Le réfectoire du personnel de la Gotham Gazette. Le coup de feu de midi : tous les employés en train de déjeuner. Bard le discret était repassé 4 fois devant les vitres de la cantine du journal, à rôder pour essayer de discerner Miss Victoria Vale dans la masse. Le réfectoire était bondé. Tous les boxes le long des murs étaient occupés. Bard l'obstiné entra. Miss Victoria était installée à une table en plein milieu. Seule, isolée, à l'écart de tout le monde. La seule table où il n'y avait qu'une seule employée en train de déjeuner sans personne à qui parler.
Deux femmes repérèrent Bard l'étonnant. Une pigiste poussa du coude une rédactrice : qu'est-ce qu'il fout là ce type ? Une femme remarqua sa présence et chuchota quelque chose à une de ses amies. Elles croisèrent Bard l'invité non attendue qui se dirigeait vers le milieu de la cantine. Elles levèrent les yeux vers lui. Sur son passage devant quelques tables Jason déclencha des ooooooh et des aaaaaah à cause de sa dégaine d'homme des cavernes. C'est qui ce type ? On croirait un caverneux sortit d'une série télé, dans le style : le gros dur de service.
Jason vint carrément s'installer sur la chaise juste en face de Vicki à sa table. D'autres employés se regardèrent entre eux. WTF ? Il y eut un moment de calme. Cela fit décroître le brouhaha du réfectoire. Les gens commençaient à les regarder. La salle était VRAIMENT calme à présent. Les gens se contentaient de tourner la tête dans leur direction. Mais qu'est-ce qu'il fout avec elle ce caverneux ? Visez sa tête, on dirait un tueur à gage. Jason toucha la tasse de café de Vicki.
« Bon j'avoue, je voulais me faufiler jusqu'à toi incognito, vu que techniquement j'ai pas le droit de poser un pied ici, mais pour la discrétion c'est raté. »
Jason compta ses points : Humour 2/10. Entrée en matière 1/10. Charme : 0/10. Il se demandait si l'ensemble de ses notes allaient lui donner son passage aux yeux de la demoiselle. Il chercha un endroit où poser ses mains et déblaya un endroit sur le plateau repas de Vicki pour les mettre là. Il réalisa que ça faisait pas très convivial… il les retira aussitôt avec un air gêné sur son visage. Bon, ensuite ? Il commença par sourire à la journaliste. Jason sentit aussitôt cligner un million de paupières autour d'eux.
« Pitié, ne me dis pas que tu ne reçois que sur rendez-vous. »
Bard aux répliques douteuses jeta un regard circulaire à l'endroit. Deux mégères le remarquèrent et détournèrent la tête aussitôt. Une médisante passa sa tête par dessus la paroi de son box et les fixa tous les deux des yeux. Deux pouffes pointèrent leur doigt dans leur direction.
« Et moi qui pensais que je passerais plus inaperçu si je venais te voir au réfectoire plutôt que dans le box qui te sert de bureau. »
Bard le nerveux ne tenait pas en place. Il se chauffa les mains sur la tasse de café de la jeune femme. Il referma ses doigts autours. Ses mains touchèrent celles de Vale. Il s'empressa de les retirer aussitôt en faisant tomber du café. Nouveau coup d’œil. Le rédacteur en chef de la Gazette. Un grand échalas à lunette, les contemplait carrément bouche bée, dans le style : mais qu'est-ce qu'elle fout avec un mastard aux allures de brute ? On dirait un gros bras de la Mafia. Jason joua avec ses mains. Elles tressaillirent.
« J'ai besoin de toi pour une enquête. Et ne me juge pas, car faut bien vivre et je ne peux pas me permettre de choisir mes boulots ou en refuser. »
Bard jeta un regard circulaire à la salle. Ce réfectoire tout entier regardait dans leur direction. Il leva les yeux au ciel : qu'ils aillent tous se faire voir. Il fouilla dans une de ses poches, en sortit une feuille arrachée d'un journal, la déplia et la tendit à Vicki pour qu'elle lise.
Fiche codée par NyxBanana
Extrait du magasine à scandale Gotham Confidential
Rubrique : « Surveillance criminelle. »
Des fourrures fuient furtivement au sortir des chambres froides du fourreur-roi ? Vers où ?
Vous connaissez tous Sol Hurwitz, « le fourreur-roi et le roi de la fourrure », hein vous les mecs à la cool ? C'est lui qui fait ses propres annonces publicitaires au cours du spectacle télé de la revue Gothamienne. Son dernier gag à la mode exploite le dérèglement climatique induit par des étés plus chauds et des hivers plus rigoureux. Il met en scène une tempête de neige animée qui descend sur le Wayne Building, tandis que les gothamiens pris au dépourvu gèlent en bermudas. Il monte ses annonces publicitaires sur une scène de sonorisation faite pour ressembler à un igloo, tandis que sa marionnette mascotte Maurizio Mink fournit le chœur, aussi peu grec que possible : les savants prédisent une nouvelle ère glaciaire pour plusieurs siècles à venir. Achetez votre fourrure Hurwitz dès à présent à des prix défiant toute concurrence, remboursement par mensualités faciles. Et mettez votre fourrure à l'abri quand vous n'en avez pas besoin ou lorsque ce n'est plus la saison, dans notre entrepôt à fourrures de Lyndon Avenue et gratuitement. Vous voyez où nous voulons en venir, matous et minettes ? Sol Hurwitz sait très bien que la fourrure est un article scandaleusement outré à Gotham City la démunie. Et il se fait passer pour le dindon de la farce en négligent de mentionner l'élément fondamental de son commerce : les gens achètent les fourrures pour deux raisons. Pour avoir l'air chic et pour étaler aux yeux de tous leur fortune.
Vous pigez ce qui fait le génie très spécial de Gotham ? Bien, vous êtes sur notre longueur d'onde. Dîtes-vous bien encore que l'appel de Hurwitz pour une mise au frais gratis des fourrures de ses clients est une excellente chose pour ses affaires. Frissons, frissons, brrrr !!! Vos biens-aimés Charlie Chinchilla, Mindy Mink et Rachel Raccoon sont en sécurité chez Sol, à l'abri des voleurs exact ? Eh bien disons que jusqu'à la semaine dernière, vous ne siffliez pas Dixie, c'était du sérieux… Mais en une nuit funeste, 3 ou 4 diables de desperados dont on suppose qu'ils étaient maîtres dans l'art de l'outil et experts en électronique, ont furtivement finalisé avec fracas leurs carrières criminelles respectives en se rendant maîtres d'un sbire de la sécurité avant de disparaître du décor avec un butin estimé à un million de dollars en fourrures laissés en gardiennage. Avez-vous lu les petits paragraphes sur vos contrats de gardiennage « gratis » ? Si ce n'est pas le cas, esgourdez bien ce qui suit : en cas de vol, l'assurance des fourrures Hurwitz vous rembourse au taux de 25 % de la valeur estimée de votre étole ou manteau volé. Et qui plus est, la police ne dispose pas du moindre indice quant à l'identité de ces enfoirés furtifs braqueurs de fourrures !
Le capitaine Johnson Bledsoe, chef de la division cambriolage du GCPD, a déclaré aux journalistes au poste de l'East-End : « Nous savons qu'un grand camion à plateau a servi aux voleurs pour pénétrer sur les lieux et emporter la marchandise. Le gardien malencontreusement blessé dans la circonstance nous a déclaré que 3 ou 4 hommes masqués l'avaient neutralisé. Les voleurs ont eut accès aux fourrures après avoir démonté le système complexe de verrouillage de la chambre froide. Il est évident qu'un des points forts de ce gang de voleurs est leur maîtrise des problèmes technologiques, et je ne connaîtrai pas le repos tant qu'ils n'auront pas été appréhendés. »
Assistant le capitaine Bledsoe dans ses œuvres, le lieutenant Carlisle et le sergent Breuning. S'ajoute à la célèbre équipe cravateurs de criminels un 4ème élément, très surprenant au demeurant : le détective privé Jason Bard, connu chez les adeptes des jeux de poings des rings amateurs de Gotham, sous le sobriquet d'« emmerdeur ». L'enquêteur privé Bard a été mandaté par une douairière à caniche qui fulmine et veut retrouver son vison. Le capitaine Bledsoe, le lieutenant Carlisle et le sergent Breuning ont refusé de parler à Gotham Confidential. Mais Duane Tucker, champion copiste de Gotham Confidential, a réussi à coincer dans ses derniers retranchements Bard l'« emmerdeur » au cours de la fiesta pugilistique qui s'est tenue la semaine dernière au Legion Stadium de Gotham et où il était spectateur d'un match de boxe. Silence et discrétion, vite fait bien fait, ce ne sera pas répété. L'« emmerdeur» detective nous a parlé, et dévoilé ses secrets tout droit sorti de sa cour de récré. Il a qualifié le vol de « casse-tête insoluble » en éliminant l'éventualité d'une escroquerie à l'assurance. Même si la rumeur veut que ce rapace de Sol Hurwitz soit un dégénéré du jeu de dés. L'« emmerdeur» s'est alors fourré sa langue dans sa bouche en se refusant à tout autre commentaire, précisant qu'il a toujours promis l'exclusivité de ses affaires à une journaliste rouquine concurrente de notre journal.
