been haunted by a million screams (artemis)

« Où est-elle ? » « Dans sa geôle, ô Black Adam. Les Feitherans montent la garde. » « Parfait. Faites-la venir. » « Tu es sûr, Adam ? Il s’agit tout de même d’une Amazone… » « Certain. Allez. » Le général de police n’argumenta pas plus avant, quand bien même il n’en pensait peut-être pas moins, et quitta la salle du trône, laissant derrière lui un dirigeant bien conscient du tourment de son subalterne, mais serein quant à l’issue de la rencontre à venir. Debout sur le vaste balcon qui surplombait la place royale de Shiruta, Back Adam contemplait la foule qui s’agitait en contrebas alors que la journée commençait à peine – les marchands qui ouvraient leurs échoppes, les écoliers qui partaient pour leur journée d’école dans les établissements récemment reconstruits et rénovés, les soldats qui s’assuraient que tout ce petit monde n’avait pas besoin d’assistance. L’air était déjà chaud et lourd en ce mois de Septembre, sous le soleil encore jeune mais assommant du désert ; et la journée elle-même, Adam le pressentait, allait être longue. Détournant son regard de l’oasis paradisiaque que constituait sa capitale, il pivota sur ses talons, sa cape noire brodée d’or claquant dans son dos alors qu’il se dirigeait vers l’imposant trône de pierre réservé aux rencontres diplomatiques officielles ; il avait beau avoir maintes fois refusé le titre de roi auprès de ses sujets, l’expérience avait prouvé que tout était plus facile, avec des dignitaires étrangers, ou même auprès de son propre peuple, s’il acceptait au moins occasionnellement de jouer le jeu. Et pour la rencontre qui s’annonçait, il avait bien l’intention d’affirmer, même symboliquement, qui était en contrôle, et qui était l’intrus. Le regard sombre et l’air impérieux, Adam prit place sur le trône du Kahndaq, entouré des statues de marbre de son épouse et ses deux fils, comme des effigies pharaoniques d’un passé depuis longtemps enterré, mais que lui, n’avait jamais oublié. D’un geste de la main, il intima aux gardes d’ouvrir les portes. Il était l’heure.

Dans sa longue, très longue vie, Black Adam avait à plusieurs reprises eu l’occasion de rencontrer des Amazones – même si, ces derniers temps, Wonder Woman semblait être la seule à se dresser sur son chemin de manière répétée. Il respectait ce peuple de guerrières, et leur désir de se couper du monde et des affaires des hommes – voilà donc pourquoi il avait été particulièrement surpris, et suspicieux, lorsque ses gardes lui avaient rapporté l’arrestation de l’une d’entre elles près de la frontière. Une arrestation qui n’avait été possible que grâce à l’intervention providentielle et en masse d’une escouade entière de Feitherans, laquelle était désormais en train de remonter l’immense couloir menant à la salle du trône, escortant leur précieuse, et surtout dangereuse, prisonnière. Et lorsque leurs regards se croisèrent, Adam songea que prévoir des liens enchantés pour parer à ce genre de situation et prévenir d’aussi formidables ennemis avait décidément été une sage décision. Silencieux, il ne dit pas un mot, alors que ses fidèles Feitherans poussaient l’Amazone entravée, jusqu’à ce qu’enfin, elle ne soit plus qu’à quelques pas de lui. Ses yeux glissèrent sur les liens qui la retenaient prisonnière – ils ne tiendraient clairement plus longtemps, aucune Amazone ne saurait être si aisément retenue par un sortilège aussi simple, mais au moins, si elle s’avisait de se rebeller face à son sort, il pourrait intervenir en personne. « Merci, Northwind. Toi et tes hommes pouvez reculer. » lâcha enfin Adam, et Northwind, impitoyable soldat, siffla en direction de l’Amazone, avant de reculer, visiblement à contrecoeur, en compagnie de ses compagnons mi-hommes mi-oiseaux. La lance pointant vers le plafond, et visiblement prêts à intervenir au moindre signe d’hostilité de la part de leur prisonnière.

Que faisait cette Amazone si loin de Themyscira ? Le Kahndaq comptait une immense variété de métahumains, mages, et créatures en tout genre, mais à sa connaissance, n’avait encore accueilli aucune Amazone en son sein. Et celle-ci, au regard qu’elle lui décocha, n’avait pas l’air des plus amicales ; mais curieusement, il n’avait pas non plus l’impression que l’hostilité qui émanait d’elle lui était particulièrement destinée. Malgré tout, si elle se montrait d’humeur trop belliqueuse, elle trouverait en lui un adversaire à sa hauteur. « Décidément, il semblerait que Wonder Woman et ses sœurs fassent peu cas du concept de frontière, ces derniers temps. » commenta-t-il sans la moindre trace d’humeur dans la voix en toisant son interlocutrice depuis son trône. Sur son torse, l’éclair vivant du sorcier crépitait, comme déjà curieux, et prêt à frapper l’imprudente au moins signe de nécessité. Lentement, Adam se leva, et croisa les bras devant lui, impérieux, martial. « Pénétrer le Kahndaq sans autorisation officielle est une infraction passible de la peine de mort. Les Amazones ne m’ont jamais frappé comme des truandes choisissant délibérément d’ignorer les lois d’autres nations – je t’accorderai donc le bénéfice du doute en soupçonnant que tu avais une excellente raison de le faire. » Bénéfice du doute ou non, la méfiance était peinte sur son visage, alors qu’il détaillait l’intruse de bas en haut. « Qui es-tu, et que fais-tu sur les terres du Kahndaq, sans invitation ? Parle librement, et honnêtement, et tu pourras peut-être ressortir de ce palais en vie. » asséna-t-il impitoyable, attendant patiemment une réponse de sa part. Les kahndaqi et les Amazones n’étaient pas en guerre – mais pour autant, il ne tolérerait pas un tel piétinement de ses lois sans protester. Radicalement, s’il le fallait.

