Aussi Précieuse que le Soleil ☨ Dinah Lance

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Si l'espace est froid et vaste, il n'est pas tant dénué de vie que l'on pourrait croire. Au-delà des rotations patientes des planètes et de la vibration des anneaux de glace de Saturne et ses consœurs, les ceintures de roches et autres astéroïdes de toutes origines sont les principales résidantes des parcelles non-occupées de cet espace à la fois ténébreux et intensément brillant.

L'un de ces astéroïdes, dans sa course incertaine vers l'infinité de l'univers, menaçait de traverser l'atmosphère de la Terre et de dévier de sa trajectoire vers son centre. Ce n'était pas la première fois que le risque était présent et à l'insu des grands penseurs du monde, la chance n'avait pas été la seule raison de ces non-événements.

Le Premier Titan était venu à la rencontre de ce voyageur infatigable avant même qu'il n'éveil les capteurs terrestres, traversant cet océan de vide froid et dépourvu d'air comme d'émanations sonores, fatalement, afin de faire pression de ses mains contre cet autre Titan de roche. Il le faisait précautionneusement dévier vers une trajectoire sans risque pour son monde, mais également les prochains.

Superman n'était pas omnipotent ni omniscient, bien que l'on lui concède aisément un statut divin puisqu'il surpassait de fort loin les anciens dieux du monde terrestre, aussi ne pouvait-il pas avoir la certitude qu'à des milliards d'années lumières de là, si ce n'est des billions, l'astéroïde ne soit pas une menace pour un autre monde.

Tel est le sort qui est le sien depuis qu'il avait endossé cape et symbole, l'effort du moindre mal aussi souvent que la sûreté du bien commun, à défaut de pouvoir changer l'univers à sa guise. Il y avait un être aussi puissant, loin d'ici, qui depuis un monde magmatique convoitait cette possibilité. Darkseid était venu sur Terre pour vaincre le kryptonien, supprimer ce rival, comme il l'avait fait dans d'autres dimensions et à présent, il savait que l'équation d'anti-vie se trouvait là, dans l'ADN de l'humanité.

Une convoitise démente dont il avait été privé, bouté hors de la Terre car s'il avait enfin trouvé l'objet de son désir, il avait également trouvé la défaite ici même. Superman se souvient encore des mots de ce monstre, cherchant à semer le doute en lui et la soif d'un pouvoir illimité, mais le Dernier fils de Krypton n'avait pas cédé, il ne le pourrait jamais.

On dit que le pouvoir est un breuvage empoisonné, qui déshydrate et pousse alors à boire toujours plus. Heureusement pour Kal-El, il n'avait pas besoin de s'abreuver pour survivre. ll ne convoitait pas davantage de pouvoir, même si ses os continuaient de se solidifier avec le temps, ses bras devenant toujours plus forts, ses sens plus aiguisés et tous ses pouvoirs en proie à un accroissement continue dont il n'appréhendait pas encore les limites, si tant est qu'il en ai.

Il trouvait satiété dans la simplicité, non pas parce qu'il serait une sorte d'être parfait et d'une bonté hors de portée du commun des mortels, mais parce que des fermiers du fin fond du Kansas lui avaient offert le cadeau d'être conscient de ses privilèges de Titan, et la non-utilité d'en avoir toujours plus. A l'instar des richesses matérielles, l'envie capricieuse excessive ne menait qu'à l'autodestruction régulée, de la conscience, de l'esprit, des réelles satisfactions de la vie et parfois du corps. Un mal long et patient car sans volonté arbitraire, à l'image de ces roches galactiques capables de détruire sa Dame Bleue, sans pour autant éveiller les soupçons.

Il n'avait pas fondé de famille, aucun enfant à qui offrir un investissement sincère et désintéressé, mais à défaut il avait opté pour l'autre alternative : œuvrer pour les autres, ceux qui avaient besoin d'être protégés de tant de maux. Quand l'on a le privilège de vivre suffisamment bien, alors savoir agir pour les autres et faire au moins en partie sacrifice de soi s'avérait être la seule source d'accomplissement qui mérite d'être considérée.

Ce que l'on fait pour soi est éphémère lorsque ce n'est pas motivé par le besoin, mais ce que l'on fait pour les autres persiste à jamais. Ce n'était pas nécessairement la question d'être un héros ou non, mais simplement d'être utile pour le monde. Chacun à sa manière. Chacun à son échelle. Tous avec le même mérite.

