avait planté une flèche si profondément que je pensais qu'il lui appartiendrait à jamais. Mais... chassez le naturel et il revient au galop. Notre relation n'aura tenu qu'un peu plus d'une année avant qu'il ne se décide à me tromper. Je l'avais moi même pris en flagrant délit. Encore une fois, mon coeur avait été brisé en mille morceaux et pour être honnête, je ne m'en suis jamais vraiment remise. Bien évidemment je l'ai quitté, sa faute était impardonnable, peu importe les sentiments que j'avais pour lui, que j'ai encore pour lui. Je hais Oliver Queen autant que je l'aime. Si vous avez été amoureux un jour, véritablement amoureux, et que cette personne vous a blessé si fort qu'il vous est impossible de lui pardonner malgré le fait que vous le souhaitiez du plus profond de votre coeur, alors vous comprenez ce que je ressens.

Quelques jours plus tard, je retrouvais enfin mes esprits. J'étais encore à l'hôpital, et j'allais y rester un bon moment. J'avais enfin réussi à me calmer et à accepter ce qui m'était arrivé. J'avais été kidnappée, torturée et mutilée par une bande de lâches, une bande de trafiquants minables sur qui j'avais eu la maladresse de croire que je pouvais enquêter seule. Je les avais sous-estimé et j'en avais payé le prix fort. Pas assez à leurs yeux visiblement. C'est ce que je compris en tout cas lorsque l'un d'entre eux était venu terminer le travail. Je me réveillais en sursaut, un oreiller plaqué sur mon visage. Je ne pouvais plus respirer et je n'avais plus ni la force, ni la possibilité de me battre. Une nouvelle fois, je sentais la mort m'envelopper de sa funeste étreinte. Mon coeur s'arrêtait de battre et je fermais les yeux, pensant que cette fois-ci c'était bel et bien pour la dernière fois. On me choquait, une fois. Retour, trois ans en arrière, j'avais vingt sept ans. Je voyais ce monstre difforme et affreux. Cette créature que nous avions tous redouté était bien réel. Nous ne savions pas où nous allions, c'était, pour la plupart d'entre nous, la première fois que nous travaillions ensemble, main dans la main. Mais la menace de Darkseid l'exigeait, nous devions allier nos forces pour le contrer, pour le neutraliser. Une fois la victoire remportée, il me semblait évident que cette alliance devait perdurer alors je rejoignais, sans l'ombre d'une hésitation, la Justice League. Persuadée de ses bien faits et de son utilité. Le monde en avait besoin, nous en avions besoin. Et malheureusement, cela se confirmait très vite. Zod, le Syndicat du Crime, le Bartpoint, le Deluge, les Sept Pêchés Capitaux, et j'en passe. Tout autant de menaces qui n'auraient pu être contrées sans l'existence de notre alliance, de nos alliances. Oui je suis honorée et fière de faire parti de la Justice League. Je me battrai jusqu'à mon dernier souffle pour elle. J'ai une foi indestructible envers la nécessité de son existence et je ne laisserai personne affirmer le contraire sans répondre ou riposter.

Une nouvelle fois j'échappais donc à la mort et me sentais plus déterminée que jamais à me battre pour faire quelque chose de cette nouvelle vie qui m'était offerte. Hors de question de m'apitoyer sur mon sort ou sur mes blessures. Je n'avais plus le "cri du canari"... soit, il me restait mes années d'expériences, mes années d'entrainement et mon savoir faire. Il me restait mes amis, mes collègues, ma mission, ma détermination. Alors, dès que cela fut possible, je reprenais mon rôle de justicière au sein de la Ligue mais aussi et surtout auprès de ma ville. Je ne suis plus la même, je ne serai plus jamais la même... Mais une chose est immuable. Je suis Black Canary.

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