freakshow (suicide squad)

Same old shit. Dans le véhicule qui vous conduit à votre destination, tu restes comme à ton habitude silencieux. Professionnalisme d'un ancien soldat qui préfère se répéter les différentes informations pour mieux les intégrer, plutôt que de taper causette à ses partenaires. De toute évidence, à force de fréquenter cette bande de bras cassés, tu commences par bien les connaître, et tu sais qu'une fois lancés, ils ne sont malheureusement pas aussi enclin à la discrétion que toi. Derrière ton masque, tu observes Harley Quinn, la bouche toujours ouverte, comme d'habitude, soit pour déblatérer tout ce qui lui traverse l'esprit, soit pour faire éclater ses insupportables bulles de chewing-gum. Il y a également King Shark, avec qui l'expression un poisson hors de l'eau prend tout son sens, mais qui te ressemble dans son comportement taiseux. Digger est là lui aussi, sérieux concurrent à Harley pour la course du plus bavard. Et pour finir de compléter la team du jour, Vixen. C'est surtout sur elle que tu portes toute ton attention, scrutant ses moindres faits et gestes avec la minutie d'un tireur d'élite. Toute dernière recrue, propulsée dans votre équipe sous les ordres de Waller après l'avoir récupérée derrière les barreaux. Et sans doute serais-tu un peu moins méfiant à son égard si tu n'avais pas cette rancoeur personnelle pour troubler ton jugement. Tu as vu de quoi elle était capable, puisque c'est Layla qui a subi les assauts de cet être qui la possédait. Il serait injuste de blâmer entièrement celle qui se trouve devant toi, puisqu'elle aussi a été victime de l'incident qui s'est déroulé en Alaska. Mais t'arrives pas à voir les choses sous un autre angle. Chaque fois que t'essayes, tu revois le mollet abîmé de ta partenaire, et la colère efface toute trace de tolérance ou de compréhension. T'as pas envie qu'elle soit là. T'as pas envie de travailler avec elle. Et si tu n'as pas d'autres choix que de t'y accoutumer, en revanche, rien ne t'oblige à lui parler.

Mais ce n'est pas tout, puisque pour couronner ce gros bordel, la personne qui vous supervise aujourd'hui n'est nulle autre que ton ex-femme. Et ouais, parce que la vie n'a de cesse de se foutre de ta gueule. Susan à la tête d'une équipe intenable et complètement instable. Pourquoi elle a accepté de travailler pour Waller ? C'est une question à laquelle tu n'as toujours pas trouvé de réponse sensée. Pour avoir le plaisir de détenir la tablette qui pourrait faire exploser la bombe logée dans ta tête, peut-être. Parce que c'est sans doute ça, ce qui te dérange le plus, savoir qu'elle pourrait te tuer sous l'ordre de sa supérieure. Boom l'ex-mari, débarrassée définitivement d'une épine dans son pied. Toi, cynique ? Probablement. Mais tu estimes avoir quelques bonnes raisons. Elle n'a pas refusé le job chez ARGUS, et visiblement, elle n'a pas non plus refusé de remplacer Rick Flag sur cette mission. De quoi renforcer encore plus ta froideur, et ta non volonté absolue de te lancer dans cette nouvelle opération. Qui consiste en quoi déjà ? Rapidement, tu te remémores une dernière fois ce qui était inscrit dans le dossier de pré-mission :

Nom de la mission : Danny the street.
Objectif : Rassembler un maximum d'informations sur l'étrangeté qui se fait appeler Danny. Rue dotée d'une conscience qui peut se téléporter rapidement. Sa dernière localisation a été confirmée il y a 24 heures. Fenêtre d'ouverture très courte avant une autre téléportation. Une seconde chance pourrait ne jamais se reproduire. La Suicide Squad est envoyée pour repérer les lieux, évaluer les risques, et éliminer quiconque pourrait se mettre en travers de l'exécution de la mission.
Membres envoyés sur place : Deadshot, Harley Quinn, Vixen, King Shark et Captain Boomerang. L'équipe est supervisée par Susan Walker.

Le véhicule s'arrête, et un à un, vous descendez. Face à vous, un champ abandonné. Des herbes mortes, des clôtures détruites, rien qui n'indique la présence d'une quelconque rue. Et pourtant. Fusil en main, tu t'avances vers l'inconnu, et la magie opère. Après quelques pas, tu traverses la barrière invisible qui cache Danny the Street. A l'identique de ce qui se trouverait dans n'importe quelle ville. Des boutiques sur les trottoirs, une végétation entretenue, et un message de bienvenu qui s'inscrit au-dessus de vos têtes, entièrement formé à partir de feuilles mortes aux pieds des arbres : Vous n'avez rien à faire ici, partez. Voilà qui annonce la couleur. Mais n'ayant que faire de l'avertissement, tu commences à t'avancer, à la fois curieux et intrigué.

AVENGEDINCHAINS

Pando

freakshow

Cinq minutes auparavant, Zee se morfondait, le menton posé sur le comptoir du bar d’un des clubs dont les enseignes clignotaient gaiement le long de Danny the Street. Un bâtonnet orange fluo entre les dents, elle se contentait de répondre par des marmonnements aux tapes sur l’épaule et aux bras qui s’enroulaient occasionnellement autour de son cou. Elle ne connaissait pas plus les gens qui fréquentaient Danny en cette seconde que toutes les autres fois où elle y était allée. Il y avait des têtes familières, mais le fait que tous les autres soient des inconnus ne les empêchait pas de tenter de la consoler d’un mal dont ils ne savaient rien mais ne doutaient pas une seconde. C’était bien pour ça que cette précieuse cour des miracles qu’était Danny était un de ses endroits préférés dans tout l'Univers. De temps en temps, elle jetait un coup d’œil à la piste de danse où quelques clients s'agitaient, humains ou pas, réels ou pas. Ici, ça n’avait pas d’importance. Tout le monde, à un moment ou à un autre, venait pour demander asile. Les maux des uns étaient un mardi ordinaire pour les autres et vice-versa, mais là encore, ça n’avait pas d’importance. Tout le monde pouvait sentir la présence de Danny qui s’enveloppait autour de vous comme deux immenses bras douillets. Et quand elle reportait son regard devant elle, un nouveau cocktail apparaissait. Alors franchement, n’était-ce pas le paradis ? Si ce n’était qu’au bout de six cocktails, Danny avait décidé qu’elle avait assez bu. Elle aussi – dès le premier verre, en fait.

