looking for freedom (jane)

Ils recommencent. Haut dans le ciel de Star City, le ciel grondait, lourd de nuages noirs s’enroulant les uns dans les autres, se livrant à une lutte sans merci au son du tonnerre qui résonnait déjà au-dessus de la ville, annonciateur de l’orage à venir. Ils recommencent, parce qu’ils n’apprennent jamais. Ils n’ont pas appris il y a trois mille ans. Ils n’ont toujours pas appris aujourd’hui. Un premier éclair déchira le ciel, contredisant inexplicablement les prévisions météorologiques de la journée. Ils recommencent, et Black Adam se demandait pourquoi il avait prêté ses pouvoirs au sauvetage de Central City, et de ce monde, si ces ingrats n’apprenaient jamais de leurs erreurs. Les corps de ses Feitherans étaient à peine tièdes dans les décombres de Coast City. Les blessés qui avaient prêté leurs forces au combat avaient à peine eu le temps de reprendre leurs esprits – et déjà les coupables étaient tout désignés. De faux coupables, pour une population qui complexait de sa propre faiblesse, de faux coupables, pour ceux qui en voulaient à d’autres de n’avoir pas su pallier à leurs manquements à eux. La chasse aux métahumains était rouverte. Et si Black Adam avait été momentanément convaincu de la nécessité de joindre ses forces à celles de son rival et de ses semblables, le regard qu’il posait aujourd’hui sur Star City endormie n’était chargé que de dédain froid et calculé. Malgré l’orage qu’il avait amené avec lui, la ville pouvait dormir sur ses deux oreilles – ce n’était pas avec ses habitants que Black Adam avait maille à partir aujourd’hui. Seulement quelques-uns d’entre eux.

Dissimulé par un sortilège, Adam avait assisté à toute la scène. Un agent métahumain kahndaqi, dépêché pour prendre contact avec d’autres métahumains de Star City ayant exprimé le désir de se réfugier au Kahndaq, avait été capturé, il y a de ça plusieurs jours, et Black Adam, brisant pour une fois les règles que la Ligue de Justice lui avait imposées, était sorti de son pays pour tirer lui-même ce mystère au clair. Quelques jours avaient suffi pour qu’il trouver les envoyés du Peuple et assiste à une scène similaire : une jeune femme, sans doute métahumaine elle aussi, kidnappée sous ses yeux. Si son premier instinct avait été d’intervenir, la sagesse de Zehuti lui avait recommandé un autre plan d’action : attendre, et suivre. Indétectable, il les avait suivis jusqu’à un bâtiment administratif abandonné dans les Glades. Le fourgon s’était engouffré dans un parking, et Adam s’était infiltré à sa suite. Quelques voix avaient retenti, et il avait compris que la jeune femme était emmenée quelque part dans un sous-sol ; sans doute là où les véritables opérations avaient lieu. Il n’avait plus qu’à attendre, et à passer à l’action. Adam resta invisible pendant trois heures, attendant que l’attention et la prudence des gardes ne se relâchent. Puis, il profita des quelques secondes d’inattention des gardes changeant de poste pour passer à l’action. D’une étincelle du pouvoir d’Aton, il brouilla une caméra de sécurité, puis une autre, puis il s’approcha de ses futures victimes et les saisit chacun par le cou avant qu’ils n’aient le temps de réaliser qu’ils n’étaient plus seuls dans la pièce. Leurs nuques cédèrent aussi facilement que des brindilles sous ses doigts ; et il abandonna ses victimes derrière lui, dissimulées derrière un véhicule. Il n’avait besoin d’acheter que quelques minutes. Le temps d’atteindre les cellules où son agent était enfermé – ensuite, il n’aurait aucun remord à déchaîner sur ces gens les dons des dieux d’Egypte.

Adam rompit le sortilège de dissimulation qui l’avait protégé jusque-là, mais ne se révélait toujours pas tout à fait. Bien conscient des répercussions si quelqu’un découvrait que le dirigeant du Kahndaq avait quitté son pays pour intervenir sur le sol américain sans permission, il avait abandonné sa cape à Shiruta, et dissimulé le reste de son costume sous un jean et un pull dont la capuche était rabattue sur son visage. Un déguisement léger, sans doute, mais suffisant pour brouiller les pistes, quand on ne comptait pas laisser de survivants derrière soi. Adam descendit dans les sous-sols du bâtiment, écrasant sans sourciller chaque garde qui avait le malheur de croiser son chemin et de braquer une arme sur lui. Le son des mitraillettes commençait à enfler dans les sous-sols, de même que celui des balles qui ricochaient sur sa peau, et celui des os brisés sous ses coups mortels. Enfin, Adam arriva devant une porte blindée, et arracha la clé électronique au cadavre du garde dont il venait d’encastrer le crâne dans le mur. Le boîtier émit un bip à peine audible, et la lourde porte s’ouvrit devant lui. Une porte de prison. Une cellule. Il était bien arrivé à destination. Adam entra dans la pièce et scanna son nouvel environnement du regard. Quel endroit pitoyable. Une cage, pour garder enfermés ceux que ces gens souhaitaient traiter comme des ennemis et des animaux, et leur propriété, tout à la fois. La femme dont il avait assisté à l’enlèvement était là. Et, enfermé dans ce qui ressemblait à un cercueil métallique vertical à côté d’elle, sa tête uniquement dépassant – sans doute pour contenir ses pouvoirs sans lui interdire de respirer – son agent porté disparu. « Ahmed. » appela Adam à voix basse en s’approchant du malheureux, à peine conscient – visiblement enfermé depuis des jours et complètement épuisé et déshydraté. Pourtant, le jeune homme parvint à ouvrir les yeux, et à les poser sur le visage de l’homme qui s’était approché de lui. Un soupir de soulagement, audible et incrédule, passa ses lèvres sèches. « C’est vous… par tous les dieux, vous… » « Ne dis plus rien. Nous rentrons. » Et, d’un geste leste, Adam arracha le couvercle d’acier qui gardait son compagnon prisonnier. Enfin, ses yeux se posèrent sur la jeune femme, seule autre prisonnière dans la pièce. Etait-elle seulement consciente ? « Je peux vous faire sortir d’ici. C’est votre seule chance. » Qu’elle la saisisse, ou qu’elle attende ici, seule, une meilleure opportunité. La liberté, il revenait à chacun de se battre pour.