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Une Amazone qui ne répondait pas à Wonder Woman, ni à la souveraineté de Themyscira ? Si Adam conserva un visage presque parfaitement impassible, il ne parvint pas à dissimuler le froncement de sourcil qui vint déranger ses traits durs et sévères. Du haut de ses trois millénaires, il avait naturellement entendu parler d’Amazones renégates vivant en dehors des confins de l’île, mais dans sa façon de s’exprimer, cette guerrière ne lui donnait guère l’impression d’une rebelle en guerre ouverte avec la princesse Diana ou la reine Hippolyte. Alors qu’était-elle ? Zehuti, le dieu à tête d’Ibis, avait naturellement la réponse – ou plutôt, plusieurs à lui souffler, laissant le soin à son champion d’interpréter de lui-même ces visions d’immensités désertiques qui lui semblaient si familières, chargées d’une immense énergie divine qu’il reconnut aussitôt. Etait-ce seulement possible ? Adam dévisagea attentivement l’Amazone, cherchant dans son visage, dans son armure, un indice qui confirmerait ses soupçons. Les Amazones de Bana-Mighdall étaient un mythe, même pour lui, pourtant plus familier des créatures de mythes et de légendes que quiconque sur cette planète : des Amazones venues se réfugier dans les déserts d’Egypte, derrière les hauts murs d’une énigmatique cité de pierre blanche, en rupture avec Themyscira et les dieux de l’Olympe pour leur préférer le panthéon d’Egypte – son panthéon à lui. Cette femme était-elle une de ces guerrières ? Lentement, alors qu’elle le fusillait du regard en poursuivant son discours, il descendit les quelques marches de marbre qui le surélevaient jusqu’à présent. Si réellement, elle était une Amazone de Bana-Mighdall, cela changeait beaucoup de choses. Pouvait-il réellement appeler sa présence une intrusion, si elle était bénie par les déesses de l’Egypte anciennes dont les frères et époux couvaient maintenant le Kahndaq de leur regard bienveillant et de leur protection ? Adam n’en était pas sûr – mais son attitude, peut-être achèverait de lui apporter la réponse.

Et Black Adam faillit oublier instantanément ses bonnes résolutions, sitôt qu’elle rouvrit la bouche pour l’abreuver de reproches au sujet d’un problème épineux et, hélas, particulièrement persistant au Kahndaq. Il en avait bien conscience, et son propre sang bouillonnait sitôt qu’était portée à sa connaissance l’existence d’un autre de ces maudits camps – mais s’entendre reprocher leur persistance, comme s’il en était personnellement responsable, le mettait hors de lui. Elle l’insultait, lui, et crime plus grave encore, elle insultait le Kahndaq, trop longtemps gouverné par des tyrans sans scrupules, et dont chaque jour l’influence se faisait encore ressentir, comme un fantôme particulièrement tenace. « Surveille ton langage, Amazone. » siffla-t-il, l’éclair du Sorcier crépitant de plus belle sur son torse. « L’insolence et l’injure sont deux choses que mes semblables et moi-même avons juré de ne plus souffrir en silence. » Mais, aussi furieux soit-il, force était de reconnaître que ses propos n’étaient pas entièrement infondés. Ces ateliers, ces camps de travail forcé, hélas, existaient encore, une véritable plaie qui endiguait le pays malgré ses efforts pour les éradiquer. Isis, à l’époque, avait joué un rôle clé dans leur découverte et leur élimination, mais depuis sa mort prématurée, les recherches et les actions décisives avaient été plus difficiles. Quand il se cherchait des excuses, Adam affirmait que les trafiquants étaient devenus plus malins. Mais il savait pertinemment que si sa chère Isis était là, elle lui dirait, à juste titre, sans doute, qu’il s’était trop concentré sur sa rage envers leurs ennemis de l’extérieur, et avait fait l’erreur de négliger la gangrène qui les rongeait de l’intérieur. Peut-être ne voulait-il à cette Amazone de lui rappeler un peu trop brutalement cette réalité. Mais il ne pouvait lui en vouloir de l’énoncer à voix haute.