Des questions mi-inquiètes, mi-amusées, s’étaient imprimées sur le miroir derrière le bar, dans la buée : TU VAS BIEN ? TU ES MALADE ? OÙ ÉTAIS-TU ? Et puis le jukebox avait changé de disque. Didn't I, didn't I, didn't I see you crying ? Oh, didn't I, didn't I, didn't I see you crying ? Elle avait croqué plus fort dans son bâtonnet en plastique. « Mais non… » Feeling all alone without a friend, you know you feel like dying… Oh, didn't I, didn't I, didn't I see you crying ? Ce à quoi elle avait fait un tour sur elle-même sur son tabouret de bar. Et maintenant, donc, elle était sur scène à côté d’une minuscule bonne femme à brailler dans un micro pour le plus grand plaisir de toute la salle. « I WAAAAAAAAAAAAAANT YOUUUUUUUU TO LOVE MEEEEEEEEEEEE ! I NEEEEEEEEEEEEEEEEEED YOOOOOOUUUUUU… ♫ » Là, elle dut reprendre son souffle pour ne pas vomir tripes et boyaux sur les chaussures de sa copine de karaoké, puis reprit d’un voix éthylique – « to neeeeeeed meeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee ♫ ». De toute façon, comme à Vegas, tout ce qui se passait sur Danny restait sur Danny. Sa partenaire s’était tirée, au profit d’un grand Sikh tellement canon qu’elle ne put s’empêcher de le fixer pendant qu’ils chantaient en cœur A Little Respect d’Erasure, mais alors, Zee se rendit compte que les paroles à l’écran avaient changé. « Soul, I need you helping, oh baby pleaaaase give a little help to meeee ? » chanta-t-elle d’un ton indécis, avant de sauter de la scène. Face à elle, la porte du club s’ouvrit. Elle traversa la salle et sortit dans la rue, pour constater que celle-ci était déserte. Ce qui n’arrivait jamais, sauf quand Danny le voulait. On se serait cru dans une rue de Western, maintenant qu’il avait mis tous ses protégés à l’abri.

Elle vit un petit groupe, planté devant un magasin de glaces, et en identifiant certains, elle dansa d’un pied sur l’autre en gémissant. « Pourquoi tu les as laissés entrer, pour commencer ? » Elle s'avança vers les intrus et une bannière tendue entre deux lampadaires claqua au vent au-dessus de sa tête : ILS ONT BESOIN D'AIDE. « Oui, certes, mais à moins qu'ils ne soient venus profiter de la tequila et du spectacle, toi tu ne peux rien pour eux. » Une seconde bannière, un peu penaude, claqua aux lampadaires suivant : ELLE VOULAIT UNE GLACE, et cette fois Zee se contenta de soupirer. Elle rejoignit les intrus. Son regard s’attarda sur Mari, et elle envisagea très sérieusement qu’elle était là sous couverture, ça paraissait plus plausible que l’imaginer à la solde d’un tyran 2.0 qui mettait des bombes dans la tête d’êtres vivants – merveilleuse Amérique. « Dans d'autres circonstances, vous seriez accueillis à bras ouverts, ici. » Encore fallait-il aimer s'amuser un peu mais elle essaya de ne pas regarder King Shark en pensant ça, et son regard, à la recherche d'une sortie de secours, tomba sur Digger, avant qu'elle ne détourne sauvagement les yeux façon oh-mon-dieu-non-je-vous-en-supplie. « Mais j’imagine que vous n’êtes pas venus pour les vacances. Pitié, partez d’ici, dites à Waller de se mettre sa mission ultra importante aux fesses et fichez la paix à Danny. » Elle avait dit « pitié », quand même. Et elle faisait très bien la femme sobre. Même si à ce moment-là, d’un haut-parleur accroché à la façade du magasin devant lequel elle était plantée, une annonce publicitaire nasillarde brailla : « Step aside COFFEE ! This is a Job for ALCOHOL ! », comme si Danny annonçait l’arrivée de Captain America, et Zee grogna très fort à son attention.

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C'est d'une attention particulière que tu observes Susan prendre le commandement de l'équipe. Une tâche compliquée qui risque de la laisser complètement vidée et épuisée d'ici la fin de la journée. Car si toi tu veux bien faire l'effort d'obéir, il y a peu de chance que ce soit le cas de tout le monde. A commencer par Digger, au comportement foncièrement provocateur, qui ne va pas hésiter une seule seconde à profiter de la situation. Soit pour faire le mariole, soit pour tenter de s'échapper, en espérant que Susan n'aura pas les tripes pour appuyer sur le détonateur. Toi aussi, d'ailleurs, tu te la poses cette question. Est-ce qu'elle sera capable de le faire ? De tuer l'un d'entre vous de sang froid ? Flag a mis du temps à se faire accepter par l'équipe – même si pour ton propre cas c'est discutable – et voir Susan arriver à sa place c'est comme tout recommencer à zéro. Les mêmes insubordinations vont reprendre, les mêmes procédés pour la tester et mesurer les limites. T'espères sincèrement qu'elle est assez accrochée, et qu'elle a conscience de tout ce qui l'attend. Tuer un homme n'a rien d'aisé, qu'il soit un criminel ou non. Pourvu qu'elle ne doive pas en arriver là. Et l'unique chose que tu puisses faire pour lui venir en aide à ta façon, c'est de montrer le bon exemple. Exactement ce que tu fais, en accrochant ton fusil dans ton dos. Elle a raison, vous ignorez qui se cache ici, et il serait idiot de vous montrer agressif. Si vous voulez récupérer des informations, il va falloir faire preuve de bonne volonté. « Vous avez entendu ? Pas d'armes. » Et c'est sur Boomerang que ton regard se pose, insistant, et menaçant même sous le masque. S'ils remettent en cause la légitimité de Susan, la tienne est déjà acquise. Et si elle ne l'est pas, tu la forceras avec les poings. Tu sais qu'elle est capable de faire marcher cette équipe au pas, mais qu'elle ne t'en veuille pas  d'essayer de lui donner un petit coup de pouce.

