Pendant plusieurs heures après l'explosion, mes oreilles ont sifflé. Le bruit du vaisseau qui s'écrase, puis le bruit de l'explosion. Et le souffle. J'étais toujours à Coast city quand le missile a explosé. Heureusement, je n'étais plus à côté de la ville, mais avec des survivants en train d'être évacuée. Pour autant, rien ne m'a échappé. Et l'onde de choc qui a balayé les alentours n'a fait que confirmer la réalité de ce qui se déroulait sous nos yeux. Et après ça, il n'y a plus eu que ce bourdonnement sinistre. Et le vide des vies perdues.
Combien de temps sommes-nous restés les autres agents et moi ? Je ne saurais le dire. Nous avons fait notre possible pour aider à trier les victimes et à les évacuer, pour apporter le plus de matériel et de vivres possible jusqu'à ce que les forces nous manquent et que nous soyons rappelés. Est-ce une partie de nos missions ? Probablement pas. Mais dans le fond, qui s'en souci ? Pas de métahumain, pas d'enquête, pas de découverte à faire. La simple volonté d'aider les victimes. Il n'y avait que ça qui comptait.

De retour à la fourmilière, nous avons eu le droit à un examen médical complet, et à des soins de nos diverses blessures. Matériel high tech et génies en tout genre, le bourdonnement n'a pas disparu, mais au fil des heures et grâce aux soins, il s'est atténué. Et les conseils sont restés : se reposer, ne pas s'exposer aux bruits trop violents. Cela m'a donc empêchée de retourner à Coast city. Pour autant, je ne suis pas rentrée tout de suite. Je suis restée pour aider les autres agents restés sur le terrain.
La raison l'a emportée sur la volonté, après plusieurs jours de travail acharné et quelques réprimandes bien senties de la part de mes collègues, et une validation des responsables, je suis rentrée chez moi. Arrivée tout droit dans la sécurité relative de mon appartement, j'ai eu le loisir de prendre une longue douche. Puis, j'ai enfilé des vêtements propres, confortables et j'ai finalement, récupéré quelques affaires supplémentaires pour quitter mon appartement afin d'aller vers celui de Luka, déjà rentré chez lui, après vérification.

Je frappe à la porte de son appartement une poignée de secondes après avoir passé la porte d'entrée de l'immeuble. Lorsqu'elle s'ouvre, c'est avec grand plaisir que je le vois. D'une certaine façon, je suis soulagée. Même s'il avait répondu à mes messages ces derniers jours, le fait de le voir de mes yeux est vraiment rassurant. « Bonsoir ». Je souris, de façon moins franche que je ne l'aurais voulu et je m'approche de lui pour l'embrasser et l'étreindre. Surtout l'étreindre. Cela ne fait que quelques semaines, mais j'ai l'impression que cela fait une éternité. Et même si je suis rentrée de temps à autre, nos temps ont été pris à tenter d'aider le plus de gens possibles. De mon côté, autour des dômes et principalement à Coast city. « Comment vas-tu ? ». D'apparence, de mon côté, je suis bien plus présentable qu'à mon retour de Morrow Bay lors de l'invasion des trenchers et de l'attentat du déluge. À peine quelques restes d'égratignures, bien soignées par les médicaments de la fourmilière, et quelques restes légèrement violacées d'hématomes, çà et là sur mon corps, pour le moment caché sous mes vêtements. En dehors de mes oreilles, auxquelles je dois faire attention, physiquement, je vais bien mieux que je ne l'aurais pensé. Et j'espère qu'il en va de même pour lui, que j'inspecte visuellement, avec attention et soin.

Après un moment, je relève mon regard sur lui et je dis : « Ils m'ont renvoyée chez moi pour du repos... ». Je fais la moue en grommelant : « Bon sang, mais qui peut bien se reposer en ce moment ? ». Je soupire un peu agacée et d'instinct, je commence à faire les cent pas, continuant à râler avant de m'arrêter et de dire pour moi-même : « Je devrais envoyer un message à Hal », puis de réagir en me tournant vers lui pour lui demander : « Est-ce que tu sais si Carol Ferris va bien ? ». Et là, en le regardant, je me rends compte que j'ai peut-être quand même besoin de repos. Je me passe une main derrière la nuque en disant : « Désolée ». Je souris penaude et demande : « Je peux rester ici ? Enfin... J'habite à deux pas mais... Enfin pendant quelques jours... ». Je n'ai pas très envie de rentrer chez moi. Je n'ai jamais rien eu contre la solitude, mais là, je crois que j'ai juste envie d'être avec lui.