« Tu ne m’apprends rien sur ce qu’il se passe dans mon pays. » rétorqua-t-il, sombre. « Le Kahndaq a longtemps été soumis au joug de tyrannies bien pires que celle qu’on m’accuse d’avoir mise en place. Malheureusement, certains de leurs héritages persistent, et les déraciner est un combat de tous les jours pour mon peuple et pour moi-même. » Il avait déjà fait fermer nombre de ces ateliers, le plus souvent par la force, mais certains continuaient d’opérer, bougeaient sans cesse, pour échapper à la surveillance de l’armée, et à la sienne. La cupidité, hélas, était un puissant moteur pour ces criminels. « Ces ateliers qui subsistent encore savent qu’ils opèrent maintenant dans l’illégalité et risquent mon courroux, s’ils venaient à être découvert. Ils se sont faits discrets. Et ce pays panse encore ses trop nombreuses blessures, et ne dispose pas toujours des ressources nécessaires pour le faire. Après tout, ni les pays de l’Ouest, ni Themyscira, ni personne chez les peuples ‘défenseurs de la liberté’ ne s’est jamais donné la peine de venir à son secours. » fit-il remarquer, ouvertement amer en se tenant face à elle. Puisqu’elle se permettait d’être brutalement honnête, il n’avait aucune raison de ne pas lui rendre la pareille, n’est-ce pas ? Themyscira, la cité de Bana-Mighdall – même combat. Les Amazones n’avaient pas plus levé le petit doigt pour son peuple que les humains ne l’avaient fait. Alors qu’on ne vienne pas lui donner, à lui, des leçons sur sa supposée ingérence. Ces états de fait exposés, Adam prit encore un instant pour scruter l’expression de l’Amazone, puis tourna la tête vers le fidèle Northwind et, d’un signe, lui intima de la libérer de ses liens. Un risque, peut-être. Mais elle l’avait dit : pour elle, c’était là une affaire personnelle. Et si Adam pouvait bien comprendre une chose, c’était la rage et la fureur que l’on pouvait dédier à rectifier une injustice que l’on subissait jusqu’au plus profond de son âme. « Je veux voir ces ateliers fermés autant que toi. Nous avons dans nos forces armées une section spécifiquement dédiée à leur identification et leur traque. » l’informa-t-elle alors que Northwind lui permettait de retrouver sa liberté de mouvement – et sa puissance. Une marque de bonne foi, ni plus, ni moins. « Tu peux retourner d’où tu viens et renoncer à retrouver celle que tu cherches. Ou tu peux me suivre, et nous aider à la trouver. » La voilà, son offre. Une offre qu’il faisait rarement à des étrangers – mais elle, il le sentait, pouvait peut-être être une exception. « Quel est ton nom, Amazone ? »

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Il avait peut-être décidé de la libérer de ses liens un peu prématurément – mais Adam songeait que, s’il s’était trompé dans son jugement, alors il rectifierait son erreur lui-même, par la force si nécessaire. Attentif au moindre de ses gestes, il l’observa ; mais nulle hostilité déplacée, ni aucune intention de se retourner contre son geôlier ou son hôte ne sembla transparaître dans l’attitude de l’Amazone, et Adam songea que la sagesse de Zehuti ne l’avait pas trompé. Ni Zehuti, ni son instinct personnel. L’expérience d’Adam avec les Amazones étaient limitée à deux extrêmes, Diana de Themyscira d’un côté, la fille de Darkseid et sa mère de l’autre, mais s’il se fiait aux légendes – et quel champion de la magie serait-il, s’il ne s’y fiait pas ? – alors les Amazones comme Graal constituaient une exception, et non une règle. Où cette Amazone se situait-elle sur ce spectre, ça, il ne le savait pas encore ; mais, lui d’habitude si intransigeant et peu prompt à accorder le bénéfice du doute, avait décidé de se fier à ses à-prioris. Et plus les secondes s’égrenaient, plus il l’entendait parler, et plus il était conforté dans l’idée qu’il avait pris la bonne décision. D’un bref hochement de tête, il confirma au fidèle Northwind qu’il pouvait baisser sa garde, et les quelques gardes encore présents relâchèrent leur pose à leur tour. La trêve avait été conclue. L’Amazone n’était plus considérée comme une menace, ni comme une prisonnière. Un retour au status quo, alors qu’elle et le leader du pays avaient, semblait-il, trouvé terrain d’entente, quand Adam s’y était le moins attendu. Il était bien rare pour des étrangers de se soucier des fléaux qui tourmentaient le Kahndaq – et même si c’était pour des raisons personnelles, l’Amazone lui prouvait par sa présence qu’il restait quelques personnes, au-delà de ses frontières, pour se soucier des injustices de ce monde.

Sans surprise, vraiment, elle accepta son offre – et eut Adam été plus démonstratif, peut-être même aurait-il souri, face à la stature imposante de l’Amazone. Une aura martiale, intimidante, fière et régale ; voilà qui lui allait bien mieux que les liens que les Feitherans avaient été obligés de lui passer aux poignets pour la restreindre. Et lorsqu’elle se présenta, Adam vit ses soupçons se confirmer. Les Amazones de Bana-Mighdall n’étaient pas qu’une légende. « Artemis de Bana-Mighdall. Bienvenue au Kahndaq. » lâcha-t-il enfin, avant de tendre la main pour l’inviter à le suivre. S’ils avaient une jeune fille à retrouver, ils n’avaient pas de temps à perdre en amabilités, ni en excuses. « Suis-moi. Si ton amie est vraiment au Kahndaq, il est possible que l’heure presse. » Et sans plus attendre, Black Adam quitta la salle du trône pour guider son invitée à travers les immenses couloirs de pierre claire et de marbre du palais, bijou d’architecture dont l’élégance et l’opulence reflétaient la véritable renaissance du pays. Leurs pas les menèrent loin de l’aile d’apparat, et les guidèrent dans les ailes réservées aux affaires gouvernementales et ministérielles – et Adam, pour une foi, préférait marcher plutôt que survoler le sol. En temps normal, ses dieux exigeaient de lui qu’il s’élève au-dessus des masses, mais pour cette fois ? Il sentait dans l’énergie qu’ils lui insufflaient qu’une telle posture n’était pas nécessaire. « Il y a trois jours, nos renseignements ont découvert l’existence d’un nouvel atelier – sans doute repris par des mercenaires venus de Bialya qui préfèrent opérer dans notre désert que dans le leur, sans doute pour échapper à leurs concurrents. Nous travaillons à localiser cet atelier. Une fois que nous l’aurons trouvé, nous pourrons établir une stratégie. »

