no wishes for the witches (ROSALIE & ZATANNA)

Elles sont là et elles ne font rien. Elles sont là et elles attendent, figées comme des statues de marbre au milieu des ruines de Westminster. En face d'elles, Rosie n'ose pas non plus esquisser le moindre geste. Son cœur cogne furieusement dans sa poitrine et elle serre les poings pour empêcher ses mains de trembler. De là où elle se tient elle parvient tout juste à deviner leurs visages mais c'est suffisant ; elle ne veut pas en voir davantage. L'une des deux sorcières lui ressemble trait pour trait sans le moindre doute, et l'autre a beaucoup trop de traits communs avec Zatanna pour que ce soit une coïncidence. Rosie entend la clameur des combats qui se déroulent au à l'autre bout de Westminster mais elle sait qu'elle ne peut pas se risquer à aller voir ce qu'il s'y passe. Elle le maudit, ce foutu Brainiac et ses idées tordues. Pour qui se prend-il, ce grand psychopathe de l'espace ? Pour un dieu ? C'est certain. Les poings de Rosie se mettent à luire d'une lumière écarlate menaçante, mais aucune des sorcières ne bouge, on dirait qu'elles ne la voient même pas. C'en est trop, elle hurle de rage. « Allez-y, attaquez ! Qu'est-ce que vous attendez ?! Que je meures d'ennui ?! ALLEZ ! » L'attente est encore plus insupportable que la peur du combat. Si elles essaient de la déstabiliser, c'est chose faite. Son esprit est anormalement silencieux, elle n'entend que quelques murmures timides – pour une fois qu'elle a vraiment besoin d'aide et de conseils, tout le monde la ferme ! Peut-être que c'est à elle qu'ils parlent, à cette Sigrid ? Comment les choses sont-elles censées fonctionner quand il n'y a plus une mais deux Völur, censées s'entretuer ? Partagent-elles les mêmes ancêtres, les mêmes dieux ? Est-ce qu'ils la jugent plus digne de leur héritage ? Rosie n'ose même pas essayer de lire dans les pensées de son double, trop effrayée par les réponses qu'elle risquerait d'y trouver. Et pour une raison ou une autre, Sigrid n'ose pas non plus lire dans les siennes. Rosie lève le poing, menaçante, et l'énergie magique se propage à son corps, lui donnant ainsi des allures de torche humaine. Mais là non plus, aucune réaction. Et elle, elle n'attaquera pas en premier, oh non, elle ne sera pas la première à faire couler le sang. « Qu'est-ce que vous voulez ? Qu'est-ce que vous attendez ? Toi, tu es censée me tuer, alors qu'est-ce que tu – » Elle ne termine pas sa phrase, interrompue par l'apparition brutale d'une signature magique qu'elle connaît et qui pourtant est différente. « Zatanna... ? Zatanna ! » Méfiante, Rosie lance un regard aux deux sorcières avant de réabsorber sa magie pour se précipiter aux côtés de son amie, qui vient d’apparaître comme... Comme par magie, sauf que cela n'a rien à voir avec cela. Elle s'arrête à quelques pas d'elle, retenue par un étrange pressentiment. C'est bien la Zatanna de son monde, il n'y a aucun doute là dessus. Mais elle est différente, son aura est si... Sombre. Encore un détail que John aura oublié de lui préciser. « Je suis désolée que tu sois ici toi aussi... Et je suis désolée... Pour tout. » D'un coup, tout s'éclaircit. C'est Zatanna que les deux sorcières attendaient patiemment. Pas pour que le combat soit équitable, oh non... C'est parce qu'elles sont persuadées de pouvoir les détruire toutes les deux. Contrairement Zatanna et elle, ces deux là étaient prêtes à en découdre avec leurs doubles. Après tout, des Furies de la reine des Amazones ne peuvent que déborder d'assurance. Avant de faire quoi que ce soit d'autre et presque par réflexe, Rosie érige un champ de force protecteur pour leur faire gagner quelques encore secondes avant que leurs adversaires n'attaquent. De façon très égoïste, elle regrette d'avoir demandé à Fenrir d'aider la Résistance au lieu de la retrouver aussitôt après qu'elle ait été déplacée par la technologie de Brainiac. « Je suis loin d'être une stratège de renom, mais je te propose que nous échangions nos rivales. Elles connaissent probablement nos magies par cœur, et en ce qui me concerne elle est sans doute bien plus puissante que je ne le suis ! » Comme en démontre la première attaque qui manque de faire exploser son bouclier tant elle est violente. Sa magie est censée être le parfait équilibre entre l'ordre et le chaos ; mais ce qui vient de l'attaquer, c'est le chaos à l'état pur, sauvage et destructeur. Une autre attaque lui fait presque perdre le contrôle, le bouclier se fissure. « John m'a ressuscitée pour que je retourne illico au Valhalla, tu parles d'une seconde chance ! Et merde... merde, merde, merde !! »

no wishes for the witches

Elle pressa les mains contre son visage en essayant de chasser les parasites qui ne cessaient de lui grignoter la raison depuis son dernier combat. Après tout, tu es une grande fille, c’est toi qui l’as choisi. Jusqu’à présent, elle avait eu et profité de tout ce à quoi elle aspirait : le contrôle, la force, la paix de l’esprit libéré de l’éthique et de l’empathie. Mais il avait fallu que des grains de sable se glissent dans la machine. Un simple baiser peut résoudre tous les maux, n'est-ce pas ? En acceptant ce deal, en acceptant  de servir un maître aussi envahissant que Nebiros, elle avait justement obtenu en échange de ne plus jamais se sentir impuissante. Qui que tu sois, tu n'es pas elle. Son esprit se délitait, déchiré entre ce qu’il avait été, ce qu’il était et ce que le démon voulait qu’il soit – c’est-à-dire à lui. … je suis tellement désolé, Zee. Quelque chose n’allait pas. C’était l’exorciste qui lui avait fait ça. Elle entendait le démon lui hurler dessus, comme si ses insultes allaient l’aider à reprendre le contrôle. Elle se retint de lui dire de la fermer. Elle n’était pas possédée. Sous influence, acquise malgré elle à la cause infernale… quelque chose comme ça. Quelque chose qui lui permettrait de ne plus jamais se tenir debout dans une grotte glacée et se contenter de regarder les autres mourir.

…allons nous marier… rien en faire de particulier... Nous allons juste nous marier.

