that terrible strength (TETH, JASON)

Tous les jours ils sont des dizaines, des centaines, à se presser aux frontières du Kahndaq. Tous les jours, ils sont un peu plus nombreux. Tous les jours, Rosie est à son poste, jusqu’à ce que la fatigue ne soit plus possible à ignorer et qu’elle ne puisse plus continuer à sonder les esprits de ceux qui viennent demander l’asile politique au royaume de Black Adam. Si elle n’est pas particulièrement à l’aise avec le fait de devoir lire dans les pensées de tous ces gens, Rosie accomplit sa tâche avec soin. Elle ne se permet jamais de fouiller leurs esprits à la recherche de détails concernant leur vie privée ; tout ce qu’elle fait, c’est s’assurer qu’ils ne représentent aucun danger pour le Kahndaq. Depuis les révélations du Peuple, les tensions sont de plus en plus nombreuses, les méta-humains sont de plus en plus ciblés par des attaques aussi terroristes que xénophobes et ce dans le monde entier. Pour bon nombre d’entre eux, le Kahndaq semble être le refuge idéal. Il faut que tous ces gens soient désespérés pour se sentir plus en sécurité dans un royaume en guerre que dans leurs propres pays. Cela en dit long sur la prétendue tolérance des gouvernements à leur égard, malgré les beaux discours et les mesures fantômes. Combien de réfugiés le Kahndaq pourra-t-il accueillir ? Ses frontières ne sont pas extensibles et ses ressources ne sont pas illimitées. Malgré le bon vouloir de Black Adam, sa nation aussi a ses limites… Mais pour le moment, il n’est pas question de refuser l’entrée à quiconque courant un réel danger. Rosie est bien placée pour comprendre le désespoir de toutes ces familles. Elle aussi a trouvé refuge auprès du Black Adam. Une chance, car elle non plus n’a pas été épargnée par les révélations du Peuple. Adieu le statut d’anonyme, et bonjour celui de complice d’un criminel et adversaire de la Ligue de Justice. Comme si avoir Amanda Waller et ses hommes sur le dos n’était pas suffisant ! Quand bien même elle l’aurait voulu, il lui aurait été impossible de retrouver une vie ordinaire aux États-Unis. Un mal pour un bien, peut-être, car elle se sent réellement en sécurité aux côtés de Black Adam. En sécurité, appréciée et considérée à sa juste valeur. Alors quand il lui a demandé de s’assurer qu’aucun être mal intentionné ne puisse franchir les frontières du Kahndaq, elle a bien évidemment accepter sans poser de questions. La situation est trop critique pour que le royaume puisse se permettre de commettre la moindre erreur.

Lévitant dans les airs, entourée de l’aura écarlate qui la caractérise, Rosie a déployé une toile de connexions télépathiques la reliant aux méta-humains massés à la frontière. Avec le plus de douceur possible, pour que le contrôle ne soit ni contraignant ni déplaisant, elle sonde les esprits à la recherche de la moindre trace d’animosité. Le sort lancé est efficace, quelques secondes suffisent à étudier plusieurs esprits avant de pouvoir passer aux suivants. Mais puisqu’elle doit rester concentrée pour ne rien laisser filer, elle est entourée d’une garde rapprochée composée de Feitherans. Ils assurent sa sécurité, car la magie qu’elle déploie lui demande trop de concentration pour qu’elle puisse aussi se protéger en cas d’attaque. Et comme tous les proches de Black Adam, elle redoute le moment inévitable où le royaume subira les foudres de ses voisins ou du Peuple et ses alliés. Ce n’est qu’une question de temps… Une question de temps ! Rosie rouvre brusquement les yeux. Son cœur a loupé un battement en même temps que sa gorge s’est serrée. Sur son visage, aucun trouble ne transparaît mais elle incline légèrement la tête sur le côté pour attirer l’attention de l’un des Feitherans. « Va chercher Teth Adam. Nous avons un problème. N’attire pas l’attention. » L’homme acquiesce avant de s’exécuter. Doucement, Rosie remet pied à terre, suivie de près par son escorte. En apparence, rien de différent des autres jours. Elle a besoin de faire une pause, qu’elle entend déjà certains murmurer. Sans prononcer un seul mot à voix haute, elle avertit les gardes chargés de veiller au calme tandis que les entrées dans le royaume sont autorisées petit à petit. « Des ennemis se sont cachés parmi la foule. Restez sur vos gardes, ne faites aucun mouvement risquant de nous trahir. Black Adam est en chemin. » Une petite grimace déforme ses traits avant qu’elle ne commence, d’un discret mouvement de la main, à lancer un sort de protection sur les réfugiés et les Kahndaqis présents.

