I looked up at the sky and saw the sun ⚔ Diana & Jason

Koriand'r n'était pas faible. Elle n'était pas plus une faible qu'une fragile, et n'avait rien non plus d'une mauviette ou d'une petite nature. Si tant était qu'elle comprenne réellement bien toutes les nuances que les humains mettaient derrière ces termes, bien qu'elle était quasiment persuadée qu'elle ne passait pas à côté de la dose de moquerie, d'insulte et de critique que tout ceci décelait. Alors elle espérait fortement n'être rien de tout cela. Elle espérait qu'elle apparaissait bien telle qu'elle voulait apparaître, et que malgré le temps, les épreuves et le fait que chaque jour de sa vie ici se différenciait de tous les précédents, elle n'avait rien perdu de cette capacité à aller de l'avant, et à garder pour elle ce dont elle ne voulait parler, toute cette dose d'indicibles, aussi. Une volonté personnelle, pas par pudeur, mais parce qu'elle avait bien conscience qu'on ne comprenait jamais mieux quelque chose qu'après l'avoir soi-même expérimenté. Mais une nécessité vitale, aussi, pour ne pas s'écrouler, pour ne pas s'effondrer, pour ne pas les laisser gagner, Eux. Eux qu'elle continuait d'exécrer, encore aujourd'hui, de toute son âme. Eux qui, bien malgré elle, continuaient d'être capables de lui faire hérisser le poil, de la mettre dans tous ses états, de lui faire venir aux lèvres le goût de la bile amère et du sang métallique, au point de parfois avoir l'impression de s'y étouffer dessus. Eux, qui, bien que distants d'elle par des milliers d'années lumières, au moins, restaient en mesure de lui laisser l'impression d'être toujours un peu cette jeune enfant arrachée à ses précepteurs guerriers, sur Okaara, d'être toujours cette jeune adolescente dont on avait bafoué la vertu, le corps, l'innocence, et jusqu'au moindre petit atome de la génétique et de l'ADN. C'était Eux qui étaient venus l'assaillir, depuis des semaines maintenant. Eux qui avaient hantés ses jours et ses nuits, sans qu'elle ne se laisse aller à en laisser paraître quoi que ce soit. Eux qui lui avaient fait serrer les dents si fort qu'elle en avait attrapé des contractures. Eux qui avaient fait tambouriner son cœur à tout rompre, encore et encore. Eux qui l'avaient laissée, à chaque fois, avec la déshonorante et déshonorable sensation d'être nimbée de honte et de couardise, de terreur et de souffre. C'étaient Eux qu'elle avait vu transparaître à travers Brainiac. Eux qu'elle avait en quelque sorte choisi de fuir en ne prenant pas part aux combats, et en décidant de rester à Star City pour prendre soin de sa population et de tous ces exilés, délogés de chez eux par des forces belliqueuses venues d'ailleurs. Elle s'était de nouveau crue au bord de la mort, encore et encore, pendant tant de jours, subissant presque de nouveau tout ce qu'elle avait dû endurer, et se sentant étouffée sous le poids des souvenirs et des traumatismes. Mais elle n'avait pas pu flancher, car les Titans avaient eu besoin d'elle, et parce que Mar'i ne devait jamais avoir à s'inquiéter pour elle. Loin d'elle toute notion d'un orgueil démesuré typiquement humain, mais plutôt le sacrifice de sa propre psyché pour les protéger, eux tous : cela avait été sa mission de Leader auprès de certains, d'héroïne auprès d'autres, et de maman auprès de sa fille.