Elle se redressa, calmée par cette dernière voix qui s’était incrustée dans sa tête comme une écharde de glace, ce dernier souvenir avant qu’elle reprenne le contrôle. Le silence, enfin… Et Rosalie Rosewood, à ses côtés. Zee regarda autour d’elle et un sourire fleurit sur ses lèvres. Depuis qu’elle avait compris ce qui lui était arrivé, elle avait rêvé de croiser son double. Zee n’apprécia pas particulièrement le regard peu impressionnée que l’autre Zee posa sur elle, cela dit. Voilà donc que le foutu connard qui les avait enfermés sur cette poubelle avait décidé de se saisir d’elle, de son corps, de sa magie, de tous les droits qu’elle avait clamés sur ce monde depuis qu’elle était ici, et de la rouler en boule dans son poing, et de la recracher dans cet endroit… En présence de Rosie et de leurs doubles… Elle sentit un bouclier magique les entourer et reporta son attention sur la jeune sorcière scandinave, le regard brillant. Elle voyait les relents de la mort encore accrochés à ses cheveux, à ses doigts, à son cou… « Rosie… Il y en a un qui n’a pas chômé, ces derniers temps. Lequel de ses derniers amis a servi de monnaie d’échange pour te ramener ? Oh, peu importe… Tu es magnifique. » Elle savait, objectivement, que celle qu’elle avait été en aurait pleuré, de rage et de soulagement mêlés, de voir Rosalie se tenir devant elle, en vie. Celle qu’elle avait été lui aurait interdit de s’excuser parce que rien n’était sa faute, c’était le reste du monde qui était coupable. Mais elle ne pouvait plus ressentir qu’une seule chose en voyant Rosie en vie : de la fascination. L’envie de la toucher, non pas pour la serrer contre son cœur jusqu’à l’en étouffer, mais pour goûter à ce linceul glacial qui l’avait entourée il y a encore peu de temps. Elle secoua la tête pour chasser quelque écho du passé, et le coup en plein cœur que cela lui fit sans qu'elle ne puisse lutter contre ça – Tu crois que Lucian aimera cette robe ?

Une attaque avait fait trembler le bouclier de Rosie et Zee regarda les deux sorcières de ce monde qui voulaient clairement les tuer. « C’est dommage… J’adorerais tuer celle-là de mes mains. » Celle qui portait son visage, et qui était si faible, si fragile, si empêtrée dans sa morale et sa sensiblerie… Mais peu lui importait au final. Ou bien c’était le démon qui lui insufflait cette pensée… Elle leva les mains vers la Rosie de Terre IV, les tatouages tortueux de ses bras gigotèrent comme des serpents et elle lança un sort sans égard pour le bouclier de celle qui se tenait à ses côté. « To mega Therion ! » Nul besoin de formule à l’envers pour user du pouvoir que Nebiros lui avait conféré. L’Aiwass, l'une des langues des démons, suffisait. Une brume noire et poisseuse apparut tout autour de la Furie, s’insinuant entre ses doigts, s’accrochant à son visage et à sa peau, prenant petit à petit l’apparence d’une bête immonde qui planta ses crocs de brume dans la nuque de son adversaire. « Bats-toi, Rosie. Massacre ce visage, rends-le méconnaissable. C’est toi, maintenant, celle qui donne la mort, non ? » Une vraie déesse scandinave, de mort et de désordre. Cela lui plaisait, à Zee, en tout cas, et rien que pour cela elle était ravie de voir son amie, l'amie d'une autre vie du moins, en vie. La vie après la mort n'était que chaos.

Codage par Libella sur Graphiorum

Le mauvais pressentiment de Rosie se confirme vite. La sorcière qui se tient à ses côtés n'est pas – ou plus – la Zatanna qu'elle aime tant. Quelque chose de sombre et de maléfique se dégage d'elle ; mais Rosie n'a hélas pas le temps de s'en préoccuper. Leurs adversaires n'ont que faire de leurs retrouvailles, elles attaquent sans relâche son bouclier sur lequel apparaissent de plus en plus de fissures. Rosie jette un regard stupéfait à Zatanna quand elle l'entend prononcer des mots dans une langue démoniaque, choquée qu'elle ose en faire usage. Elle est encore plus troublée par les paroles qu'elle lui adresse et qui lui font froid dans le dos. « … Quoi ? Non, Zatanna, non ! Je ne suis pas une meurtrière, je ne veux tuer personne ! Je ne donne pas la mort, et toi non plus ! » Zatanna l'effraie. Qu'est-elle devenue en son absence ? Elle aimerait pouvoir le lui demander, mais son bouclier cède et une rafale d'énergie magique l'envoie s'écraser lourdement sur le sol quelques mètres plus loin. Rosie ne doit pas faire attention à la douleur qui envahit son corps et vite reprendre ses esprits. Elle se relève juste à temps pour éviter d'être écrasée sous un énorme bloc de béton. Exactement comme elle le craignait, leurs doubles sont sans pitié. Le sort de Zatanna, bien que redoutable, n'empêche pas Sigrid de se libérer et de contre-attaquer en déchaînant la foudre de Thor. Du sang coule dans sa nuque et dans son dos mais elle semble plus furieuse que déstabilisée. À son tour, Rosie attaque, frappant le double de son amie d'un éclair qu'elle détourne de sa première cible pour lui en trouver une autre. C'est assez pour gagner quelques précieuses secondes pour réfléchir à un plan d'attaque. Elle lève les yeux vers le ciel orageux qui masque la lune et les étoiles, et une idée folle prend forme dans son esprit. Elle s'élève de plusieurs mètres, les mains tendues vers les nuages. Sigrid a invoqué une source de pouvoir que Rosie va pouvoir utiliser contre sa volonté et sans s'épuiser comme elle l'aurait fait si elle avait dû elle-même conjurer cette puissance. De petits éclairs se mettent à crépiter au bout de ses doigts et des vents violents se lèvent. « Thor... Thor... Jeg trenger din hjelp. Jeg trenger din hjelp... » Le tonnerre gronde et Rosie entend l'écho d'un seul mot dans son esprit – stormr. Elle prend une profonde inspiration et laisse la force du dieu l'envahir. Un seul mot. « STORMR ! » Au dessus des quatre sorcières, les vents et les nuages se mettent à tourbillonner et tornade prend forme. Elle descend doucement vers la terre, aspirant presque tout dans son vortex. Les mains de Rosie se mettent à trembler mais elle tient bon et garde sa création sous son contrôle, la dirigeant vers son adversaire qui va devoir redoubler d'efforts et d'imagination pour lui échapper. Le tonnerre gronde une fois de plus et les éclairs qui zigzaguent dans le ciel échappent au contrôle de Sigrid. C'est Rosie qui leur dit où frapper à présent, forte du soutien du Dieu du Tonnerre qui s'est rangé de son côté. Mais elle sous-estime la puissance de sa foudre, qui déclenche des explosions partout où elle frappe, déplaçant des tonnes de béton à chaque impact. Quand une pierre aussi grosse que le poing frappe son épaule, un cri de douleur lui échappe et elle réalise qu'elle doit relâcher une partie de son emprise sur la tornade pour se protéger des projectiles qui arrivent de tous les côtés. Avec un peu de chance, certains auront touché les deux sorcières ennemies. Pour autant, la détermination de Rosie à ne tuer personne n'a pas changé. Brainiac sera peut-être satisfait si elles se contentent de mettre leurs doubles hors d'état de nuire ? Se battre c'est une chose, mais tuer... Rosie n'est pas une sainte, elle a déjà pris une vie, mais c'était un cas de légitime défense, pas une rixe organisée par un fou venu d'un autre monde. Soudain, elle se met à hurler de douleur et prend sa tête entre ses mains en tombant à genoux. Victime d'une terrible attaque télépathique, sa tornade lui échappe et se dissout en même temps que le champ de force qui la protégeait. C'est elle, c'est Sigrid qui l'attaque si violemment. Elle connaît ses forces et surtout ses faiblesses, elle s'insinue dans son esprit et y plante ses serres. Rosie n'arrive pas à la chasser, alors elle réagit comme un animal acculé par un chasseur, elle attaque pour sauver sa peau. À l'aveuglette, elle envoie une salve d'énergie semblable à une boule de feu vers Sigrid. Et par conséquent, vers Zatanna.

