The Green Inferno [Feat. Tefé]

“On dit souvent que les arbres nous empêchent de voir la forêt ; il est tout aussi juste de dire qu'on ne voit pas les arbres à cause de la forêt.” De Ilya Ehrenbourg / A la rencontre de Tchekhov

Orm Marius, le massacre dans la mer du Danemark, le sang, la chair, les os, les morts... Toutes ces images hantaient désormais les rêves et les pensées de Mari McCabe et pourtant, elle n'en ressentait qu'une grande satisfaction. Elle ne culpabilisait pas, elle ne regrettait pas, elle savourait simplement sa victoire et sa liberté enfin retrouvée. Jamais elle ne s'était sentie plus épanouie et légitime que lorsqu'elle s'était entièrement abandonnée au Red et au Totem. Pour une fois, elle avait enfin eu l'impression d'avoir réellement été utile en effaçant de la surface de la Terre les minables existences de ces meurtriers. Ces foutus pêcheurs sanguinaires avaient mérité leur sort et Vixen ne regrettait pas une seule seconde d'avoir été leur bourreau, au contraire, elle en était fier. Le roi des océans avait su lui ouvrir les yeux et la libérer de ses chaines. Il avait sur lui insuffler le courage et la détermination d'embrasser sans retenue sa cause afin de la défendre mieux que quiconque. Vixen n'avait plus de barrière désormais. Elle était libre d'agir comme bon lui semblait. Plus de règles, plus de lois, hormis les siennes. Et même si certains pouvaient décrier ses méthodes et désapprouver son changement drastique, le résultat était là. La déesse de la faune inspirait désormais la peur, son message était passé mais ce n'était qu'un début, il y avait encore tant à faire. Une tâche lourde et difficile qui ne l'effrayait absolument pas, ni ne la décourageait. Vixen était déterminée à faire le grand ménage, quitte à se salir les mains au passage. Elle devait même avouer qu'elle y prenait goût... Le temps des compromis et des négociations était révolu, désormais elle agissait.

Sa première croisade était en marche et elle concernait donc le démantèlement minutieux, ainsi que l'extermination, du Grindadrap. Une tradition cruelle et barbare qui ôtait chaque année la vie à des milliers de mammifères marins, dans la souffrance et l'indifférence la plus totale. Le gouvernement du Danemark tolérait et approuvait cela, il défendait même la liberté des participants à perpétuer une de leurs traditions ancestrales, quelle honte! Vixen était vraiment très remontée contre ce pays et les participants au Grindadrap. Elle avait donc établi une liste de cibles à interroger et à éliminer et, croyez moi, elle avait du pain sur la planche. Mais chaque humain qu'elle torturait, chaque vie qu'elle ôtait, la rapprochait un peu plus de son objectif et cela méritait  tous les efforts et les sacrifices qu'elle devait faire. Rien ni personne n'aurait su la détourner de son dessein, exceptés ceux qu'elle s'évertuait à défendre et à protéger. Et ce jour là, ils avaient besoin d'elle. De sa planque au Danemark, Vixen avait ressenti leur peur et leur souffrance. Elle avait entendu leur appel à l'aide et y avait bien évidemment immédiatement répondu. Invoquant l'esprit de l'aigle royale, elle s'était envolée pour faire le tour du monde et rejoindre ses protégés au Pérou. Là, le spectacle qui l'attendait attisait sa colère. Les humains... encore... s'évertuaient à déboiser des centaines d'hectares pour leur commerce répugnant. Non seulement ils s'attaquaient à la nature, à l'habitat des animaux, mais en plus, ils n'hésitaient pas à les éliminer sur leur passage. Comme s'il s'agissait de témoins gênants ou de vulgaires obstacles que l'on peut écraser pour effectuer sa basse besogne.