Une fois n’est pas coutume, l’arrivée de Teth Adam ne passe pas inaperçue. Comme ses autres sujets, Rosie s’incline face à lui tandis qu’un murmure se répand dans la foule derrière eux. « Nous avons un problème. » C’est un euphémisme, et elle le sait. « Le Peuple est là. Certains de ses membres se sont dissimulés parmi les méta-humains à nos frontières. Je nous aurais volontiers débarrassés d’eux sans plus de cérémonie, mais… Ils ont des otages. Et ils savent que je sais. » Rosie se mord la lèvre, hésite une seconde avant de poursuivre. « Je crois qu’ils sont là pour moi. Je suis un frein à leur destruction des méta-humains. J’en aide trop à leur goût à bénéficier de ta protection. » Elle secoue la tête, profondément agacée, frustrée et surtout, inquiète. « Je pourrais tenter de les immobiliser. Mais je ne parviens pas à percer complètement leurs défenses psychiques, ça n’a aucun sens, c’est comme si… Comme si ils s’étaient entraînés. Ils ont probablement épluché mon dossier A.R.G.U.S dans ses moindres détails. J’ai peur que si je tente quoi que ce soit… Il risque d’y avoir un bain de sang. » Toute représentante des Asgardiens qu’elle soit, Rosie n’est pas infaillible. Pas encore. « Que fait-on ? »

Les dialogues en italique sont en kahndaqi.

Making a choice implies risking failure

Metropolis, quelques semaines plus tôt

Alors que je m'affairais à emballer les dernières oeuvres de la boutique encore en état d'être sauvées après le saccage, l'équipe de déménagement que j'avais engagé avait déjà presque terminé d'embarquer tout le reste. Ils étaient rapides et efficaces, encore heureux vu ce qu'ils m'avaient coûté. Spécialisés dans le transport d'objets fragiles, leurs tarifs étaient légèrement plus élevés que les sociétés un peu plus usuelles du secteur mais de ce que j'avais pu voir depuis ce matin, ils en valaient chaque cent. En posant les yeux sur le dernier paquet de la collection je laissai échapper un soupir. Avec lui je tournai si pas une bonne fois pour toute, au moins pour un bon moment la page Metropolis de mon existence. Je le faisais plus par facilité que réelle nécessité, si je le souhaitais je pouvais rester encore plus discret que d'ordinaire et continuer à vivre dans l'anonymat le plus total, malgré les tumultes provoqués par le Peuple, mais j'en avais assez d'être discret. J'en avais assez d'être le gentil et invisible Jason, ce témoin silencieux de l'histoire. Pour une fois l'histoire avait décidé de me désigner du doigt, de me dépeindre comme un éventuel danger et pour une fois, je n'avais pas l'intention de laisser passer. J'ignorais si ma décision était la bonne, la dernière fois que je me suis mis en avant une ville entière s'est retrouvée victime collatérale de nos actions. Ca m'avait détruit, si pas physiquement au moins mentalement. Pourtant je sentais que si je retournais à mes vieilles habitudes, j'allais amèrement le regretter. Le temps de la passivité était passé, je lui ai laissé sa chance durant bien trop longtemps... "Monsieur Clay... Jason Clay?" Un homme s'était approché de moi au moment ou je passais la dernière oeuvre à l'équipe de déménagement. Il flasha son badge à ma figure pendant que son collègue se tenait en retrait, main sur la hanche ou plutôt, sur son holster. "On a des questions à vous poser, vous voulez bien venir avec nous s'il vous plaît?" Leurs regards à tous les deux, ce mélange de peur intrinsèque et d'anticipation, il y avait même un soupçon de haine dans les yeux de second, ils étaient la raison de ma décision. Cinq mile ans et peu importait la raison ou les circonstances, ces regards ne changeaient jamais, et j'étais franchement las de les voir revenir, encore et encore...

