Colonel Steve Trevor ; I cause troubles to the trouble-makers, that's my job. I eat bullies for breakfast.

Longue est la corde...


...qui maintient mon corps entre la vie et la mort. Mains attachées dans le dos, j'ai été passé à tabac mais ça c'est la routine. Il y a surtout cette corde épaisse qui me gratte la peau autour du cou, et je vous parle pas du gros noeud de marin à l'arrière de ma nuque qui fignole le tout. Un coup de pied dans mon dos, ou un coup sec du canon d'un fusil entre les omoplates, et je suis forcé d'avancer vers le bord de la falaise. Ces salauds veulent me pendre comme un gredin sur une planche de pirate, sauf qu'on n'est pas en mer mais au milieu d'une jungle quelque part en Inde.
"Ca va, ça va, laissez-moi un peu profiter de la vue !" La vue est vraiment belle, au-dessus de la canopée. Je peux voir quelques oiseaux exotiques voleter de-ci de-là, indifférents au fait que je vais peut-être finir tristement ma vie dans cette mission qui a mal tourné. Encore. Mes rangers dérapent légèrement sur les graviers, me forçant à regarder en bas. C'était haut, très haut. L'avantage de la pendaison c'est que je n'aurais pas le temps d'atteindre le sol en compote, ma nuque serait brisée par l'arrêt brutal de la corde à mi-chemin, en théorie. Sinon il resterait bien sûr la lente suffocation pendu dans le vide en plein soleil de plomb.

Mon cerveau fonctionnait à mille à l'heure depuis que j'avais été fait prisonnier. J'étais inquiet pour deux choses. Premièrement, mon unité, dont une partie avait été décimée, et l'autre je ne savais où probablement retenue aussi en otage. Deuxièmement, les artefacts que nous avions été envoyés chercher ici et reprendre à ces types. Des livres traitant de magie ancienne, ce genre de choses qui ne doivent bien sûr pas tomber entre de mauvaises mains. Je ne comprendrai jamais pourquoi les gens veulent lire des livres de magie noire. Quand on voit ce qui est arrivé à l'Enchanteresse ou à Voldemort, ça ne donne pas très envie de tenter d'acquérir du pouvoir de cette manière. Moche et maudit, qui peut vouloir ça ?

Je respire profondément et ravale mes blagues aux idiots derrière moi, alors qu'on me pousse jusqu'au rebord pour de bon. Ca va être le grand plongeon. Il n'allait pas falloir que je me rate. Je pourrais appeler Superman ou n'importe quel super-héros avec une ouie surdéveloppée, je suis certain qu'ils m'entendraient et viendraient sauver leur agent de liaison préféré dans l'instant. Mais j'ai ma dignité, et pas envie de les déranger pour si peu. Puis, hey, je n'étais pas encore aux abois. Comprendre par là que j'estimais encore pouvoir m'en sortir tout seul, comme toujours, borné increvable que j'étais. Ce n'était pas la pire situation dans laquelle j'avais pu me trouver dans ma vie, mais on y reviendra dans peu de temps. "Poussez-le qu'on en finisse !" entendis-je plus loin dans mon dos.

Du coup j'ai sauté. Tout seul. Sans besoin d'être poussé. La dignité jusqu'au bout de choisir mon moment. Non en vérité, c'était surtout une question de contrôle de la situation. J'avais besoin d'un saut calculé et non pas d'être balancé tête en avant complètement déséquilibré dans les airs après un coup de pied dans le dos. J'entends les cris de surprise qui s'éloignent rapidement derrière moi et vers le haut, tandis que j'effectue un magnifique saut en arc-de-cercle, ayant sauté le plus loin possible pour réduire au maximum l'impact vertical et favoriser un effet de pendule. Pendant la chute je me recroqueville agilement pour faire passer mes mains ligotées sous mes fesses et mes rangers en un seul geste acrobatique. Je me dépêche de vite enrouler la corde de ma pendaison autour de mes avant-bras et poignets liés. L'arrêt net de la corde survient une seconde à peine plus tard, de justesse, se resserrant non sur ma nuque mais sur mes bras lacérés et brûlés dans l'instant. Je pousse un cri de douleur surjoué pour qu'ils m'entendent comme mourir étouffé subitement alors que mon épaule percute la paroi de la falaise avec force. Ca fait mal. Très très mal. Je suis à moitié sonné, mais j'ai la présence d'esprit de me laisser pendre sans plus bouger.

