Can there be peace anywhere until there is peace everywhere? || Tracy

Can there be peace anywhere until there is peace everywhere?

Bludhaven. Facile, d’oublier son existence, encore plus quand la violence et le crime étaient devenus une constante dans le monde entier et pas seulement là où on s’y attendait. D’ordinaire, on regardait le cirque qu’était cette ville comme un lion derrière ses barreaux : quoi de plus normal ? Chaque chose était à sa place, Bludhaven était la capitale du crime et le monde tournait comme il faut. Mais le retour à la vie de l’humanité après Terre IV avait fait plonger l’humanité tout entière dans un cycle de violence et d’égoïsme. De solidarité, aussi, et d’entraide, comme toujours. Mais on était bien plus choqué désormais par des voitures en feu et le déploiement de l’armée à Washington ou à New York que les pires horreurs qui pouvaient se passer à Bludhaven ou même à Gotham. Parce que c’était « normal », dans ces villes-là. Alors tout le monde s’en fichait. Si Zee était là, ce n’était pas tant parce qu’une menace occulte s’était élevée dans le coin. Elle avait accepté de rendre service à Dick, tout simplement. Il avait autre chose à faire, avec la mort de Bruce. Et il lui avait dit que l’affaire nécessitait quelqu’un comme elle. Elle avait compris à demi-mots ce qu’il voulait dire : quelqu’un comme elle, ou comme lui, ou quiconque qui possédait un peu de sensibilité, tout simplement. Quand il lui avait expliqué de quoi il retournait, elle avait compris pourquoi, même si elle n’était plus si certaine de faire l’affaire. Mais elle connaissait Dick depuis presque toujours, il était un de ses meilleurs amis, et à lui, comme à tous les autres, elle devait bien cela.

Cela dit, elle n’était pas vraiment en territoire familier, ici. Pas géographiquement, mais parce que cette mission aurait plutôt convenu à Batman ou à un de ses alliés. Il s’agissait de faire parler la rue, de remonter une piste, jusqu’à mettre la main sur une ordure de la pire espèce, et alors… et alors quoi ? Le remettre à la police ? Zee se secoua. On verrait bien. Il n’était déjà pas du tout certain qu’elle arrive jusque-là. Elle était née et avait grandi à Gotham et était depuis toujours impliquée auprès d’associations s’occupant de sans-abri, d’enfants des rues, de refuges divers et variés pour femmes battues, vétérans de guerre et salles de shoot, et tout ce dont elle était certaine à propos de l’univers underground d’une ville comme Bludhaven, comme Gotham, c’était que personne ne lui ferait confiance. Et il n’y avait rien qu’elle puisse faire. Dans l’ombre d’une ruelle crasseuse, vêtue sobrement d’un jean, de baskets et d’un sweatshirt à capuche, tout en noir évidemment, elle observait depuis une demi-heure le petit manège d’un gosse aux cheveux roux emmêlés. Dick lui avait conseillé de commencer par lui. Loggy était un peu le chef des gosses des rues de ce quartier encore plus pourri que les autres. La hiérarchie, dans la rue, était ultra-codifiée, et Loggy savait forcément des choses. La magicienne soupira. Comment donc est-ce qu’elle le ferait parler… Pour l’heure, il apparaissait et disparaissait ponctuellement, servant clairement de messager, ou de livreur, à des types qui venaient lui parler avant de s’en aller.

Dans cette ville, et plus précisément dans ce quartier, depuis quelques semaines, un caïd avait décidé de prendre le pouvoir. Ce qui n’avait rien d’original, en vérité, sauf que ce type-là était une ordure de classe internationale. Et qu’en ce moment où tout le monde préférait compatir avec des coins moins touchés par la criminalité, il avait décidé de passer à l’action. Trafic d’armes, de drogues, et d’êtres humains, la totale, mais il n’avait rien d’un Robin des Bois : il s’en prenait à la faune locale. Enfants des rues, sans-abri, prostituées, habitants les plus pauvres qui n’avaient d’autre choix que de se soumettre. Mais il y avait autre chose encore : Dick lui avait expliqué que Damon Lovegrace – charmant, le nom, pour un criminel – avait une carte spéciale dans sa manche. Il se murmurait dans les rues du quartier qu’il avait acheté les services d’un associé aux dons très spéciaux, et c’était pour cela que Dick n’avait pas voulu envoyer un de ses amis de la police. Le problème, c’était qu’il n’avait aucune idée de qui était ce type et de quelle était la nature de ses « dons ». Magie, méta-humain, ou simplement un type en possession d’une arme spécifique ? Aucune idée. Zee sortit de l’ombre alors que Loggy réapparaissait pour la cinquième fois en une demi-heure, s’adossant à un mur en sifflotant. Bien sûr, il la vit arriver de loin et se redressa, prêt à s’enfuir. « Attends ! C’est Dick Grayson qui m’envoie. » Loggy esquissa une moue qui pouvait tout dire, mais ne bougea pas. Son regard, en revanche, scrutait les environs comme une bête traquée. « Je sais pas ce que vous voulez mais faites vite. Je vais avoir des ennuis à parler à quelqu’un qu’est pas du coin. » Et il lui jeta un regard moqueur. « Tu pourrais me dire où trouver des types travaillant pour Damon Lovegrace ? » Le gosse se changea aussitôt en statue, le visage aussi neutre qu’un battant de porte. « Je peux vous aider, tu sais. C’est pour ça que Dick m’a parlé de toi. » Loggy continuait de l’ignorer, mais elle le vit pâlir petit à petit. Pauvre môme. Finalement, lui saisit le bras, sans la regarder. « N’importe qui dans Seventh Streets travaille pour lui. Même moi. Vous allez faire quoi, me tabasser ? » Là-dessus, il partit en courant et disparut dans les ténèbres de la ruelle derrière lui. Seventh Streets, le nom officieux de ce quartier, constitué de sept rues en damier, le terrain de jeu de Lovegrace. Zee se frotta pensivement le poignet et s’aperçut avec surprise, puis amusement, que Loggy lui avait volé son bracelet en argent. Bon, eh bien il lui avait donné en quelque sorte une réponse. Il fallait qu’en pénètre dans le royaume de Lovegrace, et elle finirait bien par tomber sur un de ses hommes de main, de préférence un salopard adulte qu’elle pourrait « tabasser » à loisirs.

Elle s’enfonça donc dans la ruelle à la suite de Loggy, mains dans les poches de son sweat-shirt, tête basse, à l’affût du moindre bruit, de la moindre silhouette. Ici, tout était différent, véritable jungle urbaine aux lois spécifiques et aux ombres et aux murmures qui rebondissaient contre les murs. En plus, la crise post-Terre IV avait laissé des marques : tout était en encore plus mauvais état qu’avant. Elle avait l’impression de marcher dans la rue d’une ville bombardée. En fait, elle se serait crue retournée à la Londres de New Themyscira. Ici, c’était évident, l’humanité en tant que société ordonnée n’existait plus. Et à peine avait-elle fait une centaine de mètres qu’elle tendit des bruits de lutte. Inquiète pour Loggy, elle se mit à courir, et tomba sur une scène à la fois stupéfiante et familière : une silhouette qu’elle connaissait bien était en train de mettre par terre des types deux fois plus grands qu’elle. Deux étaient déjà hors d’état de nuire. « Tracy ! » Oups, mieux valait ne pas la déconcentrer maintenant. Le temps que son amie se soit débarrassée de son dernier adversaire, Zee l’avait rejointe, non sans assommer d’un coup de pied un des agresseurs qui tentait vainement de se relever. « Pourquoi est-ce que je ne suis pas surprise de te trouver ici, toute seule, en plus… » Elle tendit la main à la jeune femme. Elle était réellement heureuse de la revoir, surtout après tout ce temps, et après tout ce qui s’était passé la dernière fois. Tracy avait ce pouvoir fou d’apaiser toutes les tensions chez la magicienne, rien que par sa présence – enfin, sauf quand elle se jetait tête la première dans la bagarre, exactement comme maintenant.

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Can there be peace anywhere until there is peace everywhere?

Retrouver le chemin du travail a été moins pénible que je ne le pensais. Même si j'ai beaucoup apprécié ces vacances passées avec Luka, revenir à Washington a été plutôt bienvenue. Ces quelques jours chez lui se sont bien passés. Je l'avais rarement vu aussi heureux et apaisé que pendant que nous étions chez lui auprès des siens. Et les voir si proches, si unis m'a rappelé à quel point nous l'étions nous aussi. Nous le sommes encore, bien sûr, mais nous ne sommes plus que deux. Cela a été un peu étrange pour moi de me retrouver à nouveau dans une ambiance familiale. C'était à la fois plaisant et douloureux, ravivant certains vieux souvenirs et certaines déceptions.

Mais après ce temps vraiment incroyable, nous avons retrouvé le chemin du monde, et moi j'ai retrouvé le chemin de S.H.A.D.E et vu la situation du monde, je n'ai pas vraiment eu le loisir de faire du travail de bureau. Entre l'état global de la planète fort dégradé et inquiétant, et les montées de criminalités à de nombreux endroits du monde, nous ont beaucoup occupés. J'ai été beaucoup occupée à régler les conflits impliquant des méta-humains, ce qui n'a pas été si facile que ça, bien évidemment. Après tout, ils ont de bons arguments pour se défendre.

Ce sont les rumeurs de la présence d'un méta-humains - ou au moins d'une personne ayant des dons - aux côtés d'un criminel ayant décidé de prendre le contrôle de Bludhaven. Un certain Damon Lovegrace, accompagné donc d'un bras droit hors du commun. Avant de sortir de l'hôtel dans lequel j'ai pris un chambre, miteuse et délabrée, j'ai pris le temps de vérifier les différentes cartes de la ville, et toutes les informations à disposition de S.H.A.D.E sur les lieux. Les quartiers les plus chauds, qui sont forcément mes destinations obligatoires, mais aussi les petites ruelles reliant les artères de la ville, et les passages permettant de s'extraire des situations difficiles.

Une fois dans les rues, j'ai pris le temps de me promener un peu, histoire de voir la ville. Et clairement, c'est une ville qui ressemble beaucoup à Gotham, dans l'ambiance qu'on perçoit, le délabrement des lieux. Et l'état de la ville après les mois passés dans le sommeil n'aide pas à rendre les lieux plus chaleureux. Loin de m'effrayer pour autant, je ne perds pas des yeux que je dois essayer de vérifier s'il y a bien quelqu'un avec des dons qui prête main forte à un criminel. Hors de question de laisser faire ça. Lovegrace est un problème des autorités et justiciers locaux. Mais s'il y a un joyer extraordinaire, alors la donne est différente. Habillée sobrement, avec un vieux blouson troué et un jean foncé. Je ne suis pas là que pour observer, si j'ai la preuve qu'il y a bien quelqu'un aux capacités spéciales dans l'histoire, je dois le ramener à S.H.A.D.E et vivant tant qu'à faire.

