looking for something, dear ? ‡ pv selina

Un souffle léger se fit entendre au sommet d’un bâtiment de Gotham, au beau milieu d’un penthouse où le luxe, l’extravagance et un étonnant bon goût se conjuguaient à la perfection. D’un style mêlant le contemporain et le classique, j’apparaissais dans un mince nuage de brume sombre en fronçant les sourcils. Une suie légèrement humide couvrait un trench noir qui reposait sur mes épaules, légèrement éraflé par endroits, signe que je ne revenais pas d’une virée shopping dans les beaux quartiers de Metropolis ou je ne sais où. A la suite d’un soupir fatigué, je retirai le vêtement pour le jeter nonchalamment sur le grand divan qui trônait au milieu de la pièce. Je rentrais bredouille, cette fois. J’avais beau être sur une piste prometteuse pour trouver un artefact oublié depuis des générations entières, je devais bien admettre que les protections qui devaient le séparer du monde connu étaient aussi ingénieuses que complexes. J’aimais le challenge, mais jusqu’à un certain point où ma patience finissait par ne plus tolérer de sempiternels et vains efforts. Mes vêtements tombèrent un par un sur le sol en marbre brillant de la chambre, jusqu’à ce que je me glisse sous la douche à l’italienne pour laisser l’eau chaude s’écraser en une pluie fine sur mes muscles endoloris. Chaque usage prolongé ou trop intense de la magie me faisait un mal de chien, depuis mon retour des Enfers, et j’étais convaincu que ce satané objet magique me permettrait de me décharger un peu de cet agaçant fardeau. Tandis que je relevais la tête, yeux clos, pour profiter de l’ambiance humide et brûlante qui s’installait dans la douche, je laissais mon esprit vagabonder en caressant distraitement mon avant-bras et le tatouage qui s’y trouvait. Ca aussi, il allait bientôt falloir que je m’y attaque. Méthodique, il me fallait lancer plusieurs quêtes en même temps afin de ne pas laisser de répit à mes vieux adversaires qui travaillaient sans doute déjà à me précipiter à nouveau dans les abîmes infernaux. No way.

Détendu et propre, je sortis de la douche en tenue d’Adam et claquai des doigts pour me sécher en une seconde. Bientôt, face à un imposant dressing, je choisis sans hésitation une chemise prune, une veste de costume cintrée aussi noire que mon pantalon, des souliers vernis et des boutons de manchette pour terminer la tenue. Ce soir, il était question de parader, sauver les apparences. Jouer le riche millionnaire qui ne sait pas quoi faire d’autre avec son argent que le dilapider en soirées de fête pour la bonne société de Gotham, enchaîner les conquêtes, multiplier les investissements fructueux par-delà le globe… bref, la vie d’un homme frivole et dur en affaires à la fois, rien qui ne puisse alerter le monde, en somme. Dans l’ascenseur qui m’emmène dans les étages inférieurs, j’entends la musique qui commence à faire vibrer les murs… et lorsque les portes s’ouvrent, le son porte les mouvements d’une foule jeune, belle et déchaînée. Un sourire charmeur pendu aux lèvres, je descendis les marches menant au bar en face de la piste, puis commandai un whisky en m’accoudant avec une classieuse nonchalance au comptoir, mes yeux sombres vrillés sur la foule. Un des types de la sécurité sort de l’ombre pour me serrer la main et rester à une distance respectable de moi, alors qu’une jeune femme et un jeune homme approchaient tous deux avec une mine qui n’avait rien de catholique.
Cela faisait maintenant quelques minutes que nous échangions quelques mots, testant le terrain pour une nuit propice aux péchés, lorsque je sentis quelque chose dans ma poche. Et rien à voir avec les prémisses de la soirée dont nous parlions. Je sortis ma main de ma poche pour regarder ma montre : une lueur verte faisait briller le chiffre douze avec une force toute particulière. Un regard humain n’y verrait qu’un gadget de plus sur une montre hors de prix, mais en réalité, elle était ensorcelée. Quelqu’un s’était introduit dans mon penthouse, quelques étages plus haut, et sans y avoir été invité. J’expédiais la conversation en promettant faussement un retour prompt à ces jeunes gens, puis je fis un signe de tête au bodyguard. Celui-ci récupéra mon verre vide au passage avant que je ne monte les escaliers rapidement en boutonnant ma veste de costume. Je passai alors devant l’ascenseur et un geste furtif de la main l’envoya au sommet du bâtiment… mais vide.
