A pint of magic! [Feat. John]

Tout vient à point à qui sait attendre – et après six mois sur une autre Terre aussi accueillante que Manchester un jour de lui, John le savourait, ce retour bien mérité à l’Oblivion Bar. Six mois de survie en milieu hostile, cloîtré dans la Maison du Mystère pendant qu’une Zatanna possédée s’était lancée dans une vaste entreprise de meurtre de masse, que Tefé avait décidé de devenir plus Swamp Thing que Swamp Thing en personne, et que Rosalie partait à l’aventure à la recherche de son amoureux perdu après l’avoir blâmé de l’avoir ramené à la vie. Non, ces six derniers mois avaient été particulièrement lourds et fastidieux pour votre serviteur préféré, alors maintenant qu’il sentait les rouages de la réalité se remettre en marche et les voies de la synchronicité lui sourire à nouveau, il n’allait certainement pas se priver d’en profiter. Et puis, il l’avait mérité, mine de rien. Il avait eu des nouvelles de Tefé, qui était encore en vie et ne l’avait même pas insulté ; Rosalie était toujours portée disparu, mais si elle était morte à nouveau, il était certain que l’univers aurait trouvé un moyen de le lui faire savoir. Et Zatanna était revenue. Pour de bon. Et cette victoire-là, bon sang, qu’il la savourait. Un sourire satisfait aux lèvres, John fit tourner son whisky dans son verre, assis sur une des banquettes du bar. Zatanna, sauvée, et pas mal grâce à lui, s’il vous plaît. Nebiros, expulsé de son corps et renvoyé en Enfer, sans même qu’il n’ait besoin de causer une nouvelle apocalypse pour y arriver – juste un peu de ruse, un bon coup de Trafalgar, un tour de passe-passe avec l’aide de Deadman, et c’était dans la poche. Le pari avait été horriblement risqué, mais Constantine n’était rien sinon un joueur patenté. Et la chance lui avait souri. Nebiros était retourné dans son trou la queue entre les jambes, Zee était de retour parmi eux en un seul morceau – même si pour son âme, le débat était encore ouvert – et ils avaient même réussi à renvoyer Nick en Enfer, lui aussi. Là d’où il n’aurait jamais dû réussir à s’échapper. Ah, ça oui : les six derniers mois avaient été longs, mais le retour avait été fracassant, dans le meilleur sens du terme. Alors, John n’avait plus envie de rester enfermé dans la Maison, mais de renaître à la face du monde. Et quel meilleur endroit pour commencer que celui-ci.

« CONSTANTINE. » Bollocks. Grinçant des dents, John tourna la tête et avisa le propriétaire de la voix caverneuse et menaçante qui venait de l’apostropher. « Etrigan ! Quel déplaisir de revoir ta sale gueule ! » rétorqua-t-il en se levant adroitement (du moins le pensait-il) de sa banquette, son verre à la main et l’insolence pendue aux lèvres. « Il me semble que nous avons une dette à régler, petit vermisseau / je viens réclamer mon prix, ta tête dans un caniveau ! » Oh. De quelle dette pouvait-il bien s’agir, John n’en avait pas la moindre idée, mais il imaginait sans peine que l’imbécile de démon avait dû finir par se rendre compte d’une tricherie ou d’une autre lors d’une partie de poker, et décidait seulement maintenant de le lui faire payer. Et pour son grand retour sur la scène de l’Oblivion Bar, la dernière chose dont John avait besoin, c’était la rancune du cher double démoniaque de Jason Blood – qu’est-ce qu’il foutait celui-là d’ailleurs, à laisser son démon de compagnie se balader en liberté comme ça. Peu enthousiaste à l’idée de devoir se battre contre Etrigan, John réfléchissait à toute allure à une issue de secours – prêtant à peine attention à la jeune femme trempée qu’il aperçut apparaître du coin de l’œil, l’air perdue, avant de se faire sermonner par un Chimp en pleine forme. « A ta place, je m’excuserais, Constantine. » recommanda sagement Richard Occult, qui sirotait son propre scotch à quelques pas de là. « La ferme, Occult. » Mais, à peine John eut-il grogné à l’égard de son compère, qu’il sentit une main puissante et griffue se refermer sur le col de sa chemise et de son imper et le soulever du sol comme s’il n’avait pas pesé plus lourd qu’une plume. Et avant qu’il n’ait le temps de réaliser ce qui lui arrivait, Etrigan l’embarqua jusqu’au comptoir, avant de lui écraser le dos dessus, lui arrachant un grognement de douleur. Quelques verres volèrent en éclats au passage, et, confusément, John entendit les exclamations de protestation de Chimp – mêlées d’une belle bordée de jurons. En attendant, la main d’Etrigan était toujours autour de son cou, et John commençait déjà à marmonner un sortilège pour lui apprendre les bonnes manières, à ce gros rustre, quand la voix furieuse du propriétaire des lieux résonna bien plus près de ses oreilles. « Allez régler vos comptes ailleurs, tous les deux, ou je vire vos sales tronches de mon établissement moi-même ! »

Il y avait sans doute quelque chose de comique dans le spectacle qu’offrait un chimpanzé sermonnant un démon et un exorciste, mais sur le coup, ni John, ni Etrigan, n’avaient envie rire, trop conscients qu’il serait bien foutu de mettre sa menace à exécution, le foutu macaque. Alors avec un grognement, Etrigan relâcha John et fit demi-tour en marmonnant dans sa barbe, pendant que John retrouvait l’usage de ses poumons et tentait tant bien que mal de se sauver la face en ne glissant pas lamentablement par terre, le cœur tambourinant dans sa poitrine. « Fichu démon. » grommela-t-il – en adressant un doigt d’honneur à Occult qu’il venait d’entendre dire qu’il l’avait prévenu. Reprenant son souffle et ce qu’il lui restait de dignité, John se laissa tomber sur un tabouret, et tourna la tête, et avisa, enfin, la jeune femme qui le regardait comme s’il était un extra-terrestre. Ah oui. La fille qui était apparue avec dix litres d’eau et avait maintenant l’air tout droit sortie d’un de ces bouquins de fantasy avec lesquels Chas lui rabattait les oreilles. « Pour ma défense, c’est lui qui a cherché. » lui assura-t-il alors que Chimp levait les yeux au ciel. « Commence pas à emmerder les clientes avec tes histoires, Constantine. » « Arrête de m’emmerder, toi, et sers-moi un scotch, plutôt. Double. » « Je t’ai à l’œil. » Mais déjà, John ne prêtait plus attention aux remontrances du meilleur détective de la planète, bien plus intéressé, déjà, par la paire d’yeux violets qui se tenait à côté de lui – et l’aura magique qui se dégageait de toute sa personne, le genre d’aura qu’il n’avait jamais eu l’occasion de ressentir auparavant, quand bien même elle avait quelque chose de curieusement familière. Quelque chose qui lui faisait penser à celle de Zee, curieusement. Intéressant. « T’es nouvelle dans les parages, toi, non ? » demanda-t-il sans ambages en s’accoudant au comptoir, que Traci 13 avait complètement remis d’aplomb d’un sortilège rapide. « Navré pour ce triste spectacle. Les démons n’ont plus aucune manière, de nos jours – et celui-là encore moins que les autres, un vrai grognon quand il se lève du pied gauche. » Il déblatérait, pour gagner du temps, pour avoir l’occasion de l’inspecter – d’où elle sortait, cette mage-là ? « Je ne pense pas t’avoir jamais vue dans notre prestigieuse assemblée. Et pourtant je me targue de connaître tout le monde. Qu’est-ce qui t’amène ici, voyageuse ? » demanda-t-il en se saisissant du verre que Chimp avait déposé sur le bar. Un petit mystère. C’était bien, ça, les petits mystères. Et la fille aux yeux violets, elle, en était un à n’en pas douter.

