Gotham City, 2002Loftis, le partenaire flic d'Harvey Bullock était en train de dormir sur un canapé. Ses ronflements traversaient les locaux de la Brigade Criminelle du commissariat central de Gotham. A part ça, le calme régnait dans la salle de garde. Pas d'alarmes radio, pas de sonneries de téléphone. Harvey bossait seul à son bureau. Il regarda ses rapports. Deux flics en uniformes venaient de partir pour le quartier de Park Row. Un type nommé Jefferson avait poignardé un autre type nommé Washington. C'est une femme du nom de Lincoln qui était à l'origine de l'incident. Harvey avait décliné la corvée :
« Allez-y les gars. Le Bullock vous accompagnera par la pensée dans un esprit de justice impartiale. »Loftis continuait à ronfler. Harvey avait un petit box pour lui tout seul. Le bruit se répercutait. Loftis était un nullard comme flic. Mais il était agréablement efficace quand il fallait faire un saut à la Pagode Chinoise de Tchang pour rapporter des nouilles sautées à emporter. Bullock était en train de rédiger un petit mot sur une carte. Réminiscence : 1998. un prédateur sexuel prend en otage une prof de Gymnastique dans un lycée. Le type la force à se déshabiller dans les douches du vestiaire des filles. Harvey les rejoints sans être vu et fait sauter la cervelle de l'obsédé à bout portant. Mise à pied : usage disproportionné de la force. Passage en commission de discipline. Furieux Bullock avait détruit toutes les vitres des bureaux de la Criminelle en tapant dessus avec ses poings. Le commissaire Loeb l'avait à l’œil depuis à cause de son petit numéro de boxe pour passer ses nerfs. Chaque année à la même date, Bullock envoyait une carte postale à la prof de Gym.
Loftis ronflait encore. Ce type était cocufié par sa femme en permanence. Les rumeurs à ce sujet se répercutaient sans cesse au commissariat. Bullock prit un numéro du magazine screenworld. Les pages étaient fatiguées. Il a lu l'article sur l'Asile d'Arkham un milliard de fois. Le téléphone sonna. Le bouton rouge s'alluma : le capitaine James Gordon. Harvey décrocha :
« Oui patron ? »« J'ai une tâche pour vous, rien d'important, mais à cette heure-ci, vous êtes les deux seuls hommes que j'ai sous la main. Toute la Brigade est déjà réquisitionné pour les investigations sur la fusillade du gang du Pingouin qui a eut lieu il y a une heure. »
« Je vous écoute patron. »« On nous signale un tapage nocturne dans Saticoy Boulevard. Le numéro 2108. Le poste du quartier est débordé et le Central manque d'effectif à cause de tous les gars qui s'occupent de cet accident routier devant Wayne Enterprise. »
Harvey nota l'adresse. Des parasites coupèrent la parole à Gordon. La belle au bois dormant s'ébroua.
« Debout là dedans, on a du boulot. »Loftis se frotta les yeux et bailla jusqu'à s'en décrocher la mâchoire. Le connard avait dormit sans ôter sa veste, et il avait besoin de se raser. Salopard de mécontent chronique. Harvey saisit l'étui qui contenait son arme. Il entraîna Loftis à travers le bloc cellulaire et le vit se remettre les idées en place. Ils se rendirent au garage et prirent une voiture de patrouille. Ils s'engagèrent direction nord. Le tableau de bord indiquait plus de 23h. Alors ce tapage nocturne ? Un peu plus loin sur la droite. La maison était éclairée à flots, de la musique tonitruante. Des étudiants, garçons et filles en train de faire connaissance sur la terrasse. Un p'tit con était en train de servir à la louche du punch que contenait une soupière. Les filles battaient la mesure en rythme. Les mecs arboraient des vestes de joueur de foot de l'université Franklin de Gotham.