Lorsqu’il arriva à destination, ses portes s’ouvrirent… et le penthouse était vide de toute présence visible. Les portes se refermèrent alors, et l’ascenseur redescendit comme si de rien n’était. Et une poignée de secondes plus tard, je vis une forme presque féline toute de noir vêtue se détacher des ombres de la grande pièce de vie afin de reprendre ses recherches. J’aurais pu la clouer sur place, la réduire à néant. Mais si quelqu’un enquêtait sur moi en ayant l’imprudence de s’introduire dans mon domicile, il était évident que cette personne n’avait pas la moindre idée de la personne à qui elle s’attaquait au sens figuré. Je sortis de mon sortilège d’invisibilité puis ouvrit d’un coup la baie vitrée du balcon pour entrer à mon tour. Human style. « Bonsoir. Vous savez, je n’ai rien contre la compagnie d’une femme en cuir chez moi le soir, mais je n’aime guère qu’on s’introduise sans me demander mon avis avant. » annonçais-je, un sourire en coin aux lèvres. Volontairement tendancieux, malgré l’extrême politesse dont je faisais preuve. Mains croisées dans le dos, j’attendais la réaction de la jeune femme – évident qu’avec une silhouette pareille – avec un calme imperturbable.

Arrogante, confiante, et un tantinet présomptueuse. Ajoutez une combinaison tout en cuir et une silhouette remarquablement féline, et vous aurez le cocktail parfait d’une femme qui ne passe pas inaperçue. Étonnant, d’ailleurs, puisqu’elle faisait sans doute son possible pour ne jamais se faire remarquer. Sa voix s’élevait dans le penthouse comme un ronronnement moqueur et hautain, sans une once de frayeur. Mon sourire en coin n’en fut que plus étiré au son de ses paroles. Curieux de voir jusqu’où elle était capable d’aller dans sa provocation et dans ses spéculations, j’attendais sagement face à elle sans détacher mes mains de mon dos. La magie ? Quel esprit. Et si elle savait reconnaître les effluves ou les signes des arts mystiques, elle savait également qu’ils pouvaient être remarquablement dangereux lorsqu’ils étaient entre les mains d’un être tel que moi. Mais à bien y regarder et à deviner le but de sa visite, je pouvais – sans trop de difficultés – affirmer qu’elle n’avait pas la moindre idée de la personne qu’elle avait en face d’elle. Un flambeur suspect et peut-être versant dans quelques assemblées de sorciers du commun… pas si loin du compte, mais très éloignée dans le même temps. Lorsqu’elle se détacha enfin de l’atmosphère la plus sombre du loft, j’arquai un sourcil sans me cacher de la dévisager de ses talons jusqu’au visage masqué d’une paire de lunettes d’un style assez proche du steampunk. « Si j’avais su que la célèbre Catwoman allait venir me voir ce soir, j’aurais au moins pris la peine de faire allumer quelques bougies d’ambiance et faire servir une coupe de lait frais. » soufflais-je avec une voix doucereuse et polie, mais empreinte d’une légère ironie. Elle ne savait peut-être pas qui j’étais, mais de mon côté, j’avais fait mes devoirs avant de m’installer à Gotham. Ville complexe et morcelée entre plusieurs quartiers sous bonne garde, je savais qu’il ne faudrait pas longtemps avant de recevoir la visite des têtes les plus connues de cette métropole à la fois sordide et charmante. Ce serait donc la chatte au doigté de velours avant la chauve-souris bodybuildée, si je comprenais bien.
