Beauty and the Beast [Feat John Stewart]

“L'homme-individu est essentiellement famille, tribu, nation. Tandis que l'humanité, elle, n'a pas encore trouvé autour de soi d'autres Humanités pour se pencher sur elle et lui expliquer où elle va. ” Pierre Teilhard de Chardin

Brisant le silence presque religieux de la Tour de garde, l'alarme retentissait. Un son strident et répétitif qui ne laissait jamais rien présager de bon. Un membre de la ligue, quelque part, avait besoin d'aide. Il ou elle faisait appel à ses collègues et partenaires car il ou elle ne pouvait gérer la situation seul(e). Cette alarme n'était activée qu'en cas de grand danger et chaque justicier savait donc à quel point cela était important. Il ne négligeait jamais un appel à l'aide, qu'il vienne d'un civil ou d'un héros. D'ailleurs, cette alarme était reliée à chaque membre de la Justice League afin d'optimiser les chances que l'un d'entre eux puisse intervenir. Chaque justicier pouvait émettre ou recevoir un signal de détresse n'importe où, n'importe quand. La cohésion de groupe et la solidarité étaient primordiales entre les justiciers, il s'agissait du ciment qui leur permettait de rester unis pour le bien de l'humanité. Alors, malgré certains désaccords, certaines dissensions, chacun savait faire la part des choses et mettre de côté ses rancœurs ou ses doutes quand les autres en avaient besoin. Sur l'écran s'affichaient l'identité et la position exactes du justicier, mais aussi l'identité de la menace à maîtriser. Et celle qui s'affichait ce jour là annonçait du lourd. Une intervention compliquée qui allait nécessiter force et diplomatie.

Botswana, Afrique. Dans la chaleur et la poussière, des hommes couraient, non, ils fuyaient. Ils se retournaient, chacun leur tour, la respiration haletante, le teint blafard. Ils tiraient des coups de feu dans le vide comme si leurs vies en dépendaient. En fait, oui, leurs vies en dépendaient. Ils avaient littéralement la mort aux trousses. Un rugissement terrifiant se faisait alors entendre derrière eux. Ils tremblaient comme des feuilles et en tendant un peu plus l'oreille, on aurait presque pu les entendre gémir et pleurnicher comme des trouillards. Chacun d'entre eux, ils étaient quatre, affichait des blessures impressionnantes mais superficielles. Le sang avait déjà coulé. Leurs tenues et leurs armes ne laissaient aucun doute sur leur nature et la raison de leur présence ici. Des braconniers... Des assassins, des tueurs d'animaux qui se croyaient puissants et tout permis parce qu'ils se sentaient supérieurs face à leurs proies. Mais visiblement, ils étaient tombés sur un prédateur plus coriace qu'eux. Un prédateur qui allait tomber sur un os puisque Vixen était sur place, c'était elle qui avait lancé l'appel de détresse. Elle ne parvenait pas à contrôler et à maîtriser la bête qui pourchassait ces braconniers. Au fond d'elle, elle haïssait plus que tout ces humains qui tuer et massacrer sans vergogne. Elle avait presque envie de les laisser à leur triste sort mais elle avait prêté un serment. A Clark, à Diana, à Bruce, à la ligue. Elle avait juré de protéger et servir. Choisir qui avait le droit de vivre ou mourir ne faisait pas parti de ce serment. Parfois à son plus grand désarroi. Mais Mari s'y tenait car c'était bien cela qui lui permettait de préserver son humanité et de ne pas succomber à son instinct primitif.

