Les faibles rayons du soleil illuminaient une bonne partie de sa chambre, éclairant aussi son lit et le sortant d'un lourd sommeil. Quand son regard se posa sur le cadran de sa montre, encore attachée autour de son poignet, Damian remarqua qu'il était déjà quasiment onze heure du matin. Il avait passé la nuit dehors et était rentré au petit matin. Le collège ne faisant pas partie de ses priorités, il ne s'y était évidemment pas rendu. Un peu trop tard pour se mettre en route de toute façon. L'adolescent finit par se lever, la tête dans le sac. Glissant ses doigts dans ses cheveux, il se traîna difficilement jusqu'à la salle de bain. La lumière eut pour effet de lui faire plisser les yeux, l'éblouissant. Il déposa ses mains de chaque côté de la vasque et leva la tête pour voir son reflet dans le miroir. Franchement, aujourd'hui, le petit Wayne a vraiment une sale tronche. Les cernes sous les yeux montraient le peu d'heures de sommeil qu'il avait emmagasiné ces dernières nuits. La nourriture joue aussi un rôle primordiale et Damian se nourrissait vraiment très mal depuis qu'il avait quitté le manoir de son père. Il ne prenait jamais le temps de se faire à manger. De toute façon, il n'est pas certain qu'il parvienne à faire quelque chose. Ce n'est pas un domaine dans lequel il excelle. Depuis tout petit, il a été habitué à ce que les plats tombent tout fait devant lui. Ce n'était maintenant plus le cas et ce n'était pas les paquets de biscuits et autres cochonneries qu'il avalait, qui allaient le nourrir de façon convenable. Difficilement, le gamin se traîna sous la douche, laissant l'eau chaude ruisseler sur son corps. A sa sortie de la salle de bain, une fois correctement vêtu, il n'y avait aucune odeur d'un petit déjeuner en préparation. S'il voulait se remplir l'estomac, il devrait le faire par lui-même. La cuisine était quasiment flambante neuve et ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un pro du ménage. Damian a horreur des tâches ménagères. Mais c'est parce qu'il ne se sert pas des plaques de cuisson. Seuls les placards et le réfrigérateur parfois, sont habités et encore, quand il n'oublie pas de rapporter quelques trucs à mettre dedans. En ouvrant ce dernier, il se retrouva face à un désert de froid. Il ne restait plus qu'une bouteille de lait entamée dont la date d'ouverture lui échappait. En dévissant le bouchon, il y eut cependant une odeur suspecte qui le freina dans son élan. Le petit assassin en herbe ne cherche pas non plus à tomber malade. Il revient déjà d'assez loin comme cela.
L'estomac réclama son dû, douloureux par des crampes et laissant un grognement s'échapper, Damian se laissa tomber dans un fauteuil. Comment va-t-il s'en sortir ? Combien de temps pourra-t-il survivre de cette façon ? Son père a raison, il est trop jeune pour vivre seul. Mais rien que de penser à lui, que le gamin en grinça des dents. Une réaction d'agacement, non pas envers cet homme, mais envers lui-même en se rendant compte que Bruce lui manque, parfois. Il attrapa son portable, le déverrouillant par la reconnaissance faciale et se rendant aussitôt dans le répertoire. Son doigt s'apprêta à appuyer sur l'un des contacts portant le surnom « papa », mais il se ravisa après hésitation. Ce surnom qui n'est que dans son téléphone, parce que Damian n'a jamais appelé son père ainsi de vive voix. Il serait trop content si son fils l'appelait ou lui envoyait le moindre message. Mais le petit Wayne n'a pas envie de courber l'échine, ce n'est pas son genre. Il n'admettra pas qu'il a besoin du seul parent qui ne l'a pas tout à fait abandonné. Le garçon finit par réaliser que son paternel devait peut-être bien le surveiller, comme Alfred a retrouvé sa piste. Il donnerait sa main à couper que le majordome n'a pas été capable de tenir sa langue. Un éclair lui traversa l'esprit et d'un coup, Damian se releva pour retourner dans sa chambre. Il attrapa un sac à dos et y fourra ses vêtements dedans, avant de disparaître de l'appartement. Il n'avait aucune envie de faciliter la tâche à son père. Lui, quand il a décidé de n'avertir personne et de le laisser croire qu'il était mort, il ne s'est pas soucié que son unique garçon avait le cœur brisé et sombrait de plus en plus.
Le petit se doutait qu'il pouvait avoir confiance en quelqu'un dans cette ville. Il voulait le croire surtout, mais cette fois, il ne se tournera sûrement pas vers sa psychopathe de mère, elle serait capable de l'achever. Sac sur les épaules, l'adolescent remonta la rue jusqu'à se trouver devant l'immeuble où vit Selina. De longues minutes de marche, si ce n'est plus, il entreprit de se faufiler à l'intérieur, grimpant l'escalier pour arriver à l'étage désiré. Justement, l'amie de son père verrouillait la porte, mais ce qui interpella le petit, c'est les cartons à ses pieds.
