Dreamfall : Chapitre 2 : Renaissance (PV Zatanna et Klarion)

Dreamfall : Renaissance

L’Oblivion Bar, encore. Comme si toutes les routes des sorciers, magiciens et autres entités diverses et variées portées par la magie menaient à cet endroit. Le bar était à l’image de ses clients, tantôt bouge infâme, tantôt foyer douillet, tantôt abri dont les bras s’ouvraient pour tout le monde, amis comme ennemis ; lieu multiforme et changeant qui ne fermait jamais, était protégé des assauts et où se croisait le pire comme le meilleur. Si on souhaitait trouvait quelqu’un de la communauté magique, c’était ici qu’il fallait commencer à chercher, même si on n’était jamais certain de l’état dans lequel on allait trouver le quelqu’un en question. Ryan, désormais, les suivait, Adrianna et elle, sans plus tenter de s’enfuir et sans trop se plaindre. Il faut dire que seules les deux amies avaient réussi à la protéger jusqu’à présent. Au travers des dimensions, et d’un objet magique qu’Adrianna portait sur elle, elles avaient avancé dans cette quête dont le but leur échappait encore, même si les enjeux se dessinaient peu à peu. Il s’agissait toujours de sauver le monde. Même si ce n’était pas forcément le leur… Encore que n’importe quel être doté d’un peu de magie savait parfaitement que tout était lié dans le grand cycle de la vie, des mondes, des dimensions, de la magie et des êtres. Une fois devant l’entrée du bar, Zee se permit un sourire amusé en réponse aux paroles d’Adrianna. Comment Klarion allait les accueillir ? Elle avait sa petite idée, elle – comme toujours, en gros. Tout l’enjeu de cette rencontre serait de faire en sorte qu’il se sente concerné par leur problème, d’une façon ou d’une autre, et ce n’était pas gagné. Mais ce n’était pas la première fois qu’elle venait le trouver pour lui demander son aide. Et rarement il la lui avait refusée. Elle aimait penser qu’il faisait ça non pas par intérêt mais que, comme il avait fini par le faire avec son père à une époque, parce qu’il le voulait, tout simplement. C’était toujours un peu étrange pour elle de le voir. C’était facile, de son point de vue : le premier jour, il l’avait fascinée. Puis ses sentiments envers lui avaient évolué en même temps qu’elle avait grandi et était devenue une adulte, que sa connaissance de la magie avait augmenté et qu’elle avait dû traverser les épreuves. Mais elle savait aussi qu’il n’en allait pas de même pour lui. Cependant, à ses yeux, il serait toujours comme un rappel de la présence de son père dans sa vie, et contrairement à Zatara, Klarion en avait toujours fait partie.

Le bar n’était pas plein, mais dans cet endroit, il n’y avait pas d’heure d’affluence, encore moins d’happy hour. Eddie était derrière le bar et Zee lui adressa un signe discret. Son regard balaya rapidement la salle plongée dans une pénombre confortable à la recherche d’un visage connu, aimé ou dont elle se serait méfiée, mais elle ne repéra que Klarion lui-même, ce qui était déjà pas mal. Le temps de faire ce petit tour de l’assemblée, Adrianna avait déjà rejoint le sorcier et entama aussitôt la conversation, d’une façon qui arracha un fou rire à Zee, qui dut le dissimuler derrière sa main et une légère quinte de toux. Elle les vit échanger quelques paroles alors qu’elle s’approchait à son tour, captant la dernière partie, et cette fois, elle éclata de rire sans plus se cacher. « Oh, mais elle a tout entendu à ton propos, Klarion, crois-moi, je ne lui ai rien caché de ton abnégation et de la façon dont tu es toujours partant pour aider ceux qui en ont besoin… » Elle passa derrière Adrianna pour se montrer, adressa au jeune homme qui n’en était pas vraiment un sourire malicieux. Puis elle avisa Teekl, qui avait pris une adorable forme de chaton, et résista à l’envie de poser délicatement la main sur sa petite tête ronde et douce. Elle savait parfaitement ce qu’était cette entité et ne se serait pas permis de s’emparer de lui pour le serrer contre son cœur, comme elle le faisait enfant sans se rendre compte des conséquences. Elle le regarda prendre sa forme habituelle et se pencha sur lui. « Bonjour, Teekl. » Puis elle reporta son attention sur Klarion. « Pardonne nos manières. Mais de toute façon, les ronds de jambes ne t’intéressent pas, j’en suis sûre. Écoute plutôt ce qu’on a à te dire. Je suis sûre que tu vas adorer ça. » Quand bien même cela n’avait évidemment rien de drôle ou d’appréciable…

