It's the green, it's the green, it's the green you need [PV Tefé Holland]

It's the green, it's the green,
it's the green you need

La bombe dans son cou était un rappel constant, une menace qu'il portait en lui pour le prix de son pêché et de son erreur, il avait reçu une cruelle leçon qu'il n'oublierait pas de sitôt, le monde extérieur était peuplé de gens fourbes, de gens qui n'hésiteraient pas à vendre père et mère pour leur intérêt personnel, voilà quelques temps que tout ceci bouillonnait en lui. Comme un lion en cage il profitait de chaque sortie sur le terrain pour laisser libre cours à sa frustration, ARGUS l'avait accepté de nouveau, mais il était porteur du sceau de l'infamie et de la désertion, un sceau qu'il mettrait bien du temps à retirer, contrairement à la bombe qui le suivrait jusqu'au dernier moment. Il passât sa main sur sa nuque en observant le marécage que les locaux nommaient bayou qui s'étendait devant ses yeux. Voilà bien deux heures que l'aéroglisseur se frayait un chemin dans la végétation et les alligators qui se présentaient sporadiquement comme des troncs à la surface de l'eau que son guide ne manquait pas de lui signaler bien plus avec un geste du doigt que dans son espèce de patois à moitié compréhensible. Habillé d'un bermuda et d'une doudoune sans manche au dessus d'un marcel a motif marinière il aurait fait un repas de choix pour les bestioles, bien qu'un peu résistant, mais il savait que la pression de la mâchoire de ces bestioles pouvait broyer ses os malgré sa résistance, armé de son carnet il en dessina un posé au soleil en quelques traits qu'il affina une fois la vision passée avec ses souvenirs sous l’œil goguenard du Cajun sans doute amusé par la vision de cet étranger fasciné par la nature.

N1 n'avait pas été déployé pour rien, ARGUS soupçonnait la présence d'un meta-humain, d'un sorcier ou d'une entité d'origine inconnue dans les parages et avait envoyé un agent en reconnaissance pour se faire une meilleure idée de la situation, armé de ses vêtements, d'un Beretta et d'un couteau de chasse, on avait envoyé l'à peine majeur Klaus dans un dernier test avant la pose d'implants qui changeraient à jamais sa vie, le priverait peu à peu de sensations et mettrait plusieurs fois sa vie en danger. Ses pouvoirs de meta-humains étaient ses seules armes alors, ça et quelques dernières traces de doute sur sa place dans tout cela, il n'avait pas encore trouvé sa force intérieure, sa détermination de guerrier par delà son amertume. Il n'était que l'ombre de l'homme qu'il deviendrait vite et qu'il devenait déjà, N1 était un gamin paumé qui cherchait un peu sa place dans un monde trop grand pour lui, si il avait l'apparence d'un homme dans son attitude et ses manières, il était loin d'en être un. Le Cajun baragouina quelque chose en pointant un point émergé des flots ou il le déposa avant de partir en se confondant en malédictions multiples.

Face au dernier lieu d'activité, N1 pencha la tête en observant la scène qui s'offrait à lui. Ici, il y avait deux jours, un meurtre horrible avait été commis, malgré la résistance des locaux, de nombreux pipeline passaient par le bayou, de véritables risques écologiques pour eux, une source de simplicité apportant du profit pour les entreprises qui avaient tout loisir d'opérer, cinq de leurs employés venus inspecter une sortie de pipeline étaient désormais morts dans une flaque de leur propre sang toujours visqueux au vu de l'humidité ambiante, un meurtre qui semblait presque rituel, les corps disposés pour former les branches d'une étoile, leurs poignet fusionnés et leurs visages déjà grignotés par la nature et l'un d'entre eux ayant visiblement perdu sa jambe contre un Alligator posé un peu plus loin en pleine digestion, si c'était un meta, il avait un goût pour le spectacle, si c'était un être magique, le collier fourni par l'agence ne détectait aucun usage de ce dernier et restait désespérément bleu. Si c'était autre chose, restait à savoir quoi car rien de ce qu'il ne connaissait ne répondait à ce qu'il connaissait, il entama donc de prendre des notes, accroupi dans une terre humide et limite boueuse, dessinant l’œuvre de l'assassin de ces pauvres gusses, concentré sur sa tâche. son crayon volait sur la feuille et ne manquait aucun détail, il prendrait les photos plus tard, ce n'était pas comme s'il n'avait pas le temps après tout, il devait passer une semaine ici pour recceuillir des éléments.

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It's the green, it's the green, it's the green you need

Elle avait dix ans quand elle avait fermé les yeux. Comme si c’était hier, elle se souvenait des bras de sa mère qui la pressaient contre son sein, de sa bouche enfouie dans ses cheveux pâles et ébouriffés, de ses lèvres douces qui glissaient sur ses joues rondes d’enfant pour lui souffler, la voix tremblante, que tout irait bien, que tout irait mieux. Comme si c’était hier, elle se souvenait qu’elle ne s’était pas vraiment débattue, qu’elle ne comprenait pas ce que ses parents lui voulaient, pourquoi sa maman pleurait, pourquoi son papa l’observait de loin, les épaules voûtées, un air torturé sur son beau visage végétal qu’elle aimait tant. Elle se rappelait la légère peur qu’elle avait ressentie à la vision de l’homme à l’imperméable qu’elle avait déjà vu de temps en temps sans vraiment comprendre qui il était et pourquoi à chaque fois qu’il était dans les parages, ses parents l’éloignaient de la maison, lui ordonnaient d’aller jouer ailleurs et tout ça. Bien sûr elle revenait toujours espionner les adultes. Elle savait qu’il s’appelait John et pour le moment, elle l’aimait bien, même si elle ne le connaissait pas vraiment. Mais elle savait qu’il faisait de la magie et elle avait des souvenirs de lui de quand elle était vraiment toute petite. Alors elle avait juste eu un peu peur. Et en un battement de paupières, elle se retrouvait là, elle avait dix-huit ans et toute son enfance avait été engloutie par la magie noire et le plan atroce de ses parents. Cela faisait quelques semaines désormais qu’elle avait retrouvé sa forme – Tefé – et sa personnalité. Et en fait, elle conservait tout ce qu’elle avait vécu en tant que Mary Conway. Mais elle savait maintenant que ça n’avait pas été sa vie. Qu’on l’avait bâillonnée, écrasée, fait disparaître de ce monde, elle, Tefé Holland, et tout ça pour quoi ? Pas une seconde, la rage qui l’animait, qui l’avait arrachée à la vie de Mary, parce que c’était par la colère qu’elle s’était souvenue de qui elle était, par la colère et par le meurtre, pas une seconde sa rage ne s’était apaisée. Pour l’heure, elle brûlait de l’intérieur, elle était à peine consciente de sa propre existence.

Ses parents. John. Le Parlement des arbres. Le Green. Elle avait envie de tous les tuer. Elle avait envie de les massacrer, de devenir exactement ce qu’ils avaient tous eu peur qu’elle devienne, ce qu’elle était censée devenir par leur faute, bordel ! C’était pour ça qu’elle était née, qu’elle avait été créée, et alors qu’elle était devenue exactement ce à quoi on la destinait, on lui avait fait ce coup-là ? Elle ne pouvait plus penser à son père sans avoir envie de l’étrangler. Il avait cru bien faire. Sa mère aussi. Mais ça ne comptait pas, pour l’heure. John, elle pouvait envisager plus facilement de lui faire payer. Il fallait juste qu’elle le trouve. Mais à lui, elle ne devait rien, n’est-ce pas ? Quant au Parlement des arbres, qui l’avait créée, puis qui avait voulu sa mort, puis qui avait décidé de se servir d’elle et l’avait privée de son libre-arbitre… Ceux-là, elle s’était déjà chargée de leur cas. Ça avait été la première chose qu’elle avait faite. Quand elle les avait trouvés, elle avait été étonnée de constater que plusieurs d’entre eux étaient déjà morts. Apparemment, il y avait de graves dissensions entre eux. Mais elle avait trucidé les survivants, pour se venger, tout simplement. Pas pour s’assurer qu’il ne  se servirait plus jamais d’elle, parce qu’elle le savait, quelque part déjà, un nouveau Parlement s’était formé. Mais c’était un message pour le Green lui-même. Et à présent, elle tournait en rond dans le marais comme une bête en cage et massacrait quiconque lui passait sous le nez. Hélas, rares étaient les humains qui s’aventuraient dans le bayou. Quelques jours auparavant, elle était tombée sur un groupe d’industriels venus inspecter un pipeline gorgé d’hydrocarbure enfoncé dans la terre comme une lame rouillée dans de la chair. Elle ne pouvait pas toucher au tuyau, évidemment, sans causer un mal pire encore. Mais elle s’était bien chargée des types. Sans même se rendre compte qu’elle reproduisait ce que le Parlement avait attendu d’elle, ce qui avait poussé ses parents à lui arracher sa vie. Pour le moment, elle n’était pas en état de réfléchir.

Blottie entre les racines tortueuses d’un arbre, dans la douce terre boueuse et riche du bayou, elle somnolait à moitié, encore étonnée de retrouver son corps, son métabolisme hybride qui se nourrissait de la nature. Elle sentait la présence du Green qui palpitait sur sa peau et dans sa tête mais refusait catégoriquement de lui ouvrir sa conscience. Elle se contentait de la berceuse des arbres, du clapotis de l’eau trouble, du bruit des milliers de petits animaux tout autour. Puis un autre son la tira de sa léthargie. Un bateau, pas loin d’ici. Encore. Encore, des humains venaient piétiner une nature qui ne leur appartenait pas, où ils n’avaient rien à faire, qui n’avait rien à leur donner. Elle se leva doucement, son short en jean boueux laissant jaillir ses jambes nues maculées de terre, son débardeur blanc d’homme volé sur un fil à linge encore plus sales, sa peau halée d’une teinte légèrement verte, ses cheveux hérissés comme de la paille, piquetés de feuilles, de brindilles et de fleurs. Avec un grondement, elle s’avança entre les arbres. La présence se trouvait là où elle avait laissé les cadavres des hommes. De toute façon, elle avait eu beau en tuer, il y en avait toujours pour revenir. C’était sans fin. Ce qui tombait bien, vu son humeur. Elle se fondit entre deux arbres et observa l’intrus. Un enfant, enfin il en avait l’air. Elle n’en savait rien, elle n’était pas bonne pour juger les humains sur leur physique. Il observait les cadavres.

Sans plus faire preuve de discrétion, elle sortit à moitié d’un large tronc bordant la clairière, une jambe et un bras encore soudé à l’arbre, son autre bras s’achevant non pas par une main mais par une branche aux pointes de bois acérées. Elle fixa son regard bleu foncé sur l’humain. « Encore… Encore, il en vient… » Le feuillage des arbres et des buissons s’agita comme sous le coup d’une brise inexistante, et le bruit chassa les oiseaux qui paressaient tranquillement sur leurs branches. Quelques mulots et scarabées se précipitèrent à l’abri sous les racines. Tout le monde était d’accord, ici. Personne ne voulait de ce type. Elle finit de s’arracher de l’arbre et tendit le bras vers lui. Des racines jaillirent de la boue sous ses jambes et s’enroulèrent autour de ses poignets, ses bras, son cou. « Ils ne comprennent rien. Un par un ils viennent crever, mais ils ne comprennent toujours pas. » Elle ne lui parlait pas à lui particulièrement. Il n’était qu’un détail de son existence qui allait bientôt exploser en petits morceaux, la chair déchirée par le bois.

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It's the green, it's the green,
it's the green you need

Un bruit sur son flanc, N1 agit par pur instinct et se tourna immédiatement sur une vision surnaturelle, sortant littéralement d'un arbre, une jeune fille semblable à une dryade l'observait avec colère. Il ferma son calepin et le lâcha en même temps que son stylo et se dirigeât immédiatement vers son arme de poing, son entraînement d'agent subit depuis l'enfance lui donnait une bonne vitesse d'action, mais pas suffisante pour régir face à la colère de la nature qui l'enserra en un quart de seconde dans divers liens de feuilles, de brindilles et de lianes. Il sentait la pression contre sa peau renforcée, le même type de pression qui pouvait briser ses os aussi sûrement que la mâchoire d'un alligator, il tenta de résister mais cela semblait bien futile, ses yeux furent traversé par la panique un bref instant à la vue purement surréaliste qui s'offrait à lui, une jeune fille pas bien plus vieille que lui à l'apparence sylvestre, encore à moitié fusionnée avec le tronc dont elle sortait, un des des bras terminé par un appendice en bois digne d'un pieu de film de vampire, une chevelure folle envahie par la végétation et à l'apparence tout aussi sylvestre, avec des vêtements sales qui semblaient avoir trop traînés dans ce marécage puant. Les yeux bleus croisèrent les siens et elle continua de parler avec des mots qui auraient sans doute sidéré toute personne les entendant, toute personne n'ayant pas déjà affronté des dangers mortels comme N1. Le couteau qu'elle portait semblait du genre qu'on ne voulait pas recevoir dans le lard, son entraînement pris le dessus, se dégager et agir. Ses os mêlèrent à sa chaire et se transformèrent en multiples lames dégageant ses bras avant que la mutation du mélange de chaire et d'os semblait s'accélérer dans un bruit immonde, il ne crèverait pas ici. Ses bras formèrent des lames et il dégageât ses jambes.