Déjà plusieurs heures que je vais et viens en ville, journal immobilier en main, pour aller d'une adresse à l'autre comme quelqu'un qui chercherait un appartement, mais finalement, dans une petite rue, je tombe sur un groupe d'hommes, et il ne me faut pas quelques secondes pour comprendre que ça ressemble à un coupe gorge. Très vite, l'un d'eux s'approche : « Eh bien ma jolie... Tu es perdue, tu cherches quelque chose ? On peut peut-être trouver quelque chose pour te satisfaire... ». J'arque un sourcil et je dis : « Mhh... Je ne crois pas non. Je veux juste rentrer chez moi... Mais c'est gentil de proposer, passez une bonne soirée messieurs ». Je leur adresse un sourire modéré, simplement courtois. Mais visiblement, ça n'a pas l'air de suffire, puisque l'un d'eux se place pour m'empêcher d'avancer, et un autre pour m'empêcher de reculer. Le premier, se tourne et avance d'un pas, pour me forcer à reculer, comme si j'étais une petite chose simple et douce, fragile et innocente. Quelle erreur.

Pour éviter de me retrouver contre un mur acculée et sans issue, je me décale, mais à l'évidence, la main qui se referme sur mon bras ne veut pas me laisser partir. Je regarde la main et dit : « Vous ne devriez pas... A votre place, je lâcherais ce bras ». Il rigole un peu et me dit : « On va s'amuser un peu... Il y a un droit de passage ici... ». Il n'a pas le temps de poser son autre main sur moi qu'il a déjà pris un coup de genou. Il ne s'y attendait pas et se recule en se pliant. Ses amis tentent de venir à sa rescousse. Peut-être si je n'avais pas été aussi avantagée par mes capacités, j'aurais perdu cet affrontement, mais là, il faut bien avouer qu'entre les cours que j'avais pris plus jeune, ceux dispensés à Ant-farm, et la possibilité de figer mes ennemis au moins en partie, ils n'avaient aucune chance. Je prends quand même quelques coups, surtout quand une voix s'exclame mon prénom. Mon attention est déviée assez longtemps pour que j'en prenne un, mais je ne me laisse pas avoir deux fois et quand le dernier type s'écroule, Zatanna s'approche. Cela fait un moment que nos chemins ne s'étaient pas croisés. Elle reprend la parole et je souris un peu : « Je traîne toujours dans les ennuis, c'est étonnant qu'on ne s'y croise pas plus souvent ». Avec plaisir je lui serre la main qu'elle me tend, sans trop oser faire plus. Notre dernière rencontre, le soir du gala de charité à Métropolis laisse un certain trouble dans mon esprit. Je lui dis : « Tu permets ? ». Et sans attendre, je me penche pour les fouiller, trouvant quelques armes, quelques produits illicites et des téléphones, une fois tout rassemblé, je me redresse et propose : « Eloignons nous un peu ». Je l'entraîne, et demande en marchant : « Qu'est-ce que tu fais là ? ». Je lui jette un oeil puis demande : « Comment vas-tu ? ». Quelques rues plus loin, je m'arrête pour sortir un téléphone pris à Ant-Farm histoire de pouvoir analyser le contenu des téléphones volés à mes agresseurs, tous probablement toujours sur la touche à se tordre de honte. Je soupire un peu en disant : « Si je jette ça dans une poubelle, il y aura surement quelqu'un pour les récupérer n'est-ce pas ? ». Je designe les armes et les produits illicites justement déposés sur un couvercle de poubelle. Peut-être que la magicienne peut faire quelque chose pour les rendre inutiles ?

Can there be peace anywhere until there is peace everywhere?

En serrant la main de Tracy, Zee eut un flash de Metropolis et de comment la jeune femme avait empêché la magicienne de massacrer tout le monde, probablement, même si elle n’en avait peut-être pas eu conscience. Elle se souvint de l’étreinte qu’elles avaient échangée et dut se retenir de ne pas faire de même à nouveau. C’était à croire que c’était devenu une drogue, désormais, comme si le simple fait d’avoir Tracy devant elle lui donnait envie de la prendre dans ses bras. Ou, plus probablement, c’était qu’en ce moment, elle se sentait très seule, très mal et très fragile. Mais elle n’était plus une enfant, elle n’avait nulle mère entre les bras de qui se réfugier et refusait de mettre ses amis à profit. Les adultes étaient censés être fonctionnels et se sortir tous seuls de leurs ennuis. Zee conserva donc le peu de dignité qu’il lui restait et observa Tracy fouiller ses agresseurs. Ici, dans cette ville, dans ce quartier, il y avait neuf chances sur dix que cette attaque n’ait été rien d’autre qu’un mardi ordinaire. En revanche, la présence de Tracy elle-même était extraordinaire. Même si la jeune femme semblait toujours aller là où il y avait du danger, comme guidée par un radar interne déréglé, elle n’y allait pas pour rien. Et quelles étaient les chances que toutes les deux se trouvent dans cet endroit tout pourri pour deux raisons différentes ? Elle suivit Tracy dans les ruelles du quartier alors qu’elles s’enfonçaient un peu plus dans ses entrailles, et l’ordre des questions qu’elle lui posa fit sourire la magicienne. Mais d’abord, se débarrasser des problèmes pratiques. Elle chuchota quelques mots et tout ce que Tracy avait déposé sur la poubelle éclata en bulles de savon. Elle avait cessé de se torturer l’esprit en se demandant pourquoi elle ne faisait pas cela avec toutes les armes du monde. Alec lui avait dit un jour qu’il avait longtemps subi cette torture intime jusqu’à réaliser que même s’il agissait à l’échelle planétaire, cela ne changerait rien, et, désormais moins idéaliste, elle était forcée de se rendre à l’évidence. Si elle détruisait l’ensemble des armes de la planète, les humains en referaient, tout simplement.

« Je vais bien. Je vois que toi aussi, tu as la forme. Tu as… » Elle allait l’interroger sur Terre IV, mais elle changea d’avis. C’est qu’à force de traverser ce genre de crise, tout le monde entamait sa conversation de la même façon. « Alors, cette timeline, c’était comment ? » puis « Alors, ces péchés ? » et ainsi de suite. Il fallait bien avancer, jusqu’à la prochaine catastrophe – imminente. Tracy avait l’air d’aller bien physiquement et c’était déjà pas mal. La magicienne sourit de nouveau. « Inutile de te demander si tu es là pour affaires ou pour loisirs. J’avoue que travailler pour tes patrons a des avantages. » Elle désigna le téléphone que Tracy avait dégainé, curieuse. Autant dire que Zee n’était pas une pro des technologies, et ce uniquement de sa faute, parce qu’elle se servait de la magie pour tout et n’importe quoi. Même ses réseaux sociaux, elle ne s’en occupait pas, sa manager le faisait à sa place. « J’imagine qu’on cherche le même type : Damon Lovegrace. Tu as entendu parler de lui ? Et de son mystérieux bras droit ? Nightwing m’a demandé de venir vérifier de quoi il retournait. Il avait l’air de penser que l’acolyte de Lovegrace avait des dons particuliers, et si tu es là, c’est qu’il n’avait pas tort. On pourrait s’allier, toi et moi. » Oui, certes, Zee n’était pas une fan d'ARGUS, et c'était peu de le dire, mais elle était une fan inconditionnelle de Tracy Trevor depuis leur toute première rencontre dans une fête foraine. Une femme aussi atypique et aux convictions aussi extraordinaires, forcément…

Elle regarda par-dessus l’épaule de la jeune femme. « Quelque chose d’intéressant ? On m’a dit qu’à peu près tout le monde ici travaille pour Lovegrace, mais même le plus vieux des sans-abri préfèrera se faire secouer jusqu’à ce que mort s’ensuive plutôt que de parler. Mais on peut en déduire que n’importe quel club du coin pourrait nous mener à lui. » Les établissement vendant de l’alcool étaient les plus pratiques pour quiconque menait des activités illégales. Il y avait souvent des coffres-forts, des sorties de secours, voire des chambres blindées, les autorités avaient besoin de mandats pour les fouiller et n’importe quelle transaction servait à blanchir de l’argent. Et puis, on n’allait pas se mentir : un voyou ne passait pas tout son temps à la boulangerie ou chez le fleuriste. Cela au moins, ça ne changeait jamais. Mais elle avait dans l’idée que peut-être, Tracy pourrait détenir des informations un peu plus précises. On pouvait dire qu’il y avait une sacrée différence de style, mais Zee assumait totalement : elle n’était absolument pas une détective. « Je suis vraiment contente d’être tombée sur toi ! » C’était sorti tout seul, parce qu’elle était vraiment contente, oui, pour toutes ces raisons-là.

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Can there be peace anywhere until there is peace everywhere?

Pendant que le téléphone de la fourmilière se connecte aux téléphones de mes agresseurs devenus victimes, probablement toujours inconscients dans la ruelle dans laquelle nous les avons abandonnés, je me pose la question simple mais épineuse des armes qui ne peuvent pas se retrouver dans une poubelle. Je pourrais les récupérer, mais j'ai largement de quoi faire avec mon matériel et mes talents ne nécessitant aucune arme. Sans répondre, la magicienne fait son œuvre et tout ce méli-mélo très illégal se retrouve transformé en bulle de savon. C'est un peu enchanteur de voir cela. Et l'espace d'un instant, j'imagine ce que cela donnerait si toutes les armes du monde subissait le même sort. Cela suffirait-il à nous offrir un peu de répit ? Probablement pas. Les Hommes n'ont pas besoin de grand chose pour se battre. Il suffit d'un bon égo et de poings bien serrés. Un sourire s'étire sur mes lèvres et je m'imagine plus jeune, devant une scène à observer un tour de magie si réaliste que même les plus intelligents ne peuvent trouver la ruse et l'astuce. Je lui souris à nouveau et lui dit : « Un problème de moins dans cette ville, c'est un bon début ». Elle prend ensuite le temps de me répondre. Elle va bien. Difficile de faire plus neutre comme réponse, mais difficile aussi de prouver que c'est faux, n'est-ce pas ? Je ne sais pas réellement ce qu'il s'est passé pour elle sur Terre-IV mais les rumeurs et les peurs sont allées bon train. Impossible de mettre des vérités sur tout ça, même une fois rentrée. Trop de flou, et trop de choses à faire, aussi. Elle constate que j'ai l'air d'avoir la forme. Un sourire amusé survole mes lèvres alors que j'acquiesce et arque un sourcil interrogateur à son début de phrase non achevé. Que voulait-elle dire ? Je ne sais pas, mais si elle ne souhaite pas terminer sa phrase alors qu'elle ne le fasse pas. Je n'ai pas envie d'inciter une conversation dont elle n'est pas sur de vouloir.