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Dreamfall : Renaissance

À la question de Klarion, Zee ne put que sourire avec malice. Oui, c’était vrai qu’il avait souvent été le témoin de bon nombre des problèmes de la magicienne, qui passait sa vie à se fourrer dans de sales draps. Et si souvent elle s’en sortait toute seule, il était arrivé que le petit diable lui donne un coup de main. Mais cette fois, ce n’était pas elle la coupable – elle s’était juste mêlée de quelque chose qu’elle aurait choisir d’ignorer, si elle avait eu un peu moins de morale… En tout cas, on pouvait dire qu’Adrianna n’avait pas son pareil pour poser une atmosphère. Klarion avait beau râler un peu, pour la forme ou parce qu’il était vraiment agacé de leur présence, la petite introduction de son amie était sans appel : le monde courait à sa perte. En gros. Et pire, même, parce qu’il ne s’agissait pas que de ce monde. Ce n’était jamais le cas, et qui quiconque manipulait la magie était bien placé pour savoir à quel jeu de domino se livraient en permanence les Terres, les plans, les dimensions, les lignes temporelles… Toutes ces choses que tripotaient allègrement un tas de super-héros et super-vilains sans même se rendre compte que ce faisant, ils mettaient en danger une infinité de mondes et d’êtres vivants. Pendant que son amie racontait à Klarion, qui à l’entendre payer sa tournée s’était légèrement déridé, les détails de cette toute petite affaire, des verres apparurent devant elles presque comme par magie, et Zee jeta un coup d’œil énamouré à Eddie, avant de siroter le sien, laissant Adrianna et Ryan peindre un tableau d’autant plus sombre de la situation que c’était là la stricte vérité. Elle en profita aussi pour tendre la main vers Teekl. Elle avait trop envie de jouer avec lui mais elle avait grandi, à présent, elle était adulte, non ? Elle ne pouvait pas l’attraper comme avant pour le serrer contre son cœur, elle préférait lui laisser le choix.

Teekl posa une patte prudente dans la paume de sa main et Zee la lui serra comme elle aurait serré la main à un homme, avant de doucement caresser sa fourrure du pouce. Ce chat qui n’en était pas tout à fait un lui rappelait tout le temps son père, mais son père heureux, en des temps heureux, des souvenirs qui ne faisaient mal que parce qu’ils étaient nostalgiques – rien à voir avec les images d’horreur et de douleur et de chair qui se racornissait sous les flammes que générait la vision d’un John Constantine, par exemple. Elle se secoua en entendant Adrianna en arriver au point clé de son histoire, à savoir en quoi elles avaient besoin du jeune et antique sorcier. « Oh, je connais ce visage. Tu dois déjà avoir tiré ta propre conclusion, ce Chaos n’est qu’un des nombreux candidats qui se bousculent à la porte de la fin du monde, et il se fiche bien d’ailleurs de savoir lequel. » Mais il était puissant. Oh ça oui. Il n’avait pas choisi son nom par hasard, même si le chaos était, somme toute, une force neutre, à la base. C’était là le danger de la neutralité, exactement à l’image de la magie, ni bonne ni mauvaise : on pouvait en faire ce qu’on voulait. Elle grattouilla la fourrure de Teekl un peu plus vigoureusement tant qu’il était assez patient pour la laisser faire, puis se redressa. L’atmosphère, soudain, s’était considérablement alourdie dans le bar, et ses clients, habitués ou pas, mais tous dotés de magie, se regardaient en grimaçant. Sans parler de la tête d’Eddie. « Ah non hein, ne foutez pas la merde ici ! » Et Zee lui adressa un signe rassurant. Même si Adrianna avait raison de s’inquiéter. Et Klarion avait raison de réagir ainsi au quart de tour. L’Oblivion Bar était censé être un abri, un no-man’s-land introuvable et inattaquable, mais bien sûr, rien n’était destiné à durer… Sauf si les proies entraînaient le prédateur loin d’ici.

« Le plan, là tout de suite, c’est qu’on file d’ici avant que nos ennuis ne deviennent les ennuis de tout le monde. Ryan ! » Elle laissa Teekl s’arracher à ses caresses pour retrouver sa place sur l’épaule de Klarion et se tourna vers la jeune fille. Elle posa les mains sur son visage et plongea son regard bleu dans celui, apeuré, de Ryan. « Emmène-nous loin d’ici, ma belle. Mais pas n’importe où. Laisse-moi te guider. » Et doucement, mais avec toute l’urgence dont elle était capable, elle modela l’énergie magique de la jeune fille, qui était la professionnelle des portails dimensionnels sauvages. Il leur fallait un peu de temps pour mettre au point un véritable plan, et elle guida la magie de Ryan jusqu’à ce que celle-ci fasse apparaître une brèche dans le bar, sous les regards presque blasés des clients, qui en avaient vu d’autres et voyaient là, spécifiquement, la fin de leurs ennuis avant même qu'ils ne commencent. « Vite, filons ! » Elle sauta dans le portail sans hésiter, ne doutant pas une seconde que ses comparses l’imiteraient. De l’autre côté, c’était bien simple : le vide. Le rien. Si ce n’était de vastes traînées vaguement bleu nuit, vaguement vert d’eau, un peu comme s’ils flottaient au cœur d’une nébuleuse, mais ce n’était pas le vide de l’espace, c’était un autre genre de néant : celui qu’on trouvait entre deux dimensions. Un genre de limbes où il ne faisait pas bon s’attarder si on n’y trouvait pas refuge quelque part, comme par exemple, dans une Maison magique ! Mais Zee s’était bien gardée de les emmener près de la Maison du mystère, elle ne voulait pas attirer l’attention sur ce havre de paix et en plus, Orchid aurait été capable de les en éjecter aussi sec. « Il aura plus de mal à nous retrouver ici, mais il faut faire vite, on ne peut pas rester là indéfiniment nous-mêmes. Nous aideras-tu, Klarion ? » Au nom de l’humanité ? Ahaha ! Au nom de l’amitié ou quoi que ce soit qui les liait ? Peut-être, peut-être pas. Au nom, alors, du simple fait que maintenant, à cause d’Adrianna, Ryan et elle, il était mêlé à cette histoire et n’avait pas vraiment le choix ? Elle était presque désolée pour lui.