-Vous attaquez un agent d'ARGUS, c'est un crime fédéral!

Si c'était une metahumaine elle était très puissante, c'est là qu'il sentit le médaillon qui chauffait, une énergie magique donc, elle n'avait rien de la sorcière sur son balais, elle ressemblait à une force primordiale de la nature, un agent de destruction sylvestre, c'était pour ça que ces hommes étaient morts? Il se poserait des questions plus tard, ces mains formèrent des lames de chaire semblables à des katars, épaisses et larges, sa peau était renforcée à son maximum. Peu importait l'adversaire, il devait faire face et vaincre, il devait user de son cerveau, si son adversaire avait un avantage certain sur lui niveau environnement, elle n'avait sans doute pas sa formation, elle semblait sauvage, animale, il devait se montrer plus malin et la surprendre. Sa main droite se reforma et agrippa le Beretta avant de tirer une première balle vers la cible et la mettre au minimum sur la défensive, un tir non létal à destination de son ventre, il avait besoin d'infos après tout, il ne pensait pas qu'elle viendraient tenter de le tuer, mais il n'avait pas vraiment le choix. Il se propulsa à la suite du tir et tira une deuxième balle à mi-chemin pour maintenir la pression, sa course le mena à une branche épaisse dont il se servit pour prendre la voie des airs et accabler l'ennemi aux cheveux blancs comme la neige d'un coup puissant de sa main gauche toujours en forme de lame, une main qui reprit forme pour tenter de saisir l'adversaire à la gorge, il ne savait pas vraiment à quoi il avait affaire, mais il n'allait pas laisser ce truc l'emporter.

-Rendez-vous!

Il n'avait pas vraiment l'intention de lui faire du mal, juste de l'entraîner au sol pour la maîtriser, il avait tout un tas de questions à lui poser si elle était responsable de ce carnage et une utilisatrice de magie visiblement, à savoir ce qui s'était passé ici et pourquoi une telle mise en scène, la thèse du déséquilibré était probable, mais il préférait être sûr avant de savoir quoi dire dans son rapport.

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It's the green, it's the green, it's the green you need

Elle sentit aussitôt qu’il y avait un problème. Elle en avait tué quelques-uns, des gens, comme ça. La dernière en date, c’était Catherine, sa meilleure copine du lycée – la meilleure copine de Mary Conway, putain ! Pas la sienne ! Tellement pas la sienne que quand elle l’avait trouvée en train d’embrasser son petit ami… enfin le petit ami de Mary, Tefé l’avait trucidée ainsi. Toute la colère qui l’habitait, et dont elle ne comprenait pas l’origine quand elle était Mary, le choc, la trahison – tellement stupide, bon sang ! –, tout ça avait réveillé ses souvenirs et sans hésiter, elle avait fait jaillir des branches du sol sous Catherine et l’avait déchiquetée. De même que sa si jolie robe, parce que c’était le soir du bal de promo. Et ensuite, elle avait étouffé David en le recouvrant d’herbe, jusqu’à que les végétaux pénètrent par tous ses orifices, et pour bien achever le travail, elle avait fait fusionner les deux cadavres, et ça avait dû être des funérailles en duo originales. Le monde retiendrait qu’une Mary Conway avait tué ses deux meilleurs amis pour un baiser volé, puis s’était suicidée. Mais Tefé, ce jour-là, était simplement animée par la plus pure rage qui soit, exactement la même que celle qu’elle ressentait en cette seconde face à cet intrus. Comme alors, elle ne prit pas la peine de réfléchir, de lui parler, de lui demander, au moins, ce qu’il faisait là. Cela l’arrangeait, de ne pas savoir. Elle ne voulait pas savoir, elle ne voulait pas avoir des raisons de ne pas le tuer. Comment sinon pourrait-elle se débarrasser de toute cette colère qui menaçait de la déchirer de l’intérieur, exactement le sort qu’elle réservait à ce gamin ?

Sauf que, il y avait un problème. La consistance, était, disons, louche. Sous la pression du bois, le corps d’un humain est à peu près aussi doux et mou qu’une banane, dont la chair sortirait par les deux bouts en appuyant dessus. Mais lui, là, il n’avait rien d’une banane. Il lui résistait. Et soudain, il se changea en tout autre chose. Elle crut pendant un moment que lui aussi possédait un pouvoir sur la chair. Bon eh bien, sa chair à lui, au moins. Mais elle ne ressentait rien du Red chez lui. Aucune connexion à la nature. En fait, c’était même l’inverse. Elle fronçait le nez en captant chez lui des choses bizarres, qui piquait sa peau, grattait sa gorge. Elle n’était plus si sûre qu’il soit humain. En fait, si elle s’était contentée de le regarder, elle aurait dit non, pas humain, évidemment. Mais en revanche, quand il ouvrit la bouche… « Pfffff, qu’est-ce qu’il croit, hein ? Qu’est-ce qu’il croit, qu’il a tous les droits ? Ici il n’est agent de rien, de rien du tout, il… » Une détonation explosa dans l’air et seulement elle se rendit compte, en reprenant pied avec la réalité, qu’il s’était dégagé de son emprise, puis elle eut l’impression qu’un taureau venait de lui rentrer dans le ventre à toute allure et elle fut projetée en arrière. Un second coup de feu, et elle roula sur elle-même pour trouver un abri entre des racines. Mais déjà, l’autre était sur lui et lui assenait un coup au visage. Elle heurta un tronc et se fondit aussitôt dedans, échappant à sa main qui se tendait vers elle. Elle ressortit de l’autre côté de la clairière, et s’appuya contre le tronc. Incrédule, elle porta les mains à son ventre d’où jaillissait du sang en abondance. Elle gémit, pas à cause de la douleur et de la peur mais parce que cela la renvoya brutalement à sa condition de demi-humaine, pas du tout quelque chose qu’elle désirait. Mais déjà, la plaie se refermait, elle voyait sa chair gigoter et les lambeaux se tendre les uns vers les autres comme un canevas végétal, sauf qu’il s’agissait de son corps.

Avec un grondement quasi animal, elle replongea dans l’arbre et réapparut dans une branche épaisse au-dessus de la tête de son ennemi. Seul son visage se dégagea du bois. « Pourquoi me rendre ? C’est toi l’intrus. C’est toi qui n’a rien à faire ici. Je suis chez moi. Tu n’es personne pour moi. » Elle s’enroula autour de la branche et se retrouva assise à califourchon dessus. Les mains tendues vers le type loin sous elle, elle se connecta au Red et tenta de s’en prendre directement à sa chair. La déchirer, la tendre, la distordre, la faire fondre… Mais là encore, ce n’était pas si facile. Il avait lui-même clairement le contrôle sur sa propre chair. « Qu’est-ce que tu es, agentfédéral ? Un monstre sorti tout droit d’un baril de produit toxique jeté dans le marais ? Tu es venu te venger ? Me tuer ? » Elle savait au moins que ce n’était pas le Green qui l’envoyait. Ni le Red, qui n’avait aucune raison de l’emmerder, d’ailleurs. Non, il y avait quelque chose d’anormal chez lui, de contre-nature, au sens littéral du terme, et c'était lui qui était de trop ici, pas elle.

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It's the green, it's the green,
it's the green you need

Il sentit sa prise prendre, son poids l'entraîna contre un tronc d'arbre, il la tenait! Il pointa son pistolet sur elle mais elle lui échappa soudain, se fondant dans le tronc sans laisser de trace. Il avait visiblement commis une erreur de jugement en pensant qu'elle choisirait forcément l’affrontement direct, et ses pouvoirs étaient plus grands que prévus. Il la chercha du regard, il l'avait vue saigner et elle n'irait pas loin si c'était une mage. C'était vraiment quelque chose de terrifiant à affronter et ARGUS ne lui avait visiblement pas tout dit, un bruit de bois au dessus de lui révéla un visage dans une branche épaisse. N1 se prépara à bouger pour rester sur l'agressive, il devait garder l'avantage et ne pas se laisser surprendre, sinon il était mort, si cette sorcière voulait sa peau, elle allait devoir  travailler plus dur que ça. Il vit la créature serpenter autour de sa position élevée et se mettre à califourchon sur la branche, ses cheveux blancs en bataille toujours ornés de feuilles et son regard toujours meurtrier, forma un pic avec son bras gauche et s'apprêt à grimper quand les bras de Tefé s'étendirent soudain pour tenter de le percer, les deux appendices en bois se plantant dans son abdomen et son épaule. Un intrus? C'était une question de territoire?

Son cri retentit entre les arbres alors que son système nerveux encore bien fonctionnel était saturé d'une douleur qui ne faisait que s'aggraver. Sa chaire semblait fondre aux points d'impacts avec les appendices de son adversaire et son facteur régénérant, ou plutôt son remodelage corporel, luttait comme il le pouvait pour conserver en état ces parties de son corps. Son genoux ploya et il sentit sa peau habituellement aussi solide que la roche commencer à se liquéfier, se ramollir contre sa propre volonté. C'était étrange, ses capacités semblaient ne plus lui appartenir complètement, il sentait qu'il était quantité négligeable en cet instant, un insecte qui allait rencontrer le pare brise du semi-remorque. Il serra les dents pour réprimer la douleur et son cri, concentré sur son corps et le fait de le maintenir en un seul morceau, il perdait du terrain peu à peu, il devait trouver une solution, son salut sembla venir quand Tefé prit à nouveau la parole, elle semblait curieuse de qui il était, ce qui était troublant pour la psychopathe qu'elle semblait être. Ses mains agrippèrent dans un geste désespéré de les retirer les deux aiguillons de bois transperçant actuellement sa chaire.

Qu'est-ce qu'il était vraiment? C'était une bonne question à laquelle il n'avait pas de vraie réponse, si il savait qu'il était le produit de la science et d'une technologie de pointe, il savait surtout qu'il ne savait ce qu'il était d'autre qu'une arme vivante, le grand frère d'une bande de sujets de laboratoires, pas vraiment une réponse. Qui était N1 au fond de lui, que voulait-il vraiment. Il réalisa cependant que si cette étrange femme avait besoin d'info il avait tout intérêt à jouer le jeu pour le moment.

-Je suis Numéro 1, nom de code projet alpha, je suis le premier metahumain de laboratoire du projet "enfants terribles".

C'était classifié certes, mais c'était suffisamment vague pour ne rien dire de trop précis. Ce qui risquait de ne potentiellement pas plaire à son bourreau, ses mains semblaient se liquéfier aussi au contact des bras tendus de manière surnaturelle de Tefé affaiblissant déjà sa prise sur ces dernières.

-Je ne suis venu tuer personne, je suis venu enquêter sur la mort de ces hommes.

Il regarda d'abord les corps soudés les uns aux autres dans son dos puis ses mains se liquéfiant.

-Mais je pense avoir trouvé un bon suspect.

Il sentit une décharge de douleur lui faire poser un deuxième genoux à terre, il perdrait à ce petit jeu lentement mais sûrement car lui fatiguerait et son adversaire ne semblait pas montrer de signe d'affaiblissement. Il devait s'en sortir au plus vite, il changeât ses mains en broyeuses en ornant l'intérieur de piquant acérés qui se plantèrent dans le bois/chaire de Tefé avant de le déchiqueter pour rompre leur connexion physique, N1 se leva immédiatement et recula de quelques pas avant d'entendre un sifflement hostile dans son dos indiquant qu'il n'était pas loin de la mâchoire de l'Alligator et que ce dernier devait attendre son prochain repas il se recula pour voir l'animal la gueule béante deux mètres derrière lui.

-Tu as tué ces hommes par ce que ce sont des intrus?

Gagner du temps, essayer de continuer à la faire parler, il avait perdu son pistolet dans l'action, il était là ou il se trouvait précédemment donc un assaut à distance était proscrit, si il tentait de s'en saisir elle pourrait sans doute le tuer avant qu'il y soit.

-Le bayou est ton territoire?

Une poison Ivy sauce Louisiane, manquait plus que ça, si il n'avait jamais croisé la femme fatale de gotham, il n'avait rien lu de semblable à ce à quoi il faisait face ici.

-Je ne tiens pas à mettre en danger cet endroit.

Il tenait surtout à sauver sa peau pour le moment, un affrontement prolongé pouvait vite se retourner contre lui, après tout il était là pour récupérer des infos non? Pas pour nettoyer la zone de ses mages.

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It's the green, it's the green, it's the green you need

Déjà en temps normal, Tefé n'aurait pas été très réceptive à ce que lui racontait l'intrus. Dans son état actuel de paranoïa et de colère, ses paroles semblaient lui venir tout droit du fond d'un bocal. Ça résonnait et ça se déformait et elle n'arrivait pas à s'accrocher à ses mots qui lui échappaient comme de l'eau entre ses doigts. Numéro 1. Métahumain. Laboratoire. Qu'est-ce que c'était que tout ça ? Mary le savait probablement mais Tefé ne voulait pas en appeler à Mary. Même si elle n'aurait pas d'autre choix que d'accepter cette partie de sa vie un jour. Elle ne pouvait pas rester la Tefé de dix ans qu'elle était quand ses parents l'avaient jetée aux ordures humaines. Elle avait dix ans, mais elle avait dix huit-ans. Elle avait dix ans, mais elle avait le souvenir d'avoir fumé des clopes, conduit une voiture et de s'être envoyé en l'air avec David. Parce qu'elle avait dix-huit ans. Mary avait dix-huit ans. Et Tefé aussi, donc. Et Mary savait ce qu'était un métahumain. Mais Tefé ne voulait pas savoir. Elle finit par grogner. « Numéro 1. Numéro 1, c'est quoi ce prénom. » Et c'était quoi, la suite ? Elle ne prêtait même plus attention à ce qu'elle lui faisait, plus vraiment. Il était venu enquêter sur les morts. Quels morts ? Les humains ? Les tas de chair ? Soudain une douleur, et elle se redressa d'un bond sur sa branche alors que l'autre lui échappait, un alligator aux fesses. Cela la fit rire et son ricanement rebondit sous la canopée.