no wishes for the witches

Non ? Non, on ne tue personne ? Dans ce monde où tout essayait de les tuer ? Dans ce monde, ou n’importe quel autre monde, qui avait pris la vie de Rosalie elle-même ? Comment ne pouvait-elle pas vouloir tuer, n’importe qui, n’importe quoi ? Sorcière, puissante, unique en son genre, le démon en Zee goûtait l’essence même de la jeune Scandinave et reconnaissait en elle autant de possibilités d’alliance que de rivalités absolues. Le démon ne concevait pas que Rosalie Rosewood, comme Zatanna Zatara avant qu’il ne l’influence, s’accroche ainsi à une morale qui ne faisait que limiter ses dons. Il n’acceptait pas que des êtres meilleurs que les simples humains se brident ainsi au nom de valeurs humaines et subjectives. Et Zatanna vibrait en harmonie avec lui. Elle qui avait embrassé Rosie avec la promesse de la voir se marier, la promesse d’un instant heureux, enfin, pour elle, pour Lucian, et pour ceux qui aurait dû avoir la chance d’assister à ce moment, pour apprendre un beau matin que la jeune femme était morte. Morte, morte, morte. Et en cette seconde encore, c’était la colère qui habitait Zee, alors qu’elle se demandait : Rosie avait-elle tout fait pour éviter son sort, ou bien l’avait-elle accepté ? Avait-elle tout sacrifié, ou bien s’était-elle sacrifiée elle-même au profit des autres ? Elle aussi avait été comme ça, mais plus maintenant, et plus jamais. Et elle ne désirait rien plus que voir Rosalie se libérer, pour ne plus jamais être faible, pour ne plus jamais être impuissante, pour ne plus jamais mourir et voir mourir les autres. Sauf si ces autres étaient des ennemis. Et quand on avait le pouvoir d’être au-dessus de tout et de tout le monde, alors tout le monde était l’ennemi, à commencer par ces deux-là, qui portaient leurs visages mais ne méritaient aucune pitié de leur part.

Et son visage n’exprima aucune pitié quand le double maléfique de celle-ci se tordit de douleur sous l’impact de sa magie brûlante et démoniaque. Malgré tout, son adversaire se libéra et déchaîna la foudre sur elle, détournée aussitôt par Rosalie elle-même. Zee lui jeta un regard incrédule. « Pourquoi perdre du temps ? Si on ne les tue pas, ce sont elles qui nous tueront, c’est aussi simple et limpide que ça. » Autant dire que l’esprit d’équipe n’était pas à son comble, mais en face, les deux sorcières de Terre IV ne semblaient pas non plus particulièrement intéressées par l’esprit d’équipe. Malgré tout, Zatanna ne put s’empêcher d’observer Rosie en action, fascinée. C’étaient des forces divines qu’elle manipulait là, et le démon en elle en était passablement écœuré, mais tout aussi impressionné. S’il avait croisé plus tôt cette sorcière scandinave, que n’aurait-il pu pas faire à ce monde à ses côtés ? Enfin, à condition qu’elle coopère, évidemment, et c’était mal parti. Sa force phénoménale, loin de vaporiser leurs deux adversaires comme elle aurait pu, comme elle aurait dû le faire, généra des jets de pierre et des éclats de foudre qui ne suffiraient pas à venir à bout des deux autres… Profitant de l’attaque de Rosalie, elle marmonna un sort énochien contre la paume de sa main : « Jabet rison mu… » Puis elle se téléporta dans la poussière et les gravats soulevés par les attaques, laissant derrière elle un double, une illusion d’elle-même. Au moment où elle réapparut derrière Sigrid, elle entendit le hurlement de Rosie et sentit son clone magique se faire déchiqueter par un sort de cette dernière. Sans ralentir, elle plaqua sa main où se tortillait son sort sur les lèvres de Sigrid, par-derrière, étouffant le hurlement qu’elle tenta de pousser. Son propre double déchaîna des lames d’air acérées contre elle et Zee roula au sol, les bras et le visage en sang, mais peu importait. « Je te tiens ! »

Zee ne savait pas ce que Sigrid faisait à Rosie, mais quand elle articula un sort pour faire tomber la foudre à son tour, Sigrid fit de même, bien malgré elle, et l’éclair ennemi s’abattit sur l’autre Zatanna, Darkworld, qui laissa échapper un cri aigu. La magicienne, manipulant Sigrid, recommença, et encore, et encore une fois, encouragée par le démon tapi au fond d’elle, jusqu’à ce que la paume de sa main la brûle : la tache noire disparut sur sa peau, son sort vaporisé par Sigrid elle-même, qui avait repris le contrôle. Mais peu importait. Y avait-il pire que d’être ainsi forcé à agir contre sa volonté ? Zee rejoignit Rosalie, qu’elle espérait libérée de l’emprise de son double. « Regarde-les, Rosie. Comment crois-tu que cela va se terminer ? Unissons nos forces et tuons-les. Je ne compte pas mourir ici, et toi tu as déjà défié la mort. » Et elle avait le pouvoir de la donner.