Comble de fourreur, un groupe de fourrurieux maîtres-es-fourrures ont manifesté devant les lieux du crime, où se trouve l'entrepôt de stockage de Sol Hurwitz. Avec les misérables 25 % de remboursement auxquels ils ont droit, ces pauvres parents perplexes ont impatiemment importuné le gardien de leurs petits disparus : Mindy Mink, Rachel Racoon et Charlie Chinchilla en clamant : Revenez à la maison ! L'hiver arrive et nous nous gèlerons sans vous !
Attendez-vous à de nouveaux développements dans nos numéros à venir de « surveillance criminelle » ! Souvenez-vous, c'est ici que vous l'avez entendu en premier : silence et discrétion, vite fait, bien fait, ce sera répété, déformé, amplifié !
La jeune femme insista pour décamper du réfectoire, ce qui lui convenait amplement, tant les regards alentours commençaient à l'agacer. Elle s'engouffra dans un ascenseur alors qu'il la suivait en souriant intérieurement face à la vivacité de la jeune femme pour fuir l'insistance de ses collègues. Mais lorsqu'ils furent enfin seul à seul dans cette foutue cage d'acier, elle donna libre court à sa mauvaise humeur, pestant contre l'affaire que Jason avait du accepter bien malgré lui. Pire elle lui en voulait de l'avoir abordé au vu de tout le monde. Bard ne put cependant s'empêcher de s'esclaffer lorsqu'elle lança :
« Là tu sais qu'ils imaginent tous les scénarios possibles entre toi et moi n'est-ce pas ? »
Il voulut lancer une phrase spirituelle du genre :
« Quel scénario ? Que je te refiles un billet en douce pour avoir les dernières et les biens bonnes des secrets journalistiques de la Gazette ? Ou que tu me gifles après que je t'ai annoncé que je paye 14 pensions alimentaires à 14 femmes différentes après avoir engendré 14 mômes hors mariages ? »
Mais vu la froide fureur de la jeune femme, il préféra s'abstenir, jugeant que ce n'était pas le moment. Il rangea son article du Confidential rendu avec animosité et jeta un regard en douce. Elle avait l'air à cran. Stresse et tension ? Peut-être, donnant probablement sur sans doutes. Vulnérabilité et angoisse ? Sans doutes, donnant fortement sur oui. Il retint son envie de porter une main réconfortante sur l'épaule de le demoiselle, s'attendant à ce qu'elle balaye son geste d'un revers agacé vu son état d'esprit. La porte d'ascenseur s'ouvrit, Vicki qui passe sa main dans ses cheveux. Jason resta debout comme un abruti dans l'ascenseur, ses yeux braqués sur ce geste.
Réminiscence : Vicki qui a 3 ans, elle passe sa petite main dans ses cheveux à LUI. Il venait d'agiter par accident un nid de papillon de nuit qui y avait fait leur lit, les faisant s'envoler de partout devant la môme qui jubilait.
Il reprit ses esprits. Miss Vale avait déjà décampé de l'ascenseur, il s'empressa de la suivre, manquant de se faire coincer par les portes de l'ascenseur qui se refermaient. Il lui dit pour la réconforter mi-sérieux, mi-taquin:
« T'inquiète pas, je voulais pas t'embêter. En fait si j'étais venu te voir c'était parce que pour changer je voulais croiser quelqu'un de normal et civilisé. J'en ai marre à chaque investigation, d'aller m'adresser directement, pour tirer des infos : aux criminels qui lâchent des trucs dans l'espoir de sortir plus vite de prison, aux poseurs de micros du FBI, aux journalistes à scandales en quête de scoop, aux loufiats, aux portiers des grands hôtels et restos de luxe, aux chauffeurs de limousines et de taxis, aux huissiers qui récupèrent les biens, aux employés d'entreprises douteuses, aux piliers de bars, et à TOUS les frustrés de l'univers. »
Et il la boucla vite fait face au spectacle de la salle des archives de la Gazette de Gotham. Des dossiers : la salle avait la dimension d'un parking. Des étagères en hauteur, des étagères en profondeur. On y accédait par des escabeaux roulants. Dossiers journalistiques, dossiers criminels, dossiers judiciaires, dossiers civils, dossiers d'informateurs, dossiers de surveillance, dossiers de ragots. Des centaines de milliers, tous indexés. Jason parcourut les travées vite fait. Il observa les escabeaux, ils se déplaçaient grâce à des roulettes bien huilées. Les structures métalliques hautes de 3 mètres étaient boulonnées au sol. 12 étagères par éléments, 24 éléments au total.
Jason se percha sur un escabeau et lança à la rouquine :
« Laisse moi deviner : t'aimes bien venir ici souvent pour t'isoler ? »
Il fit exprès de lui faire un clin d'œil. Celui breveté Jason Bard. Juste parce qu'il avait dans l'idée qu'elle allait tressaillir si un homme lui faisait un clin d'œil. Et que ça le démangeait de voir la réaction de la journaliste face à une de ses espiègleries. Y'avait peu de personnes comme elle avec qui il pouvait se permettre d'être plus facétieux. Avec Vicki il n'était pas obligé d'être un monstre de sérieux comme la plupart du temps avec les autres. A devoir afficher sa tête de gros dur et son humeur massacrante, pour contrer les désobligeant et effrayer les tocards des rues mal famés de Gotham. Jason s'assit sur la première marche de l'escabeau. Comme ça pour une fois ce n'est pas elle qui devrait lever les yeux vers lui (comme il faisait presque une tête de plus que Vicki) mais lui. Ce qui peut-être ferait plaisir à la rouquine: le Jason en contrebas, elle qui le domine des épaules et des yeux pour changer.
« Pour en revenir aux fourrures, j'avoue c'est le coma léger pour moi. Mais ça me change des hontes habituels de Gotham City. »
Il lui lista les dernières et les biens bonnes alors que c'était pas utile…
« Un boxon privé pour le maire de Gotham complètement ivrogne, que des filles immigrées d'Europe de l'est, plus ou moins contraintes. Le sénateur du New Jersey qui habite Gotham et qui aime les belles éphèbes bien dans leur primeur, souvent un an ou deux en dessous de l'âge légal. Le gouverneur de l'état sadique qui paye des call-girls avant de leur infliger des supplices qui n'étaient pas prévu dans le contrat. Il a aussi une fille nymphomane qui s'est tapée un cadre de la Wayne Entreprise, un masochiste qui a pour surnom dans le milieu : le cendrier humain. Y'a le procureur Tierney qui fait des propositions indécentes à sa secrétaire. Trop au goût de cette femme, il en est venu aux mains avec elle. Le proprio des apparts de Ferndell qui propose aux jolies locataires de payer leur loyer en nature, il les suit à leur travail et même devant l'école que fréquentent leurs enfants pour leur foutre les jetons. »
Inutile de préciser que Bard était au courant de tout ça parce qu'il avait enquêté exprès sur le sujet et que le Seeker allait rendre visite à tous ces gens là (sauf la fille nymphomane bien entendu) afin de leur montrer son point de vue.
Un employé du Gazette passa devant eux et jeta un regard soupçonneux à Jason, il lança avec froideur :
« Puis-je vous aider ? »
« Du tout. J'étais juste en train d'expliquer à mademoiselle Vale que le Gotham nouveau était celui de la grande partouze, mais elle n'a pas voulu me croire. »
Jason fit craquer ses phalanges une par une. La pomme d'adam de l'employé fit un aller retour dans sa gorge. Il décampa après que Jason lui ait affûté un de ces regards : « tu le veux mon poing dans la tronche ? »
L'emmerdeur détala, Jason reporta son attention sur Miss Vale l'inquiète qui se méfiait de ce que cet employé allait raconter sur eux deux à toutes les mégères des étages au dessus.