« Oui, c'est moi qui les ai tués. On s'en fiche. Il y en a plein d'autres, des comme eux. Qu'est-ce que ça peut faire ? » C'est pas comme s'ils étaient des milliards. Cela l'agaçait, que les humains accordent tant d'importance à leur propre vie et aucun au reste de la planète. La vie est sacrée… Tu parles. Elle observa ses bras lacérés, agita les doigts, sentant sa peau la picoter des choses étranges qui habitaient la chair et le sang de l'ennemi. Déjà d'ordinaire, elle considérait les humains comme des détritus, mais lui avait l'air encore plus toxique que ses congénères. Elle s'attendait à ce que le Green lui souffle de le trucider sur place, mais depuis qu'elle s'était libérée de sa condition d'adolescente humaine, elle n'avait pas entendu le Parlement persifler à ses oreilles. Cela aidait qu'elle les ait massacrés. Mais elle était sûre aussi que le Green tout entier avait décidé de lui foutre un peu la paix. Objectivement, c'était maintenant qu'elle aurait eu besoin d'être guidée. Ou d'un peu d'autorité. Mais ça, le Green ne pouvait pas le savoir, pas plus qu'elle-même. Elle sentit de nouveau la colère l'envahir aux paroles de l'ennemi. « Ce n'est pas mon territoire ! Ça n'appartient à personne, ici ! Il faut toujours que vous clamiez la terre. Pas un seul centimètre ne doit échapper aux hommes. » Comme si l'idée d'un carré exempt de propriétaire sur cette Terre les paralysait… Elle, elle avait juste le droit d'être ici, parce que le bayou le lui avait donné. Et bien sûr qu'en vérité la nature n'irait jamais jeter un humain comme un videur de boîte de nuit. Le Green était conscient, mais pas conscient de lui-même, pas sentient. La nature donnait et prenait, tuait ou nourrissait, de manière objective.

Elle observa le type. « Tu vas faire quoi, alors ? C'est quoi, ARGUS ? Ils vont venir ici avec des tanks et des lance-flammes ? Je les tuerai tous ! » Elle n'en était pas capable, évidement. Ou peut-être que si ? Aucune idée. Elle y croyait, c'est tout ce qui comptait. « Ils ont pollué la terre avec leurs hydrocarbures… C'est normal que la nature se venge. » Et c'était normal qu'elle le tue, lui, s'il comptait faire venir plus d'humains dans ce sanctuaire déjà souillé du sang des hommes et de leurs produits toxiques.

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It's the green, it's the green,
it's the green you need

Bon il était certes un peu vexant de voir son nom ainsi diminué car il ne l'avait jamais particulièrement détesté, c'était ce qui le séparait des autres après tout, les gens du monde extérieur qu'il haïssait, mais il avait bien plus urgent qu'un ego blessé sur le feu. Se dégager n'avait été que la première étape, mais là il était coincé entre un croco et la version bayou d'une Poison Ivy sous stéroïdes, car leurs pouvoirs n'avaient rien à voir, le dossier sur la belle plante de Gotham ne mentionnait aucune forme de fusion et une préférence pour le contrôle mental que l'attaque directe, ce qui compliquait beaucoup les choses, et il y avait cette énergie étrange que captait l'amulette, quelque chose de résolument magique. Il ne pouvait s'empêcher de ressasser ce qu'elle avait dit sur son acte cependant, sur sa portée nulle, en l'observant, la réalisation le frappa de plein fouet sur l'opposition fondamentale entre eux. Klaus était l'agent d'une autorité tout comme Tefé, mais là ou lui avait pour charge de protéger des gens dont la mort ne lui faisait pas même hausser un sourcil, la sorcière protégeait elle quelque chose de plus grand et de plus large comme cela serait confirmé plus tard par ses paroles sur un assaut potentiel des lieux, une chose qu'il respectait profondément et qui était pour le moins inattendue. Un regard complétement fou, braqué par une personne qui n’engageait pas à la confiance, le transperçait, mais il ne ressentait aucune animosité envers l'adversaire, ses mains reprirent forme humaine et il rendit un air curieux à la furie de son adversaire, intrigué qu'il était par cette singulière personne.

-Ils ne viendront que si je leur donne une raison de venir.

Ou qu'il ne revenait pas, mais ça c'était hors de question, il ne comptait pas mourir ici, si sa peau n'avait rien perdu de son épaisseur, il se détendit un peu, l'accalmie pouvait être bon signe, après tout elle ne pouvait être totalement dénuée de raison malgré son comportement animal, car elle combattait avec intelligence et savait avoir l'avantage sur lui, elle ne le laissait pas en vie par pur plaisir sadique ou pour faire durer le plaisir, à moins qu'elle ne pense que le croco ait droit lui aussi à son croc de chaire metahumaine. Klaus ne doutait pas qu'il pourrait éliminer la bête, mais il préférait éviter de tuer un si majestueux animal si il n'y était pas forcé, le sifflement s'intensifiait dans son dos, donc il fit un pas en avant pour mettre un peu de distance entre lui et le reptile. Les bras baissés, il ne montrait aucun signe d'agression, il jeta un œil à son carnet au sol, son rapport pouvait dire ce que bon lui semblait après tout, il n'avait aucune obligation de tout dire si il ne le souhaitait pas. Il restait calme, son souffle régulier alors qu'il revenait à Tefé, elle avait raison de supposer une intervention musclée, mais semblait assez confiante sur sa capacité à faire face, il devait reconnaître que jusque là ça restait suffisamment impressionnant, l'idée qu'elle puisse accomplir bien plus était assez effrayante.

-Et je ne veux aucun mal à cet endroit.

Ni à elle, mais ça c'était encore une pensée lointaine, concentré sur l'instant, il pivota la tête sur le côté en observant la jeune fille, un peu à la manière d'un chien curieux. Elle semblait légitimement énervée de la présence d'un intrus, mais il pouvait partir du principe que ses pouvoirs avaient dut susciter une forme de curiosité, après tout c'était elle qui avait commencé à poser des questions, il n'en avait pas vraiment eut le temps à vrai dire, mais elle semblait bien plus concentrée sur lui que sur l'envie de le tuer qui l'animait au départ.

-Tu es un genre d'avatar de la nature?

Il se sentait con rien qu'à prononcer ces mots, mais il n'y avait pas 30.000 manières d'expliquer ce qu'il avait en face de lui, l'apparence et le langage employé allait plus loin que l'écolo un peu barré qui posait des bombes chez un groupe pétrolier. Elle n'était pas dans l'agression directe car elle semblait protéger les lieux plus que vouloir passer à l'offensive, après tout, si elle disait pouvoir affronter une armée, pourquoi les villages voisins n'étaient pas rayés de la carte? Elle n'y avait aucun intérêt et ne représentait sans doute aucun réel danger direct pour la population qu'il avait été créé pour défendre, autant en savoir plus avant de prendre une décision. Son premier choix fut bien évidement de ne pas se poser en menace directe, il pouvait bien évidement lui dire que sa mort attirerait plus d'agents et de moyens, mais ça ne l’impressionnait visiblement pas.

-Je te l'ai dit, je ne veux aucun mal à cet endroit, je suis juste venu prendre des informations.

Son bras gauche se changeât dans un tentacule qui agrippa son carnet de note qu'il rangeât dans sa poche intérieure, ce dernier contenait tout de même des dessins auxquels il tenait d'un point de vue personnel. Il abandonna pour le moment son arme à feu.

-Et-ce que tu es seule?

Mieux valait se méfier si d'autres devaient débarquer et étaient encore moins sympathiques que celle là.

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Il l’avait dit. Il avait dit que ses potes viendraient avec leurs tanks et leurs lance-flammes que s’il leur donnait une raison de venir. Tefé était quelqu’un de simple. Plus tard, elle voyagerait, parlerait à d’autres humains, côtoierait des sociétés. Elle en penserait ce qu’elle voudrait mais elle apprendrait de ces contacts. Mais pour l’heure, elle n’était qu’une plante. Qui pousse toujours vers le haut, qui prend toujours le chemin le plus direct, qui se fiche bien du reste. Si elle le tuait, il ne prévenait personne, fin du débat. Elle disparut de nouveau entre les arbres, mais sa voix résonnait dans la clairière, rebondissait contre l’écorce et les feuilles. « Les humains mentent toujours. » John. Il lui avait dit qu’il allait l’aider. Menteur. Sa mère. Elle avait dit qu’elle l’aimait. Menteuse. David. Il lui avait dit qu’il était amoureux. Menteur. Catherine. Sa meilleure amie. Menteuse. Numéro 1. Il disait qu’il n'était pas venu ici pour faire du mal à la nature. « Menteur ! » Et le mot rebondit sous les frondaisons alors qu’elle réapparaissait à un autre endroit de la clairière, dans son dos. Elle l’observa un moment. Il ne voulait plus se battre ? Alors quoi ? Il ne voulait plus se défendre ? Les types du pipe-line avaient supplié qu’elle leur laisse la vie sauve. Et elle n’avait pas compris pourquoi en vérité. Pourquoi est-ce qu’ils voulaient vivre aussi fort alors qu’en même temps ils semblaient se foutre d’assassiner les plantes et les animaux qui avaient eu le malheur de faire leur vie autour du tuyau percé ? S’ils accordaient de la valeur à leur existence alors ils auraient dû accorder de la valeur à toutes les existences. L’exception était censée exister, comme Tefé qui ne voyait aucun inconvénient à ce qu’une seule espèce sur les millions et les millions qui habitaient la planète disparaisse – les humains. Mais pas l’inverse.

Elle allait lui sauter dessus quand il lui demanda si elle était un avatar de la nature. Cela la fit se recroqueviller sur place. Elle n’en savait rien. Elle ne savait pas ce qu’elle était. L’avatar de la nature, c’était son père. Elle, elle était… un genre d’erreur. Quelqu’un qui n’aurait jamais dû exister. « Non… » Et cette fois, sa voix était facilement détectable, de sorte qu’il pouvait se tourner vers elle. Elle le regarda ramasser son carnet d’un coup de tentacule. Lui non plus n’était pas humain. Pas vraiment, ou pas complètement, ou pas du tout. Elle n’en savait rien et ne voulait pas savoir. Ce qui restait de Mary en elle était curieux de savoir. Mais elle écrasa impitoyablement cet écho, repoussa cette saillie d’humanité qui avait tenté de se frayer un chemin en elle. « Non. » Ça, c’était sa réponse à sa seconde question. Elle n’était pas seule. Elle était entourée par des milliers de créatures du Green. Elle n’était jamais seule. En théorie. Mais, elle le comprit après coup, il devait lui poser la question pour savoir si elle avait des renforts. Elle sortit de l’ombre et s’adossa à un tronc, les mains dans le dos. « Qu’est-ce qu’il va se passer quand tu ramèneras tes informations à ceux qui t’ont envoyé ? » Elle fixait le carnet qu’il avait ramassé. Si elle le lui prenait… mais il pouvait toujours parler. Alors il faudrait qu’elle le tue. Elle ne voyait pas d’autre solution, et c’était sa faut à lui, c’était lui qui l’avait mise dans une telle situation.

« Je peux te dire ce qu’il s’est passé. Ils sont venus constater qu’un de leurs tuyaux fuyait, comme il le fait depuis des années. Ils sont venus donner l’impression qu’ils étaient des gens bien. Et ils allaient repartir pour donner leurs “informations”. Que tout allait bien. Que tout pouvait continuer. » Elle haussa les épaules avec dédain. « Alors je les ai tués. » Il n’y avait rien de compliqué là-dedans. Même si le tuyau fuyait toujours, au final, et c'était là une des premières preuves, pas pas la dernière, que sa méthode ne fonctionnerait jamais, mais tant pis. Jusqu’à présent, ses parents avaient toujours fait en sorte que son existence soit inconnue et que ses crimes soient dissimulés. Cette fois, personne ne la couvrirait. Et elle s’en fichait. Elle n’imaginait pas que le moindre humain puisse l’attraper, que la moindre cellule puisse la retenir. Elle ne savait pas, bien sûr, que dans le monde des hommes se trouvaient des monstres bien pires qu’elle. Même si elle aurait pu commencer à s’en douter en voyant Numéro 1.