Kahndaq, présent

Bien que j'aurais pu emprunter le chemin le plus court, j'avais laissé le vent du désert m'emporter jusqu'à ma destination. Durant combien de jours j'avais erré en simple courant d'air, ma conscience en sourdine? Quelle importance. J'avais juste voulu faire un dernier repli sur moi-même, une dernière introspection, pour voir si mon avis changeait une fois que l'air laisserait place à la matière, posant les pieds sur le sable des innombrables dunes du Sinaï. Mais non, mon esprit resta invariable lorsque je repris forme humaine non loin de l'imposante cité du plateau désertique. En apercevant la petite foule s'amassant près de ses remparts j'étais même plus résolu que jamais. Tous ces gens, ces méta-humains, se sentant obligés de fuir sous la pression des autres, de chercher refuge là où les regards accusateurs et ignorants engendrés par les actions du Peuple ne pouvaient les atteindre... En les voyant j'en étais sûr, plus que jamais. Mon rôle était à leurs côtés. Ce rôle, quel serait sa nature? Comment allais-je aider tous ces gens? Allais-je vraiment les aider? Je n'en avais franchement pas la moindre idée. Je n'ai jamais été du genre égoïste mais je devais l'avouer, au fil des millénaires, la seule personne dont j'ai été capable de m'occuper c'était moi, je n'avais donc même pas un soupçon de notion sur la façon de m'y prendre. Mais pourtant mon coeur me le disait, me le hurlait, le temps de l'inaction était révolu. Et s'il était certain que les miens n'approuveraient pas ma décision, ou au moins ses détails, ils allaient devoir s'y faire.
Du sol, l'extérieur des remparts du Kahndaq étaient certainement imposants. Difficile à croire pourtant qu'ils représentaient pour l'instant un des seuls si pas le seul refuge valable pour les métas. Autour de moi les réfugiés avançaient en silence. Qu'ils étaient incertains, anxieux ou tout simplement éreinté par le voyage, ils avaient tous le visage baissé. Les lourds et cruels rayons du soleil y étaient pour beaucoup mais pas seulement, le mental avait cette tendance à forcer les gens à ne pas trop lever la tête lorsque les soucis les accablaient. Pourtant tous ne gardaient pas les yeux perdus vers le sol. Outre moi il y en avaient d'autres, lançant des regards furtifs mais surtout nerveux dans plusieurs directions. Le genre de regard qui n'annonçait rien de bon mais qui surtout attira irrémédiablement mon attention. Au fil des âges lire les gens faisait partie des compétences que j'avais appris malgré moi et ce que je lisais là ne me disait absolument rien de bon. Quelque chose était en train de se tramer parmi cette foule. J'en ignorais la nature, mais quelque chose me disait que je devais le découvrir, au plus vite. Et là je le sentis. Visiblement je ne fus pas le seul car au même moment, un des réfugié suspect écarquilla les yeux, serrant la mâchoire comme si quelque chose de contrariant venait de lui tomber dessus. Il y avait une magie dans l'air et elle venait de tenter de pénétrer mon esprit. Nos esprits pour être précis, celui de tous les réfugiés. De par mon ascendance divine j'en étais naturellement immunisé mais je pouvais le ressentir, comparé à la magie de-... Non, pas la peine de ressasser de mauvais et lointains souvenirs. Bref, ça n'avait pas l'air d’être une magie agressive ou même dangereuse, sans doute était-ce une simple sécurité de la part du Kahndaq, néanmoins cela mit le réfugié suspect en alerte et rapidement ses camarades semblaient commencer à se coordonner. Quoi qu'ils préparaient c'était pour bientôt, TRES bientôt. D'où j'étais je n'avais aucune vue d'ensemble. Même si je l'avais à quoi bon? Je n'avais pas la moindre idée de ce à quoi j'avais à faire exactement. Enfin, ce n'était pas tout à fait vrai, j'avais un semblant d'idée, mais au fond de moi j'espérais qu'il soit faux.
Une chose était cependant certaine: au plus je perdais de temps à cogiter, au plus la situation m'échapperait complètement. Je ne pouvais pas régler cette histoire seul, je manquais d'infos et même si je les avais, j'étais sans doute incapable de pouvoir neutraliser tout ce beau monde assez vite avant une catastrophe, quelle qu'elle puisse être. Profitant de l'angle mort d'une roche sableuse je me changeai en air et me dépêchai de franchir les remparts. Les autorités de la ville devaient être informées du danger et si je me contentais de prévenir la garde, l'information prendrait trop de temps à circuler. Non, je devais trouver des personnes gradées, capables de prendre des décisions rapidement. L'idéal était évidemment le roi lui-même mais je doutais pouvoir le trouver assez rapidement. Pourtant la providence me sourit car non loin des remparts-mêmes je l'aperçus, Black Adam en personne, encore plus imposant qu'à la télé. Sans vraiment réfléchir je me précipitai dans sa direction, toujours sous en tant que courant d'air. Ayant trop l'habitude de passer inaperçu sous cette forme, je ne remarquai pas tout de suite les paires d'ailes qui venaient à ma rencontre, de part et d'autres. Rapidement les Feitherans, ces splendides êtres humanoïdes ailés se dressèrent devant moi, lances croisées, regards acérés. Bien évidemment, tels des oiseaux ils étaient sans doute capable de déceler les courants grâce à leurs plumes, pas étonnant du coup qu'ils m'aient repéré. Surpris mais compréhensif je repris forme humaine, bras levés. "Pardonnez mon intrusion, je sais que les circonstances sont contre moi mais mes intentions ne sont pas hostiles! Bien au contraire, j'ai des raisons de penser que quelque chose de sinistre et très urgent se trame au sein du groupe de réfugiés attendant devant les remparts... Il y a de fortes chances que le Peuple soit impliqué, même si j’espère me tromper." Mes yeux zigzaguaient entre les Feitherans, leur roi et la mystérieuse inconnue avec qui il semblait s'entretenir. Je n'en étais pas certain, mais quelque chose me disait qu'elle était à l'origine de la magie que j'avais ressenti un peu plus tôt... "Mon nom est Jason Cl-... Jason de Themyscira. Peut-être avez-vous entendu parler de moi." Je présumais peut-être beaucoup quant à ma relativement récente notoriété mais Adam ayant participé aux efforts pour repousser Brainiac, il y avait une chance que mon nom ait circulé...    

