Rayna Brodveldt ✸ Magic Team

15 years ago...

« Rayna non! »

Ton regard plongé dans le sien, le violet et le bleu de vos iris ne faisant désormais plus qu'un, tu étais comme happée, envoutée. Cette jeune femme en face toi, si loin et pourtant si près. Elle te ressemblait... Ce n'était pas une étrangère et pourtant c'était la première fois que tu la voyais. Sa chevelure noir corbeau te rappelait la tienne et celle de ta mère qui hurlait derrière toi, inquiète et terrifiée. Qu'avais-tu fait Rayna? Dans quels problèmes venais-tu une nouvelle fois de te fourrer? Tu avais pourtant tout fait pour que l'on ne te prenne pas la main dans le sac, tu avais échoué. Tu allais devoir en assumer les conséquences. Pourtant, ce n'était pas ce qui te préoccupait. Tu avais réussi, tu avais établi ton premier contact avec Midgard et il n'y avait plus que cela qui comptait. Et puis... cette jeune femme, sublime et mystérieuse, elle faisait parti de ta lignée. Elle était ta chair et ton sang, cela te subjuguait. Tu n'avais que dix ans et pourtant tu en saisissais déjà l'importance et la valeur. Tu voulais alors communiquer, échanger, partager, mais tu n'en avais pas la puissance. Tu avais réussi à ouvrir une brèche, à construire une passerelle mais celle-ci était bien trop faible et instable. En réalité, tu ne savais même pas si tout cela était bien vrai, si tout cela avait réellement fonctionné. Tu collais alors ta main sur celle de la mystérieuse inconnue, tu avais ressenti sa puissance et sa bienveillance te traverser mais tu n'avais su ressentir le contact de sa peau. Tu t'étais heurtée à l'insensibilité de ce miroir froid et austère qui trônait au beau milieu de ta chambre. Un miroir lambda que tu avais su, grâce à ta magie, transformer en une terrible transgression de l'une des plus importantes règles d'Arcadia... Ne jamais entrer en contact avec les autres royaumes, du Dark World ou d'ailleurs. Les miroirs ne pouvaient, ne devaient être utilisés que pour communiquer entre contrées d'un même royaume. Tu le savais et pourtant, tu n'avais su y résister. Ta mère, aussi furieuse qu'inquiète t'avait coupé net dans ton élan. Brisant le miroir avant que tu n'aies le temps de dire au revoir. Elle savait que cette passerelle, aussi infime fut-elle, avait dû être repérée, elle devait agir au plus vite pour vous protéger. Elle avait toujours su que tu étais puissante, bien plus puissante qu'elle ne le serait jamais, mais elle n'avait pas mesuré à quel point. Elle avait été négligente et elle en assumerait les conséquences. Ce n'était pas ta faute si tu avais transgressé cette règle, tu n'étais qu'une enfant. C'était d'ailleurs ce qui allait te sauver. La connexion avec Midgard avait donc été interrompue et tu t'étais écroulée, harassée par la puissance que tu avais dû déployer, à un si jeune âge... Tu ne saurais probablement jamais si tout cela était bien arrivé... si cette femme, tu ne l'avais pas imaginé. Probablement...

10 years ago...

