L'averse silencieuse | Ft. Caroline

"L'averse silencieuse"

Les plus belles histoires sont celles qui finissent mal, car elles ne sont que le reflet de notre réalité. - Thalassa

       Le ciel nocturne portait son manteau de nuages reflétant à d'après leur teint la luminosité de la ville de Gotham. Assise devant un baril dont le sommet enflammé était alimenté par quelques bouts de bois que Thalassa jetait quelquefois. Autour du baril, les membres de leur petite bande faisaient tourner un joint d’un côté et une chicha de l’autre. Depuis une enceinte JBL assurément volée, l’un de ses camarades faisait passer une playlist de rap-antillais. Si Thalassa s’en sortait un peu en français, le créole était pour elle aussi compréhensible que le Cajun de la Nouvelle-Orléans. Toutefois, elle aimait bien ce qu’elle entendait, elle appréciait le rap de base même si elle aurait toujours une préférence pour le rock et le metal. La chicha arriva en premier de son côté, l’adolescente prit deux ou trois taffes et tandis qu’elle laissa échapper la fumée d’entre ses lèvres, elle cracha ses mots. « Je vais arrêter d’aller au lycée et je vais me barrer de l’orphelinat. » Quelques regards intrigués se levaient vers elle.
       Zepekenio, qui n’était qu’un surnom, prit un bouffé du joint et s’exprima, non sans une expression défoncée. « Meuf, t’es la seule à continuer à aller au Lycée. » Il lui passa le joint, Thalassa fixa un moment la clope, songeuse, avant de répondre. « Pour ces connards, je ne serais qu’une simple meurtrière de toute façon, ça sert à rien que j'y retourne. » Chacun acquiesça, dans un mouvement lent de la tête, les paupières à moitié fermé. Thalassa les enviait, car pour elle, les effets du joint prenaient bien plus de temps à se manifester. Elle prit à son tour une taffe avant de passer le joint, elle garda un moment la fumée dans ses poumons avant de le relâcher. « Putain, j’ai la dalle gars. Venez on va se trouver un truc à manger. » Se plaignit Yaya, de son surnom, un silence s’installa. Il était une heure du mate, donc chacun ici savait que tout était fermé et comprenait ce que voulait dire Yaya par trouver de quoi manger. Il se tourna vers la rouquine qui avait de nouveau la chicha entre les lèvres. « T’en dis quoi Redhead ? »

           Thalassa s’en foutait en vrai, elle avait juste un peu la flemme de bouger. C’était d’ailleurs pourquoi elle avait préféré fumer ici, plutôt que d’allée à l’une des soirée où l’un des membres de leur crew était DJ. Thalassa n’avait pas la tête à se défoncer à coup de sono et d'alcool, elle voulait simplement rester poser sans qu’on ne lui fasse trop chier. Et puis surtout, elle avait la flemme de se maquiller pour paraître plus mature et légèrement plus vieille. Parce qu’après tout, elle était la seule dans sa bande à ne pas encore avoir atteinte 18 ans. C’était le bébé de la bande, mais un bébé qu’ils connaissaient tous depuis un petit moment maintenant. Chacun se rappelait encore comment cette petite tête rousse était entrée dans leur vie ? Une fugueuse qui cherchait un refuge et qui était capable de tout pour ne pas se faire rejeter de ces histoires de grand. Ils la trouvaient marrante de vouloir essayer le vol à la tire et s’amusaient à lui apprendre les techniques qu’eux-mêmes avaient appris à maîtriser pour survivre à travers les rues de Gotham.    
          Cela faisait quatre ans depuis qu’elle continuait à traîner avec eux… Dans la bande, il n’y avait pas de chef, mais un certain respect avait naturellement fini par naître dans le cœur de la plupart d’entre eux pour la rouquine, elle qui se faisait choper de nombreuses fois par les flics et pourtant, elle refusait de leur balancer les noms de ses potes. C’est pourquoi, quand elle avait annoncé ne pas aller à la soirée, trois d’entre eux, qui n’avaient pas promis d’aller à cette soirée, ont préféré rester avec la rouquine, le reste de la bande y était allé, notamment sa sœur de cœur, celle qui lui avait concrètement appris à survivre dans la rue. Mais c’était d’ailleurs parce qu’ils étaient restés pour elle, que Thalassa ne se voyait pas dire non à Yaya. « Lil Dumb, tu as toujours tes cisailles dans le coffre de ta voiture. » Il acquiesça en prenant le joint entre ses doigts. Quand la rouquine se leva, bien que n’ayant donné aucune réponse oralement, chacun avait compris que c’était le top départ. Zepekenio récupéra son enceinte et Yaya sa chicha, chacun d’entre eux se dirigeait vers la voiture de Lil Dumb.