AVENGEDINCHAINS

"Feel the fury closing in All resistance wearing thin Nowhere to run from all of this havoc Nowhere to hide from all of this madness, madness, madness" ♪ Tu n’étais ni triste, ni désespérée : seulement en colère et apeurée. Après avoir échappé à des années de captivité, t’avais rejoué le scénario encore et encore dans ta tête : comment en étais-tu arrivée là ? Et comment aurais-tu pu l’éviter ? Le soir de ton premier kidnapping était flou, tu étais encore toute jeune à ce moment-là, mais tu ne t’étais pas pardonnée. Alors, quand ces hommes s’étaient jetés sur toi, même prise de court, tu ne t’étais pas laissée faire. Bien sûr, même parano, t’amenais pas ton sabre avec toi pour faire tes emplettes. T’avais passé une partie de ta soirée de la veille à boire, ce qui avait juste provoqué une gueule de bois au final. C’est sous une élégante paire de lunettes noires que tu avais traversé la rue avant de passer devant un tabac pour t’acheter des clopes. Le bac à journaux était presque vide, mais tu attrapais quand même un exemplaire du Daily Planet et le feuilletais en faisant la queue. “Une jeune femme inconnue, potentiellement méta-humaine”, le moins qu’on puisse dire c’était que tu étais heureuse d’avoir échappé aux feux des projecteurs sur ce coup-là. Tu payais le journal et le paquet avant de t’allumer une cigarette et prendre la direction du magasin. Une main dans la poche, les nouvelles sous le bras, tu t’arrêtais à un carrefour et patientais pour traverser. Tu voulais faire un détour par la plage, mais, une certaine appréhension de qui ou quoi que tu pourrais y trouver t’en dissuada. Vert. Tu t’apprêtais à traverser quand ils t’attrapèrent. Tu avais riposté, frappé, esquivé de nouveau, et une fois dans leurs bras mordu et tordu quelques poignets : Alors c’est toi, expérience A99 ? Entendre ce code hérissa tous les poils de ta nuque, et tu te retournais vers la voix pour n’en apercevoir qu’une silhouette. Comment ? Tes genoux tremblèrent, les vieux traumatismes d’antan te désorientèrent assez pour te distraire une seconde. Une toute petite seconde. Elle fut suffisante pour qu’on te plaque du chloroforme sur le nez, et c’est en voulant crier que tu t'évanouis. *** La tête lourde, courbaturée, les muscles lâches, tu t’éveillais. Merde… suffoquais-tu en regardant autour de toi difficilement. Ils avaient dû mettre la dose puisqu’aucun de tes membres n’était attaché, confiants sans doute en ton incapacité à te relever. Le sol était crasseux et poussiéreux, l’air nauséabond et c’est en te tournant avec une grande délicatesse et quelques injures que tu le vis : le caisson. Tu écarquillais les yeux : hé ! fis-tu en tendant le bras vers l’individu dont la tête dépassais, avant de te raviser. Ton abdomen était douloureux, et c’est en soulevant ton t-shirt que tu le vis : un hématome. Certainement causé par un taser. Les fumiers, ils vont me le payer… pensais-tu sans pour autant t’empêcher de gémir. Le caisson était trop loin pour que tu l’atteigne. Tu ne voulais pas pourrir ici, il en était hors de question. Tu tournais presque de l’œil en remarquant enfin la taille de la cellule. Ta claustrophobie, à force de méditation avait finit par diminuer, mais, comme ta terreur de l’océan, il lui suffisait d’un évènement aussi stressant que celui-ci pour revenir au galop. Mince, trembler autant te ferait certainement fatiguer encore plus, ta respiration s’accéléra autant que tes battements de cœur. Non, non, non…! t’évertuais-tu à répéter en boucle dans ta tête, crispée. Tu avais fait la femme forte pendant des années, insensible et toujours sur tes gardes, pourquoi avait-il fallu qu’on te retrouve ? Pourquoi avait-il fallu que tu te laisses capturer aussi facilement ? L'alcool avait eut ta peau, pour de bon cette fois. Qu’est-ce qu’on te voulait ? T’enfermer encore, c’est ça ? Pour cette fois s’assurer que tu ne ressortes plus jamais. La colère, la peur, la frustration, en plus de ta gueule de bois te firent cligner des yeux. Tu luttais pour te maintenir à flot, jusqu’à ce quelqu’un entre : immense, sans visage, il murmura avant de se pencher sur le caisson. Se tournant vers toi, tu compris qu’il n’était pas l’un d’entre eux et, après avoir libéré l’homme te proposa de l’aide. Malgré tout, tu avais la nette impression que si tu ne réagissais pas vite, l’occasion te filerait sous le nez. Il n’était clairement pas dans tes habitudes de demander pitié, mais, en te tenant les côtes tu grognais : Ne me laissez pas ici. Tu te saisit d’un des barreaux pour te hisser tant bien que mal, mais, encore une fois, tu t’écroulais. Tu ne sût même pas si tu avais heurté le sol ou pas, mais, quand tu te réveillais, tu te trouvais dans un endroit différent, moins anxiogène et plus aéré. Cet homme ? Qui était-ce ? Pourquoi l’autre prisonnier avait il été si surpris de le voir ? Malgré que tu n’ai pu entendre que des bribes de conversation, les mêmes voix parvinrent à tes oreilles, floues. D’abord, tu remarquais tes cheveux, étalés sur le sol. Ta lèvre était tuméfiée, soit tu t’étais pris un coup que tu n’avais pas remarqué au début, soit tu t’étais mordue tellement fort qu’elle s’était mise à saigner. Tu te redressais en plissant les yeux : Qu’est-ce qui s’est passé ? Ces hommes… Bien qu’ils t’avaient capturé pour des raisons évidentes -ils connaissaient même ton identité "pré-Jane"- tu n’avais pas compris pourquoi cet autre était avec toi dans la cellule. Se pourrait-il qu’il soit lui aussi une autre expérience ? Tu pris un peu le temps de regarder autour de toi, et tu y trouvais les deux personnages de plus tôt, votre sauveur toujours encapuchonné. Tu fronçais les sourcils, ton attaque de panique avait disparue et tu te sentais plus libre de mouvements : Vous êtes qui vous ? les questionnais-tu. Pourquoi m’avoir libéré ? Se mouvoir restait hardu, et c’est pour cette raison que tu restais assise pour lors.