La suite me fait un peu rire. Elle a sans doute de nombreux défauts, mais elle est loin d'être bête, c'est le moins qu'on puisse dire. Je réponds : « Je ne suis pas pressée de découvrir les inconvénients, alors je profite pendant que je ne les vois pas ». Oh ça... Il y en aura. Aucune organisation secrète n'est parfaite. Il y a forcément des enjeux, des secrets, des manigances, et parfois même un certain manque d'humanité. Mais au final, c'est peut-être aussi un peu pour ça que j'ai signé, non ? Même si S.H.A.D.E semble plus honnête qu'A.R.G.U.S dans les grandes lignes, nul doute que je finirais par prendre la mesure de mon erreur. Je préfère ne pas trop précipiter les choses et retarder le moment où j'essaierais de me battre pour faire changer les choses en bon idéaliste que je suis. J'avise le téléphone qui continue à faire le tri : contact, fichiers, photos, et autres applications de messagerie, tout passe à la loupe à très grande vitesse, sous les petites pattes expertes des programmes conçus par les ingénieurs aussi géniaux que fous de la fourmilière. Elle poursuit ses propos et évoque la personne qu'elle recherche, tout comme moi, et de son bras droit. Cela ne m'étonne pas qu'elle ait des liens avec les divers justiciers, mais comprend aussi qu'elle n'est pas forcément venu de son propre chef. Pas qu'elle ait d'ordre à recevoir d'autres personnes, mais là, il s'agit plutôt d'un service rendu à l'évidence. J'acquiesce un peu et je dis : « Je n'ai pas d'informations très précises sur ce bras droit. Plusieurs rumeurs assez solide pour qu'on y accorde de l'importance. Je suis avant tout là pour vérifier les rumeurs et si elles sont confirmées écarter le bras droit. Lovegrace est l'affaire de la police. Après, si on peut les aider un peu au passage, ils ne seront sans doute pas contre quelques petits tuyaux ». De toute façon, il y a fort à parier qu'on finisse par s'en approcher, même un peu. Et même si finalement, ce n'était pas le cas, on aura sans doute pas mal d'informations à leur transmettre de façon plus ou moins officielle. Après tout, une enveloppe ou un sms crypté avec des infos n'a jamais nuit à personne d'autre qu'aux criminels concernés qui l'ont bien cherché.

Alors qu'elle demande s'il y a quelque chose d'intéressant, je me penche un peu sur le téléphone. Des numéros sans autre chose que des initiales ou des noms de code, quelques fichiers avec des séries de chiffres en cours de décryptage, des photos de surveillance, des outils de pression, et au milieu de tout ça, quelques données gps intéressantes des endroits les plus souvent visités, retrouvés dans tous les téléphones. Je pousse un peu le portable pour lui afficher la carte avec les points marqués en rouge : « Difficile de leur jeter la pierre, ils ont déjà bien assez à faire avec leurs malheurs, pas besoin de rajouter les cases tortures et mort à la liste... Et puis, vu comme ça, c'est vrai qu'on ne devrait pas avoir trop de mal à trouver quelqu'un qui nous mènera où on veut aller ». Je n'ai aucun mal à imaginer que c'est ce qui attendrait celle ou celui qui oserait parler de lui-même. Mais l'avantage, comme elle le dit, c'est que tout le monde travaille pour lui, donc c'est assez facile de remonter les traces. En l'occurrence, ces gars que j'ai sonnés doivent probablement en avoir laissés des tas sur leurs téléphones. Je souris un peu en disant : « Heureusement, pas besoin de forcer quelqu'un à parler. La technologie d'aujourd'hui a beaucoup d'avantages, mais aussi d'énormes inconvénients. Ils ont tous pas mal visité ces endroits-là, une petite visite guidée par GPS, ça vous tente Mme la Magicienne ? ». Je glisse les téléphones dans une pochette prévue pour les couper des réseaux et les range dans mon sac avant de reprendre mon téléphone en main.

Juste avant que je ne me remette en route, elle rajoute quelque chose. L'espace d'un instant, je la regarde avant de finalement sourire et dire : « Moi aussi... En fait, j'aurais même été très heureuse de te croiser plus sérieusement avant aujourd'hui, et après Métropolis... ». Il s'en était passé des choses ce soir-là. Et depuis, il s'en est passé tellement d'autres... Malgré ça, je ne l'ai pas recroisée. Enfin pas réellement. Rien de plus que quelques mots échangés très rapidement une fois ou deux, pour quelques informations d'un sens ou dans l'autre. Et même si on ne se connaissait pas encore beaucoup avant le gala de charité, c'était tout de même très intense ce soir-là. Je finis néanmoins par briser le silence qui s'est installé pour prendre la route et rallier le premier point indiqué sur le GPS qui nous mène tout droit à un bar. « Aller, soyons fou, je crois que je vais t'offrir un verre ». Un sourire amusé supplémentaire illumine mon visage alors que je me dirige vers le fameux bar pour y entrer. L'ambiance est morne, pas incroyable. Il y a pas mal de monde, mais l'endroit n'est pas bondé pour autant. Et la population qui s'y trouve n'est pas très engageante. En fait, dans toute autre circonstance, j'aurais sans doute fait demi-tour sans même aller jusqu'au comptoir, mais là, il faut bien s'y risquer, n'est-ce pas ? Je m'avance jusqu'au bar, me demandant si l'homme qui s'approche déjà de moi ne va pas directement glisser un comprimer de drogue dans ma commande. Je laisse Zatanna commander avant de demander une bière, remerciant le barman d'un signe de tête et d'un sourire poli et mesuré. Ni trop, ni trop peu. Et malgré des tenues adaptées au contexte et au cadre de la ville, nous dénotons quand même très largement. J'attrape ma bière après avoir déposé un billet pour régler lui laissant le plaisir de garder la monnaie et je me dirige vers une table libre. Il faudra faire la conversation en attendant alors je dis : « Alors, qu'est-ce que tu as fait depuis Metropolis ? J'ai l'impression que ça fait une éternité... ». Et c'est un peu le cas en réalité... Malheureusement. Nous avons besoin de quelque chose de neutre, assez intime pour laisser croire à l'illusion de deux amies qui se croisent par hasard, sans en dire trop sur nous non plus. Juste au cas où des oreilles traîneraient. Cela nous laisse aussi l'occasion de laisser traîner nos yeux et nos oreilles, l'air de rien. Après tout, il y aura peut-être une ou deux personnes qui finiront par avoir un comportement digne d'attention.

HJ - Ola. Deux mois, c'est illégal, ça mérite le fouet Sorry

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Zee avait beau lorgner sur le téléphone que Tracy était en train de fouiller, elle devait bien reconnaître que cette partie-là du travail n’était vraiment pas son truc. Non pas qu’elle soit du genre larguée par la nouvelle technologie, mais elle n’avait pas cette patience toute particulière que cela demander de faire ce que Tracy faisait en cette seconde même. Elle n’était pas non plus une flic, ni même une enquêtrice, tout simplement. On ne s’improvisait pas du jour au lendemain détective, elle en avait parfaitement conscience. C’était pour cela aussi qu’elle n’avait pas attendu avant de proposer cette alliance avec Tracy, qui elle au moins possédait les bases de ce travail, sans parler de tout le reste. Zee n’en ressentait aucune honte, parce que, tout simplement, devenir Batman n’avait jamais fait partie de ses projets de vie, et aussi parce que tout le monde avait ses points forts et ses points faibles, pas besoin d’en faire toute une histoire. Bref, elle attendit sagement et bêtement que Tracy lui traduise en mots ce qu’elle avait trouvé sur le téléphone. L’appareil s’était montré généreux : elles avaient obtenu une carte au trésor, de quoi s’engager dans un barathon d’un genre tout particulier, et la magicienne esquissa un sourire. Si elle n’avait pas croisé Tracy, elle aurait peut-être fini par arriver à destination, mais après combien de détours et combien de sans-abri secoués…

Elles se mirent donc en route, ni l’une ni l’autre angoissée par l’ambiance du quartier. Zee avait la violente impression que Tracy appartenait à un passé lointain mais persistant, alors même qu’en vérité il ne s’était pas écoulé tant de temps que ça depuis leur dernière rencontre. Le temps n’était pas le problème, c’était toutes les choses qui étaient arrivées dans ce court laps de temps, qui avaient fini par dilater le cours de la vie de toute l’humanité. Sans parler du fait que pour la magicienne, six mois de son existence lui étaient plus ou moins passés sous le nez. « Merveilleuse idée ! Je crois que ce sera la première fois qu’on boira ensemble ! » Dans un bar pourri dans le quartier le plus mal famé de la ville la plus mal famée du pays, et pour le boulot, mais quand même. Toutes les occasions étaient bonnes à prendre. Tous les regards se tournèrent vers elles quand elles firent leur apparition, mais Zee se contenta de suivre Tracy, qui se dirigea posément vers le comptoir comme si de rien n’était. La magicienne passa commande d’une bière un peu forte, ne serait-ce que pour être sûre qu’elle nettoierait un peu le verre collant que le barman lui fourra dans la main, et deux minutes plus tard, elles étaient assises, à un endroit d’où elles pouvaient observer les gens qui entraient. Les clients buvaient par petits groupes, ou seuls, mais pour le moment, aucun ne semblait en pleine transaction illégale ou discussion suspecte. Ici comme ailleurs, c’était la léthargie qui primait, cette impression que les choses ne s’étaient pas arrangées et ne s’arrangeraient jamais pour les gens comme eux. Zee reporta son attention sur son amie.

« Oh, tu sais… Lutter contre le pire aspect de moi-même – apparemment, la colère ! –, aller en enfer, revenir, prendre des vacances, être envoyée dans une Terre parallèle, croiser son double maléfique, se rendre compte qu’on est tout autant maléfique, se faire sauver par la Justice League au prix de milliers de vies humaines… La routine… » Elle comptait sur ses doigts, plus pour s’occuper les mains que par insolence. Elle savait que Tracy avait probablement sa propre liste, que tous ici devaient encore faire des cauchemars divers et variés. Elle ficha son regard bleu glacé dans celui de la belle blonde. « D’ailleurs, à propos de Métropolis, je n’ai jamais eu l’occasion de te remercier pour ce que tu as fait pour moi. J’aurais vraiment pu trucider tout le monde, ce jour-là, sans toi. » Avec le recul et tout ce qu’il s’était passé ensuite, elle était d’autant plus reconnaissante à la jeune femme. « Tu as un don intéressant. Est-ce que c’est ça qui t’a poussée à changer de carrière ? » Le souvenir de sa discussion avec Tracy à la fête foraine lui revint fugacement et elle sut que, changement de carrière ou pas, les intentions de la jeune femme n’étaient pas différentes. Elle avait juste changé de moyens… Et il fallait bien reconnaître qu’ARGUS avait des moyens. La magicienne baissa les yeux sur son verre. « Après tout ce qui est arrivé, tout ce qui a dû t’arriver personnellement, tu n’as pas changé d’objectif, n’est-ce pas ? » Elle avait eu envie de lui dire de faire attention mais Tracy était peut-être une des rares personnes contre qui ce genre de conseil rebondissait, Zee en était sûre. Et elle n’allait pas commencer à déverser son dégoût d’Amanda Waller ici et maintenant. En fait, le simple fait que Tracy ait fait ce choix important suffisait à ce que Zee commence déjà à remettre en question ce qu’elle pensait d’ARGUS. Non pas qu’elle ne détestait pas cette organisation, sa patronne, ses méthodes, ses buts et le reste. Mais maintenant que Tracy en faisait partie, la magicienne ne pouvait plus se cacher derrière des généralités du genre « tous pourris ».