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Difficile à suivre, mais le pendentif indiquait qu'elle restait dans les parages, Klaus était pris au piège, mais il ne se sentait pas complètement en danger, si il avait vraiment dut mourir elle aurait put le tuer après leur second assaut, sa supériorité évidente ne laissait aucune chance au metahumain qui était après tout en terme militaire à poil en plein territoire ennemi. Les cris qui transperçaient l'orée de la végétation lui permettait de suivre un peu le mouvement et de ne pas la perdre, lui qui avait des dons de transformation n'avait aucune peine à suivre les mutations de son corps avec la végétation environnante, comme si lui même en avait été capable, son cerveau appréhendait sans peine la complexité et appréhendait l'horreur de la vision qui s'offrait à lui si il avait été un simple humain comme ceux qui étaient étendus derrière lui. Elle ne provoquait aucun sentiment négatif en lui à vrai dire ce qui était plutôt rare quand tout commençait par des échanges de coup, ce qui fascinait désormais Klaus au delà de toute compréhension personnelle, c'était à la fois leurs similitudes mais également le fossé sans fin qui les séparait, Tefé était libre de servir sa voie comme elle le souhaitait, sans règle, sans supérieur hiérarchique, elle était libre, une chose qu'il lui enviait au plus profond de lui-même mais qui créait en cet instant une forme légère d'adoration envers cette créature unique, lui qui serait sans doute reproductible à l'infini d'ici quelques dizaines d'année.

Il accueilli sa sortie des ombres avec un sourire, elle continuait de parler pour le moment ce qui lui permettait d'avoir l’opportunité de pousser plus loin leur entrevue. Il sentit le regard sur sa poche intérieure, elle se posait des questions légitimes et il avait visiblement bien fait d'en garder un peu, maintenant qu'elle semblait un peu plus calme et que le dialogue pouvait s'installer il pourrait satisfaire sa curiosité nouvelle. Il sortit le carnet ainsi qu'un crayon à gomme qu'il fit voler agilement entre ses doigts qui se pliaient sous des angles normalement fatals pour les articulations pour le faire danser sur un pattern qui semblait connu et apprécié de lui seul. Il la laissa dévelloper son récit sur ce qui s'était passé, une fuite? A se demander à quoi servait toutes ces réductions d'impôts et cet argent publique si ils le dilapidaient dans des installations comme celle-là, Klaus fit une grimace de dégoût primaire en entendant ça, dieu savait à quel point le Bayou local avait été foutu en l'air par la flaque d'hile qui devait s'étendre, il espérait que ce n'était pas les réparateurs mais bien les inspecteurs qui gisaient à ses pieds, car faire revenir quelqu'un ici allait être un bordel sans nom, mais il devait signifier cet incident à Waller, non pas qu'elle en ais quelque chose à foutre de la nature, mais elle aimait emmerder les gens puissants.

-Tout dépends de quelles informations je leur donne, si je leur dit qu'il n'y as rien à signaler, il ne viendront pas, je peux aussi leur dire que la menace n'est plus sur place et s'est déplacée.

Ce qu'il proposait était de la trahison pure et simple, mais un étrange mélange d'instinct de préservation élémentaire et de son adoration naissante le poussait dans cette voie. Il considéra Tefé quelques instants en silence mordillant la gomme de son crayon pensivement.

-Par contre si je ne revient pas c'est une sacré somme qui pourrira dans le bayou et ils brûleront cet endroit ne serait-ce que pour retrouver mon corps, ensuite il chercheront à savoir ce qui s'est passé.

Un simple fait, quelque chose de capable de tuer un metahumain du gouvernement de son calibre et de son endurance devait forcément être dangereux, surtout que d'une pression sur sa tempe, son implant de communication pouvait le mettre en lien avec le QG en un instant pour signaler un quelconque danger, autant dire qu'il n'était pas fait pour être "égaré" aussi facilement, la pointe de son stylo se planta dans le sol et il posa le carnet à côté, elle semblait intéressée par l'objet, si ses gribouillis et ses notes diverses et chaotiques seraient sans doute incompréhensibles pour elle sauf peut-être ce qu'il avait dessiné depuis son arrivée ici, il se doutait que son intérêt réel allait à la destruction de l'objet, une bien grande perte personnelle, mais il était prêt à prendre le risque.

-En tout cas je ne vois aucune raison de dépêcher ici qui que ce soit pour le moment, tu ne représentes pas de menace directe pour mes supérieurs. Enfin, pas pour l'instant.

Il décrocha le crayon du sol et commença à griffonner les contours de Tefé en quelques traits rapides ainsi que l'arbre derrière elle, lui qui faisait ça depuis son enfance avait une grande habitude et en quelques secondes une version très schématique de sa vision se dessina sur le papier, il déchira la page qu'il posa devant lui.

-De mon point de vue tu n'a rien fait de mal.

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Il fallait qu’elle se calme. Qu’elle réfléchisse. Comme la bonne élève qu’elle était quelques semaines encore auparavant. Jusqu’à cette seconde précise elle pensait protéger les environs de la présence des humains. Mais au bout de la troisième fois que No 1 en fit mention, Tefé finit par percuter qu’il y avait un danger moins immédiat et plus insidieux à gérer. Il avait dit qu’il était un agent d’Argus. Elle ne savait pas ce qu’était Argus. Pour elle ce n’était qu’un mot, mais mis à la suite d’« agent », avec cette histoire d’informations qu’il était venu chercher, d’enquête qu’il avait l’air de mener, alors elle pouvait sans risque imaginer qu’il était un genre de flic. Partant de là, il y avait des centaines de possibilités. Elle était pratiquement sûre que la police municipale de la ville la plus proche n’embauchait pas des types comme No 1. C’était probablement quelque chose de plus pernicieux, type FBI ou n’importe quel organisme de renseignements à sang froid prête à tout pour « protéger les États-Unis ». Et alors que No 1 évoquait de nouveau la raison de sa venue et la façon dont il ferait son rapport, elle se rendait compte de ce que ça voulait dire. Pas seulement pour elle, mais pour ses parents. Pour le Green. Son univers n’était pas censé être connu par les humains. S’ils n’étaient pas foutu de seulement voir la nature sous sa forme la plus basique – un arbre, une fleur, un buisson – juste sous leur nez, alors ils n’étaient pas prêts pour la petite fantaisie du Green, pas plus qu’ils ne le méritaient. Et elle savait ce que ça signifierait si soudain la vérité leur était dévoilée. Des hordes de soldats. Des destructions, des captures, des laboratoires cachés, des prisons illégales. Des cuves remplies de liquide louche. Elle y avait déjà eu droit quand elle était petite. Son père aussi était déjà tombé entre les mains d’un fou furieux du scalpel.

Et maintenant, elle ne pouvait plus revenir en arrière. Tuer No 1 lui paraissait toujours être la solution la meilleure. C’était un risque considérable que de le laisser se barrer avec ses promesses de peut-être, si jamais, on verrait, de mensonges. Mais il y avait un souci avec ce plan. Elle ne pourrait jamais le tuer « humainement ». Un homme normal, elle l’aurait transpercé avec une branche et ça aurait pu passer pour un acte de folie d’un humain sur un autre. Mais avec lui, elle serait forcée de le massacrer. Il était trop coriace. Ça ne ferait pas humain du tout. Ça ne ferait que donner envie à ses patrons de fouiller encore plus, exactement comme il le disait. Et elle était sûre qu’elle ne pourrait pas non plus faire disparaître son corps complètement, à cause de ce qu’il était, justement. Elle doutait qu’il pourrisse normalement. Alors à moins de le jeter dans un volcan en fusion, hein… Tout ce temps de réflexion, elle le fixait, avec la tête de quelqu’un en train de comploter un assassinat, justement. Elle se raidit quand il se mit à la dessiner. Non, non, non !! Ils ne pouvaient pas savoir à quoi elle ressemblait ! Elle allait lui sauter à la gorge à nouveau quand il déchira le papier. Elle recula de nouveau dans les ombres, les yeux fixés sur la page. Une petite liane jaillit de la boue et engloutit le papier. « Ne fais pas ça ! Ne me dessine pas, je ne veux pas ! » Elle n’avait pas de papier, pas d’identité. Administrativement, elle n’existait pas. Bien sûr, elle n’avait pas de vie virtuelle, pas de réseaux sociaux, aucune photo de classe, rien du tout. Ce n’était pas le moment pour que l’armée du mal ou elle ne savait quelle organisation ouvre un dossier à son nom. « Bien sûr que je n’ai rien fait de mal. Ce sont eux qui polluaient et mentaient. Ils étaient, quoi, cinq ? Tu sais combien de centaines d’animaux ils ont écrabouillé rien qu’en venant jusqu’ici ? » Pour elle, pour le moment, il n’y avait absolument aucune différence entre la vie d’un humain et la vie d’une fourmi. Et elle était réellement outrée d’imaginer qu’on puisse lui reprocher d’avoir fait quelque chose de mal. Même si, à présent, elle avait la conscience humaine, bien formée, et extrêmement lourde à porter, de Mary Conway dans la tête. Alors, sans comprendre, elle percevait malgré tout le mal, et elle détestait ça.

« Tu n’as qu’à leur dire la vérité. Qu’ils sont morts parce qu’ils étaient des empoisonneurs. C’est normal, et personne ne sera choqué. Et tu leur diras de ne plus jamais venir ici. » Comme si soudain, elle s’imaginait que c’était lui le patron, et ses patrons ses employés. « Qu’est-ce que ça peut faire qu’ils ne sachent jamais la vérité ? Ils ont le reste du monde à dominer si ça leur chante. Alors tu leur mentiras. » C’était facile, en plus, de mentir. Elle n’était pas encore tout à fait sûre qu’il ne faisait pas partie de la l’armée, cependant. Elle savait que le mensonge dans l’armée, ce n’était pas naturel, et ça l’énervait d’avance. Elle fronça le nez et le pointa du menton. « T’es quoi, d’ailleurs ? » Vaste question et elle ne prit pas la peine de préciser sa pensée, si elle voulait savoir à quel organisme il appartenait ou ce qu’il était concrètement, avec son corps bizarre.

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Trouble de l'identité? Probable, il n'était pas un fin psychologue non plus, mais il restait capable de détecter une personne avec des troubles sévères, les "désaxés" comme son formateur les appelait, beaucoup le qualifiait ainsi dans l'unité donc les frontières pouvaient être très floues au final. Encore plein d'espoir pour l'avenir, Klaus n'avait pas perdu toutes ses illusions pour devenir une machine à tuer sans pitié, celà viendrait après les implants, après les premiers mois ou les drogues de combat auraient commencé à foutre en l'air son corps et sa psyché, il détestait le monde extérieur et les traîtres qui le gangrenait, mais il n'avait pas encore cette colère sourde et profonde en lui, cette rage permanente. Le tentacule réduisit son oeuvre improvisée à néant sans la moindre résistance de sa part, sa sœur adorait ses dessins et il était assez fier de son travail en général, pas toujours photo réaliste, mais très fidèle, sous la page arrachée, Ser Grifouille encore tout jeune et fraîchement libéré d'un refuge qui allait l'euthanasier car manquant de moyen pour s'en occuper, trônait fièrement sur un coussin, sa tête déjà rondouillarde et ses yeux paisibles préfigurant sa paresse future et son flegme incroyable. Elle entama ensuite une réponse sur son affirmation précédente qui lui tira un petit sourire amusé, des animaux écrasés, elle devait parler d'insectes, une mage avec un lien primordial avec la nature était très intéressant, c'était la partie du monde extérieur qui le faisait le plus rêver, là ou ses frères et sœurs avaient été aveuglés par les lumières de la ville, lui avait toujours voulu rejoindre le calme naturel des grands espaces de ce monde. Et il y avait un certaine logique dans ce discours, même les Cajuns et leurs aéroglisseurs troublaient la faune locale, mais Tefé omettait facilement certaines subtilités qu'elle ne semblait pas connaître ou ne pas envisager, ce qui étant donné son âge physique apparent était assez étonnant, elle ne semblait pas particulièrement stupide en plus.

-Et des milliers d'autres mourront à cause de la fuite.

Là encore c'était un fait, si ce Pipeline n'aurait sans doute jamais dut être là à la base, il y était et ce retard dans la réparation de la fuite allait sans doute causer encore plus de dommages que la venue de ces cinq imbéciles heureux dans ce marécage. Mais il notait qu'elle les avait traités de menteur, comme lui un peu plus tôt, un détail assez singulier pour une personne qui semblait faire partie des lieux et qui dans sa théorie actuelle n'avait pas eut de contact avec le monde extérieur donc avec le concept de mensonge, des soucis avec les locaux, le vieux Cajun qui l’avait conduit ici ne lui avait rien mentionné en tout cas, ce qui était étrange à la réflexion, les actions de ce genre étant récentes ici. Elle avait peut-être fuit un autre endroit, c'était à creuser. Sa forme résolument hybride était perturbante en tout cas dans ce gigantesque théorème, car pourquoi un défenseur de la nature aurait une forme aussi humaine, surtout vu son dégoût pour eux qui était plus que manifeste. Les locaux avaient des cheveux blancs à se faire si elle comptait les exterminer, car elle ne ferait qu'une bouchée de ces individus isolés à travers le marécage, elle en avait peut-être même déjà eut un ou deux, ça se serait plus facile à couvrir si elle n'avait pas fait d'autres présentations artistiques du genre.

-Mentir, dire la vérité, c'est parfois très proche. Mais oui je ferait ce qu'il faut, tu as ma parole.

La question qui vint ensuite lui tira un air un peu étonné, visiblement les premières explications ne lui avaient pas convenues. Que pouvait-elle bien chercher à savoir sur lui? Si la forme un peu méprisante de la demande dénotait de son profond désamour envers sa personne, elle n'était toujours pas repassée à l'assaut. N1 restait accroupi son carnet en main et un crayon dans l'autre, immobile comme une statue, sa peau épaisse prête à recevoir tout regain d'agressivité. En tout cas sa stratégie basée sur la discussion semblait fonctionner, il avançait, lentement mais sûrement.