Impérieux, Adam poussa une lourde porte et pénétra dans les quartiers généraux de la division qui les intéressait – et aussitôt, tous les officiers présents se levèrent pour saluer leur dirigeant. « Artemis de Bana-Mighdall, je te présente les hommes et femmes qui constituent la division Bes. Il s’agit de notre unité de renseignements spécialement dédiée au démantèlement des réseaux d’esclavage restants au Kahndaq et à nos frontières. Nous l’avons nommée d’après le dieu Bes, protecteur des enfants – malheureusement les premières victimes de ces réseaux et ateliers. » déclara-t-il, avant de faire signe aux soldats de retourner à leur travail. D’un mouvement de tête, il l’invita à la suivre, et ouvrit la voie à travers plusieurs pièces dont l’activité frénétique faisait penser à une véritable ruche d’espions, penseurs, géographes et chercheurs. Très vite, ils atteignirent le centre nerveux de toute cette opération, et Adam posa la main sur l’épaule d’un général grisonnant, au dos clair et au regard aussi droit que perçant. « Le général Hakim est à la tête de toutes les opérations visant à démanteler ces ateliers. Hakim, je te présente Artemis de Bana-Mighdall. Elle est à la recherche d’une jeune fille qui, selon toute vraisemblance, a été emmenée dans un camp ici, au Kahndaq. » « Sabah el-kheir. Nos recherches avancent sur le dernier atelier recensé en date – en fait, nous venons à l’instant de restreindre notre champ de recherche à une zone spécifique au nord-est. Regardez plutôt. » Sous les yeux d’Artemis et Adam, il pianota quelques instants sur un clavier, et au bout de quelques secondes, une carte détaillée jaillit sur l’immense écran d’informations. « Nous en sommes à balayer une zone de cent par cent kilomètres. Nos espions sont sur place, nous attendons de leurs nouvelles dans l’heure. Et après… » « Après, viendra le temps de décider de ce que nous ferons. » compléta Adam, avant de se tourner vers Artemis. « Malheureusement, les nouvelles voyagent vite, dans ces milieux. Ils savent que nous les cherchons. Ils savent aussi que quand nous les trouverons, nous ne leur montrerons aucune pitié. Notre crainte est qu’ils décident d’assassiner tous les prisonniers présents avant que nous n’ayons le temps de les extraire. Ces enfants ne sont pas que des esclaves : ce sont aussi des otages. » Un constat qui le faisait bouillir – hélas, il devait prendre son mal en patience. Mais avec une Amazone à leurs côtés, peut-être pouvaient-ils se montrer plus… créatifs. « Bien sûr, nous sommes ouverts aux suggestions. » conclut-il, se demandant, d’ailleurs, quel aurait été le plan d’Artemis, si elle avait trouvé le campement sans se faire interpeller par les Feitherans.

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Cette faction spécialement dédiée au démantèlement de ces maudits ateliers était l’une des grandes fiertés d’Adam, et il fut satisfait de constater qu’Artemis jouait le jeu, s’impliquant immédiatement dans le débat avec une réactivité dont il songeait qu’elle tenait sans doute autant à son éducation d’Amazone, qu’à une personnalité qu’il devinait déjà pugnace et sagace. Elle n’avait pas seulement l’habitude du combat, elle semblait aussi avoir l’habitude de la noirceur et la laideur du monde des Hommes. Depuis combien de temps évoluait-elle ainsi en dehors de Bana-Mighdall ? Qu’est-ce qui avait bien pu motiver son départ de la légendaire cité de sable ? Tout autant de questions qui s’alignaient dans son esprit et qu’il allait devoir hélas laisser en suspens jusqu’à la résolution de cette triste affaire. La priorité, pour le moment, allait aux enfants, et, les bras croisés sur son ample torse, Adam écouta attentivement les commentaires de l’Amazone. Deux camps proches de la zone où les Feitherans lui étaient tombés dessus – d’un mouvement de tête, Adam intima à un jeune soldat de filer chercher les informations qu’elle demandait à recouper. Ils mettaient la main dans un véritable engrenage, mais, les dieux lui en soient témoin, il ne la retirerait pas avant d’avoir entièrement démoli la machine. Il s’était promis de ne plus jamais se laisser poser e chaînes – et surtout, il avait prêté serment de ne plus laisser personne mettre son peuple aux fers. Détachant son regard des cartes affichées sur les écrans, Adam le reporta sur Artemis, une lueur intéressée dans les yeux. « Tu les as infiltrés seule ? La stratégie est osée. » Mais si elle avait payé, c’était tout ce qui importait. Adam était, sans aucune honte, partisan du dicton ‘la fin justifie les moyens’. Si elle avait dû se mêler à cette pourriture pour mieux les détruire, alors c’était un sacrifice qui valait la peine d’être fait.