La paix ne dure jamais bien longtemps, dans les profondeurs du désert du Sinaï. Toujours, de nouveaux ennemis se pressent à leurs portes, quand bien même ils tentent de les ouvrir à ceux de ce monde qui se voient injustement persécuté par les puissants terrifiés par ce qui peut venir remettre en cause leur pouvoir. Aux frontières du Kahndaq, réfugiés de tous bords se pressent pour entrer dans le pays, se heurtent aux contrôles stricts mis en place par le gouvernement de Black Adam : la main qu’il a tendue aux métahumains de la planète ne saurait être abusée par leurs ennemis, et prudence est mère de sûreté. Aujourd’hui encore, les événements semblent vouloir lui donner raison. Occupé à mener conseil au palais de Shiruta, le champion se voit interrompre par l’arrivée urgente d’un des Feitheran détachés aux postes frontaliers, l’informant d’une urgence au poste d’immigration – celui-là même où Sigrid est assignée pour la journée, surveillant attentivement le flux d’arrivées et les possibles intrusions du Peuple, ou d’autres cellules terroristes venues de l’extérieur, dans leurs rangs. Il n’en faut guère plus pour que Black Adam s’envole, déterminé à constater la situation de ses propres yeux. Du côté kahndaqi de la frontière, l’on s’incline face au champion qui vient se poser parmi eux, lévitant au-dessus de la foule, cerclé d’éclairs et d’étincelles débordant de l’éclair frappé sur son poitrail ; du côté extérieur, l’on murmure, l’on doute, soudainement, l’on se questionne, l’on admire. Qu’importe les opinions des uns et des autres. La priorité de Black Adam se porte sur sa protégée, et sur la communication urgente qu’elle a à lui faire. Le Peuple. Evidemment – si le visage de Black Adam reste impénétrable, Sigrid le connaît désormais suffisamment pour reconnaître ce voile sombre au fond de son regard orageux. « Ces couards. » tempête-t-il à voix basse. « Sans doute sont-ils bien préparés. Nos services secrets ont démontré que le Peuple était bien plus qu’une simple cellule terroriste mal organisée. Nous allons devoir procéder avec prudence et… attends. » Adam fronce les sourcils, perplexe. Qu’est-ce que cette présence qu’il vient de percevoir ? A quelques mètres d’eux, les Feitherans s’agitent : Adam tourne la tête vers eux, juste à temps pour assister à la transformation d’un homme se matérialisant dans l’air – littéralement. Un homme dont les traits lui semblent étrangement familier – et dont l’aura, elle, ne laisse aucun doute quant à sa nature.

