Debout devant la porte de Luka, j’attends. J’attends de trouver la volonté. J’attends de trouver le courage. Je résiste à l’envie de fuir loin. De prendre mes jambes à mon cou pour éviter cette discussion. Mais non. Je ne peux pas. Je lui dois bien ça. Et si cela se complique. S’il le faut vraiment, alors je m’en irais. Comme je le fais à chaque fois. Mais Luka a le droit de savoir. Il a le droit de comprendre pourquoi j’ai été si bizarre ces derniers temps. Le calme n’est pas vraiment revenu dans ma vie. Après Morro bay. Les péchés relâchés par Black Adam ont envahi le monde. Et moi, bien sûr, je me suis retrouvée aux prises avec mon plus gros point faible : la luxure. Et entièrement tournée vers lui, toute mon attention s’est concentrée sur la seule chose qu’il m’était impossible d’avoir à ce moment-là. Et toutes mes difficultés, toutes mes impatiences, toutes mes envies se sont déchaînées. J’ai alternée les pas en avant, les pas en arrière sans qu’il ne puisse vraiment comprendre. Mais je suis toujours restée là. Sauf lorsque j’étais sur le terrain pour SHADE. Comme lorsque je me suis retrouvée à Gotham à lutter contre Gourmandise et Luxure. Comme lorsque j’ai réellement pointé mon arme en direction d’Harley pour la tuer, par jalousie. Comme lorsque j’ai accepté le plan de Floyd. Jouer l’appât. J’ai pris tellement de risques. Sur un coup de tête. Pour me libérer. Pour pouvoir être avec lui, sans avoir à souffrir le martyr. Pour le protéger de moi, de mes démons. Mais cette soirée à Morro bay, pour soutenir la reconstruction de la bay après l’attaque m’aura fait prendre conscience d’une chose : il a le droit de savoir. Je lui avais parlé de cette soirée. Peut-être la seule vraie chose que je lui ai dite depuis des semaines sur mes déplacements. Et tous ces mensonges… Je grimace. Il va être difficile de lui en parler, de l’affronter. Mais je dois le faire. Je dois vraiment le faire. Alors je le fais. Je lève le bras et je frappe. Entrer dans l’immeuble a été facile, comme à chaque fois. Maintenant, il reste le plus dur. Mais je le lui dois bien.
Lorsqu’il ouvre la porte, je lui souris un peu, penaude. « Salut ! ». Je marque une pause et rajoute : « Désolée de passer à l’improviste… j’espère que je te dérange pas… Mhh... Il faut que... J'ai un truc à te dire... ». Toujours sur le pas de la porte, je passe d’un pied sur l’autre, nerveusement. Je reviens de la côte ouest pour un truc spécial avec rancard organisé et je ne peux pas m’empêcher de penser à ce que lui doit penser maintenant que je lui ai dit ça. Alors j’ajoute un peu précipitamment : « Sur le boulot, un truc sur le boulot ». Je lui souris un peu et lorsqu’il s’efface pour me laisser entrer, j’entre sans me faire prier, histoire de ne pas faire volte face pour prendre mes jambes à mon cou sur un coup de tête. Une fois la porte refermée, l’étau sur ma poitrine se resserre encore. J’ai l’impression de suffoquer. Mais je ne montre rien, restant digne et simple. Le début de soirée s’annonce plutôt ombrageux. Et déjà mon esprit s’embrouille dans des explications sans queue ni tête. Pour stopper tout ça et relâcher un peu la panique qui monte en moi je lui demande : « Comment ça va ? ». J’attends sa réponse avec une certaine inquiétude, puis finalement, me débarrasse de mes affaires sur l’une des chaises. Je ne sais pas par où commencer. Alors déjà, je vais attendre de voir s’il va bien et s’il n’a pas eu de problème durant mon absence.