Vixen avait vu rouge, littéralement. Comme au Danemark, lorsqu'elle avait massacré ces pêcheurs, les éventrant, brisant leurs os et déchirant leur chair, son regard s'était à nouveau emprunt d'un rouge pourpre. Mais ce n'était pas tout, plus Mari se connectait au Red, plus elle s'abandonnait à lui, plus son apparence changeait. Comme si l'acceptation de son instinct primitif et de sa part animale avait un impact direct sur elle. Sa peau devenait alors verte, des motifs tribaux inspirés de sa tribu apparaissaient sur son visage et sa chevelure devenait rouge pourpre elle aussi. Cela n'était que temporaire, elle ne prenait cette apparence que lorsqu'elle était en Vixen. Elle n'aurait d'ailleurs pas su dire si cela était volontaire ou non. Conscient ou inconscient. Comme si arborer une nouvelle apparence était une revendication bien concrète de son changement d'état d'esprit et de méthodes. Comme si cela était le reflet de son désir de s'affirmer comme une icône du règne animal et non plus comme une simple humaine. Car dans son coeur, dans ses tripes, Mari n'était plus une humaine, elle était bien au dessus de cela. Elle était une émissaire de Red, un être à part, une déesse, une reine. Elle se sentait plus puissante que jamais ainsi. Elle se sentait être une vraie déesse, redoutable et redoutée. Forte et indestructible. Bien sûr elle n'était pas vraiment indestructible mais le penser et le faire croire ne pouvaient que servir la cause. Elle devait plus que tout instiller la terreur et le respect pour asseoir son autorité et son pouvoir. Il n'y avait que cela que les ennemis comprenaient alors elle l'avait accepté.

Une fois sur place, le grand ménage commençait. Sortant ses griffes et ses crocs acérées, Vixen invoquait l'esprit du guépard pour se mouvoir à une vitesse surhumaine. Ainsi, elle égorgeait, elle étripait, elle éventrait tous les humains sur son passage à la vitesse de l'éclair. Un véritable carnage qui se déroulait dans les cris d'agonie et le bruit incessant des machines. Elle ne laissait aucune chance, aucune place, au moindre survivant. Mais lorsqu'elle eut enfin terminé, le silence reprenait ses droits et, recouverte de sang, elle savourait une nouvelle fois sa victoire. Cependant, elle ressentait toujours cette peur et cette douleur qui lui tiraillaient les entrailles. Il n'y avait pas une seule équipe, d'autres zones étaient encore déboisées, d'autres animaux étaient encore sacrifiés. L'après-midi s'annonçait longue et dévastatrice. Mais Vixen avait son temps et ne montrait pas un seul signe de fatigue. Elle s'envolait alors vers la prochaine zone, sans lassitude, aucune, de réitérer ses exploits. Ces lâches n'avaient aucune compassion, aucune pitié, alors elle non plus n'en aurait pas.

“On dit souvent que les arbres nous empêchent de voir la forêt ; il est tout aussi juste de dire qu'on ne voit pas les arbres à cause de la forêt.” De Ilya Ehrenbourg / A la rencontre de Tchekhov

En arrivant sur la seconde zone, Vixen ne pouvait que constater le même spectacle lugubre et désolant. Les humains massacraient les arbres et les animaux qui y vivaient. Ils tuaient tous sur leur passage sans se soucier une seule seconde du mal qu'ils faisaient. Le coeur de Vixen souffrait, son corps était tiraillé par l'agonie de ses protégés, elle les ressentait tous et cela ne faisait qu'accroitre et nourrir sa colère. Dans ces moments là, il ne valait mieux pas se trouver sur son chemin à moins d'être clairement son allié. La déesse voyait rouge, dans tous les sens du terme, et se lançait dans un nouveau carnage sans une once de retenue. Le sang coulait à flot, les vies trépassaient et l'équilibre était restauré. Aucune de ses morts ne ramènerait ceux qui avaient déjà injustement disparu, mais au moins, justice était faite. Et puis c'était des salauds en moins sur Terre, ce qui n'était pas négligeable. Bien que cette catégorie d'humains était vraisemblablement comme l'Hydre de Lerne, coupez une tête, il en repoussait deux. C'était un combat sans fin mais Vixen était bel et bien prête à le mener. Elle songeait même déjà à former une relève pour poursuivre son oeuvre après sa mort. Oui, elle avait beau être une déesse, l'ambassadrice du Red... elle n'en restait pas moins humaine malheureusement. D'ailleurs, elle devait également se pencher là dessus car elle était intimement persuadée qu'elle pouvait remédier à cela en détruisant toute part d'humanité en elle. Elle voulait devenir une vraie déesse, fusionner avec le totem et rejoindre Anansi dans la vie éternelle. Une tâche difficile, périlleuse et incertaine, mais il en fallait plus pour décourager Vixen.

