Holy moly there we go down in the hole || Aaron

Holy moly there we go down in the hole

Les démons, ce n’était pas vraiment son domaine d’expertise. Elle n’était pas non plus nouvelle en la matière, mais en toute honnêteté, elle aurait mieux fait d’en appeler à quelqu’un de plus au fait des dernières news démoniaques avant de se lancer dans cette traque. Cela dit, la fierté l’avait empêchée de passer un coup de fil à la première personne à laquelle elle avait naturelle pensé pour ce job – si tant est qu’il ait seulement un téléphone en ce moment, ou qu’il soit en état de réponse. Deux semaines durant, elle avait tenté de retrouver la trace du démon. Cela avait commencé par une ronde des esprits assez peu commune autour de son manoir, un soir, alors qu’elle rentrait chez elle après une représentation. Les fantômes à Gotham étaient probablement aussi nombreux que ses habitants, car les morts dans cette ville n’étaient jamais paisibles, ou presque. D’ordinaire, ils la laissaient tranquille. Et si ce n’était pas le cas, elle avait appris très tôt, avec Zatara, à ne pas se formaliser de ces présences souvent éphémères. Les esprits avaient quasiment toujours des choses à régler sur cette terre, mais cela ne voulait pas pour autant dire qu’ils requerraient de l’aide à chaque fois. Ceux-là, cependant, une dizaine, s’étaient attardés devant ses fenêtres de longues, heures, au point qu’elle avait fini par rendre les armes et commencé à mener l’enquête. Et c’est probablement à ce stade qu’elle aurait dû faire appel à John Constantine. Allez savoir.

Ce qu’elle avait découvert jusque-là, c’était que ces esprits avaient tous en commun d’être morts de la même manière, et le corollaire était vite fait : ils avaient tous été tué par le ou les mêmes personnes. Zatanna avait eu du mal à y voir la patte d’un de ses ennemis intimes, sans parler des ennemis de la ligue. Il n’y avait pas non plus de redondance de lieu : ces gens étaient morts un peu partout aux États-Unis et s’ils se baladaient désormais à Gotham, c’était uniquement parce que le manoir qu’elle louait avait appartenu à son père. Parfois, elle s’inquiétait de savoir si la vieille maison, quasi voisine de l’asile d’Arkham, ne faisait pas office de phare dans la nuit pour toute manifestation magique, ésotérique ou simplement bizarre. Les esprits ne parlaient pas. Ils n’avaient pas la tête des êtres humains qu’ils avaient été, ils ne faisaient pas preuve de comportement logique, ni rien qui puisse l’aider. Il avait fallu faire usage de magie, remonter les traces ésotériques ici et là, se renseigner dans chaque ville visitée auprès de qui de droit sur les morts violentes liées à l’occultisme. Sur ce dernier point là encore, elle connaissait tellement de personnes bien plus à même de faire parler les gens… Finalement, il était apparu que la dernière mort en date avait eu lieu dans la périphérie de Washington. Zatanna avait fini par comprendre qu’il s’agissait d’un démon, et sans avoir la moindre preuve, pouvait imaginer ce qu’il faisait subir à ses victimes : la possession. Là encore, loin d’être sa spécialité. Mais il y avait cette « souillure » chez chaque esprit qui était venu à elle ces derniers jours que, sans formellement identifier, elle pouvait relier à des cas de possession.

Elle sondait le monde des esprits, assise en position de méditation devant sa cheminée, comme une antenne humaine branché sur démons.fm, lorsqu’elle sentit un pic d’énergie ésotérique et démoniaque, toujours prés de Washington. Se levant d’un bond, les mains tendues et la formule adéquate sur les lèvres, elle ouvrit un portail dans l’espace et sauta à l’intérieur sans plus de cérémonie. Et c’est ainsi qu’elle apparut, jaillissant d’un pentacle de lumière bleutée, au-dessus d’une forme humaine allongée sur le dos. Cela, à la limite, elle s’y était attendue. Mais, sans même faire attention au cadre qui l’entourait, elle vit qu’un homme se tenait debout dans la pièce. Elle interrompait quelque chose. Restait à savoir quoi.