Las d'une journée de travail, Luka marcha sans se presser le long des rues encore bondées de la capitale américaine. Mains dans les poches, il prit le temps de flâner et de s'arrêter pour apprécier l'architecture urbaine si riche de cette ville. Sa ville. Pour autant, il ne s'attarda pas inutilement et bientôt il fut de retour chez lui, retrouvant son appartement dans le même état qu'il l'avait laissé en partant le matin même. Il fut surpris de constater qu'il avait laissé traîner sa tasse de café. Cette dernière à moitié pleine fut vidée dans l'évier et mis au lave-vaisselle. Pendant les minutes suivantes, il rangea les quelques petites choses qui traînaient ici et là. Finalement satisfait, il se dirigea vers sa salle de bain et prit une bonne douche chaude. Une fois lavé et séché, il enfila un vieux tee-shirt et un pantalon de sport dans lequel il se sentait bien. Il n'y avait, après tout, rien de plus désagréable que de remettre des vêtements serrés après avoir une journée chargée et une douche bien méritée. Chez soi, il fallait savoir se mettre à l'aise. C'était bien d'ailleurs le seul endroit où le confort prenait le pas sur tout le reste. Le seul endroit où il n'y avait personne pour juger. Pieds nus, il rejoignit son canapé et se laissa tomber sur ce dernier. Bientôt, ses doigts effleurèrent les boutons de la télécommande et l'écran s'alluma sans qu'il n'ait besoin d'en faire plus. L'homme zappa un instant jusqu'à tomber sur les informations. Par la force de l'habitude, il laissa ces derniers et attrapa le bouquin qui traînait sur sa table de salon. Un livre à la quatrième de couverture alléchante mais dans lequel il n'arrivait à pas à rentrer. Têtu comme une mule, il persévérait pourtant. Un jour, il arriverait après tout bien à le finir. Du moins, l'espérait il. Il devait bien avouer que l'histoire était une véritable purge et perdait de l’intérêt à chaque nouvelle page tournée. N'ayant jamais été un avide lecteur, l'ancien militaire ne pouvait que se demander pourtant il s'infligeait une telle torture.
Par chance, sa lecture fut interrompue à peine quelques minutes plus tard par des coups portés contre le bois de sa porte. Lorsqu'il ouvrit cette dernière, Luka plongea directement dans le regard de Tracy. Lorsqu'elle lui sourit, il se retrouva à en faire de même, content de la voir face à lui. « Salut ». « Salut » souffla t-il doucement en laissant ses yeux voyager sur son visage. « Désolée de passer à l’improviste… j’espère que je te dérange pas… Mhh... Il faut que... J'ai un truc à te dire... ». Immédiatement, Luka se raidit. Ses mots, il les avait déjà entendu, il y avait longtemps dans un contexte qui n'était pas si différent. En général, cela ne signifiait rien de très bon. Surtout pour lui. S'empêchant cependant de sauter directement aux conclusions, il ouvrit un peu plus franchement sa porte pour la laisser entrer. « Sur le boulot, un truc sur le boulot » rajouta t-elle cependant, en ayant probablement eu un léger aperçu de son moment de panique avant que cette dernière ne soit à nouveau caché derrière son fidèle masque d'impassibilité. A présent curieux, il s'effaça complètement et referma la porte d'entrée derrière elle. Mains de nouveau dans les poches de son pantalon de jogging, il attendit qu'elle lui annonce la raison de sa présence. Lorsqu'elle lui demanda comment il allait, il lui répondit qu'il allait bien et lui renvoya la question, évidemment soucieux de savoir si tout se passait bien pour elle. Après tout, l'homme était loin d'être stupide et il avait bien pris en compte la distance qu'elle semblait avoir imposé – peut être malgré elle - entre eux pendant les dernières semaines. Le changement avait été subtil et serait probablement passé inaperçu avec quelqu'un d'autre. Luka était cependant doté d'un fin sens de l'observation et il n'avait pu s'empêcher de noter les quelques différences qui s'étaient installées dans leur dynamique. Pensant qu'elle était simplement occupée à défendre les innocents – ou les méchants, un fait qu'il ne jugeait et ne jugerait pas - , il avait décidé de lui donner l'espace et le temps dont elle avait besoin. Maintenant, il ne pouvait que se demander si il avait bien fait. Peut être avait elle eu besoin de son soutien. Soutien qu'il lui avait alors refusé à pensant bien faire. Vraiment, les relations étaient toujours un champ de mines d'une rare complexité. Et comme à chaque fois, il se sentait désolé et démuni de ne pas savoir assez bien s'y prendre. « Qu'est ce qui se passe ? » demanda t-il finalement alors que le silence se prolongeait entre eux. Sourcils légèrement froncés, il tenta de jauger son attitude. Tracy était indéniablement nerveuse. Et cela le rendait nerveux. La façon qu'elle avait de regarder à droite et à gauche - un fait dont elle n'avait certainement pas conscience - suffit à le mettre sur le qui-vive. Elle avait tout l'air d'un anima blessé cherchant par tous les moyens une sortie de secours, un moyen de s'échapper. Un comportement qu'il avait plusieurs fois vu à l’œuvre sur le sol poussiéreux des zones de combat. Et cela n'était en rien pour le rassurer. Loin de là.
