Puzzling Precognitions Le mal de prendre une hypallage pour une découverte, une métaphore pour une démonstration, un vomissement de mots pour un torrent de connaissances capitales, et soi-même pour un oracle, ce mal naît avec nous. - Paul Valéry Une douce mélodie se faisait entendre dans toute la pièce, le piano s’animant sans le moindre pianiste qui touchait à son clavier. Teekl regardait son maître avec une curiosité qui se voulait désintéressée. Mais son comportement ne trompait personne, enfin personne de présent du moins ; sa palpable impatience tourmentait les pensées de son maître. Celui-ci passa sa main dans sa chevelure, un peu de sueur perlant sur son front, concentré sur sa tâche et déterminé à ne pas laisser l’irritation de son chat le distraire. Cavalier capture F5 répéta le familier, la queue remuant soudainement sous l’irritation alors que ses yeux se posèrent sur les pièces qui jonchaient sur l’échiquier. « Oui oui, j’ai entendu » répliqua un Klarion contrarié. Sans un regard, le Bleak pointa l’échiquier et, d’un brusque mouvement de poignet, déplaça la pièce en question. Celle-ci rentra abruptement en contact avec le Fou noir, ce qui renversa ce dernier. Le Draaga laissa échapper un feulement agacé en remarquant que son maître avait déjà reporté son attention à son occupation et n’avait pas pris la peine de retirer le Fou capturé de l’échiquier et se leva, abandonnant son perchoir, avant de se diriger vers l’échiquier pour propulser la pièce flâneuse sur le plancher quelques pieds plus loin d’un coup de patte bien placé, le regardant se fragmenter en d’innombrables petits morceaux sous l’impact.
Klarion se redressa et s’étira le dos, le cou et les épaules tout en regardant son travail attentivement. Puis il se retourna et se dirigea vers l’échiquier, prenant un petit moment pour observer l’emplacement des pièces avant de tendre le bras pour capturer le cavalier en F5 avec son pion, plaçant se dernier à côté du plateau pour éviter que son chat ne le détruise aussi. Les traits du familier s’en retrouvèrent froissé ; son irritation s’étant principalement manifesté parce qu’il avait déterminé que son maître allait remporter la partie après une séquence de coup et ce n’était pas comme son maître de manquer un tel itinéraire vers une victoire facile. Le sorcier devait être beaucoup plus distrait ou nerveux que son chat le percevait, même avec leur lien intrinsèque. « À toi Teekl » dit-il simplement en caressant la tête de son chat avant de porter son attention vers la table basse qui se trouvait en face du foyer, à l’autre extrémité de la grande salle de séjour dans laquelle il se trouvait. Il claqua des doigts et, ne laissant qu’un nuage de fumée rougeâtre derrière lui, se téléportant aussitôt à porter de bras du tome ouvert qui se trouvait sur ladite table, ses doigts aussitôt attirés par la texture particulière des pages. Il s’était fait dire par l’ancien propriétaire que ces pages n’étaient rien d’autre que des larmes et de la souffrance d’une multitude d’esclaves du Pharaon Akhenaton façonnées par la magie en papyrus, mais même lui trouvait cette histoire légèrement difficile à accepter. Que cette histoire soit légitime ou non, il n’avait aucun doute quant à son authenticité. Ses yeux parcouraient les figures qui formaient les sceaux qu’il venait de répliquer sur le mur un peu plus loin, ses dents mordillant doucement sa lèvre inférieure avec appréhension. Était-il vraiment sur le point d’essayer cette bêtise ? Ce n’était pas comme s’il n’y avait pas beaucoup d’autres personnes qui se feraient un plaisir de l’aider avec la sinistre situation qu’il avait entre les mains. Utilisait-il sa prémonition comme une simple excuse pour justifier le fait qu’il avait envi de la revoir ? Il glissa sa main droite, sous le tome et le souleva délicatement de la table basse et ensuite utilisa sa gauche, sa dominante, pour tracer doucement les inscriptions du bout de ses doigts. Pion en H4 fini par miauler Teekl, qui cherchait toujours à se sortir de l’impasse qu’il avait identifiée plus tôt. Pourtant, la voix à beau résonner dans sa tête, le sorcier était si distrait par le doute qui le rongeait de l’intérieur qu’il ne réagit pas du tout aux mots de son compagnon.
Teekl leva la tête et regarda Klarion, qui semblait figé sur place, et observa la surface de ce qui se passait dans la tête de son maître. Ce qu’il y perçût le pris au dépourvu. De la confusion, de l’appréhension, de l’anticipation et de la convoitise. Mais qu’est-ce qui lui prenait, bon sang de Grundy ? Le chat s’étira avant de se secouer, puis se dirigea vers son maître avec une démarche élégante. Il s’arrêta à ses pieds et, se dressant sur ses pattes arrière, lui donna un léger coup avec celle d’en avant sur la cuisse du Bleak pour le sortir de sa torpeur. Limbo Town appelle les Chevrons Bleus ! Qu’est ce qui te tracasse autant mon frère ? Klarion regarda au-delà du grimoire, dont il tenait toujours le dos dans sa paume, et regarda son « Oh ce n’est rien mon beau Teekl, t’inquiète pas pour moi. » Le chat plissa les yeux. Ne pas s’inquiéter pour lui ? C’était un peu tard pour ça ; il y avait de quoi qui le poussait à agir d’une façon qui n’avait décidemment rien à voir avec son comportement habituel. Klarion décida de chasser ses doutes du revers de la main. Il n’était même pas certain que le rituel complexe qu’il s’apprêtait à exécuter ne fonctionne ; pourquoi devrait-il se tourmenter avec les implications d’un succès potentiel ? Non, il y avait de fortes chances que ça ne fonctionne pas et encore plus de chances qu’elle refuse tout bonnement de répondre à l’appel.
Le sorcier, le nez toujours dans son grimoire, marcha vers l’autre extrémité de l’énorme pièce, lentement et presque aussi gracieusement que le chat qui le suivait. Une fois en face du mur qui sur lequel il avait peint les glyphes, il compara rapidement ces derniers et ceux qui étaient représentés dans le grimoire. Teel ferma ses yeux et les iris bleus de son maître s’illuminèrent pendant un court moment d’une lueur clairement surnaturelle, signifiant que le Draaga regardait à travers ses yeux, désirant lui aussi pouvoir faire la comparaison entre les deux et ne pouvant évidemment pas regarder dans le grimoire de sa hauteur. Ils se ressemblent beaucoup, ça me semble suffisant ronronna le familier, impressionné. « Suffisant ne me suffit pas du tout dans ce cas-ci. La dernière fois que j’ai essayé de quoi de similaire, j’ai tué par inadvertance la maudite bestiole. » Il n’avait certainement pas perdu le moindre sommeil après avoir constaté que le démon inférieur qu’il avait tenté de conjurer c’était retrouvé écraser par le manque de finesse dont il avait fait preuve en rédigeant les runes de conjuration et la force brute des pouvoirs dont le sorcier était investi. C’était comme s’il avait tenté de faire passer un melon dans un trou de la taille d’une pomme. À vrai dire, s’il était moins puissant, sa tentative aurait probablement tout simplement échoué, ou si le démon avait été plus puissant, il se serait retrouvé dans une position des plus désagréables. « J’admets que c’était plutôt amusant, mais j’ai vraiment envie de ne pas répéter ça, Teekl. » Surtout pas avec elle. Après, même s’il manquait son coup, elle correspondait sans doute à cette deuxième catégorie et pourrait lui donner un véritable mal. L’affirmation de son familier sous-entendait qu’elles n’étaient pas identiques. C’était effectivement le cas, mais c’était voulu ; les instructions qui y étaient inscrites étant de la magie très très noire, spécifiquement destinées à convoquer une entité démoniaque extra-dimensionnelle. Malheureusement, il était parfaitement au courant que l’entité qu’il cherchait à convoquer dans son manoir cette fois ne l’était pas entièrement. Ses recherches lui avaient révélé qu’en théorie, ces incantations pouvaient fonctionner sur des êtres au sang-mêlé si ceux-ci avaient embrassés leur sombre héritage. Mais tout ça restait néanmoins que de la spéculation et il se devait d’improviser, utilisant ses connaissances sur la nécromancie pour combler les lacunes qu’un tel élément pouvait amener à l’incantation. Et puis, il n’avait aucune intention de la forcer à répondre à sa requête et il s’était assuré de lui laisser l’occasion de se faufiler entre la toile de tissu magique qui tenterait de s’emparer d’elle pour ensuite matérialiser sa personne à travers les sigils qui ornaient le mur pendant qu’il se tiendrait debout au centre du cercle de bougies. Cercle qu’il avait tout juste terminé méticuleusement de placer avant d’aller chercher le grimoire, pour inspecter son travail une dernière fois et s’assurer que tout serait parfait lorsque le moment fatidique arriverait. Il révisa une dernière fois l’emplacement des bougies, qui semblaient belles et biens toutes placées aux l’endroits appropriés. Il était très rarement aussi minutieux. S’était-elle déjà fait convoquer auparavant ? Le sorcier soupira ; il n’était même pas complètement convaincu qu’elle pouvait l’être.
Pride.
Le nom était empreint d’un certain mysticisme et d’un énigmatique - mais séduisant – despotisme qui semblait avoir planté l’ombre d’une idée, d’une question, dans son esprit. Pourtant, Klarion ne l’avait rencontré qu’à deux occasions par l’entremise de la fille de Giovanni. Oh qu’elle était compliquée cette Zatanna. Le sorcier gardait un œil sur elle, même si un peu comme le père de celle-ci, il avait de la difficulté à accepter tous les choix que la fillette qu’il avait vu grandir depuis son tout jeune âge avait bien pu prendre. Mais il tâchait, autant que possible, de garder ses commentaires pour lui, craignant qu’elle ne le coupe de sa vie comme elle ne l’avait fait avec Giovanni. Ou bien, était-ce l’inverse ? La relation entre les deux membres du clan Zatara avaient toujours été un peu difficile à saisir pour le Bleak. Bref, il avait fait la rencontre de Pride alors que celle-ci payait une petite visite à leur amie commune. Les sens Klarion, hautement susceptible a tout ce qui était lié à la magie, avaient vite rapidement décerné la vraie nature de cette femme venue… d’ailleurs. Il s’était ensuite mis à l’idée de se dresser sur son chemin avec l’intention de protéger la Zatara, qu’il voyait un peu comme la nièce qu’il n’avait jamais eue. Mais Pride n’avait évidemment pas la moindre intention de s’en prendre à son amie et la situation qui s’en était découlée n’avait été qu’un fâcheux quiproquo. Quelle fantastique façon de s’assurer de faire une première impression des plus médiocres. Il avait dû avoir l’air de remplir l’archétype parfait du héros prétentieux qui met très peu de foi dans les autres alors qu’il venait tout juste de les rencontrer. Pourtant, il se considérait comme un homme bon, qui n’était pas dû tout le genre de personne à juger autrui sur leur apparence. Pour lui, le simple fait de s’opposer au régime de Vandal ne justifiait pas toutes les actes que certains de ses confrères pourchassés par la loi pouvaient commettre. Ce n’est qu’après l’avoir rencontrée une seconde fois qu’il se demanda s’il avait réagi de la sorte parce que sa simple présence le déconcertait, le gardait constamment sur ses gardes. Et pourtant, cette sensation était grisante. Il en savait si peu sur elle, n’ayant pas trop osé l’interroger, et les quelques brides d’informations qu’il possédait sur son sujet avait été acquises par l’entremise de quelques questions posées à Zatanna.