Codage par Libella sur Graphiorum

Holy moly there we go down in the hole

Le point positif dans toute cette histoire, c’était qu’elle ne s’était pas trompée : il s’agissait bien d’une histoire de possession, et c’était bien un démon qui avait laissé ainsi derrière lui, ces derniers jours, une traînée de cadavres. La satisfaction cependant s’arrêta là alors qu’elle déboula au milieu de ce qui ressemblait à un exorcisme. Elle lévitait au-dessus du lit, sur lequel était allongée une adolescente à l’air famélique et au regard assassin qui, Zatanna s’en doutait, n’était pas le sien, mais celui du démon qui l’habitait. Là-dessus, elle reçut une gerbe d’eau en plein visage et, relevant les yeux, elle vit qu’un prêtre lui faisait face. Oh. Donc, elle interrompait vraiment quelque chose. Autant le dire, Zatanna ne croyait pas en dieu, du moins pas en un seul dieu et pas en termes de foi. Elle croyait qu’ils existaient pour en avoir déjà croisés, tout simplement, et ne les considérait pas comme des entités omnipotentes et omniprésentes mais simplement comme des êtres ayant leurs propres pouvoirs et capacités, sans aucun droit sur les hommes ni devoir envers eux. Ceux qui dans l’histoire s’était vus gratifié d’un culte par les humains étaient juste bien tombés en termes de timing. Cependant, elle ne reniait pas le pouvoir de ces créatures, même si en ce qui concernait le dieu de ce prêtre, elle n’était pas certaine qu’il existe vraiment. Cependant, la foi seule qu’il générait chez les gens donnait à ces derniers un pouvoir que Zatanna était toute prête à respecter, même pour le coup elle considérait qu’il s’agissait donc d’un pouvoir humain et non divin. Quoiqu’il en soit, il n’était pas temps de débattre, a priori. Le prêtre l’avait peut-être confondue avec le démon, mais cela n’allait pas durer.

Sur le lit, la jeune fille se redressa soudain, lançant ses griffes pour tenter d’atteindre Zatanna, qui s’écarta habilement et se posa à bonne distance sur le parquet – et à bonne distance de l’homme aussi. « Prêtre, je ne suis pas un démon, et pas ton ennemie non plus. Je suis là pour la même raison que toi. Fais ton œuvre, et je ferai la mienne, et ensemble nous vaincrons ce démon. » C’était peut-être un peu grandiloquent mais il s’agissait pour elle de prouver à l’homme qu’elle n’était pas d’essence démoniaque, hors pour le moment tout ce qu’elle avait fait c’était apparaître du néant, ce qui ne jouait pas en sa faveur. D’ailleurs, elle était sûre que son parler à l’envers n’allait pas l’aider à prouver au prêtre qu’elle n’était pas le diable… mais c’était ainsi qu’elle trouvait sa concentration et évitait de faire exploser un quartier entier à chaque fois qu’elle se servait de sa magie, alors tant pis ! Le démon, usant de la bouche de l’adolescente de manière obscène, se lécha les lèvres. « Voici la fille à papa, qui me court après depuis des jours. Pauvre petite fille à papa, qui veut se faire passer pour humaine, quand elle n’est pas plus humaine que moi ! » Zee se renfrogna. Cet idiot de démon et elle n’avaient rien à voir ! Mais ce n’était pas elle qu’il fallait convaincre, c’était le prêtre. Le démon allait parler de nouveau. « noméD, siat-iot ! eN eguob sulp, en elrap sulp ! » Sur le lit, les lèvres de l’adolescente se scellèrent, son corps de figea, mais son regard était toujours assassin.

Zee se tourna vers le prêtre. « Je t'en prie, nous avons peu de temps. Fais ce que tu dois faire ! » Il serait toujours temps une fois l’adolescente exorcisée qu’ils se tapent dessus si le cœur lui en disait.