La seule qui semble véritablement heureuse d'être là, comme d'habitude, c'est Harley. Surexcitée et intenable, à l'image d'une gamine sur le point de recevoir une montagne de cadeaux pour son anniversaire, elle parvient sans peine à nouer un contact pacifiste avec Danny. Là où toi il t'aurait sans doute fallu plusieurs heures d'acharnement à tenter de lui faire oublier ta dégaine de gros méchant de western. Qui l'aurait cru ? Peut-être a t-il vu en elle quelque chose qui lui plaisait ? Trop tard de toute façon pour essayer de la retenir, quand elle est dans cet état d'euphorie, bon courage pour lui ramener les pieds sur terre. « Harley, attends ! » Long soupire d'exaspération avant de lui emboiter le pas, direction le magasin de confiseries. Première étape inattendue de votre étrange périple. Dehors, tout est désert, mais tu ressens quand même la désagréable sensation d'être observé. Comme si des centaines de regards étaient dirigés sur vous, spectateurs silencieux d'un zoo en liberté – vous, en l'occurence. Derrière les vitrines qui défilent, ni plus ni moins que des présentoirs, aucune trace d'une quelconque présence humaine. Pourtant, t'en es persuadé, vous n'êtes pas seuls ici. « Cet endroit, il m'a pas l'air si désert que ça. » Et bingo. A peine ton impression échangée avec les autres, que débarque une silhouette féminine devant vous. Une allure que tu reconnais, Zatanna Zatara, la magicienne, déjà croisée lors d'une soirée mouvementée à Metropolis.  En espérant que cette seconde rencontre se déroule un peu mieux que la première. Ce qu'elle fait ici, t'en sais foutrement rien, mais elle a l'air d'avoir son propre pass VIP chez Danny. « ZEEEEEEEEEE ! T'ES LA TOI AUSSI ! » Sans hésiter une seule seconde, c'est au cou de la prestidigitatrice que Digger se jette. Et tu ne poseras pas de questions. Non vraiment, tu préfères ne pas savoir.

Après un raclement de gorge gêné face au spectacle des retrouvailles de ton camarade et de Zatanna, tu prends la parole : « On aimerait bien, mais elle nous ferait sauter la tête. Alors soyons tous sympa, et trouvons un compromis pour que tout le monde puisse rentrer content de sa journée. » Elle ne perçoit pas le sourire ironique qui se dessine sous le masque, mais peut-être la percevra t-elle dans l'intonation de ta voix. Vous n'avez aucune intention de partir. Pas tant que vous n'aurez pas trouvé ce que vous êtes venus chercher. « Si tu veux nous aider et nous faire gagner un précieux gain de temps, t'es la bienvenue. » De vous tous, elle est la seule qui semble savoir qui est Danny, et ce qui se passe ici. Alors si elle veut bien coopérer et vous fournir ce dont vous avez besoin, ce serait très appréciable. Et puis, Danny ne semble pas si mécontent, finalement, de vous voir ici, il n'a pas besoin d'un chien de garde.

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Pando

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Elle se sentait nerveuse, Zee, le regard sautant par-dessus les épaules de la petite équipe, s’attendant à tout moment à voir débouler des tanks, des équipes du SWAT et elle ne savait quelle meute de soldats dopés aux smarties et élevés en cuve défouraillant dans tous les sens en hurlant à la gloire de Waller… mais non. Elle n’eut pas plus le temps de s’inquiéter plus parce que Digger lui sauta dessus. Au meilleur de sa forme, elle ne l’aurait pas laissé l’approcher à moins d’un mètre, mais à sa décharge, elle venait de s’enfiler des cocktails et sortait de plusieurs mois bien merdiques. Un couinement s’échappa de ses lèvres, tout petit, puis elle posa la main à plat sur le torse de Digger. « suoF-iom al paix, iot ! » Le captain Boomerang repartit sans douceur là d’où il était venu, fidèle à son pseudo. Maintenant, elle pouvait se concentrer sur les paroles de Floyd. Difficile de savoir si elle pouvait le croire ou pas, mais son ton était calme, sa posture aussi, son regard ne déviait pas – enfin, son visage ne déviait pas. Puis elle écouta Harley sans pouvoir s’empêcher de la trouver adorable. Enfin, sauf quand elle parlait de l’enfer. « Le compromis, ce serait que vous ne divulguiez rien de ce que vous découvrirez sur Danny à part ce qu’il veut bien vous montrer. Cet endroit n’a aucun intérêt pour elle de toute façon, et je vous promets que Danny ne représente aucun danger, pour personne. C’est important que les choses restent ainsi. »