« Comment vont réagir les médisantes au dessus de nos têtes ? Je crois qu'elles retiendront tout simplement leur souffle jusqu'à ma prochaine visite. »
Et avant même que Miss Vale la distante puisse insister sur le fait qu'elle ne voulait pas de prochaines visites de lui, il s'empressa d'ajouter, sans qu'on ne sache s'il plaisantait vraiment ou non.
« Car oui, il te suffit d'un coup de fil pour que je me matérialise ici. Je suis agréablement efficace dès qu'il s'agit d'aller chercher des nouilles sautées à la Pagode de Tchang et les rapporter quelque part. »
Puis il se leva de l'escabeau en reprenant un air sérieux.
« Sinon j'ai besoin de toi pour que tu me déniches toutes les infos et tous les anciens articles que la Gazette détient à propos d'anciens vols de fourrures. Mais aussi sur une voleuse de fourrure, si jamais ton journal a publié quoi que ce soit à ce sujet. Car oui, j'ai une suspecte. Une voleuse de fourrure qui… aime la compagnie des hommes. Je peux te raconter si tu veux, ça te donnera une idée sur quoi fouiner dans tes archives. »
Jason s'installa par terre en tailleur, dos contre une étagère. Rien à faire de l'inconfort, c'était un ancien marines. Il raconta tout le début de son enquête à Vicki.
…………………………
Deux tourtereaux dans un sous-sols. Les archives pour eux tout seul. Peut-être juste un détective privé et une journaliste. Peut-être juste un type égaré et une femme égarée.
La parole au gros dur.
…………………………
Bard avait appelé un contact au GCPD qui lui en devait une, pour savoir s'ils avaient un suspect. Le flic lui apprit qu'ils s'intéressaient à une certaine « Celia » qui avait déjà dérobée des fourrures de prix et qu'ont avait déjà vu crécher au Hilton Hotel. Le truc pour rupins.
Jason s'y rendit en voiture et prit ses repères. Il brandit son faux insignes de flic (qu'il avait déniché dans un paquet de Kellogs Cornflakes Rice Krispies) sous le nez d'un groom service et produisit sur lui une impression favorable. Le groom alla chercher la réceptionniste. La femme le regarda de travers à cause de ses fringues qui ne correspondaient pas au standing du Hilton. Jason lui dit en mentant qu'il était détective dans la brigade des vols du GCPD. Ce détail séduisit la femme. Jason avait selon elle du panache et un certain je-ne-sais-quoi. Très bien parlons. Jason lui posa les questions habituelles. La réceptionniste lui indiqua qu'elle avait trouvé Celia « dangereuse ». Elle avait louée une suite pendant trois semaines. Elle se demandait d'où sortait le fric. Celia faisait des passes avec des clients. Elle avait juste laissée un numéro de portable en guise d'infos personnelles sur sa fiche d’hôtel. Ce que ne font que les individus interlope selon la réceptionniste. Celia était l'archétype de la femelle interlope toujours selon la réceptionniste. Et c'était tout. La réceptionniste s'éloigna d'une démarche aérienne pour aller faire de la lèche à des douairières à caniches.
Jason se rendit jusqu'à la centrale de Gotham qui gérait les appels téléphoniques pour toute la ville via satellites pour les lignes mobiles. Il se gara. Il se peigna. Il agrafa son insigne bidon sur le devant de sa veste et mâcha des clorets. Il s'entraîna à lancer son clin d'oeil breveté Jason Bard devant une vitre. Il entra et se faufila jusqu'au cœur du bâtiment. Une femme s'activait devant un standard. Une pièce à vous rendre claustrophobe. 3 mètres sur 4 au maximum. Jason capta des relents de pulvérisation d'insecticide. La femme remarqua sa présence. Elle lui dit :
« Cet insigne est un faux. Mon fils mange des Kellogs tous les matins. Je connais les cadeaux pour enfant dans la boîte. Il a le même insigne de flic que vous. »
« Je suis détective privé. »
Elle ôta ses écouteurs et fit bouffer ses cheveux. Elle provoqua une pluie de pellicules.
« Ma réponse est « non ». Quoi que vous vouliez savoir, c'est tout ce que vous entendrez. »
Jason lui fit un clin d'oeil. La femme hurla de rire :
« Vous en avez séduites combien avec cette œillade enflammée ? »
« Et bien en fait... »
« Déguerpissez. »
Il revint à la nuit tombée. Les nuages absorbaient le clair de lune. Une porte latérale du standard avait un air faiblard. L'ancien marines qu'il était introduisit le crochet n°4 dans la serrure. Deux petites secousses repoussèrent les gorges principales. Il glissa un n°6. Il les fit tourner en même temps. La sûreté coulissa, la porte céda. Jason entra et referma la porte derrière lui. Les émanations d'insecticides le firent éternuer. Il sortit sa lampe-crayon et la régla pour obtenir un faisceau étroit. Il s'attaqua à l'ordinateur de la console du standard. Des dossiers informatiques marqués A à G, H à P, Q à Z. Pour toute la ville de Gotham. Rien à faire. Il rentra directement le numéro de portable de « Celia », obtenu à l'hôtel Hilton et imprima la page de son relevé d'appel. Jason coinça la lampe-crayon entre ses dents et prit la feuille à deux mains. Il la parcourut, il regarda les 3 dernières semaines. Hum hum… elle avait appelé la bijouterie « Avco » quatre appels en tout. Et six appels chez des vendeurs de fourrures… Tiens ? Trois hommes listés par numéro de portable avec un nom : voilà les trois prénoms des types : « Lew », « Al » et « Chuck » Ils n'avaient pas arrêté d'essayer de joindre Celia sans réponses. Jason sortit son calepin et plia la feuille dedans. Il avait la suée du cambrioleur. Les émanations d'insecticides lui chatouillaient les narines. Cette putain de lampe-crayon lui faisait mal aux dents.
(Il ne le précisa pas dans son récit à Vicki… mais pendant un instant il fut prit de l'envie irrésistible d'aller fouiner dans les lettres Q à Z, à la lettre « V » précisément, pour aller voir avec qui une certaine Victoria Vale papotait au téléphone. Mais il se retint. Songeant que Vicki n'apprécierait pas qu'il aille voir discrètement avec qui elle conversait sur son portable.)
Les noms des relevés d'appels : « Al », « Lew » et « Chuck ». C'étaient peut-être des amants de Celia ? Jason appela les trois types le lendemain matin. Il mentionna le prénom de Celia. Il leur flanqua la trouille. Il leur donna rendez-vous dans le Coffee Shop sur Saticoy Boulevard. Les trois amants à une heure d'intervalle. Jason arriva sur place une heure en avance et investit un box au fond de la salle. Il se goinfra de beignets et de café et s'éclaircit les idées tout en dessinant le visage de sa mère sur une serviette en papier. Elle aurait eut 63 ans cette année si elle avait été encore en vie.
Al se pointa à l'heure. Il était furieux. Espèce de salopard. Je suis marié. Vous m'avez attiré ici pour me cuisiner sur cette nana que j'ai sauté en douce. Jason harcela Al. Al lui révéla ceci : Il avait rencontré Celia chez Trader Vic's. Ils avaient baisé plusieurs fois chez lui et chez elle à l'heure du déjeuner. Elle avait une baraque dans l'East-End. Ne me demandez pas où, à chaque fois que j'y suis allé, j'étais à moitié bourré. Celia avait plein de fourrures. Elle avait parlé d'import-export. Elle lui avait dérobé cinq mille dollars. Il s'en était rendu compte une fois redevenu sobre. De l'export vers quelle destination ? Bon sang j'en sais rien. Des complices ? Des gens dont elle aurait parlé ? Mais enfin Detective Bard, on BAISAIT, on faisait rien d'autre.
Jason promit le silence et dit à Al qu'il pouvait partir. Al décampa. Lew se pointa. Il était furieux. Espèce d'enfoiré. Je suis marié. Vous m'avez attiré ici pour me cuisiner sur cette nana que j'ai sauté en douce. Jason harcela Lew. Lew lui révéla ceci : Il avait rencontré Celia au Stat's Char-Broil. Ils avaient commencé à coucher ensemble. Il l'avait sauté au Miramar Hotel et dans une baraque vers l'East-End. Elle l'avait tapé de huit mille dollars. Elle avait disparu dans la nature. Il avait essayé de retrouver la maison. Sans succès. Il était pété à chaque fois qu'il était allé là-bas. Pas moyen de repérer cette foutue baraque. Des relations connues ? Des indications sur les fourrures qu'elle refourguait ? Des sujets de conversations ? Detective Bard, vous ne m'avez pas bien compris. On n'a pas vraiment pris le temps de bavasser.