Codage par Libella sur Graphiorum

Holy moly there we go down in the hole

Elle avait eu beau voir John faire son œuvre, si on pouvait appeler ça ainsi, de nombreuses fois, en des centaines d’occasions différentes, Zee était toujours impressionnée par le pouvoir dont faisait preuve un exorciste. Elle préférait laisser faire le prêtre plutôt que d’utiliser une méthode qui aurait peut-être été efficace, mais à quel prix pour l’enfant ? Tout ce qui importait à la magicienne en cette seconde était d’empêcher le démon de faire du mal à son hôte, aussi l’avait-elle immobilisé, tout en le sentant, presque sous sa propre peau, se débattre de rage, hurler, griffer l’âme de la pauvre adolescente. Il fallait faire vite. Mais le travail fut fait, vite et bien. Non sans un dernier déploiement de colère de la part du démon, qui fit trembler les murs et sembla ôter à l’air tout ce qu’il contenait de respirable. Zee ne baissa les mains que lorsque le prêtre sembla se détendre. Elle aurait voulu se porter au secours de la fille, mais elle vit que le prêtre ne semblait pas inquiet pour sa vie, et de plus, il avait enjoint la mère à appeler une ambulance. Ah, oui… Ils vivaient dans un monde d’humains, après tout, elle avait trop tendance à l’oublier. Ils n’avaient pas toujours besoin d’elle. Ils savaient se débrouiller – et saurait soigner une enfant qui en avait besoin. Sans y penser, elle le suivit, passant devant la même de l’enfant d’un air naturel, puis une fois dans la rue, elle décolla du sol et emboîta le pas au prêtre en lévitant à quelques centimètres du sol, curieuse. Ce ne fut qu’une fois au coin de la rue que l’homme se retourna vers elle, sans qu’elle sache s’il savait qu’elle le suivait, s’il s’en fichait, ou si au contraire, cela le dérangeait. Pour elle, la conclusion de toute cette histoire était un peu abrupte.

Elle toucha le col de son haut avec un sourire amusé, puis passa la main au-dessus en murmurant la formule adéquate, toujours en inversant les lettres – histoire de ne pas se mettre le feu. L’eau s’évapora aussitôt. « J’imagine votre surprise, et ça aurait pu être pire, si vous aviez été du genre à travailler avec des couteaux plutôt qu’avec de l’eau bénite. Cela dit, vous semblez prendre assez bien ma présence. Je ne suis peut-être pas la première sorcière que vous rencontrez ? » Dans quelle mesure est-ce que les « sorcières » étaient considérées comme des démons par l’Église ? Elle n’en savait rien. Mais elle était sûre que ces dernières décennies, cela n’avait pas dû être de tout repos pour les religions du monde, de revoir ses dogmes en fonction des différents être surnaturels, magique, aliens et autres visiteurs du futur qui s’étaient fait connaître. Avisant un des esprits qui la suivaient partout ces derniers jours, elle lui sourit et agita doucement la main, comme pour chasser un papillon - aV, ut se égnev... Il s’enroula autour de son bras comme de la fumée de cigarette avant de se reformer un peu plus loin, sans faire attention à elle. Pas vraiment en paix, car ils avaient été tués violemment par un démon, mais au moins, ils avaient été vengés. Ils erreraient toujours sur cette terre, mais plus accrochés à ses basques. « Ce sont les précédentes victimes de ce démon qui m’ont menée jusqu’à lui, et jusqu’à vous. Je suis plutôt contente que vous vous soyez trouvé là. J’étais partie pour improviser la partie exorcisme… » Elle avait lu des choses, vu des choses, mais tout de même. « Vous faites ça souvent ? Vous vous sentez bien ? » Cette dernière question était purement gratuite, comme quelqu’un de civilisé poserait la question dans ce genre de circonstances.

Codage par Libella sur Graphiorum

Holy moly there we go down in the hole

Pas de raison d’être méfiant, tout de même ! Zee ne lui avait jamais donné la preuve qu’elle n’était pas quelqu’un de mauvais, ou même de pire que le démon qu’il venait d’exorciser. Soit il avait beaucoup d’instinct, soit il ne se méfiait vraiment de rien – peut-être que les prêtres étaient du genre à laisser leur chance à tout le monde avant même de les connaître. Surtout avant même de les connaître. En attendant, il s’enfonçait dans des ruelles sombres de Washington sans vraiment prendre de précautions, et peut-être qu’il cachait son jeu. Le seul autre exorciste patenté qu’elle connaissait, après tout, était plein de talents divers, pas toujours utiles, mais variés. Quant à savoir s’ils avaient quitté le Moyen Âge ou pas, elle préférait ne pas se prononcer sur la question. Au lieu de quoi, elle rit en secouant la tête. « Disons que c’était loin d’être mon premier démon, mais quand il s’agit de possession, d’habitude, je laisse les autres faire. » Le Vatican, vraiment ? Elle imagina John en soutane de prêtre pendant un moment. Est-ce qu’il fallait un permis du pape pour exorciser les gens, en fait ? Ce serait pour une autre conversation. « Oui, niveau possession, j’ai déjà donné de ma personne moi-même, pas volontairement, mais j’espère ne plus en passer par là. Je crois que je préfèrerais qu’on me tue plutôt qu’on me regarde faire du mal aux autres sans rien faire. » Note à elle-même. Peut-être qu’il fallait qu’elle se balade avec une carte sur elle, comme les donneurs d’organes : En cas de possession prière de m’achever plutôt que de me laisser tuer votre maman, merci.