Muré dans le silence face à ses invectives, je notais sa main qui courait près d’un fouet qui pendait le long de sa cuisse. Peu commun, comme arme… mais redoutablement sexy, il fallait bien l’avouer. Me débarrasser d’elle ? J’en laissais une lueur amusée courir dans mes yeux sombres, tandis que je me déplaçais lentement vers les interrupteurs commandant les lumières du penthouse. Toujours dans son champ de vision, pour ne pas l’effrayer. Elle allait très certainement vouloir s’enfuir. D’ailleurs, ses pensées étaient étonnamment rapides, je le sentais par télépathie. Elle pensait à la fuite, elle calculait déjà qu’une attaque de ma part pourrait précipiter cela, elle songeait même à provoquer ma colère pour parvenir à ses fins… ingénieuse. Pour une femme dénuée de talent surnaturel, elle compensait par un intellect bien au-delà de ce qu’on peut présumer pour une simple voleuse, même de haut niveau.

Les lumières tamisées baignaient enfin la pièce dans une lueur intime, suffisante pour voir la jeune femme sans aucune difficulté. Et je m’étais bien gardé de les allumer par magie, afin de conserver un peu le mythe… après tout, en si peu de temps, elle ne pouvait que supposer sans être sûre de quoique ce soit. Elle avait toutefois eu le temps de voir que je m’étais servi d’informations de personnes décédées pour quelques passeports et multiplier les identités en cas de problème. De la poudre aux yeux pour conserver l’image d’un riche homme légèrement corrompu… alors qu’un claquement de doigt me permettrait d’effacer la mémoire d’un policier trop curieux, ou d’un magistrat trop zélé. Une fois qu’elle eut terminé, je montrais enfin mes mains pour l’applaudir avec amusement comme pour féliciter le fruit de ses recherches, avant de finalement les enfoncer dans les poches de mon pantalon de costume. « Je vous remercie, j’aime à savoir que mon fessier fait encore partie de mes atouts physiques majeurs. Ca me change de l’accent anglais. » ajoutais-je avec un clin d’œil. Je poussai un long soupir puis penchai la tête sur le côté en regardant Catwoman. « En effet, je n’ai pas tout à fait envie de vous laisser fouiller dans mes affaires sans avoir mon mot à dire. Cela étant, je ne suis pas non plus contre les coups de fouet, ils ont quelque chose de… familier, à mes yeux. » Nostalgie des tortures endurées aux Enfers ? Une décennie passée à être à la merci des pires démons du monde souterrain m’aurait presque rendu masochiste. « Quelque chose me dit qu’en prime, vous saviez le manier comme personne, sinon vous ne vous baladeriez pas avec lui avec autant d’assurance. » Comme accessoire mode, on a quand même mieux avant de se rabattre sur le fouet.
Finalement, je contournai la jeune femme pour rejoindre le bar qui se trouvait derrière elle, tout en restant à bonne distance. « Ce qui m’attriste, c’est qu’à aucun moment vous ne vous êtes dit que vous auriez peut-être plus de résultat en me posant directement vos questions en venant un soir dans ma boîte, vêtue d’un somptueux fourreau de velours satiné, autour d’un verre. Vous auriez découvert que je peux être un homme aussi charmant que vous êtes délicieuse à regarder, dear. » Sans attendre son consentement, je sortis deux verres puis me versai un whisky dans l’un d’eux, laissant le sien vide en attendant de savoir ce qu’elle aimerait prendre. « Évidemment, vous vous dites aussi que vous préférez vérifier vos informations par vous-même, ce qui est tout à votre honneur car rien ne vous dit que je ne vais pas vous mentir. Quoique… je suis certain que vous sauriez le dire. » Je lui envoyai un sourire cajoleur puis haussai les épaules. « Alors, souhaitez-vous que je vous offre un verre ? Ou préférez-vous vous enfuir comme vous brûlez de le faire depuis que les portes de l’ascenseur se sont ouvertes tout à l’heure ? Notez que si vous partez maintenant, j’ai les moyens de rendre ce penthouse parfaitement imperméable… même pour une aussi somptueuse et ingénieuse créature telle que vous… miss Kyle. » Yes, I’ve done my homework too. La télépathie, un don toujours très utile envers les humains. Je levai mon verre à sa santé avant d’avaler une gorgée, avec un petit clin d’œil. Elle avait le choix, à présent : s’enfuir, ou jouer le jeu. Constantine avait raison : j’étais un joueur invétéré, avec un ego suffisamment imposant pour me penser assez intriguant pour que les gens entrent dans la partie. Mais peut-être que je me trompais et que Catwoman prendrait ses jolies et fines jambes à son cou sans demander son reste.