Outre ces préoccupations éthiques, ils avaient effectivement un souci de bien plus grande ampleur – à savoir, comment empêcher une intervention de leur part d’escalader en véritable désastre de représailles pour les prisonniers d’autres camps. Heureusement, ils avaient tout de même quelques bonnes nouvelles sur ce front. « Tu nous dis avoir eu vent de l’existence de deux camps dans cette zone. D’après nos informations, ce réseau spécifique n’a plus que deux camps actifs – nous nous sommes déjà chargés des autres. Ce sont sans doute ceux que tu as localisés. » Le général Hakim s’approcha à son tour, ouvrant un registre amené par le jeune soldat, et en tourna les pages sous les yeux de l’Amazone avant de s’arrêter sur le portrait d’un homme – regard sombre, barbe broussailleuse, une balafre sur le front. « Cet homme s’appelle Mohammed Al-Bin. D’après nos informations, c’est lui, la tête du réseau – et d’après nos infiltrés, il est à l’heure actuelle dans l’un des deux camps. Peut-être sont-ce les dieux qui t’ont amenée ici, Amazone. Si nous frappons les deux camps, et nous débarrassons d’Al-Bin, ce réseau ne s’en relèvera jamais. Et ça en fera un de moins dont on aura à se soucier. » Adam hocha la tête, songeur. Deux camps, une tête d’hydre à couper. Hakim avait raison : la présence d’Artemis parmi eux était providentielle. Lui, en tout cas, refusait de croire à un simple hasard, toujours prompt à s’en remettre à la volonté des dieux pour expliquer les hasards, heureux ou malheureux, qui se dressaient sur son chemin. Artemis était venue trouver une de ses proches, lui voulait mettre un terme au trafic qui gangrenait son pays. A eux deux, ils pourraient aisément faire d’une pierre deux coups.

« Ta couverture tient-elle encore debout, Artemis ? » demanda-t-il, curieux. « Nos infiltrés n’ont pas encore réussi à se faire conduire dans ces camps, mais en te faisant passer pour une trafiquante, peut-être réussiras-tu là où nos hommes ont échoué. Pour peu que tu leur proposes quelque chose avec assez de valeur – nous avons dans nos rangs un méta-humain dont les talents les intéresseraient sans aucun doute. Il pourrait t’accompagner en prétendant être ton prisonnier. » Et si Artemis réussissait à pénétrer le camp, alors ils en obtiendraient eux aussi la localisation. En cachant un micro et un GPS sur sa personne, ils n’auraient aucun mal à tracer sa position. Et alors, ils tiendraient leur premier camp. « Tu as raison, une opération jointe sur les deux camps à la fois est le meilleur moyen d’éviter de verser le sang de trop d’innocents. Mais il nous faudra les coordonnées exactes du deuxième camp, que toi seule pourras obtenir une fois sur place. Et une fois que nous aurons cette information, mes troupes pourront aller se positionner sans se faire remarquer, afin de préparer une attaque unifiée pendant la nuit… » Oui, c’était osé, mais au moins, ce plan avait une chance de marcher. Quant à lui, il pourrait rester en retrait jusqu’à la frappe coordonnée, et ne passer à l’action que sur l’impulsion d’Artemis. « Qu’en penses-tu ? Ce plan d’action te paraît-il raisonnable ? » Et évidemment, il n’oubliait pas la raison de sa présence sur leurs terres. « Ton amie. Si nous menons une attaque coordonnée, tu ne pourras pas être dans les deux camps à la fois. Si tu fournis sa description à mes hommes, ils pourront la chercher pour toi. » Un prêté pour un rendu. Et Adam ne savait que trop bien la douleur et la colère de savoir un être aimé enchaîné et brutalisé sans merci.

Spoiler:

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Quel étrange impression de rencontrer une étrangère dont les intérêts, les principes, et les convictions, s’alignaient sur les siens. Trop accoutumé à voir le reste du monde le condamner sans prendre la peine de se pencher sur autre chose que le vernis empoisonné des média modernes, Black Adam se demandait presque, finalement, s’il devait se méfier, avant de se sermonner intérieurement pour son manque de discernement et son excès de paranoïa. Certes, cette Artemis était une étrangère, mais elle était une Amazone de Bana-Mighdall – et malgré ses nombreux défauts, Adam n’était ni assez aveugle, ni assez stupide, pour ne pas reconnaître leur inflexible sens de l’honneur. Si Artemis de Bana-Mighdall lui assurait être venue se porter au secours de son amie, et, par extension, des persécutés de ces camps morigènes, alors il devait la croire sur parole. Sa présence sur leurs terres, cet appui qu’elle leur promettait, constituaient une lueur d’espoir supplémentaire pour ces malheureux qui attendaient désespérément leurs sauveurs. Et Adam n’était ni assez naïf, ni assez fier pour refuser son aide, au prix de vies perdues. Avec Artemis dans leurs rangs, ils localiseraient les camps plus vite, ils bénéficieraient d’un point d’entrée, d’une force de frappe plus conséquente, et plus d’innocents seraient sauvés que s’il agissait seul. Cette fois, l’indépendance et l’orgueil n’étaient pas des luxes qu’il pouvait se permettre. Et Adam hocha la tête, approbateur, alors qu’elle leur confirmait son implication, jusqu’au-boutiste elle aussi dans sa démarche, sans trahir la moindre trace d’hésitation. Dans cette lutte, elle serait indubitablement une alliée de poids. Et Adam était reconnaissant envers les dieux pour l’avoir envoyée sur sa route.