Plus qu'à prier pour qu'ils me pensent bel et bien mort et retournent à leur camp de base. Déjà, nuque brisée : évitée. En attendant de passer à l'étape suivante de mon plan à moitié improvisé, je me devais de ne pas bouger, tête baissée et bras tirés par la corde au-dessus, autant vous dire que la position est inconfortable au possible et que les engourdissements vont vite se faire sentir. Je regarde le vide, je vois encore mieux la canopée sous mes pieds, c'était fou toutes ces nuances de vert. Je force le focus de mes yeux des arbres vers mes chaussures. Oui c'est bien ça, j'ai un lacet défait.

J'entends mon sang battre mes tempes à toute berzingue sous la peur et l'adrénaline de ce coup de poker. Franchement, s'ils coupaient la corde, j'allais crever. Mais j'avais entendu dire qu'ils voulaient que mon corps nourrisse les vautours et que mon squelette déchiqueté soit retrouvé pour envoyer un message à ARGUS. Des gens sympathiques, vraiment. Du coup j'avais bon espoir qu'ils s'en tiennent à leur cruauté première, paradoxalement celle qui assurerait ma survie. Ca me faisait silencieusement marrer, c'était comme leur faire un gros doigt d'honneur. Leur cruauté serait leur faiblesse, mon moyen de les niquer tous. Oui c'était drôle. Ma vie ne tenait qu'à un fil, celui de cette corde et celui de leur bêtise. D'ailleurs je souriais tout seul finalement, bien que suspendu comme un cochon. J'avais presque envie d'éclater d'un rire nerveux devant l'ironie de ma situation. Combien de fois je m'étais retrouvé dans une situation pareil ? Impossible à dire. Trop de fois. Bien trop de fois. C'était peut-être le moment de repenser à ma vie, sait-on jamais que la corde cède quand même, que j'aille de l'Autre Côté serein et mes affaires morales à peu près en ordre.

Pas très envie de repasser le fil de mon enfance cela dit. Probablement la période la plus douloureuse de ma vie. Perdre ma mère, mon modèle, la pilote la plus stylée de l'histoire à mes yeux de gamin admiratif, ça a été dur. J'adorais flâner sur la base quand elle se permettait de m'y emmener, à me faire monter dans les cockpits, m'expliquer les boutons, les techniques aériennes. Me faire répéter les chorégraphies d'exercices sur le tarmac, bras tendus, comme le faisaient les vrais pilotes avant leurs vols à plusieurs. De si bons souvenirs. Est-ce que j'étais le petit garçon adoré de sa maman ? Oui clairement. Vu que je vais peut-être mourir d'une chute vertigineuse au milieu de l'Inde, je peux l'avouer, je suis plus à ça près. Perdre ensuite mon père n'a pas aidé. En quelques mois j'étais passé d'enfant avec une enfance et une adolescence normale et heureuse à orphelin coup sur coup, plongé brutalement dans un état d'esprit plus adulte.

Enfance coupée nette, j'ai dû devenir responsable très vite d'autant plus avec une soeur à protéger, Tracy. Il a fallu jongler avec les services sociaux le temps de devenir majeurs, par chance j'ai réussi à me faire émanciper avant cette date libératoire grâce à un ami de papa de l'armée qui avait le bras long et qui me savait assez mature pour prendre soin de moi et ma soeur. J'ai enchaîné les petits boulots entre les études au lycée, et entre eux, je m'occupais d'elle comme je pouvais, veillait à ce qu'elle aille à l'école elle aussi, qu'elle mange à sa faim. Quand il me restait du temps, je m’entraînais physiquement, je faisais beaucoup de sport, hyperactif de l'action avec un grand besoin de me défouler dans la fleur de l'âge. Et puis je voulais  être sûr de passer les examens d'entrée dans l'armée du premier coup dès que mon âge le permettrait légalement.

Autant vous dire que, motivé et avec la hargne des deuils dans le sang, je suis arrivé premier de ma promotion et ma carrière s'avéra prometteuse très vite. Mon dada ? L'espionnage de haut vol. Il se trouva que mes compétences physiques mais surtout mon esprit tactiques de grande ruse, voire filouterie, additionné à mes analyses fines des comportements humains pour me fondre dans le décor, me désignaient tout droit pour ce job. Oui, j'avais une sorte de compassion et empathie naturelle depuis tout petit, que j'avais appris à utiliser pour sonder les psychologies, et m'adapter à mes interlocuteurs lorsque j'étais sous couverture.