« Selina ? Ne me dites pas que vous allez vous installer au manoir. »
Il serait déçu qu'elle le fasse, ce qui voudrait dire qu'il n'aura plus d'endroit où se rendre. Mais dans le fond, il espérait seulement qu'elle déménage, pas trop loin d'ici cela dit. Parce qu'elle a sûrement souffert aussi du plan tordu de Batman. Elle non plus n'était même pas au courant qu'il était encore en vie. Damian voulait croire qu'elle lui en voulait, tout autant que lui peut lui en vouloir pour cette attitude d'égoïste que son père a eu envers eux. L'adolescent voulut dire autre chose pour s'en assurer. Poser une autre question ou faire acte de présence afin que Selina ne remarque pas qu'il était perdu dans ses pensées. Il ne voulait pas qu'elle se rende compte qu'il souffrait de la situation, parce que les sentiments c'est pour les faibles et il n'a pas été élevé pour être un raté. Mais aucun mot n'eut le temps de franchir la barrière de ses lèvres, que son estomac émit un grognement disgracieux, ayant pour effet de porter la main du gamin sur son propre ventre, l'air un peu embêté.
« Désolé. »
Ce n'est pas dans ses habitudes non plus de s'excuser, mais là ça valait sûrement le coup de le faire. Le pauvre garçon n'a rien avalé depuis le matin de la veille, il peut avoir faim.
Se retrouver seul au monde, c'est un sentiment vraiment bizarre. L'impression de n'être utile à personne. De n'être rien. Mais ça permet aussi de gagner en maturité. De voler de ses propres ailes, de n'avoir de compte à rendre à personne. De prendre des risques, sans s'inquiéter pour les autres. Finalement, tout n'est pas tout noir. Peu à peu, Damian commençait à apprécier vivre en parfait petit solitaire. Après tout, il l'a toujours été. Ne jamais faire confiance à personne. Son grand-père lui disait toujours de se méfier des gens qui disent « fais-moi confiance », il s'agit toujours des pires. Et il n'avait pas tort. Tout le monde s'imagine que Ra's al Ghul est le mal incarné. Un démon sans pitié. Mais son petit-fils sait qu'il n'est pas que cela. L'homme a souffert et souffre encore. Il a été trahi par les siens, tout comme Damian a pu l'être, dernièrement en date, par celle qu'il appelait mère. Une belle erreur, car cette folle l'a trahi à trois reprises. Elle l'a abandonné aux mains d'un homme qui a tenté de le changer et de lui imposer des gens qu'il détestait. Elle l'a poignardé. Mais le pire reste qu'elle a ramené Todd à la vie. Des trois points, c'est ce dernier que Damian ne lui pardonnera jamais, à l'instar de son grand-père.
Mais parfois, la solitude reste pesante, et on a envie de voir du monde ou juste de sentir que d'autres sont également aussi seuls. Histoire d'être rassuré, en se rendant compte que finalement, certaines personnes vivent la même chose. Et si quelqu'un pouvait bien partager un peu de la rage de Damian, même amoindrie, c'était Selina. La presque petite-amie ou ce qui s'apparente le plus, de son père. Sa belle-mère en quelques sortes. Il sait parfaitement où elle habite, du moins, il connaît son ancien logement, puisque si Bruce est un excellent détective, il semblerait qu'il ait transmis ce gène à son garçon. Celui-là parmi tant d'autres. Par chance, Selina n'était pas encore partie, mais au vue des cartons se trouvant à ses pieds, l'appartement ne devait plus qu'être un logement sans vie, dénué de locataire à présent. Il eut beaucoup de chance d'arriver avant qu'elle ne soit partie pour toujours. Et contrairement à sa crainte, elle ne comptait pas s'installer au manoir. Damian la comprenait bien, puisqu'elle aussi n'était pas la bienvenue dans cette stupide famille qui n'a strictement rien d'une famille, puisque personne n'en respecte le chef et que Bruce laisse tout passer à tout le monde.
« Le manoir Wayne aux mains d'étrangers qui te détestent également. »
Qu'auraient dit ses grands parents paternels en voyant que leur bien immobilier, censé revenir à la génération future, était prise d'assaut par de stupides orphelins qui se prennent pour les rois du monde ? Damian ne voulait même pas y songer, de toute façon, ce n'était plus son problème. Son père n'a pas été en mesure de le protéger et de le faire se sentir comme chez lui dans sa propre maison. Il n'a que faire de ce que devient l'héritage des Wayne. Alors, il ramassa un carton, emboîtant le pas à Catwoman et comme il le pensait, elle déménageait.
