Nice To Meet You Ginger [Feat. Keyvan]

“Pour connaître la chance, il ne manque vraiment à certains qu'un peu de chance.” citation de Stanislaw Jerzy Lec extraite des "Nouvelles pensées échevelées"

Il était un peu plus d'une heure du matin lorsque Mari McCabe poussait la porte de ce petit pub caché aux fins fonds du bourg d'Ine au Japon. Situé dans le golfe de Wakasa, ce petit village de pêcheurs était surtout réputé pour ses "funayas", des maisons sur pilotis. Mais ce n'était pas pour cela que Vixen avait fait le déplacement. C'était quand même une sacré trotte depuis New York, il fallait donc vraiment que cela en vaille la peine. Bien qu'elle n'ait pas boudé son plaisir de visiter un peu les lieux avant de venir dans ce taudis. La musique y était mauvaise, l'odeur plus que douteuse et il n'y avait que trois pauvres types pour remplir la salle. Atypique certes, mais déprimant. D'ailleurs pas un seul des types ne s'était retourné vers elle, ils étaient trop absorbés par le verre qu'ils tenaient entre leurs mains, littéralement perdus dans l'alcool. Mais cela n'avait pas d'importance, un seul coup d'oeil avait suffit à Mari pour savoir qu'aucun de ces trois types n'était celui qu'elle recherchait. Comment pouvait-elle en être sûre? Et bien... disons qu'on lui avait donné des détails physiques très précis et qu'il fallait être aveugle pour confondre ou manquer le type en question. D'après les sources de la justicière, il avait un physique très original. Vixen était très déçue de voir qu'il n'était pas là, elle avait pourtant soulever des montagnes pour suivre sa piste et le retrouver. C'était qu'il était pas simple à rencontrer  le type, pire qu'un ministre ou un président.

Pour comprendre ce jeu de piste et le pourquoi du comment Vixen s'était retrouvée dans un petit et pittoresque village de pêcheurs au nord de Kyoto, il fallait revenir quelques mois en arrière, quand les symptômes avaient commencé. Les symptômes de sa perte de contrôle et de son changement de personnalité, très certainement dus au totem de Tantu qu'elle portait en permanence dans sa chair. Un artefact qui lui permettait d'entrer en osmose avec les esprits de tous les animaux vivants, ou ayant vécus sur Terre. Une expérience et un pouvoir extraordinaires mais visiblement, tout ça avait un prix. Un prix que Mari n'aurait jamais imaginé devoir payer un jour. En effet, depuis plusieurs mois, et cela malgré elle, la jeune femme développait un très fort instinct primitif. Elle devenait plus sauvage, plus agressive, plus sombre, plus animale. Elle ressentait des pulsions qu'elle n'avait pas avant, des sautes d'humeur, des envies et des besoins étranges qui n'étaient pas sans lui rappeler ceux de ces fameux animaux dont elle s'inspirait pour utiliser ses pouvoirs. Les chamans de son village l'avaient pourtant prévenu à l'obtention du totem. Ils lui avaient dit qu'il y aurait des conséquences, qu'elle devrait surmonter diverses épreuves pour se montrer digne d'Anansi et de sa confiance. Mari avait pris cela à la légère, beaucoup trop à la légère. Elle se prenait là, en pleine face, ce que l'on appelait le royal retour du bâton. Le totem semblait vouloir prendre le contrôle et elle avait de plus en plus peur de perdre son humanité, peur de basculer du mauvais côté. Voilà pourquoi elle était retournée chez elle en Zambesi, dans l'espoir de trouver une solution. Un nom était alors sorti du lot, Keyvan Doyle. Vixen avait fait quelques recherches mais en absence de résultat, elle avait laissé tomber, cet homme ne devait pas être le seul à pouvoir l'aider tout de même.