-Un metahumain créé en laboratoire, je suis né et j'ai été formé à devenir un agent d'ARGUS et à défendre mon pays.

Il était une arme, un outil, un rôle qu'il remplissait bien, mais là tout de suite il se rêvait tel Tefé, libre et appliquant à sa manière ses objectifs, il désirait plus que tout cette liberté, cet accomplissement au delà du devoir.

-On est 4, j'ai deux frères et une sœur.

Analia était un véritable sac à ennui rebelle et qui manquait profondément de rigueur et de discipline, mais c'était sa sœur et il l'aimait plus que tout au monde, tout comme ses frères, c'était aussi pour eux qu'il supportait le port constant de l'explosif qui menaçait sa vie, enfin, de manière plus lointaine que la furie sylvestre qui lui était tombé dessus.

-Ils sont bien plus puissants que moi.

De quoi lui rapeller qu'il était tout aussi potentiellement accompagné qu'elle l'avait affirmé précédemment, il était toujours bon de mettre dans la tête des autres qu'on avait du renfort qui pouvait arriver, des gens qui nous attendait, ça les dissuadait de tenter des trucs vraiment stupides.

-Et toi, si tu n'es pas un esprit élémentaire, qu'est-ce que tu es?

Il marqua une petite pause en la fixant pendant qu'il fermait le carnet et le rangeait, elle ne voulait pas qu'il garde de trace, très bien.

-Et pourquoi tu penses que tout le monde ment?

Non pas qu'il veuille la contredire, mais cette insistance sur le mensonge semblait pathologique, un peu comme N4 et le Nutella.

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« Tous les jours… à chaque seconde… » Elle haussa les épaules après avoir laissé échapper ce murmure. Bien sûr qu’il en mourrait tous les jours, par milliers, des animaux. Des végétaux. C’était le cycle naturel, l’ordre des choses. Mais là où cela devenait inacceptable, c’était quand ces destructions étaient l’œuvre des hommes. Toujours des forces extérieures, toujours évitables, toujours à faire périr quand l’heure n’était pas venue. Ici, la nature aurait pu, aurait dû s’exprimer encore des siècles et des siècles. Il n’y avait aucune raison pour que les animaux ne s’y fassent pas une vie, pour que les plantes n’y prolifèrent pas. Mais un virage à angle droit avait été opéré, contraint et forcé, à cause de l’humanité, qui était venue enterrer ici ce foutu tuyau dégueulant des hydrocarbures. Ce n’était pas l’ordre des choses. C’était anormal, brutal et injuste. Et pour les hommes, c’était « comme ça ». Elle l’avait souvent entendu, ça. « C’est comme ça. » Haussement d’épaules. La vie était courte. Who cares ? Et sinon, elle avait sa parole qu’il ne dirait pas la vérité à ses patrons, ou du moins qu’il leur mentirait, comme si tout ça c’était pareil, alors que ça ne l’était pas. Mais ce n’était pas grave. Elle pouvait encore décider de ne pas le laisser partir. Elle avait encore le temps.

Tout ce qu’il lui disait lui échappaient. Là encore, si elle n’avait pas passé plusieurs années dans la peau d’une adolescente normale avec Internet et la télévision pour se tenir au courant, elle n’aurait rien compris à son charabia. Métahumain. Argus. Créé en labo et défendre le pays. Bon, elle se faisait une idée générale de la chose. Elle aussi avait été créée, en quelque sorte, même si on son existence était naturelle – son existence en tant que petit bourgeon du Green, du moins. Pour sa naissance en tant que Tefé, le côté bio avait été un peu entaché par la magie noire. N’empêche, elle avait beau avoir une idée générale, elle n’en était pas moins perplexe vis-à-vis de la raison de sa présence ici. « Alors tu es une arme surpuissante, et en plus tu n’es pas seul, puisque tu as toute une famille, mais malgré ça tu obéis à leurs ordres stupides ? » Peut-être qu’il était du genre à croire en ce qu’il faisait. Comme la team cape et collants qui prétendaient sauver le monde – sauver les humains seraient plus approprié, comme expression – tous les quatre matins. Beurk. « Défendre ton pays… contre quoi, exactement ? Et puis qu’est-ce que tu lui dois, à ton “pays”, s’il t’a fait ça ? » Elle le désigna du menton. Il avait poussé en cuve, sans pouvoir donner son avis, et en plus on lui donnait des ordres, et des ordres nazes par-dessus le marché, et tout ça pour quoi ? Elle se demandait bien quel était « l’ennemi », pour Argus. Aux yeux de Tefé, le danger ici, ce n’était pas elle, c’était lui – et les types qui tiraient les ficelles derrière.

« Je suis un élémentaire. En partie. » Et en vérité, elle n’en savait pas beaucoup plus, sur ce qu’elle était. En partie humaine, mais ça, ça se voyait. Et s’il y avait bien une chose qu’elle ne lui dirait pas, c’était d’où elle venait. Pas question de parler à un agent du gouvernement de son père et de sa mère. Même si elle les haïssait en ce moment, même si elle en venait des fois à les vouloir morts, elle ne leur ferait pas ce coup-là. « Je suis comme ces arbres, ou ces brins d’herbe, ou ces fleurs. Je suis juste un peu plus intelligente et consciente. » Elle haussa les épaules. Peut-être que ces quelques bribes finiraient dans un dossier anonyme chez Argus, qui sait ? Elle n’était pas encore assez au fait de ces histoires pour se rendre compte d’à quel point il était dangereux de lui parler, de quoi que ce soit. Finalement, elle laissa échapper un rire bref et sans joie. « Quelle drôle de question. C’est comme ça, c’est un fait. Tout le monde ment. Ces types mentaient en prétendant que tout allait bien alors que leur pipeline fuit depuis des années. Et toi tu mentiras à tes patrons. C’est comme ça. » Et voilà, la phrase la plus humaine qui soit. C’était comme ça.

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Des ordres stupides? Qu'y avait-il de stupide dans le fait de vouloir aider, sauver, protéger les autres? Ne protégeait-elle pas cet endroit? N1 sentait bien que cet être ne semblait pas comprendre jusqu’à sa propre dévotion à une cause, était-ce ça la vraie et pure obéissance? Il était un peu jaloux de cette créature qui pouvait agir à sa guise pendant que lui était au bout d'une laisse explosive, Waller ne pensait pas que la leçon était bien passée, elle voulait qu'il serve d'exemple aux autres et qu'il les guide. Avait-elle perverti son besoin de protection familial? Peut-être, mais elle était le rouage défaillant d'une machine perfectionnable, tout comme lui le serait bientôt, amélioré et prêt à écraser de nouvelles menaces une fois ses premiers implants de combats posés. Mais il aurait sans doute préféré faire ce choix plutôt que de choisir entre lui et les autres. Il avait choisi de rendre le monde meilleur même si il avait fait des erreurs, même si on le disait souvent trop faible, incomplet, imparfait, une base de travail pour les autres, le premier échelon d'une nouvelle armée de soldats, il avait donné tout ce qu'il avait pour avoir sa place, pour ne pas être considéré comme un déchet, il avait payé sa place avec sa sueur, son sang et ses larmes.

-Je sert quelque chose de plus grand que moi, je défends ceux qui ont choisi ce pays contre ceux qui veulent le détruire, c'est une cause que j'estime juste. Et je n'ai aucun autre but dans la vie.

Quel choix avait un enfant né de la science d'un pays qui lui négligeait le droit d'exister? Quel autre solution avait-il à part servir? Tefé était libre et elle aussi avait fait ce choix, quelle était la différence? Il avait mal à la tête, un sifflement désagréable troublait son audition, une colère sourde et intérieure contre sa propre incompréhension. Avait-il vraiment le choix? Cette question il se la posait souvent à s'en rendre cinglé, il y pensait quand il roustait les soldats chargés de son entraînement au corps à corps, quand il était déployé en mission au quatre coins du pays. Il était persuadé d'avoir fait ce choix, mais son esprit était rempli par le doute.

En tout cas elle confirmait sa supposition, elle était liée à la nature, ou bien à une forme magique de cette dernière car le médaillon était toujours actif même si elle ne l'agressait plus. Il sentait une grande pression sur ses épaules, si il y avait bien un truc que personne n'avait envisagé, c'était sans doute que c'était seulement possible ou même probable. Il sentait que tout ceci allait plus loin, mais il en savait déjà bien assez avec seulement ceci. Au fond de son esprit, N1 savait que jamais ceci ne devait sortir de ce tas de boue et que si ARGUS apprenait pour Tefé ils viendraient la chercher avec toute leur puissance de feu au sens littéral, cet endroit ne serait qu'un tas de cendre quand ils auraient terminé, jamais il ne devait dire qu'elle existait.

-Tu penses donc que je te ment quand je te parle de mes frères et sœurs? Quand je te donne toutes ces informations? Pourquoi poser des questions si tu penses qu'on va te mentir?

La question se posait, après tout si il lui mentait sur tout, il pourrait bien affabuler et dire qu'il était une licorne à pois rose ayant pris forme humaine elle n'avait d'autre choix que de le croire. Il en allait de même pour lui, elle pouvait bien être mentalement dérangée de manière dangereuse et lui mentir sur cette histoire d'élémentaire, il avait choisi de la croire.

-C'est toi qui choisi de me croire ou pas, c'est ton choix. Moi je ne fait que composer des phrases, la véracité de leur contenu c'est à toi d'en décider.

Il l'observa avec calme, son visage quasi impassible ne trahissant aucune réelle prise de décision, il entendit  un petit bruit, un Lynx roux était sur la branche ou Tefé se trouvait un peu plus tôt quand elle tentait de le liquéfier, son regard s'adoucit à la vue de l'animal qui observait la scène avec un flegme tout particulier. Le félidé semblait lorgner aussi sur la manne dans laquelle l'Alligator avait déjà pioché, d'ailleurs il était à prévoir que dans les prochains jours tout un tas de bestioles viennent achever le travail et éparpillent les restes au quartes vents. Mais les félidés avaient toujours le don de l'apaiser d'un simple point de vue visuel, ce modèle là était bien évidement plus sauvage que celui qu'il avait dans sa cellule, mais il captait déjà son attention, son regard désormais détourné de Tefé, il faisait confiance à ses autres sens, ses réflexes et sa solidité naturelle en cas d'attaque sournoise.

-Tu sait, quittes à être ici on pourrait s'en occuper de cette fuite, si mon rapport estime ça nécessaire j’imagine que ARGUS trouvera un moyen de "persuader" l'entreprise de faire des réparations. Cet endroit n'a pas à souffrir de l'activité humaine.

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It's the green, it's the green, it's the green you need

Elle ne comprenait pas, Tefé. Elle ne comprenait pas le coup de la « cause plus grande que lui ». S’il travaillait pour des gens qui étaient prêts à déformer d’autres gens comme il l’avait été, quelle grandeur d’âme et de conscience est-ce qu’ils pouvaient donc posséder ? C’était quoi, pour les patrons de Numéro 1, l’ennemi ? Qui plus qu’eux pouvaient détruire quelqu’un ? Si elle avait été à la place de Numéro 1, elle aurait fait payer aux gens qui l’avaient fourrée dans une cuve – elle l’avait fait, d’ailleurs. Le reste, cela lui passait simplement au-dessus. Elle se fichait de ce pays, elle n’avait pas de pays. Elle trouvait même stupide la notion de frontière quand la nature ignorait les traits tracés à la règle sur une carte pour répondre aux ambitions de quelques hommes. Alors donc, il se prenait pour les autres, là, les types en collants qui sauvaient le monde ? Le problème avec ce genre de « cause », c’est que ça devenait vite exclusif. C’était facile d’en choisir une et d’ignorer les autres. Et puis si les humains étaient un peu honnêtes avec eux-mêmes, ils se rendraient compte que tout ça, lutter contre le terrorisme, la guerre, la fin dans le monde, la corruption, le mal-être au travail, maillot une pièce ou bikini à la piscine, ne compteraient plus le jour où ils seraient tous morts de faim et de soif d’avoir asséché la Terre. Ça, c’était plus grand que tout, c’était universel, littéralement. Et ça n’avait rien d’une cause, c’était une chose inévitable. Mais dans son discours, il y avait quelque chose qu’elle reconnaissait, pour l’avoir vécu elle-même. « Si tu n’as rien d’autre dans la vie, alors c’est que t’as pas d’autre choix que de croire en ta cause. Tu parles comme un soldat, et les soldats n’ont pas de vie, et pas de cause. Juste des ordres, et une existence  subie qu’ils justifieront en te disant que tu te bats pour la “cause”. » Elle haussa les épaules.