Lévitant dans l'espace, Kal-El observait cet astéroïde dévié qu'il avait relâché poursuivre son prolixe voyage, les bras ramenés le long du corps, le visage d'une mélancolique sérénité, le torse immobile de toute respiration et les lèvres closes. Sans doute aurait-il inspiré, si cela lui était possible, mais ce n'était pas le cas dans cet environnement-ci.

Son œuvre accomplie, il tourna le dos à cette brève rencontre et porta ses vairons vers l'astre Soleil qui vint les illuminer de mille feux par la répercussion de son incomparable brillance. Il appréciait retrouver ce vieil ami et rester ainsi à le contempler pour échanger d'une volonté à l'autre. D'une âme revêtant un manteau d'os et de chair, tout défiant soit-il des lois de l'existence, à celle d'une force démentielle dont les rayons permettaient la vie dans ce système solaire et abreuvaient le kryptonien plus qu'aucun pouvoir ni aucune équation ne saurait le faire.

Il passa plusieurs heures au sein de l'espace dans sa contemplation comme sa réflexion, avant de reprendre la route de la Terre. Il avait une autre amie à voir, pas aussi ancienne mais au moins semblablement précieuse et dont la chevelure se faisait aussi lumineuse. Il traversa de part en part l'orbite puis l'atmosphère terrestre et l'air vint engouffrer ses poumons, agiter furieusement sa cape et balayer ses cheveux bruns tandis qu'il descendait en piquet à une vitesse qui désintégrerait à peu près tout ce qui existe.

Si ses pensées l'avaient mené à sa ferme natale, ce n'était pas là qu'il se rendait cette fois, mais à Star City, une cité parmi d'innombrables autres de cette planète cependant familière de limites, aussi grandes soient-elles. Il avait attendu la nuit terrestre une fois de plus, frôlant quelques gratte-ciels de la cité étincelante de nombre de lumières artificielles, jusqu'à trouver un bâtiment plus modeste en taille dont il longea en descente le centre de la façade, trouvant rapidement la fenêtre qui l'intéressait tout particulièrement.

Elle était présente. Ses yeux qui ne trouvaient de barrière que le plomb, avaient jeté un bref et pudique coup d'œil au travers des rideaux de soi rouges couvrant l'intérieur de la surface de verre. Il vint toquer avec mesure par trois fois de sa dextre, décidément familier du geste depuis son retour sur Terre et patienta dans sa posture en lévitation, loin au-dessus des regards des nombreux passants en ce soir d'automne, de même que des lumières qui éclairaient chaque parcelle de l'avenue.

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Aussi Précieuse que le Soleil

« Il n'y a pas besoin de rapports charnels ni d'ambiguïté pour aimer passionnément. »

L
'oiseau n'avait pas eu une journée franchement facile. Depuis le retour de ses protégés à la fondation qui avait été un vrai parcours du combattant à cause de toute la procédure politico-administrative manquant de lui faire s'arracher les cheveux plus d'une fois, elle était débordée de travail. Elle n'avait pourtant pas que Little Heart à penser, même si c'était sa principale occupation dès le matin de bonne heure, elle avait aussi à s'occuper de son père qui était replongé dans sa dépression et des litres d'alcool, au désarroi de Dinah.

C'était tout de même son rôle, de veiller sur lui comme il avait su veiller sur elle tant d'années, aussi ingrate qu'elle avait pu se montrer plus jeune, c'était à son tour de faire avec ses humeurs et de le ramasser à la petite cuillère. Il était son père, elle l'aimait, ça ne se discutait pas. Il lui restait peu de temps, très peu même, qu'elle consacrait à aider ses amis musiciens. Depuis la mort de Matt, leur batteur qui s'était trouvé à Coast City au moment de la catastrophe, le groupe avait été mis entre parenthèses, mais elle n'abandonnait pas ses camarades, ils avaient tous beaucoup souffert.

Et puis, maintenant que son plus proche ami avait décidé il y a plusieurs mois de partir vers l'espace, s'isolant de la Terre qui lui avait apporté bien trop de malheurs, s'accrocher au reste de son entourage était aussi sa manière de tenir le coup. Parfois dans son lit, ses pensées l'amenaient à en vouloir à Clark d'être parti, mais cinq minutes après, elle se maudissait d'oser lui reprocher ça. S'il y en avait un qui avait enduré plus que de raison pendant des années, c'était bien lui.