J’avais haussé les épaules avec un sourire conquis en regardant la fameuse Catwoman. Serrée dans sa combinaison, je découvrais une femme bien plus intelligente qu’une façade de séduction, et c’est sans doute ce qui lui donnait une telle réputation de voleuse de haut niveau. Peut-être même un niveau inégalé. Cela étant, fallait-il qu’elle soit mal informée ou pas informée du tout pour oser venir dans la tanière de Nicolas Nolan. D’une certaine manière, cela me garantissait que le commun des mortels n’avait pas la moindre idée de la personne que j’étais en réalité, et c’était mieux ainsi. Il est plus simple d’évoluer dans l’ombre plutôt qu’à la lumière, et ce n’est certainement pas l’intruse de la soirée qui allait me contredire là-dessus. Sûre d’elle en apparence, elle avançait presque fièrement vers le bar, fidèle à l’attitude si snob et supérieure du règne félin. Je ne me gênais d’ailleurs pas pour admirer sa silhouette de bas en haut, sans pour autant céder à la faible tentation du péché de la chair. Pour compenser, je me penchai vers le mini frigo du bar pour en sortir un plateau de victuailles apéritives. Ce genre de caprices des gens de la haute société, m’avait-on dit. Après tout, autant maintenir les illusions.
Curieux de la voir prendre en compte les informations que je venais de lui délivrer, j’enchaînais les bouchées avec un amusement non contenu. Peut-être un peu trop sûr de ma supériorité en cas d’affrontement, mais surtout attentif à la moindre de ses paroles. Il fallait dire qu’elle avait quelque chose de remarquablement envoûtant. J’en pouffais même de rire en l’entendant se payer ma tête avec un ton hautement ironique, bien loin de m’offusquer de la manière dont elle me parlait. Ayant toujours considéré les humains dépourvus de pouvoirs comme indignes de toute attention, je trouvais Selina on ne peut plus intéressante. L’exception confirmant la règle, peut-être. Elle continuait de dérouler le fil de ses pensées, tout en portant son verre près de ses lèvres pulpeuses, armées d’un sourire redoutable. Silencieux, j’étais réellement absorbé par la finesse de son esprit, presque plus admirable encore que ses courbes à en faire pâlir les séductrices les plus acharnées de ce monde. Comme on dévorerait un panier de pop-corn au cinéma devant un bon film, j’avalais bouchée après bouchée, muré dans le silence le plus profond, ma joue posée dans le creux de ma main. Seuls quelques mots vinrent tout de même rompre mon mutisme intense, au terme de sa dernière boutade. « Je suis sûr que vous devez être redoutable aux échecs. » soufflais-je en lui souriant habilement, après avoir bu un trait de mon verre pour faire passer la dernière bouchée.