Mais à part ça, qui était-elle pour les empêcher de zoner ici ? De toute façon, en toute honnêteté, il n’y avait rien à comprendre à Danny the Street. Les plus grands magiciens, les plus grands savants et explorateurs, s’y étaient cassé les dents. Cet endroit n’avait aucune logique, aucune explication, aucun véritable but, ni début ni fin, ni lois ni habitudes. Normalement, ils sortiraient tous d’ici en s’étant éclatés, probablement avec une bonne migraine, mais surtout l’impossibilité d’en dire autre chose que « ben c’est une rue, une grande rue, avec des gens dessus, et la rue parle ». Ce que Waller devait déjà savoir. On pouvait imaginer qu’elle veuille y planquer des armes ou y stationner des soldats… Mais encore faudrait-il que Danny le veuille, ce qui ne risquait pas d’arriver. Quant à atomiser la rue… Elle frissonna. Elle ne savait pas. C’était peut-être possible… c’était… Là-dessus, Harley hurla quelque chose à propos d’un cabaret, et Zee baissa les yeux sur elle avec un pauvre sourire, ouvrit la bouche, et alors un tract porté par le vent vint s’aplatir contre son visage avec un claquement sec. Au bout d’une longue seconde, elle le récupéra, et si elle s’était exprimée comme lui, son «merci, Danny… » aurait littéralement dégouliné. Le tract vantait la soirée Belles de nuit qui avait lieu dans un cabaret forcément non loin d’ici et qui débutait fort pratiquement en ce moment même, et d’ailleurs, juste comme ça, le jour devint la nuit.

La seule membre du groupe que Zee ne connaissait pas, une jeune femme qui semblait donner les ordres, était d’accord. Zee leva les bras au ciel. « Okay, j’abdique ! Vous voulez explorer Danny, allons donc au cabaret, c’est un bon début, probablement le meilleur. » Elle leur fit signe à tous de la suivre, direction le cabaret The Glory. « Il n'aime pas les armes, en revanche, alors… Je ne vous garantis pas que vous pourrez les garder en entrant. » Ou peut-être que si. Même si la plupart d’entre eux étaient des armes vivantes. Mais il était probable que Danny se charge de ça et que couteaux, flingues et autres… dents et boomerangs, disparaissent des poches à la seconde où ils poseraient le pied dans le club. Ou se transforment en autre chose. Ou que rien ne se passe. Danny était imprévisible, mais il avait à cœur de protéger tous ceux qui venaient s’amuser chez lui en les contraignant le moins possible. Devant la porte du cabaret se trouvait un videur, qui bien sûr, loin de les arrêter, s’écarta pour les laisser passer avec un grand sourire et des paroles de bienvenues pour leur annoncer que les cent cinquante premières consommations étaient gratuites. De l’intérieur s’échappait déjà des vivats et des envolées lyriques et Zee songea que finalement sa journée ne s'annonçait pas si différente de ce qu'elle avait prévu.

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Elle a encore beaucoup à apprendre, Susan, sur le comportement et le fonctionnement de cette équipe. Et tu ne doutes pas que sa première impression soit on ne peut plus... mitigée. Un peu comme toi, quand t'as été envoyé avec cette bande de dégénérés sur une mission en Russie, et où la cohésion de groupe était tout sauf le maitre mot. Ils t'ont agacé, ils t'ont donné envie de leur tirer une balle dans le crane – ou dans le tien – mais aujourd'hui, tu vois sous un jour ces gens que tu considères ni plus ni moins comme ta nouvelle équipe. Chez les Marines, tes éléments étaient beaucoup plus disciplinés et efficaces, mais Susan le verra un jour de ses propres yeux, tous ne sont pas des mauvais bougres, et encore moins des incapables. Tout comme toi, ils ont fait les mauvais choix. Ils ont pris des chemins qui les ont conduits tout droit en prison, avant que Waller ne vienne secouer sa carotte sous vos nez pour mieux vous apprivoiser. Tous ont perdu quelque chose, quelqu'un, ou un bout d'eux même. Et tous ne sont pas aussi horribles qu'ils en ont l'air. Enfin, sauf Digger. Est-ce qu'il est toujours comme ça ? Ah, elle découvrira très vite que Captain Boomerang n'a pas de limites. Encore moins dans le mauvais goût. « Pire. » Elle ne peut pas distinguer le sourire amusé, un brin moqueur, qui se dessine sous le masque. Mais que ce soit Digger, Harley, ou King Shark, t'es prêt à parier qu'elle finira elle aussi par les apprécier. Bombes ou pas bombes, souvent, vous êtes tous dans la même galère, sans autre possibilité que de vous entraider pour avoir une chance de vous en sortir indemne. Qu'elle le veuille ou non, un jour, elle devra mettre sa vie entre les mains de l'un des criminels, et il se pourrait bien qu'elle soit surprise du résultat. Vous êtes instables, borderline et dangereux, mais vous formez une équipe qui a sauvé le monde une bonne dizaine de fois. Elle pourrait être surprise, Susan, de ce qu'elle trouvera sous la surface en grattant un petit peu.

Ne rien divulguer à Waller ? C'est plus fort que toi, tu laisses échapper un rire ironique à travers le masque. Elle est gentille Zatanna, mais c'est pas elle qui se trimballe une bombe dans le crâne. Et pas elle non plus qui subirait les conséquences de cacher de telles informations, alors que le but de votre mission est précisément d'en récolter un maximum et de les lui donner. Après, ce qu'elle fera de cette rue, ça ne te regarde pas, ni ne te t'intéresse. T'es là pour faire ton boulot, c'est tout. « T'as déjà rencontré Waller, Zatanna ? » Elle comprendra parfaitement le sens de ta question. Pour faire une telle proposition, ça ne doit pas être le cas. Ou alors son séjour sur New Themyscira lui aura complètement retourné le cerveau. Sa chance, cependant, c'est que cette décision ne te revient pas. C'est Susan la chef de l'équipe, et donc elle qui devra rédiger le rapport. A elle de voir si elle est prête à prendre un risque aussi gros pour une rue. « Harley, non. On est pas ici pour s'amuser. » Ou peut-être que oui. C'est en tout cas ce que venait de décider ton ex-femme, inconsciente de ce qu'impliquait Harley et cabaret en même temps. Tant pis, au diable le bon sens, tu iras aussi dans ce foutu cabaret ! Une perspective qui semblait également convenir à Zatanna, et qui menait désormais la marche vers votre premier stop de la journée. Ou plutôt, de la soirée, car aussi simplement qu'un switch d'interrupteur, vous venez de passer du jour à la nuit. Okay, cet endroit est définitivement étrange. Mais assez intéressant pour que tu fasses l'effort de te prêter au jeu. « Cent cinquante premières consommations offertes ? Je l'aime bien ce coin. » T'es pas un homme difficile, finalement.

