long lost friends •• pv teth

Depuis quand ma vie était devenue une sorte de Hunger Games en mode survival ? Il y avait forcément un moment clé où tout était parti en vrille, un seul… et si je pouvais revenir dans le passé pour tout changer, je devrais commencer par là. Oh, bien sûr, j’avais eu une petite idée de ce fameux moment : l’explosion ce fameux soir de 2008 à Central City. La mort, brutale, violente. La résurrection. Puis la douleur. Sans fin. J’avais longtemps cru que c’était à cet instant que ma vie avait basculé. Mais depuis ces derniers mois, je venais à en douter de plus en plus. Mes crises de somnambulisme devenaient de plus en plus fortes ces derniers temps, au point que je n’en sois plus au simple stade d’aller aux petits coins sans en avoir aucun souvenir : la plus aigüe m’avait sorti de mon lit jusqu’à me faire aller dans les archives généalogiques de Washington, après avoir récupéré un chargement de livres sur la transmission du mythe du phénix sur le continent américain… jusqu’à ce que je reprenne conscience avec des microfiches d’actes de naissance français sur mes propres ancêtres, et des gravures des hommes de ma famille. Tous les traits de visages identiques au mien, comme si la génétique n’était pas la seule responsable de cette équation. Ce fut le déclencheur de mon départ. Du jour au lendemain, j’avais rassemblé mes économies et, sans en avertir qui que ce soit, je m’étais mis en quête de trouver les explications – rationnelles ou non – à ces souvenirs qui se collisionnaient dans ma tête, et qui ne semblaient pas être les miens, à ces coïncidences trop exactes pour être anodines dans les ressemblances avec chaque homme de ma famille. Retracer mon arbre pour essayer de comprendre. Savoir. Au diable Waller, tant pis pour mes patients, désolé pour mes amis : ce feu qui me consumait avait une origine bien plus complexe qu’il n’y paraissait, et je devais à ma santé mentale d’en découvrir les tenants et les aboutissants.

Bien que mes recherches aient pu être compliquées et fructueuses à la fois, ce ne fut rien par rapport à la frustration ressentie à l’instant où je fus arraché à ces tâches pour me retrouver plongé sur une sorte de champ de bataille ressemblant vaguement à Londres. Un Londres dévasté, en proie à des affrontements que j’avais dû fuir pour me laisser le temps de comprendre ce qui se passait. Sur moi, je n’avais que mes vêtements et un portefeuille vide. Un flash et puis plus rien, j’avais été arraché à ma réalité pour me retrouver ici. Dépouillé. Si j’avais cru à une autre hallucination de mon subconscient à un moment donné, j’avais vite réalisé que même si je ne comprenais pas tout pour l’instant, ceci n’avait rien d’un cauchemar irréel. Il était tout à fait réel. Monstrueusement réel.
Si j’avais pu échanger avec certains locaux et survivants pour saisir les enjeux du conflit qui régnait, j’avais décidé de ne pas trop m’y investir pour le moment… pour la bonne et simple raison que n’ayant aucune possession, je préférais assurer ma propre survie avant de mettre un pied dans des histoires qui, à mon sens, me dépassaient toujours un peu. Par ailleurs, j’avais rapidement pris sous mon aile un groupe de personnes livrées à elles-mêmes, afin de les aider à s’en sortir, comme j’avais pu le faire par le passé lors des évènements qui avaient secoué notre monde. Assister autrui pour oublier ses propres problèmes, une manie tenace, il fallait le reconnaître.