Harvey gara la voiture, Loftis en sortit en s'étirant. Un des jeunes paniqua :
« Les flics ! »
Quelqu'un éteignit la musique. Ils s'approchèrent de la terrasse. Les festivités se figèrent. Loftis fit chuuuuuut ! Des rires nerveux circulèrent. Une des filles dit à Harvey :
« Je me souviens de vous au lycée. Vous aviez flingué ce type qui avait kidnappé ma prof dans les douches. »
Un des abrutis tendit un gobelet de punch à Loftis. Il le vida d'un trait. Une cloche d'église sonna minuit quelque part. Harvey tourna la tête. Il lui semblait entendre quelque chose. C'était un son aigu et plutôt faible. Ce n'était pas le bruit de rue derrière eux. Ce son strident. Ça ressemble à des violons qui se superposent. Harvey repéra la direction : la maison voisine sur la droite. C'est un commerce. Boutique d'antiquité. Harvey sortit sa lampe torche et s'en approcha. Des silhouettes traversaient devant la porte du commerce. Des chiens errants des ruelles de Gotham. Des bêtes aux cris aigus. Loftis s'approcha de lui en zigzagant. Bullock traversa le trottoir en braquant le faisceau de sa lampe sur la façade de l'antiquaire. Les chiens étaient en train de lécher le seuil au pas de la porte. La lumière de la torche les effraya. Ils se dispersèrent. Ils avaient le museau rouge vif. Bullock et Loftis, en courant maintenant. Lampe sur le bas de la porte. Évidemment, il y a du sang. Qui suinte sous la porte, qui coagule. Harvey sortit carrément son arme de service.
« On enfonce la porte, regarde où tu mets les pieds. »Ils visèrent ensemble un endroit faiblard vers le milieu du montant. Le premier choc fit sauter la serrure. La porte s'ouvrit en grand. Une puanteur se répandit au dehors. Mélange de sang et de chair en décomposition. Bullock, le flingue braqué :
« Entre, rase les murs, trouve l'interrupteur, fais attention à l'endroit où tu poses les pieds, ne touche à rien. »La boutique était plongée dans le noir absolu de minuit passé. Loftis chercha l'interrupteur.
Lumière.
Un plafonnier de magasin, des ampoules claires. Une lumière blanche qui tombe sur ceci : un salon de commerçant. Des bibelots dans des vitrines, des aquarelles sur les murs. Des meubles anciens, des tapis persan. Le sol trempé de sang. Non, saturé de sang. Un couple mort. Le père, la mère. A coup d'armes contondantes dans la tronche. Mr et Mme Pearce. Une gamine bien vivante dans le coin de la pièce. Loftis ressortit en titubant, Harvey l'entendit vomir. Bullock hésita sur le pas de la porte. Ses genoux tremblèrent. Il lança à son inutile partenaire :
« Appelle Gordon, appelle le coroner, appelle le labo, appelle la Criminelle. Dis leur ce qu'on a trouvé. »Ses yeux se posèrent sur la gamine. Il eut l'impression que le regard de la fille le traversait de part en part.
…………………………
Les cadavres dans des housses mortuaires sur des brancards. Au moins 15 flics dans la boutique d'antiquité. Ils avaient tous allumés des cigarettes pour combattre la puanteur du sang. Le médecin du service de pathologie du commissariat consultait les photos des cadavres. Il lâcha :
« Batte de baseball. »
Harvey le secoua :
« Moins fort, la gamine t'entend. »Au moins 5 flics autours de Luna Pearce. Comment on fait ? Pas un seul foutus de prendre l'orpheline dans ses bras pour la réconforter. Un type du labo foutait des étiquettes adhésives partout. Un type du labo portait des gants en caoutchouc et récupérait des échantillons avec des écopes en métal. On emmena la fille Pearce en douceur. Direction la banquette arrière d'une voiture de police. Direction psychologue pour enfant, assistante sociale, orphelinat et tout le bordel. Famille d'accueil peut-être ? Conclusion du médecin : vu la température des corps, l'assassinat remonte à 3h. Bullock sentit son coeur avoir des ratés et flancha juste à cette idée :
Ils ont buté les parents devant leur fille avant de décamper. Et elle est restée pendant 3h en compagnie des cadavres. Le légiste s'approcha de la gamine pour la prendre en photo pour le dossier. On referma la porte de la voiture. Luna seule, sur la banquette arrière. Bullock s'approcha. Il hésita une seconde qui parut durer 100 ans et colla sa main de bouffeur de donuts sur la vitre. Un geste simple et stupide qui devait vouloir dire quelquechose pour la môme.
Au revoir en silence.La voiture qui s'en va. Les deux corps sur des chariots en fer. Destination Morgue, le train de nuit pour le grand adios. Prière muette de Bullock aux parents :
Je suis désolé si jamais nous n'arrivons pas à vous rendre justice. Notre passage ici bas n'est pas éternel. Un jour, nous nous rencontrerons.Fiche codée par NyxBanana