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Zatanna accepte avec plaisir et enthousiasme mon invitation à boire un verre. Elle relève que cela sera la première fois qu'on boira ensemble et c'est vrai. Pas que je sois très penchée sur la boisson en général, j'apprécie cependant toujours un verre entre copines en général. Bien que dans le cas présent, Zatanna et moi ne sommes ce que l'on pourrait appeler des copines, mais étonnamment l'entente qui s'est établie entre nous au fil de nos rencontres presque toutes professionnelles est plutôt agréable. J'aime la personnalité de la magicienne. Elle a l'air d'être quelqu'un de bien, vraiment. Et je reste curieuse d'en découvrir plus sur elle, même si en général, mes questions sont plutôt tournées sur d'autres choses.

Une fois installées, ce n'est pas difficile de lancer la conversation. L'avantage, c'est que nous avons pas mal de choses à nous dire. Et au moins, on passera pour deux filles qui cherchent juste à se retrouver. Et si quelqu'un venait nous demander ce que l'on fait là, après tout, on ne connaît pas la ville. Un bar est un bar, même dans le pire quartier du pire endroit au monde. Quoique Gotham doit rivaliser avec Bludhaven sur ce plan là. Je la vois compter sur ses doigts au fur et à mesure qu'elle me raconte ce qui lui est arrivé. Et je dois avouer que je suis vraiment surprise de l'entendre parler. Aller en enfer ? Etre aussi maléfique que son double ? Mais... Bon sang ? Est-ce donc ça une vie de personne aussi extraordinaire qu'elle ? Et je trouvais la mienne mouvementé. « Oh... Woah » est tout que ce je trouve à dire sur le moment à la suite de sa liste. Cela me permet au moins de relativiser un peu mes ennuis, n'est-ce pas ? Finalement, ma vie semble être une balade de santé en comparaison de la sienne. Et ça n'est pas si mal.

Elle me remercie pour Métropolis. Je souris un peu, en acquiesçant. C'est normal. « Tu n'as pas à me remercier pour Métropolis, c'est normal... ». La plupart des gens en auraient de même probablement. Et puis, à ce moment-là, je n'étais pas encore aussi obnubilée par mes propres désirs. Je souris simplement. Et à ses questions, je réponds : « En partie oui. Je me sentais plus en mesure de pouvoir le faire ». Mieux armée. Et surtout, c'était l'occasion de ne plus faire n'importe quoi toute seule au risque de mourir. « Et non, je n'ai pas changé d'objectifs. En réalité, il a toujours été le mien, aujourd'hui je le fais juste différemment ». Protéger et servir, je le faisais déjà en temps qu'avocate. À présent, les méthodes et les interventions sont différentes, mais mon but est toujours le même. Je me rapproche un peu de mes parents en faisant ça, même si je sais que ce genre d'agence peut avoir des déviances. C'est aussi ça qui m'a poussé à postuler. Pouvoir voir de l'intérieur et peut-être agir pour empêcher certaines horreurs.

Je marque une pause et je souris un peu. Dehors, il semble y avoir du mouvement, mais le groupe qui s'approche reste dehors. Cela me laisse le temps de dire : « Je me rends compte à présent que toutes les instances du monde ont des bons et des mauvais côtés. Certaines, n'ont presque que des mauvais côtés. Disons que j'essaie encore de trouver comment faire pour changer certaines choses et rendre ce monde un peu plus juste... ». La justice et les tribunaux n'échappent pas à ce que je viens de dire. Des condamnations au faciès ont encore lieu malheureusement. Malgré tous les gens qui luttent pour l'équité entre tous, il reste de très vieux préjugés très ancrés dans les consciences individuelles et collectives. L'armée aussi fait des erreurs ou prend de mauvaises décisions. Même si parfois, ces décisions sont motivées pour de bonnes raisons, les finalités n'en sont pas moins mauvaises. Quant à SHADE et ARGUS, je connais assez ARGUS pour peiner à trouver de bons côtés. Et j'essaie encore d'évaluer jusqu'à quel point Father Time ressemble à Amanda Waller, ce qui n'est pas chose facile : il est aussi occupé que difficile à cerner... Au moins, je suis dans la place, n'est-ce pas ?

Finalement, la porte s'ouvre, et un groupe d'hommes entre. Ils balaient les lieux de regards inquisiteurs et menaçants. Certaines personnes d'ailleurs semblent se ratatiner sur elles-mêmes. Non loin de m'en inquiéter, j'adresse un sourire à Zatanna et lui demande pour continuer la conversation et maintenir notre couverture de fortune : « Et comment va Joshua ? Tu l'as revu depuis la fête foraine ? ». La réponse à cette question m'intéresse. Plusieurs sifflements s'élèvent alors que les regards se posent enfin sur nous. Je ne relève pas, même si certains commencent déjà à s'approcher de nous. L'un d'eux, sans aucune classe, nous demande : « Eh bah alors mes jolies, qu'est-ce qui vous amène chez nous ? ». Difficile de savoir s'il parle du bar, du quartier, ou de la ville. Surement plus des deux premiers, après tout, quand on vit dans un quartier et qu'on y a ses habitudes, on repère vite les nouvelles venues comme nous, n'est-ce pas. Je relève les yeux sur lui, pour le jauger. Puis, j'avise le reste du groupe. 7 ou 8 caïds probablement tous armés. Rien d'engageant s'il faut en arriver à un affrontement, certains se détournent pour aller chercher des verres et s'installer, mais 3 hommes restent près de notre table semblant attendre les réponses avec impatience et appétit à l'évidence. Dégoûtant.

Can there be peace anywhere until there is peace everywhere?

En général, les gens mettaient sur le compte de la magie ce qu’ils ne pouvaient pas expliquer autrement, et pour le coup, ils n’avaient pas tout à fait tort, encore que parfois, il suffisait d’ouvrir un livre ou même d’aller sur Wikipédia pour trouver une explication rationnelle à un mystère, au lieu d’en faire un sujet d’intolérance ou le cœur d’une nouvelle religion. Quoiqu’il en soit, Zee n’avait rien contre ce réflexe bien humain, et qui l’arrangeait pas mal. Mais même la magie, à ses yeux, n’aurait pu expliquer l’effet que Tracy avait eu sur elle à Metropolis, et qu’elle avait en fait toujours eu, la magicienne s’en rendait compte. Même maintenant, même ici, dans cet endroit oppressant, durant ce qui aurait pu être une expérience stressante, la jeune femme ressemblait à la surface calme d’un lac. Non pas que l’eau n’aurait pas pu être troublée par quelque chose, mais elle semblait destinée à retrouver son calme à chaque fois. Sans parler de ce qui dormait dessous… Lors de leur première rencontre, et alors que Zee ne savait rien d’elle et ne l’avait pas encore côtoyée, elle avait cru que Tracy était imprudente, inconsciente ou même téméraire, puisqu’elle semblait en réalité avoir toujours conscience du danger mais choisissait toujours de passer outre. Et à présent, Zee sentait chez son amie une assurance nouvelle. Peut-être qu’elle avait toujours été là, cette assurance, mais à présent, Tracy n’était plus la même personne, et cela changeait pas mal de choses. Et puis, elle n’était plus seule, non plus. Elle ne menait pas son combat seule, elle avait trouvé une équipe. C’est donc avec un calme olympien qu’elle lui assura qu’elle n’avait pas changé de but. Et Zee, qui connaissait très bien l’amertume que pouvait laisser l’impuissance à ne pas posséder les moyens de mettre en œuvre ses ambitions, fut heureuse pour elle, et heureuse aussi de voir que visiblement, tous ces changements n’avaient en rien transformé l’esprit de la jeune femme.

« Je respecte ta philosophie. Je devrais faire des compromis, moi aussi. Le monde est compliqué et il n’y a aucune raison que nos choix ne le soient pas. J’ai un peu trop poussé à l’extrême le côté “sans compromis” de mes convictions et j’ai fini par me prendre le cruel mur de la réalité dans la figure. » Pourtant, elle le savait bien que tout n’était pas tout blanc ou tout noir, elle le savait bien, qu’on ne pouvait pas sauver tout le monde, qu’on ne pouvait pas juger tout le monde, ni condamner tout le monde, et que parfois il fallait lâcher prise sur certaines choses pour faire avancer d’autres choses. Que tout cela prendrait du temps et générerait des choix difficiles et des déceptions. Mais dans un moment de folie et de pression extrême, elle avait fini par refuser cette souplesse d’esprit et au lieu de gagner, elle avait perdu, presque tout. Et puis, chacun avait son propre seuil de tolérance. Zee détestait Waller de toute son âme, mais si un jour elle avait le choix entre s’allier avec elle ou voir le monde brûler… Bien sûr qu’elle ferait ce compromis. En l’occurrence, tout ce qui importait, c’était que Tracy ne se fasse pas avoir par toute cette bande d’acrobates de la moralité, et qu’elle trouve son compte dans cette nouvelle situation. Et c’était plutôt drôle que Tracy lui parle de Joshua à cet instant, car vis-à-vis de lui, la magicienne avait été injuste et même cruelle à l’époque de leur rencontre, alors qu’il était exactement comme Tracy, envers qui désormais, Zee était capable d’un peu plus de réflexion. Mais elle n’eut pas le temps de lui répondre car une bande bruyante était rentrée dans le bar. La magicienne leur tournait le dos mais elle n’avait qu’à suivre le regard de Tracy pour savoir qu’elles allaient avoir de la visite, et bien sûr, ça ne manqua pas.