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Chaînes aux poignets. Chaînes aux chevilles. Chaînes autour du cou. Voilà des millénaires qu’Adam avait brisé les siennes, mais leur sensation fantôme se faisait encore ressentir sur sa peau, de temps à autre – rappel constant d’où venait celui que les dieux avaient choisi pour champion. Un enfant de l’esclavage, forgé dans la cruauté et l’égoïsme d’autrui – battu, exploité, brisé, usé jusqu’à la moelle, un homme que l’on avait transformé en bête de trait, un outil bon à jeter sitôt qu’il ne servirait plus son office. Qu’il était loin, ce temps maudit où il n’était qu’un homme face à terre et impuissant. Pourtant, c’était comme si c’était hier. Qu’il pose les yeux sur des enfants destinés à être vendus dans un quelconque trafic sordide, ou sur une inconnue au fond d’une cave à Star City, elle revenait, inévitablement, la brûlure sur sa gorge, sur ses poignets, sur ses chevilles. Il avait été en cage – deux fois. Aujourd’hui, il n’en tolérait plus la moindre. Tant pis s’il allait trop loin pour arracher les barreaux. Tant pis si pour se débarrasser de geôliers il devait se transformer en bourreau ; qui n’accordait pas sa pitié à autrui ne méritait pas la sienne. La liberté avait un coût, quiconque avait un jour été en cage le savait ; alors, dès que la requête franchit les lèvres de la jeune femme alors que son corps flanchait, il les arracha, ces barreaux, à pleines mains, leur arracha des crissements d’agonie en les démettant de leurs gonds. Elle avait perdu connaissance – mais son appel à l’aide avait été entendu.

Qui étaient ces gens, exactement ? Ni Adam, ni son acolyte ne planifiaient de repartir avant de tirer ce mystère au clair – alors, après être sortis de la cellule, ils s’étaient frayés un chemin jusqu’à ce qu’ils avaient compris être la pièce maîtresse du bâtiment, un poste de contrôle, cœur de ce système nerveux infernal. Ils ne resteraient pas longtemps – le temps pour Ahmed pour fouiller leurs systèmes, maintenant qu’Adam avait exécuté les gardes qui se dressaient sur leur route, mais visiblement, ce laps de temps avait suffi pour permettre à la jeune femme de se réveiller. En entendant sa voix, Adam et Ahmed se retournèrent, avant d’échanger un regard. Elle ne semblait pas avoir reconnu son visage – autant ne pas prendre de risque supplémentaire. Ahmed pivota pour se concentrer à nouveau sur l’ordinateur auquel il avait réussi à gagner accès, et Adam, lui, se redressa pour toiser la prisonnière. « ‘Ne me laissez pas ici’. C’est ce que vous avez dit avant de perdre conscience. Nous n’avons fait qu’accéder à votre requête. » répondit-il sobrement. « Je crains que nous n’ayons quelque chose à terminer avant de quitter ces lieux. Nous vous protégerons et vous aiderons à sortir dès que nous en auront fini. » Moitié de mensonge, vérité incomplète, plutôt. Adam ne s’était pas attendu à tomber sur une opération pareille en venant chercher Ahmed, mais puisqu’ils étaient là, autant tirer cette sombre histoire au clair avant de regagner le Kahndaq. Qu’ils sachent exactement qui avait osé s’en prendre à un ressortissant kahndaqi.

« Mon frère Ahmed a été fait prisonnier, comme vous. Je suis venu le libérer. Vous pouvez m’appeler Hakim. » Prudence était mère de sûreté – pour l’heure, son identité exacte resterait secrète, s’il pouvait maintenir cette comédie. Combien de temps cela durerait… voilà qui restait à voir. En attendant, elle était réveillée. Qui était-elle, exactement ? Savait-elle quoi que ce soit sur cette apparente organisation ? Lentement, Adam s’approcha, et s’agenouilla pour sonder l’expression de la jeune femme visiblement encore sonnée de sa mésaventure. Comment l’en blâmer. « Ils vous ont capturée, vous aussi. J’ai assisté à la scène, c’est ainsi que j’ai pu remonter jusqu’ici et jusqu’à eux. Je suppose que vous êtes une métahumaine, comme Ahmed et moi. Connaissez-vous ces gens ? Savez-vous ce qu’ils veulent ? » demanda-t-il, l’air grave et le ton bas. Peut-être s’agissait-il bien du Peuple, peut-être s’agissait-il d’autre chose encore. Ces temps-ci, et plus encore depuis la guerre contre Brainiac, les gens dotés de facultés spéciales avaient, à tout instant, une cible sur le dos. Mais ni lui, ni Ahmed ne vivaient ici ; peut-être saurait-elle quelque chose qu’eux ignoraient encore. « Nous cherchons à récupérer ce que nous pouvons, savoir à qui nous avons affaire, et ensuite, nous sortirons d’ici. Pensez-vous pouvoir nous aider ? Ou au moins tenir jusqu’à ce que nous en ayons terminé… ? » La fin de sa phrase resta en suspens – question muette, à attendre que, peut-être, elle lui donne un nom. Même un faux. Ce ne serait que de bonne guerre.