Le pauvre. Il doit se demander ce qui lui tombe sur la tête. Quelle mouche m'a encore piquée. Ce que j'ai bien pu faire. Ce que je vais lui dire. Des tas de questions, et moi, je ne sais toujours pas par quoi commencer. Il va bien. L'appartement que je balaie du regard est en ordre, comme à son habitude. Les informations courent sur la télé, habitude qu'il a de les allumer en rentrant du boulot. Un bref sourire passe sur mes lèvres, tendre. La question m'est retournée, ma gorge se serre. L'urgence monte encore un peu dans mon esprit. Dans mon corps. La grimace qui passe brièvement sur mes lèvres est probablement plus significative que toute autre réponse. Il me demande ce qui se passe, rompant le silence nerveux dans lequel je suis plongée et je nous plonge tous les deux, de force. « Je... Je suis désolée... Ces derniers temps, je... j'ai été plus distante et ce n'est pas ce que je voulais mais je ne savais plus enfin... plus me contrôler. Tu sais, les péchés ». J'ai un vague souvenir de lui en avoir touché quelques mots, juste après Métropolis, mais les divers états de transe fiévreux dans lesquels j'ai été plongée me laisse quelques souvenirs hallucinatoires qui n'ont jamais eu lieu. Alors, j'espère que je ne rêvais pas... « Tu sais à cause des péchés, cette magie relâchée sur Terre, le mien était la luxure ». Ça, je me suis bien gardée de lui dire, mais peut-être l'avait-il déjà compris de lui-même. Enfin, il n'a pas cherché à s'imposer, me laissant prendre le large sans insister, mais peut-être avec un peu de colère ? Difficile à dire, je ne suis pas la spécialiste du genre. « Je savais que c'était délicat et puis j'ai tellement bazardé de relation à cause de ça, que je ne voulais pas recommencer avec toi ». Cette manie de chercher le réconfort physique presque désespérément tout en repoussant le réconfort affectif. Quelque chose qui n'est pas arrivé avec lui puisqu'il ne m'en a pas laissé l'occasion. Notre relation aussi bancale soit-elle s'est construite bien plus sainement que toutes celles que j'ai pu avoir. Était-ce le meilleur moyen de commencer ? Je ne sais pas. Et en apparence il pourrait bien n’y avoir aucun lien pourtant, il y en a un.
Silence nerveux, gêné. Encore. Mais je reprends très vite la parole, cette fois, pour ne pas lui laisser l'occasion de répondre, parce qu'il y a de grandes chances que je me dégonfle. Alors je poursuis : « Les péchés ont été enfermé à nouveau dans le roc de l'éternité ». Il est peut-être au courant, mais pas de moi. Je ne lui en ai rien dit. « Et je... Eh bien... Disons que j'ai pris part à ça. J'ai été envoyé à Gotham pour ça ». Pause. Maladresse. Je me passe une main sur le visage et je dis : « Tu te souviens que... après le mariage, enfin pas longtemps après, j'ai changé de travail ». Je le regarde un moment et je lui dis : « Je ne travaille plus comme avocate, j'ai été embauchée dans une agence de surveillance et de protection des méta-humains ». En très bref, c'est un peu ça. C'est plutôt une agence d'espionnage et de protection mais bon. « Je n'étais pas à Morro Bay par hasard, enfin si, parce que j'étais sur la côte ouest pour autre chose, mais quand c'est arrivé, j'ai été envoyée là-bas ». Même si, soyons honnête, j'aurais très bien pu y être par hasard et foncer de moi-même, même sans ordre de S.H.A.D.E. Je me sens honteuse de lui avoir caché cela aussi longtemps, mais cela faisait assez peu de temps que nous nous fréquentions. Plus longtemps que la plupart de mes relations mais peu de temps si nous étions des personnes normales. Je me tords les mains, un peu nerveusement. Je ne sais pas comment il va réagir, et je ne lui en voudrais pas d’être en colère. Parce que je le mérite. Mais j’ai toujours été un peu comme ça. Secrète. Steve militaire, j’ai eu l’habitude d’être seule. Et pour le protéger, il y a beaucoup de choses que je tarde à lui dire. Mais Luka est différent. Et avec son départ d’A.R.G.U.S j’avais d’autant moins de raison de lui cacher cela. Je me mordille la lèvre et je dis : « Je suis désolée de t'avoir caché ça... ». Et s’il savait que je suis du genre à accepter de jouer l’appât… J’imagine que ce n’est pas le moment de lui dire, même s’il va surement se demander pourquoi je lui parle de ça maintenant.