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La dame d’abord, la dame d’abord – depuis quand il faisait dans la galanterie, le foutu macaque ? John se retint de lui adresser son majeur à lui aussi, conscient qu’une dose supplémentaire d’irrespect pourrait lui coûter un exil d’une semaine de l’Oblivion Bar, et il n’y tenait guère, alors il grommela dans son siège et prit son mal en patience – tournant à la place son intérêt vers la jeune femme assise à côté de lui. Il n’exagérait pas, quand il affirmait se targuer de connaître tout le monde qui mettait les pieds dans ce tripot magique. Dans cette communauté, il y avait trois types de personnages : les créatures magiques, comme Etrigan ou les Demon Three ou Detective Chimp en personne, les homo magi, comme Zee, ces mages pour qui la magie courait dans leurs veines aussi naturellement que le sang et l’oxygène, et il y avait les autres. Ceux qui certains appelaient imposteurs ou usurpateurs, les simples humains pour qui la magie est entièrement acquise. Les tocards comme Occult, ou comme lui-même, qui sont tombés dans le trou du lapin proverbial d’Alice au détour d’un grimoire ou d’un parchemin, et qui n’ont jamais pu décrocher depuis, junkies de la magie qu’ils devenaient tous. Et sur le grand échiquier du monde mystique, les gens comme lui étaient au plus bas de la hiérarchie. Alors il fallait apprendre à assurer ses arrières avec les moyens du bord, et Constantine n’avait encore jamais trouvé arme plus efficace que l’information. Connaître ses possibles alliés et ses possibles adversaires, avoir une connaissance aigue de ce grand échiquier qu’était la communauté magique, il était là, son pouvoir, et savoir exactement qui utiliser, quand, et comment. Il y avait ceux qu’il connaissait en personne, et tout aussi importants, ceux qu’il connaissait de réputation, ceux qu’il savait pouvoir reconnaître ou identifier en un clin d’œil s’il venait à les croiser. Et cette fille, contrairement à tous les autres clients de l’Oblivion Bar à cet instant-là, n’était rien d’autre qu’un immense point d’interrogation. Aucune information, aucune idée de qui elle pouvait être, une anonyme parfaite dans un monde où l’anonymat n’existait pas, ou alors il était sacrément suspect. Et là où il y avait du suspect, il y avait aussi un Constantine suspicieux. Sans cesser de dévisager la jeune femme, il se posa la question en lettres majuscules dans son crâne embrumé : amie inoffensive, ou potentielle menace ?

John remercia Chimp pour son scotch d’un hochement de tête, et il se concentra sur son verre le temps de laisser mariner toutes ces interrogations – et la jeune femme prit finalement la peine de lui répondre, quoique de façon fort succincte. Pas bavarde, la demoiselle ? Par nature, ou par méfiance ? Ou parce qu’elle avait quelque chose à cacher – comme à peu près tout le monde ici ? Le mystère s’épaississait, et il était presque tenté de transformer ça en jeu, ce petit mystère à résoudre, s’il ne s’était pas souvenu qu’il s’était vaguement promis à lui-même de se tenir à peu près sage depuis sa victoire sur Nebiros. Mais lâcher des informations au compte-goutte comme ça, c’était le moyen le plus sûr de s’attirer la curiosité et l’attention de John Constantine – surtout quand il n’avait plus de bêtises à rattraper ou de catastrophe métaphysique à réparer à grands renforts d’amis qui tombent comme des mouches, alors tant pis pour elle, c’était elle qui allait faire les frais de son oisiveté retrouvée. Elle avait soif, très bien – mais comment avait-elle trouvé leur prestigieux établissement, si elle n’y avait jamais mis les pieds avant, et il était à peu près sûr qu’elle n’y avait jamais mis les pieds avant, parole de scout et de pilier de bar. Heureusement, il n’était pas le seul à être curieux, visiblement, et il marqua un temps d’arrêt étonné en l’entendant rebondir sur le sujet de démons. « Tu te fous de moi ? » demanda-t-il, ne feignant qu’à moitié son incrédulité – mais il vit bien dans l’étincelle de curiosité dans ses yeux violets qu’elle était parfaitement sérieuse. Alors ça, c’était une grande première. « T’as jamais entendu parler de démons ? » répéta-t-il, cette fois sans même prétendre ne pas la dévisager avec insistance, et même une certaine avidité. Voilà qui lui en disait long. Quelqu’un qui ne savait pas ce qu’était un démon, dans ce monde, c’était comme quelqu’un qui n’avait jamais entendu parler du Père Noël, ou, dans leur communauté magique, quelqu’un qui ne savait pas ce que c’était le feu. Impensable. « Maintenant je me demande vraiment d’où tu sors, ma jolie. » se contenta-t-il de répondre, avant de marquer un instant de réflexion, de vider à moitié son verre de scotch d’une traite, et de pivoter sur son tabouret pour appuyer son dos au comptoir et faire face à l’assemblée disparate devant eux.

« Tous les démons ont leur propre individualité, mais comme les humains ou les gargouilles ou les fées, ils partagent une certaine… culture commune. Tous autant qu’ils sont, sont nés et vivent – à de rares exceptions près – en Enfer. » Est-ce qu’elle avait seulement entendu parler de l’Enfer ? Il tourna la tête vers elle pour la jauger, puis décida de préciser quand même : « L’Enfer, c’est un des nombreux royaumes des morts disséminés dans une ribambelle de dimensions et mondes séparés. Celui dont je te parle, c’est là que finissent les âmes damnées. Les âmes des morts qui ont tellement merdé de leur vivant qu’ils ne méritent que la torture et les tourments pour le reste de l’éternité. Chouette programme, hein ? » Evidemment, il s’abstint de lui dire que c’était le destin qui l’attendait, lui, quand viendrait (encore) son heure. Une histoire pas drôle à la fois. « Et les démons, ce sont les créatures qui font tourner la machine. Les bourreaux, les concierges, les comptables, toute la clique. De façon générale ? De vraies saloperies, à éviter à tout prix. » Bon, venant de lui, c’était sûrement un peu du foutage de gueule, ce genre d’affirmation, mais ça, elle ne le savait pas encore. Une nouvelle gorgée de scotch plus tard, John désigna d’un vague geste de la main l’imposante silhouette d’Etrigan – massif, terrifiant, avec sa peau jaune et écailleuse, ses yeux carmins comme entièrement imbibés de sang et des feux de l’Inferno tout à la fois, et ses dents carnassières. Sale gueule. « Etrigan ici présent est un des rares démons à pouvoir évoluer dans le monde des mortels. Pour pouvoir le faire, ils ont besoin de se lier à des humains. Le plus souvent par possession, parfois par des moyens plus pernicieux. Ils sont manipulateurs, et surtout, ils savent exactement comment faire plier les humains et les soumettre à la tentation. Si tu dois retenir une seule chose à leur sujet, ma belle, c’est ça : n’accepte jamais, au grand jamais, le moindre marché avec un démon. » Et il en connaissait un rayon, sur le prix à payer. Un sourire de travers vint ourler le coin de ses lèvres. « Mais si tu le fais, ce sera maintenant en connaissance de cause. » Après tout, qui était-il pour donner des leçons ? Elle lui avait demandé de lui parler des démons, pas une leçon de morale. D’une traite, il acheva son verre de scotch, et fit signe à Chimp de le resservir. « Je t’ai raconté plein de chose sur les démons. Et si tu me racontais quelque chose sur toi, histoire d’équilibrer les forces ? » Une information pour une information. John n’était pas un démon – mais qui avait dit que leurs méthodes n’avaient pas du bon ?