Pourquoi avait-elle subi ces trois années dans le corps et le quotidien d’une adolescence débile ? Parce qu’elle aussi était née pour être un soldat, un bon petit soldat du Parlement des arbres, qui un jour était venu réclamer son dû. Oh oui, elle s’était battue pour lui. La différence, c’était qu’elle ne croyait en aucune cause. Elle le faisait parce qu’on lui demandait de le faire, sans avoir vraiment voix au chapitre ni même conscience de ce qu’elle faisait. Même si, par défaut, elle adhérait à l’extrémisme du Parlement. Parce qu’elle ne savait rien de la vie, absolument rien. Elle n’avait aucune idée de ce qu’était vraiment l’humanité. Sa vision des choses avait changé par la force, parce qu’elle avait appris en jouant le rôle de Mary, mais ça ne l’avait pas beaucoup fait progresser sur le plan moral. En revanche, ce dont elle était sûre, c’était que plus jamais elle ne recevrait d’ordre. Plus jamais elle ne serait un soldat. Si elle devait avoir une cause, si elle devait se battre, ce serait pour quelque chose qu’elle aurait choisi elle-même, et dont elle assumerait les conséquences elle-même. Elle sourit comme un chat, puis laissa échapper un petit rire bref. Oui, il la faisait rire. « Je ne dis pas que les gens mentent tout le temps. Je dis qu’ils mentent toujours. Mais je suis bien d’accord avec toi. Tu peux bien me dire ce que tu veux, de toute façon, au final, les mensonges, c’est comme les promesses, ça n’engage que ceux qui les croient. » Peut-être qu’il lui disait la vérité. Peut-être pas. Il ne pouvait pas la forcer à le croire, et elle ne pouvait pas savoir s’il disait la vérité. Voilà la situation, c’était très simple. Et ça n’avait pas beaucoup d’importance, en réalité.

Elle suivit son regard et avisa un lynx dans un arbre, se léchant les babines du festin à venir. Elle s’accroupit, le menton posé sur les genoux, dessinant des arabesques dans la boue, ordonnant en fait à une racine de se dérouler. La fragile liane de bois perça la terre aux pieds de Numéro 1, qui regardait l’anima, et se planta doucement dans son jarret. Ce n’était pas une attaque, et la racine reflua immédiatement dans la terre, comme si elle fuyait. « Je voulais juste voir en quoi tu étais fait. » Le résultat n’était pas très concluant. Ça ressemblait à de la chair, malgré tout, mais c’était beaucoup moins mou. C’était bizarre, en gros. Elle se releva et jeta un coup d’œil à l’endroit où le pipeline enterré fuyait, doucement mais sûrement. Pas assez pour que cela leur fasse perdre assez d’argent pour réparer, mais bien assez pour empoisonner les sols petit à petit. Elle haussa les épaules. « S’ils veulent venir réparer, qu’ils viennent. Je ne serai plus là, moi. Ils tomberont peut-être sur d’autres genres de dangers, mais ce ne sera pas ma faute. » Elle sourit de nouveau, avec violence. « C’est le problème avec ces trucs. Une fois qu’ils sont là, on ne peut plus s’en débarrasser. On ne peut pas les casser, les éventrer, ce serait encore pire, comme avec le nucléaire, comme avec n’importe quel déchet dont vous ne savez plus que faire. » Cela la désolait. Vraiment. Ils jouaient avec des choses qu’ils ne contrôlaient pas, et que la nature ne contrôlait pas non plus.

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Un soldat, une arme, quelle différence cela faisait, il était né dans un but précis, beaucoup de personnes ne pouvaient pas en dire autant, il était utile à la société qu'il défendait, ou du moins en était-il persuadé. Tefé avait toutefois soulevé une question intéressante, qui était-il en dehors de ça? Il avait peu d'amis, une famille avec laquelle ses rapports étaient complexes et la certitudes qu'il agissait pour le bien, mais était-ce suffisant? Était-ce ce qu'il voulait vraiment? Elle posait des réflexions intéressantes qui l'interloquait, son monde très binaire et bien rangé était-il si bon que cela pour lui? La cause valait-elle qu'il y consacre sa vie et celle de sa famille? Ils étaient nés, mais on leur refusait le libre arbitre, un fait qu'il tenait pour vrai, était-ce vraiment un mal, il n'y avait qu'à voir ce que cela donnait avec les pires raclures du monde extérieur, des gens sans une once de bon sens, égoïstes comme ceux qui polluaient les sols de cet endroit enchanteur, Tefé et lui combattaient avant tout la stupidité inhérente à une espèce trop consciente d'elle-même et pas assez de ce qui l'entourait. N1 se sentait étrangement proche de Tefé en cet instant, sa défiance naturelle, ses capacités de métamorphe, cette manière très brute d'appréhender les choses et un manque total de retenue sociale et d'autre détails dont il n'avait qu'à peine conscience, mais si Tefé avait sa liberté, pourquoi lui était-il juste un soldat? Qu'est-ce qui les différenciait vraiment? Sans le savoir, Tefé avait lancé en lui une quête pour quelque chose qui le compléterait, mais qu'il ne trouverait que trop tard. Il sentit une pression sur sa jambe, une racine, rien de très violent son muscle se contracta donc par réflexe et il quitta le lynx roux des yeux pour les poser sur Tefé qui expliqua son geste, il lui offrit un sourire et remit la densité de sa peau à la normale, ce qui au vu de ses réflexes martiaux lui coûta un effort de pensée assez important.

-Ma structure interne est partiellement métamorphe, ça me permet de me soigner, de renforcer ma peau et de faire de mes bras des armes; Un de scientifiques  de la base m'a comparé à de la patte à modeler avec des os.

Des os capables de se transformer aussi pour former la base de toutes ses armes. Le phénomène était d'une simplicité désarmante d'un point de vue anatomique, en soit sa chaire n'avait rien de différente, mais elle semblait pouvoir muter sans dégénérer à l'infini les mutations précédentes n'étant pas conservées et son corps conservant son ADN d'origine, le modifiant uniquement pour l'usage de ses pouvoirs, une véritable usine à gaz génétique qui justifiait à elle seule les chimiques qu'elle pouvait sentir dans son sang, des stabilisateurs et autres enzymes sensés faciliter le travail de ses pouvoirs, ça et les nombreux produits contre lesquels on tentait d'immuniser sa fratrie avec des résultats souvent discutables. Il n'avait plus peur de Tefé à présent donc elle pouvait bien le sonder à nouveau si ça lui faisait plaisir, c'est à ce moment qu'il nota la présence du Lynx à côté de lui, l'animal se figeant en se voyant repéré, il tourna un regard hypnotisant vers Klaus qui écoutait d'une oreille attentive les explications de l'avatar du Green qui lui révélait ne pas être lié à cet endroit en particulier car elle partait bientôt, N1 sentait une certaine tristesse à l'idée, dieu savait ou elle serait la prochaine fis et si c'était lui qu'on enverrait, mais c'était peu probable. Il se promit cependant de mettre en cause l'entreprise et la fuite dans son rapport, car une promesse était sacré à ses yeux, et il avait promis de faire ainsi. Sa main se tendit vers l'animal qui tendit son museau vers lui pour renifler un peu ses doigts avant de décider que les cadavres étaient plus intéressants  et de continuer son chemin, assuré que cet humain n'avait rien d'hostile pour lui, cela reflétait bien le calme actuel qui l'habitait.

-Tu mènes ta propre guerre contre toutes ces choses? Tu es donc ton propre soldat? Ça as changé quelque chose?

Ce n'était pas le tout d'envier cette liberté, mais qu'est-ce que ça pouvait lui apporter à lui. Voilà qui l'intéressait bien plus, son intérêt pour la jeune fille devenait personnel, elle était peut-être la réponse à quelque chose qu'il avait cherché depuis longtemps.

-C'est quoi la vraie liberté que tu as?

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Tefé avait un rapport très particulier au corps, particulièrement à la chair et à l’apparence humaines. Le grand drame de sa vie était qu’elle était née de deux humains, lui interdisant de vivre son existence de pure élémentaire végétal, faisant d’elle une hybride et une créature unique sur toute la planète. Elle détestait sa chair faible, enfant elle avait passé beaucoup de temps à moitié transformée, faite de bois, de mousse, mais elle ne pouvait jamais complètement devenir une plante comme son père l’était. Et puis il y avait sa connexion avec le Red qui lui permettait de jouer avec la chair, justement. Plus d’une fois quand elle était bébé elle s’était simplement débarrassée de son corps, sans aucun contrôle de ce pouvoir qui terrifiait sa mère, alors que c’était d’elle que Tefé le tenait. La chair n’était rien pour son essence et quand, enfant, elle faisait littéralement exploser son corps pour aller se balader dans le Green sous forme de petit esprit végétal, elle n’avait pas conscience du danger que cela représentait et du mal que ses parents avaient pour lui faire réintégrer un corps de chair et de sang, parce qu’elle était la seule à pouvoir le faire, et qu’elle ne savait pas, alors, comment faire. L’apparence était secondaire pour elle, la chair était la chair, ni laide ni belle, simplement la preuve d’une humanité dont elle ne voulait pas. Les imperfections, les contours qui sortaient des standards que les hommes adoraient se créer pour mieux discriminer, les membres manquants, les prétendues difformités, elle ne les voyait pas. Elle savait bien que Numéro 1 n’était pas « normal » au sens humain du terme. Mais il y avait plus que l’apparence, apparemment, chez lui. Se soigner, se renforcer, devenir une arme… La nature ne créait pas ce genre de chose. Et sa comparaison avec la pâte à modeler était plus parlante que n’importe quelle critique qu’elle aurait pu exprimer.

« Je ne suis pas un soldat, et je ne mène pas de guerre. Je ne sais même pas où je serai demain. Si j’avais été de meilleure humeur, je ne les aurais peut-être pas tués, ces types. C’est moi qui décide. Personne ne m’attrape pour me modeler comme ça l’arrange. Ca sert à quoi de vivre, si c’est pour les autres que tu le fais ? » Elle trouvait ça pathétique, pas au sens méprisant du terme, mais au sens elle aurait pu avoir pitié si elle avait été capable d’une telle émotion. Parce que c’était triste, c’était misérable, d’être amené dans ce monde et de se contenter d’y rester, sans envie, sans passion, juste à attendre que quelqu’un pointe une direction du doigt. Le lynx se baladait entre eux, les ignorant complètement. Rien à foutre des deux idiots dans le marais. S’ils s’agitaient un peu trop, il s’enfuirait, ou leur sauterait à la gorge s’il avait vraiment faim. Mais il n’avait pas peur et peu lui importait leur présence et leur existence en général. « Ben, j’en connais qu’une, de liberté, moi. Tu poses vraiment des questions bizarres. » Comme s’il pouvait y avoir des nuances. Un peu libre. Très très libre. Pas trop libre. « Elle est dans tous les choix que je fais. La liberté de ne pas avoir à mentir pour protéger quelque chose. De définir moi-même qui sont mes ennemis. Personne ne me dit ce que je dois faire ou penser, ne me demande de ne pas penser, même. Plus jamais. » Oui, elle s’était assurée que ça n’arriverait plus, sans pour autant être certaine que sa solution fonctionne à long terme.

Le seul fait qu’il lui demande un truc pareil prouvait qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il était censé faire dans ce monde. Bon eh ben, s’il n’avait jamais connu qu’un seul chemin, c’était difficile d’imaginer qu’il en existait des milliards d’autres. Mais quand même, les humains étaient vraiment des parasites. Ce genre de type ne pouvait sortir que d’un labo débile et du cerveau dérangé de l’humanité. « T’as qu’à fuguer, pour voir. Là, maintenant. Va faire un tour à La Nouvelle-Orléans, c’est une chouette ville. Trouve un boulot, va au ciné, bois une bière, essaye trois mille hobbies différents juste pour voir, j’en sais rien. Enfile un collant et un slip et va courir après les voleurs de sacs à main comme ce demeuré de Superman. Ça aussi, c’est une belle cause. Même si tu en avais envie, tu ne pourrais pas le faire. Il faut que tu ailles faire ton rapport. Et que tu luttes contre l’ennemi. » Elle regarda autour d’eux avec insistance, comme pour lui demander où est-ce qu’il était, là, tout de suite, cet ennemi – sans même avoir conscience, ironiquement, qu’à leurs yeux, c’était elle, justement. Cela la frustrait, mais dans l’absolu, elle n’avait pas vocation à prêcher la bonne parole. En plus, entre ce qu’elle disait et sa propre situation, il y avait quand même un monde. Mais elle y travaillait, cela dit. En tout cas, elle allait le faire, maintenant qu’elle avait effectivement retrouvé sa liberté.

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Pas de guerre? Mais pourquoi tuer alors? Quel besoin de combattre si on était pas le soldat d'une quelconque faction? N1 ne comprenait pas la logique derrière ce raisonnement mais la question restait à nouveau dans son esprit. Pourquoi vivait-il pour les autres? C'était sa raison de vivre certes, sa raison d'être né, mais vivait-il vraiment? Pour lui cette servitude n'avait rien de mauvais, c'était comme un travail en quelque sorte, c'est juste qu'il n'avait pas vraiment eut de choix à faire, n'était-ce pas plus simple ainsi? Pas de question, pas d'angoisse, une certitudes absolue sur l'avenir, il y avait un certain réconfort dans ce type de servitude, il n'avait après tout connu presque que cela et ça marchait plutôt bien, mais il n'était pas libre, et le manque de cette liberté le rongeait tout particulièrement quand il écoutait et regardait Tefé, se façonner soit-même n'avait pas l'air si terrible. Mais lui il avait une bombe dans le cou, une laisse invisible qui pouvait provoquer s mort à n'importe quel moment, un doute, une suspicion et c'était la mort assurée. Attaché à sa colonne vertébrale, même ses pouvoirs ne pouvaient l'en débarrasser sans provoquer sa mort par l'explosion de l'engin. Un mal apporté par sa "liberté" temporaire, pourquoi ça avait fonctionné pour elle et pas pour lui? Lui aussi avait voulu ça, mais ce n'était au final qu'illusion, il avait été trahi par ceux qu'il avait pensé être ses amis, il avait été stupide de croire les mensonges du monde extérieur, ARGUS n'avait fait qu'appliquer un juste châtiment non? Le sifflement se faisait plus oppressant, son crâne semblait vouloir exploser.