Il était temps de répondre à certaines de ses interrogations, c’est pourquoi je me redressais un peu pour ce faire. « Je ne suis effectivement pas médium. C’est trop… tape-à-l’œil, comme approche. Et sans vouloir me vanter, un peu réducteur compte tenu de mes réelles capacités. » C’est toutefois tout ce que je daignais lui répondre pour le moment à ce sujet. Elle voulait tâter le terrain, connaître la nature de ces fameuses capacités pour mieux les anticiper, et s’en prémunir. Voire même les contourner. « Il est acquis que vous êtes loin d’être une simple d’esprit, je ne m’embarquerai donc pas dans une proposition de prédire votre avenir dans les lignes de votre main, d’ailleurs… Ceci dit, tenter ma chance sur d’autres courbes ne me déplairait pas. » ajoutais-je, enjôleur. Je bus à nouveau dans mon verre et repoussai vers elle le plateau de bouchées apéritives, par pure politesse. Mais aussi pour les éloigner de moi, j’avais une faim de loup que je ne m’expliquais pas, d’ailleurs. Ou peut-être était-ce cette excursion un peu plus tôt dans la journée qui m’avait pris pas mal d’énergie que je n’avais pas encore récupérée. « Pour poursuivre sur votre lancée, j’ai en effet les moyens de faire en sorte que ce penthouse soit beaucoup moins accueillant et facile d’accès. Toutefois j’ai placé certains verrous sur les informations les plus sensibles pour qu’un œil moins… exercé, dirais-je, que le mien soit incapable de déceler ne serait-ce que l’existence de ce verrou. » Un sourire énigmatique se mit à flotter sur mes lèvres, soucieux à nouveau de ne pas trop en dire, et pour laisser à Catwoman l’occasion de deviner seule la signification de mes paroles. En dehors d’enchantements multiples, ma maîtrise de l’illusion me permettait de masquer totalement n’importe quel objet ou document susceptible d’être d’une valeur certaine pour de potentiels détracteurs.
En d’autres termes, la jeune femme ne trouverait rien d’autre que ce que je voulais bien qu’elle puisse trouver par ses propres moyens. Je reposai le verre vide en face de moi, sans me défaire de ce petit sourire en coin. « En réalité, si j’ai justement fait en sorte que ce penthouse soit accessible, c’était pour voir qui aurait l’audace de venir s’y aventurer pour y dénicher des choses qu’il ou elle n’est pas censée trouver sans mon consentement… Une façon comme une autre d’apprendre à connaître ses voisins. Et à Gotham, j’ai eu le sentiment que venir sonner à la porte avec un panier de muffins aux myrtilles serait un peu mal avisé. » ajoutais-je avec un ton ironique. Il faut dire que je ne connaissais pas non plus la ville aussi bien que je le souhaiterais, mais certains points sautent aux yeux, même ceux des étrangers. « Vous ne souhaitez pas me dire qui vous a engagée, et ils n’ont pas voulu en faire de même, c’est compréhensible. Cela étant, vous pourriez peut-être me dire ce qui semble les intéresser autant à mon sujet ? Après tout, qu’est-ce qu’un banal investisseur – et principalement sur des investissements étrangers – peut faire, s’il n’est pas là pour se mettre en travers du business d’un Pingouin ou d’un clown quelconque ? » Il semblait désormais acquis que la vie privée n’était pas un luxe facilement accessible même pour les plus aisés à Gotham. Mais pourquoi venir fouiller dans la vie d’un millionnaire fraîchement arrivé et sans histoire ? Je m’accoudai un peu plus sur le bar en plongeant mon regard noir dans celui de Selina. « Au-delà de ça, puisque vous êtes une voleuse aussi avisée, je me suis dit qu’il vaudrait mieux vous avoir de mon côté que contre moi. Il y a beau y avoir plusieurs… sécurités, ici, je suis certain que vous n’en êtes pas à votre premier cambriolage d’une personne dont vous ignorez l’étendue des capacités. Et indemne, avec ça. » Sans jamais la lâcher des yeux, je poursuivis sur un ton plus doucereux. « Il se trouve que vos talents m’intéressent beaucoup, et je trouve l’occasion trop belle pour vous laisser repartir sans vous avoir fait une petite proposition. Non pas pour voler quelque chose, mais plutôt pour vous introduire quelque part et y laisser un objet. Après, libre à vous de repartir avec un souvenir, évidemment… Intéressée ? »

Mon sourire ne faiblissait pas en entendant de la bouche de Selina que mes investissements n’étaient probablement qu’une couverture pour cacher des actes moins bien éclairés. En effet, tout ceci n’était qu’une façade, à ceci près que je me moquais royalement que cet argent insipide circule à une ONG humanitaire ou à un seigneur de guerre du continent africain… Tant que cela me permettait de pouvoir continuer mes prospections de sorcier à travers le monde en toute tranquillité. J’avais déjà bien à faire avec un Constantine et une Zatanna à punir et esquiver à la fois pour me prémunir de retourner en Enfer, inutile de me retrouver avec une vie banalement et tristement humaine à gérer en même temps. Ainsi, je ne pris pas la peine de la contredire, conscient que le meilleur serait à venir en lui annonçant ce que j’avais en tête vis-à-vis de ses talents inégalés de cambrioleuse de haut vol. Amusé, je l’observais s’installer sur le bar en terrain conquis, tel une chatte au regard supérieur et mesquin qui prendrait plaisir à regarder la marmaille humaine de haut. Condescendante et assurée à la fois. Si un jour, l’âme de Catwoman finissait en Enfer, je me plus à penser qu’elle en pâtirait, mais qu’elle n’aurait aucun mal à endurer les tourments des démons avec une attitude aussi maîtrisée que la sienne. Une attitude qui masquait habilement ses faiblesses aux regards les moins accoutumés, sans doute. J’arquais un sourcil en sentant son index venir jouer avec le col de ma chemise, mais sans jamais lâcher ses yeux. Même si son personnage me fascinait, j’étais convaincu qu’un instant d’inattention serait fatal.