Tracy s'excusa de son comportement. Loin d'avoir envie de la couper dans ses explications, Luka hocha simplement la tête pour lui dire qu'il comprenait et qu'elle n'avait pas à s'excuser de la sorte. La période qui venait de se terminé avait été dur pour tout le monde. Et il comprenait donc l'envie qu'elle avait de s'éloigner une fois que le monde avait recommencé à tourner rond. Car oui, comme beaucoup, il avait entendu parler des péchés. Le fait qu'il avait encore des contacts dans le monde militaires et surtout dans le monde de l'espionnage l'aidait grandement à rester à la page. Conscient des difficultés que l'humanité traversaient. « Tu sais à cause des péchés, cette magie relâchée sur Terre, le mien était la luxure ». Luka émit un son dans le fond de sa voix. La luxure. Il devait bien avouer que cette information faisait la lumière sur les comportements .. parfois entreprenants de Tracy. Sur le coup, il avait juste mis ça sur le coup de sa frustration. Après tout, il savait qu'il lui en demandait beaucoup. Peut être même trop. Ses propres démons et insécurités étaient un frein à leur relation physique. Il comprenait donc que Tracy ait des envies et cherche à les assouvir. Lui-même, en tant qu'humain, en avait. Tracy était cependant devenue trop importante à ses yeux pour qu'il s'adonne à une activité physique avec elle sans se sentir prêt. Elle n'était pas qu'un simple visage qu'il ne reverrait plus. Il espérait construire quelque chose avec elle. Et cela changeait tout. Cela accentuait ses peurs et le fait qu'il était mal dans son corps. Un corps qui caché derrière des vêtements était attirant mais perdait en sex appeal une fois dénudé. Peut être ne le voyait il pas ainsi – ce qui était le cas puisqu'il avait osé lui montrer son torse - mais lui ne pouvait empêcher son cerveau de venir à ses conclusions. Clairement, il avait encore du travail à faire sur lui-même pour remonter son estime de soi. Difficile de croire alors qu'il allait pourtant mieux. Lui même avouait y avoir penser une ou deux fois – ou peut être plusieurs fois. L'idée ne lui paraissait d'ailleurs plus aussi effrayante qu'avant. Il fallait juste qu'il combatte son anxiété sur la question pour pouvoir enfin franchir le pas. Et ce afin de lui offrir ce qu'elle désirait. Quelque chose qu'il faisait aussi pour lui-même.« Tu sais que je ne t'en veux pas n'est ce pas ? Péchés ou non » déclara t-il pour bien lui faire comprendre qu'elle n'était pas en tort à ses yeux. La faute reposait sur ses seules épaules. « Je savais que c'était délicat et puis j'ai tellement bazardé de relation à cause de ça, que je ne voulais pas recommencer avec toi » continua t-elle, lui donnant l'impression qu'elle ne l'avait pas réellement entendue.
Avant qu'il ne puisse réponse, elle enchaîna, lui apprenant que les péchés étaient enfermés à leurs places. Il hocha la tête, déjà au courant. « Et je... Eh bien... Disons que j'ai pris part à ça. J'ai été envoyé à Gotham pour ça ». Luka fronça les sourcils, peu sur de comprendre où elle cherchait à en venir. La suite lui tomba alors comme une massue sur la nuque. Sonné par ses révélations, il resta silencieux. Bras croisés sur sa poitrine, il tenta d'analyser la bombe qui venait de lui exploser au visage. Une bombe verbale qui pourtant faisait plus de dégât qu'une bombe physique. « Je suis désolée de t'avoir caché ça... ». « Moi aussi » répondit il, sec. Elle avait eu toutes les occasions de le lui dire. Toutes les occasions. Et elle avait menti. Elle n'avait fait que mentir. Face à face avec un tel mensonge, Luka ne pouvait que se demander si elle ne mentait pas sur autre chose. Sa confiance était quelque chose de délicat et il ne l'accordait pas à n'importe qui. La voir ainsi discréditée n'était pas pour lui plaire. Surtout, le mensonge était quelque chose qu'il détestait. Qu'il haïssait même. Bien sur, il comprenait son utilité. Il n'était pas totalement idiot. Lui même y avait recours lorsque la situation le demandait. Mais pas avec ses proches. Jamais avec ses proches. Si il ne souhaitait pas avouer quelque chose, Luka restait simplement silencieux. Mais il n'inventait pas quelque chose d'autre à la place. Ce n'était pas ainsi qu'il avait été éduqué. Sa grand mère, lui avait d'ailleurs toujours dit que l'on attrapait plus vite un menteur qu'un boiteux. Une remarque qui si elle l'avait fait rire à l'époque, avait depuis lors trouvé tout son sens. Blessé, il laissa ses yeux bleus se poser ailleurs que son visage. Quand il pensait à tout le soucis qu'il s'était fait, il se trouvait idiot. Terriblement idiot. Et usé. Usé et utilisé. Un sentiment qu'il détestait ressentir. « Est ce que c'est quelque chose que j'ai dit ou fait ? » demanda t-il finalement. Il avait besoin de savoir si c'était son comportement qui l'avait poussé à lui cacher la vérité. Après tout, il avait déjà attesté qu'il n'était pas une personne particulièrement facile à vivre. Peut être alors qu'il avait dit ou fait quelque chose qui avait fait penser à Tracy qu'elle ne pouvait pas lui faire confiance. Peut être que son côté protecteur lui avait fait croire qu'il aurait jugé ses choix. Il ne pouvait pas croire qu'elle lui avait simplement caché la vérité ainsi. Pas alors qu'ils étaient devenus de plus en plus proches.