Vêtue comme une paysanne, une vagabonde, la peau sale et le visage à demi-couvert, tu l'observais. Tapie dans les hautes herbes, tu te dissimulais à son regard car vos chemins ne devaient en aucun cas se croiser, le Conseil l'avait décidé. Le voyageur venu de Midgard devait vivre en marge de votre communauté et il était formellement interdit aux natifs d'Arcadia de l'approcher. Tu ne comprenais pas pourquoi mais tu avais déjà transgressé les règles par le passé, tu savais donc l'amertume du prix à payer. Par chance, ou non, ta mère, Melleah, avait pris toute la responsabilité de ton imprudence, se retrouvant à tout jamais privée de son droit d'exercer la magie. Une sanction proportionnelle au crime... Ton père, lui même, membre éminent du Conseil, l'avait approuvé. Tu lui en voulais d'ailleurs terriblement depuis, mais il s'agissait là d'une toute autre histoire que nous vous conterons plus tard. Ce jour là, comme beaucoup d'autres jours, tu te trouvais à l'extérieur du château, bien loin de son confort et de sa sécurité, toute relative. C'était ici, dans la nature, loin des autres mages et de leurs conspirations que toi, Rayna Brodveldt, tu te sentais le plus en sécurité. Tu ne faisais absolument rien de mal mais tu savais que tes escapades, si elles venaient à être découvertes, nourriraient bien des commérages et engendreraient bien des méfiances. Toi, tu n'en avais que faire, le regard des autres t'importaient peu tant que tu avais ta conscience pour toi, mais tes parents... Leur réputation comptait énormément à leurs yeux, ils avaient bâti leur existence sur cette dernière et tu ne voulais pas leur faire affront, tu ne voulais pas leur causer plus de tort. Voilà pourquoi tu te grimais ainsi, pourquoi tu te faisais si discrète et furtive. Le voyageur venu de Midgard, cela faisait déjà plusieurs années que tu l'observais ainsi sans jamais qu'il ne remarque ta présence, ou en tout cas que vos regards ne se croisent. D'ailleurs, lorsque tu n'étais pas Rayna, fille de Varn et Melleah Brodveldt, tu changeais la couleur de tes iris en un gris terne afin de ne pas trahir ton identité. Chaque détail avait son importance et lorsque l'on se trouvait être la seule personne du royaume à posséder des iris violets, ce détail devenait capital. Malgré l'absence d'échanges entre vous, tu soupçonnais parfois le voyageur de savoir que tu étais là mais il semblait alors vouloir respecter ton désir d'anonymat. Il ne cherchait pas à te démasquer ou à te faire sortir de ta cachette. Il tolérait tout simplement ta présence tant que tu ne l'importunais pas. Il devait très certainement avoir l'habitude d'être observé, épié, pris pour un monstre de foire. De ton côté, ce n'était absolument pas ce que tu ressentais pour lui. Tu le trouvais simplement intriguant, fascinant. Par méfiance, tu t'éclipsais tout de même lorsque tu sentais que vous étiez trop proches, tu ne voulais prendre aucun risque... Mais ce jour là, tu avais été contrainte et forcée de le faire. En effet, le voyageur s'était retrouvé en très mauvaise posture face à un spectre sauvage et tu avais dû intervenir pour lui venir en aide. Malgré le risque, tu n'avais pu te résoudre à le regarder se débattre seul pour survivre. Tu te devais d'intervenir. Alors, pour la première fois depuis toutes ces années, tu t'étais révélée au grand jour, sans pour autant dévoiler ton identité ou ton visage. Tu avais fait en sorte que tout cela se passe vite et proprement. Tu avais d'ailleurs fuit la zone de combat une fois la victoire acquise au voyageur. Mais depuis ce jour là, tu étais sûre d'une chose, désormais, il savait que quelqu'un, ici à Arcadia, veillait sur lui et cette simple idée t'avait réchauffé le cœur. Car en brisant sa solitude, cruellement imposée par les tiens, tu brisais en quelque sorte la tienne.

5 years ago...