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L'attaque est si violente que Rosie a l'impression que Sigrid lui déchiquette le cerveau avec ses ongles. Si elle n'était pas incapable de bouger, elle se frapperait la tête contre le béton pour tenter d'échapper à la douleur. Sa rivale fouille son esprit, elle s'empare de ses souvenirs les plus heureux comme les plus douloureux, faisant remonter à la surface des moments de sa vie oubliés. Rosie hurle de rage à présent, furieuse qu'elle viole ainsi son intimité et s'applique à contrer son attaque malgré la souffrance qu'elle ressent. Brusquement, elle est libérée et un regard lancé à Zatanna lui suffit pour comprendre que c'est grâce à la magicienne qu'elle peut retrouver sa liberté de mouvement. Rosie se relève et fait quelques pas en titubant, le souffle court. Pendant quelques secondes elle reste immobile et sans voix face au déchaînement de violence dont fait preuve Zatanna. Ce n'est qu'à ce moment qu'elle ressent l'énergie démoniaque qui émane de la jeune femme. Zatanna n'est plus vraiment Zatanna. Voilà qui éclaircit tout, son attitude ainsi que la violence et la noirceur de sa magie. Quand elle se rapproche d'elle tandis que leurs adversaires, secouées, reprennent leurs esprits, elle s'écarte par réflexe. Une fois de plus, ses paroles lui donnent la nausée. « Je n'ai pas défié la mort, je me suis jetée dans ses bras ! » À son tour, Rosie s'emporte. Zatanna – ou celle qui prétend l'être – ne sait pas de quoi elle parle, elle n'a aucune idée de ce qu'elle a traversé, des décisions qui ont été les siennes. « Tuer ou être tué, ce n'est pas une règle. C'est une excuse, une justification, que tu brandis pour pouvoir laisser libre cours à tes envies sanguinaires. Si nous les tuons, nous ne valons pas mieux... Je ne sais pas ce qui t'est arrivé, mais la Zatanna que je connais ne s'abaisserait jamais à ce genre de choses. » Rosie doit-elle ajouter le nom de son amie à la longue liste de personnes qu'elle a perdues ? Elle aimerait avoir le temps de percer le mystère, mais leurs doubles sont de nouveau prête à les attaquer. Cette fois, Rosie est prête et elle prend de la hauteur en même temps qu'elle soulève d'énorme blocs de béton grâce à la télékinésie. Elle les projette sur les deux sorcières pour les forcer à se protéger et repousser leurs assauts. Leurs boucliers résistent, mais Rosie ne leur accorde aucun répit. Elle veut les épuiser, les mettre à genoux, les soumettre par la force. Mais pas les tuer ; non, elle persiste dans ce cas, elle ne tuera personne, le Collectionneur ne la poussera pas au meurtre. Elle a commis beaucoup trop d'erreurs ces derniers temps, mais tuer Sigrid n'en sera pas une nouvelle. Rosie ne sait que trop bien qu'elle aurait pu être à sa place, corrompue par l'injustice et la douleur de toute une vie. Elle continue à abattre les projectiles sur leurs doubles, qui commencent à les repousser et à contre-attaquer. Mais cette fois, Rosie redouble d'efforts pour protéger son esprit et empêcher Sigrid de s'y attaquer une fois de plus. Elle s'agenouille au sol et pose les paumes à plat contre la terre mise à nue. Elles murmures plusieurs incantations pour faire appel à Jörd, Déesse de la Terre et mère de Thor. Bientôt, ce qu'il reste du pavage se craquelle et des racines de toutes tailles émergent, ondoyant comme des serpents vers les deux femmes. Rosie se concentre sur Sigrid, les racines commencent par s'entortiller autour de ses jambes et ses bras pour l'empêcher de bouger, puis l'une d'entre elle s'enroule autour de son visage pour couvrir sa bouche et ses yeux et la priver de ses sens ainsi que de sa capacité à utiliser la magie – pour un temps, au moins. Elle est à sa merci, si Rosie le voulait elle pourrait lui briser la nuque, l'écarteler, écraser sa cage thoracique... Autant de possibilités qu'elle repousse avec dégoût et mépris. Elle court jusqu'à Sigrid et passe ses bras autour d'elle par derrière, comme pour l'enlacer. Le contact direct avec son double est surnaturel, au sens propre du terme. L'univers ne les destinait pas à se rencontrer et encore moins à entrer en contact l'une avec l'autre. « Je t'en prie, arrête ! Nous n'avons pas à nous entretuer, nous n'avons pas à faire ce que Brainiac veut ! Je n'ai aucune envie de te tuer ! Je t'en prie ! » Rosie essaie de pacifier Sigrid à l'aide de formules bienveillantes, mais elle se débat comme une folle furieuse. Tant et si bien qu'elle parvient à libérer ses mains, à arracher la plante qui l'empêche de parler et avant que Rosie n'ait pu faire quoi que ce soit, elle prononce une formule qui a pour effet de la repousser violemment à plusieurs mètres de là. L'atterrissage est rude, elle roule sur elle-même et reste un instant sur le dos, portant une main à ses côtes peut-être brisées. De toute évidence, Sigrid n'est pas prête à entendre raison. Et Rosie, elle, n'est toujours pas décidée à la tuer. Les voilà dans une impasse dangereuse.

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Ah, enfin un peu de colère, de révolte. Zee se permit un petit sourire adressé à Rosie au milieu de tout ce chaos. Maintenant que le démon l’avait libérée de tous ces instincts protecteurs dont elle était emplie, elle n’avait plus besoin d’excuse, de prétexte, de s’expliquer, de mettre des mots sur ses actes, des mots humains : bien, mal, violent, moral, horrible, atroce, destructeur, sans pitié… Tout ça ne comptait plus justement. Le soulagement était là. Le poids de la conscience n’était plus et avec elle, la souffrance avait disparu, la culpabilité, le sentiment d’impuissance, l’angoisse perpétuelle, la douleur de la perte, l’appréhension de ne pas être à la hauteur. Et les mots de Rosies étaient comme des échos de ce que la magicienne avait accepté d’échanger contre la promesse de ne plus jamais avoir à regarder quiconque mourir et, bien sûr, surtout et avant tout, la libération de l’exorciste… Cette partie-là était la préférée du démon. Il exécrait les humains. Il aurait pu se contenter de les voir comme des grains de poussière dans l’air, comme beaucoup de ses frères démons, mais li perdait son temps et son énergie à les haïr parce qu’il haïssait leur faiblesse et leur inertie et jalousie le monde sur lequel il régnait sans avoir eu à se battre pour le posséder. Mais depuis qu’il se baladait dans les entrailles de Zatanna Zatara, il avait croisé des gens intéressants, et la jeune sorcière scandinave se plaçait en haut de sa liste. En voilà une qui n’était pas faible. En voilà une qui pourrait faire tant de mal autour d’elle que c’en était douloureux de la voir s’enchaîner ainsi à son code de bonne conduite…

Zee reporta son attention sur Darkworld. Il y avait de la magie en elle, mais il y avait autre chose, ce qui virtuellement aurait pu faire de cette garce une magicienne plus puissante que Zatanna Zatara. Mais elle trichait, celle-là. Le regard de Zee luit doucement et elle distingua des milliards d’éclats minuscules partout dans le corps de l’ennemi. Puis le combat reprit et, telle une sangsue, Zee s’empara de quelques racines que Rosalie avait fait jaillir de la terre, revenant aux bases de la magie élémentaire, y ajoutant une touche démoniaque : les racines se firent obsidienne, pointues, noires et acérées, et d’un geste, elle les envoya vers leurs ennemies, pas pour les emprisonner donc mais pour les transpercer. Et elle vit que Rosie tentait de maîtriser son double, et sut que si son attaque réussissait, les deux sorcières scandinaves seraient empalées. Ou bien peut-être savait-elle qu’au dernier moment, Sigrid repousserait Rosalie ? Nul ne le saurait jamais. Les pics atteignirent leur cible alors que celle-ci était retenue jusqu’au dernier moment par Rosie, transperçant son épaule, sa cuisse, son flanc… Pas assez pour la tuer, constata Zee avec dépit.