Mais la jeune femme comprenait que tout ne pouvait demeurer éternellement comme ça. Car chaque jour lui semblait plus périlleux que le précédent, en quelque sorte, et parce qu'elle avait vu, comme tout le monde, les ravages que Brainiac, certes défait, avait tout de même laissé derrière lui. Elle n'en pouvait plus de se sentir honteuse, pétrie de remords de ne pas avoir mieux participer à l'effort collectif, et épuisée de devoir maintenir bien haut les apparences. Par X'hal, elle avait même regarder des centaines de vidéos sur internet et à la télévision pour apprendre à mentir, elle qui en était incapable jusque là, mais qui en avait ressenti la réelle nécessité pou la première fois de sa vie. De là à dire qu'elle était très douée dans ce domaine ... Disons que cela lui prendrait encore sans doute un peu de temps, surtout parce qu'elle n'y prenait aucun plaisir, et que tout fonctionnait toujours tellement mieux pour elle lorsqu'elle prenait du plaisir ... Elle avait besoin de parler, d'extérioriser, de se décharger un peu de tout ce fardeau, aussi. C'était sans doute égoïste, mais c'était aussi nécessaire, pour ne pas mettre qui que ce soit en danger. Le trop plein d'émotions ne réussissait pas aux Tamaraneans, et encore moins à elle : elle se souvenait de ce qu'il était advenu de la pauvre Barbara, et de tant d'autres innocents, dans cette réalité parallèle, la même dont était issue Mar'i, lorsqu'elle s'était laissée submergée, plus proche que jamais d'une supernova. Alors, quand Mar'i avait demandé si elle avait le droit d'aller montrer son nouveau collier, cadeau de Zatanna, à Ophelia, Kory avait sauté sur l'occasion. Jason et Diana étaient des amis proches en qui elle avait confiance, et tous deux, à leur façon, pouvaient très probablement représentés un soutien et des conseils de poids, dans ses perturbations actuelles. Et puis elle savait que Mar'i avait aussi besoin de prendre du plaisir, de voir un sourire contenant presque autant de dents de lait que le sien, et de parler à quelqu'un qui ne feignait pas de tout comprendre à son vocabulaire d'enfant. Koriand'r ignorait si Diana et Jason étaient dupes, s'ils pensaient que rien d'autre ne se passerait qu'un goûter, ou s'ils avaient saisi un petit quelque chose, dans le ton de sa voix, qui aurait tendu à leur mettre la puce à l'oreille. Quoi qu'il en était, voilà qu'avec Mar'i, elle se tenait devant la porte des deux jeunes parents, alors qu'elle écoutait attentivement tout ce qui passait par la tête de Mar'i, qui verbalisait si facilement tout. « Je vais bien leur dire que tu m'as aidée Maman. Et que tu as sucrpumelsent bien suivi la liste des courses qu'Alfred nous avait écrite. » La jeune femme arqua un petit sourire, tout en frappant à la porte, observant du coin de l’œil sa fille tenir bien fort contre elle le panier d'osier qui contenait tous les muffins, les cookies et autres petites pâtisseries que Mar'i avait tenu à préparer. En se fiant "sucrpumelsent", comme elle disait, aux recettes de cuisine et aux cours qu'Alfred Pennyworth d'Angleterre lui avait fournis. « C'est adorable Mar'i, mais je ne crois pas que le fait de savoir que je t'ai aidée les rassurera beaucoup ! » Le regard vert brillant de sa fille la fusilla alors presque sur place. « Non Maman, c'est important ! Tout le monde dit que tu ne sais pas faire la cuisine, mais c'est pas vrai. Tu mets juste le feu en oubliant d'éteindre le four ou la plaque de cuisson, c'est tout ! ... Je montrerais mon collier après, et comme ça je pourrais l'enlever et leur montrer que j'ai bien grandi. Mais je dirais bien à Ophelia que je pourrais lui en demander un à Zatanna si elle veut, même s'il ne pourra pas être exactement comme le mien. Dis, quand je me marierais avec Ophelia, si on a des bébés, ils seront comment ? Parce que sa maman est de ... » Kory observa sa fille froncer les sourcils et plisser le nez, signe de sa concentration extrême. « The-my-sci-ra » Pause et grand sourire fier de n'avoir rien écorcher. « Du coup elle est comme moi, elle est à moitié humaine seulement, mais on n'a pas la même autre moitié, alors ça fera quoi ? Moitié humains, moitié amazones, moitié tamaraneans ? Et mes futurs enfants avec Kal-El ? Hmm ? » Mar'i avait déjà de nombreux plans, et Ophelia ainsi que Kal-El n'étaient pas les deux seules personnes figurant sur la liste de toutes les personnes qu'elle épouserait, là où, digne fille de sa mère, la fillette ne cessait de sauter d'un sujet à l'autre, ce qui tira un nouveau sourire à Kory. Mais tout ceci attendrait, car on leur ouvrait la porte.