« Tout le personnel sera sur le pied de guerre pour garantir le moins de morts possible du côté des prisonniers. Toutes les précautions nécessaires seront prises. Nous agissons pour les libérer, pas pour accélérer leur sort. » confirma-t-il, et le général de hocher la tête à son tour avant d’aboyer une série d’ordres en kahndaqi. La machine était lancée. Les engrenages se mettaient en place, et plus grand-chose ne saurait arrêter cette machine bien huilée, désormais mise à jour avec une extraordinaire force supplémentaire. « Tu as raison, nos heures sont comptées. N’attendons donc plus. Suis-moi, nous allons récupérer ton inventaire, et ensuite nous déciderons des détails de la marche à suivre. Avant demain, ces gens seront à nouveau libres. » C’était une promesse – et comme chacun le savait dans cette pièce, les promesses de Black Adam n’étaient jamais à prendre à la légère. Le compte à rebours était lancé, et d’ici quelques heures, une frappe vengeresse mettrait un terme à ce trafic ignominieux une bonne fois pour toutes. Côte à côte, le champion et l’Amazone les feraient tomber à genoux. Et Adam ne pouvait qu’espérer que les dieux, conscients de leurs plans, bénissent leur entreprise et arrivent à insuffler courage et espoir aux malheureux qui attendaient sans le savoir leur intervention. Au Kahndaq, le pouvoir de la prière avait une puissance égalée nulle part ailleurs. Aujourd’hui serait l’occasion de le prouver, une fois de plus.

La nuit était claire, dans le ciel du désert – sans nuages pour obscurcir la lune pleine de Zehuti, et sans bruit pour déranger le doux murmure de la brise – pourtant, ce soir, annonciateur de bien des périls. Comme convenu, Artemis avait été envoyée en éclaireur grâce à sa couverture, pendant qu’Adam et ses hommes se tenaient prêts à se déplacer sitôt que la localisation exacte des deux camps serait connue. Le premier était déjà cerné dans l’ombre, mais c’était l’Amazone seule qui pourrait leur révéler où trouver le second. Puis, les hommes d’Adam pourraient s’y rendre, se mettre en place. Et enfin, ils lanceraient leur attaque. Avant de la laisser partir, Adam avait confié à Artemis une oreillette suffisamment discrète pour être dissimulée derrière ses cheveux et sous un voile – quant à lui, pas très loin du camp, il attendait, avec ses hommes et un talkie-walkie. « Tout repose sur toi, désormais, Amazone. » dit-il à voix basse dans l’appareil, alors qu’elle était déjà partie en direction de sa cible. « Je me fiche de la façon dont tu obtiens les informations que nous cherchons, tant que tu y parviens. Essaye de nous tenir au courant de tes actions et de tes découvertes. » Evidemment, tout opération militaire ne se passait jamais comme prévu. Ils allaient devoir parer à l’inattendu. Et ils y parviendraient. « Bonne chance, Artemis. » conclut-il. En espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard.

Spoiler:

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L’Amazone s’en sortait à merveille dans ce petit jeu de négociations, aussi répugnant soit-il, et Adam conserva un silence religieux pendant toute la durée de leur échange, peu désireux de compromettre leur alliée, et convaincu, en une rare démonstration de bonne foi et de confiance envers autrui, qu’elle avait la situation complètement sous contrôle. L’impatience se faisait sentir sous l’éclair frappé sur sa poitrine, qui crépitait des étincelles d’un Aton prêt à accompagner son champion dans l’action, mais Adam savait qu’il devait prendre son mal en patience et implora son dieu protecteur de faire de même. Ils approchaient du but, et tout le reste ne serait qu’une question de timing. Découvrir la localisation exacte du deuxième campement, envoyer ses troupes, et lancer les deux attaques en coordination. Evidemment qu’il y aurait des imprévus, évidemment qu’il y avait des chances pour que les deux attaques ne soient pas aussi simultanées qu’ils ne l’auraient souhaité, mais qu’importait. Ils conservaient, pour l’heure, l’avantage stratégique et l’effet de surprise, et c’était là le plus important. Et cela, c’était grâce aux efforts d’Artemis. Une parfaite inconnue quelques heures plus tôt encore, aujourd’hui une sœur d’armes indubitablement de leur côté, sans ambiguité, sans contestation. Une rareté, un petit miracle à son échelle. Quoiqu’il arrive ce soir, quelle que soit l’issue de cette confrontation, ni Adam, ni le Kahndaq, n’oublieraient ce qu’une Amazone de Bana-Mighdall avait fait pour eux, et leurs enfants martyrisés. Les yeux rivés sur les contours obscurcis de l’atelier au loin, Adam attendait son heure, calme et résolu. Au diable les Billy et les Superman de ce monde, qui se portaient en parangons de vertu et de courage – ce n’étaient pas eux qui changeaient le monde pour les plus vulnérables. Ce n’était pas eux, qui avaient le cran et la résolution de marcher dans un camp d’esclavagisme pour dire stop. Les véritables héros de ce monde ne se contentent pas de le surveiller. Ils le changent. Comme Artemis s’apprêtait à le faire.