Le nouveau venu prend la parole, s’agite, et les Feitherans s’agitent aussi, lances pointées sur lui avec défiance ; mais Black Adam lève une main impérieuse et s’adresse à leur meneur : « Northwind. Il suffit ; laisse-le passer. » Ce nom. Il ne s’était donc pas trompé. D’un bref geste de la main, Adam invite Jason à approcher avant de consentir enfin à se poser à terre. Il est certains invités pour lesquels les dieux encouragent à une certaine humilité. « Jason de Themyscira. Ton nom et ta réputation te précèdent : sois le bienvenu au Kahndaq. » Le champion du Kahndaq tend une large main à son interlocuteur en guise de salutation. Si lui-même avait été délégué à Central City lors des efforts de lutte contre Brainiac, les noms des héros et braves s’étant joints à la lutte ailleurs n’avaient pas échappé à son attention aiguisée. « Je suis Black Adam, protecteur du Kahndaq. Et voici Sigrid, ma précieuse conseillère et aide en ces temps troublés – comme tu peux le constater. » Ses yeux balayent à nouveau la foule amassée derrière les remparts. Ce que Jason de Themyscira peut bien faire aux frontière kahndaqi est un mystère qu’il a bien l’intention d’élucider, mais pour l’heure, des préoccupations plus pressantes demandent son attention. La volonté de Jason de l’avertir du même danger, confirmant par là les soupçons de Sigrid, sont preuves bien suffisantes, à ses yeux méfiants, de la bonne foi du fils de Themyscira. « Je crains que tu n’aies raison. Sigrid vient de m’informer du même danger et est catégorique au sujet du Peuple. Nous craignions qu’ils ne tentent de saper nos efforts, mais il semblerait que ce soit elle, ainsi que la protection qu’elle offre à nos frontières et nos réfugiés, qu’ils ciblent. » Autrement dit, ils seront prêts à tout pour déranger leurs efforts de régularisation, et surtout, pour réduire à néant les barrières que Sigrid a pu dresser pour protéger à la fois le Kahndaq et les réfugiés venus demander asile. Et, sans aucun doute, pour s’en prendre à Sigrid elle-même. Bien. Adam se retourne vers Sigrid et Jason – si ce dernier s’est avancé pour les prévenir du danger, après son combat contre Brainiac, est-il excessif de partir du principe qu’il est en mesure de lui demander son assistance ? Si les pouvoirs des vents courent dans ses veines, son aide pourrait se révéler cruciale pour apporter une solution la moins sanguinaire possible à cette tentative d’attaque.