Puis soudain, alors qu'elle enfonçait ses griffes dans la chair d'un de ces enfoirés, elle ressentait une présence qu'elle connaissait bien. Une présence qu'elle espérait bien retrouver un jour. Cette créature était puissante et magistrale, nul doute qu'elle allait s'inviter à la fête et cela réjouissait Vixen. Tefé était là, la déesse ne pouvait pas se tromper. Entre deux mises à mort, elle la cherchait du regard, une fois, deux fois, trois fois... la quatrième fut la bonne. Son regard se posait enfin sur l'élémentaire qui infligeait une punition de toute beauté. Un véritable régale pour les yeux de la déesse qui admirait la puissance et le savoir faire de Tefé. Elle était somptueuse et redoutable. Le Green et le Red, alliés pour protéger ceux et celles qui en avaient le plus besoin. C'était poétique. Tefé et Vixen faisaient un véritable massacre, entremêlant leurs talents respectifs, insufflant leur rage et leur détermination autour d'elles. Pauvres pauvres humains... ils n'avaient aucune chance de s'en sortir et c'était bien le but. Plantant ses crocs dans la cou d'un bucheron, Vixen arrachait un énorme bout de chair tandis que le sang jaillissait tel un puits de pétrole. Il s'agissait du dernier homme encore en vie et avec lui s'éteignait le bruit des machines et du chaos. A l'oreille, Vixen concluait qu'elles avaient réussi à neutraliser les dernières menaces. Cette forêt était de nouveau en paix... enfin, si on pouvait dire ainsi. Elle allait devoir panser de nombreuses blessures et peiner à se relever d'une telle attaque. Mais Vixen l'aiderait autant qu'elle le pourrait.

Sans se concerter, ni même se parler, Tefé et Vixen se rapprochaient l'une de l'autre. La déesse se doutait bien de la surprise et de l'étonnement qui devaient actuellement habiter l'élémentaire. La dernière fois qu'elles s'étaient vues, Mari lui avouait avoir peur de succomber au Red, peur de succomber à ses instincts. Elle voulait préserver les deux camps, ne pas devenir comme ceux qu'elles combattaient... Bla Bla Bla... Qu'elle pouvait être naïve et idiote. Comment avait-elle pu débiter une telle montagne de conneries. La déesse avait presque honte mais désormais elle s'était bien rattrapée, elle avait radicalement changé de discours et elle n'était plus l'ignorante utopique de l'époque. D'ailleurs, Tefé avait assurément joué un rôle, autant que Marius, dans cette métamorphose. Si à l'époque Mari ne cautionnait pas ses dires, elle avait forcément, même inconsciemment, assimilés les propos de l'élémentaire. Elle les avait gardé dans un coin de sa tête et ils avaient pris tout leur sens sur ce bateau au large du Danemark. Là où tout avait basculé pour la déesse de la faune. Tefé semblait elle aussi ravie de revoir Vixen, surtout dans de telles conditions. Mari esquissait un sourire.

« Choisir ou ne pas choisir, tout cela n'a plus d'importance. L'important est que le résultat est là. Et regarde comme il est beau. Dommage que nous soyons arrivées trop tard. »

Vixen était persuadée d'agir de son propre chef, d'avoir choisi cette nouvelle vie, même si elle était tout à fait consciente d'avoir succombé aux chants hypnotiques du Red. Mais, à ses yeux, c'était justement ça la liberté. Le Red l'avait libéré des contingences humaines, le Red lui avait permis de devenir enfin la véritable Vixen. Avait-elle raison? Avait-elle tort? Seul l'avenir le dirait... ou pas.