Jason promit le silence et dit à Lew qu'il pouvait partir. Lew déguerpit. Chuck se pointa. Il était furieux. Espèce d'ordure. Je suis marié. Vous m'avez attiré ici pour me cuisiner sur cette nana que j'ai sauté en douce. Jason harcela Chuck. Chuck lui révéla ceci : il avait rencontré Celia au Westward Gotham Steak House. Il l'avait sauté dans une maison dans l'East-End. C'était une location. Les étiquettes étaient encore collées sur les meubles. J'aurais du me méfier. Elle lui avait dérobé trois mille dollars. Il s'en était rendu compte après en dessoûlant. Il s'était rendu au standard de Gotham comme il avait son numéro de portable, pour essayer de la retrouver. Il interrogea une standardiste avec les cheveux plein de pellicules. La chieuse était dans une pièce qui puait l'insecticide. La standardiste était un sphinx. Elle l'avait envoyé promener. Le lendemain il trouvait un cadeau sur son portable : il avait reçu une vidéo de lui en train de baiser avec Celia. A un de leur rendez-vous, la garce avait posé son portable dans un coin de la pièce pour filmer leurs ébats en douce pour le cas-où. Le message n'était pas très subtil : laisse tomber où j'envoie notre vidéo à ta femme. Chuck laissa tomber. Chuck savait que dalle au sujet des fourrures et des relations connues. De quoi vous me parlez là ? Bon sang détective Bard, on a seulement NIQUÉ, rien d'autre.
Jason promit le silence. Chuck détala. Jason tanna la serveuse pour avoir une feuille de papier et un crayon. Elle les lui apporta. Jason dessina et redessina le visage de Vicki (bien qu'il passa sous silence ce passage dans son récit à Miss Vale bien entendu…) Son crayon n'arrêta pas. Il dessina Vicki six fois. Il lui donna des coiffures différentes. Il la fit souriante puis perplexe.
…………………………
« Voilà tu sais tout, et maintenant arrête de me regarder comme si je n'avais rien d'autres à faire de ma vie à part ce métier stupide. Donc est-ce que j'aurais le droit à un coup de main de ta part pour débusquer Celia ? »
Il manqua de s'esclaffer lorsqu'elle accepta de l'aider dans son enquête en échange de ses services pugilistiques, comme ça avait déjà été évoqué il y a quelques temps. Il ne savait dire ce qui l'amusait. Miss Vale en train de négocier pied à pied (vision insolite) ou l'image mentale de Miss Vale sur un ring d’entraînement face à lui, avec des gants de boxe trop grand pour elle (vision encore PLUS insolite).
« T'as gagné, va pour quelques séances de « noble art » comme dirait l'autre. »
Sourire espiègle. Qui ne s'efface pas malgré les admonestations de la jeune femme qui insiste : non il ne pourrait pas consulter tout ça ici en se perchant sur les escabeaux géants et en s'amusant à les faire avancer bruyamment entre deux lectures. Mais elle acceptait qu'elle consulte le bouzin… chez elle. Là par contre Jason cessa de sourire et sa pomme d'adam fit un aller retour dans sa gorge. Oh oui bien sûr il connaissait son adresse. Mais il n'avait jamais posé un pied à l'intérieur de l'appart. En fait il y était passé régulièrement à l'extérieur après qu'elle ait été tourmentée par le Joker. Le Seeker passait chaque nuit pendant au moins 30 minutes voir une heure. A se poster dans l'ombre sur le toit de l'immeuble en face. A surveiller par les fenêtres qu'aucun clown de ce pitre ne venait dans l'appartement de la journaliste pour finir le boulot. Une nuit il était même resté pendant 3h d'affilées sans savoir expliquer pourquoi. Au bout d'un mois il espaçait ses visite à son petit poste d'observation. Il ne passait qu'une nuit par semaine pour le cas où… au cas où un quelconque petit criminel aurait tenté… Une fois il était même venu en journée comme ça, en tant que détective Bard. Il était monté sur le toit de l'immeuble face à celui de Vicki comme d'hab. Jason était tombé sur une scène… particulière. Vicki était aussi montée au sommet de son immeuble. Elle prenait un bain de soleil sur la terrasse, étendue en maillot de bain sur une chaise longue. Et sur le poste de vigie nocturne habituel de Jason pour surveiller les fenêtres de la rouquine, avait prit place un pervers avec des jumelles qui reluquait Vicki. Jason avait botté le cul du pervers. Il lui avait fracturé deux doigts et l'avait mit en garde : tu l'observes encore, tu souffres. Tu t'approches d'elle, tu meurs. Le tocard avait changé de quartier. Jason avait vérifié avec son acharnement habituel de vigilante. Donc oui il connaissait bien l'adresse de la rouquine.
Vale annonça qu'elle allait le virer avec fracas. Il allait demander en se marrant comment elle comptait faire avec son petit 1m57 pour le sortir manu militari et n'eut pas l'occasion de poser la question lorsqu'elle décrivit elle même le procédé.
« Ah non déconne pas. J'ai pas envie d'être persona non grata ici parce que j'aurai dérouillé des agents de sécu. Comment je fais ensuite si je dois retourner ici pour... »
Trop tard, la voilà en train de pianoter sur son portable. L'alarme qui retentit. Jason décampa. Il courut et s'engouffra dans l'ascenseur. Direction le rez de chaussé. L'alarme qui retentit encore plus fort.
« La garce ! La garce ! La garce ! La garce ! »
A détaler, avec 3 agents de sécu sur les talons dans un couloir en lino.
« Eh toi ! »
Jason qui bondit au dessus d'un box de bureau. Qui leur fait une cabriole, style la Mouche Humaine.
En pleine course dans un couloir. Voilà la Mouche Humaine qui court en direction de la sortie, avec deux longueurs d'avance. Les agents de sécus qui gagnent du terrain en le coursant. Qui reperdent du terrain.
« Reviens ici ! »
Jason qui bondit à travers une fenêtre de bureau ouverte, faisant tomber tous les stores en passant. Le voilà qui slalome entre les box. Regard incrédule d'une pouffe : attendez ? C'est pas le caverneux du réfectoire de tout à l'heure ? Jason vire d'un couloirs à un autre, les molosses sur les talons. C'est la Mouche Humaine. L'ex-marines aux pieds ailés. Voyez à quelle vitesse il détale. D'habitude c'est lui le Seeker qui court après les criminels. C'est pas lui qui se fait courser comme un criminel !
« Mais quelle GARCE !!! »
Des tirs de tasers dans sa direction. Ça ricoche sur la porte du service d'entretien. Le voilà qui bondit et passe la porte du Gazette. Le voilà qui se faufile et disparaît dans la foule sur le trottoir.
…………………………
La prochaine fois je lui dérobe son portable.
Le nouveau mantra de Jason Bard. Il était posté devant la porte de l'antre de Victoria Vale. Après sa folle cavalcade, une fois rentré chez lui, il avait prit une douche et changé de tenue avant son rancard professionnel. Bard avait revêtu l'un de ses 3 costumes cravates de sa garde-robe. Celui en popeline marron. C'était celui qui inspirait le plus confiance aux gens en général, surtout pour les interrogatoires. Il n'avait pas mit son complet gris Paul Stuart. Celui-ci intimidait et servait mieux pour faire un certain effet aux gens dangereux des bas fonds. Quand à son costard noir Valentino. Il préférait le sortir pour les grandes occasions. Mais là il n'invitait pas Miss Vale au resto, donc autant le laisser au placard. Il s'amusa lui même de constater qu'il avait tenu à enfiler un de ses 3 costards cravates pour aller voir Vicki chez elle, plutôt que de revêtir ses tenues habituelles ordinaires à la fois sobres et discrètes qui se résumaient à jean sombre, pull sombre, etc. Comble du bon goût (ou du mauvais goût, selon votre point de vue) il avait mit son canotier sur sa tête pour l'occasion. Il y avait marqué « Detective privé de Gotham » sur sa face à 200 %. Il avait été facile pour lui de choisir sa tenue pour aller investiguer chez Vicki. Beaucoup plus dur pour lui de choisir son parfum masculin à mettre pour l'occasion. Il était resté pendant 10 minutes devant ses 3 flasques : celle au bois de santal. Celle au bois d'Inde. Celle d'eau de Cologne à la citronnelle. Puis il s'était dit : mais qu'est-ce que je fout ? On s'en fout après tout, je ne vais pas voir des clients pour me faire confier une affaire et faire bonne impression. Aussi il avait prit une des trois flasques au hasard. Ce qui ne l'avait pas empêché de se demander pendant tout le trajet s'il avait fait le bon choix et si ça allait plaire à Vicki… Surtout que ces 3 flasques étaient hors de prix à vue de nez. Il n'en connaissait pas le prix : le Seeker les avait dérobé dans la salle de bain d'un gros bonnet de la pègre qu'il avait fracassé juste avant.