Elle regarda autour d’elle, la ruelle sombre et humide et froide, puis reporta son attention sur le prêtre, avant de lui sourire. « Ce genre de sort, non, cela ne me coûte pas grand-chose. Je m’appelle Zatanna, au fait. Et, croyez-le ou non, mais je suis magicienne. Enfin, c’est mon métier, en plus d’être ma nature. C’est tout de même amusant qu’une sorcière et un prêtre se soient ainsi rencontrés ! » Elle leva le nez de nouveau, ennuyée par une sorte de grésillement qui, elle le savait, n’était pas vraiment audible en vérité. Les esprits qui leur tournaient autour, s’ils ne faisaient plus vraiment attention à elle, semblaient de plus en plus agités. « Je pense que nous allons avoir d’autres ennuis si nous restons ici. Je m’en voudrais de vous laisser là, y a-t-il un endroit où je peux vous déposer ? » Elle disait cela alors qu’aucune voiture ni même vélo ne l’attendait nulle part, mais évidemment, elle possédait d’autres moyens de transport, et il le savait bien puisqu’elle était apparue de nulle part juste sous son nez. Son regard suivait les esprits, qui tournaient doucement autour d’eux, en la traversant parfois comme des malpolis, même s’ils évitaient toujours avec grâce le corps du prêtre. Ce n’était pas la première fois qu’elle voyait des esprits, mais des esprits en présence d’un soldat de Dieu, si, et elle se demanda si c’était lié à son statut de prêtre, ou si ce n’était qu’un hasard. Tout était possible dans le vaste monde de l’occultisme.

Codage par Libella sur Graphiorum

Holy moly there we go down in the hole

En songeant à l’autre exorciste qu’elle connaissait, Zee se dit que cette rencontre était vraiment positive. Avant la fin de leur petite discussion, il faudrait qu’elle se procure les coordonnées du prêtre, parce qu’il y avait des moments où on pouvait se permettre la méthode douce, et peut-être que dans ces moments-là, elle pouvait faire l’économie d’en appeler à John, et appeler cet homme à la place – elle était sûre que John ne lui en voudrait pas, vu qu’il avait toujours l’air d’avoir autre chose à faire. Et puis ils étaient tellement différents tous les deux. On ne pouvait pas être expert en tout. Voilà bien une façon de voir à laquelle elle n’était pas habituée, bien qu’elle soit totalement d’accord. Ceux qui avaient voulu être experts en tout, qui avait recherché tous les savoirs, tous les pouvoirs, l’avaient payé de leur vie, en connaissait certains. D’autres se balançaient toujours sur cette corde fine. « Eh bien maintenant, je vous connais ! » On n’avait jamais trop d’alliés dans cette vie, surtout quand on pratiquait ce genre de talent, ou de magie.

Il s’appelait Aaron, et Zee le salua donc d’un sourire et d’un hochement de tête. Quand elle évoqua l’idée de filer, il lui répondit qu’il voulait en avoir le cœur net quant à leur démon. Voilà un homme courageux, donc, ou du moins, qui n’aimait pas laisser un travail inachevé. Elle lui fit signe qu’elle était d’accord, puisque si c’était bien ça le problème, alors il était évident qu’il leur fallait en avoir le cœur net. Ce démon ne serait pas le dernier à tenter de s’incarner sur terre, il y aurait toujours des cas de possession et toujours des victimes, mais chaque démon éliminé était toujours ça de pris. Elle suivit donc le prêtre dans la ruelle, s’enfonçant petit à petit dans des ténèbres de plus en plus glauque. Cette ville lui rappelait un peu Gotham, des fois. Pour reprendre leur conversation, elle répondit à ses questions : « Je n’ai pas vraiment de problème quand il s’agit de puiser dans mes réserves. Ma magie me vient de mon sang et de mes ancêtres et en la matière je suis plutôt bien équipée. » Elle ne pouvait pas carrément lui dire qu’elle en avait trop, en quelque sorte, ou que du moins elle devait sans cesse lutter pour contrôler sa puissance et son énergie, c’était d’ailleurs pour cela qu’elle récitait ses sorts à l’envers, cela lui permettait de se concentrer. Elle le regarda avec intérêt cependant. « Vous en avez rencontrés beaucoup, des magiciens ? D’ordinaire, il est plutôt rare de nous croiser, surtout les plus… solitaires d’entre nous. » Elle, était connue au moins pour son statut de prestidigitatrice – mais ses fans pensaient qu’elle n’usait que de tours, et pas de vraie magie.