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"Feel the fury closing in All resistance wearing thin Nowhere to run from all of this havoc Nowhere to hide from all of this madness, madness, madness" ♪ Les lampes à led blanches t’éblouissaient tant qu’elles te brûlèrent les yeux. Les personnages autour de toi n’étaient que silhouettes, ombres menaçantes penchées sur toi, armée de calepins, de loupe, d’instruments, de pinces. Si tu avais pu te détourner de cette douleur, de ce sifflement dans tes oreilles, ça avait été pour remarquer cet homme, assis derrière la vitre. Chef des opérations, qui, à mesure que ta vision se clarifiait, s’était peint une mine satisfaite sur le visage. *** Voilà de quoi tu t’étais souvenue en te réveillant, amère de ressasser ces images du passé. Embrouillée, et avec un mal de crâne impossible, tu remettais enfin cet individu qui t’avais extirpée de ta nouvelle geôle, à ta demande. Un léger mouvement de menton adressé à l’un puis à l’autre. T’as grimacé un sourire -le mieux que tu pouvais faire avec ta lèvre abîmée- et tu l’avais écouté, patiemment. Hm. Merci pour ça. Et oui, je suis méta-humaine aussi, soupirais-tu en étirant ton cou à droite puis à gauche : pourquoi s'en prendre à vous sinon pour cette raison ? Hakim, donc, sans penser à mal s’agenouilla près de toi, mais t’eus un mouvement de recul rampant sur les paumes. C’était trop tard, cette peur que tu haïssais, cette situation, la cage, tout cela avait provoqué un raz-de-marée en toi et avait effacé pour lors la Jane Restlove que tu avais façonnée. Tu pris une inspiration, sans t’excuser -de toute façon tu ne savais pas vraiment en quoi t’aurais à le faire- et te redressais finalement, les coudes sur les genoux. De cette personne, bizarrement régnait un genre de sérénité. Sa prestance et sa hauteur eurent finalement le don de t’apaiser juste un peu, et tu réalisais que ce n’était pas la première fois que ce style de contradiction t’animait. Bien sûr, t’avais assisté à la montée en puissance du peuple, organisation qui faisait trembler les plus courageux méta-humains, tant les ressources de ce groupe étaient insoupçonnées. Toi, tu étais une ombre. Se cachant en plein jour, certes mais inattrapable Tu étais trop paranoïaque pour laisser des indices derrière toi, et la maîtrise du numérique y avait contribué. Mais, dès lors que tu avais entendu prononcer le code “A99”, t’avais compris que cette histoire était d’un tout autre niveau. Tu t’étais dit que le groupe traqué que tu faisais payer depuis toutes ces années, avait retourné la tendance, mais une fois dans la cellule avec cet autre énergumène tu t'étais mise à tiquer. Tu pris un temps pour observer l’endroit autour de vous, les gardes plus loin te confortèrent dans l’idée que vous étiez dans une pièce maîtresse. Celui qui disait s’appeler Ahmed farfouillait dans les ordinateurs, et même de loin tu voyais bien qu’il s’y connaissait assez pour ne pas faire n’importe quoi. Qu’est-ce que c’était que cet endroit ? Une base ? En plein Star City ? Tu n’étais pas fière d’être passée à côté, mais il était évident que vous étiez en souterrain, et ça, c’était mauvais signe. Sous terre, au cœur de l’océan, ça ne faisait plus aucun doute que tu te retrouvais perpétuellement face aux même schémas : J’imagine que vous avez entendu parler du “Peuple” ? Ils se donnent en spectacle depuis quelques semaines, fis-tu en cherchant à remboîter ton épaule : ta capture n’avait pas été douce et te débattre n'avait pas aidé. Il semblerait que ceux qui aient réussi à m’enlever, si je ne me goure pas, appartiennent à une communauté différente, des scientifiques. En règle générale je… -t’allais dire “les élimine” mais tu te tus. Tu te levais comme tu le pouvais pour aller voir où ton ancien compagnon de cellule en était et jeter un œil aux serveurs : Je les cherche depuis un bail, ces gars-là sont de vraies plaies. Tu retournais vers Akim, prenant appui sur une tour d’ordinateur : Normalement ils enlèvent des gosses pour mener des expériences. J’ai une théorie un peu farfelue, mais ce serait pas impossible que les deux organisations travaillent main dans la main : Ces gens ont des informations me concernant qu’ils n’auraient pas pu détenir autrement. Tu réalisais que ce qu’ils attendaient c’était peut-être un nom, et, de toute manière, celui que tu portais et que tu lui donnerais n’avait aucune valeur. Inventé de toutes pièces, marqué par ton anonymat, il était sensé être le symbole d’une nouvelle personne et d’une nouvelle vie mais, il faut croire que tu n’y auras pas accès de si tôt. Tu entrepris de démonter la tour où tu prenais appui, transformant tes ongles en acier, un peu à la manière d’un tournevis, tu glissais la main dedans pour en extirper les barrettes de mémoire. Vous pourriez…? lui désignais-tu ton épaule. Force de constater que tu n’y arriverais pas seule, et de toute manière, tu ne serais pas bien utile avec un bras inutilisable. Tu étais encore plus en colère : manier le sabre serait plus que douloureux pendant un moment. Je m’appelle Jane, finis-tu par lâcher. Je vous aiderais au maximum : il est temps de mettre un coup de pied dans la fourmilière.

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Le Peuple. Nom qui résonna à ses oreilles avec la familiarité des orages dont il s’était fait le maître – et avec l’antipathie qui grondait de pair dans sa poitrine. Les oppresseurs avaient un nom, une organisation ; elle avait raison, il avait entendu parler d’eux, cette association secrète fraîchement sortie de l’ombre pour planter ses griffes dans la chair de ceux qu’elle estimait assez inférieurs pour nier toute valeur à leur existence, mais assez supérieurs pour reconnaître la nécessité de les soumettre à sa volonté. Le paradoxe éternel des esclavagistes, toujours. Les millénaires pouvaient bien s’écouler, la nature humaine dans tout ce qu’elle avait de plus laid restait irrémédiablement inflexible. Cette femme en avait fait l’expérience de première main ; et, Adam commençait à le comprendre, ça n’était pas non plus la première fois. Ils ne s’étaient peut-être pas toujours appelés le Peuple, ou peut-être ne s’y étaient-ils pas associés encore, mais ce groupuscule précis, elle les connaissait. Adam l’observa se relever, écouta attentivement son récit – sentit la piqûre sourde de la colère remonter le long de son échine. Des enfants, toujours. Les plus lâches visaient les plus vulnérables et les modelaient à leur guise jusqu’à ce qu’il ne reste rien d’autre que des pantins manipulables à souhait ; en les privant de leur innocence, et pire encore, de leur liberté. « Je ne pense pas que cette théorie soit si farfelue. C’est bien le Peuple que je pensais suivre en remontant la piste d’Ahmed. Tous les signes pointaient vers eux. » Et les signes qu’elle avait perçus, elle, pointaient vers cet autre groupe qu’elle connaissait déjà. Ce n’était pas farfelu, c’était carrément du domaine du vraisemblable.

Attentif au moindre de ses gestes, Adam observa, fasciné, le bout de ses doigts se transformer – un pouvoir d’imitation, peut-être ? Ou quelque chose d’approchant ? Rangeant soigneusement cette information dans un coin de son esprit, ‘Hakim’ sortit de sa rêverie lorsqu’elle s’adressa à nouveau à lui en lui désignant son épaule. « Jane. » répéta-t-il en s’approchant d’elle. Prisonnière il y avait une heure encore, rebelle prête à la révolte maintenant que ses chaînes étaient tombées. Le regard sombre d’Adam sonda le sien pendant un instant ; puis, avec une délicatesse qui ne seyait pas à sa carrure, il se saisit de son épaule et de son bras. « Cela risque de faire mal un instant. » l’avertit-il ; quand bien même elle devait s’en douter. Et, dès qu’elle lui donna signe de permission, exerçant pile le bon degré de pression et de force, il remit son épaule en place, rebouteur improvisé qui ne cilla guère aux signes de douleur qu’elle put manifester. « Ton aide sera la bienvenue. Récupérons tout ce que nous pouvons ici : cartes mémoires, disques durs, dossiers papiers. La moindre information qui puisse nous aider à cerner l’ennemi. » Un peu plus loin, Ahmed, qui n’a rien perdu de l’échange, hocha vigoureusement la tête, et se remit au travail. Quant à Adam, il gratifia leur nouvelle complice d’un regard entendu, et la laissa retourner vaquer à ses occupations. Il était évident qu’elle savait ce qu’elle faisait. Il n’avait rien d’autre à faire que de la laisser faire.