Teekl, qui s’était retiré de la tête de son maître pendant un moment pour lui laisser un peu de discrétion, posa sa patte sur le mollet du sorcier. Tout est prêt, mon frère. C’est maintenant, ou jamais. Klarion ferma le grimoire d’un coup sec et alla le déposer sur la table où reposait l’échiquier, qu’ils avaient complètement oublié entretemps, et leva le doigt en direction du piano, tuant aussitôt la mélodie, avant de s’étirer à nouveau. « Tu as bien raison, Teekl. Voyons si ça fonctionne » répondit le Bleak, se rendant bien compte que s’il allait enquêter sur ses étranges images que son don de préscience lui avait révélé, il ne pouvait se permettre de perdre trop de temps. Du coin de l’œil, il considéra la chaleur que les bougies allaient émettre et celle qui risquait aussi s’échapper de la porte qu’il allait ouvrir si tout fonctionnait comme prévu. Il décida de tirer sur le nœud de sa cravate pour la retirer avant de retirer la veste de son costume, jugeant que son gilet rouge et sa chemise blanche serait amplement plus confortable. Enfin, le sorcier prit ça place au centre du cercle et d’un geste de la main, alluma les bougies parfumées l’entourant, qui ne tardèrent à dégager une odeur relaxante lui rappelant l’automne. Il ferma les yeux, tâchant de détendre les muscles de son corps alors qu’il expirait lentement. Les doutes recommencèrent à l’assaillir alors qu’il inspirait tout aussi doucement : qu’allait Pride penser cette intervention ? Ne restait plus qu’à espérer qu’elle accepte de l’écouter, et qu’elle ne soit pas furieuse. Il froissa les yeux les sourcils. Il était trop tard pour hésiter ; il avait une incantation à lancer.:copyright:️ 2981 12289 0
Dernière édition par Klarion Bleak le Sam 30 Nov - 6:49, édité 1 fois
Puzzling Precognitions : a paradox inside a paradox. #klarel
Le temps était une notion abstraite pour les démons. Les siècles pouvaient s’écouler sans qu’ils ne le remarquent, les empires se créer et s’effondrer sans qu’ils ne s’y intéressent. Certains étaient différents, toutefois, leur attention rivée vers le monde des vivants. Ils suivaient dans l’ombre, convoitaient, corrompaient. Trigon avait l’ambition de parvenir un jour à trouver le moyen de traverser, d’asseoir son autorité suprême sur cette dimension emplie de vices et de promesses. Lorsque sa fille aînée lui était revenue, il avait cru y parvenir… mais la conversion de la jeune fille en être démoniaque avait vraisemblablement coupé sa connexion avec le monde des mortels. Si elle-même se révélait capable d’aller et venir sans grande difficulté grâce à son héritage, ce n’était toujours pas le cas de son Père qui avait besoin de portails. Ou d’invocations. Le culte de Trigon s’était quelque peu éteint à la disparition de Rachel – ou plutôt, ses membres avaient subi des accidents plus ou moins violents résultant en leur mort. Bien évidemment, personne n’a jamais pu démontrer une quelconque implication extérieure à ces incidents, mais Raven savait. Les derniers souvenirs, les derniers sentiments de l’enfant furent cristallisés dans l’essence démoniaque qui transforma définitivement son corps. Plus rien ne la retenait sur Terre, sa mère était morte, Azar et Azarath furent détruites par son Père, et elle en avait eu assez de fuir ce qu’elle était. A quoi bon, quand les ténèbres la suivaient où qu’elle soit ?
Pride avait émergé de cette enveloppe de doutes, de chagrin et de colère. Plus puissante que tous ses frères, plus puissante encore que Trigon ne l’imaginait – on se murmurait dans la dimension infernale qu’elle l’était davantage encore que son géniteur, seulement nul n’aurait osé le clamer haut et fort. Et qu’importait au final, car elle était entièrement soumise à son Père. Général de ses armées, Hérault de son Empire, Ambassadrice de sa Puissance. Elle était l’Orgueil personnifié. Le plus ancien de tous les Péchés. Similaire et pourtant diamétralement opposée à ses frères. Aucun n’avait de contrepartie humaine. Trigon avait cherché à infanter dans diverses dimensions, au travers de nombreux peuples, pour avoir un corps qu’il pourrait investir de sa puissance, et seule la toute jeune Rachel Roth avait rempli ces critères. Cela expliquait sans doute sa position privilégiée aux côtés de son créateur – mais rien n’était parvenu à justifier sa survie, ou celle d’Angela. Pourquoi cette mortelle parmi tant d’autres ? Pourquoi cette graine parmi toutes celles implantées de force ? Pourquoi cette planète parmi toutes celles conquises ?
Des réponses qui n’avaient finalement pas eu lieu d’être, puisque la brebis égarée était rentrée au bercail. Elle s’était immolée pour mieux renaître. Rachel était morte ce jour-là, ravagée par le désespoir d’avoir perdu les siens sans être parvenue à trouver d’aide. Pride était née des cendres, du sang bouillonnant. Délivrée de toutes les limitations de son corps hybride, des œillères de son esprit, elle avait découvert un nouveau seuil de puissance. Et elle avait aussi plié le genou, s’offrant à Trigon. Car il n’y avait pas d’échappatoire, n’est-ce pas ?
Elle n’en avait pas vu à l’époque. Elle n’en voyait pas plus aujourd’hui. Et un démon n’avait pas conscience du temps qui s’écoulait ailleurs – avant qu’elle n’eût le temps de réaliser qu’elle s’était peut-être trompée, enivrée de puissance et de possibilités, les années s’étaient changées en décennies.
Dix ans ? Peut-être vingt ans ? Elle n’était pas sûre. Pride s’ennuyait. Les querelles avec ses frères ne la divertissaient plus. Ils avaient progressivement cessé de la défier de toute manière, conscients qu’ils ne pourraient pas la battre. Ils auraient sûrement eu plus de chances s’ils s’y mettaient ensemble, mais ils étaient incapables de s’entendre sur un sujet – encore moins se partager la victoire.
Néanmoins, quelque chose parvint à piquer la curiosité de Pride. Quelqu’un, plus précisément. Une femme brune, à l’ambition dévorante. Une femme qu’elle assista quelques fois par amusement, suivant son avancée avec un intérêt mitigé à partir du moment où leurs Destins se croisèrent. Pourquoi Zatanna ? Pourquoi pas une autre ? Il y avait une fêlure en elle que Pride reconnaissait, sans parvenir à identifier. Les sentiments humains lui échappaient à présent, et paradoxalement elle n’avait jamais été plus capable de les décrypter qu’en cette existence. Ils lui apparaissaient clairement, sans qu’elle n’en saisisse toujours l’intérêt. C’était un peu comme si elle connaissait la syntaxe des mots sans en comprendre la sémantique. Mais l’esprit vif et la langue acérée de la Zatara lui plu dès leurs débuts, et ainsi justifia-t-elle son intervention à différents moments de sa vie. Pride s’ennuyait toujours dans la dimension infernale, cependant elle se surprit à chérir ces moments hors de cet univers. La Terre ne lui manquait pas. Elle avait cessé de pleurer sa génitrice, son peuple, l’enfant qu’elle avait été. Pourtant, elle appréciait passer du temps en compagnie de la magicienne. Peut-être était-ce cruel de sa part, mais ses déboires la divertissaient.
Ne serait-il d’ailleurs pas temps de retourner voir comment elle se débrouillait ? Sa dernière visite remontait… oh. C’était ce jour-là qu’elle avait rencontré le Witch Boy.
Il n’avait pas craint qu’elle ne le détruise – avait-il conscience au départ du démon auquel il s’adressait quand il la menaça de ne pas faire de mal à sa protégée ? Les mots n’avaient sûrement pas été aussi virulents que ça, mais le sens était sans équivoque. Pride en avait été… surprise ? Amusée ? Agacée ? Consternée. Sûrement un mélange de tout cela, et rien à la fois. Les notions humaines ne s’appliquaient pas à elle. Ou alors, elle refusait de s’y soustraire à présent – car cela impliquerait bien trop de choses qu’elle ne pouvait concevoir. La vie d’un démon était plus simple que celui d’une hybride apeurée. De toute façon, elle n’avait pas eu d’autre choix.
Pride croisa les jambes, sa posture impeccable et le masque sur son visage terminant de lui donner l’aspect d’une statue. Ses griffes raclèrent l’os du gobelet qu’elle tenait, et après une dernière réflexion, elle déposa sa boisson sur l’accoudoir à sa gauche. Oui. Il était temps de rendre visite à Zatanna Zatara. Et à l’instant où elle commençait à rassembler ses forces, un autre appel lui vint. Au début, elle cru qu’il s’agissait de Trigon. La sommation était puissante. Inexorable. Et rapidement, elle comprit qu’il ne s’agissait pas de son Père. L’écho ne provenait pas de cette dimension. Curieuse quant à l’identité de l’audacieux personnage qui oserait l’invoquer de cette manière cavalière, elle cessa de lutter contre la magie qui tentait d’attirer sa conscience ailleurs. Son corps se raidit sur son trône d’os, le masque sur ses yeux dissimulant leur air vitreux. Sa vision se troubla. Se focalisa.
Witch Boy ?
Les iris sombres de la démone s’écarquillèrent brièvement. Son image tressaillit. La connexion n’était pas parfaite – elle en déduisit, à cet effluve de doutes qui émanait du sorcier et à cette imperfection, que c’était probablement la première fois qu’il usait de ce sortilège. Ou qu’il essayait d’invoquer un démon supérieur. Ayant volontairement décidé d’apparaître sans son masque, Pride renvoya son regard au jeune homme. Jeune. Il l’était nettement moins qu’il ne le paraissait. Elle l’était bien davantage qu’elle ne le paraissait. Leurs corps ne correspondaient pas à leurs âmes. Un point commun. Teekl ne paraissait pas aussi « serein » de l’apparition que son maître. Elle réprima un sourire quand elle vit la créature tressaillir légèrement en rencontrant son regard. Était-ce de la peur qu’elle sentait ? Ou plutôt une étrange appréhension ? Une seconde, ses paupières se refermèrent. L’odeur de l’automne. Pourquoi l’automne ? Ce n’était pas un parfum facile à décrire. Pourquoi est-ce que ces effluves lui rappelaient-elles les allées humides, les arbres d’or et de bronze ? Elle fronça le bout de son nez. Pride considéra cette fois la silhouette de blanc et de carmin. Klarion se tenait droit. Il attendait. Son souffle était légèrement raccourci par l’incantation qu’il venait de performer. Ses prunelles glissèrent sur le glamour qui dissimulait sa véritable apparence. Elle avait appris des choses sur Limbo Town dans la dimension infernale. Ce qu’elle avait sous les yeux n’était qu’un déguisement élaboré. Yeux bleu perçants. Tignasse brune. A quoi ressemblait-il sans son masque ? Les secondes devenaient des minutes. Pride avait tendance à oublier que le temps passait si vite dans cette dimension. Elle pencha la tête sur le côté, ancrant son regard dans celui du Witch Boy.
« Ni fleurs, ni chocolats. Pas même une vierge sacrifiée. Ce rituel craint. »
Elle plissa les lèvres en une moue désapprobatrice. Sentiments conflictuels émanaient de la frêle silhouette en face d’elle. Solitaire. Comme la sienne. Le visage de la démone se rapprocha subitement au travers de la projection.
Par le biais de ses orbes abyssaux, elle crocheta l’âme de Klarion, se servant de ce point d’ancrage pour extirper l’amas d’émotions et le ramener à la surface. Comme en réaction à cette excavation abrupte et indésirée, l’apparence du sorcier fluctua. Son épiderme se marbra de bleu, ses cheveux noircirent et ses iris prirent une teinte sanguine. Nullement désolée de lui avoir forcé la main – encore aurait-il fallu qu’elle comprenne pourquoi elle aurait dû être désolée – Pride reprit sa position initiale avec un sourire satisfait.
« Je préfère cette apparence. Elle va mieux avec ce gilet. Et maintenant, si tu me disais pourquoi tu as voulu mettre ta vie en danger, Klarion Bleak ? »
Le temps ne passait pas de la même manière dans la dimension infernale. Elle avait eu beaucoup d’occasion de se renseigner au sujet du chaperon improvisé de Zatanna.