Darkworld disparut avant que les pics ne la touchent, et Zee comprit avec frustration que Rosie et elle s’y prenaient mal parce qu’elles n’avaient pas le même objectif. C’était un combat à deux contre un contre un. Elle sentit une horrible brûlure au niveau de sa poitrine et baissa les yeux. Le bras désincarné de Darkworld, réapparue dans son dos, dépassait d’entre ses seins. « Nous avons traqué et massacré les tiens jusqu’au dernier, abomination. Ta place n’est pas ici. » Sa voix était calme, mais le démon se hérissa et Zee poussa un hurlement alors qu’ils comprenaient ses intentions – un exorcisme, qui les tuerait tous les deux, ce dont l’autre se fichait. Zee se saisit du bras de son ennemi alors que celle-ci prononçait un sort à une vitesse hallucinante et se téléporta avec une telle urgence qu’elle réapparut quelques mètres plus loin, rebondit contre un tas de pavés et roula dans la poussière. Elle sentit le sang envahir sa gorge et en vomit une flaque, la main sur sa poitrine martyrisée, les premiers symboles de l’exorcisme brûlant sa chair. Le bras coupé de Darkworld gisait devant elle, et son ennemie, là-haut, poussait des cris de rage. « Arrête d’essayer de les convaincre ! Tu as vu leur monde ! Tu crois que les millions de gens dont tu as vu les cadavres sur les routes ne les ont pas suppliées, eux aussi ? » Pourquoi persistait-elle à vouloir en appeler à leur raison ? Autant supplier un démon. Zee esquissa un sourire mauvais. Les propos de Rosie lui ouvraient une autre porte, puisque de toute évidence, tuer Sigrid et Darkworld ne lui serait pas possible tant qu’elle serait la seule à essayer. Il y avait une autre façon de parlementer, plus fourbe. La spécialité des démons. « Elles ont choisi de servir Brainiac, tout comme leur maîtresse. Elles ont vendu leur honneur et leur libre-arbitre. C’est pour cela qu’elles méritent de mourir. »

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Tuer ou être tué. La loi de la jungle, ou la loi des hommes ? C'est une trop bonne excuse, un raccourci que Rosie n'est pas prête à emprunter. Et peut-être que Sigrid ne l'est pas non plus ? Elle aurait pu la tuer une dizaine de fois déjà, mais ses attaques n'ont pour effet que de l'immobiliser ou la repousser. Et en fin de compte, elle la repoussant cette fois-ci, elle lui sauve la vie. Rosie écarquille les yeux quand elle voit la sorcière être traversée par plusieurs lances d'obsidienne portant la signature de la magie noire de Zatanna. Par tous les dieux, à quel jeu joue-t-elle ? Rosie lui lance un regard sombre avant de se relever péniblement. Se moque-t-elle de la tuer elle aussi, du moment qu'elle arrive à ses fins ? Rosie a l'impression de faire face non pas à deux mais à trois adversaires, plus déterminée l'une que l'autre. Elle pousse un cri de surprise quand elle voit le bras de Darkworld transpercer Zatanna et pendant un instant elle reste immobile, stupéfaite. Puis les paroles de la sorcière l'aident à comprendre ce qui cloche chez son amie – elle est possédée. Bien sûr, c'est tellement évident ! Comment a-t-elle pu passer à côté de toute cette énergie démoniaque ? Et Zatanna, comment a-t-elle pu se retrouver dans une telle situation ? Les interrogations se bousculent dans l'esprit de Rosie, mais ce n'est pas le moment de poser des questions. Elle comprend très vite que si elle n'agit pas, Zatanna subira un exorciste qui la tuera et c'est tout bonnement inenvisageable. Sigrid blessée et momentanément incapable de faire quoi que ce soit, Rosie en profite pour s'interposer entre Darkworld et son amie possédée, qui n'a de cesse d'essayer de la convaincre du pire. « Tais-toi ! Par tous les dieux, TAIS-TOI ! » C'est le démon qui parle, essaie-t-elle de se convaincre. Zatanna ne lui dirait jamais de telles choses, elle ne tenterait pas de faire d'elle une tueuse... Mais peut-être l'est-elle déjà ? Un rictus déforme ses traits avant qu'elle ne se mette à attaquer Darkworld, envoyant sur elle des salves d'énergie de plus en plus puissantes pour la repousser et l'empêcher de prononcer sa formule d'exorcisme. Petit à petit, elle laisse sa magie prendre le contrôle sur sa volonté, les barrières qui servaient de garde-fou pour l'empêcher de sombrer s'effondrent les unes après les autres. Rosie en a assez qu'on lui dicte sa conduite, elle en a assez d'être la marionnette du destin et des hommes. Et surtout, elle en a assez de lutter contre sa véritable nature. La démon a peut-être raison en fin de compte. À quoi bon repousser l'inévitable, à quoi bon nier ce qu'elle est réellement ? Le souffle court, Rosie tourne la tête vers Zatanna. Des larmes de fatigue roulent sur ses joues, son expression est lasse. « Tu veux voir mes ténèbres ? Tu veux voir ce que je suis vraiment ? Très bien. Tu as gagné. Je vais te montrer. » Elle baisse les yeux sur ses mains, qui se mettent à luire d'une intense lumière blanche. Le feu divin. Zatanna se souviendra peut-être l'avoir déjà vue l'utiliser, en Islande, contre Wotan. Mais depuis ce jour, tout a changé. Rosie n'est plus cette jeune sorcière effrayée par tout et rien, elle est la Völva qui a trompé la mort, celle qui a regardé les ténèbres en face et n'a pas été totalement brisée. Les dieux l'encouragent de murmures de plus en plus pressants, jusqu'à ce qu'elle n'entende plus qu'eux. Ce feu qui brûle en elle doit s'échapper, alors... Elle explose, déchaîne sa magie comme jamais auparavant. Un hurlement presque animal lui échappe tandis que les flammes s'étendent loin devant elle, balayant tout sur leur passage.