Stick to the basics, think out of the box. J'étais doué naturellement pour ça. L'improvisation autant que les plans bien rodés et efficaces. Mais j'étais jamais rassasié, j'en voulais toujours plus. Plus d'aventures, plus de danger, plus d'adrénaline dans ma vie pour fuir toute douleur et toute normalité ennuyeuse. La mort de mes parents, ça m'avait rempli d'une sorte de colère que j'avais redirigé vers un sens aigu de la justice transmis déjà par mes parents, américains modèles, et surtout par ma mère, qui s'était toujours dressée contre les injustices, que ce soit dans l'armée comme dans la vie de tous les jours. Mon héroine, clairement. Alors j'avais envie, jeune fougueux, de lui faire honneur et de mettre mes talents au service de cassage de tête de tous les salauds de la Terre qui s'en prenaient aux innocents. Basique, je sais, mais au moins je faisais quelque chose de bien de mon existence. En plus avec une soeur devenue avocate autant vous dire que la justice et le bien, dans la famille, on connaît. Même si elle voulait se débrouiller seule, j'avais pris soin de lui donner une grande partie de mes soldes pour financer ses études brillantes. Je suis si fier de ma frangine, capable de faire justice sans violence, c'est quelque chose que j'admire. C'est grâce à elle comme à ma mère, d'ailleurs, que j'applique un code moral strict à mes actions, et que je ne tue que lorsque le choix ne m'est pas laissé. Pas toujours évident quand on se retrouve souvent avec la gâchette qui démange devant de vraies enflures, mais je fais de mon mieux. Je tire dans la jambe au lieu de la tête. Ce genre de nuance. A quelques exceptions près.

Sans me vanter, j'étais si doué, né pour ce métier, que j'ai gravi les échelons plus vite que n'importe qui. Je me suis retrouvé dans les meilleurs commandos de l'armée américaine, notamment la Team 7, ou encore les Oddfellows. On en a fait des missions clandestines pour l'Oncle Sam. En quatre années j'en avais plus vécu et vu que certains en une carrière entière à des postes plus classiques.




Dur de faire le bilan de ma vie sans parler de celle qui a été un élément déterminant de celle-ci à bien des égards. Car bien sûr mon désir d'aventure a fini par m'amener sur des contrées hors de ma portée, littéralement. J'ai basculé dans un autre monde au sens propre et figuré le jour où mon avion s'est crashé sur Themyscira, l'île des Amazones. Moi qui pensait avoir déjà vu pas mal de chose j'ai fait un retour brutal à la case départ. Les dieux, les déesses, les Amazones, des guerres irréelles loin des connaissances des hommes normaux comme moi, tout ça m'a explosé en plein visage. Mais ce jour-là, j'ai été sauvé par un ange. Dans mon état après le crash, c'est comme ça que m'est apparue Diana, princesse de Themyscira, quand elle m'a sauvé. C'est devenu le surnom que j'utilise avec elle, tellement ce jour, ce moment, m'a marqué. J'ai pas pris la foudre mais pas loin. Première fois que je tombais amoureux et j'ignorais si c'était la conséquence de ma commotion cérébrale ou du soleil qui tapait durement sur cette foutue plage paradisiaque. Mais ce moment magique n'a pas duré. J'ai été ramené à leur communauté, soigné je ne sais comment alors que j'aurais dû mourir de mes blessures, et passé au détecteur de mensonge divin avec le lasso d'Hestia. Pas très agréable. Grâce à mon charisme et ma tchatche légendaires je me suis sorti de ce mauvais pas. Non je plaisante, j'étais à leur merci, j'ai galéré comme jamais à les convaincre de pas m'exécuter, vu qu'apparemment les hommes n'étaient pas trop appréciés chez elles. C'est Diana qui m'a protégé, a plaidé ma cause, et a remporté le tournoi qui désignerait celle qui me raccompagnerait "dans mon monde". Un aller simple pour la gagnante, qui ne pourrait selon leurs lois, revenir sur l'île.