« Tu avais raison Tefé et j'aurais dû t'écouter bien plus tôt. Je ne me suis jamais sentie aussi puissante et efficace que depuis ma libération. Je suis ravie de te retrouver et encore plus de combattre à tes côtés. Ensemble nous pourrions faire de grandes choses, ne crois tu pas? »

Vixen esquissait un sourire amusé lorsque Tefé lui disait que tout cela était sans fin.

« Je pourrais faire ça toute la journée. »

“On dit souvent que les arbres nous empêchent de voir la forêt ; il est tout aussi juste de dire qu'on ne voit pas les arbres à cause de la forêt.” De Ilya Ehrenbourg / A la rencontre de Tchekhov

Vixen était surprise par le manque d'enthousiasme et de satisfaction de Tefé. Faisait-elle tout cela machinalement sans y prendre le moindre plaisir? Elle lui paraissait bien plus blasée qu'à leur première rencontre et cela la désolait un peu. Elle avait l'impression que l'élémentaire agissait pour agir, sans émotion aucune. Elle trouvait cela triste. Vixen, elle, avait besoin d'être animée par la passion, par sa cause, pas l'émotion qu'elle lui transmettait. Décidément, quel que ce soit le camp que choisissait Mari, les deux jeunes femmes ne seraient jamais d'accord. D'ailleurs Vixen devait avouer que la nonchalance de Tefé l'avait coupé dans son élan. Elle ne s'était absolument pas attendue à cela. Elle avait imaginé l'élémentaire plus enthousiaste devant son changement de cap et son acceptation du Red. Elle qui lui avait tant reproché d'être une utopiste trop naïve. Elle qui lui avait tant reproché de s'accrocher à sa désuète humanité. Désormais, elle n'hésitait plus à agir, plus de compromis, plus d'hésitation. Pourtant, Tefé ne semblait pas vraiment se réjouir de la nouvelle. Mari ne comprenait pas vraiment mais au fond, elle avait su dès leur première rencontre que Tefé n'était pas une personne comme les autres. Elle était plus nuancées, plus complexe que les humains. La comprendre ne devait pas être chose aisée.

L'élémentaire évoquait alors l'idée d'un massacre de masse... une idée qui séduisait beaucoup moins Vixen. Certes elle avait décidé de suivre la voie de l'indépendance en tournant le dos à la Justice League pour être enfin libre de ses choix et de ses actes, mais elle n'en était pas pour autant une criminelle. Et massacre de masse, ça sonnait plutôt criminel à ses oreilles. Vixen mettait un point d'honneur à stopper et éliminer les coupables, mais jamais elle ne mettrait en péril la vie des innocents. Se lancer dans un massacre de masse serait un trop grand risque et l'idée ne la séduisait pas du tout. Mari aimait enquêter, remonter des filières et frapper là où elle était sûr d'atteindre les bonnes cibles. Avancer dans le flou, ou le doute, très peu pour elle. Tefé avait cependant raison, sa mission serait sans fin, elle en était consciente, mais si elle écoutait vraiment l'élémentaire, il faudrait tout bonnement et simplement décimer l'espèce humaine pour recréer un monde sous la domination de la nature et de l'animal. Aussi surprenant cela pouvait-il paraître, il en était hors de question pour Vixen. Comme quoi, malgré les soupçons flagrants de Tefé face à sa métamorphose, le Red n'avait pas totalement éclipsé Mari. Une part d'humanité était toujours, et indéniablement, présente en elle. Mais pour combien de temps encore? Et que se passerait-il si Vixen parvenait à la faire taire? Deviendrait-elle comme Tefé? Ou pire?

« Il s'est passé tellement de choses depuis la dernière fois... Disons qu'un grand roi m'a ouvert les yeux, il m'a libéré de mes chaines, un peu comme toi cette nuit là. A l'époque je n'étais pas prête à accepter l'évidence mais inconsciemment, tes paroles avaient déjà eu un impact sur moi. Et puis j'ai rencontré Orm... et tout a changé. J'ai sauvé tant d'animaux depuis, bien plus que lorsque j'étais à la Justice League. Seul ce résultat compte à mes yeux. Mais ça ne mérite pas qu'on épilogue sur le sujet n'est-ce pas? Comment va Mercury? »