A force de laisser mes oreilles traîner ici et là, j’avais été attentif au fait que je n’étais clairement pas le seul à avoir été traîné de force dans ce monde – ou cette dimension, je n’en savais rien – puisque certains noms ne m’étaient pas inconnus… A commencer par un certain Black Adam. Un homme redouté de tous, présumé Dieu d’une région reculée qu’on appelle Kahndaq, un être doté de pouvoirs hors du commun que certains ne pouvaient que rêver d’égaler un jour… et pour moi, il tenait davantage d’un ami étrange que d’une menace potentielle. Bien qu’il ait été à l’origine d’une avalanche de péchés sur notre monde, je ne pouvais me résoudre à en vouloir au seul être de ce bas monde qui m’ait tendu la main dans les instants les plus sombres de mon existence. Au cours de mon séjour dans son pays, j’avais eu la chance de côtoyer ce leader comme rares en ont eu l’occasion… presque comme un égal. S’il avait eu un impact majeur dans l’acceptation de ma condition, j’osais penser avoir eu un petit impact sur lui d’un point de vue humain. Sans changer sa façon d’être, j’estimais être l’un des rares interlocuteurs avec lequel il pourrait échanger sans avoir à en finir aux mains.
D’une manière plutôt étrange, j’avais remarqué que Teth revenait très régulièrement dans ces rêves étranges qu’il m’arrivait de faire. Alors oui, d’accord, je lui reconnaissais un charme et un physique relativement imposant… mais rien à voir avec ce genre de rêve. Non, je ressentais autre chose pendant ces flashs, comme une proximité encore plus vive qu’à l’accoutumée, des souvenirs d’une vie qui me paraissait à la fois familière et étrangère… Si j’avais déjà trouvé une réponse à ces questions en retrouvant Rosalie il y a quelques semaines, je devais compléter le puzzle avec l’aide de ce « vieil ami ».

Ne me restait plus qu’à lui envoyer un message… et pour ce faire, je n’avais eu qu’à suivre les miettes d’informations laissées au gré des survivants. Des humains, principalement, qui souffraient tous du syndrome de « ce Dieu a sauvé nos vies ». Je l’avais déjà vu auparavant, une sorte d’hystérie collective ciblée au Kahndaq. Une pathologie amusante qui menait toujours à une seule souche : Teth Adam. A suivre un petit groupe de survivants, j’avais réussi à atteindre les quartiers de celui qui avait eu le courage de se dresser à la fois contre les Atlantes et les Amazones. Au beau milieu de Brixton, dernier bastion des humains secourus et hors des combats, je constatais que le paysage n’avait rien à voir avec le Londres que j’avais pu visiter quelques mois auparavant… mais mon instinct, un étrange pressentiment, me confirmait que Teth se trouvait ici. Fatigué de devoir sans arrêt marcher et enquêter pour trouver ma cible, je me décidais à quelque chose d’un peu plus risqué en temps de guerre, mais infiniment plus rapide. Assis en tailleur dans une zone un moins publique que d’autres, je pris une profonde inspiration devant le petit feu que j’avais créé devant moi. Les yeux fermés, je me concentrais intensément sur la chaleur qui s’en échappait, une chaleur que j’avais appris à ressentir comme… réconfortante. Puis bientôt, les flammes devinrent plus intenses, plus lumineuses, plus chaudes : une forme s’éleva dans le ciel, une langue de feu qui montait vers les cieux, avant de s’étendre à la manière d’un oiseau déployant ses ailes dans un plafond de nuages gris. Un Phénix. La forme mythique brilla quelques instants, puis elle se dissipa comme des étincelles noyées sous la pluie londonienne. Je n’eus même pas besoin de rouvrir les yeux pour sentir la présence que je cherchais se matérialiser devant moi. « Si j’avais eu ton numéro de téléphone, je n’aurais pas eu recours à la méthode sioux. » annonçais-je tranquillement, avec un léger sourire amusé en ouvrant les paupières sur la silhouette colossale du légendaire Black Adam. Nos rapports particuliers n’avaient pas gommé l’étrange forme de respect solennel que j’avais à son égard, mais ils encourageaient une proximité que rares pouvaient oser prétendre avoir avec lui. Je me relevais en m’époussetant un peu, le gratifiant d’un regard rassuré. « Je suis content de voir un visage familier, ici… mon ami. Cela faisait bien longtemps. »