Voilà pourquoi elle avait lancé cet appel de détresse. Seule, elle ne parviendrait jamais à sauver tous les braconniers. La bête qu'elle devait affronter était bien trop puissante et déterminée. Vixen courrait aussi vite qu'elle pouvait, espérant que l'un de ses coéquipiers répondrait rapidement à son appel. Les hommes, eux, commençaient à être à bout de souffle. Ils peinaient de plus en plus à distancer la bête qui semblait vouloir s'amuser avec eux et avec leurs nerfs, comme un chat s'amusant avec une souris. La nuit commençait à tomber, l'endroit était désert, rien ni personne dans cette vaste et magnifique savane du Bostwana pour les aider. Ils ne pouvaient compter que sur Vixen, figure emblématique des créatures qu'ils s'amusaient à traquer et à exterminer. Quelle ironie... Puis, soudain, la course de l'un des braconniers fut stoppée net. Dans un cri à glacer le sang, il avait été tiré en arrière. Ses collègues s'étaient arrêtés, laissant le silence de la savane reprendre ses droits. Espéraient-ils alors que la bête se soit rassasiée de leur ami pour leur laisser un peu de répit et une chance d'en réchapper? Très certainement, ces hommes étaient dénués de toute compassion et de tout honneur. Ils tendaient alors l'oreille, encore, encore, encore... jusqu'à entendre un nouveau hurlement. Leur collègue était projeté vers eux. Il tombait lourdement sur l'un d'entre eux, toujours vivant, mais bien amoché. Les deux autres, encore debout, prenaient alors à nouveau la fuite, sans même se soucier du sort de leurs amis. Ils n'avaient même pas pris la peine de leur tendre la main. Je vous avais dit, ni compassion, ni honneur. Les grognements se rapprochaient... leur mort avec. Vixen allait-elle réagir à temps? L'aide qu'elle désespérait d'avoir allait-elle tomber à pique?

Mais ce que je ne vous ai pas dit, c'est que l'appel à l'aide précisait justement que la menace était... Vixen.

“L'homme-individu est essentiellement famille, tribu, nation. Tandis que l'humanité, elle, n'a pas encore trouvé autour de soi d'autres Humanités pour se pencher sur elle et lui expliquer où elle va. ” Pierre Teilhard de Chardin

En arrivant sur les lieux du massacre, Mari s'était écroulée, littéralement écroulée, abasourdie par la douleur et l'immense tristesse qu'elle avait ressenti. Comment avaient-ils osé faire cela, comment des êtres humains, comme elle, pouvaient être capables de telles atrocités. Mari en avait eu le coeur brisé, déchiré, meurtri. Sa respiration s'était coupée, son coeur avait comme cessé de battre, les larmes l'avaient submergé et elle avait poussé un hurlement de douleur qui venait du plus profond de ses entrailles. Les villageois l'avaient appelé à l'aide, sachant pertinemment qu'ils pourraient compter sur leur déesse de la faune pour punir les coupables. Vixen n'aimait pas être considérée comme une déesse. Elle ne se considérait tellement pas comme cela. Au contraire, elle faisait tout ce qui était en son pouvoir pour garder la tête froide et ne jamais oublier qui elle était ni d'où elle venait. Mari ne se considérait pas comme un être supérieur mais tout simplement comme l'un des nombreux bras de la justice et du bien. Une chanceuse qui avait été choisi parmi les autres, rien de plus, rien de moins. Elle devait tout au totem, à Anansi, au Red. Sans eux, elle ne serait rien. Mais elle n'en voulait pas aux villageois de la voir ainsi, cela n'était pas méchant, au contraire... il lui montraient ainsi toute leur admiration et toute leur affection. Vixen en était très touchée, émue et même parfois gênée, mais elle n'hésitait jamais à les reprendre en leur demandant de cesser de l’appeler ainsi, Vixen, la déesse de la faune.