C'est donc dans cet accoutrement qu'il était planté devant la porte de Vicki. Retiens ton souffle Jason, c'est la première fois que tu va poser un pied là dedans après avoir surveillé l'endroit plusieurs nuits depuis le toit de l'immeuble en face. Il connaissait quelques meubles et tapis pour les avoir observé par les fenêtres de Vicki. Mais pour le reste…
Il leva sa main gauche, celle tenant une bouteille de Whisky Seagram Crow Royal à laquelle il avait placé un beau ruban rouge cadeau autours du goulot. Et il leva sa main droite prêt à appuyer sur la sonnette. Il réalisa que son cadeau pour la rouquine était un peu manqué. La gnôle c'était ce qu'il offrait à des relations masculines dans la police pour des infos ou des relations pugilistiques dans le monde de la boxe, pour avoir le droit à une place au premier rang devant le ring à l'Olympic de Gotham. C'était pas du TOUT ce qu'on offrait à une femme comme présent. Jason se maudit intérieurement en appuyant sur la sonnette pour annoncer sa présence :
J'aurais du lui ramener une boîte de chocolat à la place.
Bard fut soulagé de voir que son présent plaisait et qu'il n'était pas tombé à côté de la plaque. Il avait craint que l'image d'un type qui apporte de l'alcool à une femme soit… disons que ça fait plus scabreux que le type qui apporte des fleurs. Il ne put s'empêcher de scruter l'endroit. Ni taudis ni palace. Plus avenant en tout cas que le laissait supposer la façade de l'immeuble. Le décor dans lequel vivait Miss Vale valait le coup d'oeil. Étagères remplies de bouquins, meubles assortis, des encadrés sur les murs. Jason se crispa de façon imperceptible. Là parmi les photos de la galerie de Miss Vale : son père l'ex-commissaire. Jason se planta au milieu du salon. A mater les motifs sur le tapis. La jeune femme lui proposa de le débarrasser. Jason qui avait retiré son feutre leva son autre main pour lui faire signe « pas besoin ». Il visa lui même le porte-chapeau dans le couloir d'entrée. Il fit un mouvement calculé et envoya planer son canotier à l'autre bout de la pièce, pensant qu'il allait atterrir impeccablement sur le porte-chapeau. Effet manqué. Son couvre-chef heurta le mur et tomba par terre. Jason qui avait foiré son petit coup d'esbrouffe pour la jouer à l'épat devant Vicki, piqua un fard. Il lâcha en passant :
« Euh d'habitude ça marche. »
La journaliste signala l'élégance de sa tenue et demanda en passant s'il n'avait pas oublié leur séance d’entraînement à la salle de boxe pour plus tard. Jason en train de rajuster inutilement son nœud de cravate, avec un sourire amusé.
« Du tout. Et en fait ceci est une tenue professionnelle. C'est mon costard de gentil ça, pour inspirer confiance et pousser les gens à faire des confidences au détective privé que je suis. J'ai aussi le costard méchant pour en imposer aux minables que je dois travailler au corps. Et puis j'ai aussi le costard de soirée, quand il faut y aller au charme. »
Jason s'assit sur le canapé. Il prit un des coussins avec désinvolture et le posa sur ses genoux, comme si visiblement il n'était pas foutus de rester assis tranquille et qu'il avait besoin d'avoir un truc pour occuper ses mains.
« Et si tu me montrais ce que la Gazette possède à propos de Celia, l'affectioneuse de fourrure et dévoreuse d'hommes à ses moments perdues ? »
Il resta assis dans le canapé, pendant que Vale s’éclipsait pour dénicher les documents sur la fameuse voleuse qui arnaquait les hommes. Jason profita de cet instant tout seul dans le salon pour essayer quelque chose. Il n'avait toujours pas digéré son lancé de chapeau manqué. Il aurait du s’entraîner avant de tenter un truc pareil devant Vicki. Il s'exerça avec autre chose. Il prit le coussin du canapé sur ses genoux et le lança dans un autre geste calculé. Le coussin vola à travers la pièce et atterrit sur un des meubles de Vicki avec une rare précision. Jason fit un « OUAIS ! » silencieux esquissé sur ses lèvres. A sa prochaine visite dans cet appartement il retenterait le coup du chapeau. Ça pourrait marcher pour de bon.
Vicki revint dans le salon. Jason lui sourit, effaçant les traits qui donnaient une certaine dureté à son visage.
« ça fait combien de temps que tu occupes cet appartement ? Tu voudrais rester habiter ici ou tu ambitionnes un autre quartier de la ville ? »
Il avait dit ça pour attirer l'attention de Vicki sur lui, qu'elle n'aperçoive pas son coussin sur un de ses meubles et demande ce qu'il foutait là. Nouveau coup d'oeil de Jason sur le mobilier. Un ensemble à la fois homogène et discordant. Regard sur les étagères de bibliothèque. Sans réussir à dissimuler sa curiosité : je-me-demande-ce-qu'elle-lit. Dans son mouvement de tête on apercevait plus nettement des marques de petites coupures de rasoirs sur le menton de Jason. Ça se voyait rien qu'à ça qu'il s'était mis en frais avec nervosité et trac dans sa salle de bain avant de venir ici, comme s'il n'avait pas voulut manquer la première fois qu'il déposait un pied dans l'antre de Vicki.
Prit sur le fait comme un môme pour avoir projeté le coussin. En plus elle lui avait glissé ça en passant comme si de rien n'était, les yeux rivés sur son ordi et assise dans le canapé avec un air studieux, cet air de ne pas y toucher. Rien que pour ça Bard piqua un fard. Il se retrouva avec l'ordi sur les genoux par les bons soins de la journaliste. Il observa le fond d'écran : l'emblème de la Gazette de Gotham… mais quelle surprise. Jason refusa poliment l'offre de boisson de Vicki, tout à coup accaparé par les infos convoitées. Visez le regard scrutateur du Jason. Le détective en action. Il passa en revue les archives concernant Celia. L'arnaqueuse qui aimait les visons. Visez les dernières et les biens bonnes : multiples citations à comparaître pour Celia. La demoiselle fuyait les juges et engageait des sosies pour servir de leurre et se balader dans Gotham City à la vu de tout le monde. La garce avait arnaqué au moins 100 types. Aucun n'avait porté plainte… Jason gloussa. Sans doutes que les mecs refusaient de se retrouver au tribunal à avouer qu'ils avaient tirés un coup en douce avec la succube, trompant leur femme en passant. Les connards préféraient pleurer sur les milliers de dollars dérobés par Celia que de s'embourber dans des procédures de divorce encore plus onéreuse avec des pensions alimentaires à la clés qui les condamneraient à vivre rue de la débine. Les infos de la Gazette était approximatives. Celia était une ombre. Que des rumeurs et des ragots. Tous répétés, déformés amplifiés. Celia se trouvait on ne sait ou dans Gotham. Si ça se peut elle était partie à Tombouctou ou à Kinshasa, pour ce que ça pouvait faire. Rumeur : le braquage de la banque Boulevard Citizen, c'était ELLE. Rumeur : quelqu'un dérobe le vison de la femme du maire de Gotham. Probablement ELLE. Les infos étaient unanimes : Celia adoooorait les visons de toute sorte. Elle aimait farfouiller les fourrures, zyeuter les zibelines, palper les putois et chahuter les chinchillas.
« ça ne peut être qu'elle c'est sûr. C'est pas possible autrement. Maintenant comment la dénicher ? »
Il posa l'ordi sur la table du salon et se leva, à faire les 100 pas dans la pièce.
« Je suis sûr que le braquage du magasin de fourrure c'est ELLE qui l'a fait, mais avec la complicité du proprio Sol Hurwitz. Je suis sûr que c'est une arnaque à l'assurance, le proprio est un dégénéré du jeux de dès. Il a des dettes chez tous les Bookmakers de la ville. »
Jason s'arrêta devant le meuble qui avait reçu le coussin. Il s'empressa de le reprendre pour dissimuler sa gêne à ce propos. Il le lança vers Vicki pour qu'elle le rattrape au vol. Il fit ça en affichant son sourire « avaleur-de-couleuvre-et-fier-de-l'être ». Son regard s'attarda sur la trilogie érotique sur le meuble. Le titre l'intrigua. C'est quoi ce machin ? Bard n'était pas au fait des best-sellers les plus célèbres de ces dernières années. L'ex-militaire obtu qu'il était n'avait rien lu d'autres pendant toute sa carrière que des bouquins en criminologie ou des traités comme l'Art de la Guerre de Sun Tzu ou le pensum de Clausewitz. Aussi c'est avec une naïveté toute Jasonesque qu'il prit le premier exemplaire de 50 nuances et le feuilleta au hasard. Mais qu'est-ce que ? Il était tombé sur une série de dialogues numériques où la groupie et le Howard Hughes du pauvre s'échangeaient des mails sur quelques pages.