Assise dans un coin de ta cellule, sombre et insalubre, tu respirais lentement, calmement. Non pas que tu te sentais sereine ou apaisée, bien au contraire, mais tu étais littéralement exténuée. Tu n'avais plus aucune force. Ton regard, d'ordinaire si expressif et plein d'espoir, n'exprimait plus que le vide et la désolation qui avaient envahi ton cœur. Le visage tuméfié et ensanglanté, tu n'étais plus que l'ombre de toi même, détruite à petit feu par ceux et celles qui prétendaient jadis être les tiens. Tu pensais avoir tout vu de la noirceur dans les terres reculées et perdues d'Arcadia, face aux créatures les plus anciennes et monstrueuses qui soient, tu n'avais fait qu'en apercevoir les prémices. Les ténèbres, les vraies, étaient celles que tu connaissais depuis que tu avais aidé le voyageur à fuir ton peuple. D'après le Conseil, il était devenu trop dangereux, trop puissant. Et toujours d'après eux, il était inévitable, il était nécessaire, d'éliminer la menace qu'il représentait. Le vote avait été unanime. Tu aurais dû alors t'y plier, l'accepter et continuer ton existence comme si de rien était. Ton destin était tout tracé, ton avenir était assuré. Et puis, après tout? Qui était cet humain pour toi? Personne... Tu ne lui avais jamais adressé la parole. Tu ne savais rien de lui, tu ne savais même pas son nom et pourtant... Pourtant, tu ressentais ce lien inexplicable entre vous, comme si vous étiez destinés à vous rencontrer, comme si vous étiez destinés à vivre de grandes choses ensemble. Tu ne savais pas encore quoi, tu ne savais pas encore comment mais tu avais une certitude, tu ne pouvais pas, tu ne voulais pas, le laisser mourir. Tu avais donc voulu le protéger, lui offrir une échappatoire, une chance de s'en sortir là où tous l'avaient déjà condamné. Tu avais donc une nouvelle fois décidé de transgresser les règles. Cette fois-ci, tu savais que tu serais la seule à en payer les conséquences et tu étais prête à les assumer, pour sauver une vie. Jamais le voyageur ne serait libre ou toléré à Arcadia, tu devais l'aider à regagner sa contrée, là où il aurait une chance de tout recommencer, là où il aurait un avenir, une destinée. Bien plus puissante qu'à ton premier essai, tu avais alors créé un véritable portail à destination de Midgard et tu étais bien déterminée à l'y accompagner. Tu en étais sûre, Arcadia n'avait plus rien à t'offrir si ce n'était une vie dont tu ne voulais pas, une vie que d'autres avaient décidé pour toi. Tu voulais avoir le choix et tu le prenais. Malheureusement, rien ne s'était déroulé comme prévu, le voyageur avait pu traversé le portail mais pas toi. La milice du Conseil t'était tombée dessus. Tu t'étais alors battu comme une véritable lionne, comme tu savais si bien le faire mais lorsque tu avais compris que tu ne serais pas assez puissante pour mener cette guerre de front, tu avais décidé d'au moins le sauver lui. Tu devais lui prouver, te prouver, que même dans les cas les plus désespérés, il y aurait toujours de l'espoir, une main tendue. Dans un dernier effort, tu avais alors verrouiller le flux qui permettait la création d'un couloir entre Arcadia et Midgard. Tu y avais écoulé toutes tes dernières forces. Poursuivie, traquée et emprisonnée, tu avais connu ce jour là le tournant décisif de toute ton existence.

Et c'était peu de le dire... Une seule décision, une seule journée et tout avait basculé. Si seulement tu étais parvenue toi aussi à franchir le portail... Voilà l'idée, le regret qui tournait en boucle dans ton esprit tourmenté. Les tortures physiques qui t'étaient alors quotidiennement infligées pour te faire flancher n'étaient rien à côté de celles que tu t'imposais dans les tréfonds de ton âme. Tu ne regrettais pas d'avoir d'aidé le voyageur, jamais... Mais tu regrettais d'avoir, malgré toi, entrainé d'autres dans ton sillon. Tu avais mal calculé, tu avais mal anticipé. Tu avais été trop présomptueuse, signe de ton manque de maturité et de ton inexpérience. Tu étais loin d'être celle que tu prétendais être et tu allais le comprendre aux dépends des autres. Tu avais pensé être la seule à en pâtir si cela se corsait, tu t'étais lourdement trompée. Désespérée, ta mère avait prétendu être la seule instigatrice de tout cela, afin de te protéger, encore une fois, comme lorsque tu n'étais qu'une enfant. La sanction était toujours proportionnelle au crime et Melleah avait été trainée au bucher où elle avait été embrasée vivante. Chaque nuit, chaque nuit tu entendais encore ses hurlements tandis que l'on t'avait forcé à regarder les conséquences de tes actes. Ton père était là lui aussi, impassible. La loi était la loi, pour sa famille comme pour les autres. Ils avaient très certainement pensé alors que cette perte, douloureuse et dramatique, te pousserait à haïr le voyageur et à le trahir mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, cela ne fit que nourrir ton aversion pour ton père et les tiens, si cruels et inhumains. Tu préférais mourir que de vivre dans un monde où ils seraient rois. Malheureusement, bien d'autres que ta mère payèrent tes erreurs, tous accusés les uns après les autres de complicité et de trahison. Toutes ces morts que tu avais désormais sur la conscience, toutes ces morts qui auraient pu te faire basculer dans l’obscurité mais qui, au contraire, t'avaient encouragé à continuer de chercher la lumière. Malgré les jours, les semaines, les mois, les années qui s'écoulaient, tu n'as jamais cessé de croire qu'un jour tu serais enfin libérée, non pas pour te venger mais pour trouver un moyen de mettre un terme à cette tyrannie. Le pouvoir pouvait faire tourner bien des têtes et tu ne voulais plus que cela gangrène Arcadia. Tu rêvais d'un monde juste et tolérant où rien ni personne ne dicterait sa propre loi. Un monde où chacun aurait son mot à dire sans avoir à craindre pour sa vie. Un autre monde.