Elle leva le visage vers les nouveaux venus, jaugeant leur aura. Aucun être surnaturel parmi eux, juste des lourdaud classiques, quoi que lourdement armés. Même pour Blüdhaven, c’était limite choquant. Ces mecs semblaient avoir le droit de faire ce qu’ils voulaient, et elle voulait savoir qui leur avait donné ce droit. Elle se tourna vers les trois restants, qui ne comptaient clairement pas s’en aller, en portant son verre à ses lèvres, y laissant une trace de rouge à lèvres. Elle effleura la marque pourpre du doigt et fit glisser ce dernier sur tout le pourtour du verre d’un geste rapide et éloquent. « Eh bien mais, on vous attendait, bien sûr. Vous parmi tous les hommes de la Terre. » Difficile de ne pas remarquer le sarcasme et le type qui avait parlé se raidit, mais elle lui tendit son verre à ce moment-là avec un sourire chaleureux. Bien sûr, il ne pouvait pas se douter qu’il s’agissait d’un piège, comment l’aurait-il pu ? Mais cela ne l’excusait en rien de la façon dont il les voyait, Tracy et elle. Bien sûr qu’il ne se méfia pas. Bien sûr qu’il se croyait en position de force. Bien sûr qu’il n’imaginait pas une seconde qu’elles puissent le tuer s’il le fallait – non pas qu’elles en avaient envie, en plus. Il prit sa pinte avec un sourire carnassier et goba une grande lampée de bière, et Zee murmura quelques mots à l’envers au même moment. Le bord du verre scintilla fugitivement et le type lâcha la pinte qui se brisa par terre, répandant son contenu. Personne ne pouvait le voir, mais un fil doré reliait désormais la bouche de ce type à celle de Zee, qui sourit encore et lui demanda gentiment : « Ça te dirait de nous suivre quelques minutes ? » Cela déclencha un concert de cris et de rires écœurants, que la magicienne ignora. Elle se leva, adressant un clin d’œil à Tracy. « On y va ? » Elle se dirigea vers les toilettes, un move très classe, non sans se retourner pour adresser un geste aux autres hommes, comme pour leur dire d’attendre ici, geste que leur pote reproduit à l’identique, sans un mot. C’était un contrôle purement physique. Cela aurait été plus simple pour elle de le contrôler psychiquement mais elle haïssait cet aspect de ses dons et s’en servait le moins possible. Mais enfin, elle aurait assez de contrôle pour l’embarquer jusqu’aux toilettes, malgré la résistance qu’elle le sentait lui opposer. Elle poussa la porte des toilettes des hommes, laissa passer Tracy et leur invité et referma la porte, la verrouillant derrière elle. Puis elle avisa les lieux et poussa un cri perçant. « Oh mon Dieu ! C’était plus agréable d’être à New Themyscira qu’ici ! Si j’avais su, j’aurais choisi un autre endroit pour tabasser cet idiot ! » Il n’y avait pas de mots pour décrire l’état des toilettes, sans parler de l’odeur. Le type échappa à son contrôle à ce moment là et sauta en arrière. « Salopes ! Vous savez à qui vous vous attaquez ? » Ah ça c’était marrant qu’il le formule comme ça, vu que c’était justement ce qui les intéressait. Mais Zee se contenta de le pointer du doigt en regardant Tracy, comme pour lui dire « t’as vu, il nous a traitées de salopes… ». Quant à ce qui allait suivre, elle n'avait rien contre le laisser à Tracy.

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Zatanna est étonnante. Étonnante de réflexion et étonnante de remise en question. Elle concède elle-même qu'elle devrait faire plus de compromis. Les choix sont compliqués, ils impliquent toujours du positif et du négatif. Certains choix impliquent plus de négatif que d'autres, mais parfois, il faut accepter de faire quelque chose qui nous parait néfaste et inconcevable pour réussir à faire plus grandiose que ce que l'on aurait jamais pu penser. J'essaie d'éviter d'avoir à faire ce genre de choix. Le dilemme du tramway en quelque sorte. Sauver une personne de sa famille, ou cinq inconnus. Cette décision est si cruelle. Mais cela dépend de qui se trouve sur la voie. Cela dépendra toujours de cela. Et aucune décision n'est bonne ou mauvaise. « J'ai été comme toi aussi... Je prônais des valeurs justes, sans tolérer que les autres puissent en faire autrement... Mais je crois que les choses ne l'ont jamais été et ne le seront jamais, mais qu'on peut les influencer dans un sens ou dans l'autre. J'ai toujours voulu protéger les autres, j'ai l'impression qu'il fallait que j'aille là où cela pourrait déraper gravement ». Au tribunal, cela peut déraper. Les injustices, le racisme, la corruption. Tout comme dans la police. J'aurais passé le reste de ma vie à lutter contre ça, à tenter de faire changer les opinions. Mais les agences comme ARGUS ou SHADE peuvent faire tellement de choses. Créer des choses également. Et cela peut avoir tellement de conséquences. Quant aux gens qui sont dans leur viseur... personne n'est vraiment à la hauteur pour les protéger en cas d'erreur, n'est-ce pas ? D'erreur volontaire ou involontaire d'ailleurs. Il y a tant de raisons qui me font penser qu'aujourd'hui ma place est bien là où je suis et pas ailleurs. Pas seulement cette différence énorme de conséquences - même si la justice peut avoir aussi une influence sur un très grand nombre de vies - il y a aussi l'évolution du monde et les diverses catastrophes plus ou moins naturelles qui surviennent. Invasion extraterrestre, et autres joyeusetés du genre. Et mes pouvoirs. Eux aussi, ils ont changé beaucoup de choses. J'ai grandi. J'ai vu des choses. Et cela ne me fait plus aussi peur qu'avant d'être confrontée à la violence et à la mort.

Un groupe d'hommes entre et après nous avoir sifflées certains s'approchent et l'un d'entre eux nous parle. Zatanna ne tarde pas à lui répondre, avec un peu de sacarsme, tout en glissant son doigt sur la trace de rouge à lèvres laissée sur son verre. L'homme se raidit. Elle lui tend son verre. Sur le moment, je ne comprends pas, je le regarde faire, victorieux, mais la magicienne a sûrement une idée en tête, alors je la laisse faire, en confiance. L'homme lâche la pinte. Par obligation ou juste pour empêcher la jeune femme de boire à nouveau ? Ou sous la surprise ? Difficile à dire. Mais lorsqu'elle lui propose de les suivre, et qu'elle se lève, le clin d'œil confirme que tout ça et tout à fait dans son plan. C'est presque trop facile. Avec légèreté, je la suis jusqu'aux toilettes, alors qu'elle enjoint les autres d'attendre, imitée par l'homme qui la suit. Hypnose ? Charme ? Peu importe. J'entre la première, suivie de l'homme et de Zatanna qui ferme et verrouille la porte. L'endroit est... clairement pas dans mon top trois des endroits les plus propres au monde et la magicienne s'exclame que New Themyscira était plus agréable et je ne peux m'empêcher de sourire et d'acquiescer. C'était en ruine et dangereux, mais là... ah non, vraiment. Je grimace un peu. Un rire s'envole tout de même de mes lèvres et finalement, l'homme se recule et nous insulte avant de nous poser une question. Zatanna le pointe du doigt et Tracy roule des yeux : « Non, pas vraiment. Tu peux peut-être nous expliquer ? ». L'homme s'énerve et s'apprête à sortir l'une de ses armes. Je m'avance et lui recule encore jusqu'au mur, visiblement méfiant. « A ta place, je ne ferais pas ça... Tu as vu de quoi on était capable, à ton avis, est-ce que tu auras le temps de te servir de tout ça avant qu'on se protège ? Laisse-moi t'aider à trouver la réponse : c'est non. Tu seras mort en premier... ». Je souris un peu amusée alors que quand même, il décide de sortir une arme. Et sans même chercher à attraper la mienne ou attendre que la magicienne réagisse, je m'avance et lui offre un coup de genou à l'entrejambe. Il se plie en deux et je récupère l'arme qu'il s'apprêtait à sortir. L'avantage de SHADE, c'est que j'ai appris à utiliser pas mal d'armes, les charger ou au contraire les désarmer. Je retire le chargeur, la balle dans le canon et pose l'arme vide sur le meuble de l'évier veillant à ne rien toucher pour ne pas être salie. Puis, je lui dis : « Oh aller, si on ne t'abîme pas, tu pourras toujours te vanter auprès de tes copains... ». Un sourire en coin apparaît sur mes lèvres, un peu moqueur et j'adresse un regard amusé à Zatanna.

Il n'a pas l'air de passer un bon moment. Pourtant, il trouve quand même la force de dire : « Tu vas me le payer sale petite pute... Vous croyez vraiment pouvoir vous en prendre à nous à deux ? ». Il appuie sa phrase d'un rire un peu cruel. Je penche la tête en le regardant. « Tout ce qu'on veut, nous, c'est visiter la ville... Rien de plus. Enfin, on pourrait s'y installer, qui sait. Mais bon, s'il y a quelqu'un à rencontrer pour le faire, on n'est pas farouches tu sais... ». La façon de le dire est provocante, évidemment. Dans le fond, c'est le but. Il grogne un peu. Derrière la porte, personne ne semble vouloir l'aider. Il dit : « Quand on en aura fini avec vous, vous nous supplierez de recommencer... ». Un nouveau rire franchit mes lèvres. Le voilà bien arrogant et prétentieux. Je crois plutôt que quand on en aura fini, il ira probablement se planquer dans le plus petit trou de cette ville histoire de se faire oublier tant il aura honte. « Tirez-vous ou je vous jure qu'on vous tuera toutes les deux... Quoique... Vous pourriez sûrement nous être utiles, vous êtes jolies, des gens pourraient être intéressés par votre joli duo, il faudrait juste faire un effort vestimentaire, si vous voyez ce que je veux dire... ». Son regard et son sourire se font plus pervers. Je retiens ma grimace, et je me redresse pour ouvrir un peu la fermeture de mon blouson et tirer un peu sur mon débardeur pour me pencher, dévoilant légèrement ma poitrine, et demander : « Tu veux dire comme ça ? ». Je le regarde et me demande si je ne veux pas encore le frapper, parce que vraiment, il le mérite. Il sourit et dit : « Ouais ma jolie... On pourrait vous trouver une bonne place dans notre club... ». Un club. Un strip club ? Ou un club privé ? Ca doit bien se trouver, ça non ? Mais comme je me lasse, je me redresse et l'immobilise finalement. Lui tout entier. « Quel gros con... ». Je roule des yeux et je m'approche pour fouiller ses poches en cherchant son portable. « Faisons ça discrètement, il va rester comme ça quelques instants, je range son portable et je laisse reprendre ses mouvements. On pourra s'en aller, enfin, disons qu'on sort de cette pièce immonde ». Je sors mon propre téléphone et laisse les programmes de SHADE faire leurs petits trucs. Juste assez pour entrer. Puis, je fouille en cherchant des infos. « Quelle surprise... un club de strip-tease privé... Surement rien de très légal ». Je prends quelques autres infos puis range son téléphone, en me tournant vers elle pour qu'elle reprenne sa place et je me remets là où j'étais pour le libérer de son immobilité. Il semble confus, mais se ressaisit vite sans se douter de rien.

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Voir le type porter la main à sa taille fit sursauter Zatanna. Encore le genre de retour à la réalité dont elle avait souvent besoin. Elle avait déjà oublié qu’elle avait affaire à des humains, des humains de la pire engeance, alors bien sûr que ce type était armé, mais ça lui était déjà sorti de l’esprit. Pour elle, tout était magique, et tout suivait le grand flux de l’énergie cosmique, du centre de la Terre à la pointe de ses cheveux… et tout d’un coup un voyou dans des chiottes dégueulasses tentait de prendre son flingue pour les tuer sur place et elle était encore à essayer de calmer les battements de son cœur que Tracy, heureusement, avait déjà réagi. Zee elle-même savait qu’elle pouvait se protéger avec un bouclier magique, si elle y mettait un peu du sien et si elle était dans un bon jour, avec de bon réflexes, mais il n’en allait pas de même pour son amie, qui pourtant ne sembla pas s’inquiéter. En quelques secondes, c’était terminé, et Tracy avait désarmé le type, non sans rendre service à la moitié féminine de l’humanité en lui brisant l’entrejambe au passage. Ça ferait des vacances à certaines cette nuit. S’ensuivent des paroles répugnantes, mais même pas originales, tristement banales, en vérité, auxquelles Tracy n’eut aucun mal à répondre. Zee voyait bien à quel jeu elle jouait et elle resta en arrière en répondant à ses sourires et à ses regards, même si tout ce à quoi elle pensait, c’était à un karcher rempli d’eau de javel, une tonne d’éponges en aluminium et mille cinq cent tonnes de bombonnes de désodorisant. Fallait-il que son cas soit grave pour que tout ce à quoi elle pensait en cette seconde, c’était faire le ménage dans ces toilettes de l’enfer.