Si d'ordinaire elle trouvait cela plutôt amusant, émouvant et adorable... cette fois-ci, c'était tellement différent. Comment oser les regarder dans les yeux après cela. Eux qui avaient tant foi en elle. Eux qui l'avaient appelé à l'aide. La déesse de la faune... Une déesse en carton oui. Comment penser autrement face à ce tableau sanglant et dévastateur. Mari avait honte, elle s'en voulait énormément. Elle n'avait rien pu faire pour les protéger, elle n'était pas arrivée à temps pour les sauver. Elle n'avait eu que ses yeux pour pleurer. Tous les pouvoirs du monde ne les ramèneraient pas et cela transformait fatalement sa tristesse en haine. Le totem semblait se nourrir de cette haine et s'en servir pour asseoir sa domination sur Vixen. Le bijou ancestrale émergeait de sa chair tandis que ses yeux étaient parcouru d'une bref lueur rouge qu'elle n'avait jamais connu. Quelque chose s'était brisé cette nuit là et la volonté de Vixen n'était plus assez forte pour contenir son instinct animal. Elle l'avait senti. Voilà pourquoi elle avait envoyé, in extremis, ce message de détresse. Elle savait qu'elle allait perdre le contrôle et que si elle tombait sur les enfoirés qui avaient commis ce crime atroce, elle ne pourrait se contrôler. Voilà des mois que Mari se battait pour préserver son humanité, des mois qu'elle cherchait une solution à travers le monde, des mois qu'elle espérait échapper à ce destin qui l'effrayait plus que tout. Mais cette nuit, elle était à deux doigts de franchir la limite, le point de non retour. Elle avait besoin de sa famille, elle avait besoin de la Justice League.

Quelques secondes après avoir envoyé ce message, elle avait été submergée par la colère et le désir de vengeance. Un besoin primitif et viscérale de traquer les coupables, de les punir, de les faire souffrir. Des griffes acérées avaient alors remplacé ses ongles, des crocs aiguisés avaient remplacé ses canines. Ses yeux, couleur pourpre, ressemblaient à ceux d'un félin, prédateur redoutable. Elle poussait un rugissement bestiale et se lançait à la poursuite des braconniers. Très vite, elle avait remonté leur piste et dans un premier round, les avait molesté un par un. Elle jouait avec eux comme un animal pouvait jouer avec sa proie. Cruelle, sadique, sournoise. Elle voulait qu'ils souffrent autant que leurs victimes et plus encore. Rien ni personne ne semblait pouvoir l'arrêter. Ce n'était plus vraiment Mari et une partie d'elle semblait d'ailleurs prisonnière dans les tréfonds de son esprit. Comme une spectatrice clandestine qui devait assister à tout cela, impuissante, sans pouvoir agir. C'était horrible. Mari était en plein combat intérieur. Parfois, elle réussissait à reprendre le dessus, c'était d'ailleurs grâce à cela que les humains étaient encore en vie. Mais très vite, son instinct primitif reprenait les rennes et elle perdait à nouveau le contrôle. Ce qu'elle avait tant redouté était entrain d'arriver, elle était sur le point de perdre son humanité... Elle allait tuer ces hommes c'était certain. Et de cela, jamais elle ne pourrait se relever.

Imaginez donc son soulagement lorsqu'elle vit la silhouette imposante et rassurante de John Stewart. Elle ne portait pas le Green Lantern dans son coeur, elle savait qu'il s'était toujours méfié d'elle, mais pour le coup, elle était la plus heureuse au monde de le voir. Mais ça s'était pour la Mari prisonnière, vous savez, celle qui avait perdu les commandes. L'autre Mari, elle, ne voyait en John qu'un nouvel obstacle, un nouveau jouet pour s'amuser. Dans un nouveau rugissement bestiale, elle fonçait sur le justicier et tentait de lui lacérer le visage. Elle annonçait la couleur, malgré ce qu'il avait pu penser, dire ou croire, John Stewart n'était pas, n'était plus face à Vixen.