Vivre avec Mar’i représentait sans doute un grand challenge au quotidien. Pas parce qu’elle était à moitié tamaraneanne, mais parce qu’être mère n’était pas facile, surtout quand on le devenait brusquement, sans avoir vu sa propre mère depuis presque 20 ans. Et parce que les temps actuels étaient plus que compliqués. Avant de venir à Gotham, Mar’i avait tenu à bien tout vérifier, de sa tenue à celle de sa mère, lorsqu’elles étaient parties pour Gotham, insistant pour que tout soit parfait. Parce que Diana, qui venait de leur ouvrir la porte, mais aussi Jason et Ophelia, ils comptaient pour elle. Intensément. Enormément. Elles n’avaient jamais parlé de ça, Kory n’avait jamais mis les mots sur ces choses-là, mais Mar’i avait tout compris. Seule. Comme une grande. Ce qui serait le cœur de la jolie rousse d’une fierté non retenue, et ce qui l’apaisait quelque peu : sa fille saurait s’en sortir s’il lui arrivait malheur, et elle savait déjà qu’elle avait de la famille sur qui compter. Et voilà que Mar’i prenait le temps d’admirer Diana, couvant sur elle de grands yeux presque amoureux, avant de pénétrer à l’intérieur, et de lui offrir un sourire des plus heureux, et auquel il manquait l’une des incisives du bas. « Bonjour Tante Diana ! Toi aussi tu es charmante ! Oui, j’ai grandis, et j’ai même perdu une dent, même que des fois, quand je parle, ma langue se coince dans le trou. Je deviens une vraie grande. » Bombant un peu le torse, elle finit par enlacer Diana en passant ses petits bras autour de sa taille, avant d’apercevoir Ophelia. Et, désolée pour Diana, mais sa fille avait soudainement l’avantage implacable des attentions de Mar’i ! Plissant quelque peu les yeux face au cri de joie strident que leur offrit sa fille, qui abandonna son panier de pâtisserie sur la surface la plus proche pour foncer en direction d’Ophelia, Kory put enfin entrer et saluer à son tour leur hôtesse, en lui déposant un baiser sur la joue. « Bonjour Diana … » Lui offrant elle aussi un sourire franc et sincère, mais absolument pas édenté pour le coup, tout en écoutant les informations que lui délivrait la jolie brune. « Oh, je vois … A la Tour, c’est surtout Garfield et Bart qui ont du mal à résister à Mar’i. En tout cas, si jamais, moi, je n’ai rien contre le fait que Jason décroche la Lune, si ça peut nous permettre, à nous autres Tamaraneannes, de profiter du Soleil en illimité ! » Haussant les épaules en tentant un petit sourire amusé, Kory tenta donc un trait d’humour qui pourrait tout aussi bien passer pour une nouvelle incompréhension de sa part concernant le vocabulaire terrien.