Le type était moyennement coopératif. Il ne pouvait pas s’agir que de bêtise ou d’inconscience : il devait vraiment se croire capable de leur faire payer ce sale moment qu’elles lui faisaient passer, lui ou… son patron. Cette confiance absolue était un peu inquiétante, et, de manière plus immédiate, assez pénible, car il lâchait très peu d’infos, ce qui commençait à agacer la magicienne. Cependant, Tracy ne sembla pas perdre son calme et soudain, le type s’immobilisa. Zee s’approcha alors que son amie refaisait le coup des téléphones portables, pour observer le type, fascinée. Elle approcha la main de son visage comme pour tenter de sentir quelque chose, une aura, un pouvoir, n’importe quoi. « Il faudra que tu m’expliques comment tu fais ça. C’est impressionnant, en plus d’être utile. » Elle recula le temps que son amie rende sa liberté au gros bras, qui dodelina de la tête une seconde avant de prendre exactement là où il s’était arrêté, avec des paroles à base de menaces, d’insultes et de vulgarités. Sauf que maintenant que Tracy lui avait extorqué ce dont elles avaient besoin, il ne leur était plus utile du tout, et il n’y avait plus aucune raison qu’elles supportent ses infantilités. Zatanna ne savait pas pour Tracy, mais en ce qui la concernait, l’homme qui avait su la charmer était à des milliards d’années lumières de celui-là niveau expression orale. Elle claqua des doigts et la tuyauterie des lavabos des toilettes – on se demandait à quoi ils servaient vu que clairement aucun des hommes qui passaient par ici n’y prêtait attention – se mit à grincer et à trembler. Puis l’eau jaillit de tous les robinets, d’une belle couleur rouille, à la grande horreur de Zee, qui recula en tirant Tracy par le bras. « C’est au-dessus de mes forces. Je suis allée en enfer, mais je ne peux plus rester ici. » Ou alors, elle allait dégobiller sa bière déjà pas très bonne.

Le type leur sauta dessus mais les jets d’eau formèrent un mini vortex qui le repoussa et le projeta la tête dans une des cuvettes. Probablement qu’elle n’aurait pas souhaité un tel sort à son pire ennemi, mais tant pis. Elle referma la porte des toilettes dès que Tracy et elle furent sorties, alors que des hurlements jaillissaient de l’autre côté, et que de l’eau commençait à filtrer sous la porte. Il était temps de s’en aller ! Elles retraversèrent la salle où bien sûr, les potes de l’autre s’interposèrent pour les empêcher de passer. Dans l’urgence, Zee n’avait pas toujours de bonnes idées, mais ses idées étaient toujours efficaces, c’était déjà ça. Elle commença par quelques coups de poing et de pied bien placés, mais lassée et pressée de sortir de là, elle finit par donner vie à tout le mobilier du bar, sans parler de la vaisselle, et bientôt, l’endroit ressemblait assez à un Fantasia de l’angoisse pour occuper tout le monde, permettant à Tracy et à elle de sortir à l’air libre. L’air de Blüdhaven n’était pas la Suisse non plus, mais comparé aux chiottes de tout à l’heure, c’était le paradis. « Désolée, avec ça, toute la ville va probablement être au courant qu’on est là et qu’on cherche quelqu’un, dont le quelqu’un concerné. » Elle laissa échapper un soupir discret en passant la main dans ses cheveux juste pour vérifier qu’aucune matière suspecte ne s’y trouvait. « Un club de strip-tease, alors, hein ? Et privé… J’imagine qu’il y a une liste pour y entrer. Si tu n’as rien contre intercepter et tabasser les deux premiers clients qu’on verra approcher, je peux nous donner leur apparence. » Et si ça, ce n’était pas un plan qui avait toutes les chances de foirer à un moment ou à un autre, elle ne savait pas ce que c’était.

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Can there be peace anywhere until there is peace everywhere?

S'il y a bien une chose que j'ai apprise à SHADE, ce sont les différentes réactions possibles en cas de présence d'une arme, quelle qu'elle soit. J'en ai passé des heures en salle d'entraînement, à apprendre à désarmer, différentes personnes, différentes carrures, avec différentes armes. J'ai encaissé un certain nombre de coups aussi, et d'échecs. Mais aujourd'hui, je n'ai plus vraiment besoin de réfléchir. Parce que face à une arme, c'est réagir plus vite que l'autre personne, ou mourir. Au mieux être blessé, mais un homme comme lui doit probablement savoir assez viser pour réussir à nous tuer dans une si petite pièce. Alors lorsqu'il sort la sienne, ce n'est pas vraiment un problème. Et comme il n'a pas l'air d'avoir très envie de coopérer, il faut bien entrer un peu dans le jeu. Mais finalement, je perds un peu patience et récupère directement les informations à la source, histoire d'aller au plus rapide. Et pendant qu'il est figé, Zatanna me dit qu'il faudra que je lui explique comment je fais. Epineuse question que celle-ci puisqu'en réalité, je ne suis pas sûre moi-même de tout comprendre. Même si je comprends mieux le résultat final, pour le reste, c'est encore assez flou. Je souris un peu amusée et je dis : « Aucun problème, mais quand on sera sorties d'ici... ». Parce que cet endroit est vraiment vraiment sale et que si on s'attarde trop, l'odeur risque de s'incruster sur nous. Et rien que cette idée me répugne au plus haut point. Et pourtant, j'en ai vu des toilettes de bar... Zatanna se replace et je libère l'homme de l'immobilité que je lui avais imposée quelques instants plus tôt. La confusion ne dure qu'un temps, pendant lequel Zatanna dit que c'est au-dessus de ses forces de rester ici, et cela, même alors qu'elle est allée en enfer. Pour moi-même, je note : « L'enfer doit être tellement plus propre, la chaleur ça détruit tellement de bactéries et de microbes ». Et d'un coup, cela semble être une destination paradisiaque que j'ai soudainement envie de visiter. Je souris amusée et quand l'homme se jette sur nous, mais les jets d'eau déjà provoqués par Zatanna se transforment en vortex pour le projeter dans la cuvette des toilettes la plus proche. Un haut-le-cœur me monte, et je sors de la pièce à la suite de la magicienne sans me faire prier. Je grimace alors que des cris s'élèvent à l'extérieur. Et de fait, le reste du groupe s'oppose à ce qu'elles puissent sortir. La magicienne commence par se battre de façon classique, à coups de poings, ce que je ne tarde pas à imiter pour lui prêter main forte. De temps à autre, je jette un œil vers elle et note qu'elle se bat vraiment bien. Mais lassée par cet affrontement physique, elle décide d'y ajouter un peu de magie en insufflant vie à tout le mobilier du bar qui se jette dans la bataille. Cela nous laisse le temps de sortir. Une fois dehors, j'inspire une profonde goulée d'air, plus pour respirer un air moins pestilentiel - enfin cela reste encore à prouver vu la ville et son niveau de crasse et de pollution - que par réel essoufflement.

Elle prend le temps de s'excuser, car avec toute cette agitation cela risque d'attirer l'attention. Mais dans le fond, ce n'est pas si grave. Bon, elle aurait sans doute préférée faire les choses avec plus de discrétion, mais le but est d'avoir l'information. Après, tant qu'elle n'évoque pas faire partie d'une organisation de surveillance secrète devant des criminels, c'est plutôt ok. Elle lui dit : « Eh bien, disons qu'on devrait atteindre notre objectif plus vite... ». En effet, dès que la rumeur va monter aux hautes sphères de l'organisation de Lovegrace que deux magiciennes - ils feront sans doute ce raccourcis barbare - sont en ville et traînent dans les bars, ils vont sans doute chercher à les trouver. Pour en faire quoi ? Difficile à dire. Dans l'hypothèse de la présence d'un méta-humain, s'il peut contrôler les émotions ou les esprits, il pourrait chercher à nous rendre dociles, un peu comme le marionnettiste sous le contrôle duquel je me souviens être tombée dans le bartpoint. Mais il faudrait que cela soit vraiment un énorme manque de chance que sur l'infinité de possibilités de pouvoir qu'il pourrait avoir - s'il y a vraiment un méta-humain - ce soit ce genre de capacités qu'il ait. Mais je n'ai pas la réputation d'être chanceuse alors cela ne m'étonnerait même pas. Mais je préfère ne rien dire, histoire de ne pas forcer le destin. C'est sans doute un peu superstitieux, mais bon. Je frotte ma veste alors même qu'elle n'est ni neuve, ni même en bon état, puis je réponds à sa proposition de plan : « Ça me semble bien. Même si cela ne dure pas, je pense qu'une fois rentrées, on ne devrait pas avoir trop de soucis, ils seront sans doute trop occupés pour nous repérer, on se fondera sans doute facilement dans la masse ». Sauf s'il n'y a que des hommes, là, cela pourrait être plus compliqué. Et bizarrement, c'est un peu l'impression que j'ai. Il ne me reste qu'à jeter un oeil au plan qu'on vient de m'envoyer pour savoir dans quelle direction aller. Je ne tarde pas à me mettre à marcher, puis, je demande : « Alors, tu es allée en enfer ? C'est comment là-bas ? ». Je suis à la fois impressionnée, effrayée et amusée. Et je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi. Mais ça, c'est sans doute une question que je ne peux pas encore poser. Malgré la proximité physique qui a été la nôtre à Metropolis, nous ne sommes sans doute pas encore aussi proches. Peut-être un jour, qui sait. Je fais craquer ma nuque et avance dans la rue en envisageant tout ce qui pourrait se passer. Finalement, je dis : « Je te propose qu'on commence par observer et essayer de repérer le plus possible de visages. On ne pourra peut-être pas repérer le bras droit tout de suite. Quant à Lovegrace, plus on aura d'infos, plus on pourra en donner aux forces de l'Ordre, vu que nous ne sommes pas là pour l'empêcher de nuire ». Difficile de résister à l'envie de l'envoyer pour de bon en prison, mais pour ma part, je suis simplement censée observer et essayer de découvrir si le fameux bras droit a des pouvoirs ou non. Par la suite, les instructions de SHADE seront peut-être réajustées. Mais si je devais l'exfiltrer, alors ils m'enverraient sans doute des renforts. En avançant, je regarde partout autour de nous, je repère les rues et ruelles, toutes les ouvertures qui s'ouvrent dans les murs : portes, fenêtres et autres grilles. Je constate simplement alors qu'un frisson remonte le long de mon dos : « Ce n'est clairement pas ici que j'élèverais mes enfants... ». Oh ça... Clairement pas. Je peux comprendre que les habitants y soient attachés. Un peu comme les habitants de Gotham qui se sont pour certains habitués à l'ambiance si particulière et si sombre de la ville. Mais moi, campagnarde d'origine, reconvertie en citadine habituée à son cadre de vie confortable et relativement sécurisé, il faudrait vraiment que je sois forcée de m'y installer pour que j'accepte ça.

