Into the ground I won't go quietly, I'm bringin' my crown ⚔ Dick

Les temps étaient durs. Les temps étaient sombres, et ce n'était pas juste une question de Nuit perpétuelle. En quelque sorte. Ou du moins, pas totalement, même s'il n'y avait pas à en douter, du fait que le Soleil ne puisse de nouveau poindre à l'horizon, il en découlait bien des conséquences. Pas que pour Koriand'r, d'ailleurs. C'était assez étrange combien les Humains semblaient se sentir pousser des ailes, du moins, façon de parler, dès lors que la Lune régnait dans les cieux et que les étoiles constellaient les cieux. Même si, bon, les étoiles, avec toute la pollution lumineuse des villes, il était bien dur de les apercevoir, voire même impossible. En des instants comme ceux-là, il arrivait que chez Koriand'r, le manque de Tamaran se fasse brusquement ressentir. Ce qui ne signifiait en rien que, le reste du temps, elle ne pensait plus du tout à sa planète natale, mais là, c'était juste que ... Juste que, sur Tamaran, elle s'en souvenait bien, la nuit, les étoiles, on les voyait très bien, bien hautes, bien lumineuses, entre les deux astres lunaires qui occupaient le ciel, en l'absence du soleil. C'est censé être beau, une ville, la nuit, et d'une certaine façon, ça l'était, tout le temps. Mais peut-être que Koriand'r avait une perception des choses un peu étranges. Le trouble ne la perturbait pas plus que ça en terme de tableau entaché. C'était, étrangement et assez tristement, devenu sa réalité que de voir des pièces du puzzle ne pas bien s'emboîter ensembles, ou de voir les choses aller de travers. Oui, c'était triste. Pendant des siècles, sur Tamaran, tous avaient vécu en paix, au milieu de cette nature sauvage mais non moins verdoyante et fertile. Et puis, la Citadelle avait fait son apparition, et le nombre de familles royales avait diminué comme une peau de chagrin, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une, après que toutes les autres se soient rangés sous leur bannière. Cela avait été la tâche de son grand-père paternel que d'assumer ce rôle, que de défendre Tamaran, que de défendre les leurs, ces milliards de Tamaraneans, jusqu'à en perdre la vie, suivi de ses deux fils aînés. Le poids des responsabilités avait alors échu à Myand'r, son propre père et ... Et la suite, Koriand'r la connaissait, pour l'avoir personnellement vécue, endurée et subie.

De ces siècles de paix, la jeune femme n'avait rien connu. D'une certaine façon, elle était née au cœur de la guerre, et elle y demeurait encore aujourd'hui. Les puissances belliqueuses avaient changé, et de nom, et de race, mais elles demeuraient. Et pourtant, malgré tout, au milieu de ce chaos, de ces souffrances, de tout ce magma d’improbabilités et de contradictions, elle avait émergé, ou plutôt, elle était parvenue à s'élever, à rester debout, malgré tout. C'était un peu comme parvenir à transformer l’air en or ... Un miracle. Ou en tout cas était-ce ainsi qu'elle avait pu s'entendre définir, ou presque, par les rares personnes suffisamment informées de son passé pour comprendre ces choses là, sans pour autant tout savoir. Pas qu'elle ne leur fasse pas confiance, mais ... Ils avaient déjà suffisamment à gérer avec leurs propres existences, et puis ... Et puis, on ne pouvait rien y changer, c'était trop tard pour ça. Ils étaient là pour elle, maintenant, aujourd'hui. Là où ils n'avaient pu venir la sauver quand elle en avait eu besoin, pour la simple et bonne raison qu'ils ne la connaissaient alors pas encore. Aujourd'hui, Koriand'r devait regarder droit devant elle, sans non plus entièrement enterrer le passé. Après tout, n'étaient-ce pas les épreuves qu'elle avait traversé qui faisaient d'elle cet être si particulier qu'elle se trouvait être ? Et puis ... Et puis, le passé, cela sonnait si fataliste, si définitif. Et elle avait tout de même connu de bonnes choses. Son passé, après tout, il s'écrivait aussi sur cette Terre, dès le moment où elle avait délibérément crasher son vaisseau sur ce sol. Quelques instants avant de rencontrer Dick. Et d'ailleurs, d'ailleurs, ce soir, ce serait encore lui qu'elle allait rencontrer. Pas qu'elle ait de nouveau créer un grand cratère dans le sol après y avoir planté un appareil alien, mais elle devait tout de même le rencontrer. Pour qu'ils se parlent, au moins, d'une autre façon qu'à travers le combiné téléphonique de leur portable respectif.

Elle l'attendait. Sagement. Sagement ou presque. Elle ne lui avait pas donné d'heure précise, juste un créneau horaire. Et une adresse plutôt vague. Le pont de Starcity. Bon, il n'y avait pas qu'un pont dans cette très grande ville, mais, normalement, il devait savoir duquel elle parlait, parce qu'il n'existait qu'un seul pont piétonnier qui fasse la jonction entre les Glades et le quartier d'Orchid Bay. Et même si, de son temps à lui, la Tour des Teen Titans n'était pas localisée ici, à Starcity, Dick possédait quand même l'un de ces téléphones dernier cri avec GPS intégré. Et puis, même, Google Map, ça existait, non ? Si Koriand'r se débrouillait avec ce genre de trucs, Dick devait être dans le même cas ! Elle aurait pu se déplacer à Gotham City. Certes, elle était physiquement clouée au sol sans les effets si bénéfiques que le Soleil avait pour elle, mais l'équipe qu'elle menait possédait plusieurs appareils capables de voler, et elle était une bonne pilote. Mais ... Mais avec les récents évènements, elle s'était dit qu'il était mieux que Dick se bouge un peu, qu'il ne reste pas à tourner en rond à Gotham. Et puis ... Et puis, au final, il n'avait pas objecté, alors ... Alors elle l'attendait, appuyée contre la rambarde du pont, observant sans réellement le faire cette silhouette qui, en contrebas, semblait se hisser avec difficulté sur la berge. Il avait fait un joli vol plané, le type. Et il avait bu la tasse, en ayant visiblement de grandes difficultés à s'en remettre. Mais c'était sa faute. Il s'était montré trop entreprenant avec elle, avant de refuser qu'elle le stoppe dans ses petits projets avec elle. Il était devenu grossier, vulgaire, et il avait commencé à vouloir se montrer physiquement menaçant. Koriand'r n'allait pas dire que le vol plané au-dessus de la rambarde et droit dans l'eau était parti tout seul, mais ... Mais pour une Tamaraneanne privée de sa connexion aux rayons du Soleil, et donc aussi privée de ses capacités toutes particulières, elle s'était très bien débrouillée, et elle avait plus que de beaux restes ! Et puis ... Et puis, sortant un peu de ses pensées, elle sentit comme une présence s'approcher d'elle. Pas menaçante, pas oppressante, pas lourdingue ou présomptueuse non plus. Mais pas féminine pour autant. Alors, doucement, un peu comme au ralenti dans les films, elle tourna la tête vers Lui. Parce qu'il s'agissait de lui, n'est-ce pas ? Son regard se posa sur lui, non sans le jauger et l'observer avec une légère insistance et non sans une petite délectation. Et puis, elle lui sourit.

« Richard Grayson ... »