“On dit souvent que les arbres nous empêchent de voir la forêt ; il est tout aussi juste de dire qu'on ne voit pas les arbres à cause de la forêt.” De Ilya Ehrenbourg / A la rencontre de Tchekhov

Ah! La conversation commençait à prendre une tournure qui inspirait beaucoup plus Vixen. Notamment lorsqu'elle entendait Tefé confirmait ses dires sur la Justice League. En effet, la nature et les animaux ne faisaient pas parti de leurs préoccupations principales, au plus grand regret de Mari qui ne pouvait que constater, impuissante, les dommages collatéraux que ses collègues justiciers pouvaient infliger autour d'eux. Bien évidemment, elle savait qu'ils ne le faisaient pas exprès, ce n'était pas dans leurs intentions de nuire à leur environnement ou aux animaux mais tout de même... Des erreurs que la déesse ne pardonnerait plus aujourd'hui. Mais il y avait tout de même plus important à combattre que ces quelques mésaventures accidentelles. Il fallait d'abord neutraliser ceux et celles qui causaient intentionnellement de bien bien plus gros dégâts. C'était eux les cibles principales. Eux seuls occupaient constamment les pensées de Vixen qui voulait agir à presque chaque seconde de chaque journée. Malheureusement, elle n'avait pas encore la capacité de se passer de sommeil ou de repos. Encore une faille de son humanité qu'elle espérait pouvoir vaincre un jour afin de devenir la parfaite représentante du Red.

Vixen était ensuite ravie d'obtenir des nouvelles de Mercury. Ce chien et cette nuit là, elle ne les avait absolument pas oublié. Cette fameuse nuit où un songe l'avait conduite jusqu'à Tefé. Cette fameuse nuit où toutes ses convictions avaient été chamboulées et remises en cause. Une nuit très importante dans la vie de Mari McCabe, bien qu'elle n'en avait pas réellement eu conscience à l'époque. Mercury allait donc bien, la déesse était sincèrement heureuse de l'apprendre. Elle aimerait d'ailleurs beaucoup revoir ce chien pour le serrer dans ses bras et ainsi se régénérer en énergies positives. Il n'y avait rien de telle qu'une communion sincère et inconditionnelle avec un animal pour recharger ses batteries. Les animaux étaient une telle source d'inspiration, de puissance et d'amour. Vixen ne saurait se passer d'eux comme elle espérait qu'ils ne veuillent jamais se passer d'elle. La déesse était aussi amusée d'apprendre que Mercury, lui, avait déjà tout oublier de ses blessures. Les animaux avaient cette faculté fantastique d'occulter de leurs mémoires ce qu'ils voulaient. Ils n'étaient bien souvent pas rancuniers et cela leur offrait une bien meilleure vision du monde. Ce n'est pas pour rien que l'on dit souvent qu'ils ont la belle vie. Les animaux sont tellement plus intelligents et sages que les humains. Si seulement ils pouvaient tous être comme eux, le monde ne serait pas la mascarade chaotique qu'il était et la paix règnerait enfin. La nature et les choses suivraient leur cours, tout simplement. Pas de fourberies, pas de cruautés, pas de guerres, juste la vie.

Tefé tournait ensuite autour de Vixen. Celle-ci se demandait comment elle la trouvait avec son nouveau look. Apparemment ça ne la choquait pas plus que ça et c'était tant mieux. Cela voulait dire que ça semblait naturel sur Mari. Elle se sentait enfin elle même ainsi. Tefé était impressionnée par les pouvoirs de Vixen et pourtant celle-ci trouvait qu'elle n'avait rien à lui envier. Elle avait bien vu l'élémentaire en action et cette dernière était autant, si ce n'était plus, impressionnante qu'elle. Elle n'avait pas à rougir de ses capacités, loin de là. Tefé lui confiait alors qu'à sa place, elle ne saurait même pas si elle souhaiterait reprendre une apparence humaine. Vixen riait.