Soudain, je me retrouve happé par les jambes souples et agiles de la jeune femme, pris au piège d’un bassin qui réveille sans mal mes instincts les plus primitifs. Son parfum me prend au nez et mon regard se voile d’une flamme envieuse, alors que sa voix suave chante à mon oreille. Séductrice et décidément très sûre d’elle, j’appréciais autant que je m’en méfiais… une femme consciente de tous ses charmes est probablement l’une des armes les plus redoutables de ce bas-monde. Mes bras de chaque côté de son corps, je me laisse faire, non sans prendre la peine d’appuyer mon torse contre sa poitrine pour entrer dans son jeu sans montrer la moindre intimidation. « Un marché honnête pour deux personnes qui ne le sont pas… c’est de bonne guerre. » soufflais-je avec un petit air d’acquiescement. Persuadé qu’elle serait capable de retourner sa veste comme elle changerait d’amant, je savais que la moindre de mes confidences pourrait un jour se retourner contre moi… mais pour obtenir quelque chose, il fallait savoir céder à son tour.

« Bien, dans ce cas, je vais vous faire cadeau de trois informations, car vous êtes une excellente négociatrice. Première chose… » L’une de mes mains remonta pour se poser sur son dos en douceur… avant que nous ne disparaissions tous les deux dans une volute de fumée noire. L’instant d’après, cette brève téléportation nous fit réapparaître contre le mur de la même pièce, son dos plaqué contre le mur et ses cuisses soutenues sans mal par mes mains volontairement aussi baladeuses que les siennes. Mes lèvres restèrent à une distance indécente mais suffisante des siennes pour ne même pas les frôler et laisser simplement à son esprit le soin de faire le reste. « Je suis un magicien qui verse principalement dans la magie noire. Sombre. Souillée… et terriblement dangereuse. La télépathie, c’est plus un passe-temps qu’autre chose. La possession, en revanche, c’est un art qui me plaît énormément. » ajoutais-je en pressant mon bassin contre le sien, un air dangereux et amusé dans le regard. Mes lèvres n’avaient toutefois pas bougé une seule fois, seule ma voix avait résonné dans sa tête pour lui communiquer cette information par la voie mentale. Néanmoins, mon timbre grave résonna à nouveau dans la pièce cette fois-ci, tandis que je laissais Catwoman glisser lentement pour que ses talons rejoignent le sol, sans pour autant reculer pour lui offrir un peu plus d’espace. Dos au mur et pressée contre moi, à mon tour de la regarder de haut avec ce même sourire avenant et un tantinet effrayant sur le visage. « Deuxième chose. Si vous ne trouvez aucune information viable sur moi, c’est parce que j’ai passé une dizaine d’années prisonnier des Enfers… on me trouvait trop… extrême, apparemment, pour me laisser marcher sur cette Terre en toute liberté. » Je n’ajoutais rien, laissant à la jeune femme le soin de comprendre jusqu’où pouvait s’étendre le degré de mes capacités. Par ailleurs, si elle n’avait aucun mal à parler de magie, j’étais convaincu qu’elle ne serait pas surprise de m’entendre parler du monde souterrain… monde qui n’avait rien d’un mythe, bien au contraire. Comme je l’avais si bien rappelé à Constantine, si j’avais survécu à dix années de torture en Enfer, j’étais capable de tout encaisser… et c’est précisément ce qui me rendait aussi dangereux aux yeux de mes camarades magiciens.