Pas d'armes, très bien, mais tu ne t'imaginais pas voir aussi ton costume de Deadshot être transformé en une tenue plus élégante. Un manteau brun sur une chemise blanche, cravate, pas de doute, là tu ne dénoteras pas avec le reste des fêtards, tous attablés en train de siroter leur verre, ou sur scène, face à l'écran d'un karaoké. Elles ont parlé d'un cabaret, pas d'un karaoké, est-ce tu viens de tomber dans un piège sournois ? « Tu viens ici souvent ? Pour y faire quoi ? » La tête tournée vers Zatanna, complètement à découvert cette fois, tu cherches à comprendre ce que peut bien être cet endroit, et pourquoi elle s'y trouvait. Tu sens bien qu'il y a quelque chose de particulier, au-delà même de cette rue qui s'exprime à travers tout ce qui lui passe sous la main. Ces gens, autour de vous, ils rient, il s'amusent, ils ont l'air... heureux. Heureux comme on le voit rarement de nos jours. Et puis, hésitant, tu finis quand même par ajouter : « Je suis content de te voir dans ton état normal. » Sourire timide adressé à votre nouvelle camarade, avant de prendre place à une table libre devant la scène. Bon, maintenant, t'aimerais bien picoler.

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Un regard éloquent à Deashot, c’est tout ce qu’elle pouvait répondre. Même pour un mensonge par omission, apparemment, avec Waller, c’était boom. Mais à part ça, chaque président américain qui se succédait signait les conventions de Genève et condamnait l’usage de la torture. Oh, bon… Vu comme Danny lui-même se montrait accueillant, elle laissait tomber. JLD-style : on verrait bien quand les ennuis seraient là. D’ailleurs, cette plus-ou-moins-joyeuse petite bande lui rappelait sa propre cour des miracles. Tout aussi agités, chacun dans son petit monde… Mais au moins à la JLD, on n’avait pas d’épée de Damoclès au-dessus de la tête, et ça, ça n’en avait pas l’air, mais c’était précieux. Bon, en revanche, la moindre connerie pouvait – et avait déjà – déclencher l’apocalypse. Pour l’heure, il lui semblait que c’était le duo Harley-Danny qui menait la danse. Zee laissa retomber son menton sur la poitrine une fois dans le cabaret : ses fringues de marque avaient disparu au profit de son costume de scène old-school, collants résilles, fesses à l’air et petit nœud pap’, le même, remarqua-t-elle, dont était affublé King Shark, et lui aussi avait hérité d’un petit haut-de-forme et okay, c’était trop mignon sur lui. Elle prit bien soin de ne pas regarder Digger. Surtout, ne pas croiser le regard de la Bête.

Et sinon, le cabaret, c’était un guet-append, mais elle n’était pas étonnée. Danny et les Dannyzens vivaient pour le karaoké. Et visiblement, Harley obtiendrait elle aussi la nationalité dannyzienne avant la fin de la soirée. Il suffisait de l’entendre et de la regarder pour voir qu’elle était faite pour cet endroit. Zee regarda Floyd et, avant de pouvoir répondre à sa question, esquissa un sourire. Personne ne lui demandait son avis alors elle le garda pour elle, mais elle le préférait comme ça : avec la possibilité de croiser son regard. « Je viens de temps en temps. Pour me cacher, pour me faire remonter le moral, pour me souvenir que le monde est plein de gens merveilleux contrairement à ce qu’on se coltine dans nos existences… On vient aussi ici pour guérir. Tous ces gens... Enfin, tu comprendras. Et puis, Danny ne fait jamais payer les consos. » Alors oui, il y avait ça. Ils s’assirent à une table et Zee assiégea aussitôt une margarita. Bizarrement, la petite remarque de Floyd l’atteignit en plein cœur bien plus efficacement que si elle était venue de gens plus proches d’elle. Et aussi, elle avait sur la conscience des crimes encore pire que la dernière fois où ils s’étaient croisés, alors elle n’était pas sûre qu’elle méritait ça. Elle leva la main vers lui, sans le toucher évidemment. « Et moi je suis contente de voir ton visage. Et si je pouvais, je vous débarrasserais de ce truc en un tour de magie. » Mais, surprise, la magie, ça ne fonctionnait pas toujours, contrairement à ce que même elle voulait croire. Combien de fois ils avaient dû entendre ce genre de fausse promesse, ces soldats malgré eux... En attendant, c’était tout de suite mieux, quand elle n’était pas en colère, elle, niveau relations sociales. Elle remercia Harley d’un signe de tête, sans savoir si ce qu’elle disait sur leur rapport était réalisable ou pas. Elle ne le saurait jamais. Elle coula un regard vers la leadeuse silencieuse pour voir si elle semblait d’accord, mais la poker face était solide, avec celle-ci.