“L'homme-individu est essentiellement famille, tribu, nation. Tandis que l'humanité, elle, n'a pas encore trouvé autour de soi d'autres Humanités pour se pencher sur elle et lui expliquer où elle va. ” Pierre Teilhard de Chardin

Non, Vixen n'avait pas envie de faire de mal à John mais elle ne contrôlait plus rien. Elle essayait de se battre, de reprendre le dessus, d'empêcher que tout cela n'arrive mais c'était dur, très dur. Hors de question de lâcher pour autant, elle n'allait pas baisser les bras aussi facilement. Heureusement, John parvenait à éviter son attaque et s'en tirait avec une simple égratignure. S'il n'avait pas été aussi rapide, cela aurait pu être tellement pire. Mari sentait qu'elle était partie pour salement l'amocher, voir pire... Il avait donc eu le bon réflexe et elle ne lui en voudrait absolument pas s'il devait être amené à utiliser la manière forte pour la neutraliser. Elle préférait cela à un drame qu'elle ne pourrait jamais se pardonner. Le justicier la tenait désormais par le poignet et Mari se montrait étrangement docile. Elle ne relâchait pas sa force mais... si elle l'avait vraiment voulu, elle aurait pu se montrer beaucoup plus hostile. Était-ce un piège ou le retour aux manettes de la vraie Vixen? Même elle n'aurait pas su dire, elle commençait à se perdre dans la confusion. Les deux esprits, jusqu'à présent bien distincts, commençaient à fusionner. C'était exactement cette fusion qu'il fallait avant tout empêcher.

Les mots et la volonté du Green Lantern étaient comme des branches auxquelles Mari pouvait se raccrocher et croyez moi, elle se débattait comme une lionne pour y rester accrochée. La voix de John était comme un phare dans la nuit, une bouée de sauvetage salvatrice et Vixen lui en serait à jamais reconnaissante. Si elle s'en sortait cette nuit, elle saurait que c'est à lui et à lui seul qu'elle le devrait. C'était dans ces moments là que l'on pouvait admirer la solidarité à toute épreuve de la Justice League. Car malgré leurs divergences, malgré leur inimitié, John était là pour Mari et Mari essayait d'être là pour John. C'était aussi cette émotion forte, sincère et palpable qui maintenait Mari à la surface et l'empêchait de sombrer. Vixen ne parlait pas, elle ne répondait pas, mais son regard en disait long, elle était encore là. Tu ne devais rien lâcher John, continues, avait-elle envie de lui hurler sans pour autant qu'un seul son ne sorte de sa bouche.

John s'envolait alors subitement, Mari pensait qu'il avait bien fait car elle était tout à fait instable et pouvait d'une seconde à l'autre commettre le pire. Mais en même temps, elle se sentait prise de vertiges, le voir s'éloigner ainsi lui faisait peur. A cet instant précis elle avait tellement besoin de lui, de sa présence, de son soutien. Heureusement, ou pas, John revenait près d'elle. Il tentait une approche pacifiste, il allait tenter de la raisonner pour la ramener. Vixen espérait vraiment de tout son cœur qu'il y parvienne. Elle voulait que ce cauchemar se termine enfin. Sa voix, elle se raccrochait donc à sa voix et ça semblait marcher. Mari le laissait s'approcher sans attaquer et une fois qu'il fut à sa hauteur, elle parvenait à rétracter ses griffes avant d'approcher lentement sa main vers la joue ensanglantée de John. Elle ne touchait pas la plaie non, elle ne faisait qu'observer les dégâts qu'elle avait provoqué. Elle retirait donc sa main avant que celle-ci n'ait eu le temps de frôler la peau de John. Puis elle se jetait dans ses bras, elle le serrait aussi fort qu'elle le pouvait. Tout semblait rentrer dans l'ordre... quand soudain, Mari desserrait son étreinte, pour plonger son regard dans celui de John. Ses yeux étaient toujours emprunts d'une teinte pourpre qui commençait dangereusement à virer au rouge.

« On ne sera jamais des amis John. »

Elle léchait alors langoureusement la plaie de John, s'abreuvant du sang du Green Lantern au passage. Puis, elle l'envoyait violemment valser sur la droite, grâce à la force du gorille.

