Artemis - This is the start of how it all ends

« Alors tu pars ?
- Il n'y a plus rien pour moi ici.
- Prend garde Artemis, ce que tu considères comme une quête m'a tout l'air de n'être qu'une fuite en avant. »

La voix d'Akila sonna comme une prédiction lugubre dans le silence du désert, fantôme remonté de son imagination. Les murmures de sa conscience ? Un spectre peut-être ? Mais Akila n'était déjà plus là. Et convoquer sa présence ne la ferait pas revenir. Pas plus que les souvenirs qu'elle laissait derrière elle sans vraiment savoir si elle les retrouverait. Mais elle devait partir, elle n'avait pas d'autre choix à présent. Les choses avaient changé et elle ne pourrait plus jamais lui faire face sans ressentir ce pincement désagréable au cœur. La sensation que quelque chose n'allait pas du tout. Loyauté ou vanité. Deux faces d'une pièce qui n'étaient jamais vraiment parvenues à se fondre en elle. Mais pour mieux comprendre, il fallait revenir bien des années en arrière et reprendre le premier chapitre de l'histoire. Une histoire qui parle de désillusions, de trahisons et d'échecs.

Il était une cité amazone de sable et de vent, bâtie par un peuple apatride. Bana-Mighdall la renégate. Celle qui avait quitté Themyscira pour ne plus jamais revenir. Au terme d'un long exil qui les poussa jusqu'aux terres reculées de l'Egypte, ce groupe dissident choisit de s'établir dans le désert, tournant le dos pour de bon au panthéon grec. Courageuses et pugnaces, ces amazones furent reconnaissantes envers ces divinités égyptiennes qui les avaient prises sous leurs ailes et pour les protéger du danger, les cieux leurs firent don d'un présent terrible. Une arme censée surpasser toutes les armes que seule l'une d'entre elles serait suffisamment digne de maîtriser.

C'est au sein de cette cité qu'Artemis vit le jour. Et cette légende qui n'en était pas une, l'amazone vécu pour elle et s'en fit son héritière. Vérité ou délire peu importe, elle y cru dur comme fer. Etait-elle vraiment destinée à quelque chose de spécial ou s'est-elle laissé convaincre par les chimères tissées par une mère trop bienveillante ?  Artemis n'était personne, rien d'autre qu'une fille du peuple appelée à s'élever au-dessus de sa condition pour devenir la très respectée Shim'Tar de Bana-Mighdall. Guerrière, protectrice des siens et seule détentrice de l'arc de Râ. Le présent des dieux.

Mais peu importe les heures passées à s'entraîner, les efforts et les sacrifices, peu importe qu'elle ait gâché les années de sa jeunesse à courir après un rêve qui n'était pas le sien. Les Dieux en choisirent une autre. Elle n'était plus une enfant à cette époque là, elle aurait dû trouver la sagesse de s'effacer en voyant Akila.
Courageuse Akila. Combative et sage Akila. Son amie d'enfance fut choisit comme l'élue véritable et Artemis comprit qu'elle n'avait été qu'une forfaiture durant tout ce temps. Elles qui avaient grandi ensembles et tout partagé, se retrouvaient séparées par un vide plus grand que n'importe quel précipice. Et elle eut beau faire de son mieux pour réparer leur lien, quelque chose subsistait entre elles deux qui étaient définitivement changé. Artemis avait passé tant de temps à vouloir devenir une autre, que ferait-elle à présent ?

L'exil alors. Trouver un autre but en se perdant un peu plus loin dans les dunes, se laisser engloutir par ces titans de sable pour ne plus jamais réapparaître. C'est le risque avec les cadeaux offerts par les dieux. Ils ne durent jamais véritablement. Arrive un jour où ces êtres éternels finissent par se lasser et détournent leur regard de vous pour le poser sur un jouet plus neuf et plus intéressant. Et tout s'effondre.