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Ouais, équilibrer les forces – et ça commençait par là, par réussir à lui faire aligner plus de trois mots à la suite. Parce qu’elle avait beau ne pas révéler grand-chose, il n’y avait bien guère que les muets qui ne révélaient rien d’eux-mêmes en se taisant. Et rapidement, John décida d’en conclure qu’il n’était pas tout à fait tombé sur une taiseuse ennuyante du même calibre que le Phantom Stranger – et les dieux savaient qu’il y en avait, des toués dans son genre qui restaient dans leur coin à déblatérer prophétie menaçante sur prophétie fataliste. Le cliché des grands sorciers qui ne parlaient que par énigmes et métaphores, malheureusement, avait une large part de vérité en lui, et ils avaient, tous autant qu’ils étaient, le don de le mettre en rogne. Et immanquablement, c’était toujours le même casting : les sorciers antiques, ceux qui se drapaient de mystère dans de grandes capes et derrière des surnoms ridicules tels que Doctor Fate et autres Sargon le Magnifique ou allez savoir quoi encore. Quel bonheur de constater que la demoiselle, malgré son air de reine Guenièvre dans ces froques tout droit sorties du Roman de Renard, n’avait pas l’air de correspondre à ses préjugés habituels. Mais le mystère n’en était que renforcé, et sa curiosité, aussi. Et sa tête de jeune fille naïve et mielleuse, John décida très vite de ne pas y croire une seule seconde, au vu de l’aplomb avec lequel elle répliquait. Très bien. L’escroc patenté croisa les bras sur le comptoir à son tour et jaugea plus étroitement la jeune femme. Elle n’avait jamais mis les pieds à l’Oblivion avant, et il n’avait jamais entendu parler de qui que ce soit lui ressemblant – l’aurait-il dû ? Ou était-elle réellement complètement nouvelle sur le devant de la scène ? Et si c’était le cas : comment diable avait-elle atterri ici ?

« Sympathique et fascinant, hein ? » répéta-t-il, sourire narquois de mauvais garçon usant et abusant de son charme suspendu aux lèvres. Heureusement que Chimp ne l’avait pas entendu, celle-là, nul doute qu’il se serait empressé de la mettre en garde contre le dangereux John Constantine, plus grand escroc que leur petite communauté mystique ait jamais eu le déplaisir d’abriter en son sein. « On peut dire que t’as l’œil, miss-j’avais-soif. » Autrement dit : à d’autres. Personne ne foutait les pieds à l’Oblivion pour la première fois juste parce qu’ils avaient soif. Elle cherchait quelque chose, la demoiselle. Mais, comme toujours en magie, peut-être n’avait-elle-même pas encore conscience de le chercher. Le bar avait une façon bien à lui de fonctionner et d’attirer à lui les personnages les plus curieux, pour les assembler avec d’autres personnages curieux, et résoudre ainsi des puzzles dont même les participants ne prennent conscience qu’à la dernière minute. Ne restait plus qu’à découvrir à quel puzzle elle pouvait bien correspondre, elle. Et en attendant, elle lui offrait sur un plateau d’argent l’approche parfaite pour élucider ce petit mystère. « Un jeu ? T’as frappé à la bonne porte, chérie. » Bon, pour la vérité absolue, un peu moins, mais ça, elle n’était pas obligée de le savoir. Si elle ne savait pas qui il était, il conservait au moins cet avantage-là. Mais très bien, il jouerait la carte de l’honnêteté, pour une fois. Pour la beauté du jeu. « Très bien, j’accepte tes règles et tes conditions. La vérité rien que la vérité, et cinq jokers. Maintenant, un jeu… » Se retournant sur son tabouret pour scanner à nouveau la salle des yeux à la cherche de quoi les divertir, John finit par esquisser un rictus. « Je crois que j’ai ce qu’il nous faut. »

D’un geste de la main, il l’invita à le suivre, sans oublier bien évidemment d’emporter son nouveau verre de scotch, et il zigzagua adroitement entre Blue Devil, Misfit et Kent Nelson pour aller droit sur la deuxième partie du bar la plus intéressante après le comptoir lui-même : le coin où avaient été aménagés un billard et un jeu de fléchettes. Le tout à la sauce magique, bien évidemment. Et c’était sur le jeu de fléchettes que son choix s’était porté, puisque la demoiselle avait eu la bonne idée de le lui laisser. Trois cibles, chacune d’une couleur différente. « Voilà à quoi on va jouer ! Tu connais les fléchettes à l’humaine ? C’est pareil ici, sauf que… » D’autorité, John piqua une fléchette à Klarion qui passait par là, prit le temps de viser la cible la plus à gauche, lança son projectile qui traça un arc droit… pour finalement courber sa course de manière bien peu naturelle et finir sa course dans le bois. Un sourire en coin, John se tourna vers la jeune femme. « Une seule de ces trois cibles est valide – et elle change évidemment à chaque lancer. Et les deux qui sont inactives se protègent avec toutes sortes de pièges, dont fais bien gaffe à ce que la fléchette ne te revienne pas en pleine poire. Je commence pour te montrer l’exemple. » Evidemment. Concentré, John sortit une nouvelle fléchette du présentoir et examina attentivement les trois cibles. C’était subtil, et peut-être fallait-il le savoir pour transformer un jeu de hasard en jeu de compétence, mais l’énergie qui se dégageait de la bonne cible était légèrement différente de celle de deux autres – une différence tellement insignifiante et changeante qu’elle passait souvent inaperçue et ne garantissait pas un score parfait, mais au moins, elle offrait aux joueurs attentifs un véritable challenge d’adresse et de sorcellerie. Une à une, John lança ses fléchettes – trois pour commencer. Deux d’entre elles atteignirent la bonne cible – la dernière explosa littéralement à l’impact avec un bruit d’enfer. Pas insatisfait de sa performance (mais il s’échauffait juste), John pivota sur ses talons et tendit trois fléchettes à sa partenaire de jeu. « A ton tour, chérie. » Et, sagement, il alla s’adosser au pilier voisin, attentif au jeu autant qu’il était attentif à son attitude à elle. Parce qu’après tout, dans ce petit jeu, il y avait aussi un minuscule test. Juste pour voir de quel bois elle se chauffait, la mystérieuse inconnue.