« Nous allons commencer par faire fermer les entrées du pays. La foule entrante sera informée qu’il ne s’agit que d’une fermeture temporaire, permettant de réguler les personnes déjà entrées de l’autre côté des remparts et éviter une foule ingérable. Cela nous permettra d’éloigner ceux qui sont entrés et pourraient se retrouver pris dans l’attaque qui nous menace. » décide-t-il ; d’un nouveau geste, il appelle à lui l’un des capitaines des gardes frontaliers, lui donne ses instructions, et lui intime de faire passer le message à tous les postes. Une fois le jeune homme parti accomplir son devoir, Adam tourne à nouveau la tête vers Sigrid, et pose une large main sur son épaule – presque comiquement petite en comparaison. « Sigrid. Penses-tu pouvoir les immobiliser comme tu le suggérais ? Même si ça n’est que l’espace de quelques instants, cela nous donnera le temps nécessaire pour les neutraliser. Avec les yeux de Zehuti et la vitesse d’Heru, je n’aurai pas de mal à les repérer dans la foule et les en extraire le plus vite possible. » Puis, c’est vers Jason qu’il reporte les yeux. « Jason de Themyscira – j’ignore ce qui a guidé tes pas au Kahndaq, mais je te suis reconnaissant de ton courage et de ton intégrité. Il n’est pas dans mes habitudes de demander de l’aide, mais la vie de ces gens en dépend. Penses-tu pouvoir te joindre à mes efforts sitôt que Sigrid aura immobilisé les intrus ? Si ce sont bien les vents qui t’accompagnent, ton assistance nous serait précieuse à tous. » De là à dire que quémander de l’aide lui arrache la bouche, il n’y a qu’un pas – mais Jason n’est pas n’importe qui, et sa priorité est ailleurs que dans sa fierté. Quelqu’un, un jour, s’est efforcé de lui enseigner cette leçon difficile. Quelle meilleure occasion que celle-ci pour la mettre en pratique, alors que la violence et la haine viennent à nouveau frapper aux portes de leur précieux royaume ?

 

AVENGEDINCHAINS

Un mauvais pressentiment lui serre la gorge. Rosie le sait, elle le sent, quelque chose de terrible est sur le point d’arriver. Et elle se sent terriblement impuissante, comme si la catastrophe était inévitable quoiqu’elle puisse faire. Elle espère sincèrement se tromper, mais son intuition divine l’a rarement induite en erreur. Toute pupille de Black Adam qu’elle soit, cela ne l’empêche pas de frissonner lorsqu’elle perçoit la colère dans le ton de sa voix. Hélas, aujourd’hui, la force brute ne leur sera d’aucune utilité. Les terroristes du Peuple sont bien préparés. Les sous-estimer serait une grossière erreur, même A.R.G.U.S les considère comme une menace importante. S’ils ont osé se rendre jusqu’au Kahndaq, c’est qu’ils sont certains de leur plan. Et c’est suffisant pour que Rosie s’inquiète. Elle aurait préféré faire face à une équipe envoyée par Amanda Waller, voire à un détachement de la Suicide Squad. Avec Rick Flag, elle aurait pu négocier. Mais avec ces illuminés… Presque en même temps que son mentor, Rosie perçoit une présence étrangère et divine parmi eux. Sur ses gardes, elle serre les poings et ces derniers se mettent à luire d’une lumière écarlate lugubre. Quand l’homme se matérialise devant eux, elle hausse un sourcil. Ce visage… Il y a quelque chose de familier chez lui, mais elle ne parvient pas à mettre le doigt dessus. Et s’il y a bien une chose qu’elle a apprise en ayant tout un panthéon dans la tête, c’est qu’il vaut mieux éviter de se glisser dans les esprits divins sans consentement. Elle s’apaise lorsque l’homme se présente et que Black Adam le salue. Elle laisse sa magie s’évaporer et retient un soupir de soulagement. Jason de Themyscira, autrement dit le frère jumeau de Wonder Woman. Si elle ne se trompe pas, il est lui aussi l’une des victimes du Peuple, son identité a été révélée au grand jour et c’est peut-être là la raison de sa présence dans leur royaume. Lui aussi est venu demander asile au Kahndaq, comme des centaines de gens dont la vie a été bouleversée par des psychopathes aux sombres desseins.