Observant les filles se montrer mutuellement leurs bijoux, elle ne put que constater que toutes deux étaient déjà dans un monde un peu à part, hermétiques à tout ce qui pouvait visiblement se passer et se dire autour d’elles. Et c’était mieux ainsi, car Mar’i n’était plus aussi dupe et innocente qu’avant. Comprenant parfaitement la gravité de la réalité sous-entendue par Diana, Kory ne put que quelque peu perdre son sourire, là où la lueur s’éteignit presque dans ses yeux. « Ce fut … rude. Pour bien trop de raisons. » Soupirant à son tour, elle replaça derrière son oreille l’une de ses mèches de cheveux, avant de détourner le regard un instant vers sa fille, comme pour constater une fois de plus que, oui, Mar’i allait bien. « Cela a été plus important que tout, pour moi, qu’elle aille bien, et … » Et elle s’interrompt, car la porte d’entrée se rouvre et que Jason fait son entrée, là où tous les regards et toute l’attention se braquent sans doute sur lui. Quel homme chanceux ! Même si, un instant, Kory fut bien satisfaite de ne pas être celle dans les bras de qui fonça Mar’i, sans chercher à mesurer sa force, ses yeux flamboyant d’ailleurs de cette lueur verte si particulière, signe d’un bonheur extrême non contenu. « J’espère bien ! Je veux être grande comme Maman quand elle a pas son collier, plus de 3 mètres de haut ! Ou 2, je sais plus trop. En tout cas, je continue de bien manger mes légumes moi, comme Alfred m’a dit que ça donnait des os solides, de belles dents, des cheveux brillants et tout et tout ! T’as vu, j’ai perdu une dent, en bas. » Kory ne put retenir un petit éclat de rire face à l’habituel débit de paroles de sa fille, avant de la voir se recoiffer discrètement, une fois reposée au sol, alors que Jason venait de lui ébouriffer les cheveux. Et les voilà déjà reparties à leurs grandes histoires, Ophelia et elle … Laissant Jason, Diana et Kory à leurs histoires d’adultes à eux.

Koriand’r profita pleinement des bras de Jason, sans vraiment craindre le courroux de Diana, car toutes le couple d’époux devait suffisamment la connaître pour savoir qu’elle était ainsi, tactile, sans qu’il ne faille y voir à mal. Sans parler du fait qu’à part Mar’i ou Zatanna, niveau étreinte, dernière, pour Kory, c’était le calme plat. Se dirigeant finalement vers le canapé, elle s’y installa, non sans observer l’affection toujours aussi forte entre Diana et Jason. Sortant quelque peu des pensées qui pouvaient commencer à l’assaillir à ce sujet, elle prit un instant pour répondre à la question du beau brun. « Un grand café noir, sans sucre, ça m’ira très bien, merci. » Regardant les objets autour d’elle, ainsi que les meubles, elle hocha quelque peu la tête, satisfaite. « On se sent bien chez vous. On se sent en sécurité ... » Ses doigts s’accrochèrent quelque peu sur le rebord du canapé, alors qu’elle laissa ses mots avoir sans doute plus de portée que leur sens premier. « Mar’i fait très souvent tout un tas de dessins pour redécorer la Tour. Elle aime bien, aussi, coller des post-it un peu partout. En tout cas, cela fait plusieurs semaines que je n’ai pas mis le feu à la cuisine. » Mais Jason est déjà de retour, et finalement, feindre la légèreté ne convenait pas à Kory. En tout cas, pas là, pas en ce moment, pas avec Diana et Jason. « Ça me fait aussi très plaisir de vous voir. Et Mar’i est encore plus ravie. Elle a une « surprise » à vous montrer à tous les trois, en plus. Quant à savoir si ça va … » Oui, dans le fond, elle n’avait même pas répondu à Diana tout à l’heure, quand elle lui avait posé la question … « Je ne joue plus à être la maman de Mar’i. Je suis sa maman, pour de vrai. Et je ne peux plus imaginer ma vie sans elle. Ce qui … Ce qui complique les choses, un peu. … Beaucoup. … J’ai appris à mentir, pour elle. Pour la protéger. » Ceux qui, pour eux, voulaient sans doute dire beaucoup, et ce qui allait peut-être les inquiéter. Car, tous ceux qui la connaissaient le savaient : le mensonge était étranger à Koriand’r. Mais ça, c’était avant. « Brainiac a … » Sa gorge s’entrava quelque peu par l’émotion. . « Il a réveillé beaucoup de choses en moi. Il a … ravivé des … blessures. » Un terme minimisant bien trop la réalité des choses, là où les doigts de la jeune femme se crispèrent un peu plus, la pointe de ses cheveux crépitant quelque peu et son regard luisant du vert tamaranean. Un regard qui se posa un instant sur Diana, qui était sans doute la plus à même de comprendre de quelles « blessures » exactement elle parlait, puisqu’à son arrivée sur Terre, Koriand’r leur avait tout livré de la réalité de son passé, à elle, Bruce et Kal-El. « Je dois … protéger Mar’i. Et veiller sur les Titans. Même si j’ai parfois envie d’exploser et de tout exploser. Littéralement. Ce qui, étant celle que je suis, n’est pas un bon plan. N’est-ce pas ? » Son regard se posa cette fois sur Jason, qui, en termes de syndrome post-traumatique, pouvait tout comprendre de la complexité de ce qu’elle vivait.