Pendant qu’Ahmed et Jane s’occupaient des bases de données, Adam restait sur le qui-vive, attentif au moindre son, au moindre déplacement dans l’air susceptible de l’alerter de l’arrivée de renforts. Ahmed avait perturbé leurs communications, et lui s’était chargé de faire taire définitivement quiconque aurait pu risquer de donner l’alerte. Mais l’ennemi arriverait, c’était certain. Il fallait agir, et vite. Il ne pouvait pas prendre le risque d’être reconnu à Star City. Jane elle-même était déjà un risque dont il n’avait pas encore décidé que faire – tout dépendrait d’elle, et de la suite. « Hakim ? Jane ? J’ai trouvé quelque chose. » les interpella Ahmed, en leur intimant d’approcher. Le jeune homme pianota sur son clavier, brisa en quelques clics une série de mots de passes encryptées avec l’aisance d’un virtuose, et conjura sur les écrans une série de portraits, sans qu’aucun nom n’ait l’air d’y être associé. « On dirait un répertoire. Je pense qu’il s’agit des responsables de cet endroit – au moins d’une partie d’entre eux, ou d’autres gens mêlés au Peuple. Peut-être aussi à l’organisation que tu connais, Jane. Difficile à dire, ils ont bien planqué leurs informations. » supposa-t-il. Adam fit un pas de plus, mémorisant instantanément chacun des visages sur les écrans, avant de tourner les yeux vers Jane. « Reconnais-tu le moindre visage parmi ceux-ci ? Un seul nom qui te vienne à l’esprit ? » Quelqu’un qui pourrait servir de piste. Un premier fil conducteur, pour mieux cerner la fourmilière dans laquelle ils pouvaient espérer ne pas seulement donner un coup de pied – mais véritablement la faire sauter et la faire flamber dans les affres de leur colère.

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"Feel the fury closing in All resistance wearing thin Nowhere to run from all of this havoc Nowhere to hide from all of this madness, madness, madness" ♪ L’épaule, en soit, était bien moins douloureuse que la plaie au tazer sur ton abdomen. Tu tâchais de ne pas y penser et te contentais de remercier Hakim avant de lui prêter main forte. Vous preniez tout ce que vous pouviez avant de ne plus en avoir le temps. Depuis combien de temps attendais-tu ce moment ? T’avais l’impression d’enfin ferrer un truc énorme pour donner l’impulsion nécessaire à l'assemblage pièce par pièce de la pyramide pointant vers ta vendetta. Tu rejoignais Ahmed pour jeter un œil à sa trouvaille. Ouah mec, il faudra que tu m'apprennes à faire ça ! écarquillais-tu les yeux, impressionnée. Même si tu étais assez douée avec les ordinateurs, tu restais toujours une novice face à Felicity ou encore à lui. Tu plissais les yeux devant les portraits qui s’affichèrent un à un, comme on retourne les cartes d’une machination bien rodée. Tu pris ton temps, en les regardant défiler, tes yeux s’accrochant à des détails. Tu avais bien toi-même un genre de liste de cibles mais tu n’arrivais pas à relier les deux pour lors : Tu es sûr que ce sont les instigateurs ? Tu fronçais les sourcils. Ils pourraient tout aussi bien être des victimes, pour le moment ils ne me disent pas grand chose. Tu réfléchissais : Est-ce que tu peux rechercher A99 dans la base de données ? Tu restais interdite devant les visages grisés qui remplacèrent les précédents. Le coeur battant, tu t’attendais à trouver quelque chose sur toi, même un tout petit indice, mais rien. En revanche la recherche t’avait associé (en tant que sujet d’expérimentation) à une ribambelle de personnes. C’est presque avec orgueil que tu notais : J’ai descendu tous ceux en noir et blanc, ils faisaient partis de l’association dont je vous parlais. Tu te passais la main dans les cheveux, bien moins rassurée face à tout ce que ça impliquait : Donc, les deux œuvrent ensemble, c’est une certitude. Et ils ont donné au Peuple mes infos. L’angoisse te retourna un peu l’estomac mais tu ne perdis pas la face, te décidant à leur donner un semblant d’explication : Quand ils m’ont enlevé, l’un d’eux m’a appelé A99 : c’était ma codification scientifique. Tu fis les cent-pas. Tous ceux qui ont réussi à s’enfuir sont en danger, leurs proches… Le peuple a touché le gros-lot. Tu ne parvenais pas à te calmer. T’avais l’impression de ne pas en avoir fait assez. Cette quête n’avait pas souffert du moindre répit, mais tu voulais tout à coup en faire plus, redoubler d’effort. Que ton corps lâche ou que ton esprit se rompe, tes convictions ne céderaient pas : il fallait qu’ils paient tous. Malheureusement, ta fureur venait aussi du fait que les cafards que tu écrasais sous ta semelle se multipliaient encore et encore. Il fallait se rendre à l’évidence : tu ne faisais pas le choix. Regarde encore, il nous faut tous les noms Ahmed. Tous les disques durs et les barrettes de mémoire que vous aviez accumulés risquaient de ne pas suffire si vous ne pouviez pas extraire tous leurs secrets. Quelque chose retentit dans le couloir et tu fis volte face : Ils sont là ! Tu ne doutais pas de la carrure d’Akim, mais juste pour être sûre, tu sifflais : Est-ce que tu sais te battre ? Il faut les repousser assez longtemps pour finir de pirater leur base de données. Tant pis si cette facette désagréable de ta personnalité ressortait : sillonnant les veines de ton cou, ta colère avait seulement besoin d’une étincelle. Tes bras, le long de ton corps se transformèrent en deux lames d’acier, et c’est dos à ton ancien compagnon de cellule que tu fléchissais les genoux, prête à répondre à l’attaque. Tu étais bien décidée à le défendre aussi longtemps que tu pourrais cette précieuse mine d’information pour mieux la subtiliser. Faisant fit des douloureux points sur ton corps, privée de sabre, tant pis s’il fallait laisser la goutte d’eau façonner le raz-de-marée. Quand l'équipe de sécurité restante débarqua, tu étais parée.