La plupart des gens ne pourraient pas comprendre, mais elle comprenait, ce qu'il ressentait. Elle avait de la famille, des amis, mais pour Clark lui, c'était différent. C'est comme si le monde entier, tous les gens bien, tous les innocents étaient sa famille et la disparition de Coast City, des centaines de milliers de morts, ça avait été la blessure de trop pour lui. Alors elle tenait le coup, en parallèle de sa propre vie, elle continuait de revêtir sa combinaison noire et d'aller rendre justice dans les rues de Star City ainsi qu'avec la Justice League à travers le monde.

C'était sa mission, elle le devait à tous ceux qui croyaient en eux, à la Justice League, aux Teens Titans dont elle demeurait chaperonne, et elle le devait à Clark. Mais tout ce sur quoi elle croulait devait attendre, cette nuit elle se reposait. Elle aimait dormir quasi-nue sous sa couette chaude et moelleuse avec juste une petite culotte, certaines nuits, pas celle-ci. Elle avait opté, par-dessus ses sous-vêtements rouges en dentelle, pour une petite nuisette couleur chair offerte par son amie Julia de l'association pour son anniversaire de l'an passé. Elle s'était mis en tête que Dinah aurait pu la porter pour plaire à quelques hommes et femmes, l'oiseau avait sa réputation aventureuse.

La réalité, c'est que ça n'était pas arrivé et elle n'avait pas osé shunter l'enthousiasme de sa bonne copine et collègue, quand elle avait reçu le cadeau. Le combat contre Brainiac n'avait guère laissé de temps à penser aux amourettes, mais plus que ça, elle n'avait fréquenté personne depuis plus d'un an. Trop de travail, de responsabilités et puis... trop de peine en fait. Entre son père, les événements, la fondation et surtout depuis Sara... sa pauvre sœur revenue d'entre les morts, elle n'avait pas réussi à être intime avec qui que ce soit.

Personne n'avait rejoint son lit, enfin, sauf Clark bien sûr. Mais pas comme on pourrait l'imaginer. Sa relation avec lui, ce qu'ils vivaient ensemble, c'était difficile à expliquer et encore plus à comprendre. Franchement à la place de Lois, elle aurait été jalouse aussi, même si Dinah avait fait de son mieux pour la rassurer. Il n'y avait rien de sexuel entre eux, pas même de baiser ambigu ou de main baladeuse, jamais Clark n'aurait fait ça à la femme dont il est amoureux, ce n'était pas un homme comme ça. Mais la proximité était bien là, vraiment là. Enfin... elle l'avait été jusqu'à il y a quelques mois. Depuis, elle était restée complètement seule.

Elle se trouvait dos à la fenêtre, allongée de flanc sous sa couette épaisse dans laquelle elle était emmitouflée et dormait à poings fermés quand trois petits sons successifs cassèrent le silence ambiant. De son sommeil léger par habitude et ses sens éprouvés par tant de dangers, elle ouvrit ses yeux clairs sans pour autant se mouvoir, se figeant instantanément.

Après quelques instants d'immobilité, sa silhouette glissa hors du lit pour s'accroupir derrière, avisant la fenêtre couverte de ses rideaux, puis passa la main sous l'un de ses coussins pour saisir son pistolet Five-seveN chargé dont elle fit sauter la sécurité d'un mouvement du pouce. Aussitôt elle pointa la fenêtre du canon et contourna le lit, accroupie, avant de s'approcher d'une impulsion rapide pour doucement se plaquer contre le mur, rabattant sa chevelure sur son épaule droite d'un mouvement fluide de sa main libre.

Le temps d'essayer de jeter un coup d'œil dans la fente qui laissait un peu de visibilité, et elle pivota face à la fenêtre, tirant le rideau d'une main et levant l'arme de l'autre à la recherche de ce qui venait troubler sa nuit car, à moins qu'il ne s'agisse d'un beau pompier supporté par la longue échelle d'un camion - et il n'y avait ni feu épais ni catastrophe annoncée ce soir, ça n'avait rien d'une présence tout à fait anodine, ni tout à fait humaine.

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Clark était demeuré lévitant, devant cette fenêtre du dixième étage de l'immeuble plongé dans l'obscurité en grande partie. Son regard était allé en-dessous, comme son ouïe, s'assurant que personne n'ai fait attention d'un tout hasard à sa silhouette. Sa cape ondulait élégamment sous l'effet de l'altitude et son poing s'étirait avant de se presser machinalement, détendant ses muscles.