Est-ce que je mentirais en disant que j'étais déçu que ça soit Diana ? Oui. Je m'en voulais de lui infliger cela, de la couper des siennes parce que je m'étais crashé au mauvais endroit à faire mon casse-cou seul contre un essaim entier d'ennemis. Mais, coupable, j'étais heureux de pouvoir prolonger des moments avec elle, irrémédiablement attiré par son aura. J'étais mordu malgré moi. Je voulais juste avoir la chance de passer du temps à ses côtés, et j'y eus droit, car les rôles s'inversèrent dès lors que nous quittâmes Themyscira. J'avais été l'ignorant débarquant chez les divinités et elle mon guide, ce fut elle qui devint candide dans le monde des hommes qui était le mien, et moi son guide. Les premiers temps furent compliqués mais pour moi, ils furent les plus beaux et les plus amusants. Chaque moment cocasse de ses découvertes de nos moeurs, me faisait un peu plus tomber amoureux, et me faisait comme redécouvrir mon propre monde et les belles choses qu'il pouvait avoir, au travers de sa joie de vivre et de sa générosité à elle. Vous auriez dû la voir découvrir la neige, ou les glaces. Tout un sketch qui me faisait sourire rien que d'y penser. Punaise en plein cagnard d'ailleurs, je tuerais pour une glace là de suite. Lui apprendre à danser aussi (selon les danses de mon monde j'entends), sur des musiques "sortant de drôles de boîtes", ça fait partie de la longue liste de choses que je lui ai apprises et qui nous ont rapprochés entre deux fou-rires. J'ai tout autant appris ou réappris à ses côtés que l'inverse.




Elle et moi enchaînâmes aventures sur aventures contre des menaces d'un tout autre niveau pour moi. Désormais, à ses côtés, j'affrontais monstres mythologiques, magie et autres méta-humains, ce qui m'avait ouvert les portes d'ARGUS pour monter un nouveau service que je gardais secret, même pour elle, au début. Le régiment Black Field, les prémices de la surveillance d'ARGUS sur les méta-humains. Mon boulot était d'enquêter, trouver, et espionner les méta-humains pour déterminer s'ils étaient des menaces à emprisonner, ou seulement des individus à avoir à l'oeil de loin car non-dangereux pour la sécurité mondiale.




Je ne pouvais rien lui dire, ordres de Waller, jusqu'à ce que l'inespéré survienne, à savoir que nous avons fini par nous mettre ensemble. L'homme le plus chanceux de la Terre et de tous les autres mondes, c'était moi depuis ce jour-là. Wonder Woman, surtout Diana Prince, était elle aussi amoureuse de moi, et pour la première fois de ma vie depuis mon enfance, je me sentais sincèrement et profondément heureux, et complet. A partir de ce moment je ne gardai quasiment plus aucun secret pour elle. Je n'en avais plus envie. Et tant pis pour Waller que je mis devant le fait accompli. Elle commençait à s'y habituer.





Toujours suspendu inconfortablement, je tentais de contracter puis décontracter mes muscles de manière répétitive pour faire circuler le sang dans mes bras mis à rude épreuve. J'entendais toujours les idiots en haut de la falaise. L'un tira dans le vide à côté de moi. Je ne bougeai pas d'un iota, faisant le mort. Je fermai les yeux nuque baissée. La patience du chasseur. En attendant je repartis dans mes souvenirs. Penser à Diana et à mes plus belles années avec elle était bien plus agréable que de sentir les moustiques se faire un joie de me bouffer le sang sans pouvoir les claquer sèchement sur ma peau, ce qui je crois bien était la pire sensation au monde. Huit ans de bonheur, d'aventures, de passion, avec Diana. Bien sûr nous avons eu nos hauts et nos bas mais dans l'ensemble, on avait été très heureux.




Un tel bonheur qui ne pouvait pas durer, pas dans mon monde, pas avec mon karma douteux. Enfance heureuse ? Vlan. Stoppée nette. Vie de couple heureuse ? Vlan. Coupée nette aussi. Je crois bien que ma vie reposait sur des cycles assez mathématiques au final. Bref, tout ça pour dire que je me suis fait larguer, et que ça a fait mal, très très mal. Je ne sais pas combien de mois j'ai passé à me demander où j'avais merdé, ce que j'avais bien pu faire pour qu'elle rompe comme ça. Bien sûr je savais que nos modes de vie avaient rongé notre vie de couple un peu plus à chaque crise, à chaque prise d'otage ou mort frôlée pour l'un, angoissant l'autre plus que de raison. Je savais aussi que je pouvais être chiant, comme mec à vivre, parfois, et que mes talents culinaires ne pouvaient suffire à me faire pardonner toutes mes erreurs. En même temps, comment garder un ange à jamais ? Compliqué. Diana était une force vive, indépendante, qui ne pouvait tenir en place, et je respectais ça. Mais le deuil de notre relation fut dur à faire pour moi, surtout en voyant notre relation étalée partout dans la presse à scandale et les journaux people. Wonder Woman était une célébrité après tout, déjà par ses exploits en solitaire, et plus encore depuis qu'elle avait rejoint la Ligue de Justice aux côtés d'autres stars super-héroïques contre lesquelles je ne faisais pas vraiment le poids.