La suite fut le clou final du cercueil, ce qu'elle lui proposait il l'avait déjà tenté, la vie s'était chargée de lui rappeler sa véritable place dans ce monde impitoyable, une place qui n'était pas celle d'une personne libre, il était né serviteur et mourrait sans doute serviteur, il sentait au plus profond de lui la frustration de sa situation. Tefé semblait avoir avoir un avis éclairé sur de nombreux sujets, mais quand il s'agissait de liberté elle se trompait, tous n'avaient pas la possibilité de se libérer de leurs chaînes, certains étaient tout simplement destinés à être ainsi. Tout ce qu'il lui restait à faire était encore de faire preuve d'obédience et de suivre le chemin qui lui était tracé, celui de sauver son pays, le monde en frappant l'ennemi avec force et sans pitié. Alors pourquoi ne pouvait-il pas se résoudre à combattre à Tefé? Était-ce là sa liberté? Celle de poser les armes si il l'estimait juste? Quelle liberté était-ce là? Il se sentait confus, accablé par des pensées peu réjouissantes, celles du danger qui le guettait et de ce qu'il n'aurait jamais, mais que cette fille avait. Il voulait l'obtenir lui aussi, ne faisait-elle pas que lui montrer le chemin? Sans doute, mais pour l'instant il n'était pas prêt à recevoir telle illumination, pas prêt à accepter telle réalité. Il n'était pas encore digne d'un tel enseignement.

-J'ai essayé, je me suis déjà enfuit, c'était une erreur, les gens là dehors, tu as raison de dire qu'ils sont mauvais, tu as raison de penser du mal d'eux, mais c'est par ce qu'ils sont imparfaits, faibles et guidés par des envies futiles. Ils n'ont pour la plupart pas l'intelligence de comprendre que le mal qu'ils causent pave le chemin de leur perte, ils se perdent dans des plaisirs éphémères et des distractions qui ne servent qu'eux-même. Mais ils ne sont pas perdus, pas tous, je combattrait l'ennemi jusqu'à mon dernier souffle pour les sauver. Ta liberté est égoïste, je ne peux pas abandonner ceux qui ont besoin de moi.

Il passât sa main sur sa nuque, la mort ou le service, la grimace méprisante de Waller quand elle l'avait récupéré en cellule, son sourire satisfait après l'opération. Il n'oublierait jamais, il n'oublierait jamais la cruauté qui gangrenait jusqu'au gouvernement qu'il défendait, qui laissait ce genre de sorcières opérer avec tout les droits. Et si c'était sa sa liberté dans la servitude? De monter les échelons pour changer les choses? Il pouvait presque y croire à ce moment là.

-Ils m'ont trahis, et si je ne pardonnerait jamais, cela ne m'empêchera pas de leur montrer la voie. Tu as beau penser qu'ils ne sont pas dignes, les humains sont capables du meilleur, c'est ce que nous devrions chercher à éveiller en eux. Pas ça.

Il désigna les corps d'un mouvement du bras.

-Ils n’apprennent pas comme ça.

Il se releva et fit craquer sa nuque sans aucune menace, juste de quoi lui faire oublier qu'il avait de quoi l'éparpiller aux quatres coins de ce marécage en quelques secondes. Il eut un petit rire.

-Quand j'ai fuit j'ai fait du mal à des gens avec ma liberté, tout ce que j'ai gagné c'est une épée de Damoclès.

Elle n'avait pas dut le sentir sur lui, tout comme son implant de communication, la technologie ne devait pas vraiment être son rayon si elle était un élémentaire naturel.

-La liberté ne doit pas nous faire oublier que nos actes ont des conséquences. Si je venait à tenter de fuir à nouveau, ce serait finit pour moi, c'est pas aussi simple... c'est jamais aussi simple en fait.

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Mais de quoi est-ce qu’il parlait exactement ? Qui étaient ces « eux », ces « ils », ces « les » ? Comme s’il était extérieur à tout ça – comme elle. Sauf qu’au contraire, il n’était pas extérieur, il était en plein dedans. En toute honnêteté, Tefé n’avait certaine pas la maturité et l’état d’esprit adéquat en cette seconde pour se lancer dans un grand débat philosophique sur ce qu’était la liberté. Mais sa tirade n’eut d’autre effet que de la faire sourire, dubitative et je-m’en-foutiste à la fois. S’il pensait que la liberté était égoïste alors ils n’en avaient pas la même définition. Il pouvait choisir de ne rien faire de sa liberté si ça le chantait, de rester assis sur son cul et de regarder le monde brûler. Elle, elle s’en foutait, mais elle pouvait imaginer qu’alors, oui, ça paraissait égoïste. Mais à partir du moment où personne ne l’obligeait à pointer au boulot, à dormir dans une cuve et à obéir à de petits ordres émanant de petits chefs avec des plans derrière la tête qui n’avait probablement rien à voir avec sauver la veuve et l’orphelin, il pouvait aussi choisir de rejoindre la Justice League et de sauver le monde trois fois par semaine. Voilà qui serait probablement plus utile à la société que rentrer faire un rapport sur la meuf qui avait trucidé cinq connards dans un morceau de marais. Mais ça, il ne pouvait pas le faire, hein ? Vu qu’il n’était pas libre de le faire. « Je m’en fous, des humains, mais tu as le droit d’être attaché à eux. J’en connais d’autres, des comme toi. Mais, encore une fois, je vois pas quel bien tu leur feras à rester enfermé, menotté et incapable de faire pour eux ce qui compte vraiment. Mais j’imagine que tous les soldats ont besoin de se rassurer avec ce genre de raisons. » C’était bien pour « protéger leur pays », « protéger les Américains », qu’ils étaient aller massacrer des Irakiens et des Afghans, non ? C’était l’histoire redondante de n’importe quelle guerre déclenchée, menée et orchestrée par les humains, officielle ou officieuse.

« Si tu préfères obéir à quelqu’un, c’est ton droit. On verra bien comment tu réagiras le jour où ton donneur d’ordres te demandera de faire un truc qui contredit tes belles paroles. Mais la prochaine fois que tu fuis, sois meilleur, c’est tout. Puisque, comme tu dis, vous êtes capables d’apprendre. » C’est pour ça qu’elle détestait les ordres, après tout. Et le problème, c’était pas la liberté, c’était ce qu’il en avait fait, lui. Elle regarda les cadavres en décomposition qu’il désignait, et de nouveau haussait les épaules. Bon sang, elle avait déjà eu assez de son père pour lui dire que les humains avaient besoin d’être guidés… Eh bien qu’il les guide. Et que Numéro 1 les guide. Si ça leur chantait. Qu’il protège ses humains de dangers débiles et d’ennemis inventés. Ça ne sortirait pas les clodos des rues, ça ne nourrirait pas les enfants souffrant de famine et ça ne mettrait pas à l’abri les femmes battues de leurs maris violents. « Il faut bien que tu aies une cause, pour supporter cette vie, j’imagine. Y a le choix, en plus, avec vous… » Elle croisa les bras et s’appuya sur un tronc. « Et je sais parfaitement ce que je fais et ce que ça coûte aux autres. J’ai payé cent fois le prix de mes actes ces dernières années. C’est comme ça, c’est l’ordre naturel de la vie. Et moi, je ne pourrais jamais prétendre que “c’étaient les ordres”. » Ah ça c’était sûr qu’elle ne voulait pas entendre ce discours de la bouche d’un soldat, quand tous les soldats du monde avaient le luxe de ne pas avoir à assumer leurs actes autrement que moralement, ce qui était déjà beaucoup, certes, mais pas très raccord avec les lois humaines. Elle sentait la colère revenir. « En attendant, demain, d’autres types creuseront d’autres pipeline. J’espère que tu iras patiemment leur apprendre que c’est mal de polluer la Terre. Et dis-moi un truc… Si ça n’avait pas été toi, qui as l'air d'être quelqu'un de posé et de raisonnable, qui étais venu ici, si ça avait été un autre de tes collègues, quelqu’un de différent, est-ce qu’il m’aurait seulement laissée en vie ? » Ou est-ce qu’elle avait eu la chance de tomber sur le seul type de son organisation cheloue qui avait encore deux doigts d’humanité quand bien même il ressemblait moins à un humain que tous les autres ? Elle avait encore tellement de choses à apprendre de l'humanité, la petite pousse.

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Tefé mettait à mal ses convictions, générant la fascination de manière inévitable. Si il avait bien sûr conscience que l'avis de Tefé ne se mariait pas avec ses convictions à lui, il savait que cet avis était un peu le sien aussi, leur divergence sur l manière d’interpréter tout ça différaient cependant radicalement. Là ou la fille de la nature prônait visiblement d'agir en electron libre, lui avait toujours vu de la force dans le groupe, sans doute là était son erreur, compter plus sur soit, mais il n'était pas encore prêt à le faire, il croyait encore bien trop dans l'avenir, dans sa famille, des choses que son vis-à-vis avait perdu même si il ne le savait pas Klaus avait connu la perte personnelle, mais rien dans son entourage pour le moment, sans doute là était la différence essentielle entre eux. La servitude était aujourd'hui un choix comme la liberté pouvait être celui de demain, une chose que son parcours incomplet l'empêchait de voir en cet instant, alors que Tefé semait les graines du futur sans le savoir par ses mots d'une honnêteté pure, N1 ne pourrait jamais oublier l'apparence et la présence de la fille sylvestre. Son regard sauvage le transperçait et il restait immobile, sa défense baissée, il avait cet instinct de confiance absolu qui ne le quittait pas, si elle ne semblait plus agressive, il se doutait qu'elle pourrait très bien changer d'avis, elle était libre de choisir après tout.

Se contentait-il vraiment de supporter sa vie? D'attendre mieux? Il s'était toujours senti acteur de tout ça, mais la voie de Tefé était attirante, si on oubliait le tic tac désagréable de la bombe qui menaçait chaque seconde de son existence, Waller et sa laisse explosive, le démon qui rôdait sur son existence maudite. Tefé avait la chance elle de ne pas avoir un tel moyen de contrôle pour la tenir en respect et elle ne pourrait pas l'aider, son contrôle sur la chaire semblait trop semblable à celui de l'agent d'ARGUS pour que ça ne risque pas de tout faire sauter. Et il se refusait à mettre en danger quelqu'un d'autre que lui-même dans cette histoire. Il devait en effet "obéir aux ordres", mais il ne s'en contentait pas vraiment dans le fond, il avait faim de plus, de quelque chose qui lui était inaccessible, qu'on lui refusait cruellement. Les voies semblaient fermées, bloquées par la fatalité née des erreurs qu'il avait commise car il avait été stupide, imprudent et trop confiant, faisait-il la même erreur aujourd'hui? Aurait-il dut être moins raisonnable? Aller jusqu'au bout contre elle quitte à y laisser sa peau? Des réponses qu'il n'avait pas, mais la simple idée d'agresser à nouveau Tefé, de faire couler leur sang dans un combat à mort, ça ne le lui venait même pas à l'esprit, un autre aurait sans doute agit pareil.

-Non, ou alors c'est toi qui ne l'aurait pas laissé en vie.

ARGUS ne manquait pas d'agents sans scrupule qui auraient brûlé le marécage et tout ses occupants pour avoir ce qu'ils voulaient. Mais ces gens là n'étaient que les déchets habituels du monde extérieur polluant le bon fonctionnement de la machine bien huilée qu'il représentait, tout comme Waller, leurs méfaits n'étaient que temporaires et il était toujours temps de rectifier le tir, le futur avançait inexorablement et avec lui le changement. De ça il était persuadé avec une fois proche de la folie.

-Mais moi je respire encore, d'autres auraient put faire mon choix. Ça ne veut rien dire.

Il se leva en commença à s'approcher d'elle à nouveau pour se planter à un mètre d'elle, les sons environnants semblaient s'être tus, son sang battait dans ses tempes et les battements de son cœur semblaient résonner à ses oreille dans sa cage thoraciques, furieux comme en situation de stress intense. Il savait qu'il jouait potentiellement sa vie en faisant ça, mais il devait s'assurer de quelque chose, il tendit sa main paume vers le ciel devant Tefé, son regard empli de détermination et de curiosité à l'attention de Tefé, toujours imperturbable.

-Tout à l'heure quand tu as tenté de me liquéfier, refait-le sur ma main.