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C’était bien, des fois, de jouer la carte de la normalité. Enfin, de la normalité selon les standards de leur petite communauté, à savoir la normalité selon laquelle, pour une fois, il n’était pas à la poursuite d’un démon ou d’un autre, ou embrigadé contre son gré dans quelque histoire de sauvetage du monde et autres simagrées du même acabit. La normalité, parfois, ça n’était rien d’autre que le bonheur de descendre quelques verres en bonne compagnie, de passer du bon temps, et de ne se soucier de rien d’autre que la façon dont il allait rentrer chez lui. Et parfois, ça lui plaisait, cette normalité. Là, tout de suite, ça lui plaisait – une normalité anormale, parce qu’ils étaient quand même toujours dans l’Oblivion Bar, mais pas de menace imminente à part celle qu’il laissait volontiers au gang des pyjamas rayés. Cette fille aux yeux d’améthyste, il ne la connaissait pas, et peut-être qu’elle représentait un danger, mais en cet instant ? Ce n’était pas vraiment l’impression que John en avait, et, décidant de se fier à son instinct et aux voies de la synchronicité qui l’avait placée sur sa route, il décida que son défi ne serait pas d’empêcher une énième fin du monde, ni une énième menace de fouler le sol de leur pauvre planète. Juste de lever le voile du mystère sur une drôle de jeune femme qui n’aurait jamais dû se trouver là, mais qui s’y trouvait quand même. Une erreur dans la matrice, une inconnue dans une équation complexe, un point d’interroger au milieu d’un texte – et John, lui n’avait qu’une envie : soulever le voile dans lequel elle se drapait encore, exposer les réponses qu’elle cherchait à cacher, être celui qui situerait leur mystérieuse nouvelle visiteuse dans l’immense échiquier que représentait le monde, et l’échiquier réduit, mais non moins critique, des habitués de l’Oblivion Bar.

Un sourire tordu pendu au coin des lèvres, à moitié assis sur la table, il la laissa prendre place à son tour face aux fléchettes, attentif à sa posture autant qu’à son aura, à la recherche du moindre indice qui pourrait trahir son identité, ses origines, ses pouvoirs, n’importe quoi. Mais ce petit jeu là était un jeu de patience, et quelque part, John avait bien envie de prendre son temps avant de la dépouiller de son mystère. Tac, tac, tac, trois fléchettes, trois en plein dans le mille. Et John laissa échapper un rire faussement étonné, sourire félin s’étirant un peu plus sur ses lèvres. Et surtout, il arqua un sourcil intéressé, alors qu’elle se lançait dans une tirade vantarde – bien méritée, à sa décharge. Un arc et des flèches ? ‘Votre’ meilleur archer ? Un lycan ou un nekker ? Le voilà piqué à vif, son intérêt, à l’exorciste de pacotille, qui porta à nouveau son gin tonic à ses lèvres pour se donner le temps de la réflexion. Elle ne parlait comme personne qu’il connaissait – ou plutôt, comme il l’attendrait de certains de ses alliés qui ne correspondaient en rien de ce qui était familier sur cette Terre. Et ça, ça l’intéressait au plus haut point. Tout comme sa question. « Mon nom, hein ? » lâcha-t-il en extrayant une cigarette de la poche de son imperméable, pour la glisser entre ses lèvres, avant de reporter le regard sur la jeune femme. Bah, elle avait bien raison, il fallait bien commencer quelque part. Alors il se pencha légèrement à son tour, sans chercher le moins du monde à se dérober à son regard, qu’elle avait tout de même fort beau. « Je m’appelle John. John Constantine. Ravi de faire ta connaissance, chérie. » consentit-il enfin à répondre, suave, avant de se lever à son tour et de reprendre possession des fléchettes. A son tour, de briller un peu.

En plus des trois qu’ils avaient déjà partagées, il alla en piocher deux autres, et se plaça à nouveau face à la série de cibles. Elle était particulièrement sensible à la magie, la demoiselle, ça allait de soi – il semblait bien qu’en termes de sensibilité, il ne pourrait pas rivaliser avec elle, alors il changea son fusil d’épaule. Chacun se battait avec ses propres armes, et les siennes, personne ne pourrait les lui enlever, ni même espérer les imiter. Alors il se concentra, laissant son esprit vagabonder sur ces étranges chemins invisibles de tous, sauf de lui, qui connectaient toutes choses et tissaient le voile improbable de la réalité. Des fils dont lui seul avait conscience, un don dont il ignorait l’origine, mais tellement pratique dans toutes sortes de situations. Et sur ces fils, tel un funambule, il se laissait porter là où le vent voulait bien l’amener. Les deux premières fléchettes trouvèrent leur cible sans difficulté ; la troisième, il décida de la planter dans la cible du milieu après avoir entendu Dr Occult, un peu plus loin, prononcer ce mot dans un tout autre contexte, et bingo, succès. La quatrième fléchette, il la planta dans la cible de gauche après avoir vu du coin de l’œil Blue Devil vider sa pinte d’un trait – un gaucher. Encore un succès. Et la cinquième, il allait à nouveau la planter dans celle du milieu, quand Sargon le bouscula en passant derrière lui ; et prenant ça pour un signe, il visa plutôt à droite, et comme rien ne venait l’en empêcher, il la lança aussi. Victoire finale. Un sourire triomphant aux lèvres, John exhala la fumée de sa cigarette et, les mains dans les poches, s’en retourna faire face à la mystérieuse inconnue. « Sûrement un coup de chance. » lâcha-t-il, taquin, avant de reprendre son verre. « A ton tour. Et si tu perds, ma question sera la même que la tienne : comment t’appelles-tu ? » Pas la question la plus brûlante dans sa liste, mais il soupçonnait que s’il attaquait trop fort, elle utiliserait aussitôt ses fameux jokers, et ça, il n’y tenait pas du tout. Il allait falloir la jouer finaude. Et ça, heureusement, c’était sa spécialité.

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« Esprit de compétition, hein ? Fais gaffe, tu vas finir par me plaire. » s’amusa John en s’empara à nouveau de son gin tonic, avant de le descendre pratiquement d’une traite. Oh oui, si elle voulait jouer, ils allaient pouvoir jouer tous les deux – parce que John Constantine avait la sale habitude d’être un mauvais perdant, alors du diable s’il n’allait pas se donner à fond dans cette petite compétition sans conséquences apparentes qu’ils s’étaient fixé. Sans conséquences apparentes, parce que même s’il n’y avait aucun enjeu dans l’esprit des mises habituelles, monétaires ou matérielles, glaner ces quelques informations qui lui manquaient encore était, résolument, un enjeu digne de ce nom pour l’escroc patenté qu’il était. Escroc, détective, peu importait les étiquettes qu’on lui collait, il voulait savoir, il aimait savoir, et il saurait, tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre, et qu’elle le veuille ou non, la demoiselle aux yeux violets. Pendant qu’elle se préparait pour ses propres jets, John fit signe à Traci Thirteen de lui amener un nouveau gin tonic, et, en attendant son cocktail, il tira à nouveau sur sa cigarette en observant attentivement le spectacle. Si elle n’avait pas l’air d’être une menace (ou alors elle cachait remarquablement bien son jeu), ça n’en signifiait pas pour autant qu’il pouvait complètement baisser la garde à son égard. Qu’ils pouvaient, tous, baisser la garde à son égard. Car si Chimp ne l’avait pas traitée différemment d’une autre cliente, trop bon comédien qu’il était, John savait qu’il gardait malgré tout un œil sur elle – et que même si tout un chacun était retourné vaquer à ses occupations, personne n’avait pu manquer l’apparition d’une parfaite inconnue sur leur terrain de jeu habituel. Dans ce monde où tout le monde s’efforçait de connaître tout le monde, l’on attendait que l’inconnu se révèle, avant de dévoiler son propre jeu.