Je me noyais plus ardemment encore dans le travail. Les missions sous couverture à l'autre bout du monde, surtout celles qui nécessitaient de ne plus avoir de communications avec le monde extérieur, devinrent mes préférées. Coupé de tout, concentré, dédié à mes missions avec mes gars (et nanas, car quand je dis mes gars pour mon unité, ça englobe tout le monde, j'suis juste un flemmard), j'appris à me reconstruire moralement et à relativiser avec le temps. Au final, je ne gardai que les bons moments que j'avais eu avec elle, et ma douleur finit par disparaître. Je la recroisai plusieurs fois pour diverses menaces à gérer et pas des moindres. Notre malaise d'exs s'est envolé définitivement le jour où je l'ai crue tuée lors de l'attaque de Gotham. Mon inquiétude, mon affection pour elle désormais redevenue amicale, ont pris le pas sur ma souffrance amoureuse. En croyant l'avoir perdue j'oubliai le mal de la rupture et voulus juste la revoir, parce qu'elle comptait pour moi, parce qu'elle compterait toujours peu importait la manière.

Hargneux de l'avoir perdue sans avoir pu renouer avec elle, j'ai balancé ma rage dans le combat contre les ennemis qui ont attaqué plusieurs points du pays. J'étais là durant l'attaque de la gare Union Station à Washington. Je n'ai pas chômé à partir de là, car peu après, ce foutu Syndicat du Crime a déboulé pour tout ravager. Autant dire que ça a été plus que flippant quand on a appris la chute de Superman et la mort de Batman.




Du genre à être encore plus productif quand on me met la pression - et là c'était une sacrée situation mondiale sous pression avec cette dictature planétaire - j'ai participé sans répit à la résistance sur tous les fronts à ma portée. Au sol, sous l'eau ou dans les airs, avec mes soldats d'élite et tous les volontaires militaires ou civils prêts à me suivre, nous avons saboté tout ce qui pouvait appartenir de près ou de loin au Syndicat. Sans me vanter, ma réputation et mon charisme m'ont toujours aidé à ramener des gens derrière moi. Je crois que j'inspire la confiance et l'envie de se dépasser pour des causes qui nous dépassent, un truc comme ça, en tout cas c'est la description qu'on fait de moi parfois. Entre temps Diana est revenue d'entre les morts sans que je ne le sache de suite, mais ce fut un soulagement, et cela me permit de reprendre avec elle une relation normale sans plus aucune rancoeur ou malaise depuis notre rupture. De nouveau amis de pure confiance, je ne demandais pas mieux, ni davantage, et était heureux qu'elle soit heureuse, même si c'était avec un autre désormais. J'avais fait mon deuil et nous avions trop à faire pour sauver le monde pour nous attarder sur autre chose.

Comme les catastrophes n'arrivent jamais seules, après un temps de répit à gérer des menaces de nouveaux "normales" (du point de vue d'ARGUS), il a fallut que la timeline soit modifiée par un speedster. J'ai vécu dans un monde sans me souvenir de qui j'étais avant, oeuvrant dans la résistance, une fois encore. Peu importerait la timeline ou la situation, il semblerait que mon moi profond lui, ne change jamais : combattre pour le bien, coûte que coûte, jusqu'à la mort si nécessaire. A la fin de tout ça, je me suis réveillé comme beaucoup, à moitié suffocant d'une noyade évitée de justesse. Les souvenirs de ma vie dans la timeline étaient diffus mais globalement je me souvenais des grandes lignes. Des lignes que j'aurais préféré oublier quelque part, vu le chaos et les morts subies.