Mais voilà, au fil de ses recherches et de ses rencontres, à New York, à Londres, à Paris, à Sydney... ce nom ressortait encore et toujours. Un leprechaun qui avait de la bouteille, c'était le cas de le dire... Alors elle s'était résolue au fait que c'était cet homme qu'elle devait trouver. Elle n'avait aucune certitude sur le fait qu'il serait capable ou même partant pour l'aider... Mais au point où elle en était, elle n'avait rien à perdre à courir après un farfadet. Après réflexion, ce mot n'était peut être pas le plus adapté. D'après les descriptions, le leprechaun en question était ironiquement un grand gaillard, mesurant bien au moins 1m90, barraqué, roux et barbu. Vous comprendrez donc mieux pourquoi elle ne pouvait pas le louper, surtout dans un pays comme le Japon. Fatiguée, blasée, découragée, Mari soupirait avant d'aller s'installer au bar. Un petit coup ne lui ferait pas de mal et elle en avait présentement bien besoin. Elle commandait une bonne bière bien fraîche et piochait dans les fruits secs disposés dans une coupelle sur le bar. Ça changeait des cacahuètes habituelles mais ce n'était pas mauvais. Enfin, à cette heure-ci et après une bière, ou deux, ou trois... ça passait.

« Hey monsieur le barman, t'aurais pas vu un géant roux passer dans le coin par hasard? »

Avait-elle demandé, légèrement plus guillerette qu'à l'accoutumé. Le barman lui lançait alors un regard perplexe avant de l'ignorer totalement et de replonger dans l'essuyage minutieux de ses verres. L'endroit avait bien besoin d'un bon coup de karcher et pourtant tout ce qui semblait préoccuper le barman, c'était ses précieux verres. Mari levait les yeux au ciel avant de laisser tomber son front sur son avant bras posé sur le bar.
 

“Pour connaître la chance, il ne manque vraiment à certains qu'un peu de chance.” citation de Stanislaw Jerzy Lec extraite des "Nouvelles pensées échevelées"

La tête ensevelie dans son bras, Mari ne s’apercevait même pas que les trois paumés qui partageaient sa soirée désespérée venaient de quitter les lieux. Pour être honnête, l'état dans lequel elle était ne lui permettait plus grand chose. Elle entendait à peine les tirs et les cris à l'extérieur. C'était comme un bruit sourd au loin, comme une télé laissée allumée chez le voisin. Elle décollait alors son front et relevait la tête.

« T'as pas entendu un truc là? »

Sa question s'adressait au barman qui, une fois encore, gardait le silence dans le mépris le plus total. Vixen fronçait les sourcils.

« Bah t'es pas vraiment commerçant pour un barman toi. T'auras pas de pourboires. »

Elle savait très bien qu'il ne comprenait pas un mot de ce qu'elle disait mais elle s'en fichait. C'était plus un commentaire personnel qu'une autre tentative d'entamer le dialogue. Sur ces belles paroles, Mari commençait à faire demi-tour sur son tabouret, il était vraiment temps pour elle de partir. Elle n'avait pas pour habitude de boire et elle était déjà assez éméchée comme ça, pas besoin d'en rajouter. Mais au moment même où elle faisait demi-tour, un homme entrait dans le bar. Lui. C'était lui. Y'avait pas à tortiller du cul, c'était bien lui. Keyvan Doyle en personne. Merde alors, ses descriptions c'était pas une légende. Il était immense et incroyablement roux. Ou alors c'était l'alcool qui altérait légèrement la perception de Vixen. Oui c'était très certainement ça. Quoi qu'il en soit, elle se retournait dans la seconde vers le bar.