Au terme d'une minute à s'intéresser aux quelques conversations des gens communs, il entrevut du coin des yeux le rideau être dégagé, ramenant ses vairons sur les carreaux pour découvrir une autre silhouette, celle de sa blonde favorite dont il distinguait l'arme pointée sur lui et l'éclat sensiblement lumineux faute d'éclairage de ses yeux.

Il n'avait pas usé de sa vision nocturne ni même ne l'avait accentuée pour forcer les détails de son regard ou de ses courbes, se contentant de lever lentement les mains en l'air, avant d'incliner quelque peu la tête sur son coté pour mieux distinguer son visage. Puis, il esquissa un sourire en coin amusé à se retrouver braqué de la sorte. Il n'en avait pas moins attendu de la part de l'oiseau le plus redoutable du pays.

A l'intérieur, Dinah elle, à la vue de l'Homme d'acier, écarquilla les yeux et releva les sourcils d'un air presque ébahi. Cela faisait plus de trois mois... une éternité pour deux personnes qui s'étaient toujours étroitement côtoyées. Surtout, il était censé voyager à l'autre bout de la galaxie, alors elle s'était attendue à ce que cela lui prenne bien plus longtemps pour revenir de sa traversée au travers de milliards, de billions... de quoi que ce soit en ions d'années lumières d'ici.

Mais c'était Superman et elle avait beau le savoir, il parvenait toujours à la surprendre. A moins qu'il ai été attiré ici par un moyen de téléportation subspatial ? Elle resta médusée quelques secondes dans cette scène presque absurde où elle pointait d'une arme de poing cet homme de l'autre coté de sa fenêtre qui avait le pouvoir de détruire des planètes et certainement plus encore.

Sa poitrine se mit à gonfler plus franchement sous sa respiration qui pris un peu plus de rythme, après ça elle baissait son pistolet et fit un pas en avant hâtif pour ouvrir la fenêtre de sa main libre. Elle ne savait pas encore ce qui avait pu le ramener jusqu'à elle, mais elle avait deux certitudes : la première, c'est qu'il n'y avait que son vrai Superman pour lever les mains en étant braqué par un flingue qui ne saurait même pas l'égratigner, juste par réflexe de la rassurer.

La deuxième chose, c'est qu'elle se sentait submergée d'un bonheur qu'elle n'avait pas ressenti depuis un certain temps. Une fois la fenêtre déverrouillée, elle dégagea les vitres et laissa la fraîcheur du soir s'engouffrer dans sa chambre douillette, le plancher chauffant maintenait une vingtaine de degré dans la pièce. Dinah se sentit parcourue d'un frisson le long de ses bras nus, qu'elle devait moins au froid extérieur que de l'incroyable soulagement qu'elle ressentait.

Elle qui avait été si soucieuse ces derniers mois se sentait subitement en sécurité. Clark était revenu, alors tout rentrerait dans l'ordre. C'était peut-être naïf de sa part, mais c'était ainsi qu'elle voyait son meilleur ami et héros d'entre tous. C'était sa bouée de sauvetage, quand elle était prise de doutes. Ses joues se redressèrent tandis qu'elle se mettait à sourire à Clark, faisant un pas de coté en tenant la fenêtre d'une main, l'autre contre sa cuisse replaçait la sécurité de son Five-seveN.

Clark de son coté l'observa ouvrir la fenêtre en baissant les bras puis lévita à l'intérieur en inclinant la tête pour éviter l'encadrure, avant de poser les bottes sur le plancher de cette chambre qu'il connaissait bien. C'était plus que l'appartement de Dinah, c'était son refuge, un lieu que très peu de personnes connaissaient et qui lui permettait d'échapper au reste du monde le temps de recharger ses batteries et souffler.

Avec le temps, Clark en était arrivé à considérer cet endroit de la même manière, mais bien plus par la présence de sa douce amie aux cheveux d'or sur qui il avait toujours pu compter. Une fois de nouveau accroché au sol, il vint lui faire face et sourit plus franchement à Dinah, ses épaules se contractant distraitement sous l'impulsion de son buste.

« Toujours aussi prudente, c'est rassurant. Tu as changé de modèle ? »

Il dit ceci de sa voix grave et rocailleuse, mais avec une intonation profondément douce et mélodieuse, véhiculant cette affectation viscérale qu'il ressentait à l'égard de l'oiseau chanteur qui tenait une place de premier choix dans sa vie depuis si longtemps maintenant qu'il ne se souvenait plus du temps où il ne la connaissait pas. En tout cas, il préférait s'en laisser convaincre, malgré sa mémoire eidétique.

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