Elle fit le compte des magiciens et sorciers qu’elle connaissait et songea qu’il y en avait de plus fréquentables que d’autres. Soit Aaron n’avait pas de chance de tomber sur des magiciens à tous les coins de rue, soit il n’avait croisé que les meilleurs d’entre eux, en quelque sorte – Mme Xanadu, Phantom Stranger ou encore Dr Fate. Elle remarqua à ce moment-là que les esprits avaient disparu. Soit ils en avaient eu leur claque, soit ils avaient peur, soit ils s’étaient trouvé autre chose à faire. Face à eux, un cul-de-sac se dessinait dans la lumière faible et blanchâtre d’un lampadaire, qui se mit à clignoter doucement à leur approche. Il n’y avait personne ici, du moins pas à première vue. Mais les démons choisissaient les faibles comme victime, c’était bien connu. Ou bien peut-être les attirait-il dans un piège. Si c’était vraiment lui. « Qu’est-ce que Dieu vous dit à propos de cet endroit ? » souffla-t-elle. Non pas qu’elle se moquait de lui, mais elle ne pouvait pas prétendre que l’étrange pouvoir du prêtre lui venait d’une source qu’elle pouvait identifier, alors, le temps qu’un jour quelqu’un comprenne et apporte une autre preuve d’un dieu que la simple foi, il lui faudrait faire avec.

Codage par Libella sur Graphiorum

Holy moly there we go down in the hole

Elle s’était saisie de la carte de visite que le prêtre lui avait tendue et d’un claquement de doigt, l’avait fait disparaître – quelque part dans une de ses poches. Que les prêtres du Vatican se baladent aujourd’hui avec des cartes de visite de ne l’étonnait pas plus que ça, on était en 2018 après tout. Et ce monde était étrange, par la force des choses. Elle ne savait pas quand est-ce qu’elle aurait vraiment, à nouveau, besoin des services d’un exorciste, aussi bizarre que cela puisse paraître. Du moins exorciste dans l’exercice normal de ses fonctions… Elle ne ferait pas appel à Aaron pour aller explorer elle ne savait quel septième cercle des enfers, vu qu’elle n’aurait souhaité cela à personne. Ensuite, avant même que le prêtre ne prononce son nom, Zee avait deviné qu’il allait parler de John, encore que « punk » n’était plus vraiment le mot qu’elle aurait utilisé pour le qualifier. En fait, il aurait probablement fallu créer un dictionnaire entier propre au seul John Constantine pour parler de lui. Évidemment, il fallait que ce soit lui. Zee hésita sur ce qu’elle devait répondre – lui souhaiter bonne chance, lui dire de faire attention, ou même de fuir sans se retourner… Mais enfin, tout le monde était adulte dans cette histoire. L’idée que John fréquente un prêtre, cependant… Et inversement… On aurait tout vu. « Oui, je vois… Réfléchissez-y quand même à deux fois si un jour il vous propose de le suivre quelque part. » Et c’était tout, disait-il. Eh bien, il avait rencontré les meilleurs, comme on dit !

Ils étaient arrivés au fond de la ruelle, cependant, et Zee sentait le malaise grandir. Elle se demandait ce que ressentait Aaron, de son côté. Puisque ce n’était pas de la magie, mais autre chose, qui l’habitait… Comment est-ce que cela se traduisait, l’avertissement de Dieu ? Toute cette histoire paraissait bien trop frustrante, encore qu’une divinité silencieuse, ça changeait comparé à toutes les autres que Zee avait pu croiser, réelles ou factices et qui toutes n’appréciaient rien moins que de se vanter de leur omniprésence et omnipotence. La chose qui se jeta sur eux, cela dit, n’avait rien de divin. L’attaque fut brutale et violente et elle dut lutter contre son premier réflexe, qui fut de s’envoler. Elle vit le prêtre être jeté à terre et l’enjamba, pour être sûre de l’englober dans le bouclier argenté qu’elle dressa autour d’eux d’un mot inversé. Une sorte de silhouette sombre, à peine esquissée, qui se fondait sans cesse en un nuage de fumée noire, s’écrasa contre la paroi du bouclier, encore et encore, avec toujours plus de violence. Zee le regarda faire quelques secondes, impressionnée, puis baissa les yeux sur Aaron. « Il vous en veut personnellement, on dirait. Sont-ils toujours aussi énervés ? » Eh bien, s’il s’agissait du démon de tout à l’heure, il s’était fait botter les fesses, après tout. Zee détestait les mauvais perdants. Et si ce n’était pas lui, c’était peut-être un parent ou un ami… Quelle blague.