Après cela, j'ai combattu les terroristes atlantes sur la plage de Morro Bay pour ARGUS. Puis ce fut au tour des Péchés Capitaux. Pour moi, ce fut la Colère en premier lieu, suivi de la Gourmandise. En bon cuistot amateur que j'étais. Par chance, je n'eus pas la Paresse, ce qui m'aurait rendu obèse en moins de deux et m'aurait fait mourir noyé dans un seau de mozzarella. Au lieu de ça, j'ai pu rediriger ma Colère tant bien que mal pour mener à bien les missions avec la Ligue, SHADE et les héros afin de collecter les Péchés à travers les Etats-Unis. Même pas le temps de souffler que récemment c'est Brainiac qui a décidé de tenter sa chance avec la Terre. Me voilà téléporté dans les Hunger Games de ce malade mental avec nombre de mes compatriotes, contre la Terre-4. De nouveau, me voilà dans une sorte de résistance de la survie ultime sur une planète inconnue. Plusieurs fois j'ai vraiment failli y rester. Mais le sacrifice de Thomas Wayne a permis à notre Terre, la Terre-1, de gagner, et nous de retrouver notre planète, dans un sale état.


Je crois que j'ai fait le tour. La Terre qui a passé six mois gelée, c'est un peu la raison pour laquelle je suis en cet instant en Inde. Récoltes mondiales anéanties, communications et technologies dans le mal, sans parler de l'approvisionnement énergétique K.O. dans une grande majorité d'endroits, ARGUS malgré tous ses moyens, n'a pas échappé aux dégâts causés par ce temps suspendu à cause de Brainiac. Ce qui fait que des audacieux ont attaqué des entrepôts en profitant de ce chaos et de ces faiblesses énergétiques et volé des choses dangereuses. Des armes, ou dans mon cas aujourd'hui, des artefacts magiques bien dégueulasses et bien dangereux dans leur genre. Toutes les équipes d'ARGUS sont depuis le retour sur Terre, déployées aux quatre coins du monde pour récupérer tout ce bazar. On a quasiment réussi, il n'en reste plus beaucoup à reprendre.

Une explosion se fait entendre, lointaine, dans la jungle côté falaise. Pas trop tôt. Les types en haut s'agitèrent, remontèrent dans leurs 4x4 et allèrent vers le raffut. En nous sachant découverts et pris en chasse, j'avais pris soin de placer du C4 avec compte à rebours dans des buissons sur notre chemin, histoire d'être prévoyant. Ca venait enfin de péter pour les attirer là-bas. Parfait. A moi de jouer désormais. Je sortis de ma torpeur et entreprise de grimper à la corde à la force de mes bras, jusqu'à pouvoir enrouler une jambe dedans et m'aider plus facilement à me hisser jusqu'en haut. Déshydraté et affaibli par des jours dans cette jungle ce n'était pas si facile, mais j'avais de l'expérience, et une volonté de fer. Hors de question de laisser mes gars, ils comptaient sur moi. Et si eux aussi avaient entendu l'explosion, ils savaient que j'allais pas tarder à débarquer, ils seraient prêts. Comme toujours.

Une heure plus tard, je neutralisais les sentinelles autour du camp de base, enlevais le frein à main d'un des 4x4 qui se mit à avancer lentement vers le milieu du camp, attirant l'attention des mercenaires. Depuis la lisière, proche de l'endroit où étaient détenus mes soldats, je tirai dans le réservoir et foutai un beau bordel en feu d'artifice. Je m'empressai de tirai sur le garde le plus proche et c'était parti pour la castagne, jetant le poignard de combat du type à mes gars après en avoir libéré un pour qu'il libère les autres.

"Neutralisez-moi ce camp ! Je me charge du livre !" ordonnai-je en tirant à tout va sur les ennemis désormais à couvert un peu partout. Mes gars s'armèrent sur les cadavres et dans l'armurerie de la tente la plus proche et se chargèrent des gars. Je tapai pour ma part le sprint de ma vie après celui qui avait refermé le livre de magie noire et avait fui dans la forêt en tirant à l'aveugle derrière lui.