« Nabil. Il est temps. » A ses côtés, un jeune garçon d’une quinzaine d’années hocha la tête avec résolution, et se laissa passer des menottes aux mains, avant de suivre les espions qui l’amèneraient jusqu’à l’atelier rejoindre Artemis. Et si Nabil Azmah ne payait pas de mine avec sa jeunesse et sa silhouette frêle, il avait bien du mal, alors qu’il avançait dans le désert, à réprimer la lueur farouche et déterminée qui brûlait dans son regard sombre. C’était bien, ce qu’ils s’apprêtaient à faire, c’était nécessaire – pour que plus aucun enfant ne soit à nouveau exploité, comme lui l’avait été en Syrie avant d’être recueilli au Kahndaq. L’Amazone à la chevelure de feu avait besoin de lui, et c’est le cœur rempli de fierté qu’il entra dans les rangs ennemis pour accomplir son importante mission. Avec une grande application, il évita de croiser le regard d’Artemis, gardant les yeux baissés en signe de résignation pendant que l’interlocuteur de l’Amazone s’approchait pour l’inspecter de près. « Ainsi tu sais contrôler le sable, garçon ? » Nabil hocha docilement la tête. « Mes maîtres ont pensé que je pourrais vous aider à déblayer les dunes pour construire votre prochain atelier. » souffla-t-il, à peine perceptible – mais l’homme l’entendit, et parut ravi de cet état de fait. « Belle trouvaille. » commenta-t-il en se tournant à nouveau vers Artemis, abandonnant l’adolescent encadré de deux hommes armés. « Je dois reconnaître que ni vous, ni vos employeurs, ne vous êtes moqués de nous. Je suis certain qu’il s’agit là des premiers pas vers une longue et florissante collaboration. »

Mais, pendant que l’homme babillait, déjà triomphant en imaginant toutes les merveilles que son nouveau sous-fifre allait pouvoir accomplir pour lui, Nabil, à peine surveillé par les deux hommes plus préoccupés par l’intimidante étrangère que par un enfant chétif qui parle au sable, laissait son regard vif et attentif vagabonder, et, imperceptiblement, en prenant son temps, se décala de quelques centimètres à peine, feignant de danser d’un pied sur l’autre ou de s’’étirer la jambe pour se rapprocher d’une table de travail sur laquelle étaient étalées des cartes. Elle était là, l’information qu’ils recherchaient. Et Nabil y jeta un œil rapide, avant de reporter son regard sur le sol. Puis un autre coup d’œil discret. Puis un autre. Et, sans que personne ne le suspecte, à quelques lieues de là, aux pieds de Black Adam et du général, se dessinait à même le sable une réplique de la carte que Nabil tentait tant bien que mal de déchiffrer. « Hé ! » Trop tard. Un de ses deux chaperons lui asséna une claque derrière la tête et le tira brusquement à lui par le bras, l’arrachant à sa contemplation. « Cesse de gigoter et tiens-toi tranquille. Sinon, on te montre ce qui arrive aux enfants désobéissants. » La mâchoire crispée, Nabil contint sa colère… et à quelques lieues de là, le général étouffa un juron, alors qu’Adam, sans se départir de sa concentration, reprit possession du walkie-talkie relié à l’oreillette d’Artemis. « Nabil a pu nous donner une idée d’où trouver l’autre atelier. J’envoie les troupes en amont pour gagner du temps, mais nous manquons de précision. Il faut que tu nous trouves quelque chose. Des coordonnées, un détail, n’importe quoi qui nous dise exactement où trouver cet atelier dans la zone indiquée par Nabil. » Ils étaient proches, si proches du but. Les informations d’Artemis d’abord, maintenant un peu plus de précision grâce à Nabil, il ne leur manquait presque plus rien pour réussir à trouver ce maudit atelier. Silencieusement dans la nuit du désert, ses hommes se mirent en route pour se rapprocher au plus près de la zone probable de frappe. Dès qu’Artemis leur aurait donné le détail qui leur manquait, ils y seraient en un rien de temps. Et enfin, l’heure de la revanche et de la justice auraient sonné.

