Poursuite au coeur de la nuit | Barbara Gordon

Lana &
Barbara

Accroupie sur le rebord d'un toit, Batgirl observait la ville.  Son regard vissé en contrebas, elle contemplait dans une parfaite immobilité les allées et venues des voitures.  Mais aussi des piétons dont elle distinguait les silhouettes grâce à la technologie abritée dans son masque. De temps en temps, le murmure des conversations lui parvenaient aux oreilles. Ce soir, la ville était calme. Jusqu'à présent, la justicière n'avait même pas eu à intervenir. Aucune sirène n'avait retentit à l'horizon. La jeune femme savait cependant que la nuit était encore jeune et que les problèmes pouvaient rapidement pointer le bout de leurs nez pointus. Si elle avait appris quelque chose pendant toutes ces années, c'était de ne jamais se reposer sur ses lauriers. De ne jamais se sentir en sécurité. Ici, dans cette ville, il fallait toujours rester sur ses gardes. Toujours être conscient de son environnement. Pour cette raison, elle ne fut pas vraiment surprise d'entendre des pas légers derrière son dos. Oreille aux aguets, elle attendit de voir ce que la personne allait faire. «  Est ce que vous êtes elle ? » demanda une petite voix fluette. Pivotant sur la pointe de ses pieds, Batgirl tourna son buste pour pouvoir regarder sa nouvelle interlocutrice. Cette dernière était jeune, encore une enfant. Blonde, yeux bleus innocents ouverts comme des soucoupes. Barbara laissa un sourire ourler ses lèvres et poussant sur ses jambes descendit du rebord pour se relever de toute sa hauteur. Malgré l'air menaçant qu'elle pouvait dégager, la petite fille ne sourcilla pas. Elle fut même assez brave pour avancer de quelques pas et venir à sa rencontre. «  Comment t'appelles tu ? » demanda doucement la justicière. «  Amy ». «  Et qu'est ce que tu fais toute seule sur le toit à une heure pareille ? ». Face à cette question en somme légitime, la fillette soupira. Ses épaules s'affaissèrent sous un poids invisible trop lourd à porter. «  C'est ma maman, elle est dans la baignoire et j'arrive pas à l'en sortir » avoua t-elle. «  Elle est tombée ? ». «  Non, elle s'est endormie. Elle le fait souvent après avoir pris ses médicaments ». Un son remonta le long de la gorge de la justicière et elle invita la petite fille à lui montrer le chemin jusqu'à son appartement.

Une fois dans ce dernier, Amy pointa ce que la rouquine imaginait être la salle de bain. Avec un sourire rassurant, elle la laissa près d'un vieux canapé défoncé et alla examiner de plus près la situation. Sous son masque, elle roula des yeux lorsqu'elle avisa la mère de famille, allongée de tout son long dans une baignoire vide, les bras par dessus le rebord et une aiguille encore plantée dans l'un d'eux. La justicière supposait qu'elle devait donner des points en chocolat à cette femme pour avoir préserver l'innocence de sa gamine alors même qu'elle bourrait son système de drogues en tous genre.  Avec des gestes prudents, elle enleva l'aiguille et la jeta dans la poubelle. Elle s'assura qu'il n'y en avait pas d'autre avant de se pencher par dessus la baignoire et de mettre ses mains sous les aisselles de cette pauvre femme.  Avec un peut d'effort et quelques manœuvres, elle réussit à la sortir puis la tirer jusqu'à ce qu'elle identifia être sa chambre. Par acquis de conscience, elle vérifia son pouls et compta les battements de son cœur. Elle ne semblait être en danger. Elle avait juste besoin d'évacuer ce qu'elle venait de mettre dans les veines.

Après ça, la justicière ne s'attarda pas. Elle s'assurera cependant que la petite pense à fermer la porte d'entrée derrière elle. Barbara aurait évidemment pu appeler les services sociaux. La jeune femme savait cependant que la situation de la petite Amy serait pire en foyer, à jamais privée de sa mère. Et puis, malgré l'état de la mère, la gamine ne semblait manquer de rien. Elle n'était pas maigre, ses joues étaient roses et elle n'avait vu aucun trou dans ses vêtements. Pour le moment cela lui suffisait. Elle ne manquerait cependant pas venir vérifier régulièrement qu'elles s'en sortaient ; et pourquoi pas proposer à la mère de se faire suivre.