Je vous passe les détails, mais l'idiot se retrouve bloqué au bord d'une falaise avec son livre maudit, après avoir vidé son chargeur sans succès. Il décide que c'est une bonne idée de le lire pour que l'entité dedans l'aide à survivre à cette impasse en me tuant.  J'ai beau tenter de le convaincre que c'est foutu pour lui et que c'est vraiment pas une bonne idée, évidemment il continue. Et là je sais que j'ai que quelques secondes pour faire mon choix, même pas, surtout en voyant des bras en putréfaction sortir des pages avec des vapeurs morbides de magie noire. Ils tentent d'agripper le lecteur comme pour se fondre en lui. Tant pis, plus le choix. Je lui tire entre les deux yeux, mort nette, le livre retombe et se referme. Hors de question de laisser cette entité trouver un hôte et passer dans notre monde, j'en avais assez vu pour savoir que ce genre de truc c'était une plaie pour s'en débarrasser ensuite. Rien que l'idée de devoir appeler Constantine, cet emmerdeur de première, ça suffisait à me rendre proactif. On avait assez d'une Enchanteresse.

"Vous êtes sûr d'avoir mis assez de scotch, Trevor ? Il vous manque pas deux ou trois rouleaux de plus à mettre autour ?"

Je venais de poser le livre maudit plein de poussière et de terre sur le bureau de Waller. Il était enroulé comme une momie dans des dizaines et des dizaines de tours de gros scotch industriel que j'avais trouvé dans le campement, on ne voyait même plus le titre. C'est que ce truc m'avait fait flipper. Les bras putréfiés là, très peu pour moi, ça me faisait frissonner de dégoût, hors de question que ce truc se rouvre pendant le trajet retour et bute toute mon unité à cause d'un accident. Tous les mercenaires qui n'avaient pas été tués, avaient fini en salle d'interrogatoire et seraient envoyés à Belle Rive.

"Vous avez une sale gueule."

Dans son langage, cela voulait dire que j'avais fait du bon boulot.

"J'aimerais prendre quatre jours de permission. Voir ma soeur." Ca faisait à peu près cinq années que j'avais pas pris de vacances, depuis que les menaces d'échelle planétaires avaient décidé de survenir les unes à la suite des autres. Le monde était dans un état lamentable et même si je savais ma soeur vivante, je tenais à aller m'assurer qu'elle allait bien. Et puis tous les trucs dangereux avaient été ramenés ou étaient en train de l'être.

"Accordé. "
"Merci."
"Mais restez joignable et prêt."
"Ne le suis-je pas toujours ?" dis-je avec un sourire narquois en quittant son bureau. Jamais vraiment en vacances chez ARGUS.
"Trevor ?"
Je m'arrêtai et me retournai. Waller me désigna du menton le sac près de la porte. Je le pris et regardai dedans. Mes épices ! Oui, en attendant l'hélicoptère d'extraction au campement conquis, en Inde, j'avais trouvé le temps de faire un tour dans la forêt à la recherche d'herbes locales et d'épices naturelles à ramener au bercail, pour tester de nouvelles recettes. Il avait juste fallu que mes trouvailles passent les contrôles de retour de mission. Pas que je ramène une plante extra-terrestre maudite par mégarde.

D'un signe de tête je la remerciai, pris mon paquetage, passai à l'infirmerie soigner mes nombreuses blessures du moment, et rentrai chez moi. Dans le taxi, je traversai des rues en reconstruction, assez tristes. La Terre avait morflé. Quand j'arrivai enfin dans mon appartement je m'effondrai sur le lit et dormis jusqu'au lendemain. Puis je remis la montre de ma mère à mon poignet et me mis en cuisine, invitant ma soeur et Etta, ma meilleure amie, à déjeuner. Oui je portais une montre de femme, au design heureusement assez passe-partout (ma mère était une pilote de l'armée, les trucs girly heureusement c'était pas son truc), en souvenir d'elle. Durant mes jeunes années j'en avais causé des bagarres de bars à la première réflexion de ceux qui avaient osé se moquer de cette montre, pourtant très belle. J'assumais. J'entrepris d'aller voir ma soeur, et ensuite, d'aider bénévolement les chantiers alentours en tant qu'ouvrier. Faire autre chose que des missions dangereuses, ça me permettait aussi de décompresser et de me faire rester dans un semblant de normalité, parfois. Juste travailler à transporter des trucs lourds, ou à souder des parpaings, ça vidait l'esprit, et ça aidait des gens. Tout ce dont j'avais besoin.

Jusqu'à ce que mon téléphone sonne. Waller ou la Ligue de Justice, dont j'étais l'agent de liaison ? Je pris les paris avant de sortir l'engin de ma poche. C'était reparti. Ce qui était très bien car quatre jours, c'était souvent ma limite avant de recommencer à m'ennuyer.

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