Alors elle parti. Tourna le dos aux souvenirs de son enfance et entama un long périple duquel elle pensait ne jamais revenir. De ce long voyage elle ne garda en mémoire que quelques images, un peu comme on remplirait un album photo à la fin d'un road-trip qui a duré trop longtemps. Al-Aqsa et le mur des lamentations se découpant sur une Jérusalem au crépuscule, la Jordanie et ses titans de pierre, Beyrouth assoupie et les montagnes d'Anatolie s'étendant à perte de vue. Pour finir la fin du périple, Sainte Sophie la millénaire, sentinelle solitaire dominant Istanbul, veillant sur le Bosphore endormi. Mais quelle que soit sa trajectoire de vie, il lui semblait toujours que quelque chose manquait. Alors elle chercha, encore et toujours.

Et elle apparue dans sa vie à la faveur d'un accident. Asma avait les traits de la jeunesse, le regard rebelle et les boucles brunes d'une adolescente persuadée que le monde lui appartient.  Quatorze ans, la fougue de son jeune âge et déjà quelque chose d'amer dans le regard. Amer comme l'Iran son pays qu'elle avait abandonné sans se retourner, pour tenter la périlleuse traverser de la Turquie jusqu'aux îles du Dodécanèse.
Ils sont chaque année des milliers de désespérés à se jeter sur les eaux et trop peu atteignent les côtes grecs, nombre d'entre eux finissant par sombrer au fond de la mer Egée. Mais il en a été autrement pour la jeune fille et sa route a croisé celle d'Artemis et du Dawn Seeker. Elle n'aurait jamais dû se trouver à bord de ce bâteau, ce combat n'était pas le sien, juste un moyen comme un autre de traverser la Méditerranée. Le Dawn Seeker appartenait à une ONG portant secours aux victimes réfugiées et c'est presque par un coup du sort qu'Artemis s'était retrouvée embarquée dans cette mission, au hasard de ses pérégrinations en Turquie. Mais l'adolescente se lia à l'Amazone à un point qu'elle n'aurait pas imaginé. Il y avait quelque chose chez elle, quelque chose qui la ramènait bien des années en arrière à une histoire qu'elle avait choisi de laisser derrière elle.

Mais Asma disparu sitôt touché les côtes grecques. Envolée telle un mirage. Enlevée dit-on. Car sa jeunesse avait su attirer quelque chose de bien plus pervers et de bien plus retors que les bonnes intentions de quelques humanitaires. Elle était prisonnière chuchotait-t-on, prise au piège de filiales dont elle n'aurait jamais dû croiser la route. Des gens qui la vendront telle un objet et la briseront pour toujours. Du trafic d'être humain.

Et Artemis laissa tout derrière pour partir à sa recherche, les mois défilant dans cette course effrénée pour remonter la piste de la jeune fille. Le fil se déploya jusqu'à la mener par-delà l'Atlantique où Artemis découvrit une Amérique en proie à la dissension et au chaos. Qu'était-il arrivé au monde ? Trop occupée dans sa quête, l'amazone n'avait pas réalisé que les Hommes plongeaient lentement dans les ténèbres. Et de recherches en recherches, remontant toujours la voie, elle arriva à Gotham un soir de novembre pour découvrir que le monde avait sombré dans la folie.




« Quelle heure ?
-J'en sais rien ! Ils me font pas confiance enfin ! »

Un couinement affolé suivit le bruit d'un objet fendant l'air.

« Parle ? j'ai dit !
- Bon ok, ok, inutile de sortir l'artillerie ! Demain 23h. T'es contente ?
- Immensément. Maintenant fiche le camp. Si je te revois traîner dans le secteur ce soir, je t'embroche. »