Elle tendit une main vers la masse sombre, maintenant son bouclier de l’autre. « elûrB, uhcif noméd ! » La silhouette s’enflamma brutalement, brièvement, et sembla s’éparpiller dans les airs comme de la cendre. Les particules semblèrent planer un moment, avant de se regrouper. Zee fronça le nez. « Que c’est agaçant ! Je ne sais pas comment vous faites pour faire ça tous les jours. » Elle avait en tête des mots latins tordus et biaisés et des symboles occultes souillés, comme elle avait entendu John les prononcer et l’avait vu les tracer des centaines de fois, mais elle ne se faisait absolument pas confiance là-dessus. Elle se tourna vers Aaron, alors que la masse sombre repartait à l’assaut de son bouclier. « Vous avez une idée ? » Pour une fois, elle pouvait très bien jouer les assistantes, il ne s’agissait pas de son propre spectacle.

Codage par Libella sur Graphiorum

Holy moly there we go down in the hole

Heureusement que les circonstances laissaient peu de place, pour le moment, à la discussion. Zee n’aurait pas su développer une réponse à la question du prêtre sur le notoire John Constantine. Elle se voyait mal lui expliquer qu’ils se connaissaient depuis des années, lui parler de l’occultisme, des crypto-parties à trois avec un sorcier maléfique, des sacrifices, des envois de gens en enfer et de tout le reste. Malgré tout, les derniers mots d’Aaron la firent baisser les yeux et elle se mordilla la lèvre. Tout le monde disait que John était un danger public et oui, il était le premier à le clamer, comme quelque chose dont il était fier, mais elle savait bien toute la solitude que ça cachait, et elle savait qu’elle avait sa part à jouer dans cette histoire. Elle aussi l’avait accusé de tous les maux. Et peut-être qu’elle continuait à le penser, mais ça ne suffisait plus depuis longtemps à le tenir à distance, pour elle. « Disons que compte tenu de nos capacités, on se croise régulièrement. Il est dangereux, mais… » Mais il y avait tellement plus que cela. Mais... Mais à quoi bon finir cette phrase ? Tout le monde dans cette histoire était adulte et responsable.

En attendant, rien de moins qu’un démon les attaquait. Zee avait dressé un bouclier magique, et à présent, elle attendait de voir ce qu’Aaron pensait de la situation. Elle pouvait imaginer que prêtres et démons ne soient pas les meilleurs amis du monde. Enfin, ils étaient probablement des ennemis plusieurs fois millénaires. Les démons, comme ceux qui les combattent, n’avaient pas attendu l’apparition du christianisme pour marcher sur cette terre, mais enfin il n’était pas temps d’avoir un débat théologique. D’après le prêtre, il ne s’agissait pas du même démon que tout à l’heure, ce qui était une bonne et une mauvaise nouvelle. Bonne nouvelle parce qu’au moins, l’autre était reparti d’où il venait pour de bon, et mauvaise parce que ça faisait quand même beaucoup de démons en liberté pour une seule journée. Effectivement, il y avait de quoi ne pas vouloir se lever le matin, des fois, si on savait d’avance qu’on allait se coller toute la journée des affrontements pareils. Elle hocha la tête. Elle connaissait la puissance des noms, des noms véritables, même s’il ne lui semblait pas avoir déjà été témoin de cela dans une situation démoniaque. « Il tiendra autant qu’il le faudra. Ne vous inquiétez pas, je vous couvre. » C’était le moins qu’elle puisse faire pour lui, et cela au moins, elle en était capable. Elle était également très curieuse de le voir en action.

Comme s’il les avait entendus planifier sa perte, le démon sembla se déchaîner. Elle le sentait heurter son bouclier jusque dans ses os. Et effectivement, plusieurs poubelles se mirent soudain à léviter autour d’eux. Elle savait que ce n’était pas elle qui faisait ça. D’une main et d’un sort, elle fit exploser les conteneurs, arrosant le cul-de-sac de détritus. Aussitôt, le mur sur leur droite sembla onduler et des briques s’en descellèrent soudain pour venir s’écraser violemment sur son bouclier. Il n’était vraiment pas content, ce démon. Tout en alimentant sa magie, Zee murmurait, plus pour elle-même qu’autre chose, comme une prière rassurante et non comme un sort, des mots qui appartenaient à un autre, et qu’elle avait entendus si souvent, teinté d’un accent british – The Sacred Cross commands you. The Star of David commands you. The Omkar, the Lotus, and the Shahada command you. To flee this place. To flee this place. Disperges in ventum… Be not, and be gone… Elle gardait Aaron à l’œil, se demandant comment il allait arracher son nom véritable au démon.