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D’abord, ce fut comme une onde qui traversa Zee et la fit frissonner, un froid glacial, l’haleine de la Mort elle-même qui tournait son visage vers elle, et vers toutes les forces en présence. Puis l'onde glaciale devint ensuite brûlante. Je sens la présence des dieux derrière cette porte ! Et le démon en Zee n’avait pas tout à fait tort, car c’était comme si seule Rosie, seul ce petit corps frêle, se tenait entre deux mondes, celui-ci et celui, mythologique, destructeur, des déités à l’origine de sa magie. Les démons et les dieux ne faisaient pas bon ménage, et c’était déjà un conflit que Rosie, Zee et John avaient réussi à esquiver en enfer, mais cette fois, la jeune sorcière scandinave était décidée à utiliser tout le pouvoir qu’elle possédait, enfin. Zee s’envola sans une seconde d’hésitation et d’un geste du bras, s’entoura d’un bouclier dans lequel elle mit toute sa puissance. Elle vit leurs deux adversaires être englouties par les flammes, avec tout le reste de ce décor apocalyptique sur plusieurs dizaines de mètres de diamètre

Elle ne savait pas si Darkworld et Sigrid avaient trouvé comment se protéger ou s’enfuir, mais cela lui était égal. Le feu se déchaînait et lui rappelait l’enfer, la traversait avec violence et allait réchauffer jusqu’au plus profond de sa carcasse vide et noire le démon qui se lovait en elle. Elle tenait toujours le bras de Darkworld à la main et le sentit s’agiter soudain, alors que sa propriétaire, quelque part sous ce déchaînement de flammes, le rappelait à elle. Zee glissa sa main dans celle de son alter-ego, morbide pantomime de l’étreinte d’un jeune couple amoureux, et un pentacle se dessina sur chacun de ses doigts et de ceux, qui se tortillaient comme des vers, de la main coupée. Un fil invisible brilla par-dessus le brasier et Zee s’en empara et repéra ainsi où se trouvait son double, qu’elle rejoignit dans l’immense feu. Elle aussi s’était protégée par un bouclier, et au cœur des flammes, un vent brûlant terrible soufflait tout, renversait les murs encore debout, déplaçait les débris de pierre et de verre. Darkworld la vit apparaître et enfin, une expression passa sur son visage – surprise, colère, peur, Zee s’en fichait, elle était juste ravie de voir que son flegme avait disparu. Elle jeta le bras coupé dans le brasier et se saisit des épaules de son double, passant les bras à travers son bouclier comme s’il n’existait pas. « Je ne suis pas n’importe quel démon, et cette enfant n’est pas n’importe quelle sorcière. Dis à ta maîtresse de garder cette poubelle qui lui sert de royaume si cela suffit à flatter son orgueil. Mais qu’elle ne croit pas pouvoir nous tenir tête. Enfin, si tu survis à ça. » Comme une bulle de savon, elle sentit le bouclier de Darkworld céder sous la magie infernale dont elle l’avait nourrie, et vit son double se faire balayer par les flammes, avant que son propre bouclier ne disparaisse à son tour, trop malmené par l’attaque de Rosie et la résistance que lui avait opposée Darkworld.

Zee s’arracha des flammes avec les restes de son bouclier s’évaporant autour d’elle, la gorge en feu, les mains, et les joues rougies, presque brûlées, le cœur battant. Elle se posa à côté de Rosie, un peu en arrière. « Je sais exactement ce que ça fait. Te voilà enfin débarrassée du poids de cette pression qui pesait sur toi, t’empêchait respirer, te faisait vivre sans cesse dans la peur, te faisait baisser les yeux et obéir à des règles qui ne peuvent pas te contenir et à des gens qui ne peuvent pas savoir ce qui brûle en toi depuis si longtemps. Te voilà libre, Rosie. Même la mort n’a pas su te retenir. Tu es libre. » Le serpent parlant à Ève. La plus pure des hypocrisies portait ses mots. La liberté pouvait conduire à tous les choix. Le démon en Zee voulait qu’elle fasse le mauvais, et Zee aurait voulu qu’elle fasse le bon, et Rosie elle-même, pour qui bon et mauvais étaient encore deux choses différentes tant ces concepts étaient intimes et personnels, pouvait simplement faire les choix qui lui convenaient, à elle. La magicienne s’avança aux côtés de Rosie en embrassant la scène du regard alors que l’enfer achevait de se déchaîner et que le calme revenait.

Tout était en flammes. Tout était détruit. La silhouette martyrisée de Darkworld gisait devant elles ; impossible de dire si elle était encore en vie. « Regarde, Rosie, regarde ce que tu as fait. » C’était une bonne chose, pour Zee. Pas sûr que Rosie voie les choses de la même façon. Et dans tout ça, dans son orgueil et la certitude d’être invincible qui l’habitait en même temps que le démon, la magicienne ne pensait plus du tout à Sigrid, évidemment.