Evoquer les péchés se révèle plus fastidieux que je ne l’aurais pensé. Je dois avouer une certaine honte dans ce que je dis sur la luxure et sur les comportements que j’ai pu avoir envers lui, et cela à de nombreuses reprises, repoussant sans cesse les limites de ma chance et sa patience à ce propos. Mais il a toujours tenu bon, sans jamais montré de colère apparente, une gêne tout au plus et une difficulté à poursuivre à me refuser ce que je demandais. Difficile d’y mettre des émotions sans avoir de réelle confirmation, mais je dois bien imaginer que cela n’a pas dû être facile pour lui de gérer ses limites alors que j’étendais les miennes trop loin dans celles-ci. Cependant, il me rassure en m’assurant qu’il ne m’en veut pas. Et un bref sourire passe sur mes lèvres. Cela me rassure, au moins, je ne l’ai pas trop abîmé. Je ne nous ai pas trop abîmés. Enfin, à cause de ce péché. Parce que je sais bien que le pire reste à venir. Je poursuis mes explications guettant sur son visage toute trace de réaction, même minime pour savoir vers quoi je vais. Un froncement de sourcil d’abord, signe d’une incompréhension qui me pousse à détailler. Bras croisés, droit, l’annonce ne semble pas l’atteindre, mais je le connais trop bien pour savoir que ce n’est qu’une façade, une apparence bien maîtrisée. Je m’excuse, sincère, mais consciente que de simples mots risquent de ne pas suffire. Et sa réaction ne fait que confirmer mes craintes. Le ton sec qu’il emploie également. Mais je l’ai mérité, alors j’encaisse, et j’attends. Je le laisse analyser ce qu’il vient d’entendre, parce que cela ne peut qu’être terrible. Et si les rôles avaient été inversés, j’aurais été furieuse. Je l’ai déjà été d’ailleurs. Pour Jazz. Et mon mensonge est bien plus important que son omission. Il détourne les yeux et je ne m’impose pas. Je reste silencieuse, figée, sans savoir quoi dire ou faire pour l’aider, tout en me doutant que cela ne pourrait qu’empirer les choses. Alors je reste là, sans rien dire, jusqu’à ce qu’il ne pose une question. Je le regarde et je lui dis :
« Non, bien sûr que non… ». Un instant, je réfléchis. Peut-être que si. Mais. Pas initialement. « Ce mensonge, il était comme une protection. De mes proches, de moi, je ne sais pas trop, tout est toujours flou pour moi dans ce domaine. Cela me semblait mieux de ne pas vous le dire. Surtout à Steve. Et puis, toi et moi nous étions encore en train de chercher où on allait, le paradoxe temporel n’était pas encore si loin, et après ton départ d’A.R.G.U.S j’ai imaginé que ça pourrait être difficile à entendre, surement à tort ». Mieux vaut mille vérités douloureuses qu’un mensonge anesthésiant ? Probablement. Je grimace un peu et me passe une main sur la nuque. Je le regarde simplement et je dis : « Et après, je crois que c’était plus facile de mentir… Tu sais, je… même si je ne suis pas toute seule, l’armée a beaucoup mobilisé Steve et j’ai fait beaucoup de choses seule, alors, peut-être que j’ai eu du mal à changer, à bouger… ». Il m’a déjà fallu me faire violence pour ne pas partir à chaque difficulté, alors, là… Je ne sais pas trop. Je me passe une main sur le visage et je lui dis : « Ce n’est pas que je n’ai pas eu confiance en toi, ou que tu m’aies donné des raisons de douter… Parce que j’ai fait avec toi bien plus qu’avec n’importe qui d’autres. Mais j’ai affronté certaines de mes craintes que je pensais insurmontables, alors je crois que c’était peut-être trop pour moi ». Le coup classique du « c’est de ma faute, pas de la tienne ». Mais c’est le cas. Je lui ai fait confiance pour beaucoup de choses, et je suis toujours revenue vers lui. Mais cette façon de cloisonner c’était aussi une façon de me protéger. Ce qui n’est pas franchement une réussite, il me faut bien le reconnaître. Je n’ose rien dire de plus, de peur d’empirer mon cas. Je me contente de lui expliquer, droite, figée mais debout, visiblement inquiète et désolée, mais suffisamment forte pour affronter son regard s’il décide de le reposer sur moi. Il le mérite. Hors de question que je m’effondre. J’ai fait des choix, et il est temps que je les assume. Que j’arrête de fuir.