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Alors c’était bien ça. Le Peuple et les gens qui s’en étaient pris à Jane, dans ce passé qui semblait encore la tourmenter, avaient fait front commun, avaient uni leurs forces pour mettre la main sur des gens comme elle ou comme Ahmed. Des méta-humains, dont certains qui étaient déjà tombés entre leurs griffes auparavant. Adam détourna le regard de ces visages qu’il avait déjà mémorisés en un clin d’œil pour le reporter sur Jane, dont l’agitation visible était, sans doute, largement compréhensible. Elle ne se laissait donc pas faire, lorsque poursuivie de la sorte. Voilà qui était bon à savoir ; et faisait basculer sa relative indifférence mâtinée de sympathie dans un début d’estime qui n’était pas à négliger, chez le dirigeant du Kahndaq. Comment aurait-il pu ne pas se reconnaître, dans la panique furieuse de cette femme qui voyait son hydre personnelle renaître de ses cendres ? Qu’il la connaissait bien, cette frustration désespérée, cette contraction de la mâchoire et des poings parce que quoi qu’il arrive, quoi que l’on fasse, les monstres finissaient toujours par ressortir de leurs tombes. Arrêter ces gens, c’était comme tenter d’endiguer un tsunami à mains nues. Pourtant, ils ne pouvaient pas baisser les bras ; ni lui, ni elle, devinait-il dans ses paroles et dans son regard embrasé. Ahmed adressa un regard en biais à son chef de guerre, auquel Adam répondit d’un assentiment imperceptible. Qu’il lui donne tout ce dont elle avait besoin ; qu’elle le sache ou non, aujourd’hui au moins, le Kahndaq serait solidaire de sa mission.

En même temps qu’elle, Adam fit volte-face, les yeux rivés sur la porte derrière laquelle les ennemis s’accumulaient déjà. Leur temps était compté. Pendant un bref instant, Adam envisagea de mettre fin à cette mascarade ici, et maintenant ; aucun de ces pathétiques vermisseaux ne ferait le poids face aux pouvoirs réunis des dieux, mais la question de Jane le cloua sur place de stupeur. S’il savait se battre ? … au moins avait-il la confirmation qu’elle ne l’avait vraiment pas reconnu, sous la capuche de son pull. « Je me débrouille. » se contenta-t-il de répondre – devinant du coin de l’œil les efforts d’Ahmed pour ne pas éclater de rire. Puis, ses yeux tombèrent sur les bras de sa camarade, métamorphosés ; ah, voilà en revanche qu’il était particulièrement fascinant. Parfait : il avait envie de savoir de quel bois elle se chauffait, et l’avoir à ses côtés dans cette étrange bataille lui éviterait d’avoir à en révéler plus qu’il ne le souhaitait quant à ses capacités à lui. Confiant, ‘Hakim’ se tourna à son tour vers la porte, et fit craquer ses phalanges. « Quand tu dis ‘repousser’, j’en conclus que leurs chances de s’en sortir vivants ne comptent guère ? » Après tout, c’était bien elle qui avait affirmé s’être débarrassée des autres, non ? Parfait. Black Adam allait peut-être garder ses pouvoirs sous couverture aujourd’hui, mais retenir ses coups, après ce qu’il avait vu, il s’y sentait beaucoup moins incité.

La porte de la pièce s’ouvrit à la volée, et le martèlement d’une série d’armes automatiques emplit aussitôt l’air d’un vacarme assourdissant ; sans attendre, Black Adam s’avança, inflexible sous l’assaut des balles qui ricochaient sur lui sans même lui égratigner la peau. Cinq hommes devant lui, plus encore derrière eux cherchant à se frayer un chemin à l’intérieur – qu’ils viennent donc. Renonçant à ce qui aurait été son plan initial sans l’intervention de Jane (à savoir, tous les massacrer en un temps record en faisant appel à la vitesse de Heru et au pouvoir d’Aton), il en appela à la force d’Amon, attrapant deux sbires du Peuple à la gorge avant de leur fracasser le crâne l’un contre l’autre, pour les laisser retomber, inertes, sans ciller. Ils étaient nombreux – ils avaient vraiment appelé les renforts, donc. Parfait. Son poing partit sans attendre percuter le visage d’un autre, les os craquant sous l’impact, puis il agrippa un fusil-mitrailleur et en écrasa le canon entre ses doigts avant d’attirer son propriétaire à lui et de le repousser brutalement sur le côté, l’envoyant s’écraser contre un mur, une large trace de sang sur le béton lorsque le corps s’écroula lentement sur le sol. Au diable les précautions. Au diable la miséricorde. En avaient-ils fait preuve, eux, envers les gens comme Jane, qui avaient atterri entre leurs griffes ? Pitoyables moins que rien. Avec un grognement rageur, il attrapa un nouvel assaillant dans sa poigne de fer ; lui arracha un hurlement de douleur lorsqu’il lui brisa le bras avec la même aisance que s’il s’était agi d’un fétu de paille. Un hurlement qui redoubla, lorsqu’il le lui arracha tout à fait, avant de mettre fin à ses souffrances d’un coup à la nuque. Remonté à bloc, Adam jeta un regard à sa compagne d’armes. Pour vérifier si elle le regardait déjà avec des yeux emplis d’horreur, ou si elle donnait le moindre signe d’y trouver, elle aussi, un véritable exutoire.