Puzzling Precognitions Le mal de prendre une hypallage pour une découverte, une métaphore pour une démonstration, un vomissement de mots pour un torrent de connaissances capitales, et soi-même pour un oracle, ce mal naît avec nous. - Paul Valéry Le mur devant lui, celui qu'il avait recouvert de runes, sembla soudainement se dissiper dans le néant, comme s'il était fait de papier humide qui se retrouvait souffler par un cyclone. Derrière ce qui aurait dû être le mur, Klarion ne vit que des ruines, des flammes et de la fumée. Cela ressemblait à un vaste espace de vide rempli de rien d'autre que de soufre et des feux de l’enfer. Et soudainement, Pride se tenait juste devant lui, là où aurait été le centre du cercle runique. Je n’aime pas ça mon frère. Le Bleak voulait parler, mais entre le fait que sa respiration était plus lourde après l'invocation et le fait que voir Pride ainsi le surprit, il ne parvenu même pas à placer un mot. Elle le fixait et lui rendait son regard avec autant de persistance. Pourquoi était-il surpris ? Ne venait-il pas lui-même de l’appeler ici ? Son propre esprit, chaotique et tonitruant, pouvait parfois lui donner de ces migraines...
Klarion ne put s'empêcher de sourire aux mots de la démone. Le jeune sorcier n'avait certainement pas de fleurs ou de vierges sous la main. En revanche, pour ce qui était du chocolat… Eh bien, disons simplement qu'il s’en retrouvait très rarement les mains vides. Après tout, depuis qu'Ezekiel lui avait donné un morceau, ça avait toujours été sa friandise préférée. Inutile de dire que le chocolat moderne était quelque peu différent de ce qu'il était lors de son vivant, et il aime vraiment le type plus raffiné que certains magasins fabriquaient de nos jours. Mais un démon demandant du chocolat ? C’était plutôt inédit, même s’il ne parierait pas nécessairement sur le fait que c’était la première fois. Malgré que, il faut bien l’admettre, Klarion était la définition même de la personne qui ferait ce genre de pari.
Mais elle était bien plus qu'un simple démon, n’est-ce pas ?
Quand Pride lui offrit un regard désapprobateur, le jeune sorcier haussa les sourcils avant de finalement répondre: « Tu n'as pas vu la dernière fois que j’ai appelé à un démon. Je dirais que l’absence de fluides corporels recouvrant toute la pièce est une nette amélioration. » Sa projection se rapprocha subitement et il eut l’impression que la pointe d’une pioche se logea dans son front agressivement. Elle chercha quelque chose en lui et, encore sous le choc de la violation de son esprit, il n’arrivait pas à déterminer quoi. Puis il senti des émotions qui étaient enfoui en son sein remonter à la surface subitement, ce qui le fit déglutir puis le força à afficher son autre visage. Mon frère ? demanda le Draaga, alarmé par l’intrusion de Pride. « Tout va bien, Teekl. » Cela avait été assez désagréable. Bien qu'il sache comment protéger son esprit et ses émotions, il avait aussitôt su qu'il était totalement inutile de perdre son temps et d'essayer de lui résister. Une fois la surprise initiale partie, cependant, il croisa les bras avec un froncement de sourcils désapprobateur, mais il affichait aussi un petit sourire provocateur. Klarion n'était pas du tout énervé, il ne s'en souciait pas du tout. En fait, le jeune sorcier trouvait les actions de Pride plutôt rafraichissantes. Elle l'avait fait parce qu'elle le pouvait et parce qu'elle le voulait.
Sans prétention et sans vergogne. Tout comme il l'aurait fait il y a quelques années. Et comme il le fera sûrement si le conflit contre Savage se concluait un jour. Il en avait assez des gens qui essayaient de cacher ce qu’ils désiraient et qui se tournaient constamment vers la manipulation pour obtenir ce qu’ils convoitaient. Des jeux que l’impulsif Bleak méprisait, mais avec lesquels il était malheureusement que trop familier et se retrouvait à utiliser que trop souvent ces derniers temps.
Klarion avait toujours voulu aimer les gens. Mais il avait sérieusement du mal à le faire. Pour plusieurs raisons. Aux fils des années, sous le terrible régime de Savage, il n'avait pas eu d'autre choix que d'apprendre à faire confiance aux autres et à baisser sa garde, ne serait-ce qu'un tout petit peu. Mais la vérité était qu'il n'avait jamais vraiment appris à s’ouvrir aux gens. Au lieu de cela, il avait réussi à devenir un caméléon, à mettre un masque, à apprendre ce qui était acceptable ou pas, et à éviter d’être trop bizarre. Il ne se souciait pas vraiment de la façon dont ils le percevaient, même si par moment il l’aurait souhaité. Leur réalité, leur croyance, ce qui était acceptable et ce qui ne l’était pas… Tout cela ne lui était plus si étrangers, mais ça ne voulait pas dire que sa façon de voir le monde avait changé. Il était resté l'intrus et préférait sa solitude plutôt que l’idée malsaine de changer pour ceux qui l’entourait. Avoir Teekl avec lui était à la fois une bénédiction et une malédiction ; d'une certaine manière, il n'était jamais vraiment seul, mais d’une autre, cela le rendait confortable dans sa solitude. Certaines personnes lui avait dit qu’il était bon de sortir un peu du sentier, et qu'il était parfois acceptable de s’y perdre pendant un moment. Ce qu’elles ne pouvaient point comprendre, c'est qu'il n’avait jamais réussi à suivre ce sentier. L’impulsif Bleak ne connaissait rien de d’autre que la marginalité. Lui qui essayait d’être ce que les autres considéraient normale c'était ça la vrai bizarrerie. Il ne voulait pas être normale, il était lui-même, tout simplement. Mais aussi par moment sa réalité. Après avoir rejoint la lutte contre le régime, il a acquis une maison. Mais Klarion n'a jamais vraiment considéré son manoir comme sa maison. En quoi consistait exactement une maison? Était-ce le toit qu’une personne avait au-dessus de sa tête, la gardant à l'abri des nuits froides et lui donnant un semblant de sécurité dans ce monde ce sentiment n’était rien de plus qu’une illusion ? Ou était-ce quelque chose de plus ? N’a-t-il jamais vraiment su ce que c’était ? Est-ce qu'il finirait par le comprendre?
Est-ce important?
Peu importait d'où il venait, où il se trouvait et où il finirait : il serait toujours un poisson hors de l'eau. Le jeune sorcier était venu à accepter cette réalité. Il n'était pas un héros. Pas vraiment. Certaines personnes pourraient croire qu'il en était un en ce moment, car il était l'un des criminels qui tentaient de mettre un terme à la folie des ces hommes qui avaient conquis le continent. Mais la vérité était qu'il avait simplement envie du monde qu'il avait vu avant d'avoir perdu la vie. Et ce monde dans lequel il se trouvait présentement, ce n'était pas du tout celui-là. Et s'il n'était pas du genre à jouer au héros, celui qui se bat ou se sacrifie pour les autres, il était sans aucun doute celui qui n'arrêterait jamais de se battre pour lui-même. Il s'était tout simplement avéré que, dans cette situation des plus déroutante, être égoïste lui donnait l'air d'un gars altruiste. Le destin pouvait se révéler être un vrai farceur par moment.
Alors, pourquoi avait-il décidé d’appeler Pride ainsi ? Klarion aurait bien voulu le savoir lui-même. Bien sûr, il voulait demander de l'aide pour trouver la cause de l’anomalie qu’il avait détecté, mais disons que, même s'il n'était pas la personne la plus rationnelle que vous ayez jamais rencontrée, il savait que c'était particulièrement impulsif même pour lui de demander de l’aide à une démone. Les mots de la démone ne le perturbèrent pas du tout. Il savait à quel point Pride était puissante, ou du moins il en avait eu un avant goût plus tôt. Il était possible qu'elle soit encore plus formidable que lui, mais le jeune sorcier restait confiant dû à un fait qu’il savait véridique ; il était lui aussi formidable. La démone ferait mieux de ne pas le prendre pour un poids léger. Et si elle ne commettait pas cette bourde, aurait-elle vraiment envie de tenter sa chance avec lui ? Un boxeur se lancerait-il dans une bagarre avec un autre en dehors du ring, sans enjeu réel, même s’il pense être le meilleur combattant entre les deux ? Probablement pas ; son adversaire restait un combattant dangereux qui passe son temps à apprendre à frapper comme très peu de gens sur la planète peuvent le faire. Une unique et innocente erreur pourrait lui coûter bien trop cher. Elle était peut-être plus forte que lui, mais ses pouvoirs restaient considérables et Klarion était confiant à ses capacités à la vaincre si un peu de chance se retrouvait de son côté. Tout comme Pride pourrait le faire avec lui. C'était un tirage au sort où elle gagnait peut-être une majorité du temps, mais serait-elle prête à risquer les moments où elle subissait la défaite ?
Cependant le jeune sorcier doutait du fait qu’il pourrait parvenir à la convaincre de l'aider. Et il avait donc besoin de parier sur quelque chose d’inorthodoxe pour tenter de capter l’attention de la démone. Et ce quelque chose était... son existence blasée. Il était persuadé que sa vie monotone devait ennuyer Pride autant qu’elle l’avait fait lui lorsqu'il vivait encore à Limbo Town. Klarion savait que ça serait difficile à vendre, mais il se devait d'essayer. Après tout, si ce n'était pas par ennui, pourquoi s'était-elle retrouvée à visiter Zatanna ? Peut-être avait-elle commencé à l'apprécier, mais il était convaincu que s'était la curiosité de la démone qui l'avait poussée à vouloir rencontrer la magicienne à répétition, du moins au départ.
« Tsk, tsk, tsk. Un peu de patience, Pride. Dis-moi, que connais-tu de l’endroit d’où je viens ? »
Le jeune sorcier pencha sa tête légèrement vers la droite en regarda la démone d’un regard lourd en attentes. Oui, il la narguait. Elle avait beau agir comme si elle était irrité de sa convocation, mais il était prêt à parier qu'elle était trop intriguée pour envisager partir en coupant le lien.:copyright:️ 2981 12289 0
Dernière édition par Klarion Bleak le Sam 30 Nov - 6:47, édité 1 fois
Puzzling Precognitions : a paradox inside a paradox. #klarel
La jeune Rachel Roth avait espéré qu’en cédant à l’appel de Trigon, elle cesserait de souffrir. Seule survivante de la destruction d’Azarath, anomalie parmi les mortels, orpheline et déclarée comme indésirable par les justiciers de cette Terre dont elle ne savait rien, elle avait été privée de solution alternative à ce choix. Sa peine, sa colère, son incompréhension – son sens de la justice, inculqué par Azar en personne – plus rien n’avait eu de sens à partir du moment où elle avait été rejetée par ceux qui auraient pu lui tendre la main. Considérée comme un danger par les uns, par un objet pratique par son géniteur, elle avait fait la seule chose qui lui paraissait viable. Au lieu de donner son corps au démon, elle en était devenue un à son tour. Son âme n’avait pas été absorbée par Trigon, elle avait… changé. Elle était toujours là, probablement, quelque part sous la noirceur néfaste, quelque part derrière les feux des Enfers. Probablement, oui. Pride se souvenait des premiers longs mois après sa transition, durant lesquels elle avait combattu à chaque seconde de sa nouvelle vie pour le droit d’exister. Le temps était relatif, pour les êtres immortels. Il s’écoulait différemment dans sa dimension, alors elle ne savait pas comment le quantifier. Comment expliquer tout ce qu’elle avait subi, et infligé lorsqu’elle l’avait pu. Car avec le pouvoir qui été né en elle, à force d’affrontements violents, elle s’était découvert un besoin insatiable d’être « la meilleure. » La plus puissante. La plus dangereuse. D’être ainsi en sécurité. L’orgueil de se savoir la préférée de leur géniteur, mais également la satisfaction de s’être hissée si haut dans la hiérarchie que plus personne ne se risquerait à la provoquer sans craindre des représailles. Et puis plus rien. Le silence. L’ennui.
Un ennui… mortel.