« Vulgaire insecte. Ce n'est pas toi qui m'intéresse. Reste hors de mon chemin si tu veux vivre. »

Mari esquissait un sourire et invoquait l'esprit de l'antilope pour rattraper les braconniers qui lui avaient malencontreusement échappé à cause de l'intervention de John. Ces sales types l’obnubilaient, elle ne lâcherait rien tant qu'ils ne seraient pas punis comme il le fallait.

“L'homme-individu est essentiellement famille, tribu, nation. Tandis que l'humanité, elle, n'a pas encore trouvé autour de soi d'autres Humanités pour se pencher sur elle et lui expliquer où elle va. ” Pierre Teilhard de Chardin

Le goût du sang humain... Mari ne l'oublierait jamais. Oh ce n'était pas la première fois que du sang frôlait ses papilles mais c'était la première fois qu'il s'agissait de celui d'un autre et ça, c'était une expérience totalement déroutante, voir malsaine. D'ordinaire, Vixen n'aurait jamais fait cela, ça ne lui ressemblait tellement pas. Mais elle comprendrait un jour pourquoi son instinct lui avait étrangement dicté de le faire. Ce n'était pas de la simple provocation ou une technique de déstabilisation parmi tant d'autres. Non, c'était bien plus subtile et complexe que cela. L'avenir lui démontrerait. Mais nous n'y étions pas encore. Revenons donc à cette nuit là, au Botswana. Mari s'en était prise encore une fois à John, décidant de l'épargner afin de se concentrer sur ses véritables cibles. Tuer pour tuer n'était pas le but de cette Vixen, elle n'était pas aussi primitive ou barbare que cela. Non... Elle, elle voulait tuer ceux qui mettaient en péril sa cause, ceux qui menaçaient ses protégés. Pour le reste, tant qu'ils ne représentaient pas un obstacle entre elle et son objectif, elle restait indifférente. Seule sa cause comptait et cette nuit là, rien ne semblait pouvoir l'en détourner. Ce qu'elle avait vu, la colère que cela avait provoqué en elle, rien ne pouvait l'apaiser.

Courant comme une véritable antilope sur les traces des braconniers, Vixen semblait survoler le sol. Elle était gracieuse, majestueuse, animale. Le vent s'engouffrait dans ses cheveux et la lune se reflétait sur sa magnifique peau métissée. Mari était considérée comme une déesse par de nombreux africains et il était vrai qu'à cet instant précis, elle avait le sentiment d'en être une. Un sentiment de puissance et d'orgueil qui lui faisait peur car il n'y avait rien de pire à ses yeux que de se prendre pour un Dieu, pour un être supérieur. Mais c'était un autre problème qui pointait le bout de son nez, un problème de taille... Vixen avait rattrapé les enfoirés qu'elle poursuivait, ce n'était plus qu'une question de secondes avant qu'elle ne les taille en pièces. John, où étais-tu? Ce n'était pas le moment de te faire désirer. Mari, la nouvelle Mari, esquissait un sourire emprunt de satisfaction et de cruauté, elle allait enfin atteindre son but quand soudain, une sphère se formait autour des humains. Le Green Lantern... ce satané Green Lantern. Il n'avait pas écouté son avertissement, la sanction serait donc sans appel, ni remord, ni regret.

Non, pas John! Avait envie de hurler la véritable Mari. Elle ne pouvait pas laisser faire cela, c'était valable pour les braconniers, mais ça l'était encore plus pour John. Malgré qu'il ne soit pas encore son ami, Mari voulait le protéger, il était un membre de la Justice League. Mais pour le moment, elle n'y parvenait pas. Quelle horreur, certainement le pire cauchemar de tous les justiciers, être impuissant face à un crime. Imaginez donc l'état de Mari, impuissante face à son propre crime... Vixen stoppait sa course, la rage se lisant aisément sur son visage. L'affront du Green Lantern était une véritable déclaration de guerre. John entamait un speech qu'elle n'avait absolument pas envie d'écouter, mais elle se retournait tout de même vers lui. Il lui sortait le blabla habituel des justiciers. Même si ces grands méchants ont fait quelque chose de très très mal, tu ne dois pas les tuer, bla... bla... bla. Cela exaspérait Mari! Quand est-ce que la ligue allait enfin déballer le matos et agir?! Mettre un méchant derrière les barreau? Il en sortira dix par la grande porte. La justice n'était plus ce qu'elle était. Il n'existait plus de vraies punitions, de vrais moyens de dissuasion. Il était temps pour tous ces enfoirés de comprendre qu'ils ne pouvaient pas agir en toute impunité. Et si c'était à Mari que revenait ce rôle, alors elle l'acceptait avec honneur et dignité.