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"Feel the fury closing in All resistance wearing thin Nowhere to run from all of this havoc Nowhere to hide from all of this madness, madness, madness" ♪ La sensation d’être celle à qui on ne dit pas tout t’arracha une légère grimace, mais tu laissais passer. Bien évidemment, tu ne pouvais comprendre l’ironie de la chose, et de toute façon tu étais bien trop concentrée. Tu répondis tout de même, dents serrées à celui qui se battrait à tes côtés : C’est vraiment une question ? Qu’il ne pense pas que tu étais l’une de ces justicières pleines de miséricorde et de pardon. Tu n’étais pas arrivée là en abandonnant ta rancune. Tout ce temps, tu avais été patiente, les faisant disparaître les uns à la suite des autres sans trop de vague, avec propreté. Accumulant les indices, t’avais apposé ta pierre à l’édifice en silence et ainsi, jamais encore on ne t’avais attrapée. Tu étais une survivante. Tu n’étais pas ce genre de fleur, qui a besoin d’eau et de soleil pour s’épanouir : tu ne pouvais évoluer que dans le sang et la sueur, gravissant la montagne de corps de ceux qui t’avaient façonnés, toi et tant d’autres. Tu n’avais pas besoin de retenue avec ces sbires. Protéger la carte qui te mènerait aux autres était ta priorité, et, dans cet endroit tenu secret, pourquoi faire attention à ne pas laisser de traces ? Le point de rupture était très proche, trop proche pour toi, Jane. Il ne suffisait que de plus de violence pour que tu te laisses aspirer par le gouffre. Une véritable délivrance. Détruire quelque chose qui approchait de près ou de loin ton ennemi de l’ombre te procurait une sensation indescriptible, celle que ressentaient certainement les sadiques. Chaque craquement d’os dans ton dos, chaque cri engendrés par ton partenaire de massacre formaient un genre de symphonie diabolique. De ton côté sonnait une musique assez différente, mais tout aussi rafraîchissante pour ton âme en colère. Ton cœur était pareil à un volcan sur le point d’entrer en éruption : La moindre fissure laissait s’échapper la lave rougeoyante de ta rage, que les coups assénés colmataient difficilement. Néanmoins, il ne serait pas encore l’heure de pleinement dérailler : pas tout de suite. Alors, tu laissais jouer ton morceau, fait de cette danse de lame qu’étaient tes bras. La chair qui se tranche, l’hémoglobine qui se projette, les jugulaires incisées, les mains qui sautent… Ton fidèle katana n’avait pu goûter à tout ce sang mais c’était pourtant bien sa finesse que tu avais tenté d’imiter à succès. Heureusement qu’il n’avait pas été question d’épargner qui que ce soit, tu aurais alors eut bien du mal à t’arrêter dans ta course folle. Alors que lentement, tes ténèbres te tiraient vers le bas, tu vis du coin de l’oeil cette force, cette aura dégagée par le géant, sa façon d’écraser les gardes avec facilité. Manquant de te laisser distraire, t’en attrapait un autre par le cou et le plaquait au sol pour lui enfoncer ton bras -fait d'acier- dans le dos. Un autre te visait avec son arme alors tu sectionnais son bras. Le calme revint alors que tu reprenais ton souffle, recouvrant tes doigts manucurés que tu secouais vigoureusement pour en chasser le visqueux liquide écarlate. Rabattant tes cheveux poissés de sang en arrière,tu levais la tête vers celui que tu ignorais être Black Adam, tandis que la flamme dans tes yeux reprenait une contenance, que ton volcan s’apaisait : Mais enfin, qui es-tu ? suffisait de regarder l’état de ses adversaires pour comprendre que tu n’avais pas affaire à un saint non-entraîné. Un genre d’Evil Superman ? La façon avec laquelle il avait écrasé le canon ne s’accordait pas avec les précautions de l’homme qui t’avait remis l’épaule plus tôt. Vos regards se croisèrent, et tu su ce qu’il espérait trouver dans le tien presque immédiatement. Du même acabit, votre morale toute relative vous poussait à vous inquiéter un tant soit peu de la vision de l’autre : étiez vous vus comme des monstres ? Le deuxième était-il choqué ? Mais la scène parlait d’elle-même. Des vengeurs, voilà le terme vous désignant : instigateurs de cette valse rouge, de ce carnage. Les méfaits odieux des organisations propriétaires de cet endroit devaient être punis, pour le bien du plus grand nombre, ou plutôt des vôtres. Ces gardes n’étaient qu’un infime brin d’herbe en bout de champ, mais qu’importe ils avaient mérité et subit votre courroux. Tu allais mieux, la folie vengeresse ne s’était pas emparée de toi, pas tout à fait. T’attrapais la mitrailleuse de l’un pour te passer la sangle sur l’épaule et l’avoir dans le dos. Au moins, la prochaine fois tu ne t’approcherais pas autant de cet abîme dangereux, et tu te défendrais à distance. P-peu importe, finissais-tu par souffler encore interloquée mais prudente. Le sang ruisselait dans ton cou, se logeant sur ta poitrine mais c’est nonchalamment que tu te tenais au milieu de votre tas de corps avec un soupir, mains sur les hanches. Pas un pour rattraper l’autre, vous étiez tous deux des bouchers. T’aurais bien aimé enlever ton top pour l’essorer un peu, mais la curiosité te gagna plutôt vite et tu rejoignais Ahmed : Tout va bien ici ? Tu as pu trouver quelque chose ?

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Aucun signe d’horreur. Aucune terreur. Mieux encore, une reconnaissance, de ces flammes qui brûlent quand le regard reconnaît un semblable, même au milieu des giclées de sang et des cris d’agonie. Oh non, elle n’avait aucune intention de l’arrêter, ni de lui demander d’épargner les vies insignifiantes de ces sbires sans noms et sans visages (littéralement, désormais, pour certains), et une pointe de satisfaction se creusa dans la poitrine du champion. Dans un pays où il était vu en ennemi, où les héros n’étaient, pour la plupart, à ses yeux qu’une bande de pompiers glorifiés, qu’il était bon de constater que tous ne nourrissaient pas les mêmes scrupules ni la même vision du monde manichéenne, naïve, et meurtrière. Pendant que les yeux restent tournés vers le ciel, les âmes oubliées dans les bas-fonds sont ceux qui souffrent. Et ce sont ceux-là même que Black Adam est déterminé à venger, par la force et par le sang versé – s’il n’a pu intervenir avant, au moins peut-il s’assurer que justice leur soit rendue, œil pour œil, dent pour dent. Métahumains exploités aux Etats-Unis, peuple du Kahndaq : la misère et l’exploitation porte définitivement un visage similaire un peu partout. « Superman ? Un peu de sérieux. » grogna-t-il, piqué au vif, en balançant sans vergogne le corps sans vie de sa dernière victime – et visiblement, la dernière victime de leur liste. Pour le moment. Plus aucun cœur ne battait à ses oreilles si ce n’était le sien, celui de Jane, et celui d’Ahmed. Ils n’avaient plus qu’à terminer ce pour quoi ils étaient venus.