           Thalassa s’était assise à l’arrière au côté de Zepek, elle rallumait à l’aide de son briquet le joint qui s’était éteint entre temps. Yaya était pour sa part assis du côté passager avant et Lil Dumb au volant. « On se fait Carrefour ? Les enseignes françaises sont toujours le moins gardé. » Demanda le chauffeur alors qu’il se dirigeait vers le centre commercial en question, Yaya pensa que c’était une bonne idée. Thalassa ne répondit rien, le regard rivé vers le paysage urbain, laissant la fumée du cannabis sortir de sa bouche. Ils arrivaient vers le centre commercial vide et fermé, en à peine dix-minutes. Il se gara hors du parking pour éviter d’attirer la suspicion de gardiens de nuit qui verront arriver le véhicule via les caméras. Ils suivirent Yaya en prenant soin de passer par les zones hors des champs de caméra. La porte de service crochetée en deux mouvements par le Nigérien, Thalassa songea qu’elle était encore loin d’être aussi rapide que Yaya. Même le brésilien s'en sortait mieux qu'elle, Zepekenio la battait de quelques malheureuses secondes en terme de rapidité.
           Une fois à l’intérieur, ils se précipitèrent rapidement le plus rapidement en direction de Carrefour, courant en ignorant les nombreuses boutiques. Certaines caméras ne pouvaient pas être évitées, mais les gardiens de nuit n’avaient pas H24 le regard rivé sur leur écran. Encore que… Il y avait des chances qu’il n’y ait qu’un gardien de nuit. C’était Gotham après tout, peu de gens sensés étaient prêts accepter un travail de nuit dans un lieu à risque. Il y a de fortes chances que même si celui qui avait accepté ce poste découvrait la présence d’intrus, il ne prendrait pas lui-même le risque d’aller à leur rencontre. Thalassa songea d’ailleurs que s’ils se faisaient repérer, la police mettrait le temps qu’eux-mêmes avaient mis pour arriver sur place. Dix minutes, c’était le temps qu’elle avait mis sur sa montre, elle n’avait pas hésité à prévenir ses camarades qu’ils avaient potentiellement dix minutes avant l’arrivée des flics si le ou les gardiens de nuit les avaient repérés.

            Dernière porte de service qui menait facilement à l’intérieur des rayons en passant par le couloir du personnel employé, ce dernier était verrouillé par une chaîne, elle-même solidement bloquer par un cadenas à code. « Lil Dumb. » Chuchota Thalassa, l’intéressé passa devant le groupe, les dents des cisailles entre la mâchoire du cadenas qu’il brise en un simple coup. Quelques minutes, plus tard, Thalassa et sa bande remplissaient leur sac de chips, sandwich, coca, alcool... Etc. Traversant les rayons, en prenant soin de bien éviter les caméras malgré tout. La rouquine avait pour sa part commencé à grignoter ses chips. « Wow, il y a beaucoup de clients aujourd’hui. » Cracha-t-elle, ce qui fit rire l’ensemble de sa bande.