Et, comme pour illustrer ses pensées, Richard Occult – ah, non, Rose Psychic – se matérialisa à son côté, visiblement en route pour repartir du bar. Rose dédia un regard curieux et circonspect à la nouvelle venue concentrée sur ses tirs, et se rapprocha un peu de John pour souffler à son oreille : « Une idée de qui elle est ? » « Pas la moindre. » répondit John. « Elle a l’air inoffensive, pour le moment. » « Hm. Garde-la à l’œil, Constantine. Même si je ne doute pas de sa bonne foi, nous savons tous les deux que le danger peut être un bagage accidentel plutôt qu’intentionnel. » « Bien reçu, Rose. T’en fais pas, je gère. » Rose hocha la tête, redressa le col de son imperméable, et s’éloigna, le son de ses talons résonnant sur le parquet de l’Oblivion Bar avant qu’elle ne se volatilise par la porte sans que personne ne voie où elle était partie. Et John put se concentrer à nouveau sur la mystérieuse jeune femme. Cette petite surveillance, ça n’avait rien d’hostile, ça n’avait rien de personnel ; mais n’était-ce pas le rôle que s’était accidentellement arrogée la Trenchcoat Brigade, de servir de garde-fou à leur étrange communauté ? Des gardiens, ni bienveillants, ni malveillants, juste neutres et observateurs. Et là, tout de suite, c’était sur elle que se portaient leurs regards curieux, attendant de voir ce qui découlerait de son étrange présence. « Aaaah égalité. » soupira-t-il avec un sourire félin, alors que Traci revenait avec son nouveau verre. « Une question chacun, ça me va. Je commence, pour te laisser le temps de réfléchir. » concéda-t-il, grand seigneur, comme si finalement, lui aussi allait réfléchir encore un peu, maintenant que la donne avait un peu changé.

« T’es une magus cent pour cent pur jus, toi. Ne réponds pas, ça n’est qu’une question rhétorique, j’en suis sûr, maintenant. » commença-t-il en faisant tourner son tonic dans son verre, son doigt tapota contre la surface lisse du verre alors qu’il la dévisageait avec curiosité. « Je ne pose la question depuis que je t’ai vue apparaître, mais t’as pas l’aura de quelqu’un comme moi qui a dû apprendre la magie de A à Z. Vous, les vrais mages, vous avez quelque chose en plus. Quelque chose à part. Et je veux bien être pendu si toi, tu l’as pas, ce quelque chose en plus. » Ils étaient rares, les vrais mages, sur leur petite Terre étriquée. Il y avait les gens comme Zatanna et cette fille aux yeux violets qui l’étaient assurément, et puis il y avait les gens comme lui et Occult qui s’appropriaient ces arts arcaniques par les voies détournées. L’inné et l’acquis, en somme. Et la certitude que chez elle, tout ceci était inné, la rendait infiniment plus intéressante que si elle avait été quelqu’un comme lui. Ca voulait dire qu’elle n’était pas une sorcière débutante cherchant à se faire un nom sur la scène. Non, son anonymat, il tenait à tout autre chose encore, maintenant, il en était certain. « Ok, je m’en tiens à ma question initiale, ma jolie. Ton nom, à toi aussi. Avant que je ne tombe à court de surnoms, même si je te sens fan. » finit-il par déclarer. Puis il coinça sa cigarette entre ses doigts et écarta les mains, d’un air d’invitation. « Et toi ? T’as gagné ta deuxième question, choisis-la bien. » Et si lui avait une foule d’interrogations plus ou moins pertinentes qui tournaient en rond dans sa tête, il était bien curieux de savoir ce qu’elle, elle pouvait bien se demander à son sujet.

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John était partant, une question chacun. Quoi de plus normal, vous aviez fait égalité. Chacun avait donc gagné le droit de poser sa petite question et tu commençais déjà à réfléchir. Tu avais tant de questions en tête, tu devais trouver la bonne. Celle qui serait assez intéressante pour assouvir ta curiosité, mais celle qui ne serait pas trop pour ne pas le braquer d'entrée de jeu. La soirée, le jeu, ne faisaient que commencer. Il fallait y aller en douceur et attendre que l'euphorie de tous ces verres, ainsi qu'une certaine complicité, s'installent pour espérer le voir parler et s'étendre un peu plus de lui même. C'était toujours plus simple quand l'interlocuteur pensait qu'il était le maître de la situation et que c'était lui qui décidais d'offrir ou non telle ou telle information. Braquer, assommer de questions, mener un véritable interrogatoire... ce n'était jamais efficace avec des hommes comme John. Tu le savais. D'ailleurs, il semblait vouloir jouer la même stratégie, ce qui ne faisait que te conforter dans l'idée que vous étiez du même acabit. Oh, lui il était beaucoup plus sournois et malhonnête que toi, ça ne faisait aucun doute, mais c'était comme si vous aviez été taillés dans la même branche. Une sensation étrange mais familière et agréable. Lui aussi y allait en douceur sans te brusquer. Il t'exprimait alors son raisonnement à ton sujet. Tu étais toute ouïe. C'était très intéressant de découvrir comment il te percevait et ce qu'il avait su cerner de ta personne en seulement quelques minutes en ta compagnie. Bien sûr, il avait compris que tu étais une homo magi, même s'il n'employait pas le terme en lui même. Mais il avait bien saisi que tu étais une magicienne pure souche et pas une de ces apprentis sorcières qui jouaient avec de vieux bouquins et quelques potions inventées sur Youtube. Ouais, tu connaissais Youtube maintenant... Bref, il savait qu'il n'avait pas à faire à une novice ou un imposteur. Tu esquissais un sourire. Tu ne répondais pas... Ce n'était pas sa question, tu le laissais supposer en terminant ton verre de vin. Et sa question, il y venait d'ailleurs. Aucune surprise, il te l'avait annoncé. Il te demandait le plus simplement du monde ton nom, te renvoyant ainsi la politesse et l'égard de ta première question. Pour lui répondre, tu faisais le tour de la table et approchais tes lèvres de son oreille. Après tout, cette réponse, il l'avait gagné, hors de question d'en faire profiter tout le bar.