Pride n’était pas friande des interactions avec les humains, quoi qu’ils fussent, quoi qu’ils veuillent. Ce comportement hautain lui collait à la peau, tant et si bien que personne n’imaginerait un seul instant qu’elle le faisait uniquement par appréhension. N’avait-elle pas été à leur place un jour ? Elle n’était pas certaine du temps qui s’était écoulé depuis sa transformation, néanmoins elle ne se souvenait que trop bien de la fragilité de l’existence humaine. Elle avait été si faible. Si désœuvrée. On avait bien tenté de la convoquer, ici et là, pour diverses raisons. Avec plus ou moins de succès. « Tu n'as pas vu la dernière fois que j’ai appelé à un démon. Je dirais que l’absence de fluides corporels recouvrant toute la pièce est une nette amélioration. » Ses lèvres s’étirèrent, en cet instant, en un sourire carnassier. « Pour toi comme pour moi, alors. » Ils n’étaient plus de ce monde, ceux qui avaient tenté. Pour la plupart, en tout cas. Elle refusait parfois l’appel, aussi impérieux fusse-t-il, aussi alléchants fussent les sacrifices en son nom. D’autres fois, rarissimes, elle se montrait, mais sa participation s’arrêtait là. En ces temps de tourmente, peu de sorciers se risquaient à invoquer des démons majeurs. D’après ce qu’elle comprenait de la situation sur Terre, ils avaient d’autres chats à fouetter – et prendre le risque de se retrouver avec un démon sur le dos n’était pas dans leurs plans, même si l’aide aurait pu ne pas être négligeable.
Klarion Bleak était-il de ceux qui pensaient que le risque en valait la chandelle ? Espérait-il pouvoir créer une alliance, même temporaire ? Non. Elle lisait sa lassitude, son égocentrisme à la surface. Lorsqu’elle avait ramené ses émotions pour briser l’illusion de son apparence humaine, elle avait plongé dans le maelstrom qui le caractérisait. Il n’était pas un héros. Il n’essayait pas de sauver le monde ; pas de cette manière, en tout cas.
Alors quoi ?
« Tsk, tsk, tsk. Un peu de patience, Pride. Dis-moi, que connais-tu de l’endroit d’où je viens ? » Si l’on manquait de respect à son père, il se mettait à vociférer des menaces. Parfois, il ne prenait même pas la peine de hurler, il attaquait simplement. Certains de ses frères – elle pensait notamment à Wrath – avaient le même comportement belliqueux. Ils ne supportaient pas qu’on ne se pisse pas dessus en les voyant, qu’on ne se courbe pas en regardant le sol en leur parlant. Pride… Pride se contrefichait des manières, pourvu que le reste l’intéresse. Bien évidemment, son humeur jouait grandement sur ses réactions, mais dans la majeure partie du temps, elle restait plus effacée sur ce point. Discrète, sans être passive. Il lui était arrivé d’écouter pendant des heures un sorcier qui la pensait en son pouvoir et de simplement de faire imploser à la toute fin de son monologue, en se délectant de l’air de surprise sur son visage. Parce qu’elle le pouvait. Parce qu’il l’ennuyait. Pour le moment, Klarion Bleak ne l’ennuyait pas.
Au contraire. Pour le moment.
« Limbo Town est une jolie petite bourgade, même si je suppose qu’avec un si petit effectif de départ, il y a dû y avoir beaucoup de consanguinité. Remarque, la magie fait des merveilles sur certains cas. » Avec un soupir, elle croisa les jambes, son mouvement passant inaperçu puisque l’écran ne montrait que son visage. La créature posa le menton dans le creux de sa paume, reprenant d’une voix monocorde. « Roanoke n’a plus jamais été la même après le passage de… » Une lueur scintilla dans ses prunelles abyssales. « Story for another time, » coupa-t-elle brusquement en se redressant, dardant son regard dans le sien. « Je ne suis pas une encyclopédie. J’en sais assez. Ou peut-être trop. Où veux-tu en venir, Klarion Bleak ? » Les billes noires trouvèrent la forme du familier, lequel ne semblait pas pressé de se rapprocher de son maître – ou même heureux de l’avoir vu réussir son sortilège. « Si tu es un mystère pour les démons, ce n’est pas le cas de Limbo Town. Il y a beaucoup de rumeurs, certaines plus proches de la vérité que d’autres je suppose. C’est le problème avec les dimensions saturées de magie, c’est difficile d’estimer de quand elles datent ou comment elles sont apparues. On dit que ce sont des habitants de Roanoke qui l’ont fondée, ce qui n’explique pas entièrement vos aptitudes, donc je suppose pour ma part qu’il y a eu une intervention extérieure. Une imprégnation. » Elle haussa un sourcil. « Tu as fui Limbo Town. Chercherais-tu à y retourner à présent ? »
Même si c’était le cas, pourquoi faire appel à elle ? Pride n’était pas le seul démon capable de traverser les dimensions. Certes, elle avait plus de facilités que certains, mais… Pensait-il pouvoir user d’elle comme d’une passeuse ? Elle plissa les paupières, méfiante.
Puzzling Precognitions Le mal de prendre une hypallage pour une découverte, une métaphore pour une démonstration, un vomissement de mots pour un torrent de connaissances capitales, et soi-même pour un oracle, ce mal naît avec nous. - Paul Valéry Klarion écouta attentivement les réponses que Pride lui donna. Les remarques sur leur consanguinité le firent bien rire ; il n’allait pas du tout prétendre que ce n'était pas le cas, mais oui, la magie jouait un rôle important pour ce qui était de neutraliser les effets négatifs que de telles unions pouvaient cultiver - surtout sur plusieurs siècle. Eh bien, elle en savait certainement beaucoup, il se devait bien de l’admettre. Mais soit Pride ne lui disait pas tout ce qu’elle connaissait, soit il lui manquait un tout petit peu d’information. Pas qu'il puisse la blâmer ; il en avait appris plus sur le sujet que très récemment. Elle semblait aussi savoir, même si ce n'était qu'un tout petit peu, sur Melmoth lui-même. Ou du moins c'est ainsi qu'il interpréta les mots qu'elle avait choisi de ne pas dire. De toute façon, cette histoire ne concernait pas vraiment Melmoth. Eh bien, il en faisait certainement un peu parti, mais il n'était pas relié aux événements inquiétants dont les tarots l’avaient alerté. « Oh mais je suis bien heureux que ça ne soit pas le cas ; je ne passais pas une commande de bouquin quand je t'ai appelé. As-tu vraiment quelque chose de mieux à faire ? Tu ne peux pas jouer le jeu pendant quelques minutes ? » lui retourna le Bleak, irrité, qui s’approcha du mur pour lui retourner l’intensité de son regard. Ses iris étaient actuellement d'un rouge si sombre qu'elles semblaient à peine refléter la lumière pour le moment ; son comportement froid et composé, du moins pour le moment, influençait la couleur de ses yeux. Eh bien, il avait eu bien raison de croire que ça ne serait pas évident de la convaincre de l’écouter ; elle semblait déjà s’impatienter.
« Y retourner ? » Klarion sembla surpris pendant instant. Quoi ? Pourquoi voudrait-il jamais y retourner? Outre le fait que sa famille avait essayé de le brûler vif lorsqu'il était revenu pour la protéger, ça c'était passé il y avait presqu’un siècle. Si, et c'était un très gros si lorsqu’il considérait ce qu'il savait, Limbo était toujours debout, il n'y avait rien là-bas pour lui. Sa mâchoire se serra subtilement, mais le rouge de ses yeux, adoptant un teint vermeil sous sa frustration, trahissait sa frustration. Qu’est-ce qui l’énervant tant exactement ? La façon dont il les avait laissés après avoir forcé Melmoth à faire route? Parfois, le jeune sorcier se disait qu'il était parti car il avait besoin de trouver un moyen d’empêcher sa mort horrible qu’il n’avait malheureusement pas réussi à empêcher. Mais il savait qu'il serait probablement parti de toute façon. Le Bleak avait détesté cet endroit depuis son enfance. Il s’y était fait constamment dire d'être quelqu'un, ou quelque chose, qu’il n’était pas. Constamment puni par ses professeurs et sa mère parce qu’il était lui. Parce qu’il était un Witchboy curieux, aventureux et que cela le rendait dangereux pour les autorités qui voulait une dévotion absolue en leur religion factice. Mais il n'avait pas cédé, car pour Klarion, il valait mieux mourir en essayant d'être qui il était plutôt que de laisser autrui le transformer en quelqu'un qu'il n'était pas. Se confirmer aux attentes des autres n'avait jamais été ne serait-ce qu’une option dans son esprit. Le jeune sorcier parti donc à la première occasion qui se présenta à lui. Et, quand Klarion était revenu malgré tout pour sauver leur foutue peau, ils lui tournèrent tous le dos. Ce n’est que lorsqu’ils ont compris leur erreur que sa sœur l'avait supplié de se battre pour eux. Il l'avait bêtement fait. Oui, cela avait tout clarifié à ses yeux ; ce qui le rendait furieux, c'était qu'il aurait souhaité ne pas l'avoir fait. Qu'il aurait souhaité avoir fait l’autre choix et de les avoir tous laissés tomber entre les mains de Melmoth. C'est ce qu'ils avaient mérité. Toutes ces pensées se heurtèrent violemment dans son esprit en rien de plus qu’une poignée de secondes et, après pris une profonde respiration. Il secoua la tête et chassa ses pensées agitantes ; c'était avec une telle facilité déconcertante que son état émotionnel pouvait fluctuer. « Oh non. Non, non et non. Même si Limbo Town existe toujours, il n’y a rien pour moi là-bas » répondit-il avec confiance.
Klarion la regarda dans les yeux et son regard, toujours aussi hypnotisant avec ses iris noires, le fit sourire et écarquiller les yeux en consternation. Croyait-elle qu'il l'avait appelée ici pour le servir comme moyen de transport glorifié? Vraiment ? Mais quelle futilité. Le Bleak n'aimait pas forcer les gens à faire quoi que ce soit, mais dans les rares occasions où il s’en retrouvait les mains, il n’allait certainement pas le faire pour s’amuser à se mettre une entité démoniaque aussi puissante à dos que pour un simple fou rire. « Penses-tu vraiment que j’ai fait cette stupide convocation pour ça ? Pride ! Si j'avais eu l'intention de te forcer à quoi que ce soit, je n'aurais pas pris le temps et la peine de modifié le rituel de façon à ce qu’il requiert ton contentement pour t’amener ici » ricana-t-il en se passa la main dans les cheveux. Consentement le corrigea aussitôt Teekl, exaspéré. « Oui oui, mon chat. Consentement. Écoute, oublie Limbo Town pour le moment, j’y reviendrais plus tard ; tu veux bien accepter de compléter le rituel et de mettre les pieds dans ma salle de séjour ? » Le jeune sorcier aimait bien trop ce petit jeu de mystère pour lui donner tout de suite les réponses qu'elle cherchait, mais il devait en venir au but tôt ou tard ; la tâche ne pouvait pas attendre trop longtemps. Et puis, le Bleak voulait vraiment savoir si Pride avait la moindre connaissance sur cette petite curiosité qu’il allait lui montrer. « J’ai de quoi à te montrer et ça sera beaucoup plus facile si tu es physiquement ici. D’ailleurs, faudrait bien que j’aille la chercher » continua-t-il une expression mystérieuse d’affichée sur le visage. Sans attendre sa réponse, il quitta la pièce et chercha ce qu'il voulait lui montrer.
Quelques minutes plus tard, le jeune sorcier revint à la main avec ce qui ressemblait à un étrange amalgame constitué d'une lanterne et d'une cage. Elle avait à peu près la taille d'un petit aquarium. Ses côtés étaient tous fait en vitre épaisse et à l'intérieur se trouvait une très petite silhouette de forme humanoïde qui se reposait dans ce qui ressemblait à un lit miniature. Elle brillait également légèrement d’une lueur bleue étrange et, lorsqu'elle était inspectée de près, on pouvait voir des ailes ressemblant à celles d'une petite chauve-souris dans son dos, de multiples petits membres allongés tels ceux d’une araignée, et une aiguillon semblable à celle d’un scorpion. Elle aurait presque l’air d’une fée si ce n’était de ces deux derniers détails. Klarion chercha les traits de Pride de ses yeux en croisant les bras, pour pouvoir rapidement déterminer si elle avait une idée de ce qu’était cette petite créature, après avoir déposé sur la table une petite boite de chocolat dessert Lindt qu’il avait ramassé au passage pour la démone, qui ne devait pas avoir trop l’occasion de s’en mettre sous la dent là où elle résidait. Il ne fit pas un son, car il appréciait plutôt bien le suspense de la situation. @Rachel Roth:copyright:️ 2981 12289 0
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L’assurance du Witch Boy était… familière. En tout cas, la plupart du temps, Pride retrouvait certains de ses propres termes utilisés par le jeune homme. Et en parallèle, l’ironie était qu’il semblait partager la même insécurité, dissimulée sous une tonne et demie de poudre aux yeux. Ce n’était pas simplement une carapace ceci dit, c’était un véritable refus de s’admettre certaines choses – ce qu’évidemment, ni l’un ni l’autre ne réalisait, mais qu’elle était capable de discerner chez autrui grâce à ses aptitudes. Le malaise intérieur, enfoui, si loin et si profondément dans les ténèbres qu’il en était pratiquement oublié. La honte parfois. Le regret, souvent. Les remords, aussi. Qu’est-ce qui perturbait Klarion Bleak ? Quels tourments l’avaient-ils suivi, hanté depuis son départ de Limbo Town ? Car la démone avait senti le trouble se manifester notamment à partir du moment où elle lui avait demandé s’il caressait l’idée de retourner chez lui. Une « simple » question qui avait provoqué tout un tas de remous dans la psyché du sorcier et qui l’avait, elle, laissé pensive. L’esprit de Zatara était plus clair que celui de Klarion, elle supposait que c’était à cause des expériences qu’il avait vécu, ainsi que du fait qu’il n’était pas vraiment là. Pas vraiment en vie selon les standards classiques. Son statut était… complexe à décrire, même pour la créature infernale. Tout ce qui touchait, de près ou de loin, au Witch Boy, perdait tout sens commun. Il existait, voilà tout.