Codage par Libella sur Graphiorum

Holy moly there we go down in the hole

En une occasion différente, Zatanna aurait ri en entendant le prêtre dire de John qu’il avait un « bon fond », non pas que c’était faux, mais parce qu’elle pouvait imaginer la réaction de ce dernier s’il entendait qu’on parlait ainsi de lui. Cela dit, ça l’aurait changé des insultes et imprécations habituelles qu’il provoquait partout où il passait, comme la traînée d’une comète pleine de colère et de comptes à rendre. Mais l’occasion ne s’y prêtait pas, et il faudrait remettre cette discussion à plus tard, en admettant qu’il y ait seulement une discussion à avoir sur le sujet. Zee savait d’expérience que parler de John Constantine le faisait plus souvent apparaître qu’un coup de fil, et il y avait des moments où ce n’était simplement pas le bon moment de voir jaillir un exorciste sous son nez. Peut-être qu’elle avait parlé un peu trop vite en prétendant que son bouclier tiendrait une éternité. Elle se disait qu’il tiendrait le temps qu’il fallait, mais après tout, parmi ses sorts, c’était celui-là qui lui coûtait le plus d’énergie, avec la lévitation. Toute concentrée qu’elle était à repousser les jetés de poubelles et autres objets contondants, elle ne sentit pas qu’elle perdait petit à petit son focus sur son bouclier, et soudain, le sol sembla éclater sous leurs pieds. Il lui fallu toutes ses forces pour ne pas se laisser envoyer bouler contre un mur, et quand elle releva le nez et redonna un coup de peps à son bouclier, elle vit que le prêtre s’était porté aux devants du démon.

Ah, c’était encore un type « comme ça ». De ceux qui agissaient sans penser aux conséquences pour eux-mêmes. D’un geste, elle fit disparaître son bouclier. Il fallait qu’elle change de tactique. Devant elle, le prêtre sembla subir une autre attaque du démon – Paimon. Elle n’avait pas en tête l’almanach des démons des enfers et n’aurait pu prétendre le connaître ou l’avoir déjà croisé. Profitant qu’Aaron détournait l’attention de la créature, qui de toute façon ne s’intéressait qu’à lui, elle se fondit dans le mur, littéralement, rendant son corps immatériel, et en ressortit derrière Paimon. Puis elle posa une main à terre et marmonna une rapide incantation. Sous ses doigts, des courbes et des boucles de lumière apparurent et coururent sur le béton jusqu’en dessous du démon, formant un schéma complexe qui brilla de plus belle une fois qu’il fut achevé. Le démon sembla se comprimer et se tordre, comme s’il se débattait. Et après tout, elle venait de l’emprisonner dans une cage magique. Si seulement avait su ouvrir un portail vers l’enfer… et peut-être l’aurait-elle pu, mais elle ne s’y risquerait pas ce soir, pas tant qu’elle n’en était pas certaine. Encore quelque chose qu’elle avait besoin d’apprendre, et elle savait très bien auprès de qui, hélas. « Je crois qu’il faiblit, mon Père. » Elle se releva et rejoignit Aaron. « Vous y êtes presque. » Et ensuite, comment est-ce que les prêtres fêtaient la victoire ? « Mon piège ne va pas le retenir longtemps, cela dit. Nos magies, si on peut le qualifier ainsi, ne sont pas vraiment les mêmes… » Peut-être que si elle avait été désignée par Dieu pour être son champion, comme les prêtres, ça aurait été différent. Mais soudain, enfin, sous leurs yeux, la forme noire se tordit de plus en plus, sembla être aspirée par le vide. Zee sentit les barreaux de sa cage voler en éclat et la démon se jeta sur eux. Juste avant d’exploser en une fumée noire et épaisse.

Zee agita la main devant son visage. Est-ce que c’était fini ? Elle regarda Aaron pour guetter sa réaction. Les démons, ça avait l’air fourbe. Il pouvait très bien avoir fait semblant d’être vaincu. Mais seul le silence régnait dans la ruelle. « Paimon, alors ? Comment avez-vous su ? Vous le connaissiez ? » Au moins ils allaient enfin pouvoir s’en aller de ce quartier mal fréquenté.