Une fois aux alentours du club, je m'arrête et je souris un peu en disant à voix plutôt basse : « Plus qu'à attendre ceux qui vont s'approcher pour entrer. Il n'y a pas trente-six possibilités. Ceux qui ne s'arrêteront pas directement en voiture devant, pour y être déposés passeront par cette rue ou par cette autre rue ». Je désigne la rue dans laquelle on se trouve d'abord, et notamment la direction de laquelle on vient, puis, la rue juste en face beaucoup plus dégagée et un peu trop claire pour le coup, ce qui ne nous aiderait pas vraiment à être discrètes. Après un examen de la rue, qui est bien entourée par des maisons dont la plupart des volets sont fermés. Et après un moment, je choisis l'endroit qui semble le plus sombre, parce que le lampadaire est brisé et n'émet donc plus aucune lumière, tout comme son voisin, plongeant cette partie spécifique du trottoir dans l'ombre. Je m'appuie au mur, et je dis : « Au moins, ici, c'est plus propre... ». L'odeur est largement meilleure aussi, même si ce n'est pas encore parfait. Je regarde vers le club, alors que trois personnes y entrent après être sorties d'une voiture qui s'éloigne, attestant de la présence d'au moins une autre personne dans la voiture pour la conduire. Je me demande si le chauffeur reviendra. Peut-être y a-t-il un parking un peu plus loin, mais cela ne nous aiderait pas forcément plus. Je garde le silence un instant. Il ne faut que quelques minutes pour qu'au loin deux silhouettes se profilent. Chance ou destin ? Les choses s'arrangent plutôt bien. Mais en même temps, peut-être est-ce aussi la volonté de Lovegrace d'éviter que des groupes trop nombreux ne rentrent, histoire d'éviter d'attirer l'attention de personnes qui pourraient vouloir reposer le cadre de quelques lois en vigueur dans l'état. Je lui dis : « On fait ça discrètement, juste besoin de les sonner quelques heures histoires d'être tranquilles, ils auront l'air bien malins quand ils se réveilleront dans les poubelles. ». L'autre porte une veste grise et est un peu plus petit. Cela ne me dérange pas plus que cela d'imaginer cela. Je n'aime pas tellement le fait que le corps des femmes soit ainsi utilisé pour le plaisir d'une poignée de bêtes. Même si la sensualité est quelque chose que je connais bien, dans ce genre d'endroit, cela perd un peu de sa nature, je trouve. Pour autant, cela peut rendre accessible à certains hommes des choses qu'ils ne pourraient pas avoir. Mais il faut que ce soit consenti. Et j'ai comme l'impression que l'on risque de découvrir que toutes les femmes dans ce club ne sont pas entièrement d'accord avec tout ce qui se passe. Lorsqu'ils passent à notre hauteur, je n'ai qu'à lever les mains pour les immobiliser. Cela me permet de sortir de petites doses de tranquillisants de mon sac, histoire de les endormir. Je commence déjà à fouiller leurs poches, histoires d'avoir des identités, puis avec l'aide de Zatanna, les deux endormis finissent tout droit dans la poubelle. Il n'y a plus qu'à endosser leurs apparences et à profiter d'un séjour dans ce qui doit être pour eux le plus beau des paradis.

Can there be peace anywhere until there is peace everywhere?

Zee n’aimait pas trop proposer des plans, parce que souvent ses idées n’étaient pas très réalistes, vu qu’elles reposaient quasiment toujours sur ses pouvoirs, et la magie, on le savait bien, ça ne marchait pas toujours et ça ne convenait pas à tout le monde. Et aussi, et surtout, c’était beaucoup trop de responsabilité pour elle. Mais d’ordinaire, ses plans étaient acceptés puis ignorés par le reste de sa team adorée, comme s’ils voulaient lui faire plaisir sur le moment puis la rassurer en faisant n’importe quoi et en endossant eux-mêmes la responsabilité de leurs conneries. C’était un peu un gimmick de la Justice League avec lequel elle avait appris à vivre et probablement qu’elle avait même fini par trouver ça confortable, ou en tout cas par s’y habituer, de sorte qu’elle se sentit un peu nerveuse quand Tracy valida son plan sans le remettre en question et dut se retenir de lui dire que c’était une blague et qu’il ne fallait pas la prendre au sérieux. Puis ce petit moment de panique passa, parce que déjà, elle était parfaitement capable de jeter un sort d’illusion aussi facile sur elles deux, elle pouvait déjà le faire à dix ans, et en plus, son amie avait raison : il s’agissait juste de rentrer dans le club, en arborant la tronche de ceux qui étaient inscrits sur les listes VIP. C’était ça ou se faire passer pour des strip-teaseuses, mais tant qu’à faire, Zee préférait se changer en riche client. Elles se mirent en route, et parce qu’elles étaient elles, leur small talk porta sur l’enfer. « Surpeuplé. Et très mal fréquenté. Perpétuellement en guerre à cause de quelques démons mégalomanes, et au milieu, des humains qui se font torturer pour l’éternité. » Bref, une étoile sur Yelp, elle n’y retournerait pas.

Entre cette discussion et le décor, l’ambiance devenait chargée. Du coup, Zee aurait adoré en savoir plus sur cette histoire d’élever des enfants, et tant qu’à faire qui était l’autre partie concernée, tout ça, le genre de choses qui passionnaient la magicienne – oui, la vie privée des autres –, mais elle se retint parce que Tracy était déjà revenue aux choses sérieuses. Elle tiqua un peu en l’entendant dire qu’elle n’était pas là pour arrêter Lovegrace, puis se rendit compte qu’elle avait raison. Elle avait les pieds sur terre, alors que Zee continuait de flotter au-dessus de la réalité sans avoir vraiment idée de ce qu’elle comptait faire si elle mettait la main sur le caïd. Mais en vérité, elle était contre le principe de la justice personnelle, même si elle se doutait que la police de Blüdhaven n’était pas fiable. Et pourtant, il fallait suivre les règles, il fallait s’y tenir et ne pas succomber aux sirènes de la justice perso. D’ailleurs, Dick aurait été d’accord avec elle et c’était lui qui lui avait demandé de venir fouiner ici. Elle acquiesça donc et écouta les directives de Tracy, qui avait déjà repéré la configuration des lieux. Tout fut rapide et efficace – encore quelque chose à quoi Zee n’était pas habituée. Rapide, efficace, et surtout, discret. Elle laissa son amie gérer leurs deux cibles, utilisant à nouveau ce pouvoir étrange et un peu inquiétant, il fallait bien le dire, et nota de reposer la question à Tracy plus tard, jusqu’à ce qu’elle celle-ci lui explique de quoi il s’agissait ou lui réponde qu’elle ne voulait pas lui répondre. Elle tira un des types dans une ruelle sombre et l’abandonna à sa juste place, dans les poubelles, pendant que Tracy faisait de même. Puis elle se planta devant eux pour les observer quelques secondes, avant de hocher la tête. « Okay, c’est parti. noisullI ! » Elle sentit sa peau la picoter légèrement alors qu’un voile de magie la recouvrait, et regarda Tracy pour vérifier que son sort avait marché, car elle-même ne pourrait voir que sa propre apparence, comme Tracy, à ses propres yeux, n’aurait pas changé.

Ouaip, ça avait marché. Zee récupéra le portefeuille de sa victime pour pouvoir montrer son permis de conduire au videur. « On peut y aller. Comme tu peux le constater, nos voix n’ont pas changé, juste nos apparences, donc il faudra se la jouer agent du FBI à l’entrée. » Et si le vigile trouvait sa bizarre, eh bien… Elle improviserait. Elle se dirigea vers l’entrée du club d’un pas un peu plus lourd que d’habitude, histoire de ne pas attirer l’attention avec une démarche un peu trop inhabituelle pour la stature qu’elle était censée incarner. Elle s’avança vers le videur à l’entrée, en costume cravate et oreillette – ça se prétendait chic, mais ça restait un club de strip-tease où l’on venait se rincer l’œil, et c’était pathétique. Elle afficha un air de bouledogue et colla le permis de conduire de sa victime sous le nez du vigile, qui vérifia sur sa liste et s’écarta pour la laisser passer sans autre réaction. Zee savait qu’être riche permettait tous les comportements, même les plus bizarres. Ce type en avait vu d’autre. Elle pénétra dans le club, Tracy sur les talons, et observa les lieux avant de dissiper le sort, juste au cas où. Vaste salle divisée sur deux étages, lumières tamisées, musique d’ascenseur, des serveuses qui allaient et venaient agilement entre les tables, une majorité d’hommes, mais quelques femmes également. Clairement pas leurs femmes – il y avait une chance que quelques-unes soient dans un délire bizarre d’aller voir des strip-teaseuses au bras de leurs maris, mais pas autant, tout de même. Tout était une question de pouvoir ici, et le pouvoir passait certes par l’argent, mais aussi par la représentation, et visiblement, on se faisait fort d’exhiber aux autres la dernière jeune escort en date payée très cher sur Internet – good for you, girls. Elle espérait que ces filles se faisaient plein de thunes sans trop devoir donner de leur personne. Mais quoi qu’il en soit, la présence de femmes autres que les strip-teaseuses allait leur permettre de laisser tomber le déguisement avant qu’un de ces vieux types ne les reconnaissent et ne viennent leur taper dans le dos. Elle attira Tracy dans un coin sombre et dissipa sa magie. « Mh, on n’est pas assez sapées pour cet endroit, je doute qu’on nous laisse monter à l’étage. » Là où devait se trouver Lovegrace, ou des proches à lui. Là encore, il y avait une solution magique, mais Zee n’était pas sûre que ça convienne à Tracy, surtout si celle-ci était armée sous ses fringues. Puis elle avisa les serveuses – car oui, le personnel servant les clients était exclusivement féminin –, qui allaient et venaient en pantalons beaucoup trop serrés pour que ce soit confortable et chemise blanche. Ah, ça ferait l’affaire. Un peu de magie et le tour était joué. « J'espère que le père de tes enfants ne t'attend pas trop tôt à la maison, la soirée va être longue. » Wink wink. Noooon, elle n'essayait pas du tout de faire cracher le morceau à Tracy, qui n'avait probablement pas plus l'intention d'élever ses enfants dans un club de strip-tease que dans la rue de tout à l'heure.

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Can there be peace anywhere until there is peace everywhere?

Heureusement, Zatanna n'a pas vraissemblablement envie de reposer de question sur ses pouvoirs. J'y répondrai. Un jour. Mais en réalité, je n'ai pas beaucoup de réponses à lui apporter. Je peux lui expliquer comment cela fonctionne, comment je le déclenche, mais pas guère plus. D'où ça vient, ça... Cela reste un mystère. Quant à ma remarque sur les enfants, elle ne soulève pas non plus de question. Ce n'est pas le lieu d'en parler. J'esquisse un léger sourire. Discret. Je m'attarde sur cette idée. Des enfants, je n'en voulais pas. Jusqu'au paradoxe temporel. Et à mon retour, je ne m'étais jamais sentie aussi vide. L'absence de Zoé. La solitude. Les choses sont différentes aujourd'hui. Et je me projette plus aisément vers un avenir qui ressemblerait à ça. « Eh bien... À l'évidence, ils ne sont pas si différents des Hommes ces démons... ». Je peux aisément imaginer grâce au terme "démons mégalomanes" ce que cela signifie : guerres pour le pouvoir, pour la place dans le cœur du diable, si tant est qu'il en ait un, et d'autres choses du genre. Mauvaises blagues. Volonté de dominer la terre. Encore, et encore. Mais vu la description qu'elle en fait, cela n'a pas l'air d'être le rêve. Je lui dis : « Je suis contente que tu sois revenue ». Et c'est vrai. Même si on ne se connaît pas très bien. Même si nous ne sommes pas revues énormément depuis Métropolis.