« Rayna Brodveldt. » Soufflais-tu donc simplement dans le creux de son oreille avant de retourner à ta place, te saisissant de son verre au passage. Il n'avait pas eu la courtoisie de t'en commander un et le tien était désormais désespérément vide. Puis c'était l'occasion de goûter un nouveau breuvage de Midgard. Tu posais alors tes lèvres sur le verre de John et prenais une première gorgée. Ce n'était pas mauvais... Tu esquissais un sourire charme.« Hum... Délicieux... » Tu faisais alors signe à la serveuse de t'en amener un avant de reporter toute ton attention sur John. Tu fronçais alors les sourcils, hésitant encore sur le contenu de ta question. Il t'intriguait tellement le bougre. Tu avais envie de tout savoir de lui. Mais tu pressentais aussi qu'il devait être une mine d'or au sujet de la magie sur Midgard. Il semblait connaître beaucoup de monde, beaucoup de choses, c'était ce qu'il avait insinué lui même. Etait-il vantard et prétentieux ou tout simplement honnête? Tu hésitais encore sincèrement sur la réponse à cette question. Tu avais presque envie de dire qu'il devait être un savant mélange des deux. Il n'était pas idiot, il n'était pas inexpérimenté. C'était une évidence. Il te paraissait débrouillard et bien renseigné. Mais c'était aussi assurément une graine de voyou, un type à qui il ne fallait pas se fier. Ça ne faisait que le rendre encore plus fascinant à tes yeux. Un sale type avec un certain code d'honneur... C'était toujours plus intéressant qu'un sale type tout court ou qu'un preux, mais fade, chevalier.

« Dites moi John... et ce de la manière la plus précise qui soit. Quel est cet endroit? » Certes, ce n'était pas, à proprement parlé, une question sur lui. Mais c'était à la fois une question pour glaner des informations sur le monde de la magie, mais aussi, de manière un peu plus détournée, un moyen de le cerner un peu plus. Car il fréquentait cet endroit, et d'après ce que tu avais pu remarquer, ce n'était pas la première fois qu'il venait. Il était u habitué. Les fréquentations d'un homme peuvent en dire long sur lui. Tu espérais que ça serait le cas.

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Rayna Brodveldt. Un nom qui aurait pu passer pour parfaitement humain, si elle s’était donné la peine de prétendre l’être, et John se contenta de lui retourner un sourire digne du chat de Cheshire alors qu’elle se permettait de piquer dans son verre, l’impudente. « Enchanté, Rayna. » répondit-il sans la lâcher des yeux, l’intrigante petite sorcière sur laquelle il avait désormais la mission de garder un œil – merci Dr Occult. A quel point bluffait-elle, la demoiselle qui avait débarqué dans leur charmant petit bar comme un cheveu au milieu de la soupe, remarquée de tous peut-être sans s’en douter, parce que dans cet endroit, les silences en disaient souvent plus long encore que les rumeurs ? Sa réserve tenait-elle du fait qu’elle avait de sombres intentions à leur cacher, ou d’une prudence exacerbée parce que c’était sa sécurité à elle, qu’elle sentait en danger ? Mais si tel était le cas, pourquoi se matérialiser dans le bar le plus surpeuplé de créatures magiques du monde mortel ? Tellement de questions, et si peu de réponses encore, mais John Constantine savait prendre son mal en patience. S’il y avait quelque chose à découvrir à son sujet, il le découvrirait en temps en heure, sale fouine qu’il était ; il suivrait les chemins de la synchronicité, sans se presser, et il savait qu’il arriverait aux réponses, tôt ou tard, pile quand et où cela serait nécessaire. Qu’elle profite donc de son mystère, Rayna Brodveldt – il ignorait encore d’où elle venait, mais dans leur sphère, les secrets étaient une notion particulièrement souple et changeante.

Mais sa question à elle, John devait bien l’admettre, le prit au dépourvu. Alors elle n’avait vraiment aucune idée d’où elle avait mis les pieds ? Une lueur d’intérêt s’alluma au fond de ses yeux sombres, alors qu’il détaillait son interlocutrice en se renfonçant dans le dossier de sa chaise. L’Oblivion Bar était l’un des endroits les plus difficiles d’accès de la planète, et l’on y entrait qu’à deux conditions : soit on en connaissait les entrées et on avait les moyens d’y accéder, soit c’était le bar lui-même qui accordait ses laissez-passer. Et puisqu’elle n’avait pas l’air de savoir où elle était, la demoiselle, il supposait qu’il avait sa réponse quant aux modalités de son arrivée dans leur petit quartier général. « C’est pas tous les jours qu’on trouve quelqu’un qui entre ici par erreur. » commenta-t-il en tirant sur sa cigarette, relâchant des volutes de fumée dans l’air. Mine de rien, elle soulevait quelques questions, son ignorance. A quel point John pouvait-il, ou devait-il, lui révéler les secrets de cet endroit ? Devait-il seulement le faire ? Songeur, John mesura ses options, maintenant un silence pensif soigné, avant de sembler prendre une décision. Il prit sa cigarette entre ses doigts et croisa les jambes devant lui, nonchalance incarné alors que, d’un vague mouvement du bras, il embrassait le décor qui les entourait.

« Cet endroit, Rayna, c’est l’Oblivion Bar. L’endroit le plus maudit et sympathique de toutes les dimensions. » répondit-il encore, sourire félin accroché aux lèvres. Se saisissant de son verre pour le porter à ses lèvres, il la laissa digérer l’information, s’amusant de ses yeux curieux et son envie évidente d’en apprendre plus alors que lui, salaud qu’il était, ne disait encore rien. Bon, allez, soit. Il se sentait d’humeur magnanime, et puis, elle lui avait demandé autant de détails que possible. « L’Oblivion Bar existe au carrefour entre plusieurs dimensions. Il n’y a que les gens comme nous, les connaisseurs des arts occultes et autres créatures magiques qui soient en mesure d’en trouver les diverses portes d’entrée. » Verre en main, il désigna d’un geste le chimpanzé derrière le bar, qui était maintenant absorbé dans une discussion particulièrement volubile avec Black Alice. « Le macaque avec qui tu tapais la discut’, c’est Bobo T. Chimp. Aussi connu sous le nom de Detective Chimp – le meilleur détective de la planète, n’en déplaise à cette brute épaisse de Batman. Et quand il n’est pas occupé à résoudre les affaires les plus sordides et mystérieuses de la planète, c’est le propriétaire du bar. Un conseil, fais en sorte qu’il ne t’ait pas dans sa ligne de mire si tu veux pouvoir continuer à profiter des lieux. » A nouveau, John porta son verre à ses lèvres, ses yeux quittant le brave Chimp pour se reporter à nouveau sur son interlocutrice. Et puis zut. Tant pis pour le jeu. Peut-être qu’il était temps de jouer cartes sur table, ne serait-ce que pour la joie de l’expérience, eh ? « Cet endroit n’est pas seulement un bar. C’est un des lieux les plus sécurisés du monde pour les gens comme nous. Quelque part où les créatures et les monstres qui évoluent dans l’ombre du monde extérieur peuvent se retrouver à l’abri des regards et des menaces qui les guettent au dehors. » Et John étudiait son expression, attentif à ses réactions alors qu’il levait progressivement le voile des mystères de l’Oblivion Bar. Et de sa propre curiosité. « Naturellement, tout le monde ici tient beaucoup à cet endroit. Pour certains d’entre nous, c’est même le seul havre de paix dont nous disposons. Tu comprends qu’on soit forcément un peu… protecteurs, avec ce tripot. » Voilà, premières cartes abattues. La question était, allait-elle faire preuve de bonne volonté, elle aussi ? « C’est pour ça que je te pose des question, Rayna. Tu es en terrain neutre ici, mais il y en a par ici qui comptent sur moi pour anticiper les problèmes. Alors j’aimerais te reposer la question, si tu te sentais d’humeur à faire des confessions : qu’est-ce qui t’a amenée ici ? » demanda-t-il, curieux – à la fois de la réponse, et de la façon dont elle prendrait son petit interrogatoire amical. Quant au jeu, il avait décidé de n’en plus suivre les règles.