Dernière édition par Tracy Trevor le Dim 6 Oct - 0:10, édité 1 fois
« Non, bien sûr que non… ». Luka aurait tellement eu envie qu'elle lui dise que si. Qu'elle lui dise qu'il avait été un élément clé dans l'élaboration de son mensonge. Après tout, il s'était montré protecteur envers elle depuis le début. Bien que cela n'avait rien à voir avec le fait qu'il pensait qu'elle ne savait pas se débrouiller, il aurait pu comprendre qu'elle soit alors réticente à lui avouer ses nouvelles attributions. Face à son silence, Tracy reprit ses explications. Malgré lui, malgré sa déception – car c'était plus ce sentiment qui lui étreignait le cœur qu'une véritable colère – Luka comprenait ce qu'elle lui disait. Cette volonté de se protéger et de protéger ses proches. Lui aussi l'avait vécu à un niveau et à un moment différent de sa vie. Il était toujours plus aisé de cacher à sa famille ce qu'on faisait pour éviter de les voir s'inquiéter, pour éviter d'avouer que l'on était pas aussi blanc qu'ils l'auraient voulu. Surtout, il comprenait qu'ils n'avaient pas été assez proches au moment où son changement de carrière avait eu lieu. Oui il entendait et comprenait ses arguments, arrivant même parfois à les justifier. Cependant, rien ne l'avait forcé à s'inventer une nouvelle carrière. Surtout, rien ne l'avait obligé à continuer de mentir, jours après jours. Surtout lorsqu'elle avait eu plus d'une occasion de lui avouer que non elle ne faisait plus du droit. Si il faisait le bilan de leurs moments ensembles et de toutes ces opportunités qui s'étaient présentées à elle, Luka ne pouvait s'empêcher de se sentir trahi. Et cela malgré toute sa rationalité sur le sujet. L'ancien militaire avait toujours été un homme plus ou moins réfléchi et il aimait donc à penser qu'il aurait pu calmement prendre la nouvelle. De toute façon, il n'aurait pas eu son mot à dire. Tracy était une adulte et elle était la seule maître de ses choix. Luka n'aurait fait que la supporter... après lui avoir demandé si elle sûre d'elle , juste pour s'assurer qu'elle n'agissait pas sur un coup de tête. Il était important de ne jamais prendre ce genre de métier à la légère. Pour avoir été défenseur de son pays, l'homme savait que le glamour du patriotisme et de l’héroïsme s'effritait très rapidement au profit du goût âpre de l'horreur.
« Ce n’est pas que je n’ai pas eu confiance en toi, ou que tu m’as donné des raisons de douter… Parce que j’ai fait avec toi bien plus qu’avec n’importe qui d’autres. Mais j’ai affronté certaines de mes craintes que je pensais insurmontable, alors je crois que c’était peut-être trop pour moi ». Malgré lui, il se retrouva à hocher la tête en signe de compréhension. Il savait que Tracy avait des difficultés. Lui même en avait et il aurait été bien culotté de lui jeter la pierre. Cependant, il essayait. Travaillait sur lui-même pour essayer de lui offrir un homme entier, confiant dans ses capacités mentales et physique. Un homme à l'aise dans la vie civile et à l'esprit en harmonie avec son corps. Elle.... elle semblait juste avoir abandonné. Elle semblait avoir baissé les bras. Même si cela n'était que momentanément. Après tout, elle était là à présent. Devant lui. Elle était là pour lui avouer ses péchés, ses torts. Le mal était cependant déjà fait. Quelque part Luka savait que tout cela n'aurait pas du être si dur. Ni pour lui ni pour elle. Surtout, il ne pouvait s'empêcher de se demander ce que cela signifiait sur la suite. Si dès le début elle avait ressenti le besoin de se protéger de cette façon, quel genre avenir avaient ils. Malgré le tourbillonnement de pensées dans son esprit, l'homme savait que le moment de trouver des réponses à ses questions n'était pas encore arrivé. Réfléchir à tout cela à chaud n'apporterait rien de bon. Bien entendu l'ironie de la situation ne lui échappait pas. Le fait qu'elle avait été en colère pour Jazz – qui appartenait au passé - alors qu'elle même avait caché un détail important de sa situation actuelle était sur le devant de la scène. Et dans l'ordre de gravité des choses, son mensonge était définitivement plus important que son oubli. Après tout, il avait été fait sciemment. « Il y a autre chose que tu aimerais me dire ? » demanda t-il finalement après un long silence en reportant se yeux bleus sur son visage pour la fixer Tant qu'ils y étaient... autant en profiter.