La justicière était déchirée en deux. Déchirée entre son instinct primitif, qui voulait assouvir sa vengeance et appliquer sa justice, et son humanité, qui voulait se battre pour ne pas sombrer et disparaitre. Le combat était difficile et déséquilibré car les deux Mari étaient très affectées par ce qu'elles avaient vu. Aucune d'elles ne pouvaient surmonter cette tristesse, cette souffrance et cette rage. Prenant une profonde inspiration, Vixen invoquait l'esprit de l'aigle et s'envolait, avec une fluidité et une rapidité impressionnante, vers John. Sans se montrer hostile ou violente, elle attrapait l'homme au passage par la taille et l'entrainait à toute vitesse avec elle à quelques kilomètres de là. Arrivée à destination, Mari se posait sur le sol avec John. En invoquant l'esprit du rhinocéros, elle forçait l'homme à s'agenouiller sur le sol. Elle serrait alors ses mains sur les joues du Green Lantern pour le forcer à regarder le tableau affligeant qui se dressait sous leurs yeux.

« Regarde... Regarde ce qu'ils ont fait! »

La colère grandissait à chaque mot et Mari haussait le ton. Devant eux, éclairé par les reflets de la lune, un troupeau d'éléphants, tous massacrés. Les mâles, les femelles, les petits... Tous baignaient dans des marres de sang, lâchement assassinés, mutilés, les défenses arrachées. Mari pouvait encore entendre leurs plaintes, leurs cris de douleur. Elle pouvait encore sentir leur peur, leur chagrin. Dieu que ça faisait mal, ça lui brisait le cœur, ça lui déchirait les entrailles.

« Ose me dire qu'ils ne méritaient pas ce que je leur ai infligé! Ce sont eux les monstres, tu te trompes de cible Green Lantern! Qui va les protéger eux?! »

Avait-elle demandé en parlant des éléphants, mais aussi des animaux en général. La voix de Vixen tremblait sur ces derniers mots. Les larmes envahissaient son visage. Elle était profondément meurtrie par ce massacre et sa douleur n'avait aucune comparaison. Elle s'effondrait elle aussi à genoux derrière John. Elle se blottissait contre le dos du justicier dans un râle de douleur.

« Pourquoi John? Pourquoi s'en prennent-il à eux? »

Murmurait-elle.

« C'est trop difficile... emmène moi loin d'ici... »

Avait-elle ajouté dans un souffle presque inaudible. Mari, la vraie Mari... Dans toute cette douleur, dans toute cette vulnérabilité, elle était parvenue à se frayer un chemin, à s'engouffrer dans une brèche. Elle suppliait John de l'emmener loin d'ici, loin de la cause de sa souffrance et de sa colère.