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Tu étais tellement curieuse de découvrir ce qu'était cet endroit, pourquoi il t'avait happé de la sorte et pourquoi il t'avait fait rencontrer ce blondinet. Tu étais certaine d'une chose Rayna Brodveldt, une chose bien discutable selon les croyances et l'expérience de chacun, rien n'arrive par hasard. Le destin, tu étais persuadée qu'il jouait un rôle dans tout ça. Vous pouviez l'accepter, le tolérer, l'apprécier ou même le contrer, mais il était là et il ne laissait pas sa part au lion. Si tu étais ici, aujourd'hui avec John Constantine, et bien tu étais certaine que ce n'était pas pour rien. Vous deviez vous rencontrer comme tu avais dû endurer tout ce que tu avais enduré pour, tu l'espérais, arranger les choses et empêcher que d'autres ne souffrent comme tu avais souffert. Tu espérais sincèrement ne pas te tromper car sinon cela voudrait tout simplement dire que la souffrance n'était que cela, de la souffrance, totalement aléatoire et cruelle sans que rien de bon ne puisse en sortir. Et si cela s'avérait être vrai alors... ce serait tout ton monde, toutes tes valeurs, toutes tes ambitions qui s'écrouleraient et tu finirais inévitablement par sombrer, comme ton père. Tu voulais donc savoir, trouver un signe, un mot, qui te conforterait dans ton idée. John te répondait alors que ce n'était pas tous les jours que l'on croisait quelqu'un arrivé par erreur ici... Tu en déduisais donc que ce lieu n'était vraiment pas à la portée de tous et qu'il fallait réellement vouloir y venir, le connaître, pour pouvoir le trouver. Cela confirmait bien ton sentiment d'avoir été happée, choisie par le lieu plutôt que le contraire. Et en cela c'était très intéressant car c'était la première fois que tu tombais sur ce genre de lieu. Lieu dont tu apprenais le nom à l'instant, l'Oblivion Bar. Et rien que cela pouvait te mettre sur bien des pistes car, si tu ne te trompais pas, Oblivion signifiait l'oubli... Tu attendais d'en savoir un peu plus avant d'en tirer des conclusions hâtives.

Constantine poursuivait en te disait qu'il s'agissait du lieu à la fois le plus maudit et le plus sympathique de toutes les dimensions. Tu restais perplexe et tu fronçais les sourcils. Voilà deux mots que tu n'avais pas pour habitude d'allier dans une même phrase. C'était d'autant plus perturbant de les employer pour définir un bar. Il n'y avait donc que les créatures magiques qui pouvaient se rendre ici, tu t'en étais effectivement doutée en observant la clientèle. Tu aimais beaucoup l'idée d'un lieu réservé uniquement pour vous. Car si sur Arcadia toutes les créatures se mélangeaient volontiers tant qu'il n'y avait pas de grabuge, ce n'était pas le cas sur Terre où nombre de créatures restaient tapis dans l'ombre des humains. Les diverses portent d'entrée... Voilà qui était également très intéressant mais aussi plutôt inquiétant. Tu comprenais alors mieux l'alliance des adjectifs maudit et sympathique dans la même phrase. Ce lieu était vraiment propice à passer un moment agréable avec ses semblables mais il était également dangereux car disponible à tous et très certainement le premier lieu où on chercherait justement une créature magique... comme toi par exemple... Mais tu te doutais bien que les choses ne devaient pas être aussi simple, il devait y avoir quelque chose pour éviter les règlements de compte ou les débordements. Il n'y avait qu'à voir la tête du patron et sa sérénité ouvertement affichée pour le comprendre. Il était le maitre des lieux et il contrôlait à la perfection son échoppe. Il ne semblait pas le moins inquiet du monde, oui, il devait y avoir quelque chose. Se pourrait-il que cet endroit soit en réalité un refuge? Serait-ce pour cela qu'il avait accepté, décidé, de t'accepter en son sein. C'était une théorie troublante, consistant à dire que cet endroit avait sa propre conscience... mais c'était aussi une théorie très séduisante.

Detective Chimp, tu pouvais enfin mettre un nom sur ce singe qui te paraissait absolument délicieux. Oui, tu aimais les créatures avec du caractère et du charisme, ce dont ce Detective Chimp était largement pourvu. Batman... Un nom que tu connaissais déjà pour avoir déjà sillonné les rues de Gotham. Tu n'avais pas encore eu l'opportunité de le rencontrer mais peut être qu'un jour... qui sait? En attendant tu prenais note que John Constantine considérait Chimp comme bien meilleur détective que le Chevalier Noir. Tu retenais également le qualificatif de brute épaisse pour Batman. Tu ne le prenais pas pour argent comptant bien évidemment, l'avis des uns et des autres, c'était tellement subjectif. Mais tu le gardais en tête au cas où tu serais effectivement amenée à rencontrer le gardien de Gotham. Garder Chimp dans tes petits papiers? Ok! Tu essaierais de suivre ce conseil alors car ici, tu te sentais déjà comme chez toi et tu détesterais te voir fermer les portes de l'Oblivion Bar. Ah c'était donc cela le truc... tous les gens qui venaient ici, en grande majorité, aimaient sincèrement cet endroit. Il s'agissait bien d'un refuge, d'un havre de paix. Et c'était eux qui le défendaient, le protégeaient. C'était très poétique et tu esquissais un sourire, définitivement séduite par le concept de l'Oblivion Bar. John jouait soudain carte sur tables, changeant son fusil d'épaule en cours de partie. Il t'avouait te poser toutes ces questions, avoir accepté ton jeu, uniquement pour protéger cet endroit. C'était parfaitement compréhensible et légitime, tu aurais fais la même chose à sa place. Et alors qu'il avait déjà posé sa question, il t'en reposais une autre. Le jeu était donc fini. Très bien... La serveuse t'apportait ton verre et tu prenais une gorgée de gin tonic avant de répondre. Tu aimais vraiment bien ça. « Si je comprends bien... le jeu est fini... Vous déclarez forfait John Constantine. J'accepte. Et parce que tu as joué la franchise avec moi, je vais jouer la franchise avec toi. Disons que je suis fair-play. Tu remarqueras que rien ne m'y oblige. »

