Zone Zombie (John Constantine)

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kent & john

John Constantine n’était pas un homme du matin. Plus habitué à se coucher au lever du soleil et passer le reste de sa journée à profiter de ses mémorables gueules de bois, il n’avait pas eu ce luxe ce jour-là, réveillé à l’aube par une bagarre de voisinage qui avait résulté en un début d’incendie dans une chambre voisine de la sienne à l’hôtel miteux qu’il occupait temporairement. Les pompiers l’avaient forcé à se lever malgré ses protestations, et dès potron-minet, l’exorciste et magicien le plus généralement détesté et controversé de la planète s’était retrouvé à errer sans but dans les rues de Las Vegas avec un mal de tête de chien et une nausée trop prégnante pour le laisser profiter d’un petit déj’ et d’un journal comme tout clampin livré à l’ennui et l’attente qui se respecte.

Il avait donc choisi de se perdre dans les rues, s’arrêtant uniquement pour boire un café dans un parc dans l’espoir de se débarrasser de cette gueule de bois nettement moins marrante dès lors qu’il n’était pas dans le confort d’un lit. Il se rendormit finalement sur un banc, se réveilla à cause d’un junkie tentant de lui faire les poches, s’en débarrassa à grands renforts de coups de pieds au derche et de jurons plus fleuris les uns que les autres, et décida que sa gueule de bois était suffisamment passée pour se permettre d’aller déjeuner. En paix, avec un peu de chance.

Mais si chance et John Constantine allaient ensemble, ça se saurait, hein.

John n’avait même pas passé cinq minutes devant ses œufs brouillés et son café que les problèmes vinrent frapper à sa porte comme ils savaient si bien le faire. Cette fois, en prenant la forme d’un portail dimensionnel et d’un gai luron en collants égyptiens et casque doré – la soudaineté de l’apparition poussant John à avaler de travers et s’étrangler avec son omelette.

Y avait vraiment que Fate pour faire des entrées aussi dramatiques – et mettre John de mauvais poil avant même d’ouvrir la bouche pour déblatérer ses bonnes paroles de sage mage blanc. « Bordel, Fate. » grogna-t-il avant de repartir dans une quinte de toux, son poing fermé martelant sa poitrine quelques secondes de plus avant qu’il se ne laisse aller en arrière sur sa banquette, ses yeux tombant sur le café renversé. Le regard qu’il lança à Fate était aussi incendiaire que blasé. Vraiment, y avait pas moyen de profiter d’une matinée tranquille, dans ce foutu pays ?

Ignorant les regards braqués sur eux, John ramassa sa fourchette sur la table et continua de picorer dans son assiette, n’écoutant les déclarations de son vieux compère que d’une oreille elle-même à moitié attentive. Avec tout le respect qu’il devait à la sagesse de Kent Nelson, John Constantine travaillait en solo, et ne se tenait pas à la disposition de tout le monde quand bon leur convenait, merci bien. Surtout s’il n’avait rien à y gagner à part des ennuis, et avec la magie vaudou, c’était pratiquement toujours le cas.

« Nan. » répondit John d’un air morne et bougon. S’attendant à ce que Fate disparaisse sans demander son reste, il lui fallut quelques secondes pour réaliser que le casqué était toujours là à le dévisager avec insistance. Au comble de l’exaspération, John jeta sa fourchette dans son assiette à moitié vide et posa ses deux mains sur la table, poings fermés dans une attitude défensive qui lui était coutumière. « Un imbécile s’amuse à jouer avec le vaudou et manque d’ouvrir un portail dimensionnel, la belle affaire. C’est pas la première fois que ça arrive, ce sera pas la dernière. Au mieux il ne se passe rien, au pire ce clampin se fera posséder par Baron Samedi avant d’être emmené en Enfer. J’ai envie de dire : qu’est-ce que tu veux que ça me foute ? »

C’est vrai ça, pour qui il le prenait, Kent ? Un bon samaritain, un gardien de l’équilibre de la Terre contre les forces du mal ? Si c’était ça son idée de Constantine, il fallait vraiment qu’il revoie ses niveau d’optimisme, le brave homme. Constantine n’en avait que pour sa pomme, et la plupart du temps, ça lui demandait bien assez de travail comme ça. Sa tendance à s’attirer l’ire des mauvaises personnes au mauvais moment lui apportait son lot d’ennuis sans qu’il n’ait à aller les cherches à Hawaii.

Posant ses coudes sur la table et se passant une main sur l’arrière de la nuque, John soupira, bien conscient que sa réponse ne satisfaisait nullement son compagnon de déjeuner improvisé. Peu de gens dans le monde de la magie avaient droit à l’estime de Constantine – Kent Nelson pouvait plus ou moins se targuer de faire partie du lot, même si la magie blanche avait toujours laissé un drôle de goût dans la bouche de John. Un brave type, plein de bonnes intentions mais sans tomber dans le piège du bon sentiment et de la naïveté, un mage à la Gandalf comme on n’en faisait plus à l’heure actuelle. Pas le genre de type que John avait nécessairement envie de compter parmi ses ennemis. Il soupira.

« Ecoute mon vieux, c’est pas que j’aie envie de t’emmerder, mais le vaudou, j’en ai ma claque. Ca fait trois mois que j’ai pas eu affaire à un sorcier de Louisiane ou d’ailleurs, et j’aimerais bien continuer sur cette lancée. » Mettez-vous un sorcier vaudou à dos, c’était toute une communauté qui vous tombait dessus. Et le vaudou était une saloperie particulièrement coriace, quand manié correctement. John ramassa le paquet de clopes qu’il avait laissé sur la table, en tira une du lot et la suspendit à ses lèvres. « Ce portail… » Le cliquetis du clapet de son briquet fit écho à ses paroles alors qu’il marquait une pause pour allumer la cigarette. Non sans soulagement, il exhala a fumée de ses poumons, ignorant délibérément les panneaux ‘no smoking’ qui avaient cessé d’avoir de l’importance au moment où un type encasqué était apparu par magie dans ce restaurant de Vegas. « T’as plus d’infos ? Une signature magique, un nom, un truc plus précis que ‘allons au cœur de l’activité vaudoue du pays et voyons ce qui se passe’ ? »