“L'homme-individu est essentiellement famille, tribu, nation. Tandis que l'humanité, elle, n'a pas encore trouvé autour de soi d'autres Humanités pour se pencher sur elle et lui expliquer où elle va. ” Pierre Teilhard de Chardin

Blottie contre John, Mari avait pu ressentir la profonde et sincère tristesse de l'homme. Elle avait été étonnée de voir à quel point il pouvait être aussi sensible et humain. Elle s'était vraiment trompée sur lui toutes ces années et elle ouvrait enfin les yeux sur le Green Lantern. Finalement, quelque chose de bien finirait peut être par ressortir de cette nuit cauchemardesque. Mari voulait s'accrocher à cette idée et lorsqu'elle sentit son autre elle baisser la garde, face à la tristesse qu'engendrait ce tableau macabre, elle n'avait pas hésité une seule seconde. Elle s'était immédiatement engouffrée dans la brèche et avait réussi à reprendre le contrôle. Elle avait alors murmuré à John de l'emmener loin d'ici car elle savait que cela l'aiderait à tenir l'ascendant. Plus elle s'éloignerait de la source de sa colère, plus elle s'éloignerait de ses cibles, plus elle aurait de chance de contenir son instinct animal. L'éloignement n'apaiserait pas sa haine ou son chagrin, mais au moins, ça lui permettrait de ne pas l'attiser d'avantage. John devait absolument l'extirper d'ici et lui permettre de se défouler ailleurs. Mari devait extérioriser ses démons, elle devait tout lâcher, comme avec une soupape de décompression.

John s'était alors retourné et avait pris Mari dans ses bras. La jeune femme s'y était blottie de toutes ses forces pour ne pas perdre le lien salvateur qui la reliait désormais à John. Il était son phare dans la nuit, sa bouffée d'oxygène dans les méandres de sa noirceur. Si elle lâchait John à cet instant précis, elle serait perdue. Mari le savait et c'était pour cela qu'elle l'avait étreint de la sorte. Le Green Lantern semblait avoir écouté ses supplications et s'envolait avec Vixen loin d'ici. La justicière fermait les yeux, luttant pour ne pas succomber de nouveau à son autre, elle retenait ses pulsions et ses désirs pour ne pas flancher encore une fois. C'était difficile, mais grâce à John, elle trouvait la force de combattre. Une fois posés au sol, Vixen restait accrochée à John, comme si elle ne voulait plus jamais le lâcher. Puis, lorsqu'elle entendit à nouveau sa voix, elle comprit qu'elle était enfin en sécurité, elle n'était plus une menace. Mari était parvenue à reprendre entièrement le contrôle. Elle relâchait donc son étreinte et écoutait attentivement le Green Lantern, tout en restant dans ses bras protecteurs et rassurants. Elle était tellement d'accord avec tout ce qu'il pouvait lui dire. En temps normal, jamais elle n'aurait essayé de rendre elle même la justice, surtout d'une façon aussi violente et cruelle. Mais l'espace de quelques heures, elle n'avait pas plus été en temps normal. Ce n'était que quelques heures, mais avant ça n'avait été que quelques minutes, et encore avant, quelques secondes... Mari redoutait donc la prochaine étape.

Délicatement, elle relevait la tête vers John avant de s'écarter légèrement de lui. Elle gardait ses mains contre son torse, comme si cela la protégeait d'elle même et du monstre qu'elle pouvait redevenir à chaque instant.

« Je n'en suis pas si sûre John. Cette fois-ci tu es arrivé à temps mais que se passera t-il quand tu ne seras pas là? Je te remercie de m'avoir empêché de commettre le pire, sans toi... je n'ai même pas envie d'imaginer ce qu'il serait arrivé sans toi. Mais tu ne pourras pas toujours être là, aucun d'entre vous ne pourra toujours être là. J'ai peur John, j'ai peur de ce que je peux devenir. Qu'est-ce que je dois faire? »

Mari lançait un regard empli de détresse et d'angoisse à John. Elle avait besoin de lui. Elle était un petit animal craintif et blessé dans les bras du Green Lantern. Jamais il n'avait été donné au justicier de la voir ainsi, aussi fragile, vulnérable et sincère. C'était la première fois que les deux héros de la ligue partageaient un moment aussi intime et pourtant, cela paraissait étrangement naturel aux yeux de Vixen. Elle se rendait compte qu'elle était peut être passée à côté d'une belle et puissante amitié durant toutes ces années...