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« Nabil et l’Amazone ont réussi. Les hommes sont en place, ô Adam. » « Alors donnez le signal. Et gardez l’œil ouvert. La jeune Asma ne peut pas être loin. » intima Adam à son général, qui hocha la tête avant de s’éclipser accomplir son devoir. Et bientôt, dans la nuit calme et silencieuse du désert kahndaqi, des ombres glissèrent dans le sable, passèrent au-dessus des barrières et des murs, s’infiltrèrent subrepticement dans les ateliers. Avant de se mêler à eux, Adam prit le temps de s’adresser à nouveau à son espionne à travers l’oreillette. « Nous les tenons, Artemis. L’évacuation commence. A la moindre résistance : pas de pitié. » Après tout, quelle pitié avaient-ils eu, eux, pour leurs prisonniers ? Les troupes kahndaqi se frayaient un chemin dans les deux campements, et le temps était maintenant compté. D’un instant à l’autre, Artemis l’avait dit, les gardes se rendraient compte de quelque chose et réagiraient. La priorité était donc de sortir le plus d’enfants de là avant que les représailles ne commencent ; et de protéger ceux qui seraient encore dans l’enceinte des ateliers ou des dortoirs au moment où les premières balles se mettraient à fuser. Enfin, ils les tenaient. Enfin, ils allaient pouvoir purger ce réseau de leur pays et traîner ses responsables devant la justice des dieux. Plus que quelques minutes de patience, et ils mettraient un terme à cette sinistre affaire. Maintenant plus que jamais, Adam était convaincu que l’arrivée d’Artemis sur leurs terres avait quelque chose de providentiel – sans elle, combien de temps ces monstres leur auraient-ils encore échappé ?

A son tour, Adam posa le pied à l’intérieur du campement, drapé dans la noirceur de sa cape et d’un sortilège de dissimulation afin de cacher sa présence et son aura. Pratiquement invisible aux yeux de tous, il surveillait, attentif, pendant que ses hommes déverrouillaient les dortoirs et intimaient silencieusement aux enfants de les suivre. Un à un, les petits s’échappaient, les plus petits s’agrippant à la main ou au cou des plus grands alors que ceux-ci ouvraient la marche, les yeux hagards, les joues creusées, incapables encore de croire à leur bonne étoile. Il les entendaient, tous, sangloter, murmurer une prière, se rassurer les uns les autres à voix basse alors qu’ils avançaient vers une liberté qui leur avait été trop longtemps dérobée. Bientôt, ils seraient tous à l’abri. Bientôt… « Hé, qu’est-ce que… » Repérés. Trop tôt encore. Mais la voix du garde fut étouffée avant qu’il n’ait le temps de finir sa phrase, la large paume de Black Adam couvrant sa bouche alors qu’il se sentait soulevé du sol par le géant qui l’avait rejoint à la vitesse de l’éclair. « Pas un mot. » Et, avant que le malheureux n’ait le temps de réagir, la vitesse de Heru courant dans ses muscles, il utilisa sa main libre pour imprimer une torsion sur son corps – et lui tordit le cou, dans un craquement sinistre. Le corps sans vie du garde retomba lourdement au sol, le son étouffé par le sable.

« Artemis, les gardes sont en mouvement de ce côté. » informa-t-il son alliée, avant d’attraper un soldat par le bras. « Les enfants ? » « Presque tous dehors. Mais il nous faut encore un peu de temps pour… » Un cri, jeune, beaucoup trop jeune, fendit le silence de la nuit. Par Anubis. Ils étaient découverts. Instantanément, Adam s’envola, à toute vitesse, brisant par la même occasion son sortilège ; des voix commençaient à aboyer, le cliquetis des armes à se faire entendre, et les balles à fuser. Mais celles que ces deux soldats avaient voulu dédier à un petit garçon et sa jeune sœur ne trouvèrent pas leur cible – allant plutôt dévier sur la véritable muraille de chair indestructible qui s’était imposée entre eux et leurs victimes. Dans la pénombre, l’éclair d’Aton crépitait furieusement sur la poitrine de Black Adam, et ses yeux, eux, lançaient de véritables éclairs. « Soldats. Emmenez les enfants. Je m’occupe de ces esclavagistes. » gronda-t-il en se redressant. En face, l’un des kidnappeurs profita de ce bref instant de flottement pour commencer à hurler dans sa radio. « C’est Black Adam ! Black Adam et l’armée sont là ! C'était un piège ! » Voilà. L’alerte était donnée. Et en un seul instant, les coups de feu se mirent à retentir, et le chaos se déchaîna – et Adam n’avait plus qu’à espérer que ses hommes avaient réussi à évacuer tous les enfants à temps. « Vous ne toucherez plus jamais à un seul cheveu d’un enfant kahndaqi, serpents. Ou de n’importe quel enfant. » D’un coup, la nuit se chargea de lourds nuages, un roulement de tambour d’orage au-dessus du désert, qui s’illumina d’une lueur vive et claire, alors qu’Adam relâchait sur ses adversaires la foudre d’Aton. La foudre, et un peu plus encore. Très vite, ce ne furent plus les voix des enfants qui s’élevèrent dans un concert de panique et d’agonie, ni leurs corps qui s’effondrèrent sur le sable après une démonstration de la force et de la brutalité du protecteur du pays. « Artemis. » appela-t-il d’une voix rageuse à travers son communicateur en brisant la cage thoracique d’un tireur. « Les enfants ont tous été évacués de ce côté. Quelle est la situation du tien ? » Ils n'avaient plus qu'à mettre un terme à cette mascarade. Et si Artemis avait besoin d'assistance, il pourrait compter sur la vitesse d'Heru pour la rejoindre en un instant.

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