« C'est quoi ce machin ? Maintenant y'a des romans qui reproduisent à la lettre des dialogues virtuels ? J'étais pas au courant, je dois être dépassé depuis un bail. »
Il reposa le bouquin et reprit sa réflexion en faisant les 100 pas dans l'appart de Vicki.
« ça me démange sérieusement d'aller voir directement Sol Hurwitz le roi de la fourrure et de le travailler au corps pour lui faire cracher le morceau. »
Ses pas le menèrent jusqu'au seuil de la chambre de Miss Vale sans qu'il ne s'en rende compte, trop occupé à cogiter. Il ouvrit la porte en passant sans se formaliser. Il vit le lit. Oups ! On n'entre pas comme ça dans la chambre d'une femme, mais on a rien vu.
« Ou encore plus subtil. Je loue une limousine, je me balade dans Gotham en faisant style de claquer du pognon. J'ai cas me présenter dans un tripot clandestin et jouer une partie de craps sur tapis vert, à 6000 dollars la main. Tu va voir que Celia va se ramener et essayer de me cajoler pour m'embarquer dans son numéro et me piquer le fric. Là je lui passe les poucettes et la travaille au corps. »
Regard nerveux vers Vicki :
« Enfin je veux dire : je l'interroge. Je vais pas la côtoyer intimement ou quoi que ce soit hein. »
Il contempla furtivement l'agencement de la chambre de la rouquine. Il posa une main désinvolte sur le voilage mural.
« Sympa la déco. »
Il prit même un pan du voilage pour observer et voir s'il s'agissait de satin ou de brocard en soie ou d'un autre tissu comme le velours. Dans son geste il souleva assez le tissu pour dévoiler en dessous les travaux d'investigations secrets de Vale sur le Seeker. Mais Jason n'aperçut pas ce détail, il avait la tête tournée vers Vicki. Il lâcha le tissu et vint la rejoindre sans s'être rendu compte que le voile dissimulait en fait quelque chose sur le mur.
« Mais l'enquête attendra. Comme promis allons danser sur le ring. On y va quand tu veux. »
Jason s'étira des deux bras pour enlever la crampe qu'il avait entre les omoplates. Dans son geste désinvolte, les pans de sa veste de costard s'écartèrent. Elle dévoilèrent la panoplie de Bard. Dans sa poche intérieure droite pendouillait une matraque légère en cuir lesté de plomb. Et dans sa poche intérieure gauche dépassait un coup de poing américain en laiton, écorné de sang séché. Jason qui demande en passant avec la candeur la plus totale :
La rouquine l'attrapa par le bras, la rouquine l’entraîna dehors, la rouquine le jeta carrément sur le pas de la porte. Bard manqua de s'esclaffer. Il soupçonnait que la demoiselle avait finalement éprouvée de la gêne à le voir empiéter sur son espace vitale. Soit c'était à cause du foutu coussin qu'il avait déplacé, soit c'était parce qu'il avait fait irruption dans sa chambre. Au choix. Il l'accompagna, sans cesser d'afficher son sourire espiègle, regardant droit devant lui, en se retenant de lancer quelque chose de spirituel à ce propos. Il préféra éviter pour ne pas que la journaliste ne se vexe et l'envoi paître. En marchant sur le trottoir devant l'immeuble occupée par Vale, Jason lança fièrement :
« Tu va voir, j'ai acheté chez un concessionnaire la Cadillac qui va avec ce costume. Une antiquité qui valait plus grand-chose. Mais ça en impose aux minables quand je débarque dans les quartiers pourris de Gotham pour passer le patelin au peigne-fin et obtenir des infos. Ça fait toujours un certain effet. Et tu risques d'adorer ma voiture, l'intérieur est si confortable et moelleux… »
« Que le serial-Killer Douglas Berbick arrivait facilement à convaincre les enfants de monter dans sa voiture qui avait un intérieur en tout point similaire au mien. » Faillit-il dire à Vicki. (Berbick était la 3ème personne a avoir été officiellement abattu par le Seeker). Mais ne voulant pas que des trucs glauques viennent ternirent l'instant il préféra achever sa description par :
« ...que j'ai faillit m'endormir dedans en conduisant sur l'autoroute. »
Il réalisa alors un détail auquel il n'avait pas pensé en venant ici. Sur le tableau de bord de sa voiture, s'alignait des dessins du visage de Vicki. Qu'il avait épinglé là comme ça. Il l'avait dessiné avec différentes coiffures et différentes expressions du visage. Un truc utile pour lui lorsqu'il était en planque dans sa voiture dans une rue de Gotham, à épier des lieux douteux. Dans ses surveillances avant que le Seeker ne frappe la nuit suivante. Ça lui permettait de tromper l'ennui ou d'attendre de longues heures que le modus operandi de ses cibles ne se dévoilent, en contemplant le visage de la jeune femme. Au moins 5 ou 6 dessins de Vicki sur le tableau de bord de sa voiture. Elle allait les voire dans quelques instants lorsqu'ils auraient débouchés sur la ruelle plus bas où il avait garé son véhicule. Jason paniqua. Qu'est-ce qu'elle allait penser en découvrant ça ?! Il allait avoir l'air d'un pervers finis qui faisait une fixation sur elle. Et elle ne manquerait pas de s'imaginer des choses. Visez la tête de Jason Bard à cet instant précis. Voyez ses mains agités de frissons. Visez cette goutte de sueur qui coule sur son front. Matez attentivement cette veine qui palpite sur son cou. Explosion de niveau 9 sur l'échelle de Richter, et strictement intérieur. Il essaya d'assurer le coup en imaginant en 4ème vitesse, des moyens détournés pour qu'ils n'atteignent pas sa voiture. Il lança :
« J'ai envie de marcher je sais pas pourquoi. Et si on marchait jusqu'à la salle d’entraînement ? Après tout ça ne fait que 30 km, un super échauffement non ? »
Et face au regard non convaincu de la jeune femme il ajouta :
« Ou alors on prend le métro ! J'adore le métro, surtout celui de Gotham. Ou mieux on prend TA voiture. Même si c'est pas une Cadillac, elle doit rester en ligne sous la poussée ? Me regarde pas comme ça, je suis sûr que tu te laisses aller à quelques accélérations avec ta voiture. Des courses de rues clandestines peut-être ?»
Il n'eut pas besoin de pousser plus loin ses inepties. Ils déboulèrent dans la rue où il avait garé sa voiture pour découvrir le spectacle…
Jason était resté au moins 30 ou 45 minutes dans l'appartement de Vicki, principalement à cause du temps qu'il lui avait fallut pour lire en détails les données sur l'ordi portable de Vale. Un délai amplement suffisant pour les petites frappes du quartier.
Voilà le tableau : la voiture de Bard était vandalisée au point d'être irrécupérable. Plus de pare-brise, plus d'enjoliveurs, plus de pneus, plus de volant. Appelons ça le Cadillac Hôtel. Un ivrogne y avait déjà élu domicile. Des poux grouillaient sur lui. Il avait apporté des rafraîchissements. Du pétrole gélifié et du gros rouge. La voiture avait été redécoré. Des slogans tagués à la bombe. « Mort aux flics ! » « Ville de merde ! », etc.
Jason ne savait dire quel sentiment dominait le plus en lui. Le fait d'avoir perdu en un temps record de stationnement sa Cadillac. Ou bien le fait que ses dessins de Vicki avaient été récupérés par les vandales dans leur pillage. Et que du coup, la journaliste à ses côtés n'avait pu découvrir sa petite manie du dessin à propos de certaine rouquine de sa connaissance. Le mélange entre colère et soulagement s'exprima par Jason qui s'esclaffa. Il partit dans un putain d'éclat de rire. Il donna un coup de pied dans le radiateur de l'épave. Il donna un coup de pied dans les portières. Il jeta ses clés de voitures à l'ivrogne.