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Les flammes se déchaînent, l'incendie ravage Westminster. Le feu divin n'a pas brûlé depuis des centaines d'années et le voilà qui renaît enfin au bout des doigts d'une jeune sorcière. Rosie hurle jusqu'à en avoir mal à la gorge, comme un animal sauvage. Elle n'a aucun contrôle sur le feu, elle se contente de le libérer et le laissera brûler jusqu'à l'épuisement. Zatanna – ou son démon, mais peu importe – lui murmure de terribles paroles et elle se surprend à les approuver. Je suis libre. Elle ne sera plus jamais le pion de quiconque, elle ne laissera plus quiconque lever la main sur elle ou lui faire le moindre mal, elle ne sera plus une petite sorcière bien obéissante... Elle laissera sa magie s'exprimer comme elle en aura envie, tant pis pour les règles, tant pis pour le danger, tant pis pour tout ! Non... Non, ce n'est pas moi ! Un soubresaut de conscience lui fait reprendre ses esprits et les flammes s'éteignent aussi vite qu'elles se sont allumées et Rosie tombe à genoux, épuisée par l'énergie qu'elle vient d'utiliser. Sa poitrine se soulève rapidement, sa respiration est erratique et son cœur cogne comme un tambour furieux. Et elle tremble, soudain frigorifiée, elle tremble de tous ses membres et claque des dents. Quand Zatanna lui dit de regarder ce qu'elle a fait, elle s'exécute instinctivement et blêmit quand elle distingue devant elle le cadavre d'une Darkworld suppliciée, brûlée vive, carbonisée à tel point que là où la peau n'est pas complètement charbonneuse, le blanc de ses os est visible. Un haut le cœur la prend et elle porte une main à sa bouche pour le réprimer, horrifiée par ce qu'elle voit – par ce qu'elle a fait. Les larmes dégoulinent sur ses joues et pendant de longues secondes elle ne parvient pas à émettre le moindre son, elle sanglote en silence. « Je... Je ne sais pas qui tu veux que je sois... Mais je ne le suis pas. Je refuse de l'être. Quant à toi, démon... Profite de tes derniers instants dans le corps de Zatanna, je te garantis que tu n'y passeras pas l'éternité. Je vais te... » Au moment où Rosie relève la tête pour croiser le regard malade de son amie, elle se souvient de la présence de Sigrid. La sorcière, sévèrement brûlée, se tient derrière Zatanna et s'apprête à faire usage de sa magie une dernière fois pour l'abattre. Rosie réagit sans réfléchir et envoie sur elle une décharge de magie qui la frappe en pleine poitrine. L'une comme l'autre, elles restent immobiles et silencieuses jusqu'à ce que le sang se mette à couler abondamment d'une plaie béante. Sigrid chancelle et Rosie, pour une raison qui lui échappe, bondit et la rattrape pour l'empêcher de heurter le sol. Elle la serre dans ses bras comme si elle cherchait à la rassurer et Sigrid s'accroche à elle avec le peu de force qu'il lui reste. De minces filets écarlates coulent de ses narines et du coin de ses lèvres, son regard ne lâche pas celui de Rosie. Elle aimerait lui parler, lui dire quelque chose, mais elle est incapable de prononcer le moindre mot. Quant à Rosie, elle aimerait simplement pouvoir la rassurer dans ses derniers moments mais elle ne sait pas comment faire. Elle était seule quand elle est morte, personne n'était là pour l'accompagner. Qu'aurait-elle aimée qu'on fasse pour elle ? Elle aurait aimée se sentir aimée. Alors aussi étrange que ce soit, elle essaie de faire comprendre à Sigrid qu'elle ne lui en veut pas, qu'elle serait sans doute devenue comme elle si elle n'avait pas fait une rencontre décisive. Sa peine et sa rage, elle les comprend mieux que quiconque. Mais elle n'aura plus à souffrir à présent, elle va rejoindre les leurs au Valhalla, elle sera en paix... Sans plus se soucier de Zatanna, Rosie murmure quelques paroles à Sigrid dans une langue qu'elle seule comprendra et elle la berce doucement dans ses bras en essayant de ne pas remarquer son sang qui coule et forme une flaque de plus en plus grande autour d'elle. Et quand sa poitrine cesse de se soulever, et son regard devient vitreux, Rosie ne desserre pas son étreinte sur elle. Elle ne sait pas ce qui l'en empêche, mais elle continue à la garder contre elle. Voilà qui est fait ; elles ont gagné. Mais à quel prix ? « Ça n'en valait pas la peine... Ça n'en valait pas la peine... » Elle secoue la tête et ferme les yeux ; son visage est inondé de larmes. Oh non, ça n'en valait pas la peine...

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Cela n’avait pas été une prise de conscience très agréable de se rendre compte qu’elle était bloquée sur ce monde poubelle. Alors que le démon avait enfin réussi à s’approprier son âme, alors qu’elle-même avait cessé de lutter et s’était abandonnée à Nebiros, alors que tous deux étaient censés mettre en marche un plan stupide – de l’avis de Zee – mais efficace – de l’avis du démon –, ils s’étaient retrouvés ici. Et si au début, cela avait semblé être le paradis, vu qu’il suffisait de se baisser pour faucher des vies et collecter des âmes, maintenant, l’un comme l’autre, en phase, pour une fois, ils en avaient leur claque d’être ici. Ici, c’était petit, c’était en ruine, c’était ennuyeux. Leur monde d’origine, du moins le monde d’origine de Zatanna, n’avait aucune limite, et c’était celui-là que le démon voulait. C’était un royaume sans limite auquel il aspirait. Et franchement, ces derniers temps, ils avaient commencé à douter de pouvoir s’extirper de cette situation stupide, stupide parce qu’il avait réussi à s’arracher, en pensée au moins, de l’enfer, tout ça pour être bloqué avec la magicienne dans ce trou à rat, sans possibilité de retourner là d’où il venait, quand bien même il détestait l’enfer. Mais en cette seconde, alors que la petite sorcière scandinave venait de régler son compte à Darkworld, l’un comme l’autre se sentaient un peu mieux. Il y avait de l’espoir. Ils ne voyaient pas pourquoi ils ne pourraient pas se tirer d’ici, puisque de toute évidence, ils étaient plus puissants que les habitants de cette Terre. Plus puissants, plus forts, nul ne pourrait les retenir contre leur gré pour toujours. Elle se sentait fière de Rose, Zee. Fière de ce déchaînement de violence, fière d’avoir raison, aussi. Bien sûr que Rosalie était puissante. Plus que quiconque en avait conscience. Ses amis, sa famille, son amour, tous savaient qu’elle était puissante mais aucun d’eux ne savait à quel point. Zee savait, et le démon aussi. Et Rosie ne l’avait pas déçue.

Et maintenant, tout était joué. Elle avait goûté à cette liberté et il était inconcevable pour Zatanna que Rosie ne veuille pas en profiter. Parce que c’était avec cette puissance qu’elle pourrait protéger ses proches, et ne plus être le jouet du destin. La morale, l’éthique, la compassion, n’étaient que des freins qui menaient à une seule fin : voir ceux pour lesquels on prétendait combattre se faire massacrer. Zee jeta un coup d’œil au corps calciné de son double et laissa échapper un petit rire. « Je la préfère comme ça, elle est beaucoup plus agréable à regarder. » Mais Rosie ne semblait pas vouloir rigoler avec elle. La magicienne s’assombrit à mesure que les mots dévalaient les lèvres de celle qui aurait pu être son amie, si elle avait compris sa vision, si elle avait accepté sa nature au lieu de vouloir la combattre, et pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle refusait d’être, exactement ? Puissante ? Capable de tenir ses promesses ? Les menaces, pour finir, achevèrent de la mettre hors d’elle, mais soudain, elle sentit la présence de Sigrid dans son dos en même temps qu’elle vit Rosie lancer son attaque, et bondit de côté pour ne pas se retrouver coincée entre les deux. Elle observa la scène, mi-dégoûtée, mi-amusée. Elle croisa les bras finalement, sans esquisser un geste en direction de Rosalie, et sa voix était dénuée d'émotion quand elle brisa sa litanie pathétique. « Ça en valait la peine, puisque tu l’as fait. Tu dis ne pas vouloir t’abandonner à ton pouvoir, mais ta nature ne ment pas. Ce n’est pas moi qui ai tué ces deux idiotes, c’est toi. Un jour, tu en auras assez de te voiler la face. »

En toute honnêteté, le démon sentait qu’il ne prenait pas la meilleure décision en ne s’attaquant pas à la sorcière scandinave. Elle était puissante et peut-être un jour la retrouverait-elle sur sa route. Peut-être devait-elle tenter de s’en débarrasser maintenant ? Mais ce qu’elle lui avait montré face aux deux Furies… Non, c’était trop beau. Elle écarta les bras, levant le visage vers le ciel. « Est-ce que ça t’a plu, Collectionneur ? Est-ce qu’on doit venir te chercher, maintenant, ou bien es-tu rassasié de ta part de spectacle ? » Elle ne savait pas si le voyeur avait l’intention de gentiment les renvoyer dans leur monde ou si ce n’était que la première étape d’autre chose, mais peu lui importait. Tout ce qu’elle voulait, c’était quitter cette Londres pitoyable et abandonner ses habitants, survivants, Amazones et Atlantes, à leur misérable destin, souverains d’une terre en voie de destruction.