« Oh tu sais, il y a des avantages et des inconvénients aux deux. Voilà pourquoi je ne m'embête pas à choisir. Mais toi aussi tu as de sacrés pouvoirs, j'en serai presque jalouse. Tu es véritablement divine Tefé! Incroyable! »

Vixen observait alors Tefé s'approchait de cette pauvre souche. Elle ne pouvait qu'imaginer ce que l'élémentaire pouvait ressentir mais cela devait se rapprocher de ce qu'elle avait ressenti au Botswana, devant le massacre d'un troupeau entier d'éléphants. Cela fendait le coeur de Vixen de voir son amie, car oui elle considérait désormais Tefé comme son amie, ainsi.

« Heureuse? Non. Je ne le serai jamais tant qu'ils n'arrêteront pas. Et nous savons toutes les deux qu'ils n'arrêteront jamais. »

Vixen s'approchait alors lentement, d'une démarche féline, vers Tefé. Puis, une fois devant elle, elle lui caressait délicatement la joue, replaçant sa mèche de cheveux rebelle derrière son oreille. Peut être que l'élémentaire détesterait cela mais il s'agissait simplement d'une marque d'affection et de soutien de la part de la déesse.

« Nous allons les faire payer pour ça Tefé, nous allons tous les faire payer. Mais pour cela nous devons trouver des alliés, nous devons monter notre propre armée. Qu'en dis-tu? »

Vixen était très enthousiaste à cette idée...

“On dit souvent que les arbres nous empêchent de voir la forêt ; il est tout aussi juste de dire qu'on ne voit pas les arbres à cause de la forêt.” De Ilya Ehrenbourg / A la rencontre de Tchekhov

Vixen avait cru déceler dans le regard de sa nouvelle amie que cette dernière n'était pas aussi enthousiaste qu'elle face à l'idée de monter une armée. La déesse était forcément déçue mais elle comprenait et n'en tenait absolument pas rigueur à Tefé. L'élémentaire était foncièrement un électron libre et c'était, entre autre, pour cela que Mari l'appréciait autant. Elle comprenait donc tout à fait que cette idée d'armée et d'union pour régner ne la séduise pas. La réponse de Tefé confirmait d'ailleurs les soupçons de Vixen. La jeune femme préférait effectivement rester seule et tolérait, à la limite, la présence et la coopération de la déesse. Une déclaration qui faisait extrêmement plaisir à cette dernière car elle aussi appréciait agir aux côtés de l'élémentaire. Et Tefé disait vrai, des personnes comme elles, il n'en existait pas autant que les criminels qu'elles traquaient. Mais Mari ne parlait pas de cela. Bien sûr qu'elles étaient uniques, et c'était bien pour cela que Vixen avait en tête de monter une armée, pas seulement d'en faire parti. Elle ne voulait pas être un soldat parmi les autres, non. Elle voulait diriger cette armée, main dans la main avec Tefé. Elle voulait en être à la tête, elle voulait la commander. Pour cela, nul besoin d'avoir des soldats comme elle. Elle avait juste besoin de volontaires motivés et efficaces, avec ou son don. Elle avait tout simplement besoin de partisans qui pourraient accomplir les tâches les plus rudimentaires et basiques afin de l'aider à être sur plus de fronts. Ni plus, ni moins.

« Je sais, tu es un électron libre et c'est pour cela, entre autre, que je t'admire. Mais nous n'avons pas besoin de gens comme nous pour transmettre notre message. Nous avons juste besoin de gens qui pensent comme nous et ça, crois moi, il y en a bien plus que tu ne l'imagines. Ils sont là, partout à travers le monde. Ils attendent simplement que quelqu'un leur montre la voie, que quelqu'un leur insuffle la force et le courage de prendre les armes et de riposter. N'en as-tu pas assez d'arriver toujours trop tard? N'en as-tu pas assez de devoir toujours choisir? Imagine, avec cette armée, nous pourrions être partout à la fois. Nous pourrions avoir des yeux et des oreilles absolument partout, tout le temps. Oh bien sûr, il faudra attendre, une armée ça ne se monte pas comme ça, en un claquement de doigts. C'est pour ça que j'ai besoin de toi Tefé, ta cause ralliée à la mienne, notre cause, rassemblera bien plus de monde, bien plus vite. Le Green et le Red, main dans la main, qui pourrait nous arrêter? »