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It's the green, it's the green, it's the green you need

Là, elle ne put pas s’en empêcher : elle sourit. Elle était bien assez cinglée pour prendre ce que Numéro 1 venait de dire comme un compliment. Comme s’il venait de la féliciter d’être quelqu’un d’assez motivé pour effectivement trucider quiconque mettait un pied dans le marais, alors que ça, c’était le rôle de son père, enfin, ça aurait dû l’être. N’empêche, l’idée qu’il la croit capable de faire une telle chose, et qu’il puisse penser que non seulement elle pouvait le faire, mais voulait le faire, lui faisait bien plaisir. Elle en aurait presque rougi – oh, you ! Ne lui vint pas à l’idée que peut-être ça l’agaçait, ou même qu’il la traitait de serial killer, mais non, pensez-vous. Du coup, elle ne pensa pas à le contredire à nouveau comme elle aimait bien le faire depuis qu’ils avaient commencé à discuter, quand il laissa entendre que peut-être, d’autres auraient pu se montrer aussi charitables que lui. Non parce que, tous ne pouvaient pas être comme lui. Ce n’était pas l’humanité qu’elle connaissait, dont elle avait été le témoin, qui s’en prenait de manière si constante et odieuse à son univers et même à elle. Elle hocha la tête avec fierté. Puis le charme fut rompu quand il se remit à bouger, et pour s’approcher d’elle, qui plus est.

Elle sursauta et fit un bond en arrière, la main sur un tronc d’arbre, prête à s’y enfoncer. Prête à se battre de nouveau s’il le fallait, et à le tuer pour de bon. Ce n’était pas parce qu’ils papotaient depuis tout à l’heure qu’elle aurait des hésitations ou des regrets. Ce ne serait que la preuve, encore et toujours, qu’elle avait raison, qu’on ne pouvait pas leur faire confiances, aux humains. Elle grimaça et l’herbe haute s’affaissa autour de ses jambes comme les oreilles d’un chat prêt à bondir sur sa proie. Il s’arrêta de nouveau, mais elle le trouvait trop proche désormais, et ça ne lui plaisait pas. Elle le regarda tendre la main, prête à toutes les tricheries, à tous les coups bas. Cependant, elle ne s’attendait pas à sa demande. Elle le regarda quelques secondes, au cas où il y avait une supercherie là-dessous. Il était maso, en plus du reste ? Elle, elle ne sentait rien quand elle bidouillait sa propre chair, ou plutôt si, elle sentait des choses, mais ce n’était ni agréable ni de la souffrance, c’était juste… la nature à l’œuvre. Mais elle savait que les humains n’aimaient pas qu’elle leur fasse ça rien qu’aux hurlements qu’ils poussaient quand elle le faisait. Elle ne savait pas trop si c’était de l’horreur ou de la douleur et pour être honnête, elle s’en fichait un peu. Mais elle était sûre à quatre-vingt-dix neuf pour cent que c’était un mélange des deux. Leur chair n’était pas faire pour se déplacer, pour fondre et se reformer, pour se souder et exploser.

Bon, eh bien elle était un peu curieuse, elle aussi. Elle avait senti la dernière fois que sa chair lui avait résisté. Le résultat, probablement, de sa viande transformée… Mais si désormais, c’était ce genre de types que les hommes lui enverraient, il fallait qu’elle sache, qu’elle connaisse ses limites et qu’elle trouve comment les contourner. Elle n’aimait pas trop l’idée de lui donner un autre aspect de ses pouvoirs, mais en vérité, il ne pouvait pas deviner d’où ça lui venait, même elle en savait peu encore sur sa connexion au Red, un univers inconnu des humains de toute façon, et ils ne risquaient pas d’inventer ce qu’ils ignorer. Seule sa mère pourrait lui donner une gifle magistrale pour ce qu’elle s’apprêtait à faire. Elle haussa les épaules. « Ben, à ta guise… » Elle se concentra sur sa main et sentit aussitôt le Red l’envelopper, sa chaleur, son bourdonnement, ça n’avait rien à voir avec le Green, c’était brûlant, ça glougloutait, c’était bruyant, humide, sanglant, violent, vivant… Et concrètement, elle vit la chair de la main et du poignet de Numéro 1 s’agiter comme si quelque chose courait dessous, mais elle se retrouva de nouveau confrontée à cette résistance bizarre, comme si finalement lui aussi détenait ce pouvoir sur sa chair, et qu’il était capable de s’opposer à elle. Elle finit par arrêter d’essayer. « Je me demande bien ce qu’ils t’ont fait mais c’est totalement dégueu. Si tu mourais et que tu pourrirais ici, tu empoisonnerais sûrement la terre. » Elle gloussa après cette constatation. Non pas qu’elle lui prédisait l’avenir. Mais pour le coup, elle était sûre qu’elle ne voulait pas qu’il canne ici, on avait déjà bien assez à faire avec le pipeline. Et oui, elle trouvait dégueu la façon dont ils avaient dénaturé son être, celle-là même qui faisait fondre la chair des gens.

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It's the green, it's the green,
it's the green you need

L'appréhension le tenaillait malgré sa confiance, le temps semblait se ralentir alors que une énergie étrange s'en prenait à sa structure interne, il sentait la magie faire muter sa chaire, cette douleur étrange aux accents familiers était assez grisante, bien sûr il ne comprenait rien à tout ça, la magie était une chose dont même sa rencontre avec Zatanna quelques années plus tard lui laisserait un souvenir d'étrange, d'incompréhensible, d'insaisissable, et ça lui plaisait. Rien n'avait de pouvoir sur lui à part la bombe dans son cou, il avait été entraîné à combattre, à encaisser, à faire usage de ses pouvoirs pour que rien ne se mette en travers de sa route, il avait déjà tué des combattants ennemis, fauché leurs vies comme si elles étaient insignifiantes, depuis combien de temps n'avait-il pas eut vraiment ce sentiment qu'une force plus grande était-là? En regardant sa main qui tentait de fondre tant bien que mal et alors qu'il n'opposait aucune résistance particulière gardait assez globalement sa forme, il repensait au nombre de fois que cette main, comme le reste de son corps, avait été brisée, découpée, brûlée, l'ennemi n'était pas le seul à lui avoir fait du mal au cours de sa vie, les entraîneurs et scientifiques qui s'étaient occupé de lui avaient plus d'une fois mené son corps à la limite absolue, une limite qui ne semblait pas si loin que ça quand son os commença à se montrer au niveau de l'index, c'est à ce moment que tout s'arrêta.

Les mots de Tefé étaient durs, mais il avait entendu bien pire au cours de sa vie, on l'avait traité d'expérience râtée, de croquis, de banc de test et de tout un tas de qualificatifs plus horribles que ceux-là. "Dégueu" était plus un qualificatif, certes fort familier, quand on considérait que ses pouvoirs étaient plus proche d'un cancer maîtrisé que d'un véritable remodelage. L'ADN, cette chose si fragile au capacités presque sans limite. Les prochains modèles de son genre devraient être capables de bien plus si le programme réussit à suffisamment rentabiliser les 4 sujets de départ, après tout la pose des implants doit tester ses capacités à accepter de nouvelles fonctionnalités et améliorations. Tout ça il le savait, mais cette fonction ne le rebutait pas car quelqu'un devait bel et bien se sacrifier pour le bien de tous, quelqu'un devait faire le travail, si cela n'était pas lui ce pourrait être un autre, mais c'était lui, pouvait-il vraiment fuir ça? Fuir le destin qu'on lui avait tracé? La remarque sur le fait u'il empoisonnerait la terre en se décomposant le fit sourire, il était vrai qu'avec les injections, il était probables que son corps son en effet plus toxique d'autre chose, en cela également ils étaient opposés, elle le fruit de la nature et lui de la technologie, du design humain.

-C'est une manière de le présenter.

Mourir était un terme subjectif, N1 n'ayant jamais vraiment vécu, il ne pouvait pas comprendre l'ironie du fait que si son corps était bien vivant, son âme était morte, mais Tefé avait le don de mettre le doigt ou ça faisait mal, peut-être assez pour qu'un jour il se réveille.

-Ils m'ont fait tout simplement, j'ai été construit, un enfant-cuve ils appellent-ça. Un mixage ADN préprogrammé à partir de fragments, une cuve de liquide nutritif et quelques années de gestation. J'avait 5 ans quand ils m'ont sorti de la cuve le premier, ils pourraient en faire d'autre, mais ils n'ont pas les moyens et je ne suis pas le "meilleur modèle".

Il eut un petit rire, bien qu'il ait prouvé à de nombreuses reprises son efficacité, ils continuaient de penser qu'il avait les moins bonnes performances et les moins bonnes capacité, ce qui prouvait bien qu'un autre modèle ne le remplacerait jamais si il continuait de montrer des aptitudes supérieures, la différence de pouvoir n'était pas tout, ce que les têtes d'ampoule avaient du mal à considérer avec leurs petits chiffres insupportables. Il aimait les faire taire de toute façon, ses résultats parlaient d'eux-même.

-On est des genres d'opposés en quelque sorte, toi le meilleur de la nature et moi la défaillance technique. Mais je sait que je ne me limite pas à ça, j'ai dépassé mon usage de base.

Pas totalement, mais il le pensait vraiment il ne semblait plus vraiment parler à Tefé.

-Je te remercie... pour ma vie et pour ça.

Il agita ses doigts qui terminaient de se reformer devant son visage.

-D'ailleurs tu ne m'a pas dit comment tu t’appelait.

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It's the green, it's the green, it's the green you need

Ironiquement, ce que Tefé trouvait très sincèrement et complètement dégoûtant, chez lui, ce n’était pas son apparence ou la façon dont sa chair se transformait, puisqu’elle-même était capable de trucs tout aussi dégueux avec sa propre chair – très récemment, elle s’était découvert la possibilité de voyager à travers le monde en passant à travers des cadavres, dont elle prenait possession pour les remodeler à sa propre image et si ça c’était pas génial !! Vu que des cadavres, il y en avait partout, tout le temps. Mais bref, non, ce qui lui faisait froncer le nez c’était vraiment ce côté chimique chez lui, non naturel, et d’ailleurs, il avait l’air d’accord avec elle quand elle lui fit remarquer à demi-mots qu’il n’avait pas intérêt à mourir ici ou n’importe où ailleurs dans la nature le moment venu. Ses explications sur sa création, cependant, étaient assez obscures, et en même temps assez familières. Elle-même n’était pas née ex-nihilo, mais était quand même née de manière tout à fait non-traditionnelle, faisant d’elle un être unique au monde. C’est qu’à la base, elle n’était qu’une étincelle d’énergie pure de la nature flottant dans le grand esprit collectif du Green, avant d’être jetée dans le monde physique par le Parlement des arbres, puis dotée d’un corps de chair et de sang par trois pervers et de la magie noire. « Les humains sont vraiment idiots. Il faut toujours qu’ils se détournent des choses naturelles. Mais si tu te trouves des choses en plus par rapport à ce qu’ils avaient prévu, alors ça, c’est la nature à l’œuvre. » Ce devait être une question de pouvoir et de domination. Les hommes ne pouvaient pas imaginer se contenter de ce que la nature leur avait généreusement offert, il fallait qu’ils brisent ses règlent, la tordent, la déforment comme pour se prouver à eux-mêmes qu’ils pouvaient la supplanter.

Elle secoua la tête cependant, parce qu’il avait tort sur une chose, et que cette chose était exactement le trou noir de son existence, l’abîme d’incompréhension et de souffrance qui pour l’heure la tenait loin de tout, de ses parents, du Green, mais aussi des hommes. « Je ne suis pas le meilleur de la nature. Sinon je ne serais pas forcée de me traîner ce sac de viande inutile et humain. » Elle leva le bras, laissant fondre sa chair pour faire apparaître les os, avant de reformer son bras et de l’agiter comme si elle aurait voulu s’en débarrasser. Elle aussi elle était contre-nature, elle aussi elle était un genre d’abomination. Que même sa propre mère avait fini par détester et abandonner. Que le Parlement des arbres craignait. Que beaucoup d’élémentaires de la nature considéraient avec mépris. « J’aurais été parfaite si on m’avait laissé pousser dans la terre, m’élever vers le ciel étendre mes branches et mes feuilles, me nourrir des sols et nourrir les bêtes. » Sa voix vibrait d’émotion et de douleur. Oh comme elle aurait été heureuse alors, entièrement englobée dans le Green, sans conscience réelle, à simplement faire partie du grand cycle sans même attirer l’attention des humains, et peut-être aurait-elle fini en meuble Ikea ce qui était une perspective horrifique, mais peut-être aussi n’aurait-elle connu que l’existence paisible et nécessaire d’un végétal, jusqu’à mourir, pourrir et retourner à la terre.

Elle haussa les épaules. Il voulait savoir son nom, mais elle n’était pas sûre qu’elle en avait encore un. Elle venait juste de redevenir elle-même, mais ne savait pas qui elle était. Elle ne savait plus rien. Toute son existence était désorganisée, chaque fil de sa vie décousu des autres. Et puis lui-même n’avait pas de vrai nom, ce qui était un comble. « Mary. » C’était la première fois qu’elle prononçait ce prénom à voix haute et cela la fit grimacer. Numéro 1 et Mary. Deux mensonges qui avaient encore beaucoup de chemin à faire avant de pouvoir se regarder dans le miroir et comprendre ce qu’ils y voyaient. En attendant, elle, elle allait disparaître, c’était ce qu’elle faisait de mieux. Elle comptait sur Numéro 1 pour s’en aller d’ici vite fait. Et si les hommes revenaient ici, en vérité, qu’est-ce que Tefé pourrait y faire ? Pas grand-chose. Mais elle serait ailleurs, à essayer d’arranger les choses, à coups de meurtre peut-être, allez savoir. Elle s’en fichait.

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