Mon index se leva près du visage de Selina et descendit le long de son épaule, suivant la courbe de sa silhouette féline, sans jamais quitter son regard. « Troisième chose. Je suis un amant hors du commun, en toute humilité… mais considérez que cette information, c’est cadeau. Peut-être vous faudra-t-il la mettre à l’épreuve pour en vérifier l’exactitude. » soufflais-je à mon tour à son oreille, résistant à l’envie de déposer un fugace baiser dans le creux de sa nuque. Puis, aussi rapidement qu’on peut l’imaginer, je me détachais d’elle pour lui laisser le loisir de récupérer sa petite bulle d’espace personnel. Mes pas me menèrent jusqu’à un large fauteuil de cuir sur lequel je m’asseyais en majesté, dardant des yeux sombres et flamboyants à la fois sur l’invitée d’honneur de la soirée. « Dernière chose. Je suis un collectionneur acharné. Mais pas de timbres ou de pièces de monnaie… Je collectionne toutes sortes d’artefacts mystiques dont je peux tirer une utilité, qu’elle soit immédiate ou sur du long terme. Des babioles qui sont sans valeur au regard des non-initiés. »  Un air amusé flotta un instant sur mes traits. C’était précisément cette marchandise que je cachais le plus loin des yeux ou des autres sens d’une personne aussi douée pour le vol que Catwoman. Mes bras s’étendirent un instant, pour signifier la fin de mes confidences. « Alors, heureuse, à présent, miss Kyle ? »

Un sourire goguenard anima mes traits, lorsque je pus constater que Selina cherchait à conserver une attitude profondément détendue et inatteignable. Prévisible, mais amusant. « Vous insultez la mémoire de ma pauvre mère, mademoiselle Kyle… » répondis-je doucement, sur un ton qui laissait penser que je me sentais bien plus diverti qu’insulté par les conclusions qu’elle tirait vis-à-vis de ma couverture officielle pour les médias et le grand public. Cela étant, lorsqu’on vient demander une faveur, on se soucie peu du fard que je dépose sur certaines informations personnelles : personne n’est dupe, mais on a l’intelligence de ne surtout rien demander, de peur d’essuyer un refus. La laissant alors se contenter de ce que j’avais bien voulu lui révéler, je joignis mes mains dans une attitude portée sur la réflexion. Maintenant, il fallait qu’elle donne de sa personne pour la demande que j’avais en tête. « Dites-vous que je ne connaissais pas encore vos limites, vis-à-vis de mon offre… » rétorquais-je aimablement avec un sourire, tandis que je dévisageais sa silhouette sans rougir une seule seconde. Je ne lui proposais pas un job que d’autres avant moi avaient pu lui offrir, de même qu’il n’y avait rien de commun à l’endroit qu’il s’agissait d’investir. Selina posa donc de multiples conditions, conditions auxquelles je ne répondis rien dans un premier temps. Je n’avais toutefois pas pu réprimer un léger rire en l’entendant se montrer aussi salace dans ses interprétations… un humour qu’on attribuait généralement à la gent masculine, mais qui lui allait à ravir. Au terme de ses demandes, je décroisais les mains pour l’observer en silence. Un bon moment. « Vous vous méfiez des sorciers parce que vous n’avez pas rencontré les bons. » concluais-je, sans attendre forcément de réponse. Comme si j’avais sondé son esprit et son expérience pour mesurer l’étendue de son savoir en matière de surnaturel. Et pour une non-initiée, elle était suffisante pour avoir pu faire croître une forme de suspicion tout à fait légitime.