Son silence ne m'a jamais dérangé. Je m'y suis même fait. Dans le fond, je crois que j'apprécie ça. Et puis, moi j'ai toujours tellement de choses à dire, que finalement, il n'a pas vraiment besoin de parler. Je peux largement faire la conversation toute seule. Tout va toujours tellement vite dans mon esprit. Mais là... Son silence m'oppresse. Littéralement. Plus il se tait, plus il se contente de m'écouter avant de me scruter sans un mot, plus la boule qui grandit dans mon estomac est lourde. Elle appuie partout, semblant repousser mes côtes, écrasant ma trachée, jusqu'à m'en couper le souffle. Personne ne m'a regardé aussi intensément. Et cela n'avait jamais été aussi douloureux. Douloureux. Ce mot n'est même pas assez pour dire à quel point ce regard me fait mal. Et je ne peux même pas lui en vouloir parce que je sais très bien qu'il a raison. J'aimerais être morte. Ne pas avoir eu le courage de survivre à mes deux parents et au départ pour l'armée de Steve. J'aimerais avoir baissé les bras avant même d'avoir essayé. L'adolescente que j'étais avait si mal. Mais elle a mis un pied devant l'autre, courageusement. Pour devenir cette adulte merdique et irresponsable. Je n'ai jamais eu aussi honte de toute ma vie. Honte d'être moi. Honte d'avoir eu l'affront de vouloir vivre. Vivre pourquoi ? Ravager la vie des autres ? Et de quel droit ? Comme à chaque fois. Et même quand j'essaie, quand je fais de mon mieux pour que ça marche, j'arrive à tout gâcher. Je me contente de répéter les mêmes erreurs sans jamais apprendre. Même le signe de tête qu'il m'a adressé à la fin de mes explications ne suffit pas à me rassurer. Parce que je sais bien qu'elles ne suffisent pas. Que de simples mots ne suffisent pas. Enfin, sa voix brise le silence. Mais finalement, je crois que j'aurais préféré qu'il ne continue. Parce que cette phrase elle sonne désagréable comme une fin. Un dernier mot ? Une dernière plaidoirie ? Mais quoi que je dise, je suis coupable. Et tous les jurys du monde le sauraient avant même d'avoir lu l'ensemble du dossier. Tout est à charge contre moi. Ma gorge se serre. Douloureusement. Physiquement. Autre chose à dire ? Je ne sais même pas. Combien de secrets ai-je encore, enfouis sous une tonne de vernis et de sourires ? Combien de failles ? De crevasses ? « Je ne sais pas. Peut-être. Ou pas ».
Je ne crois pas. Enfin, s'il m'en reste, ils ne sont pas aussi importants que celui-là. Je pourrais parler de mes multiples relations sans lendemain mais est-ce vraiment le moment ? Je me passe une main à l'arrière de la nuque, songeuse. « Si un jour je devais faire à mon tour ce genre de liste où on inscrit nos exs, je ne pourrais même pas l'écrire tant elle serait longue et ... faute de me souvenir de tous les noms ». Je précise à mon tour, parce que lui m'a déjà fait la sienne. Enfin, il ne m'a donné que celles qui comptaient. Mais vu ce que je viens de lui dire, je crois qu'il peut comprendre qu'aucun de ces hommes n'a vraiment compté pour moi. Sauf peut-être Michael, mais ... même pas. Et vu comment cela s'est terminé, je crois que cela donne un bon aperçu de ce qu'était cette relation. A nouveau, je reste silencieuse. J'ai encore plus honte. J'aimerais juste disparaître. Mourir. Foudroyée là, maintenant, pour ne plus jamais avoir à ressentir ça. Ce vide énorme en moi, comme un trou noir qui engloutit chacune de mes cellules. Qui me détruit. Tout en prenant douloureusement conscience qu'il pulse, comme ce coeur. Car en réalité, ce vide est là, dans ma poitrine, battant à tout rompre. Je grimace un peu, avant de dire : « Je sais que j'ai merdé... Et que j'ai brisé ce qu'on avait mais cette fois je ne baisserais pas les bras ». Je relève le regard sur lui et je lui dis : « Je ne me suis jamais sentie aussi bien que ces dernières semaines ». Pendant un temps, j'ai effleuré la sérennité, la paix. Je ne pensais pas y parvenir un jour. Moi qui m'auto-détruisais à répétition. « Je ferais tout ce qu'il faudra pour réparer ça ». Même si c'est impossible. Je repousserais toutes les limites. « Je n'ai pas envie de renoncer à toi ». Après tout, il n'a pas précisé qu'il fallait que ces autres choses soient négatives. Alors oui, je le lui dis. Parce qu'il faut bien qu'il l'entende. Même si j'ai honte. Même si j'ai mal. Je ferais ce qu'il faut pour que ça marche encore. Pour qu'on puisse poursuivre ce qu'on avait commencé. Je le regarde un moment avant de dire : « Mais pour ce soir, je crois que j'en ai assez dit et fait alors je vais rentrer ». Je le regarde simplement. Je n'ose même pas m'approcher de lui pour l'embrasser, de peur de me faire repousser, parce que je crois que mon cœur n'y survivrait pas. Enfin... ce pauvre trou noir générateur de destruction devrait mourir de temps en temps. Ou mourir définitivement, pour laisser sa place à quelque chose de plus positif. Timidement, je lui offre un sourire. Puis, je récupère mes affaires avant de me diriger vers la porte et je lui dis : « Je t’appelle demain, mais je comprendrais si tu n’as pas envie de répondre ». Je ne renoncerais pas pour autant. Mais s’il a besoin de plus de temps, alors je lui en laisserais. Après un dernier sourire et un « bonne soirée » un peu contrit – parce que j’imagine qu’elle est déjà gâchée – je sors, me glissant dans le couloir, fermant derrière moi. Disparaissant derrière le panneau de bois sans pour autant me sentir soulagée. Le cœur lourd, l’esprit surchargé de pensées trop bruyantes, je m’éloigne pour quitter l’immeuble et rentrer chez moi.