Puis soudain, ce fut le moment. Lady Gaga, une scène, des spectateurs déjà conquis qui ne connaissaient pas le sens du mot « jugement » et un Danny clairement fan : alors que Harley entraînait Floyd sur la scène – Hécate, si seulement Layla était là ! –, leurs noms défilèrent en lettres néons sur l’écran du karaoké. Ils étaient déjà adoubés. Zee se cramponna à son verre, pas certaine de survivre à ce voyage. Elle se tourna vers Susan. « Je suis Zatanna Zatara. Vous le savez déjà j’imagine, mais voilà pour les présentations. C’est vous, alors qui menez cette petite troupe ? » Là-dessus, Digger lança une main de trop vers une serveuse qui passait par là et Zee pointa le doigt sur lui. « tE ester egas emmoc ykniP ! » Et pouf, Digger se transforma en sa peluche Pinky. Elle avait été sympa : elle avait failli le transformer en courgette, mais s'était ravisée au dernier moment. Et comme il portait déjà la sienne sur lui, elle avait doté la peluche d’une petite poche ventrale, comme les kangourous, ou une mini-Pinky était rangée. Pinkyception. La peluche se mit à ruer sur sa chaise en poussant des jurons, mais Zee se tourna de nouveau vers Susan. « Ne prenez pas ça comme une agression, ce n’est pas la première fois que ça lui arrive, il s’en remettra. Et donc, euh… Cet endroit n’a pas besoin d’être exposé. Vous constaterez par vous-même que Danny n’est pas un  danger, pour personne. Je suis sûre qu’il saura vous convaincre. » Elle jeta un coup d’œil vers la scène. Non, vraiment pas un danger.

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Finalement, sans doute ne trouverez-vous aucune meilleure définition de cette rue que celle que vient de te donner Zatanna. T'as comme l'impression que ce n'est pas en arpentant ses allées que le mystère s'éclaircira, mais en écoutant ceux qui l'habitent en parler. Chaque mot prononçait par la magicienne fait écho quelque part en toi, te reconnaissant dans ce besoin de parfois t'éclipser de votre monde bancal pour essayer de trouver un peu de paix ailleurs. Est-ce possible que ce soit ici ? Elle, en tout cas, semble le croire. Et quand tu l'écoutes, toi aussi tu y crois. Votre échange est bref, mais il s'en dégage quelque chose d'indescriptible. De touchant. De profond. Une seule rencontre qui aurait pu sceller l'avenir d'une potentielle relation, mais tu sens que malgré tout ce qui semble vous séparer, il y a malgré tout beaucoup de choses qui pourraient aussi vous rapprocher. A commencer par cette incapacité à vous sentir pleinement à l'aise dans une société qui vous colle des étiquettes, et pas toujours celles qui vous définissent vraiment. Elle aimerait pouvoir t'enlever la bombe, Zatanna, et ce simple aveu te laisser pantois. Parce qu'il ne s'agit pas uniquement d'une attention généreuse à ton égard, peut-être nourrie par l'atmosphère bon enfant de l'endroit. Non, ce qu'elle sous-entend, ou du moins, ce que tu comprends toi à travers ça, c'est qu'elle serait prête à t'offrir une seconde chance. Et ils sont rares, ceux qui te voient autrement que comme un criminel ou un mercenaire. Elle ne s'arrête pas à ça, bien au contraire, elle voit bien au-delà, et elle n'a pas idée d'à quel point ça fait du bien. « Merci. » Un simple mot, mais qui veut dire beaucoup. Tu espères sincèrement qu'elle parviendra à lire à travers, et qu'elle comprendra tout ce qui se cache derrière sans que tu n'oses l'exprimer plus clairement. Le retour à New Themyscira n'a été facile pour personne, et après un séjour parfait en Laponie, te voilà à nouveau envoyé en mission à la solde d'une sociopathe qui ne te laissera jamais faire ta vie comme tu l'entends. Le choc est rude, violent même, mais elle est parvenue à rendre les choses un tout petit peu plus aisées. Alors pour ça et pour tout le reste, tu la remercies.

Harley, elle peut tout aussi bien avoir des bonnes idées que des mauvaises. La bonne, c'est d'avoir eu la gentillesse de vous apporter un plateau de cocktails au goût délicieux dont tu sirotes déjà ton premier verre. Et tu veux bien aussi lui accorder son idée de constituer un dossier sur Danny à votre sauce – bien que tu doutes que Waller soit dupe, faudra la jouer fine. La mauvaise, en revanche, c'est d'essayer de t'entrainer sur une scène. Ça c'est une très très mauvaise idée. « Harley, tu sais, moi et le chant c'est pas une bonne combinaison. Encore moins sur du Lady Gaga. » Mais évidemment, elle refuse d'écouter. Depuis quand elle écoute quoi que ce soit ? Résigné, tu te laisses entrainé sur scène, le visage fermé, acceptant de faire plaisir à te partenaire de galère, mais pas au moins de te forcer à faire bonne figure. Y a beaucoup trop de gens qui vous regardent, et t'es tout sauf à l'aise avec l'exercice. Pourquoi c'est tombé sur toi ? Digger aurait accepté avec plaisir, lui. Peut-être même que King Shark l'aurait fait aussi ! Pitié, est-ce que t'as le droit de courir dans le sens inverse pour aller te cacher derrière Zatanna et Susan ? Susan, littéralement en tenue de cabaret. Elles sont faites pour ça, contrairement à toi. Mais trop tard, la musique commence. « Et merde. » Raclement de gorge, micro serré dans ta main moite, tu poses ton regard sur la petite télévision qui fait défiler les paroles, juste après un message d'encouragement de Danny pour les premiers courageux de la soirée. T'en as eu des missions périlleuses desquelles t'as parfois eu du mal de t'en sortir. T'as affronté des aliens, des monstres, des zombies, toutes ces choses que l'on peut voir dans les films d'horreur, toi, tu les as vues de tes propres yeux. Pourtant, tout ça n'était qu'une partie de plaisir en comparaison de cet essai à la chanson sur du Lady Gaga. Perdu, tu fais du mieux que tu peux pour suivre les paroles et être un minimum convaincant, mais soyons honnête, tu dois probablement plus ressembler à un grumpy cat complètement coincé qu'à un chanteur. Surtout en comparaison d'Harley, qui elle, en plus de savoir faire le show, semble parfaitement à l'aise avec le registre choisi. Si encore elle t'avait fait chanter sur du Gun's N' Roses, mais non, du Lady Gaga !