« Que Zeus en soit remercié, alors, s'il est responsable de cet havre de protection et de sécurité. Surtout si cela peut me permettre de voir en ces lieux l'un des premiers endroits où envoyer Mar'i si sa vie était menacée ou s'il devait m'arriver quelque chose. » Il était aujourd'hui inimaginable pour elle de se séparer de sa fille, mais le cas échéant, elle n'hésiterait pas à franchir ce cap, pour peu que cela puisse sauver et protéger la petite. Et elle n'avait pas besoin de se sentir quelque peu cavalière de d'ores et déjà envisager Mar'i en ces lieux sans même demander la permission à Diana et Jason, connaissant suffisamment bien ses amis pour savoir que cela coulerait sans doute d'eau de source, ou un truc comme ça, pour eux. Quant aux sujets de la famille et du mensonge ... Voilà qui était quelque peu épineux pour elle, comme une magnifique rose qu'elle ne saurait trop dans quel sens manipuler pour ne pas se piquer les doigts et pour ne pas faire se flétrir les pétales. « J'ai fini par comprendre ça, mais ce n'est pas du tout instinctif ... Enfin, pour le mensonge, ça ne l'est pas du tout, parce que ça n'existe pas, sur Tamaran. Pas plus que les secrets. Je n'y ai goûté qu'abruptement, à l'âge de 11 ans, sans pouvoir rien y comprendre ni même mettre un nom dessus. Pour ça, j'ai dû attendre d'arriver jusqu'ici ... » Un instant, son petit nez se retrousse, comme si elle était contrariée, gestuelle censée représenter son désarroi tout autant que le fait qu'elle ne goûtait que peu l'existence de tels concepts, et ce même si elle savait qu'ils avaient, comme pour tout, un versant parfois positif et nécessaire, en certaines circonstances. Et en ce qui concernait la famille ... « Vous étiez ma seule famille, jusqu'à Mar'i. Du moins, la seule que je pouvais voir, toucher et embrasser. Et puis Mar'i est arrivée ... Elle ne vous a pas fait disparaître de ma vie ni de mon cœur, mais elle a tout chamboulé. Elle est de mon sang, malgré la particularité de sa situation, et ça ... Elle arrive après. Après tout ce que j'ai vécu et perdu. Jusqu'à elle, penser au mien revenait justement à être confrontée à tout ce qui s'est écroulé pour moi, à tout ce qu'on m'a arrachée. Alors c'est nouveau, je dois réapprendre. Et apprendre à pleinement me laisser aller à ce que je ressens la concernant. Apprendre à m'en donner le droit, en tant que sa mère. » Mais pas trop quand même, au risque de vouloir la protéger du monde entier et d'éliminer le premier qui voudrait toucher à ne serait-ce qu'un seul de ses cheveux. Sans sommation, sans avertissement, et sans demi-mesure. Avoir désormais une tasse de café dans les mains l'aidait à quelque peu se contrôler, histoire de ne pas risquer de la briser en la serrant trop fort, au risque d'en renverser tout le contenant par terre, et de briser l'objet en plein de petits éclats. Ce ne serait vraiment pas cool pour Diana et Jason, hôtes modèles et amis fidèles. Plongeant son regard dans celui de Diana, elle suivait tout à fait l'injonction d'écoute prononcée par cette dernière, sans se sentir enfant face à une adulte. Elle savait combien l'Amazone ne pouvait que comprendre ce que cela représentait que d'être confrontée à des capacités qui dépassaient toute commune mesure, et qui ne pouvaient pas exactement être jaugées et mesurées à l'échelle humaine. Diana était une Amazone, et elle, elle était une Tamaraneanne.