Pendant quelques minutes, Batgirl passa d'un toit à l'autre à la recherche de quelque chose à faire. Son nouvel objectif se présenta dans un immeuble abandonné, connu pour être le repère des toxicos. Clairement, la drogue était le fléau de sa nuit de patrouille. Un nuage de poussière se souleva dans la nuit à l'un des derniers étages du building. Lèvres pincées, la justicière décida de mener son investigation.  Agile et légère comme une plume, elle pénétra par l'une des fenêtres brisées et se confondit directement avec l'obscurité ambiante.  Plaquée contre un poteau dans le noir, elle écouta les bruits rapides de pas. Quelqu'un courrait dans la direction opposée. Ami ou ennemi ? Vu l'endroit, la jeune femme pariait sur la seconde option. Plus près d'elle, le bruit court d'une respiration coupée. Quelqu'un était à terre. Peut être blessé. Sans perdre plus de temps, Batgirl se révéla. Ses bottes soulevèrent de la poussière à chacun de ses pas alors qu'elle rejoignait la position de la première personne. «  Détective Fray, je ne pense pas que cela soit l'heure de faire la sieste » déclara t-elle, bras croisés sur sa poitrine, lorsqu'elle reconnue la personne qui se trouvait au sol. O à moitié au sol. Clairement, la personne était en train de se relever. «  Et l'autre c'est qui ? Un à vous ou votre cible ? ». Avant de faire un impair, elle préférait demander. Elle ne voulait pas créer plus de problème à son père qu'il n'en avait déjà après tout. Et le priver de l'un de ses agents était définitivement une difficulté en plus.

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Barbara leva les mains devant elle en signe d'apaisement. La justicière se retint à peine de lui faire remarquer que sa question était légitime. Et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, elle n'avait pas assisté à toute la scène. La jeune femme préférait donc de tirer des plans sur la comète. Dans ce métier, il était important de toujours se questionner. De ne rien prendre pour acquis. Deuxièmement, les policiers se déplaçaient toujours par deux. Ils étaient un duo de partenaires. Et elle était bien placée pour le savoir car c'était son père qui faisait les règles. Le simple fait qu'elle était ici toute seule, relevait déjà d'une faute professionnelle aux yeux de la rouquine. Après, Batgirl ne doutait pas qu'ils avaient une bonne raison pour se séparer. Mais la règle existait justement pour éviter ce genre de situations. En acceptant de traquer un coupable en fuite seule, la détective s'était elle-même mise dans le danger. A ce titre, c'était pas le moment pour elle de montrer les dents à Barbara qui ne cherchait juste à l'aider. Mais soit, elle garderait ses réflexions pour elle à l'avenir. Car apparemment, on ne pouvait même plus plaisanter un peu.  La justicière secoua la tête lorsque la policière s'élança une autre fois à la poursuite de sa cible, seule et avec une petite arme à feu pour se protéger.

Activant sa vision infrarouge, Batgirl se déplaça facilement et avec pour seul bruit le bruissement de sa cape dans le vent à la suite de l'autre femme. La porte grinça en se refermant dans son dos.  Vision toujours activée, elle n'eut aucun mal à trouver les deux silhouettes qui l'intéressaient. Ces dernières n'allaient d'ailleurs pas tarder à se rencontrer. Sans le savoir, la détective avançait tout droit sur sa cible, presque prête à lui rentrer dedans sans le vouloir. Avant que la collision n'ait cependant lieu, la lumière fut. Batgirl grogna entre ses dents lorsque la soudaine luminosité l'éblouit. La vision nocturne n'était pas faite pour supporter la lumière des néons. Bien au contraire. Malgré son inconfort et les quelques tâches de couleur qui dansaient devant ses yeux, la justicière fit le trajet jusqu'au point de rencontre. Et elle arriva juste au bon moment. Avisant la scène, elle dégaina un batarang et l'envoyant directement dans la main de l'assaillant. Avec un cri de douleur, l'homme lâcha l'arme qui tomba au sol avec un bruit sourd. Par chance, le choc ne fut pas assez violent pour relâcher une balle et aucun autre blessé ne fut à déplorer. Apparemment, bien décidé à en découdre, il sortit un poignard de l'une de ses poches et les menaça.