Un soupir échappe à Rosie lorsque le roi explique la situation au demi-dieu. En effet, la protection qu’elle offre au Kahndaq et à ses réfugiés contrecarre les plans du Peuple et les agace très certainement. Et de toute évidence, la menace représentée par Black Adam et ses armées ne suffit pas à dissuader de s’en prendre à eux. Des fous, ces gens sont des fous… Les bras croisés sous sa poitrine, Rosie écoute avec attention les ordres de son souverain, acquiesçant doucement. Et lorsqu’il se tourne vers elle pour lui demander si elle serait capable d’immobiliser les terroristes le temps de se débarrasser d’eux, elle soupire doucement avant de prendre une profonde inspiration. Elle s’accorde quelques secondes pour réfléchir, faire le point sur ses capacités, peser le pour et le contre. « Je devrais pouvoir les immobiliser quelques secondes. Le temps… Que vous fassiez ce que vous avez à faire. Mais comme je l’ai dit, je ne parviens pas à complètement percer leurs défenses psychiques. Quelque chose m’en empêche. Ou quelqu’un. » Se pourrait-il que le Peuple soit parvenu à recruter un méta-humain aux capacités psychiques ? Ou plutôt, à le forcer à travailler pour eux ? Ils semblent être si inspirés par les techniques d’Amanda Waller que ce ne serait guère étonnant… « Je vais faire de mon mieux. Mais vous allez devoir être rapide, j’ignore combien de temps je vais pouvoir les tenir. » Rosie lance un regard inquiet à Black Adam avant de se ressaisir. Il compte sur elle, elle ne doit pas le décevoir. Afin d’éviter de rester vulnérable aux attaques physiques, elle s’entoure d’un bouclier d’énergie protectrice avant de s’élever de nouveau quelques mètres au-dessus de la foule. Les frontières ont été fermées, les réfugiés s’agitent, les gardes peinent à les garder sous leur contrôle… Il faut que Rosie s’éloigne de tous ces esprits affolés pour se focaliser sur les autres. Ceux qui, au milieu du chaos, gardent leur calme. Les uns après les autres, elle les repère et les isole. Un… deux… trois… quatre… cinq… six… sept… huit…

Lorsqu’ils sont tous à sa portée, Rosie déploie sa toile. Elle trouve un point d’ancrage dans chaque esprit mais elle le sent, son contrôle n’est pas ce qu’il devrait être mais elle les tient. Au milieu de la foule paniquée, les agents du Peuple sont ces individus qui semblent être comme pétrifiés, incapables de faire le moindre mouvement. Mais chaque seconde est une véritable lutte. Qui que puisse être le télépathe parmi eux il est doué, très doué. Pourrait-il s’agir d’un Homo Magi, comme elle ? Elle ne perçoit pourtant aucune énergie magique, mais un sort de dissimulation pourrait l’aveugler… Elle grimace lorsqu’une douleur aiguë similaire à celle d’une vilaine migraine lui enserre le crâne. Son contrôle vacille, les agents du Peuple sont libres de faire quelques pas avant qu’elle ne reprenne le dessus. Mais la douleur s’intensifie, au point qu’un sifflement vient remplacer tout son parvenant à ses oreilles et elle ne voit plus rien si ce n’est une lumière blanche. L’attaque est violente ; Rosie se mord l’intérieur de la joue jusqu’à ce que le goût de son propre sang lui parvienne pour tenter de garder l’avantage. Mais bientôt, c’est trop. La douleur devient insupportable, elle laisse échapper un cri déchirant alors qu’elle prend sa tête entre ses mains, incapable d’en supporter davantage. Ses sorts se dissipent, elle tombe du ciel comme une étoile filante et l’atterrissage lui aurait été fatal si on ne l’avait pas rattrapée au vol. Encore aveuglée par l’attaque psychique, elle tâtonne le corps de son sauveur jusqu’à ce que ses doigts effleurent la forme d’un éclair. « Les bombes ! Ils vont faire exploser leurs bombes ! Je ne peux pas les contrôler, je ne peux pas les contrôler ! Ils vont faire exploser leurs bombes ! » Trop tard, lui murmure une petite voix divine avant qu’elle ne perde connaissance, assommée par la violence de l’attaque sur son esprit.