Codage par Libella sur Graphiorum

Holy moly there we go down in the hole

Les paroles du prêtre n’étaient pas vraiment rassurantes, mais lui-même semblait habitué à ce qui venait de se passer. Et à l’idée que « là-dessous » comme il semblait le sous-entendre, se trouvaient de nombreux autres démons comme celui dont ils venaient de se débarrasser. D’autres mondes, d’autres lignes temporelles, d’autres planètes, même, emplies de créatures mauvaises et hostiles, Zee en connaissait de nombreux et savait bien que cela existait. Mais les démons tels qu’elle en avait combattu deux ce soir avaient tout de même un autre effet sur l’imagination. Difficile à appréhender, difficile à comprendre, difficile à appréhender. C’était un monde qu’elle fréquentait à la marge grâce – ou à cause – de John, mais justement, c’était son univers à lui, et à Aaron aujourd’hui, et pas le sien. Décidément, la lutte, quelle qu’elle soit, semblait vouée à continuer pour l’éternité, si tant est qu’on était du genre à croire à un Bien et à un Mal… Elle hocha la tête aux paroles du prêtre. Elle pouvait comprendre qu’il ne puisse lui expliquer ce qu’il ressentait exactement quand sa magie opérait. Elle aurait été bien en peine elle-même de le faire en ce qui la concernait. Elle le suivit en sens inverse dans cette ruelle où ils s’étaient enfoncés si loin pour lutter contre Paimon, qui, selon toute vraisemblance, reviendrait un jour et, espérait-elle, serait vaincu par un autre prêtre et, qui sait, une autre sorcière. Elle balaya les propos d’Aaron d’un geste amusé. « Vous n’avez pas à me remercier. Je suis moi-même venue me fourrer dans cette galère, et en vérité, si vous n’aviez pas été là, je n’aurais probablement pas su quoi faire. Nous pouvons tout à fait échanger nos coordonnées, je pense qu’en guise de conclusion, cela suffira. Pas de dette entre nous. »

Elle serait forcément confrontée à ce genre de situation à nouveau à l’avenir, et il était toujours bon de pouvoir appeler de l’aide, de ne pas se reposer toujours sur les mêmes personnes ou, pour le dire de façon plus cynique, d’avoir plusieurs cartes à son arc. Joignant le geste à la parole, elle fit apparaître, en un tour de passe-passe tout à fait humain et terre à terre, une carte de visite blanche ou brillaient en lettres noires son nom, assorti de son métier public, prestidigitatrice, et de son numéro de téléphone, qu’elle tendit à l’homme. « N’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin d’aide à nouveau. Je peux me déplacer très rapidement. » Il l’avait bien vu de ses yeux, lui qui l’avait vue apparaître dans une chambre d’adolescente possédée quelque temps à peine auparavant. Elle sourit légèrement aux dernières paroles d’Aaron, alors qu’ils ressortaient enfin du sombre coupe-gorge pour une rue plus large et plus éclairée. « Merci pour votre proposition. Cependant, le combat se joue sur de nombreux fronts et je crains que nous ne soyons pas assez nombreux nulle part. Je continuerai de faire ma part de mon côté, mais n’hésitez pas à faire appel à moi ou à un de mes confrères. » Comme elle l’avait dit, et bien sûr, puisqu’il connaissait déjà John, même si John avait tendance à faire tuer les gens qu’il tentait d’aider bien malgré lui… « Et puis, je crains de ne pas accorder la même signification à tout cela que vous… Non pas que cela soit un problème, je crois que nous venons de nous le prouver si besoin était ! » Elle ne pourrait jamais prétendre se battre pour une foi, quelle qu’elle soit… Du moins si vouloir protéger la vie n’était pas déjà un genre de foi.

Elle s’immobilisa pour se tourner vers le prêtre. Elle faillit lui proposer de le déposer quelque part, mais elle songea qu’il avait eu sa part de magie pour la soirée, d’autant plus que ce que petit tour de téléportation ne serait qu’une magie de confort et pas de besoin. « À mon tour de vous remercier. Et de vous demander, une nouvelle fois, d’être prudent, pas seulement dans votre partie, mais lorsque vous vous trouverez confronté à mon monde et aux gens qui l’habitent…. » La sorcellerie et le monde occulte n’avaient aucune pitié pour rien ni personne et nul dieu n’y régnait, du moins nul dieu capable ou désireux de protéger qui que ce soit.

Codage par Libella sur Graphiorum