Peu impressionnée, Batgirl sortit calmement un autre batarang et visa. A nouveau l'arme fit mouche. Clairement, leur opposant n'avait pas inventé l'eau tiède. Il fallait, après tout, être un peu stupide pour oser les menacer à nouveau d'une arme. A croire qu'il n'avait rien appris. «  Vous comptez vous en occuper détective ou je dois le finir à votre place ? ». Et par finir, Barbara entendait évidemment de le mettre à terre et dans une paire de menotte pour qu'elle puisse l'emmener jusqu'au GCPD. Comme Batman, Barbara ne tuait pas. En d'autres circonstances, elle s'en serait déjà chargée. Cependant, le couloir était étriqué et Batgirl aurait littéralement du pousser la policière du milieu pour atteindre l'assaillant. Une manœuvre qu'elle préférait éviter. Clairement, Lana Fray n'était pas une fan et elle préférait éviter d'aggraver leurs situations à tous.

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La policière envoya un sourire à la justicière avant de mettre à terre l'assaillant et de faire exactement ce que la rouquine avait préconisé en peu de mots. La détective lui passa les menottes et appela qui de droit pour qu'ils amènent une voiture et viennent le chercher. Direction les geôles du commissariat de police pour lui et/ou peut être un tribunal en procédure accélérée dès l'ouverture des juridictions pénales le lendemain matin. Dans des affaires comme ceci, il était simple pour le procurer de citer directement le suspect devant la justice.  Ne s'attendant pas à être remerciée et ne cherchant de toute façon pas à l'être, Batgirl tourna les talons pour disparaître une nouvelle fois dans la nuit.  Elle se stoppa cependant dans son mouvement lorsque Frey lui adressa la parole. Le dos déjà tourné, elle l'écouta en tournant sa tête pour la regarder de biais par dessus son épaule. Elle devenir policière ? Ah la détective ne savait pas à quel point elle venait de viser juste. Barbara laissa donc un sourire secret fleurir sur ses lèvres rouges. La jeune femme avait bien tenté dans ses jeunes années de rejoindre les forces de l'ordre de la ville. Son père avait cependant eu un autre avis et avait très rapidement mis un terme à ses ambitions professionnelles. Bien sur, elle avait pesté et regretté l'opinion de son père. Opinion qu'elle avait pendant longtemps trouvé injuste. Elle le comprenait cependant et avait fini par respecter son souhait – à défaut d'avoir le choix.  « Réfléchissez y, tout ce qui entoure le chevalier noir finisse par se séparer de lui. On s'en rend compte, le premier Robin est devenu Nightwing et a quitté Gotham, le second on ne sait pas trop ce qu'il est devenu ». «  Non pas tout le monde détective. Pas tout le monde » répondit elle simplement . Elle était toujours là, elle. Alfred aussi était toujours là. Et le serait jusqu'à sa mort à ne pas en douter. Le vieux majordome était d'une loyauté implacable et se comportait à bien des égards bien plus comme un père et un grand père pour eux tous que comme un simple employé de maison. Et probablement était il réellement le père de Bruce. Pas biologiquement bien sur. Mais dans tous les autres sens du terme.

«  Et puis Détective, il n'y a pas de mal à grandir et transcender son maître » rajouta t-elle en faisant référence à Nightwing. Mais Barbara ne parlait évidemment pas que de Dick. Ils avaient tous commencé enfant et avait grandi. Ils avaient mûris. Ils avaient fait leur propre choix. Ils s'étaient construits pour devenir ce qu'ils voulaient être. Et il n'y avait vraiment rien de mal à ça. «  Je vous remercie pour la proposition mais je vais passer. Je suis sûre que vous comprenez » termina t-elle avec en laissant un léger sourire fleurir sur ses lèvres. Si la police de Gotham était plus souple avec les règles que les autres corps de police des Etats-unis, il n'en restait pas moins qu'ils restaient imités dans ce qu'ils pouvaint faire. Batgirl, elle, était libre de tout dans sa lutte contre le crime. Dans sa lutte contre la corruption. Elle pouvait aller là où le détective ne pouvait pas aller. Faire ce qu'elle ne pouvait pas faire. Sa seule limite restait alors sa propre moralité. Ne pas tuer, ne pas blesser plus que mesure. Rester intègre. En fin de compte, il n'y avait personne d'autre qu'elle pour la garder de ses obsessions et juger si le chemin qu'elle empruntait était trop difficile. Il n'y avait pas de puissance suprême pour punir ses actions. Pas de comptes à rendre. Et Barbara le savait, cette liberté était autant un don qu'une malédiction. Il ne lui restait donc qu'à prendre au jour le jour les meilleures décisions possibles.