Je poussais un soupir en tournant la tête vers la grande baie vitrée qui donnait une vue spectaculaire de Gotham. « Malheureusement, je ne peux répondre à aucune de ces demandes, pour la bonne et simple raison que cela rendrait cette tâche impossible pour vous. Hormis le fait que ce lieu n’est ni noir, ni humide ni caché par un vêtement, cela dit. » ajoutais-je avec une lueur malicieuse dans le regard. Je tournais à nouveau la tête vers Selina pour ne plus la lâcher des yeux. « Je pourrais aussi vous contraindre à cette mission, mais je trouverai offensant de vous obliger à quoique ce soit, étant donné que je me suis montré suffisamment loquace pour répondre à vos interrogations. » Il ne s’agissait pas d’une menace, mais l’interprétation était laissée libre à la voleuse de haut niveau. « En revanche, tout ce que je peux vous promettre, c’est que votre intégrité physique, mentale et même votre nudité magique seront intactes. » Volontairement tendancieux, je lui accordais un clin d’œil avant de croiser les jambes et sortir un objet de la poche intérieure de ma veste. Un objet qui ne s’y trouvait d’ailleurs pas tout à l’heure, auquel cas la célèbre Catwoman aurait pu tenter de le dérober en étant si proche de moi. Cet objet avait la forme d’un galet comme on en trouve des milliers au bord de l’océan, banal, à ceci près qu’il possédait une sorte de motif gravé sur l’une de ses faces. « La maison dans laquelle je souhaite vous voir déposer cet objet est une maison enchantée… mais qui n’a rien d’un conte de fées. Elle possède de puissants enchantements qui empêchent généralement de la localiser à moins d’en être le propriétaire, qui peut disparaître et réapparaître à volonté dans notre monde et dans une autre dimension. Il va sans dire que ces mêmes enchantements empêchent quiconque n’est pas le propriétaire de pénétrer à l’intérieur. » A première vue, la série Mission impossible semblait être un jeu d’enfant à côté de ce que je demandais à Selina. Il ne s’agissait pas d’une vulgaire villa, ni même d’une banque surprotégée que la demoiselle aux allures félines n’aurait sans doute eu aucun mal à forcer sans déclencher la moindre alarme. « J’ajoute également que cette maison possède des gardiens. Ce qui ressemblera à une statue de gargouille, par exemple, se montrera bien moins figé dans la pierre que ce qu’elle pourra vous laisser croire. » Je fis passer le galet dans mon autre main, avant de reporter mon attention sur la jeune femme. « Au risque de passer pour un mégalomane prétentieux, je suis trop… puissant, ou du moins trop facilement repérable pour pouvoir déposer ce galet moi-même dans la maison. En revanche, vous, vous êtes à la fois une cambrioleuse parfaite, mais aussi vierge de toute aura magique ou surnaturelle que le Pape en personne. » A nouveau tendancieux, j’imaginais que c’était bien la seule virginité à laquelle cette séductrice assidue pouvait encore prétendre… et n’était-ce pas la plus importante, la plus précieuse ? Si des résidus magiques étaient encore trop présents en elle, jamais je ne lui aurait fait cette offre, mais ce n’était pas le cas. « Une chance, j’ai un moyen de localiser la maison pendant un très court laps de temps. A cet instant, je vous enverrai au plus près de la bâtisse, après vous avoir recouvert d’une sorte de voile magique invisible qui reproduira le plus fidèlement possible la signature magique du propriétaire. Vous devrez alors escalader le plus rapidement possible la maison, jusqu’à la cheminée, et laisser tomber ce galet à l’intérieur. Je vous ferai revenir dès que cela sera fait. » Cette fois-ci, mon visage emprunta une attitude un peu plus sérieuse et concentrée. « Je ne peux pas venir avec vous car cela alerterait la vigilance de la maison, mais je vais devoir maintenir un contact magique à distance pour préserver votre couverture et pouvoir vous ramener ici dès que le colis aura été déposé par vos soins. Vous êtes toujours partante ? » demandais-je, sans la lâcher des yeux. Inquisiteur.