Tu faisais alors le tour de la table pour t'asseoir sur le tabouret juste à côté de lui. Tu n'avais pas envie que tout le monde écoute votre conversation. Tu avais bien compris désormais que malgré leur nonchalance et leur désintérêt apparents, certains te surveillaient déjà de prêt. « Ce qui m'a amené ici? Honnêtement, je n'en sais rien du tout. J'ai voulu ouvrir un simple portail pour m'évader et échapper à une connaissance que je ne voulais pas voir quand j'ai été littéralement happée par ce lieu. Je n'en connaissais ni le nom, ni l'existence. Je crois bien que l'Oblivion voulait que je vienne ici. Lui a compris que je n'étais pas une menace. Car s'il y beaucoup de choses que j'ignore encore, celle-ci j'en ai la certitude, tu peux me croire, je ne suis pas une menace. Au contraire. Je suis une alliée. » Terminais-tu en plongeant ton regard dans le sien. Tu réfléchissais alors un instant... Tu ne savais pas pourquoi mais tu avais envie de faire confiance à ce type. Tu sentais que tu pouvais peut être te confier à lui, qu'il pourrait peut être t'aider dans ta quête sur Midgard. Mais tu n'avais pas encore de certitude... Tu pensais alors à Zatanna, à ce qu'elle t'avait dit. Le monde de la magie était ouvert à tous sur Midgard, cependant il s'agissait d'un club restreint et fermé où tout le monde connaissait tout le monde. Zee devait donc forcément connaître John, ne serait-ce que de réputation. Il fallait que tu la vois, que tu discutes avec elle. Peut être qu'elle pourrait te dire si oui ou non John était digne de confiance... Et là alors tu serais prête à coopérer pleinement avec lui, à répondre à toutes ces questions. « Tu te targues de connaître tout le monde John Constantine? Alors tu dois connaître Zatanna Zatara n'est-ce pas? » Demandais-tu pour tâter un peu le terrain en amont.

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Le jeu était fini – s’il avait seulement commencé un jour. Quand on avait des motifs ultérieurs en tête, comme lever le voile sur un mystère, pouvait-on vraiment parler de jeu ? Ou tout devenait-il un jeu, sitôt qu’on pipait les cartes ou qu’on dissimulait volontairement un pan de la vérité ? Vaines considérations auxquelles John aimait pourtant s’adonner quand, le plus souvent sous l’emprise de l’alcool, il laissait son esprit dériver et effleurer du bout des doigts les pans décidément bien fragiles de la réalité, à pousser juste un petit peu pour en tester la résistance. Quelle différence y avait-il, vraiment, entre le jeu et le sérieux, pour les gens comme eux. Les jambes tendues devant lui dans une pose parfaitement désinvolte, John tira une bouffée de nicotine de sa Silk Cut et souffla la fumée dans l’air, les yeux posés sur Rayna. Oui, ç’avait été amusant de jouer un moment, mais maintenant, il était l’heure de passer aux choses sérieuses. John était le premier à rejeter n’importe quelle responsabilité qu’on voulait bien tenter de lui fiche sur le dos, mais si l’Oblivion Bar était en péril, si ses occupants étaient en péril, alors il était en péril lui aussi ; avec Constantine, l’altruisme ou l’héroïsme n’étaient jamais que le voile d’un profond égoïsme et d’un sens aigu de la préservation de sa propre personne. Et alors que ces pensées lui traversaient la tête sans s’y arrêter bien longtemps, il put presque apercevoir le visage de Zee lui adresser un regard dubitatif. Elle, elle avait toujours cru qu’il était capable de penser aux autres. A leur petite communauté. Puis l’instant d’après, il faisait quelque chose pour la contredire, et elle cessait de croire en lui en l’abreuvant de tous les noms, et puis il faisait l’inverse, et le cycle était sans fin. Alec aussi tombait régulièrement dans le piège. John, lui, avait renoncé à essayer de se coller une étiquette préférant garder ses motivations pour lui, et les autres tirer leurs propres conclusions. Un peu de mystère n’avait jamais fait de mal à personne, pas vrai ?

Alors comme ça on n’était pas tellement dans l’irruption par erreur. Une lueur d’intérêt s’alluma dans le regard de John. Enfin, si, on en était toujours à l’irruption par erreur, mais il y avait tout un pan de l’histoire qui avait manqué, qu’elle avait délibérément omis, et honnêtement ? Il aurait sans doute fait la même chose à sa place – même si, par la force des choses, il devait maintenant adopter la position du type qui devait aborder ces cachotteries avec circonspection. Un poursuivant mystère, suffisamment coriace ou effrayant pour forcer une véritable homo magi 100% pur jus à se carapater en catastrophe et atterrir sans s’en rendre compte dans un bar mystique ? John Constantine n’était rien, sinon un pauvre type qui savait sentir l’embrouille à des kilomètres à la ronde. « Oh je te crois, chérie. Si le bar t’a invitée de lui-même, c’est pas toi qui m’inquiète. » commenta-t-il en exhalant à nouveau de la fumée, songeur. « C’est plutôt ce qui n’a pas réussi à t’y suivre. » Pour l’instant. Il ne chercha pas à se dérober à son regard, alors qu’elle le plantait dans le sien – il n’avait rien à cacher, lui. Mais elle, il sentait, confusément, qu’elle essayait de le sonder. Qu’elle le jaugeait. Qu’elle était curieuse et que peut-être elle hésitait – elle était donc sincère, dans tout ce qu’elle racontait ? John était enclin à croire que oui, mais l’expérience lui avait parfois prouvé qu’on n’était jamais à l’abri de quelques surprises, dans la vie. Comme, par exemple, quand elle laissa tomber le nom de Zee.

Comment quiconque, dans ce monde, pouvait se dire membre de leur communauté, connaître Zatanna, et ne jamais avoir entendu parler de l’Oblivion Bar tout à la fois ? Puis, John se raisonna, songea qu’elle avait peut-être aperçu son nom sur une publicité dans le métro quelque part, pour un de ses spectacles – ou peut-être y avait-il quelque chose d’autre là-dessous qu’il ne savait pas encore. Un sourire félin vint étirer ses lèvres, et il s’installa un peu plus confortablement sur sa chaise. « Bien sûr que je connais Zatanna. Tout le monde ici connaît Zatanna Zatara. The mistress of magic. Superstar chez les gens normaux là-dehors, superstar parmi les gens comme nous. Une naturelle, comme toi. Homo magi pure souche. » déclara-t-il, prudent de ne rien révéler qui ne soit de notoriété publique au sein des mystiques de ce monde – on ne savait jamais quelles oreilles pouvaient traîner, et Rayna, il ne savait toujours pas s’il pouvait se fier à elle. Alors, prudence. « La différence c’est qu’on remonte à loin, elle et moi. Très loin. Avant les paillettes et la scène et la célébrité. Bloody hell, ça ne nous rajeunit pas, tout ça. » ricana-t-il, laissant un bref instant son esprit glisser dans le doux écrin des souvenirs, avant de s’ébrouer et de croiser les bras sur son torse en relevant les yeux sur Rayna, curiosité piquée. « Mais tu m’en as trop dit, ou pas assez, chérie. De ce que je comprends, y a quelqu’un là-dehors qui a des comptes à régler avec toi, et cherche peut-être l’entrée de ce bar en ce moment-même – c’est qui, un ex vexé ? Tu peux me le dire, j’ai eu mon lot de ceux-là. » Mais ça, ce serait une histoire pour une autre fois. « Et quelle est exactement le lien entre une demoiselle aux yeux violets en cavale, un énigmatique poursuivant, et Zatanna ? » Dit comme ça, ça avait tout l’air du début d’un roman d’aventure. Mais en magie, les romans d’aventures avaient une tendance un peu marquée à tourner au drame.

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