Contre toute attente.
Une faible pression entre ses omoplates la dérangeait depuis le début de l’invocation – une invitation, à peine formulée, à rejoindre ce plan d’existence. Méfiante quant à la teneur de cet entretien, Pride avait jusqu’alors repoussé l’appel. Se matérialiser sur Terre n’était pas sans risques, même pour elle – on était alors plus à même de la blesser, voire de réussir à la détruire. C’était majoritairement pour cela qu’elle continuait d’utiliser ses corbeaux et sa projection. Ainsi, elle évitait de pénibles confrontations et gardait son ascendant. Verbalement cette fois, le Bleak lui demanda de le rejoindre. Elle haussa un sourcil, lèvres pincées, l’écoutant s’exprimer avec curiosité. Une variation dans les énergies l’informa d’un échange mental bref, après lequel le sorcier se reprit en s’adressant au passage à son familier. Ainsi, Klarion avait modifié le sortilège de manière à ce qu’il ne fonctionne qu’avec le consentement de Pride ? C’était… inédit. Bien peu osaient donner autant de libre-arbitre à un démon, fusse-t-il par prudence. On ne savait pas vraiment quelle pouvait être la réaction des êtres infernaux. Ils n’avaient pas le même cheminement de pensée qu’un mortel, pas les mêmes aspirations. Quelques-uns voulaient simplement se nourrir d’humains, les pousser à l’extinction, et il n’y avait pas de réelle excuse derrière ça. Ils le voulaient. Simplement.
Mais à la différence de beaucoup, Pride avait été humaine. Récemment.
Elle suivit des yeux la silhouette dégingandée du jeune homme, laissant à son départ son attention dériver sur la pièce. Et sur Teekl, qui semblait la surveiller comme s’il craignait qu’en traversant, elle ne se jette à la gorge de son maître. Peut-être avait-il raison de se méfier. Déployant sa frêle stature, Pride laissa la pression entre ses omoplates la guider de l’autre côté. A peine eut-elle traversé qu’elle scella d’un mouvement du poignet le passage. C’était risqué, certes, mais mieux que d’avoir l’un de ses frères qui tendrait l’oreille de l’autre côté. Ou pire. Elle était capable de rentre par ses propres moyens, après tout. Débarrassée de l’aura infernale, la démone semblait plus… petite, sans doute, et plus fragile malgré l’armure d’os et de plumes qui la recouvrait entièrement. Sans son masque, son lignage humain était d’autant plus flagrant. Elle ne le quittait donc que rarement, préférant que ses compatriotes démoniaques oublient cet aspect d’elle. Etonnement, ils craignaient davantage Pride masquée que dévoilée, et elle avait appris à se servir de cette peur ; la cultivant, l’entretenant juste assez pour s’éviter plus de problèmes. Aux Enfers, tout était question d’apparence et d’assurance. Le pouvoir suivait généralement. L’avantage qu’avaient certains était qu’ils étaient nés avec ce pouvoir, ce qui leur permettait de mieux s’en sortir… jusqu’à ce qu’un plus gros poisson les gobe. Parfois littéralement.
Pride, quant à elle, ne cherchait pas à s’élever plus que de raison. Cela ne voulait pas dire qu’elle n’avait pas d’ambition, mais qu’elle gardait des rênes très serrées sur elle-même. Elle ne perdait jamais son sang-froid.
Ses griffes glissèrent sur le dossier d’un canapé, pianotèrent sur la surface en verre d’un meuble, égratignèrent négligemment le vernis d’une commode. Le chat lui lança d’ailleurs un regard réprobateur quand elle le fit, et elle lui répondit avec un large sourire. Rapidement, cependant, Klarion revint avec deux objets – dont l’un qui l’intéressa immédiatement. Avec désinvolture, le Witch Boy déposa une sorte de cage dans laquelle dormait un spécimen minuscule, qui brillait d’un léger éclat bleuté. Tout en se rapprochant, il avait laissé en évidence une boîte de chocolats qui captivèrent l’œil de la démone. Il fit tout cela dans un silence presque religieux, s’attendant probablement à une réaction quant à la vision de la fée monstrueuse. « Mmh, ma marque préférée, » souffla-t-elle en se penchant au-dessus de l’assortiment, saisissant entre deux griffes effilées l’un de morceaux en le portant à sa bouche. Le goût fut… meilleur que dans ses souvenirs. Elle n’avait pas mangé de chocolat depuis sa transformation. Elles ne parlaient pas vraiment de cela, Zatanna et elle, et Pride n’auraient de toute façon jamais admit que ça lui manquait. Prenant le temps de savourer sa prise, la démone s’en octroya une seconde en se tournant cette fois vers l’espèce d’aquarium avec la bestiole somnolente. Elle s’en rapprocha, s’autorisant à effleurer au passage le menton de Klarion de sa main libre, puis observa la chose avec une moue songeuse. « Hmm, c’est comme ça que tu offres le gîte aux membres de ta famille ? »
L’infernale esquissa un sourire moqueur, s’appuyant près de la cage en pivotant son corps de manière à voir aussi bien le Witch Boy que la fée enfermée. « A moins que tu ne tentes de faire l’élevage de Sheeda ? A ce qui paraît, ce sont d’abominables petites pies voleuses. Incapable de survivre autrement qu’en se servant de technologies qui ne leur appartiennent pas. » Pride pencha la tête sur le côté, une mèche noire glissant devant ses prunelles abyssales. « L’un de mes frères s’était entiché d’une Sheeda. Elle avait refusé ses avances, elle l’avait même renvoyé en Enfer après lui avoir botté son adorable fessier. Ils ne sont pas mauvais, même si une bonne partie de leurs exploits provient de leur utilisation de choses qui ne leur appartiennent pas. » De son index griffu, elle tapota le verre de la prison, guettant le réveil de la créature. « Qu’est-ce que tu espères pouvoir accomplir Klarion Bleak ? » La résonnance de son acte sembla perturber le Sheeda endormi. La silhouette remua et Pride s’en détourna, l’air subitement plus intéressée par le sorcier proche d’elle. Distraitement, elle tendit les serres vers son gilet écarlate, duquel elle sembla chasser une poussière invisible. Puis, presque avec tendresse, elle remonta la dextre pour effleurer son cou. Ainsi côte-à-côte, ils étaient, de manière surprenante, presque de la même taille. Si elle n’usait pas de son aura infernale, Pride semblait presque trop frêle en comparaison. Elle se pencha vers lui, fouillant dans ses prunelles cramoisies une réponse à sa prochaine question. « Ton âme est déjà morcelée Witch Boy, que penses-tu pouvoir m’offrir que je ne pourrais pas prendre en cet instant ? »
Puzzling Precognitions Le mal de prendre une hypallage pour une découverte, une métaphore pour une démonstration, un vomissement de mots pour un torrent de connaissances capitales, et soi-même pour un oracle, ce mal naît avec nous. - Paul Valéry Klarion observa Pride attraper un des chocolats avec un sourire dissimulé. La regarder en profiter lui procura un sentiment de satisfaction. Le petit détour en avait valu la peine et ne s'attendait pas à un remerciement de la part de la démone de toute façon. Le Witchboy garda ses yeux expressifs braqués sur la petite silhouette recouverte d’os et de plumes, qui lui donnait une apparence surréaliste, alors qu'elle se rapprocha de la cage de la petite créature. Quand elle posa sa question, cherchant à le provoquer comme elle le faisait depuis le début de cette rencontre, il ne répondit pas. Il était légèrement décontenancé par le geste de Pride. Le jeune homme n'était pas habitué à se faire toucher par autrui. Il ne détestait pas tout contact physique à proprement parler, mais il n'avait jamais été très à l'aise avec cela. Il avait toujours été sur ses gardes avec les personnes qui lui témoignaient de l'affection ainsi. Il s’avérait que, en dépit du fait qu’elles étaient pratiquement toutes les personnes qui lui tenaient le plus à cœur, c’était tous celles qui lui avaient fait le plus mal qui lui avait démontrer ce genre d'affection physique. Enfin, mise à part une exception. Mais cette fois c'était encore plus déstabilisant ; quand la main de la demi-démone lui frôla le menton, des frissons parcoururent son corps et il eut l’impression que son être s’était embraser momentanément. Venait-elle d’utiliser une autre de ses capacités sur lui ?
Il continua de d'observer Pride tandis qu'elle s'appuyait contre sa table et pivota pour veiller à garder la petite Sheeda et lui dans son champ de vision. Le jeune sorcier se retrouva à regarder plus attentivement ce qu'elle portait. Ce n'était pas la première fois qu'il avait la chance de la voir ainsi - bien peut-être l’était-ce de cette proximité - mais cette étrange armure provenant toujours d'un autre monde et, aux yeux du jeune homme, restait captivante à regarder. Et puis, Klarion prendrait n’importe quelle raison pour éviter de regarder ce sourire qu'elle lui offrait alors. Ce joli sourire moqueur qu’il appréciait peut-être juste un peu trop. « Oui, ils ont la mauvaise habitude d’anéantir les civilisations quand elles atteignent leur apogée et de s’approprier tout ce qui appartient à celles-ci. Il est vrai que ce n’est rien de plus que des vols mesquins, mais j’en ai moi-même fait plus d’une fois dans ma vie » avait acquiescé le jeune Bleak après l’avoir écouté. Sinon, comment aurait-t-il obtenu tout cela? Eh bien, le manoir n'était pas vraiment un vol. Le récit derrière cette acquisition était plutôt intéressant pour être tout à fait honnête. Il avait rencontré ce vieil homme à la retraite qui n'avait pas de vraie famille à proprement parler. L'homme désirait ardemment un fils ou une fille de substitution avec lequel il pourrait apprécier passer ses derniers jours. Klarion avait simplement utilisé son don de suggestion pour faire de lui le candidat idéal dans l'esprit de l'homme. En un sens, le jeune sorcier avait l'impression d’avoir avoir donné au vieil homme ce qu'il avait désiré et avait rendu ses dernières années un peu plus agréables. N'était-ce pas un geste noble d'une certaine manière? Ses yeux se posèrent sur les lèvres de Pride entre deux battements de cœur, guidés par la mèche de cheveux de celle-ci qui se retrouvait devant ses yeux après qu’elle aille penchée la tête, ce qui l’amena à cligner des yeux à répétition avant de tourner son attention vers la Sheeda pendant qu’il écoutait en hochant doucement la tête ce qu’elle lui racontait. « Voilà une question forte intéressante » répondit Klarion en levant le menton, un petit sourire satisfait aux lèvres. Il avait capturé cette petite créature principalement à des fins de recherche. Elle avait peu à voir avec le réel conflit qui s’annonçait, mais il sentait que c'était un bon moyen d’expliquer en partie à la fille de Trigon la raison derrière son appel. Peut-être qu'il aimait un peu trop la voir essayer de deviner le motif de sa présence ici. Mais tout à coup, elle tendit sa main - sa serre - vers la poser sur lui, ou plutôt sur son gilet. Il n'avait pas réalisé à quel point elle était proche de lui jusqu'à maintenant. Le regard du jeune homme était méfiant, les sourcils froncés en questionnement. Sa respiration se précipita tandis que la main droite de Pride lui effleurait le cou, la sensation qu’il avait ressenti plus tôt revenant en force. Qu'est-ce qu'elle essayait de faire ? Klarion n'aimait pas du tout comment cela avait un effet sur lui. Et il serait bien damné s'il la laissait le déstabiliser ainsi ou ses réactions dicter ses actes. Il leva la main gauche et, à l’aide de son index et de son majeur, poussa la mèche de cheveux sauvage qui s’étaient glisser devant les yeux de la jeune démone hors du chemin et la plaça derrière son oreille, son regard explorant tous les détails des yeux noirs qui le fixait. Bien sûr qu’elle voulait quelque chose, pourquoi aurait-il pensé que ça ne serait-ce pas le cas ?