Un instant, Kory penche la tête, presque comme pour épouser ce geste de son amie envers elle, là, auprès d'une de ses mèches de cheveux. Un instinct, un réflexe, primaire et primal. Et elle esquisse un petit sourire, malgré tout. « Le cœur d'une Amazone ... Voilà une raison de plus de me montrer à la hauteur ... Nous sommes uniques en notre genre. Uniques et sans pareil. » Ce qui revêtait tout de même un petit côté tragique, du moins, dans son esprit. Car même Mar'i ne lui était pas semblable, malgré tout. Car elle restait quelque peu unique, solitaire Princesse d'un astre éloigné de trop nombreuses galaxies. Un astre qui, s'y explosait ... Tournant les yeux vers Jason, alors qu'il s'aventure à ce que la jeune femme analyse comme étant une douce plaisanterie, elle porte le café à sa bouche, pour en boire une longue lampée, non sans en sentir la chaleur couler le long de sa gorge, et non sans serrer son autre main dans celle de Diana. « Je ... Je n'ai jamais vraiment exploser, sur cette Terre, ou tout du moins, dans cette réalité. Même pas quand ... Deathstroke ... Enfin, vous savez. » Elle ne se rappelait, ou croyait se rappeler, de quelques bribes. Ou plutôt étaient-ce des sensations. Est-ce que, pour eux, c'était différent ? En tout cas, elle savait qu'elle n'avait pas explosé, même pas là, de ça, Bart le lui avait assuré. « Dans la réalité d'où vient Mar'i, par contre ... Il y a eu tout ce faisceau de raisons, et Dick qui s'est sacrifié pour moi, et ... Et ça a fait boom. Boom, comme une Supernova. » Et, boom, Barbara, parmi tant d'autres, en minuscules confetti ... « C'était si violent, et en même temps ... C'était comme si je sentais tous les atomes de mon corps. Comme si j'étais faîte pour ça, ce qui ... Ce qui n'est pas une sensation qui me rassure, justement ... Mais je sais que je suis en sécurité avec vous, je n'en ai jamais douté. Le truc, c'est juste que ... Parmi tout ce que Brainiac a réveillé en moi, il y a cette crainte terrible de ne pas savoir si vous êtes en sécurité avec moi, si jamais j'explose, ou même, juste parce que je suis moi ... » Rien que d'en parler lui faisait tambouriner le cœur jusque dans les oreilles. Si elle ne parvenait pas à se maîtriser, si elle prenait trop goût à ce qu'elle se savait désormais capable de faire, ou si, pire, on s'en prenait à eux pour l'atteindre elle ... Elle ne pouvait que comprendre Jason et approuver ses paroles. D'ailleurs, elle savait, tout comme pour Diana, qu'il n'utilisait pas là un discours banal, appris par cœur ou juste formulé pour lui faire plaisir, sans être franc et sincère. Là où il avait plus d'une simple longueur d'avance sur elle dans la gestion du passé traumatique, lui devenant bénéfique de par son expérience, ses conseils et sa vision des choses. Car il en avait fait du chemin, Jason, là où elle ne savait pas comment gérer le retour à la vie de ses vieux squelettes du placard, un peu comme dans ces mauvais films de mauvais zombies. Sauf que là, elle n'éclatait pas de rire sur le canapé devant des inepties. Elle était plutôt terrifiée, pour de vrai, sur le canapé. En tout cas, les questions de Jason lui allèrent droit au cœur, tout comme sa préoccupation sincère envers elle, son bien-être, son ressenti, ses terreurs. Alors elle pose sa tasse, et serre ses deux mains entre elles, pour les empêcher de trembler et pour se donner de la force. « J'ai eu peur de Brainiac. Peur de ... » Sa poigne se raffermit sur ses propres mains, avant qu'elle ne reprenne. « Brainiac est un collecteur de villes et de mondes. Alors j'ai eu peur d'être directement confrontée à Myrrynnian, Kathas ou, pire, Tamarus, sous cloches, entre ses mains. Et j'ai été terrorisée de ... Terrorisée de voir en lui ce que j'ai vu et lu dans le regard des Citadeliens, terrorisée de ... Terrorisée qu'il vienne faire à Mar'i ce que eux m'ont fait ... Ou qu'ils viennent de nouveau conditionner la survie d'une planète à mon asservissement. » Ses mains tremblent et tremblent.