Et encore Vixen, tu ne connaissais pas encore le Blue. Cela ne saurait tarder et alors l'ambition d'une triade dominante te viendrait. Mais nous n'y étions pas encore, le chemin était bien long et incertain avant ne serait-ce que de pouvoir envisager convaincre Tefé de te rejoindre dans ta croisade. Elle parlait d'ailleurs d'Orm... Orm Marius, Ocean Master, roi des océans... Cet homme, ce roi, ce Dieu qui avait complètement subjugué et séduit Mari. Elle ne savait pas encore s'il serait partant pour cette guerre, elle n'avait pas encore évoqué ce sujet avec lui. Mais quelque chose, au plus profond de son être, la laissait penser qu'il serait tout à fait enclin à participer à cette armée pour laisser déferler sa colère sur les coupables. Vixen l'espérait car, désormais, elle n'imaginait plus poursuivre le combat sans lui à ses côtés.

« Tu sais, cela n'enlèverait rien à ta liberté. Je la respecterai quoi qu'il arrive, sur cela tu peux me faire confiance. Et même si ton aide serait des plus appréciées, je saurais également accepter un refus. Je ne veux en rien te forcer la main Tefé, bien au contraire. Réfléchis-y bien, pèse le pour et le contre. Je ne te demande pas une réponse immédiate mais simplement d'y réfléchir. Et si tu préfères me dire aujourd'hui que tu ne veux plus jamais entendre parler de tout cela, et bien je respecterai ton choix et je t'apprécierai toujours autant. Car le lien qui existe désormais entre nous est indéfectible, que nous empruntions le même chemin ou pas. »

Vixen était sincère, malgré le peu de temps qu'elles avaient passé ensemble, elle tenait Tefé en très haute estime. Qu'elle soit ou non à ses côtés dans ce vaste projet, elle la porterait toujours dans son coeur. Cela était désormais ancré dans sa chair et dans son âme. Tefé et Vixen faisaient parti d'un tout qu'elles seules pouvaient comprendre, atteindre et protéger.

“On dit souvent que les arbres nous empêchent de voir la forêt ; il est tout aussi juste de dire qu'on ne voit pas les arbres à cause de la forêt.” De Ilya Ehrenbourg / A la rencontre de Tchekhov

Je ne vous le cacherai pas, Vixen espérait de tout son coeur que Tefé la rejoigne dans sa croisade. Non seulement parce qu'il s'agissait d'une alliée de taille, puissante et redoutable, mais aussi et surtout parce qu'elle l'appréciait sincèrement. Cependant, la déesse ne mentait pas, elle ne proférait pas seulement de belles paroles. Elle n'en tiendrait aucunement rigueur à l'élémentaire si cette dernière refusait son offre. Tefé était libre de ses faits et gestes, libre de ses choix et de ses décisions. Mari ne la priverait pas de son libre arbitre, et cela même au nom de la cause. Car malgré les apparences, malgré ce que certains pourraient penser, elle préservait, malgré son changement de cap, un code d'honneur. Certes celui-ci était drastiquement différent du précédent, puisqu'elle n'hésitait plus à utiliser la manière forte pour obtenir des résultats, mais il n'en restait pas moins un code d'honneur. Elle n'aspirait absolument pas à devenir un grand cerveau criminel ou une despote à qui tous promettraient allégeance les yeux fermés. Non, Vixen voulait juste agir et obtenir des résultats. Et si pour cela elle devait se salir les mains, alors elle n'hésiterait plus à le faire.