Klarion fit quelques pas en arrière et commença lentement à marcher autour de la table, ses yeux toujours fixés sur la silhouette de la fille de Trigon. « Donc tu sais que son peuple et le mien sont intrinsèquement liés. Je ne sais pas pourquoi ça m’étonne. » commença-t-il en pointant la Sheeda, qui s’était complètement réveillée maintenant et les regardait avec des yeux qui affichaient autant de la peur que de la frustration. « Mais es-tu vraiment consciente de la particularité de ce lien, mmh ? Tu vois, ce que tout le monde ignore, c’est que non seulement mon peuple descend des Sheeda, mais il est aussi l’ancêtre de ceux-ci » avait continué le jeune sorcier en prenant le temps de mettre de l’emphase sur les derniers mots. « Nous ne devrions pas exister. Nous sommes un paradoxe. Les miens sont littéralement les descendant de la progéniture du roi exilé des Sheeda, et pourtant nous sommes ce qui finit par évoluer pour devenir eux. » Il s’arrêta l’autre côté de la table pour ouvrir un petit coffre. Celui-ci avait un look très antique, et il semblait clairement qu'il avait vu beaucoup plus d'années que Klarion lui-même. Une fois le couvercle soigneusement placé à côté, le Witchboy sortit ce qui résidait à l'intérieur : ses cartes de tarot. « Les gens pensent qu'ils peuvent comprendre comment le temps fonctionne, mais la vérité est que personne ne le sait vraiment. Lorsque tu commences à remarquer un motif et à penser que tu sais comment il fonctionne, il t’envoie une balle courbe qui te force à tout remettre ce que tu croyais savoir en question. » Il avait commencé à retourner vers l'endroit où il se tenait quelques instants plus tôt, sa démarche lente et délibérée alors qu'il parlait. « Et cela est particulièrement vrai pour quelqu'un comme moi. Quelqu'un qui peut voir le futur. Bon, des futurs possibles quand même. À chaque fois que je crois que j'ai réussi à en comprendre son fonctionnement, mes talents de divination me montre soudainement quelque chose qui me laisse complètement abasourdi. Et c'est exactement ce qui s'est passé, Pride. J’ai vu un futur impossible et mes cartes de tarots m'ont confirmé que cette anomalie est en chemin. Je n’ai pas la moindre idée de quoi faire avec ce savoir. » C'était le moment clé. Klarion voulait s’assurer qu'il avait son attention avant de commencer à lui dire exactement ce qu'il avait vu. Car le jeune sorcier craignait que sans cela, elle refuserait définitivement de lui fournir son aide. « Je t’ai appelé ici parce que j’aimerais avoir de ton aide. » Le Bleak avait atteint sa position antérieure, mais il ne s'était pas arrêté là et il s’était d’avantage rapproché de sa personne. Son regard était provocateur cette fois. Moqueur même. « Mais de toute évidence tu convoites. Nomme-moi ton prix. » Si elle avait besoin d'un incitatif qu'il pourrait lui fournir, il était prêt à l'écouter. C'était probablement dans la nature de la demi-démone après tout. Tout comme ça avait était dans la sienne auparavant. Honnêtement, il n'avait pas non plus été prêt à donner son aide sans un prix avant de rejoindre le combat contre Savage. @Rachel Roth :copyright:️ 2981 12289 0
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L’intérêt de la démone fluctuait intensément entre les différents sujets qui s’offraient à elle. Il a déjà été mentionné que la notion du temps était différente pour les démons, ce qui influençait directement sur l’attention que pouvait garder la créature sur ce plan d’existence. Ce n’était pas une question d’ennui, pas à proprement parler, c’était plutôt qu’elle recherchait à chaque fois quelque de « plus » intéressant, de plus excitant, de plus intriguant. Pendant un bref instant, Pride pensa l’avoir trouvé, cette perle rare au milieu d’un océan de régularité et de prévisibilité. L’énergie contenue dans ce simple échange de regard la fit frémir ; l’infernale se laissa même faire lorsque le Witch Boy tendit une main vers elle, osant replacer une mèche d’encre derrière son oreille. Personne ne l’avait touchée ainsi depuis… Personne, en vérité. Elle n’avait jamais consenti à ce genre de proximité, fusse-t-elle innocente. L’Orgueil ne prévoyait pas d’être ainsi laissée à portée des actions du sorcier, mais le risque valait la chandelle. Une partie d’elle doutait qu’il puisse réellement la blesser – pas qu’il ne puisse en avoir l’intention, cependant elle était pratiquement sûre qu’il n’y arriverait pas. Péché d’orgueil, douce ironie. A moins qu’elle ne soit parfaitement consciente de leurs niveaux mutuels. L’énergie s’évapora brusquement quand il se recula et elle roula des yeux dans son dos, déçue de ne pas avoir pu exploiter davantage ces perturbations. Elle resta de marbre lorsqu’il récapitula ce qu’elle savait déjà, laissant à nouveau son attention vagabonder. Quand elle s’approcha de Teekl, il s’éloigna d’un bond et cela lui arracha un sourire sournois. La bestiole craignait-elle la démone, ou n’était-ce qu’un réflexe de survie ?
Toutefois, en une poignée de phrases, le sujet devint nettement plus captivant. Ainsi, le peuple de Limbo Town était à l’origine de l’une des races les plus avancées de l’univers ? Et paradoxalement, les Sheeda avaient créé leurs ancêtres. Tu parles d’un foutu bordel temporel. Ah, la magie et ses incohérences. Il n’y avait rien de tel pour mettre en boule l’espace-temps. Du bout des griffes, elle s’empara d’un chocolat enveloppé dans un emballage doré et commença avec une lenteur incroyable à le déshabiller. D’un point de vue extérieur, elle donnait l’impression de ne pas écouter un seul mot de ce que disait Klarion. Elle ne le regardait même pas. Et pourtant. Chaque geste qu’il faisait lui était connu, chaque parole était analysée avec intensité. Il avait réussi son pari : Pride était intriguée. S’étant délesté de ses cartes de tarot en chemin, il revint vers elle, terminant son explication par une révélation. Ce qu’il avait vu était trop important pour être négligé. Et malgré ses connexions avec les « héros » restants de cet univers, il n’avait pas la moindre idée d’avec qui partager son savoir. Il avait besoin de son aide. Le papier doré fut replié, déposé en un carré parfait à côté de la boîte de chocolats. Il avait raison : un démon convoitait. Un démon désirait. Que souhaitait Pride en retour ? Elle-même l’ignorait en cet instant. Prenant le temps de la réflexion semblait-il, la créature se rapprocha avec langueur du sorcier, tenant entre l’index et le pouce la friandise.
« Faire appel à un démon alors que l’on est entouré de héros… as-tu davantage foi en moi qu’en eux, Klarion Bleak ? » Proche du Witch Boy, l’Orgueil s’immobilisa, puis après un sourire narquois, releva la main pour présenter le chocolat contre les lèvres du Bleak. « Tu m’en vois flattée. » Offrande disparue, elle donna une tape du bout de la griffe sur le nez de Klarion, le contournant en laissant sa dextre courir le long de son bras. « Faisons un marché. Mon aide contre… quelque chose que je réclamerai et nommerai au terme de cette formidable aventure. » Elle leva l’index pour interrompre toute contestation. « Si cela peut te rassurer, je consens à promettre que ma requête ne causera aucun mal à qui que ce soit. » Pride s’appuya contre la table de la hanche, ses orbes noirs dévisageant le sorcier avec amusement. « This is a one-time deal, Witch Boy, choose carefully, » souffla la démone sans chercher à dissimuler qu’elle retirait beaucoup de plaisir de ces manigances mystérieuses. Il n’avait aucun moyen de deviner quelle serait la teneur de ce « paiement » qu’elle pourrait lui demander. Et en un sens, sa promesse était bien trop vague. Aucun mal à qui que ce soit ? Un esprit simple serait rassuré par ces quelques mots, mais Klarion avait vécu plus longtemps qu’elle, il savait que les mots n’avaient parfois pas le sens qu’on leur donnait. Une mort pouvait être un cadeau si donné à la bonne personne. Un mal pouvait être un bien selon l’angle de l’histoire.
Mais c’était la seule chose que Pride consentait à dire à ce sujet. Se détournant du jeune homme, elle fit danser ses griffes sur le bois de la table, virevoltant autour du paquet de tarots. « Que t’ont murmuré les cartes ? » Cette fois, son expression et son regard transparaissaient d’un sérieux sévère. Quel savoir se dissimulait dans ce jeu savamment illustré ? Que mal pouvait justifier un pacte avec un démon ?
Avait-il réellement un autre choix que d’accepter sa requête ?
Puzzling Precognitions Le mal de prendre une hypallage pour une découverte, une métaphore pour une démonstration, un vomissement de mots pour un torrent de connaissances capitales, et soi-même pour un oracle, ce mal naît avec nous. - Paul Valéry
Le jeune sorcier lança un coup d’œil accusateur à son familier. Son chat semblait effrayé de la démone, voir même quelque peu hostile à son égard. Il se demandait bien pourquoi il agissait de façon aussi irrationnellement. Le fait que Teekl ait toujours été le plus sage entre eux deux ne l’avait jamais vraiment frappé. Ce n'est pas que Klarion était inconscient du fait qu'elle est restée une entité démoniaque. C'est simplement qu'il était le genre de personne à naviguer dans la vie comme si rien ne lui importait vraiment. Il avait vécu pendant tant d'années comme rien de plus qu'un paquet d'énergie mystique. Il ne ressentait ni ne ressentait la peur de la même manière que les autres êtres vivants. Il l'a toujours fait, à sa manière. Il avait toujours ses propres démons. Mon frère, tu ne penses pas être un peu trop détendu avec notre invitée ? Le jeune sorcier roula les yeux après avoir lancer un regard irrité sur son Draaga. « Teekl, tu es terriblement grossier en ce moment. » Le chat, pas trop content d'entendre cela, quitta la pièce pour le moment en sifflant son agacement.