Les rues nous offrent l'avantage de la configuration et de la surprise. Et tomber sur deux personnes qui vont là où nous voulons entrer n'est pas si difficile. L'attente est assez courte. Une fois les deux hommes neutralisés, la magicienne n'utilise qu'un mot pour établir son sortilège d'illusion. Et la personne qui se tient à côté de moi revêt désormais l'apparence de l'un des hommes dans la benne à ordure. Je devine donc qu'elle aussi ressemble à l'autre. Surement les picotements que j'ai ressentis. J'esquisse un sourire et je dis : « Impressionnant » et me rend compte que ma voix n'a pas changé. Et Zatanna n'hésite pas à le relever. Je souris amusée et m'entraîne un peu. J'essaie de rendre sa voix un peu plus grave. Progressivement, cela correspond un peu plus à une voix masculine même si ce n'est pas encore ça. J'opterai donc pour le silence, sauf en cas d'extrême urgence. Je récupère le portefeuille de mon double, comme la magicienne, et la suis. Carrer les épaules, et rouler un peu des mécaniques. Il y a toujours eu beaucoup d'hommes dans ma vie alors en imiter un n'est pas si compliqué. Puis, comme elle, je montre le permis que je viens d'emprunter et la suis à l'intérieur.

J'observe les lieux, et surtout repère les portes et les escaliers. Entrées, sorties et passages vers d'autres lieux. Une fois le sort levé, Zatanna me dit qu'elles ne sont pas assez bien habillées. Je pouffe de rire et dis : « Plus trop habillée ». Pas bien. Mais trop couverte. Je souris en coin. Il ne faut pas se leurrer. Même les femmes qui ne sont pas strip-teaseuses porte des robes assez légères. Classe. Mais sexy. Pour se fondre dans le décor. Je suis le regard de la magicienne qui avise les serveuses. Je grimace rien qu'à imaginer mon corps serré dans ce genre de pantalon, et sans savoir vraiment le temps de protester, la magie de la magicienne a déjà œuvré. Et elle lui glisse une phrase qui atteste de son intérêt pour ce qu'elle a dit plus tôt. Je ne suis pas étonnée au final. Je souris et je lui dis : « Non, il est habitué... ». Après tout, cela ne coûte rien d'attiser un peu sa curiosité. Mon sourire se fait un peu plus taquin. « Je pense qu'avec un peu de charme, et des propositions de service, on devrait rapidement pouvoir monter là-haut ». Je lui indique plusieurs personnes dans la salle et je lui dis : « Il vaut mieux qu'on soit invitées à le faire, parce qu'ils ne nous laisseront pas passer ». Je me tourne un peu et je lui demande : « Tu peux faire quelque chose pour ça ? Le transformer en pince à cheveux ou quelque chose du genre ? ». Mon arme. Il vaut mieux que je ne sois pas repérée avec ça. Mais je ne peux pas m'en détacher. Même si ici, je ne m'en servirai pas. Il n'y a pas de raison de le faire, si j'ai un souci, je me servirai de mes pouvoirs, plus discrets et moins risqués pour les civils qui n'ont pas de lien avec Lovegrace.

Quand Zatanna s'est occupée de mon arme, je glisse mon téléphone sous la chemise, coincé par le pantalon trop serré, mais il faudra faire avec. Puis, je recommence à observer. Au bout de quelques minutes, je dis : « Les vigiles semblent surveiller ces trois tables-là ». Je les désigne discrètement et je lui dis : « Gagner leurs faveurs ne devrait pas être trop compliqué ». Je souris en coin et je lui dis : « Si on se sépare, on sera peut-être invitée à monter séparément. Alors que si on s'approche de cette grosse table-là, cela sera normal d'être deux ». Ce plan-là semble meilleur. C'est le plus évident. Le plus facile aussi. Parce qu'au moins, nous ne serons pas amenés à nous séparer et pourrons toujours nous couvrir l'une l'autre. Cela prendra sans doute plus de temps. Je profite d'un mouvement de foule et de lumière pour réussir à entraîner Zatanna jusqu'au bar. Il y a tellement de monde que ce n'est pas difficile de réussir à attraper un plateau. Et encore moins difficile de réussir à renverser celui de l'une des serveuses de la table qui nous intéresse afin qu'elle soit obligée d'aller se changer et de s'expliquer à son responsable. Moins une. Et sans même avoir à me faire remarquer. Ce n'est pas terrible de se servir d'une personne pour en bousculer une autre, mais tant pis. Et au moins, nous ne sommes pas en train de tourner autour d'une barre. Je confie mon plateau à une autre serveuse, avec le numéro de table, juste à temps pour attraper celui qui a été préparé pour remplacer le plateau brisé pour l'amener à la table, coulant un regard à Zatanna pour qu'elle se débrouille pour faire le même genre de chose. Aucun problème pour elle. Elle pourrait inverser des plateaux, jeter un sortilège de confusion, ou je ne sais quoi. Tant qu'elle s'en sort avec la bonne commande, c'est le plus important. Et une fois à la table, flirter n'est pas difficile. C'est ma seconde nature. J'ai passé presque plus de temps à flirter avec des hommes qu'à défendre des dossiers. Enfin, pas à ce point, mais tout de même. Et même s'ils sont rustres, grossiers et un peu ivres, leur plaire n'est vraiment pas difficile.

Spoiler:

Can there be peace anywhere until there is peace everywhere?

C’était peut-être étrange, mais Tracy lui rappelait Bruce, par certains côtés. Enfin, Batman, plutôt. Zee avait effectué des missions en duo avec lui quantité de fois et elle savait qu’elle serait toujours celle qui ferait une connerie ou à qui il manquerait le contexte suffisant pour prendre la décision la plus raisonnée possible. Elle compensait ça par d’autres qualités, et notamment une capacité hallucinante à prendre des décisions dans l’urgence – bonnes ou mauvaises, évidemment – mais il était clair que c’était lui qui avait en mains les clés du succès du plan, tant qu’il y avait un plan à suivre. Ce qui voulait dire qu’elle se sentait souvent en totale confiance avec lui, et c’était exactement ainsi qu’elle se sentait avec Tracy. Celle-ci savait ce qu’elle faisait. Ses yeux repéraient des choses qui restaient invisibles à ceux de Zee, qui se concentraient sur d’autres éléments pas toujours en rapport avec la missions. C’était très bien de se fondre dans le décor, mais ça ne les amènerait pas à l’étage. Et Zee pouvait imaginer mille cinq cent moyens, tous plus irréalistes les uns que les autres, pour y aller, mais Tracy avait une seule idée, et c’était bien sûr la bonne. La magicienne esquissa un sourire et murmura une formule en balayant l’air devant l’arme de son amie. « Ce n’est qu’une illusion, ton arme est toujours une arme. » Elle n’était pas aussi douée que ça avec les objets. Si son cousin Zachary avait été là, lui, il aurait carrément transformé le flingue en pince à cheveux, et mieux encore, la pince à cheveux aurait tiré de vraies balles. Des Zatara encore en vie, c’est-à-dire eux deux, c’était lui le meilleur pour tout ce qui concernait la magie des objets.

Elle suivit Tracy, qui avec aisance et sans temps mort, se débrouilla pour récupérer la commande de la grande table qu’elle avait repérée juste avant. Zee lui faisait confiance. Elle s’empara d’un plateau à son tour et leva la main vers le barman, qui hocha la tête sans même la regarder et prépara cinq verres de whisky. Peut-être qu’il se fichait de ne pas reconnaître la tête d’une serveuse, peut-être qu’il y avait un gros turn-over ici – et vu l’établissement, ce ne serait pas étonnant. Elle emboîta le pas à Tracy jusqu’à leur table cible. Autour, des types avec exactement l’air de ce qu’ils étaient. Le milieu du crime reposait beaucoup sur les apparences, et donc les clichés. Il fallait avoir l’air d’un dur pour être respecté, il fallait du muscle, être au moins mal rasé, tatoué ou faire la gueule. Ce n’était pas un hasard si c’était également un milieu machiste. On était très conservateur, on aimait les anciennes règles, la hiérarchie, le respect, ce genre de bêtises. Et les femmes, bien entendu… Zee posa les verres au milieu de la table et, avant que les types aient pu parler, elle lança, pas trop joyeusement histoire de rester dans son rôle de serveuse obligée d’être là pour payer son loyer : « C’est pour la maison. Vu que vous êtes des fidèles. » Elle désigna du menton les dizaines de verres vides déjà posés sur la table, indiquant qu’ils étaient de bons clients – et, elle l’espérait, des habitués. Elle resta debout à côté de la table en tapant du pied, pour leur signaler par là qu’elle apprécierait quand même un pourboire, histoire que son bobard n’ait pas l’air trop miraculeux. Un des types éclata de rire. « Sans déconner, Byron est d’humeur généreuse, ce soir ! Sa femme a accepté de le reprendre une nouvelle fois, c’est ça ! » Les autres grognèrent, chacun s’empara d’un verre et Zee tendit la main vers celui qui avait parlé pour se saisir du billet de dix dollars qu’il lui tendait. Yay.

Zee observa Tracy, qui servait leur commande aux types de son côté. Elle ne se sentait pas en danger parce qu’elle savait que toutes les deux pouvaient se défendre, mais ce genre de petit jeu, c’était comme marcher sur une corde raide : le moindre faux pas, le moindre mot qui n’avait pas sa place dans la conversation, et ces criminels en déduiraient qu’elles se foutaient de leurs gueules. Ils n’étaient pas stupides, on ne pouvait pas l’être complètement, dans ce milieu, ou bien on mourait vite. Mais ils étaient bel et bien enfermés dans des habitudes qui pouvaient endormir leur méfiance. Deux serveuses dans un bar, des verres gratis et un peu de flirt – ils n’avaient aucune raison de se méfier de cela. La magicienne glissa le billet dans sa poche – elle refusait de céder au cliché du billet dans le décolleté – et soupira en se massant la nuque. « J’espère que vous passez une meilleure soirée que nous. J’en ai ma claque de ce boulot. » Elle esquissa une petite moue boudeuse. Les types les plus proches d’elle la regardèrent d’un air assez peu intéressé, mais amusé malgré tout. C’était trop facile, cette perche tendue, mais qu’est-ce qui les empêchait de la saisir. Zee espérait que Tracy s’en sortait un peu mieux qu’elle. Elle n’avait pas du tout envie de les forcer à faire ce qu’elles voulaient par la magie.

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