« Ok, on prend ta voiture. »
Et il pria pour qu'elle ne le questionne pas sur la légèreté avec laquelle il prenait la chose. Si soulagé à l'idée que ses dessins aient échappés à la vue de Vicki, à tel point qu'il ne semblait pas se formaliser outre-mesure qu'on ait infligé ça à sa voiture.
………………………..
« J'ai oublié de te dire. La salle d’entraînement est derrière le Ringside de Gotham et en fait… y'a un match aujourd'hui. »
Il annonça ça à Vicki tout en poussant le battant de la double porte, dévoilant le ring, les deux boxeurs dessus et toute la foule de traîne-savate dans les gradins en train d'hurler. Au moins 300 personnes en train de vociférer pour que les deux types sur le ring frappent plus fort. Ils arrivèrent au moment du 6ème round. La nana en maillot de bain porteuse de panneau, arbora le ring pour annoncer le round suivant. Sifflets dans la foule. Un abruti qui matait les longues jambes sublimes de la fille en maillot cria : « JOLIES CANNES !!! » Un abruti qui matait la poitrine généreuse de la fille en maillot cria : « BEAUX POUMONS !!! » Jason lança un certain regard à Vicki dans le style : me-juge-pas-je-viens-juste-ici-pour-m'entrainer.
Alors que la cloche sonnait pour le nouveau round, Jason indiqua du doigt à Vicki les portes à l'autre bout de la salle de spectacle pugilistique, qui menaient à la salle d’entraînement. Les deux boxeurs qui tournaient sur le ring : un noir et un latino. Le latino lâcha ses droites. Corps à corps. Le latino avec le souffle court. L'arbitre qui vient dans la mêlée pour les séparer et relancer l'affrontement. La latino qui avance, lent, les coudes hauts, dégagé à l'entresol. Le noir en mode chasseur de tête, qui recule après des crochets pas passés loin. Le noir c'était la paresse en mode mort d'ennui. Jason eut un éclair, juste au pif : le match est bidon. Encore un truc truqué par la Mafia. Le boxeur noir : plus de jus, la débandade. Le boxeur latino : crochets en recul, coups au corps. Le noir dans les cordes, le latino dessus, de tous côtés. Des coups de mauviettes, épaule et bras, le latino la garde grande ouverte. Le noir, une gauche paresseuse, qui se dégage. Le latino qui reprend son souffle, garde baissée. BAM !!! En plein dans le cadre. C'est pas le bon qui va au tapis. Acclamations de tous les noirs dans le public. Huées de tous les latinos dans le public. Le boxeur noir avec cette expression du visage : oh et puis merde. Qui attend le décompte. Il s'en alla dans le coin neutre, mollo, au ralenti. A souffler ses baisers à la foule. Vicki et Jason passèrent devant lui aux pieds du ring sur le chemin qui les menait jusqu'à la salle d’entraînement.
L'arbitre comptait : 6, 7, 8… le latino se relève, jambes flageolantes. Le noir qui regagne du temps. Le latino qui revient. Des coups merdiques, que dalle. A portée des uppercuts façon bombe du noir. Le noir qui fait exprès de rater ses coups. Y'a que l'air qui vibre. Le noir, qui fait semblant de haleter, des bras qui font semblant d'être épuisés, ballants, comme morts. Le latino : un pain de première. Puis des directs et des crochets, du droit, du gauche. Le noir qui va au tapis. Jason qui secoue la tête. Quel belle entube de KO. L'arbitre qui compte : 7, 8, 9, 10 ! OUT ! Le latino fou de joie qui saute du ring et embrasse la première jolie fille assise au premier rang. Fille en question qui se débat et crie, nullement venue pour ça. Elle flanqua une droite dans la tronche du boxeur. Le public couina : « BOUUUH ! Chiqué ! C'est nulle ! Remboursez ! » Les latinos lancèrent des pancartes et des bouteilles de bières sur les noirs dans la salle. Les noirs lancèrent des chaises et des canettes sur les latinos. Confusion totale. Les projectiles volaient ça et là. Certains atterrirent sur le ring. Baston générale dans la salle. 300 personnes en train de se sauter à la gorge. Jason enveloppa Vicki dans ses bras et la serra tout contre lui en se ménageant un passage dans la cohue. Comme s'il faisait rempart de son corps pour la protéger. Quelques minables sur leur passage. Jason leur colla des droites, sans lâcher Vicki de son bras gauche. Nouveaux projectiles. Jason abrita Vicki, à enfouir sa tête dans son torse façon protecteur, pendant qu'il se prenait de la bière dans la tronche. L'alcool lui piqua les yeux. Ils parvinrent jusqu'aux portes de la salle d’entraînement. Une fois à l'abri il lança :
« D'accord. La prochaine fois on passe par la porte de service. »
Miss Vale s’écarta de lui tout en le remerciant pour son initiative de bouclier humain. Elle s’inquiéta sur l’hostilité qu’il avait reçu de la foule en leur ménageant un passage. Jason qui inconsciemment regrettait de ne plus avoir le petit corps de Vicki blottit tout contre lui, ironisa sur l’alcool qu’il s’était prit dans la figure et les coups qu’il avait délivré au hasard dans la marée humaine :
« Bof, juste un jour normal à Gotham City »
Avec en accompagnement bien entendu, le fameux clin d’oeil breveté Jason Bard à l’adresse de Vicki. Et celui là il l’espérait était assez spontané pour ne pas qu’elle glousse en lui posant la question, de savoir si oui ou non il s’était entraîné devant la glace ce matin pour exercer ce clin d’oeil. Il décela le temps d’une pulsation que la jeune femme s’était interdit un geste : sa main vers son visage. Elle l’interrogea sur le vestiaire. Jason fit un signe du menton vers l’entrée du gymnase de boxe. Et il poussa la porte d’un coup d’épaule.
La salle : parquet en chêne vernissé, ring au milieu, des sacs de frappes suspendus au plafond et des haltères avec banc de muscu éparpillés ça et là. Jason adressa mentalement une prière de remerciement à l’homme de ménage qui était passé ici dans la matinée, supprimant ainsi l’odeur habituelle de dessous de bras qui flottait habituellement ici. Ça aurait été moins glamour pour leur séance d’entraînement. Le seul détail inconvenant : un boxeur noir en train de s’entraîner dans un coin, à frapper au punching ball. Il les aperçut et reconnut Bard, il s’approcha de lui tout content :
« Eh Detective Bard !!! Fais quoi ici à cette heure ? Tu viens travailler ton crochet du droit ? »
Le boxeur sautilla vers Jason la garde haute. Il fit semblant de lui envoyer un direct du gauche suivis d’un enchaînement de crochets/uppercuts au corps. Jason fit semblant de le contrer par un direct avant d’envoyer une suite de crochets qui frappèrent dans le vide.
« Je rends juste service à quelqu’un Sharkey. »
Le boxeur sautilla vers Vicki, il fit semblant d’envoyer un gros direct vers la demoiselle avant d’enchaîner par un faux uppercut sournois et une gauche stylisé. Bard l’attrapa par l’épaule en ajoutant hilare :
« Sharkey, évite d’asticoter celle-là, elle t’enverrait au tapis. »
Le boxeur crédule qui détaille Vicki, s’imaginant le punch avec lequel elle mettait les mecs KO. Jason emmena le boxeur à part et lui confia à bonne distance de Vicki :
« Tu peux nous laisser ? Je voudrais une séance d’entraînement privée avec elle. »
« Quoi ? Tu veux la travailler au corps ? Tu veux faire une mêlée avec elle sur un dessus de lit mauve en forme de coeur ? »
Visez la tête de Jason, rouge comme une tomate :
« Mais non ! Je l’ai amené ici pour s’entraîner. »
« Dommage, on a envie d’en croquer, rien n’y manque. »
Jason poussa le boxeur dehors. Enfin tranquille, ils avaient la salle pour eux tout seul. Il revint vers Vicki avec le visage confus, adressant une nouvelle prière mentale (décidément) en espérant que la journaliste n’ait pas entendu les confidences de l’autre abruti.
« On en était où déjà ? Ah oui les vestiaires ! »
Il lui désigna les portes des 4 différents vestiaires qui se situaient sur le mur du fond. Il lui montra ça en imitant le geste d’un groom service d’un établissement de luxe.
…………………………
Il se changea. Il accrocha son chapeau au mur. Il épingla son costard sur un cintre et enfila son jogging et son débardeur noir. Il se contempla dans la glace du vestiaire qu’il occupait : et merde. Il avait encore sur les bras les 3 hématomes de sa dernière altercation nocturne en tant que Seeker. Vicki allait encore s’imaginer qu’il avait fait le coup de poing dans la rue avec d’autres tocards en tant que détective privé.