Klarion se retourna alors vers la demi-démone et regarda sa démarche séduisante, et se retrouva plus qu’un petit peu distrait tout d'un coup. Il fronça les sourcils en écoutant la question de Pride sur la raison pour laquelle il avait mis sa foi en elle plutôt qu'en ses camarades et s’il en plaçait plus en elle qu’il ne le faisait avec eux. Non, ce n’était pas le cas. Pas vraiment du moins. Mais ce n'était pas parce qu'il ne lui faisait pas confiance. C'était parce qu'il n’arrivait pas vraiment à sa foi en qui que ce soit, bien qu’il fût devenu plus que doué pour ce qui était de prétendre d’en être capable. Cependant, il désirait en être capable, oui, mais ses traumatismes, la personne même qui ceux-ci avaient façonnée, ne voulait tout simplement pas baisser sa garde. « J’aimerais bien te rappeler que ces soi-disant héros dont tu parles sont tous des criminels. Tout comme moi. Qui suis-je pour juger ? » Klarion n'était pas sur le point de lui révéler que, secrètement, il soupçonnait qu'elle et lui partageaient bien plus en commun qu'il ne le ferait jamais avec ces autres héros. Qu'est-ce qui définit un démon de toute façon ? Et un héros ? Le jeune Bleak détestait laisser les autres définir ce qu’il était, d’être relégué à un rôle qui ne lui convenait pas. Il essayait d'éviter de perpétrer ce même comportement, mais en vérité il en était coupable lui-même. N'avait-il pas sauté à une conclusion entièrement basée sur la nature de Pride lorsqu'il l'avait rencontrée pour la première fois ? Mais il avait rapidement réalisé que c'était de l'hypocrisie. Elle était là pour rendre visite à Zatanna, tout comme lui. Elle et lui, ils étaient simplement qui ils étaient. Rien de plus, rien de moins. De plus, s'il devait être complètement honnête, le jeune sorcier ne savait pas exactement qui pourrait l'aider parmis ses compatriotes habituels dans cette situation sans qu’ils ne se retrouvent extrêmement, disons, dépassés. Il la regarda lentement porter le chocolat qu'elle tenait entre ses doigts vers ses lèvres, sentant quelque chose bouger dans sa poitrine, ce qui eut tôt fait de le faire d’accélérer sa respiration. Confus par les sentiments qui s'agitaient en lui, le jeune homme écarta les lèvres et accepta son geste, bien qu’un peu méfiant, ses lèvres frôlant brièvement les doigts de Pride.
Mais Pride était loin d'avoir terminée de le tourmenter ainsi. Elle semblait très consciente du fait que son contact envoyait pratiquement le jeune homme valser de confusion. Il n'avait jamais connu de contact physique similaire avec qui que ce soit auparavant. Il n'avait rien cherché de semblable non plus, car il avait passé tellement de temps en tant qu'un être désincarné qu'il ne voyait généralement pas les corps physiques de la même manière que les autres. Mais alors que l’héritière de Trigon parcourait le long de son bras avec sa main griffue, il ne pouvait certainement pas dire exactement que ce n'était pas ... Agréable. Déstabilisant, oui absolument, mais pas moins aguichant. Pendant un instant, inexplicablement, il fut pris d’une violente envie de placer sa main dans le creux de la nuque de la demi-démone et de l’attirer vers lui... Mais pourquoi exactement? Il chassa cette idée ridicule, ce désir hasardeux, se demandant encore une fois si tout cela n'avait pas été une erreur. Le Bleak écouta sa demande en haussant les sourcils. « Je ne… » Elle avait assurément prédit qu'il protesterait immédiatement sa demande, car elle l’avait interrompu aussitôt. Et donc, il leva un peu le menton vers le haut, continua de l'écouter. Klarion n'avait jamais été très prudent et qu'il n'était pas non plus vraiment le type le plus sage qui soit. Et vraiment, soyons honnêtes, le fait qu'elle puisse demander quelque chose qui impliquerait de blesser les gens n'était pas vraiment une grande inquiétude pour lui. Elle voulait entendre sa réponse, le Witchboy haussa donc simplement les épaules en lui répondant : « Sure, sounds interesting. I’ve always liked a mystery. » Pour le meilleur ou pour le pire, il était tout simplement trop curieux pour laisser passer une telle demande, aussi stupide que cela puisse être.
Le jeune sorcier se dirigea vers le côté opposé de la table, la fixant dans ses yeux noirs hypnotisant alors que ses mains trouvèrent le paquet de cartes de tarot. Et puis, après qu’il aille procéder à les mélanger pendant quelques instants, le jeune homme dispersa cinq d'entre elles sur la table, face cachée. Il s'éclaircit la gorge doucement, car il y en pas mal long à expliquer. Et donc, il commença à expliquer comment, depuis aussi loin qu’il ne se souvienne, ses visions lui avaient toujours montré deux mondes différents mais indissociable, comme s’ils étaient entrelacés l’un avec un autre. Instables et simultanés. Mais que tout récemment, le Bleak en avait aperçu un troisième. Un où ils ne réussissaient pas réussi à renverser Savage. Où la Terre, sans sa Justice League pour la défendre, s'est retrouvée dévastée. Des cendres de cette Terre, un être immensément puissant est né. La vision elle-même n'avait pas été très claire, mais d'après ce que Klarion avait pu interpréter, l'être en question était rempli d'une terrible, profonde, tristesse et désirait plus que tout n'avoir jamais vu la lumière du jour. Son rêve avait semblé lui démontrer que la créature n’avait su trouver qu’un seul moyen pour mettre fin à son existence : d'empêcher les événements qui menaient à sa naissance de se produire. Alors, elle reviendrait ici, à leur époque et ferait de son mieux pour œuvrer et empêcher la calamité de se produire. Malheureusement, s'il s’en tenait à ce que ses visions lui avaient montré, cela ne pouvait tout simplement pas fonctionner. Cette créature existait déjà, quoi qu'elle fasse, elle ne pouvait pas changer ce fait. Sinon, si ses actions auraient pu empêcher sa propre naissance, elle n’aurait jamais pu changer le passé en premier lieu. Tout comme les habitants de Limbo Town et les Sheeda, peu importait si c’était l'œuf ou le poulet qui était venu en premier ; les deux existaient, tout simplement. Lorsqu’elle comprendrait que ses actions n'étaient pas suffisantes, qu'elles ne seraient jamais suffisantes, elle commencerait alors à évacuer sa frustration sur ce monde, à le brûler dans son entièreté. Le Spectre lui-même se lèverait pour essayer de l'arrêter, mais leur affrontement conduirait ironiquement précisément à la dévastation de leur Terre, ce qui donnerait naissance à la créature.
Le jeune sorcier révéla alors les cartes de tarots qu’il avait placé face cachée. Au bas des cartes, on pouvait les identifiés comme il suivait : l’Éternité, Le Monde, Le Jugement, la Lune et L’Épée. Toues les illustrations étaient animées par la magie qui résidait dans les cartes. Sur le premier était représenté Klarion lui-même. Sur le second était représenté un monde sans la moindre vie ; aucune végétation et pas la moindre goutte d’eau n’y était décelable. Sur le troisième, deux entités titanesques qui étaient composé de cosmos était prise dans une bataille formidable autour de la planète. Le quatrième dessinait ce qui ressemblait à un bouffon bleu et violet, avec une crête de lune bien visible sur sa tunique, agenouillée devant ce qui ressemblait à un crâne aviaire. Et enfin, l'épée tranchait en deux un ennemi, mais aucun sang ne coulait de ses plaies. « Normalement, je ferais l’interprétation d’un dizaine de cartes, mais ça fait plusieurs fois maintenant que je répète l’exercice, et c'est inutile. Voici ce qui se passe chaque fois que j'essaie d'en tirer un autre... » Il prit une carte du paquet et la plaça lentement devant la demi-démone. Il n'y avait aucun dessin dessus et au bas de la carte était on pouvait y lire "Melancholy". Et puis répéta le geste, en a plaçant une autre qui se révéla identique, puis une autre, une troisième et finalement, frustré, il a pris tout le jeu de cartes et le retourna sans la moindre cérémonie sur la table. Elles étaient tous exactement pareils. Il soupira, baissant les yeux sur toutes ces fichues cartes vides. « Je ne suis pas le plus grand lecteur de cartes de tarot qui soit. Ce titre reviendrait probablement à Xanadu, mais Dieu sait où elle se trouve. Je pense que Savage a ses mains sur elle depuis longtemps. » Il passa sa main dans ses cheveux avant de reposer son regard dans les orbes captivants de Pride en haussant les épaules avant de lui offrir un petit sourire. « Les cartes ne font que m’indiquer ce que je dois savoir et non ce que je veux savoir. Il est fort possible que je les lise mal, mais voici ce que je vois : je crois que je suis censé trouver un moyen d'empêcher ce bain de sang. Quelle que soit cette entité, elle ne peut clairement pas être tuée, mais il est également clair que la confrontation sera finalement inévitable. » Il plaça son menton dans le creux de la paume de sa main droite, cherchant de sa gauche la carte de la Lune pour ensuite la déposa dans la main de son invitée. « Je crois que c'est censé être Eclipso. Je ne l'ai jamais vu auparavant, mais cela ressemble aux descriptions de lui que j'ai lue ici et là. On dirait que les cartes m’informent que je dois rechercher son aide mais… Il n’est définitivement pas digne de confiance. Il brûlerait probablement le monde lui-même s'il en avait l'occasion. » Le jeune homme la regarda longuement, se demandant si c’était le moment où elle décidait de partir et de le laisser se débrouiller tout seul. Après tout, il parlait d'êtres immensément puissants et avec qui Klarion lui-même n'avait pas la moindre envie de tenter sa chance d'ordinaire. Eh bien, il était vrai qu'Eclipso n'était qu'une ombre de son ancienne gloire, mais il ne fallait pas tout de même le sous-estimer.
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Son attention dériva brièvement des cartes empilées quand il accepta son marché. Vraiment ? S’il aimait les mystères, le Witch Boy serait définitivement servi. Elle n’avait aucune intention de lui dévoiler ce qui se tramait dans sa petite tête. C’était bien plus divertissant comme ça. La démone hocha simplement la tête pour sceller leur accord, faisant un léger geste – une invitation – de la main pour l’inciter à prendre place près du tarot. Raven ne s’était jamais essayée à ce genre de divination, peut-être aurait-elle eu du succès, mais son domaine n’était clairement pas le tirage de cartes. Elle préférait se perdre dans les méandres des esprits, des possibilités, se noyer dans les sentiments et les dévorer. Rachel… Rachel n’aurait pas eu cette force à l’époque de sa reddition. L’enfant se serait perdue dans l’immensité d’un seul esprit, alors penser à en expérimenter plus d’un ? C’aurait été du suicide, ni plus, ni moins. Elle n’aurait pas supporté la pression perpétuelle, aurait perdu pied dans les méandres de l’infinité. Car chacun possédait un univers en lui, qu’elle pouvait vider de toutes ses couleurs ou saturer jusqu’à ce qu’il implose. Chacun… Même Klarion Bleak. Sa psyché était un océan, vaste, beaucoup trop calme pour être naturel. Une mer d’huile, à peine troublée par des ridules quand elle se rapprochait trop de lui. Et sous la première couche lisse, le chaos se déchainait. Le maelström de pensées, de courants, d’émotions sans queue ni tête. Un instant l’une, et puis l’autre. Si profondément enfouies sous la surface qu’il fallait s’armer de courage pour s’aventurer dans les ténèbres. Avait-il seulement conscience de tout cela ? La majorité des humains ne se rendaient pas compte que chaque mot pensé était une étoile filante. Un flash dans la nuit. Un claquement dans le silence. Klarion savait-il que le moindre de ses souffles attirait invariablement l’attention de la démone à ses côtés, comme un papillon nocturne qui virevolte autour d’une flamme vacillante ? Fort heureusement pour lui, l’intérêt de Pride se tournait à présent vers le tarot qu’il avait commencé à mélanger.
Un problème à la fois. Un mystère à la fois.
Avant de tirer les cartes, il passa un moment à lui expliquer ce qu’il avait vu. Attentive, la démone le fixa en l’écoutant, s’appuyant de ses deux mains griffues sur le dossier de la chaise. Séparés par la table, ils étaient deux silhouettes tendues l’une vers l’autre, reliées par le regard. Et quelque chose d’autre. Quelque chose qu’elle n’arrivait pas à nommer. Ainsi, il avait aperçu un troisième univers ? Ses capacités étaient plus puissantes que ce qu’elle n’avait pensé de prime abord. Il n’était pas juste un enfant de Limbo Town. Ce qu’il avait traversé l’avait renforcé malgré la destruction de son corps originel. Il en était sorti plus puissant. Et elle aurait été stupide de le sous-estimer. Quelle était donc cette créature qui risquait d’anéantir univers après univers ? Pride ne ressentait pas de peur à cette idée, simplement une curiosité presque maladive. Elle voulait comprendre. Elle voulait y être confrontée. Ses veines se mirent à charrier un sang plus chaud, plus vif. L’anticipation fit briller ses prunelles noires d’un éclat mystique. Finalement, les longs doigts du Witch Boy commencèrent à retourner une carte après l’autre. L’Eternité. Le Monde. Le Jugement. La Lune. L’Epée. Elle n’était pas familière avec les descriptions des cartes, mais leur nom était inscrit à chaque fois. Une fois les cinq premières dévoilées, il fit une pause, puis en tira une sixième. Une septième. Une huitième. Vierges, avec pour seule inscription « Melancholy. » Les yeux de la démone s’étrécirent quand il se débarrassa de tout le paquet. Ce n’était pas un tour de magie. C’était le destin qui parlait.