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Forcément, entre Adrianna et Klarion, la communication n’allait pas se faire sans mal. C’était un peu le choc de deux cultures très opposées, et pour commencer, la déesse n’était que sérieux et premier degré quand le sorcier adorait les métaphores et maniait le sarcasme comme pas deux. Amusée malgré les circonstances, elle croisa les bras en observant les quelques interactions entre ces deux-là. La pauvre Ryan semblait sur le point de craquer, mais il fallait dire que ces derniers jours n’avaient pas été faciles pour elle. Au moins avaient-ils un semblant de plan, du moins une destination, expliquée par Adrianna elle-même. C’était quelque chose, c’était une avancée bienvenue car Zee en avait sa claque de ne faire que fuir sans autre raison que sauver sa vie et les endroits où elle avait le malheur d’atterrir. Leur but était donc la base de Morningstar Star, sur Toya III, autant de noms qui n’évoquaient rien à la magicienne, mais elle avait compris depuis le temps qu’Adrianna savait parfaitement de quoi elle parlait et surtout, où elles devaient aller. Avec le concours de Klarion, donc, qui semblait emballé à l’idée de foncer tête baissée dans des ennuis qui ne le concernaient pas. Quiconque qui ne le connaissait pas aurait pu y voir de l’abnégation de sa part, un réel sens du sacrifice pour le bien commun et tout le tralala, mais bien sûr il ne s’agissait pas de cela, cependant Zatanna n’allait pas se plaindre. Peu importaient ses motivations, l’avoir à leur côté était un réel atout.

Quand le sorcier commença à entourer Ryan de sa magie, Zee se secoua. Oui, il fallait qu’ils bougent, et vite. Elle tenta de rassurer la jeune fille d’un sourire alors même qu’elle visualisait parfaitement la toile d’énergie dont Klarion était en train de l’entourer, une expérience qui pouvait être légèrement oppressante pour quelqu’un n’y étant pas habituée, et lança à son tour son essence vers elle. Comme une caresse argentée et scintillante, sa propre magie se mêla à celle du sorcier comme pour en arrondir les contours et en alléger le poids sur les épaules de Ryan. De toute façon, il n’y avait pas de moyen agréable pour eux de faire ça, pas pour la jeune fille, mais depuis le temps, elle avait eu l’habitude de s’y faire. « Allez Ryan, à toi de jouer. Tu sais quoi faire. » Et sans plus tarder, les Limbes dans lesquelles ils se trouvaient commencèrent à se tordre et à se modeler tandis que tous tendaient leur énergie vers une lointaine planète, au-delà du temps et de l’espace. Ryan, aussi effrayée soit-elle, n’eut aucun mal à ouvrir un portail pour leur faire tous traverser les dimensions, et en quelques secondes, le paysage avait changé, le ciel était gris, le sol était dur et froid, l’air était glacial. Devant eux s’étendait une vaste plaine de pierre grisâtre parsemée de plaques de glaces et d’échardes rocheuses semblable à un océan qui aurait été figé dans le temps. En regardant alentour, Zee vit qu’ils étaient dans un endroit assez isolé, loin de la civilisation, encore quelque quelques bâtiments marquaient clairement des traces de vie. Pour le moment, personne ne semblait vouloir se montrer. D’une formule, la magicienne fit apparaître une cape épaisse sur ses épaules, capuche fourrée sur ses cheveux sombres. Elle voulait bien sauver le monde, et tous les autres mondes avec, mais elle pouvait le faire sans se geler les fesses.

Elle se tourna vers Klarion, le sourire aux lèvres. « Alors, content d’être venu ? » Elle espérait au moins que Teekl, avec sa belle fourrure, serait protégé du froid. Dans le ciel bas et pesant, d’immenses silhouettes semblaient se dissimuler dans les nuages. Zee regarda Adrianna. « Qu’est-ce que c’est que cette planète, Adri ? Tu sais où trouver le gardien ? » En tout cas, pour le moment, elle ne sentait pas la trace de leur poursuivant. Peut-être avait-il perdu leur trace, peut-être aurait-il bien plus de difficultés à les suivre jusqu’ici que jusqu’à présent, ce qui était une bonne nouvelle, et peut-être aussi une mauvaise, parce que ce monde n’inspirait vraiment rien qui vaille à Zatanna.

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