Jason revint dans la salle à patienter en attendant Vicki. Il regarda négligemment les affiches de boxe partout sur les murs de la salle : Ali qui fout un pain de première à Frazier. Tyson qui fout une chataigne à Spinks. Marciano qui fout une mandale à Joe Louis. L’éternel concours de claques et de grimaces entre les types les plus musclés du monde pour répondre à l’obsession masculine : QUI A LA PLUS GROSSE ?! TOI OU MOI ! Jason gloussa devant l’étalage de testostérone sur les murs qui tournait presque à la farce. En même temps il ajusta ses bandages noirs sur les mains, façon boxeur Thaï. Et puis il vit Vicki. Ok
D’accord
J’avoue
Mademoiselle Vale en tenue de sport ça le faisait.
Le coup de chaud n’était plus très loin pour Jason.
Disons le clairement, il avait du mal à ne pas la regarder. Il s’approcha d’elle en faisant mine de regarder par terre puis en relevant la tête pour fixer un point mystérieux derrière elle. Parce qu’il ne voulait pas l’indisposer en l’observant. Il trouvait déplaisant de ce faire dévisager. Et à son sens c’était désagréable pour une femme de se faire observer avec concupiscence par un homme. Donc il préféra faire croire qu’il avait des pensées évasives, concentré sur la préparation et l’entraînement futur, alors qu’en vérité c’était sa présence à ELLE qui occupait ses pensées. Nouvelles images dans ses archives mentales. De nouveaux motifs pour dessiner le visage de Vicki pour plus tard.
« Et donc euh... »
Rien d’intelligent à dire pour dissiper son trouble.
Bard leva les yeux au ciel, mimant un type qui s’offusque, même s’il avait du mal à contenir ce sourire malicieux. Miss Vale se faufila entre les cordes, Jason le gentleman tira la corde du haut pour qu’elle puisse se glisser plus facilement sur le ring. Jason l’athlète enjamba carrément les cordes… Il prit le matériel d’entraînement qui traînait négligemment au bord du ring. D’abord le casque de protection en cuir, il le posa des deux mains sur la tête de Vicki, en attachant les scratchs, en faisant tout pour ne pas contempler l’adorable nuque de la jeune femme. Nouveau trouble, si la taille de Vicki semblait appeler un bras pour l’enlacer, sa nuque semblait appeler des lèvres pour être recouverte de baisers. En retirant ses mains il contint l’envie de toucher son cou. Réussit ! Jason le professionnel ne s’était permit aucun geste ni contact déplacé. Jason le sobre ramassa les gants de boxe d’entraînement et les tendit à Vicki. Il l’aida à les enfiler, en lui attachant les gants avec les scratchs. Là par contre il eut du mal à se retenir… il lui tenait le poignet d’une main en lui ajustant les gants. Le fait d’enlacer le poignet de la jeune femme était très agréable, même si c’était juste un geste utilitaire quelconque. Il se détourna d’elle tout en enfilant ses propres gants de boxe. Il accrocha ses scratchs avec ses propres dents. Genre « même-pas-besoin-d’aide. » Genre : j’ose pas que tu me touches pour le coup. Notez que Jason avait mit les gants comme elle. Mais qu’il n’avait pas mis de casque d’entraînement pour amortir les coups. Autant il n’avait pas envie de la blesser au visage, autant lui se fichait complètement de prendre un quelconque coup dans la figure visiblement.
« Bon alors par ou commencer ? Ah oui, comme t’es plus petite en taille que la plupart des mecs que tu croiseras en cas d’agression, ça sert à rien de leur envoyer des directs, t’as moins d’allonge qu’eux. »
Jason déplia ses bras et envoya une série de directs dans le vide pour illustrer son propos.
« Ta meilleure ressource c’est le corps à corps pour les atteindre, en fait tu dois te rapprocher d’eux pour les cogner ci-possible au corps, cible plus facile, avec crochets et uppercuts. »
Mouvement des bras larges de Jason pour imiter la posture.
« Vise les points faibles, tu tapes dans le foie pour couper le souffle et surtout dans le point faible masculin ultime. »
Regard.
« Tu sais bien. »
Nouveau regard.
« Dans les...euh… les... »
Il désigna son propre entrejambe de son poing ganté.
« Dans les… les… les choses de la vie ! Voilà ! »
En posture face à elle, garde levée, paré au moindre coup de la jeune femme.
« Et puis comme t’es plus petites, tes uppercut au menton auront plus d’impacts car envoyés de plus bas. Va y essaye de m’en envoyer un. »
Jason qui tapote son menton tout sourire.
« Faut d’abord que tu te colles à moi de près, le corps à corps. »
Tout contre la journaliste maintenant. Jason qui rougit ;
« Euh… pas trop près non plus. »
C’est parti pour un round halluciné. Jason qui encaisse les coups de Vicki. Jason le gentillet qui fait exprès de ne pas taper fort et avec une rare imprécision. Tous ses coups se perdaient dans les bras ou les coudes de la garde de Vicki. Tous les coups de la demoiselle arrivaient à destination.
« Tu remarqueras que comme t’es plus légère que la plupart des mecs, tu seras toujours plus vive et plus rapide qu’eux. Cherche pas à cogner le plus fort, cherche à cogner le plus rapidement. T’as plus de réflexes que la plupart des connards de petites frappes qui hantent les rues de Gotham. Tous amoindris par la bière, la cigarette et souvent la drogue. T’as plus d’atouts que tu ne le crois, que tous ces abrutis réunis. »
Poursuite autour du ring. Le mi-lourd trapu tout en muscle contre la poids légère toute en souplesse. Les séries rapides de Vicki qui s’empalaient sur la garde robuste du détective. Les coups en contre gentils de Jason évités de peu par la journaliste en réponse. On était loin de l’échange d’amabilité pugilistique malgré tout. La vivacité de la jeune femme suffisait à la rendre dangereuse pour qui ne prenait pas garde. Son agilité supérieure à Jason vu la différence de gabarit, suffisait à devoir l’obliger à accélérer un peu à et perdre un peu de souffle. Vale imposa une pause. Jason retira ses gants de boxe, les laissa tomber sur le ring et se malaxa ses mains serrées par ses bandages noirs. Douleurs aux articulations. Ancienne fracture du métacarpe à cause d’un pugilat avec les durs à cuirs du gang de Black Mask. Parfois quand il pleuvait à Gotham, la douleur se faisait sentir dans ses articulations. Miss Vale retira son casque pour le laisser tomber sur le ring dans un geste synchro avec le sien. Coup d’œil furtif en douce du détective.
Ce sont ses cheveux…
Qui tombent en cascade quand elle retire son casque. Visez le stoïcisme contenu du Jason : juste sa pomme d’adam qui fait un aller retour dans sa gorge. Vicki l’interrogea sur un cas plus délicat. Que faire en cas d’assaut en traître ?
« T’as bien les prises de judo. »
Il prit la main de Vicki et la dirigea vers son cou à lui, il posa sa main sur son cou. Il prit son autre main et la dirigea en posture d’Aïkido. Il lui indiqua du menton sa jambe, pour lui dire qu’elle n’avait plus qu’à lui frapper l’une de ses chevilles avec pour lui faire perdre l’équilibre.
« Tu fais dégringoler le connard qui t’attaque par un relevé d’épaule. Je sais il est plus lourd que toi, mais tu te sers de son poids pour le faire tomber justement. »
Jason qui se dégage lentement en lui tenant la main.
Juste le temps d’une pulsation...
Il vint s’asseoir par terre sur le ring, en tailleur, dos aux cordes. Le petit Jason tout à coup. A mi-chemin entre le bouddha du ring et un petit môme qui profite d’un moment seul à seul avec Vicki.
« Je te cacherais pas que face aux criminels endurcies de Gotham ça ne suffira pas. Il faut s’adjoindre couteau à cran, poing américain, taser, matraque en cuir lestée de plomb et flingue. Je peux te fournir un de ces ustensiles. »
Jason, les bras étirés, à les poser sur les cordes du ring comme pour les reposer.
« Tout cet éternel combat est comme une foutue partie d’échec. T’as déjà jouée aux échecs ? »
Le regard de Bard qui se perd du côté des affiches de boxe sur chacun des murs de la salle. Tous ces duels.
« Dans ce jeu c’est plus deux esprits qui s’affrontent qu’autre chose. Y’a pas de meilleurs coups. L’idée c’est de trouver le coup qui dérange le plus l’adversaire et le perturbe, et tant pis si c’est un mauvais coup. »
Le regard perdus sur les affiches de boxe. Déclic : à éviter le regard de Vicki.