« That’s kinda ominous, » s’amusa-t-elle en haussant un sourcil, faisant claquer ses griffes contre le bois du dossier. Puis Pride s’en détacha, haussant subtilement la tête quand il soupçonna que Savage s’était probablement déjà emparé de Xanadu. Ses pas la rapprochèrent du sorcier. Il pensait qu’il devait empêcher ce désastre d’arriver. Que c’était justement pour ça que les cartes répétaient le même message. « Why you ? Maybe it’s just meant to happen. Maybe it’s not a warning, just a fact. Maybe you’ve been too caught up in this hero nonsense that you start to feel that you’re the only one capable to save this world. » Raven cessa sa progression à ses côtés, l’observant sans le juger. Elle attendait sa réponse avec l’esquisse d’un sourire provocateur au bord des lèvres. Avait-il développé une sorte de complexe du héros lui aussi ? Cela devenait une vilaine habitude. Il lui déposa la carte de la Lune dans la paume de la main et elle la leva à hauteur de ses yeux, entre deux griffes effilées. Entités cosmiques. Bataille éternelle. Quand il mentionna Eclipso, elle se concentra sur les détails des visages. L’un semblait au trois quart dévoré par les ténèbres. Oui. Cela pouvait correspondre en effet. Même dans la dimension infernale, la puissance de l’ancien esprit de Wrath était connue. Sa disparition avait suscité l’intérêt de certains, on avait parfois tenté de s’approprier la puissance des diamants noirs, sans jamais y parvenir. L’influence d’Eclipso était trop puissante, même pour eux. Il dévastait le monde dès qu’il trouvait un hôte capable de le contenir, déversant sa rage lors d’éclipses auréolées de violence. « Hm. » Pride fit pivoter la carte entre son index et son majeur. « Sounds fun. What are we waiting for ? » De sa main libre, la démone s’appuya sur la table, écrasant sous sa paume l’Eternité.
Elle ancra ses orbes abyssaux dans les siens, le fixant au travers de ses cils charbonneux. « I can’t wait to claim my prize, » souffla-t-elle en penchant la tête sur le côté, mutine. La démone se redressa ensuite, déposant la carte qu’elle tenait parmi les autres. La griffe de son index tapota le dessin, pensive. « This is probably a one-way ticket to Hells knows what. But if this is all Fate, we don’t have a choice, right ? Gotta be the hero. » Son attitude nonchalante donnait l’impression qu’elle ne craignait pas le moins du monde ce qu’ils s’apprêtaient à faire… et quelque part, c’était le cas. Elle n’avait pas peur de cesser d’exister – notamment parce qu’une partie d’elle doutait que ce soit possible. Son corps avait déjà été détruit lors d’affrontements avec ses frères. Jamais totalement oblitéré, de façon à ce qu’il puisse se régénérer, mais elle avait été expulsée sous forme d’esprit et se sentait autant à l’aise dans ce plan d’existence que dans l’autre. Et… serait-ce si terrible de mourir, si les univers devaient progressivement cesser d’exister après qu’ils aient échoués ? Si les visions de Klarion étaient vraies, cette chose ne s’arrêterait pas là. Elle chercherait toujours à trouver un moyen de stopper sa propre création. Eclipso pourrait-il vraiment leur donner une chance de changer cela ? « Come on, Klarion Bleak, it’s not polite to keep a girl waiting. » La créature infernale tendit la main vers le Witch Boy, paume vers le ciel. Ses lèvres se retroussèrent. « We don’t need spells. Show me where you want us to go, and I’ll get us there. Pros of being on the same team as a demon. »
S’il ouvrait son esprit assez pour qu’elle puisse distinguer une location précise, il s’exposait à un examen plus pousser. Ce dont il devait se douter. Pride plissa les paupières, ajoutant avec malice : « Don’t worry, I won’t try to read you. I prefer a bit of mystery too. »
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« That’s kinda ominous » avait-elle déclaré en cognant ses griffes contre la table. Klarion n’aurait pas être plus en accord. Il avait été particulièrement agacé la première fois qu'il l'avait vu ce phénomène. « Coming from a demon, that’s fairly exceptional » pensa-il avec un petit rire tout en regardant Pride marcher vers lui une fois de plus. Il n’aurait jamais osé se considérer comme une sorte de héros dans cette situation, non, pas du tout. Mais il s’avérait qu’il aimait plutôt bien exister, et qu’il s’était vraiment attaché à cette Terre. Limbo Town était peut-être l'endroit où il était venu dans ce monde, mais la maison qu'il avait choisie se situait bien, ici, à la surface. Et il n'aimait pas trop cela quand des gens venait menaçait de venir mettre le feu avec SON domicile. Le jeune homme n'en avait vraiment rien à foutre s'il s'agissait d'entités qui faisaient frémir de peur la majorité de ceux qui connaissaient leur existence. Il ne baissa pas les bras facilement. Même lorsqu'il s’était retrouvé attacher à un piquet en bois, attendant que sa propre famille et ses voisins le brûlent vif, il n'avait su accepter son destin et avait tâché de les convaincre d’arrêter cette folie zélée. Même quand il avait affronté Melmoth, persuadé qu'il avait pratiquement aucune chance de vaincre l’immortel sorcier cinglé, il n'avait pas fui la chance de remettre ce terrible monstre à sa place. Même quand il avait compris que le pouvoir qui résidait en sa personne après l’avoir absorbé allait sans aucun doute lui coûter la vie, il n'avait pas accepté d’attendre sa mort tranquillement et c’était résolu à trouver, en vain, une solution. C'était simplement qui il était. Klarion Bleak. The Witch Boy. The Warlock. Lord of Chaos. Peu importait le titre qu’il portait, il restait le flippant gamin éternel qui ne laisserait jamais plus personne lui dire ce qu’il pouvait - ou ne pouvait pas - faire dans ce bas monde, mais il aimait tellement s’amuser aux dépends de ceux qui essayaient de faire exactement cela. L'ultime individualiste. Sachant tout cela, comment pourrait-il jamais vraiment être un héros ? D'après ce qu'il pouvait tirer de son sourire provocateur, elle essayait encore de le cerner. « I don’t know why. Maybe I’m supposed to stop it. Maybe I’m the reason it happens in the first place. Or maybe, I was simply meant to bring you into all of this, so that you can put a stop to it. I don’t have any of the answers, Pride. Do you know how many world-ending-threats powerful sorcerers and wizards deal it routinely ? Threats similar to your father ? Way too often. »
Klarion ne lui avait pas partagé le fait qu'il croyait que le crâne aviaire devant lequel Eclipso s'inclinait la représentait elle. Ce n'était qu'une intuition bien entendu, rien que le jeune sorcier savait à coup sûr. Elle avait également regardé attentivement la carte correspondante. L’avait-elle constaté ? Probablement, elle était bien plus observatrice - et intelligente - que la plupart des personnes que Klarion avait le plaisir de rencontrer. Pride pouvait sans doute facilement le remarquer, mais il ne voulait pas exactement se frayer un chemin dans son esprit de toute façon ; cela ne serait pas très amusant, et il ne doutait pas qu'elle puisse facilement briser une telle intrusion. Non, Klarion voulait simplement sonder la surface. Pourquoi ? Il ne se l'admettrait probablement pas à ce moment précis, mais il désirait en savoir plus sur elle. Le jeune Bleak ne voulait rien de plus que d’observer la pointe de l'iceberg afin de pouvoir, avec les quelques indices qu’il pourrait y déceler, deviner la forme de celle-ci sous l’eau. Comme il avait si nonchalamment déclaré en acceptant la demande de l’héritière de Trigon, le jeune sorcier savait apprécier un mystère. Cependant, pour autant qu'il puisse en juger, Pride, contrairement à lui, semblait être un peu plus réceptive à l'idée du destin. Pourquoi ? Pourquoi quelqu'un comme elle voudrait-il simplement se laisser faire ? Quelqu'un d'aussi puissant ? Elle ne semblait pas à la hauteur de ce nom si séduisant sous cet angle spécifique. Mais cela ne le décevait point. C'était déroutant, intéressant et humain. Ou peut-être qu'il avait tort. Ou peut-être qu'il avait tort : après tout, les réponses de la jeune femme semblaient indiquer qu’elle était prête à le suivre dans sa folie. « Of course. Everything is fun, as long as you do it with me. » Son ton était plus arrogant que jamais.
Oh, elle allait se faire un point de lui rappeler qu’il avait accepté de lui concéder ce qu’elle convoitait et cela constamment, n'est-ce pas ? Cela pourrait facilement devenir lourd pour un autre, mais pour lui, cela ne faisait que lui soutirer un regard dubitatif. Désirait-elle s’approprié son âme, ou quelque chose d'autre dans ce sens ? Non, probablement trop cliché. D'ailleurs, elle l'aurait sans doute fait signer une sorte de contrat suspect si c'était le cas. Le pauvre Witch Boy était complètement dépassé par les sous-entendus auxquels les mots de la demi-démone pouvaient bien faire allusion. « A one-way ticket to Hell ? Please ! I came back from worse before. » Et oui, Klarion s’était vraiment déjà sorti de situations qui furent facilement aussi catastrophiques. Bon d’accord, il n'avait jamais vraiment mis le pied en enfer, mais il avait certainement visité des endroits comparables pendant les nombreuses années où il a été un être immatériel. Des plans d’existences qui conduiraient l'esprit d’un être régulier à une folie complète et totale. Des réalités dignes des horreurs lovecraftiennes. Et il était convaincu qu'elle avait également survécu à son lot de situations éprouvantes compte tenu de ce qu'il savait d'elle. Malheureusement, il était clair à ce stade qu'elle en savait plus que lui sur elle. Le Bleak se jurait qu’il allait devoir régler ça et très bientôt. Il n'aimait pas trop trainer derrière ainsi.
Le jeune sorcier leva le menton en lui lançant un regard joueur quand elle lui mentionnait qu’il était impoli de faire patienter une fille. Il avait entendu quelque chose de similaire à cette ligne à plusieurs reprises auparavant, principalement dans la fiction et le cinéma. Néanmoins, il ne s'était pas attendu à quelque chose comme ça de sa part. Il ne détestait pas ça. C’était divertissant. Il avait eu raison : Pride était de fantastique compagnie. « Oh please, I’m not worried » répondit-il tout en commençant à marcher vers Pride lorsque celle-ci lui expliqua qu’elle pouvait les amener rapidement où qu'ils se dirigent s'il la laissait entrer dans son esprit. Mais l'était-il ? Peut-être bien qu’il le fût un peu malgré tout. Normalement, l’idée qu’une personne puisse voir ce qui se tramait dans sa tête ne le dérangerait pas du tout, mais il n'aimait pas trop que ça soit elle. Il se sentait déjà particulièrement désorienté - et peut-être même vulnérable - par les gestes provocateurs et la proximité de la jeune femme, il n’avait pas vraiment envi qu’elle sache à quel point c’était le cas. « Teekl, get back here, we’re leaving » dit-il à voix haute, bien que son chat capta ses paroles télépathiquement de toute façon. Le chat devait être encore fâché par la déclaration précédente de son maîre, car il ne daigna pas répondre alors qu’il se dirigea vers la salle de séjour pour rejoindre le jeune sorcier et la demi-démone. Klarion regarda la paume ouverte de la fille de Trigon en se rapprochant d'elle. Elle semblait s'attendre à ce qu'il s'en empare ; ce qu'il fit sans hésitation une fois que son Draaga les rejoignit. « Go on, dive in. » Aussitôt cela dit, il ferma les yeux tout en visualisant l’endroit où qu’il avait planifié de visiter en premier. Dans son esprit, il matérialisa l'endroit qu'il cherchait : Campeche, Mexique, l’extérieur de la ruine d'une vieille tour Maya. Un endroit qui, il l’espèrait, pouvait leur donner des indices. Des indices qui pourraient les conduire à un talisman d'Eclipso.
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