Après le petit discours de Mari, Tefé se mettait à genoux, s'enfonçant progressivement dans la terre. Mari pouvait voir le doute dans son regard, l'élémentaire était perdue entre son désir de suivre son amie et celui de préserver coûte que coûte sa liberté. Elle semblait alors vouloir se connecter à ses racines, peut être pour mieux l'aider à réfléchir. Vixen parvenait toujours mieux à prendre une décision en se connectant au Red. Peut être était-ce la même chose pour Tefé? Ça y ressemblait en tout cas. Mari ne pouvait alors que se contenter de la regarder, ou plutôt de l'admirer. Il fallait l'avouer, le tableau qu'elle lui offrait était sublime. La fusion de la chair et du Green, c'était de toute beauté. Vixen pourrait littéralement rester des heures à contempler ce spectacle. Puis, après quelques instants de flottement, des minutes interminables, Tefé avait enfin relevé la tête vers Mari. Son visage était empli de larmes et de tristesse. Cela tordait le coeur de la déesse qui ne supportait pas de voir son amie dans un tel état. L'élémentaire lui disait alors qu'elle voulait qu'ils arrêtent, peu importe le moyen. Vixen ne pouvait qu'acquiescer. Il était temps que cela cesse. Il était temps que les souffrances et les massacres inutiles, perpétrés au nom de la seule cruauté et cupidité des Hommes, s'arrêtent.

Tefé se relevait alors plus belle et somptueuse que jamais. Les deux femmes revêtaient désormais leurs véritables apparences, celle du Green pour l'élémentaire, celle du Red pour Vixen. Fleurie et sauvage pour l'une, bestiale et primaire pour l'autre. Elles étaient les avatars parfaits de leurs deux éléments. Des ambassadrices accomplies et enfin prêtes à s'allier pour le bien de leurs causes respectives. Tremblez humains, tremblez face à celles qui instilleront peur, chaos et respect sur votre Terre. Cette même Terre que vous avez déjà trop bafoué, souillé et torturé. Ce temps là est révolu, vos crimes ne resteront plus jamais impunis. La souffrance et la colère s'abattront sur vous tant que vous ne cesserez pas. Tels étaient les mots qui raisonnaient dans l'esprit de Vixen, déjà impatiente de faire découvrir au monde ce nouvel ordre, cette nouvelle chaine alimentaire. Elle sentait effectivement que Tefé était prête à trancher, prête à les rejoindre, elle et sa future armée. Elle attendait juste son feu vert, elle attendait juste qu'elle prononce ces quelques mots. Alors, quand elle les entendit enfin, son coeur se serrait et une euphorie incroyable s'emparait d'elle. Tefé voulait bien l'aider, elle voulait bien la voir son armée. Le bonheur et le soulagement que ressentaient Vixen étaient incomparables. Elle fermait les yeux, savourant cette merveilleuse nouvelle avant de prendre Tefé dans ses bras.

« Tu ne le regretteras pas mon amie, nous allons faire de grandes choses ensemble. »

Lui murmurait-elle à l'oreille. Puis, elle se décollait de l'élémentaire pour plonger son regard dans le sien, posant délicatement ses mains sur ses épaules.

« Je ne peux malheureusement rien te promettre, je ne peux te donner aucune garantie. Mais je peux malgré tout t'assurer cela, nous allons tout faire pour éradiquer le mal, même si cela doit se faire par le mal. Nous allons arracher les mauvaises herbes, nous allons extirper le ver de la pomme et nettoyer notre planète de ceux et celles qui lui veulent du mal. Ensemble, nous pourrons y arriver, ensemble nous pouvons en nourrir l'espoir. Aujourd'hui est un grand jour Tefé, celui où toi et moi scellons nos destinées. Mon amie, que dis-je, ma soeur, ta cause devient mienne et je jure solennellement de me battre jusqu'à mon dernier souffle pour toi. Car désormais nous ne formons plus qu'une. La sang et la sève, l'animal et le végétal. Tu seras toujours libre de tes faits et gestes, libre de rester ou de partir. Je ne t'enchaine à rien Tefé, tu le sais, et tu sais que tu peux me faire confiance. Mais tant que tu te battras à mes côtés je serai sereine, sereine de savoir que tu vas bien, sereine de savoir que rien ni personne ne saurait nous arrêter. »

Déployant des griffes acérées, Vixen s'entaillait la main afin de sceller tout ceci par la chair et le sang. Elle tendait alors son autre main à Tefé, attendant que cette dernière lui donne la sienne. Mais comme toujours, elle ne lui forcerait pas la main. L'élémentaire n'était en rien obligée d'accepter ce pacte du sang.