Now...

Les rayons du soleil, le vent sur ta peau, l'herbe sous tes pieds... Tu aurais tant aimé pouvoir en profiter mais les armées de ton père, devenu désormais roi d'Arcadia, te poursuivaient. La traitresse, la parjure, la renégate, l'infidèle... Tu étais désormais affublée de bien des surnoms et ton évasion avait provoqué un déferlement de puissance inégalé dans le royaume. Coûte que coûte tu devais être arrêtée et les instructions avaient bien changé. Les mages du Conseil étaient enfin parvenus à déverrouiller le portail vers Midgard et tu ne leur étais donc plus d'aucune utilité. L'ordre était à présent de te capturer, morte ou vive. Tu ne comprenais toujours pas, après toutes ces années, pourquoi ils s'obstinaient tant à vouloir ré-ouvrir la passerelle entre ces deux royaumes. S'ils craignaient tant les habitants de Midgard, pourquoi ne pas justement garder le portail verrouillé... Tu avais posé la question à mainte et mainte reprise mais jamais tu n'avais obtenu de réponse. Tu ne savais pas tout et cela t'inquiétait... à juste titre, tu le découvrirais un jour. Mais pas encore, pas maintenant. Pour l'heure, tu courrais, aussi vite que tu le pouvais. A tes côtés, un homme, étrange et âgé. Un de ces anciens sorciers nordiques qui avaient un jour vécu en harmonie avec les mages d'Arcadia. Une époque que tu n'avais pas connu mais dont tu avais bu tous les récits. C'est lui qui t'avait libéré de ton cachot, lui qui t'avait tendu la main... Il était un ami du voyageur et il savait que la ré-ouverture du portail ne serait pas de bonne augure pour ce dernier. Voilà pourquoi il était venu te chercher, après toutes ces années, pourquoi il t'avait aidé. Sa magie combinée à la tienne avait suffit à te permettre d'atteindre le portail sans encombre. Côte à côte, vous aviez alors combattu tous les obstacles qui s'étaient dressés devant vous jusqu'à ce que tu y sois enfin. Face à ton rêve, ton but ultime. Midgard. Tu n'avais pas su saisir ta chance la première fois, tu ne comptais pas réitérer l'infortune. Tu voulais des réponses à tes questions, tu voulais offrir à Arcadia la salvation. Ce portail, tu ne le manquerais pas une seconde fois. La rage au ventre, tu avais déployé toute ta puissance pour repousser tes ennemis et les empêcher de te capturer à nouveau. Malheureusement, encore une fois, tu n'avais pas été à la hauteur. Tu étais sur le point de t'effondrer, d'abdiquer, lorsque le sorcier nordique avait pris le relais afin de te permettre d'utiliser tes dernières forces pour franchir le portail et rejoindre le voyageur. Une fois de l'autre côté, tu avais attendu dans l'espoir de le voir te suivre mais il n'arriva jamais. Le risque était trop élevé, tu refermais alors le portail et le verrouillais à nouveau. Tu ne savais pas combien de temps le Conseil mettrait à le déverrouiller cette fois-ci, tu n'avais donc aucune seconde à perdre. Mais désormais, tu n'étais plus chez toi... Tu te retrouvais, seule et perdue, dans un royaume que tu ne connaissais pas. Tu étais enfin à Midgard.

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