Deux meurtriers couverts du sang de leurs ennemis, justes et justifiés, au moins à leurs yeux propres ; Adam ne fit aucun effort pour se débarrasser de celui qui entachait ses mains et ses vêtements. Ils seraient sortis d’ici bien assez tôt, et après cela, son retour au Kahndaq devrait se faire dans les plus brefs délais. A son tour, Adam rejoignit Ahmed, évitant soigneusement de répondre à la question de Jane – sans néanmoins pouvoir s’empêcher de se poser la même question à son sujet. Une métahumaine, ancien sujet d’expérience de ces laboratoires qu’elle recherchait – et, loués soient les dieux, elle n’appartenait clairement pas au camp des héros qui pullulaient dans cet étrange pays. Un soulagement, mais également une étrangeté en elle-même, dans cette contrée où tout le monde semblait appartenir à quelqu’un. « Je crois que je tiens quelque chose. » répondit Ahmed, non sans une certaine fierté dans la voix, avant d’appuyer sur un bouton et d’afficher de nouveaux onglets sur l’écran. Des cartes. Une multitude de cartes, et une liste soigneusement organisée. « Ha ! C’était donc ça. C’est une liste d’adresse, et les cartes de la plupart de leurs laboratoires et lieux de réunion, peut-être même tous. Regardez. » Très fier de lui, et sans doute à juste titre, Ahmed fit défiler les informations à vitesse grand V sur l’écran. « La plupart des fichiers sont encore encryptés, mais je peux créer un programme pour outrepasser la sécurité. » « En combien de temps ? » « Quelques jours, tout au plus » « Nous n’avons pas quelques jours, Ahmed. » gronda Adam. « Nous n’avons pas le choix, nous devons tout prendre avec nous. Tenez… »

Rapide comme l’éclair, Ahmed, sous le regard impatient et terriblement attentif de son souverain, glissa deux clés usb dans le lecteur, pianota quelques instants sur le clavier, complètement absorbé dans sa tâche. Au-dessus de leurs têtes, Adam perçut, très loin encore, mais définitivement en approche, le son des pales d’un hélicoptère. « Les renforts seront là dans dix minutes. » « C’est fini. » Clac, Ahmed arracha les deux clés, en glissa une dans sa poche, et glissa un regard à son souverain, gardant la deuxième dans sa main. Adam adressa un regard à Jane, la sondant, pendant un instant ; puis, il hocha la tête en signe d’assentiment. « Tiens. Cette clé est déjà programmée pour être connectée à mes serveurs. Tu la branches sur ton ordinateur, et dès que j’aurai écrit le programme de décryptage, il se téléchargera automatiquement sur ta machine. Tu auras accès à tout, toi aussi. » Un cadeau, d’un prisonnier à un autre. Elle en fera ce qu’elle voudra. Cette croisade est la sienne, après tout – pas la leur. Ahmed se laissa retomber dans son fauteuil et se remit à pianoter furieusement. « Je n’ai plus qu’à supprimer toute trace de notre présence dans leurs dossiers, et on peut y aller. » « Alors hâte-toi. Nous avons encore une chance de nous en aller sans être vus. » l’avertit Adam. Et Ahmed redoubla d’effort, effaçant son dossier, avant de remonter à la surface tous ceux concernant Jane, et de la regarder. « J’efface tout ? » « Hâtez-vous ! » s’impatienta Adam. Qu’ils en finissent – et ensuite, ils pourront enfin partir de ce maudit endroit.

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"Feel the fury closing in All resistance wearing thin Nowhere to run from all of this havoc Nowhere to hide from all of this madness, madness, madness" ♪ Tout effacer ? Malgré l'étau qui se resserait, alors que vous deviez de toute évidence vous dépêcher, tu bloquais. Un léger tintement dans ton cœur, et encore une fois cette image de champ que tu avais vu sur la plage de nuit, en fermant les yeux. Est-ce qu’il s’agissait là d’un signe ? T’avais l’impression de rater ta chance, une opportunité de connaître le toi d’avant peut-être. Avaient-ils des informations sur l’enfant que tu avais été, ton ancien lieu de vie, tes parents ? Ce n’était pas une décision à prendre à la légère, mais il faudrait trancher vite et pour le mieux. Il y eut un tournant précis à ce moment-là, comme un cliquetis décisif avant le coup de feu. Ta gorge s'assécha, et déglutir ne fis que la rendre plus brûlante. Fixer cet écran te donna presque le tournis, animée d’intentions diverses mais incapable de choisir la meilleure -ou plutôt la moins pire- tu tanguais. Mais Hakim vous pressais, tu te contenta donc de serrer la clé usb contre ta poitrine en articulant courageusement : Vas-y. Sacrifier assez de connaissances, d’informations pour protéger ce qu’il pouvait rester de ton identité actuelle : ça vaudrait le coup. T’éviter des coups d’œil par dessus l’épaule : ça vaudrait le coup, du moins tu l’espérais. Mais, le coup partit, la balle invisible précédée du cliquetis s’enfonça dans ta poitrine décharnée. Ce n’était pas un tournant que tu avais pris, mais un véritable virage. Trop sec pour te promettre de rester sur la route, soit ce serait le coup du lapin, soit la chute : Ton dernier morceau d’humanité s’était décroché. L’espoir de connaître un jour quelque chose de mieux, une famille, la lumière dans les ténèbres de ta quête venait d’être engloutie. Tout ce qui restait, c’était la vengeance. Même l’envie d’empêcher de nuire n’était plus qu’un prétexte. Et ça, Jane, tu le regrettera plus tard. Pour l’heure, cette conscience envolée ne te fit que du bien. T’étais libérée d’un poids et l’oiseau s'extirpa de la cage sans penser aux suites. Vous vous hâtiez de vous extirper du bâtiment, fuyant avant que ne puisses débarquer la cavalerie, qui vous rata de peu. Dans ta course, tu ne pu t’empêcher d’imaginer leurs visages se décomposer en découvrant votre chef-d'œuvre sanglant. D’ailleurs en parlant de sang, il serait dur de passer inaperçus avec toute cette hémoglobine sur vous. Tu repris ton souffle dans un coin des Glades, une fois assez loin de ce quartier général effrayant : Les gars… peinais-tu à sortir. Mais vous êtes qui… ou plutôt vous êtes quoi à la fin ? Il y eut un autre échange de regard, puis tu soupirais : Vous savez quoi ? Peu importe. Ton ventre se mit à gargouiller, ton enlèvement ayant eut lieu avant même que tu n’achète un bagel pour le petit déjeuner. L’absurdité de la situation te poussa à demander, le cœur un peu plus léger et les idées en fouillis : Ça vous dit un tacos ? T’avais l’estomac dans les talons, et personne n’irait vous chercher dans un petit fast-food. Cette rencontre étrange n’apporta que beaucoup de bien. La sensation d’être de nouveau capable d’accorder sa confiance, te conforta dans l’idée qu’être aidée par un autre pouvait avoir du bon. Une personne ayant la même rage ou les mêmes objectifs, ou simplement quelqu’un pour faire un bout de chemin vers l’enfer, c’était désormais à considérer. Sans cela, jamais ta route n’aurait croisée celle du voleur, et ça, c’était à Teth Adam que tu le devais, réalisant bien plus tard aux côtés de qui tu avais incendié la fourmilière.

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