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Rosie ne voulait pas le faire, mais elle l’a fait. Ça n’en valait pas la peine, mais elle l’a fait. Elle ne voulait pas devenir une meurtrière, elle ne voulait pas les tuer, mais elle l’a fait. Ce qu’elle voulait importe au final bien peu, puisque ses actions resteront inchangées. Les deux sorcières sont mortes, l’une carbonisée et l’autre touchée en plein cœur par une décharge d’énergie quasi-divine. Elles sont mortes, elles sont mortes, elles sont mortes… Et aussi terribles qu’elles aient été, Rosie regrette amèrement et sincèrement d’avoir leur sang sur les mains. Jusqu’au bout, elle avait espéré pouvoir trouver une autre solution… En vain. Elle s’était voilé la face en croyant pouvoir trouver une autre solution. En fin de compte, tout s’était passé exactement comme Brainiac le voulait. Comme cette version terrible de Zatanna le voulait. Une grimace déforme les traits de Rosie, qui relève les yeux vers celle qui était autrefois son amie. « C’est la dernière fois que je te le demande, ferme-la si tu ne veux pas finir comme ton double ! » Même si c’est le démon qui parle, c’est de la bouche de Zatanna que les mots sortent et les entendre est aussi douloureux que culpabilisant. Doucement, elle allonge la dépouille de Sigrid au sol et lui ferme les yeux. Elle prie pour que ses souffrances soient enfin terminées et qu’elle soit accueillie dignement au Valhalla. Elle se relève et essaie d’essuyer ses mains rouges de sang sur son pantalon ; en vain là aussi. Comme Zatanna, elle aussi lève les yeux vers le ciel, comme si elle s’attendait à voir apparaître le Collectionneur. Mais non, il ne fera aucune apparition, bien sûr que non. Il va les laisser dans l’attente et l’angoisse jusqu’à ce qu’il ait décidé quoi faire d’elle et de tous les autres duos victorieux. Le sort de cette Terre et de la leur va rester en suspend encore un moment, Rosie n’en doute pas. Puisqu’elles sont destinées à rester prisonnières de leur arène jusqu’à ce que Brainiac en décide autrement, elle décide de régler un autre problème qui se présente. Sans crier gare, elle attrape Zatanna par le col de son vêtement et la force à la regarder dans les yeux. « Ecoute-moi bien, démon. Je ne sais pas qui tu es, je ne sais pas ce que tu veux à Zatanna, mais que les choses soient bien claires. D’une façon ou d’une autre, tu vas quitter son corps et retourner d’où tu viens, que tu le veuilles ou non. A ta place, je prendrai les devants et je quitterai mon hôte avant qu’il ne soit trop tard. Tu aurais dû choisir une autre victime. Et tu as eu tort de m’encourager à m’abandonner à mon pouvoir. Tu vas le regretter, je te le promets. » Et sur cette dernière menace, elle la relâche après lui avoir lancé un dernier regard assassin. Elle a manqué beaucoup de choses après sa mort, mais elle compte bien tout rattraper et savoir exactement ce qui est arrivé à son amie – sa seule amie. Sans doute est-ce une erreur de sa part, mais Rosie n’a pas peur de ce démon. Après tout, elle a affronté le Triumvirat de l’Enfer avec Zatanna et John, et elle a été ressuscitée après être morte de la plus horrible des façons. Sa naïveté, son innocence et sa douceur sont mortes avec elle. Mais elles ne sont pas revenues. Que ce maudit démon se le tienne pour dit, qu’ils se le tiennent tous pour dit.

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En voyant le résultat de la bataille qui venait de se jouer ici, le démon était plutôt content de lui. Ruine, carnage, cendres qui planaient encore dans l'air et mettraient plusieurs jours à retomber et bien sûr, sa victime du moment, si délicieuse, brisée, en mille morceaux... Quand la sorcière s'empara de Zee pour lui balancer de vaines menaces, un sourire s'étira sur ses lèvres. Il avait bien fait de choisir ce corps. Même si c'était ce corps qui était venu à lui, pour être exact, mais tout ça n'avait pas d'importance. Pour lui, la chair n'était que de la chair, et peu importaient l'apparence, les relations, la situation. Les pouvoirs de la magiciennes étaient un indéniable bonus, mais il ne s'était pas attendu à ce que l'émotionnel soit aussi une plus-value. Cela, il l'avait appris au contact des humains qu'il avait croisés. Tous, ils avaient essayé de l'aider. S'il avait occupé la chair gangrénée de John Constantine, il se serait fait poignarder dès le premier jour, alors que celle-là, tout le monde semblait l'adorer. L'ironie de cette situation était délicieuse. Et quant à cette petite sorcière scandinave, c'était la cerise sur le gâteau. Il voyait littéralement toutes les fissures qui parcouraient sa peau pâle et menaçaient de la briser. Zee répondit par un simple sourire à sa menace, qui ne serait jamais mise à exécution, elle le savait maintenant. Ils voulaient tous sauver la magicienne, alors que la magicienne était déjà morte. Les humains s'attachaient plus à l'apparence qu'à l'âme.

Elle leva les mains, désireuse de les poser sur celles de Rosalie, et approcha son visage du sien comme pour déposer un baiser empoisonné sur ses lèvres. Mais l'enfant lui échappa, et toutes ses mères avec elle - le démon les entendait qui chuchotaient en permanence par-delà les générations. Il n'aimait pas trop les femmes, mais s'il avait la chance de croiser à nouveau Rosalie un jour, il saurait faire une exception. Celle-ci s'éloigna soudain et Zee la regarda une dernière fois. « J'adore les promesses, surtout quand elles sont prononcées sur des cadavres. Cela leur donne un goût de pacte. » Elle ricana doucement. Pas besoin d'en dire plus. Les pactes et les démons, ça allait très bien ensemble. Et en attendant, elle n'avait pas besoin de faire la démonstration à Rosalie. Tout ça était de son seul fait. Zee n'avait qu'encouragé la jeune femme, et peu importait si celle-ci ne se laissait jamais plus aller à lâcher prise. Quand on tuait, on était changé à jamais. La jeune sorcière emporterait un petit bout du démon avec elle partout où elle irait, désormais. Et en attendant, puisqu'il ne se passait rien, elle n'avait plus rien à faire ici. D'un mot, elle disparu, faisant voler la poussière, et abandonnant Rosie à ses cadavres, à ses mains ensanglantées et à ses propres démons.

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