Mais contre toute attente, quand la musique s'arrête enfin, un tonnerre d'applaudissements explose dans la salle. Quoi ? Comment c'est possible ? T'as chanté faux et avec peu d'entrain, pourquoi ils félicitent ta catastrophe ? A la fois gêné, étonné et un peu touché, tu te sers du micro pour les remercier. « Euh, merci. » Ouais, parce que quand même, ça fait du bien d'être valorisé. D'être encouragé malgré tout. « J'aimerais maintenant céder ma place à Susan et Zatanna. » Et aussitôt, une lumière se braque sur les deux filles. Allez, toi t'as assez donné. Chacun son tour. D'autant qu'elles risquent de tellement mieux s'en sortir. Quant à Harley, tu lui feras payer cet affront, bien que tu espères qu'elle ait profité et savouré le moment. C'est pas prêt de recommencer.

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Aaaaamen, sister. La magicienne aussi avait souvent l'impression de diriger une colonie de vacances, avec la JLD. Elle adressa un regard de sympathie à la jeune femme, sans plus insister. Pour ceux qui n'avaient pas de bombe dans la tête, le choix aurait dû être plus simple. Malgré tout, Zee ne pouvait pas faire plus pour prêcher la bonne foi de Danny. Il faudrait que cela suffise pour les convaincre qu'il n'y avait pas plus inoffensif que lui. Et ce qui se passait sur scène en était une preuve de plus. Harey : on aurait dit qu'elle était née ici même, ou qu'elle avait retrouvé son peuple disparu. Floyd… C'est parce qu'elle avait été bien éduquée et qu'elle était si empathique envers les gens que Zee réussit à ne pas rire en voyant sa performance. Mais plus que n'importe qui ici, il était celui qui pouvait tirer du positif de cette petite visite sur Danny the Street. Aussi, elle fut tentée de le filmer avec son téléphone pour pouvoir montrer ça à Layla, mais elle craignait trop de retomber dans la case « ennemie mortelle » du notoire assassin - deux concepts qui n'allaient pas bien ensemble.

Puis Floyd les appela, Susan et elle, sur scène. Soit ! Elle avait bien assez de grammes d'alcool dans le sang pour ne pas se faire prier, et puis, bordel, elle était une artiste, et la scène, c'était sa vie ! Elle salua la foule avec professionnalisme, comme si elle n'était déjà pas en train de brailler dans un karaoké voisin une heure plus tôt. Elle remarqua que sa comparse était un peu moins à l'aise et se demandant comment Susan allait rapporter ça à ses chefs dans son rapport. « Et là, on a chanté… » Chanté quoi, d'ailleurs ? C'était en espagnol, et si ce n'était pas pour invoquer la Santa Muerte ou commander des tapas et de la sangria, Zee ne parlait pas cette langue. Elle s'empara du micro et marmonna comme elle put, toujours en retard sur les paroles. Susan s'en sortait bien, dans le genre imperturbable. Puis soudain, la sono émit un bruit de disque rayé et la chanson changea du tout au tout, sans qu'on leur demande leur avis. Oh, Danny, you little… Sous ses yeux, la tenue de Susan changea pour une robe bleue, et Zee elle-même sentit ses cheveux frissonner, avant d'en saisir une mèche pour se rendre compte qu'elle était devenue rousse. Dans l'assistance, tout le monde entonna le premier couplet. «The snow glows white on the mountain tonight… »

Zee se pencha vers Susan. « Si vous aviez besoin d'une preuve supplémentaire : personne ne vous fera jamais chanter avec ça. Enfin, en sens figuré du terme, je veux dire. » Car oui, la boss envoyée par Waller ici même se retrouvait cosplayée en Elsa à chanter Let it Go, et nulle trace de ce moment ne subsisterait pour menacer sa carrière. Il neigeait dans le cabaret désormais. Et pendant que toute la salle braillait en chœur, Zee pointa le doigt vers le public en s'exclamant « falO ! », mais en même temps, Danny avait écrit dans l'air avec de la vapeur : SVEN, et la magie crépita, et plusieurs personnes dans la foule semblèrent exploser dans un nuage de neige pour se transformer en créatures mi-renne, mi-bonhomme de neige, déclenchant des cris d'effroi. Zee leva les mains et tenta de couvrir le bruit – « Tout va bien, touuuut va bieeeeeen » alors qu'une sorte de grosse boule de neige velue se traînait par terre à l'aide de son unique patte de renne en poussant des « gueuaaaaah » pathétiques et que des pouf ! sonores retentissaient ici et là comme les transformations continuaient et que les gens tentaient de deviner à qui ça allait être le tour.

Et soudain, Maura Lee Karupt monta sur scène, non sans faire les gros yeux à Zee et à la pauvre Susan, et la magicienne fit signe à cette dernière que mieux valait retourner à leur place. Comme Maura Lee se mettait à chanter d'une voix de basse douce et rauque, le public se calma, même ceux qui avaient désormais l'apparence d'hybrides Sven-Olaf, et les transformations cessèrent. Zee retourna à la table Suicide Squad. « Désoléééeeee… C'était ma faute, pas celle de Danny. Il va régler la situation. Et puis, vous en faites pas, s'il était vraiment en colère, il nous auraient jetés dehors. Vous voyez, moi bourrée, je suis plus dangereuse que Danny. » Surtout que le Danny Tour n'était pas fini. Ici, rien ne finissait jamais. La magicienne remercia d'un sourire crispé une serveuse dont les jambes s'étaient transformées en carottes qui leur apporta une nouvelle tournée comme si de rien n'était. « On peut aller danser, si vous préférez. » Sous leurs pieds, le sol vibra au rythme d'une basse lourde, comme si au sous-sol était soudain apparue une boîte de nuit clandestine. Puis Zee coula un regard vers Harley. « Mais si vous avez eu votre dose d'émotions fortes, je suis sûre qu'on trouvera un diner pour se gaver de pancakes et de café. » Et oui, elle essayait d'entrer dans les bonnes grâces de celle de leur petit groupe qui serait la plus susceptible de défendre Danny en cas de besoin.