Ses mains tremblent et tremblent, mais, encore une fois, elle doit poursuivre. « Je n'avais que 11 ans quand ils sont venus m'arracher à l'apprentissage des Seigneurs de Guerre d'Okaara. 11 ans quand, grâce à ma propre sœur, ils ont presque mis Tamaran à genoux avant d'exiger que je leur sois sacrifiée contre la sauvegarde et la liberté de mon peuple et de ma planète. Et pendant 6 ans, ils ... Ils m'ont ... J'étais ... J'étais leur propriété, leur chose, leur esclave, un objet qu'ils pouvaient vendre pour un an à des maîtres qui pouvaient alors m'utiliser et m'exploiter à loisirs, tant que cela n'entraînait pas ma mort. Les mots de la Terre comme ceux de Tamaran ne suffiraient pas pour expliquer à quel point ces 6 années furent horrifiques et terribles. » L'horreur, brute et brutale, à l'état pur. Prenant sa tête entre ses mains, elle laisse ses doigts griffer son cuir chevelure, comme pour y ancrer ses ongles à même la chair. Et puis, elle ferme les yeux, refusant de croiser le regard de ses amis, par peur panique. « J'essaie toujours d'y penser le moins souvent, mais la nuit, parfois, cela revient me hanter. Et depuis Brainiac, depuis le début de la menace qu'il a représenté, cela survenait même en journée, plus souvent que quelques fois seulement. Les tortures, les dégradations physiques et mentales, la perte de tant de morceaux de mon innocence ... La naissance et l'entretien d'envie de vengeance et de revanche ... J'ai appris ce qu'était la haine, pure, viscérale, sans bornes. Tout ça m'est revenu en pleine figure, tout en sachant qu'ils n'ont pas été punis, et que tout ça reste bien réel, parce que Tamaran reste sous la menace, et que si je m'avise d'y retourner ... » Elle a mal, Koriand'r, et pas qu'au crâne, à force de heurter ses chairs. Lâchant prise, tant physiquement que mentalement, elle cherche à reprendre son souffle, autant qu'elle le peut. « Alors face à Brainiac, j'ai fuis. Fuis mes responsabilités et ma nature profonde, prenant l'excuse de devoir protéger Star City pour ne pas avoir à aller directement au front. Parce que face à Brainiac, et à la menace qu'il représentait, je suis redevenue la Koriand'r de 11 ans, qui ne comprenait pas ce qu'elle avait fait de mal, et qui n'était plus qu'une petite chose dépossédée de sa liberté et de son innocence. A la différence prêt que cette Koriand'r là n'était pas encore passée entre les mains des Psions, et que celle d'aujourd'hui sait faire autre chose que de simplement voler. Et qu'elle est devenue Maman. Et qu'à la peur se sont ajoutées la rage et la fureur. Et la douleur de tout ce que j'ai enduré pendant 8 ans. » Elle ignore quand exactement des larmes ont commencé à couler sur son visage, mais elle les en chasse alors aussi vite qu'elle peut, pour se rendre alors compte que ses ongles s'en sont aussi pris à la paume de ses mains, mêlant alors quelque peu le sang aux larmes, sur ses joues.