« Je ne risque pas de lui dire quoi que ce soit, il est trop occupé avec ses faux fils et ses plans égoïstes, pour se soucier de moi... Mais j'accepte l'offre. »
Un petit tour en taxi jusqu'à un immeuble plus moderne, le petit assassin comprenait que la récente disparition de Bruce, se faisant passer pour mort, ne l'avait pas blessé que lui. Mais allez le faire comprendre à cette chauve-souris forte butée. Surtout quand son garçon lui ressemble comme deux gouttes d'eau niveau caractère. Il ne peut avoir des discussions qui ne se terminent pas en guerre. Comme quoi, il semblerait que Damian ait prit tous les mauvais côtés de son père. Au moins, il n'a pas sa compassion bizarroïde qui consiste à adopter tous les mômes du coin en délaissant son propre enfant.
« Tu le fuis aussi ? »
Dit-il en entrant à sa suite dans l'ascenseur. Il se doutait que comme tous les adultes, elle préférait avoir sa version à lui avant de se confier sur la sienne. C'est que Damian commence à connaître le fonctionnement des gens qui vivent à Gotham City. Il n'a pas trop eu l'occasion de parler avec des habitants dans les autres villes et ignore si c'est pareil. Lorsqu'il y allait, généralement, c'était pour le compte de la Ligue des Assassins, afin de tuer. Il ne prenait donc pas le temps de tailler une bavette.
A l'intérieur de l'appartement, même si c'était assez en bordel avec des cartons un peu partout, le petit Wayne remarqua assez vite que c'était plus grand que le logement que Selina avait avant. Des chats ronflaient un peu partout dans la pièce, sinon ça ne serait pas chez Catwoman. Il se déchargea de ce qu'il portait sur la table et prit place sur un tabouret. Il aurait voulu faire l'adulte, comme parfois ça lui arrive, en prenant un café, mais là, il a vraiment faim et un vrai petit-déjeuner ne peut que le faire languir.
« Pancakes et chocolat ? »
Alfred fait les pancakes comme personne, mais Damian est prêt à tenter l'expérience ailleurs. De toute façon, il ne se voit pas appeler le pauvre majordome pour lui demander de traverser toute la ville afin de venir lui en faire. Il peut être un sale gosse arrogant et fortement rancunier, il n'est pas cruel à ce point. Et au final, il aime bien Alfred. Mais comme il s'y était attendu, Selina lui demanda, en quelques sortes, tout ce qu'il s'était passé, le ramenant ainsi à l'instant présent.
« L'histoire est bien longue, tu as toute la journée ? »
Il observa le chat qui dormait au coin du bar, avant de reposer les yeux sur l'adulte se trouvant de l'autre côté.
« Quand il a disparu... Dick a prit son costume. C'est même pas son fils et il se bat aussi bien qu'une fillette de maternelle. Il a ridiculisé Batman, mais tout le monde trouve ça normal. Et mon père qui revient comme si de rien n'était, alors qu'on le croyait mort. Il a fait ça pour le bien de tous qu'il dit... Je n'ai que lui au monde, il pensait vraiment que j'allais lui sauter au cou alors qu'il m'a abandonné ? Il s'est sacrifié sans même se demander ce que j'allais ressentir moi. Comme tout le monde, en fait, il s'en fout. Quant à ma mère, elle m'a poignardé parce qu'elle non plus ne voulait pas de moi. »
Mettre des mots sur cette histoire était plus difficile qu'il l'aurait imaginé. Lui, qui n'a pas l'habitude de se livrer, sentait bien que l'épreuve n'était pas facile. Il détourna un moment le regard, pensant à la suite. Pensant à ce qu'il avait fait récemment.
« Mon grand-père avait raison. Je ne peux me fier à personne. Je vais reprendre la Ligue des Assassins comme c'était prévu. C'est mon héritage. Et lui, au moins, il ne permettra pas à n'importe qui de me voler ce qui me revient de droit. »
Ils ont autre chose à faire que de la détester. Oui, peut-être. En même temps, Bruce ne l'a jamais réellement présenté comme étant sa petite-amie et rien n'est officiel entre eux. Ce qui n'est pas le cas de Damian qui se trouve être son véritable fils. Même si un test ADN a été fait par les soins de Batman, sans ça, il n'y aurait pas eu de doute non plus. Leurs caractères semblent presque similaires, bien que l'un des deux soit dans l'âge de la raison, quand l'autre se trouve dans l'âge de la rébellion. L'adolescent ne reprit pas la parole, voyant que certains de ses propos tombaient dans l'oubli. C'est toujours comme ça avec les adultes de toute façon. On lui demande de se confier, de dire ce qu'il a sur le cœur et quand enfin il le fait, on fait mine de ne pas l'avoir entendu. Finalement, Selina joue au même petit jeu que les autres et ça agace fortement le jeune garçon qui la pensait différente.