Le môme ne se le fit pas dire deux fois et se rua vers l'escalier de secours, dévalant les marches dans une cacophonie métallique avant de sauter dans la ruelle et de disparaître dans les ténèbres. Artemis émit un grognement en le voyant détaler comme un lapin poursuivit par un renard. Ce gamin n'avait pas mauvais fond et aurait mieux fait de se trouver un cours du soir plutôt que de vouloir jouer au caïd. Le silence était retombé sur la ville. Si tant est que Gotham soit jamais vraiment silencieuse alors que le bruit lointain des sirènes de police fendait l'air dans un hululement lugubre. La lune veillait sur sa fille la plus indisciplinée, couvrant de ses rayons une ville qui aurait dû dormir depuis longtemps. Il y avait quelque chose de vaguement poétique à contempler la mégapole plongée dans les ténèbres. Impossible de voir les traces de ruine et de décadence dans le noir. C'était un paradoxe que ses habitants avaient vite accepté, inscrit en eux comme leur incroyable capacité de résilience face à l'adversité. Faites confiance aux Gothamites pour réussir à garder la tête dans les étoiles tout en ayant les pieds dans la boue.

Enfin un semblant de nouveau dans cette quête sans fin. Peut-être que ce gamin lui avait menti mais c'était la première fois qu'elle pouvait reprendre ses recherches après des mois de stagnation frustrante. Artemis avait cru que rien ne pourrait l'arrêter mais débarquer dans une Amérique en plongée dans une lutte sans merci contre le Syndicat du Crime lui a prouvé le contraire. Ils n'avaient pas tardé à mettre leurs plans à exécution et l'Amazone avait choisi de faire profil bas, ne souhaitant pas que sa présence de ce côté de l'Atlantique remonte à la surface.
Pas de témoin, personne qui ne soit en mesure de découvrir sa véritable identité. Mais ça avait pris beaucoup plus de temps que prévu et elle s'était sentie saisie d'une étrange nervosité, comme du besoin de sortir de cette léthargie dans laquelle l'avait plongée cet hiver sans fin. Elle n'était pas faite pour l'immobilisme. Mais elle refusa encore de se mêler de ces histoires qui n'étaient pas les siennes. Elle avait laissé faire. Et la ligue de justice était parvenue à rétablir la situation alors qu'Artemis, comme beaucoup d'autres, se terrait dans les ombres de Gotham en attendant des jours meilleurs. Mais la récente élection de Luthor à la présidence n'avait pas arrangé l'affaire. Ce monde ne trouverait-il jamais la paix ?


Il semblerait que le temps et le destin conspirent à la ramener toujours au même point. Artemis, quelques soit les circonstances, semble n'être destinée qu'à deux choses. L'exil et courir encore et toujours après un but qu'elle ne fait que toucher du doigt. Les mois défilent, le temps passe. Et avec lui, les chances de retrouver Asma s'amenuisent. Mais elle le tient toujours, ce fil sensé la ramener à  elle. Et elle s'y agrippe de toute ses forces, refusant d'imaginer une seule seconde que la ligne finira peut-être par remonter sans rien au bout.





Autre temps. Autre lieu. Peu importe que l'on brouille les pistes ou que l'on change les événements, Artemis, quelles que soient ses vies, a l'air toujours condamnée à courir après des mirages. Point de voyage initiatique à travers le monde ici, point de quête. L'amazone dans ce monde-ci s'est retrouvée mêlée à des filières issues de Qurac et d'autres pays du Proche et Moyen-Orient. Un peu mercenaire, mais pas vraiment à la fois, on emploie ses services à la recherches d'objets anciens et d’œuvres oubliées par le temps et perdues à travers le réseau arachnéen du trafic d'art. Elle suit sans le savoir les pas de ce qu'aurait dû être sa vie, sans pour autant comprendre que ce qu'elle recherche avec obstination n'a rien d'un objet inanimé. Récemment arrivée outre-Atlantique en suivant le fil d'une filiale méconnue, l'amazone n'a aucune conscience d'avoir été changée d'univers, ne gardant de sa vie véritable que ce sentiment confus que quelque chose ne colle pas dans l'ordre des choses et des images fugitives qui lui laissent parfois une drôle d'impression.

Cours Artemis. Tu ne le sais pas encore, mais l'histoire est en train de se répéter.

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