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Allez hop, ouais, comme ça, tu te défiles. Mais pour ta défense, Zatanna est une artiste de spectacle et Susan une fan de comédies musicales, alors à partir de là, t'estimes que leur laisser la place n'est pas si traitre que ça. Et puis, pas de raison que tu sois le seul à donner de ta personne dans cette mission pour le moins étrange. Délaissant le micro sans regret, tu te frayes un passage jusqu'au bar pour retrouver un peu de contenance et d'énergie. Chanter sur du Lady Gaga. Dans une rue vivante. Quand Layla va apprendre ça... « Merci. » Tu remercies ta partenaire pour la bière qu'elle te tend avant d'en boire les premières gorgées. Elle doit se sentir bien dans cet endroit, non ? L'extravertie entourée de gens qui ont l'air de l'être tout autant qu'elle. Toi, en revanche, t'es tout l'inverse. T'aimes pas te donner en spectacle. Ou en tout cas, pas quand t'es sans ton costume de tueur implacable. Et c'est précisément cette incapacité à lâcher complètement prise qui te laisse admiratif de ceux qui parviennent à le faire. Comme Harley Quinn. Mais ça, évidemment, tu préfères le garder pour toi. Pudique aussi bien dans ton comportement que dans tes sentiments. Peut-être que sont des restes de guerre, où pour survivre il fallait vous faire discret au point de presque disparaître, et où la moindre émotion pouvait se transformer en synonyme de condamnation. C'est ce qu'une psy a essayé de te faire comprendre une fois, avant que tu ne l'envoies balader avec toutes ses conneries d'introspection et d'empruntes du passé trop présentes. Finalement, tout ce que tu veux, c'est qu'on te foute la paix. Est-ce tant demander que ça ? « Je suis pas certain qu'amusé soit le mot, mais okay, on fait la paix. A condition que tu ne m'entraines plus dans ce genre de fantaisies. » Harley et ses merveilleuses idées, c'est à ça que tu vas trinquer, non sans avoir cogner ta bouteille contre la sienne.  

C'est mal, mais l'entrée peu assurée de Susan t'arrache un sourire amusé. Elle va bien s'en sortir, tu la connais assez pour le savoir. Et puis honnêtement, qu'est-ce qu'une petite chanson chantée sur scène à côté de diriger une équipe d'électrons libres ? Tu sais qu'elle te maudit intérieurement, mais t'espères que ce sera sans rancune. En comparaison, Zatanna a l'air sans aucune surprise beaucoup plus à l'aise. Et le mélange des deux produit une très belle prestation. Susan fait ce qu'elle peut pour son espagnol, et la magicienne, et bien, elle est clairement dans son élément, visiblement à l'aise devant en public, aussi bien pour des tours qu'une session de karaoké improvisée. En revanche, ce que tu n'avais pas du tout prévu en les trainant sur scène, c'est que Danny jouerait un rôle aussi prépondérant et inattendu dans leur prestation. « Oh bon sang. » Elle va définitivement te haïr. Ni une ni deux, d'humeur joueuse, l'étrange rue dotée d'une conscience transforme l'endroit en un décor tout droit sorti du film Le Reine des Neiges. Pire encore, voilà que Susan s'est métamorphosée en Elsa et Zatanna en Anna. Qu'elles te pardonnent, mais il t'est impossible de contenir ton rire. C'est pas de la moquerie, pas du tout, c'est simplement... de la surprise ? Finalement, Lady Gaga c'était pas si mal que ça.

Et si tu pensais déjà assister à l'apothéose, et bien tu as commis une lourde erreur. Sans que tu ne comprennes comment vous en êtes arrivés là, des gens disparaissent subitement en confettis ou se transforment en créatures hybrides, tandis que la prestidigitatrice tente du mieux qu'elle peut de calmer la foule. D'un regard circonspect à Harley, tu pries intérieurement pour ne pas être le prochain sur la liste. Okay, peut-être que tout ceci va un peu trop loin là. Et c'est un homme qui en a déjà vu beaucoup qui dit ça. Par chance, tout s'arrête brusquement, et les deux femmes reviennent vers vous, sans doute un peu secouées par l'expérience. « C'était... Sympa ? Original ? » Comment mettre des mots sur ce que vous venez de voir ? « Vous avez assuré. » Surtout dans de telles circonstances. Et maintenant que le spectacle est fini, quelle est la suite ? C'est sur Zatanna que tu poses ton regard, parfaitement conscient de ce qu'elle essaye de faire. Elle veut vous occuper ici pour que vous réalisiez pleinement ce qu'est Danny, pas vrai ? Elle cherche à vous faire parcourir ses rues, découvrir ses boutiques, pour qu'une fois la mission terminée, vous preniez la décision de taire tout ce que vous aurez vu ici pour le protéger. T'as bien compris qu'il était inoffensif. Non, mieux, qu'il était nécessaire. Mais t'es pas certain que Waller acceptera un tel rapport. T'as la raison qui t'ordonne de t'en tenir à ce qui était prévu, et le cœur qui te supplie de, pour une fois, laisser tomber. « Je sais pas. » C'est cette fois vers Susan que tu te tournes, celle qui est à la tête de cette mission. Quelque part, la décision lui revient. Mais t'es pas certain d'avoir envie de suivre des ordres ici. N'est-ce pas justement tout l'intérêt de cette rue ? D'être libre. « Je sais pas danser, alors je vote pour les pancakes. » Personne n'a dit que lâcher prise était facile, et personne n'a dit non plus que cela devait forcément se faire en une seule fois. Et jouer le jeu dans ce drôle d'endroit, c'est déjà un premier pas pour toi. T'es pas obligé d'être en permanence en soldat, même si tu ne sais plus être autre chose.

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