Dans l'appartement, Damian s'était étendu sur une partie de ses problèmes avec son père. Ce qui en ressortait, c'est que Bruce était tout aussi têtu que son fils. Et ça, l'adolescent ne savait pas s'il devait en être flatté de ressembler à ce point à son modèle ou effrayé de savoir que son paternel risque de ne rien changer.
« Il agit comme s'il culpabilisait à cause de ce que j'ai vécu. Je ne lui ai jamais reproché mon enfance sans lui. C'est Talia la responsable, elle ne lui a rien dit. S'il avait su que j'existais, il ne m'aurait pas laissé à la Ligue. Je le sais et je n'ai jamais eu de doute là-dessus. »
Parfois, il avait l'impression que son père cherchait à modifier ce qui ne peut l'être. Damian peut tout à fait comprendre que Bruce aurait aimé être là pour toutes les grandes premières fois de la vie de son fils. Les premières minutes, les premiers biberons, premiers mots, premier anniversaire et même premiers pas. Tout comme le gamin aurait préféré grandir auprès de lui, avoir une véritable enfance et quelqu'un qui l'aime véritablement pour ce qu'il est et qui veille sur lui. Mais le passé ne peut être modifié et ils doivent faire avec ça, ils n'ont pas le choix.
« Il se sent vraiment si seul que ça, pour s'imaginer que sa vie a si peu d'importance ? »
Damian est peut-être jeune mais il est plutôt assez mâture pour son âge. Il a bien remarqué que son père n'avait jamais reçu l'amour qu'il aurait mérité avoir, à l'instar de son fils d'ailleurs. Ses parents sont morts sous ses yeux, quand il n'avait que huit ans. Il n'a jamais reçu l'amour d'une femme non plus, il ne s'agit-là que de fille de passage, incapable d'accéder à son rêve d'avoir une vie stable. Pour Damian, c'est de la faute à toute ces personnes si son père s'imagine que sa vie n'a pas d'importance. Qu'est-ce qu'il peut tous les haïr, parce qu'au final, c'est toujours le même air de déception qui flotte sur les traits de Bruce. Songeur, il observait le liquide dans sa tasse, tout en écoutant les paroles de Selina. Décidément, lorsqu'on s'appelle Wayne, on a vraiment un sacré problème au niveau de l'amour propre et des réactions. Son père ne lui a pas transmis que ses bons gènes, il a fait un lot de tout ce qu'il y a de plus extrême en lui, pour les refourguer à son rejeton.
« L'éducation n'est pas une excuse à tout. Elle m'a poignardé. J'ai eu une éducation bien plus extrême que la sienne, puisque j'étais destiné à devenir le prochain Ra's al Ghul et il ne me viendrait pas à l'esprit de poignarder quelqu'un à qui je tiens. »
Là, il ne parlait pas de futurs enfants qu'il pourrait avoir dans l'avenir, mais la personne qui lui était venue en tête, c'était évidemment son père. Bruce ne semble pas se rendre compte qu'il est la personne que Damian aime le plus au monde. Il a réussi à faire naître ce sentiment dans le cœur de son fils et évidemment, il va de soi que même si parfois il y a de la tension entre eux, tout petit assassin que l'ado peut être, il n'attenterait jamais aux jours de Batman. Même lorsque ce dernier lui court salement sur le haricot.
« Je ne suis pas en colère, je suis résigné. Et mon choix est tout à fait réfléchi. La Ligue des Assassins ne laisse jamais partir l'un des leurs vivant. Mon père a eu de la chance jusque-là, mais il est sur la liste des hommes à abattre. Ra's ne l'épargnera pas, sauf si je prend la place de Leader. C'est moi qui déciderais. N'importe quel idiot peut se déguiser en Batman, regarde Dick... Mais personne ne peut remplacer Bruce Wayne... J'ai vraiment fini par le croire mort... Alors si je peux éviter que ça n'arrive pour de vrai, qu'importe qu'il me déteste pour mon choix, au moins il sera vivant. »
Le reste, il s'en fout. L'avis des autres à son sujet, c'est le cadet de ses soucis. De toute façon, Damian ne s'attache jamais facilement. En dehors de Bruce, il n'a d'ailleurs aucune autre réelle attache. C'est l'avantage d'avoir était endoctriné depuis tout petit. Mais Ra's connaît son petit-fils sur le bout des doigts et il a très vite remarqué qu'il ne voyait plus Wayne comme un traite et quelqu'un de faible refusant de tuer, mais comme son modèle et son père. Il le tient ainsi fermement en laisse.