Tracy ne tarda pas à répondre à sa question et sa réponse fut loin d'être véritablement satisfaisante. Luka haussa donc un sourcil interrogateur. Peut être ou peut être pas. Il fallait savoir. Elle devait bien être consciente de ce qu'elle lui cachait. Lui l'était pour les choses qui le concernaient. Cependant, il ne les cachait pas sciemment par le biais d'un mensonge. Non, lorsque la conversation devenait trop difficile et les souvenirs trop douloureux, il préférait simplement changer de sujet ou ne pas répondre. Ainsi, il ne mentait pas et se contentait juste de remettre la discussion à plus tard. Il y avait des choses sur sa vie qu'il n'était tout simplement pas encore prêt à avouer. Et puis, toutes ces choses appartenaient au passé. Au contraire de Tracy qui construisait son avenir sur des informations mensongères. Sans vouloir être hypocrite, il lui semblait qu'il y avait bien une différence de gravité entre son comportement et le sien. « Si un jour je devais faire à mon tour ce genre de liste où on inscrit nos exs, je ne pourrais même pas l'écrire tant elle serait longue et ... faute de me souvenir de tous les noms » déclara t-elle finalement. L'ancien militaire balaya la remarque d'un léger geste de la tête. De ses ex petits amis il s'en fichait. Après tout, si ils ne faisaient plus partis de sa vie aujourd'hui, il y avait bien une raison. Ces hommes sans noms et sans visages ne l'intéressaient pas. Ils appartenaient à un passé qu'il imaginai révolu. Ils resteraient donc des anonymes sans intérêts à ses yeux. Qui plus était, il n'allait jamais juger la jeune femme pour son passé relationnel. Elle avait eu une vie avant lui et il était donc normal qu'elle ait une histoire. Il ne faisait pas parti de ses hommes qui s'imaginaient être le messie de la vie amoureuse de leurs copines ou femmes. Clairement, il n'était pas assez arrogant pour oser avoir ce genre de comportements.
« Je sais que j'ai merdé... Et que j'ai brisé ce qu'on avait mais cette fois je ne baisserais pas les bras» reprit elle. Luka, un peu surpris par ses propos, reposa complètement son regard sur elle. Ce n'était pas un mensonge qui allait briser ce qu'ils avaient. Bien sur, il était déçu – et un peu en colère. Mais ce n'était pas pour autant qu'il souhaitait jeter au feu ce qu'ils avaient partagé ensemble. Et ce malgré toutes les questions qui pouvaient tourner dans son esprit à ce moment précis. Il voulait juste repartir sur de bonnes bases. Il aurait voulu lui dire tout ça mais il n'en eut pas l'occasion car la jeune femme continua de parler sans lui laisser le temps d'ouvrir la bouche. Un tactique de protection comme une autre. Comprenant qu'elle avait besoin de vider son sac, il la laissa continuer sans la presser et sans la couper. Un léger sourire effleura ses lèvres lorsqu'elle lui avoua en quelques mots un peu détournés ce qu'elle ressentait pour lui. Malgré la situation dans laquelle ils se trouvaient, le cœur de Luka tambourina gaiement dans sa poitrine. « Mais pour ce soir, je crois que j'en ai assez dit et fait alors je vais rentrer ». Luka ne chercha pas à la retenir. Sans renoncer à elle et à leur histoire, il comprenait Le fait qu'elle avait aussi besoin de temps pour elle. De temps pour faire le point et de se poser les bonnes questions. Elle avait son propre comportement à analyser – si cela n'était pas déjà fait. « Je t’appelle demain, mais je comprendrais si tu n’as pas envie de répondre ». Luka hocha la tête. Il avait déjà qu'il répondrait et qu'il lui dirait toutes les choses qu'il n'avait pas pu – et pas su – lui dire ce soir. Quelque part, il savait qu'elle n'était pas forcément prête à les entendre. Et puis, il préférait parler calmement lorsqu'ils ne seraient pas aussi tendus. Demain était après tout un autre jour.
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