« C'est le type... »

Avait-elle murmuré au barman en articulant au maximum. Comme si il pouvait lire sur ses lèvres la langue qu'il ne comprenait pas à l'oral... Vixen... c'est vraiment pas beau de boire quand on ne sait pas le faire. Fixant les cadavres de bières devant elle, Mari faisait mine de ne pas avoir vu le type. Elle ne voulait pas griller sa couverture. Oui, elle croyait encore qu'elle en avait une. C'est alors qu'il s'adressait à elle, du moins c'était ce qu'elle avait cru comprendre, lui demandant si ça la gênait qu'il fume. Prenant un air faussement nonchalant, Mari se retournait vers Keyvan. Elle devait avouer qu'il était impressionnant le bétail et plutôt bel homme. Pas du tout son genre habituellement mais il avait un côté animal qui lui plaisait bien. L'alcool, l'influence du totem... je vous avais dit que Mari n'était plus la même.

« Mais... pas du tout. »

Avait-elle répondu feignant d'être sobre, tentant de préserver son honneur et sa dignité. Mais elle ne dupait personne malheureusement. Elle était ronde comme une queue de pelle. Vixen lançait alors un large sourire au rouquin, elle cherchait quoi dire pour poursuivre la discussion sans le brusquer.

Vous, vous êtes pas japonais hein...

Quelle perspicacité Mari! Elle s'injuriait elle même intérieurement. Elle n'aurait pas pu sortir un truc plus con que celui là. Mais sur le coup, ça lui avait paru être un truc cool et décontracté à dire... sur le coup...

“Pour connaître la chance, il ne manque vraiment à certains qu'un peu de chance.” citation de Stanislaw Jerzy Lec extraite des "Nouvelles pensées échevelées"

Mari était surprise par la réponse du rouquin qui était fidèle à la description qu'on lui en avait fait, un goujat arrogant et brute de décoffrage. Il en avait rien à foutre de son avis... Elle ne s'était absolument pas attendue à une telle réponse de sa part et s'était vaguement offusquée avant que les vapeurs d'alcool ne finissent par lui faire admettre qu'il ait pu lui répondre ainsi. Elle haussait alors les épaules comme pour dire, "ok pas de problème, ça me va". Au moins il était honnête le bougre et ça c'était tout à son honneur, quoi que Vixen était persuadée, d'après ce qu'elle avait entendu sur lui, qu'il n'en avait pas beaucoup. Ça la changeait d'être face à un type qui parlait sans filtre, un type qui ne la ménageait pas sous prétexte qu'elle était une femme. Ce n'était pas déplaisant au final même s'il avait tout de même pas mal de manières à revoir l'irlandais. Pourtant, et elle n'aurait su expliquer pourquoi, il avait un côté fascinant, elle ne pouvait plus décoller son regard de lui. Mari était saoule mais elle se demandait pourquoi elle ressentait cela. De un, ce n'était pas du tout son genre de flasher sur un parfait inconnu, encore moins dans un bar miteux au fin fond du monde. De deux, il n'était, mais alors tellement pas, son style. Elle préférait les hommes plus distingués, moins rustre et surtout moins alcoolisés. Et puis elle avait un faible pour les bruns ténébreux, pas les roux incendiaires. Alors pourquoi? Pourquoi ressentait-elle donc une attirance envers lui. L'alcool ne pouvait pas tout expliquer. Le totem... elle en était sûre, il n'était pas innocent dans l'histoire. Si seulement elle n'avait pas autant bu, elle aurait combattu son instinct exacerbé, mais malheureusement, elle avait autant bu. Comme s'il lisait dans ses pensées, Keyvan lui demandait si elle n'avait pas trop bu.

« Nooooon... »

Si Mari, tu avais trop bu. Elle le savait, je le savais, tout le monde le savait... mais c'est fou quand on nous dit qu'on a trop bu ou qu'on est bourrés comme des coings, on a toujours ce réflexe d'affirmer le contraire. Black Wife? Mari arquait le sourcil en lançant un regard perplexe à l'irlandais, avait-il osé dire cela? Oh... pas le courage de se lancer dans un discours moralisateur, elle laissait couler pour cette fois. Elle s'apprêtait tout de même à répondre à sa dernière question quand, elle ne comprit même pas pourquoi, elle se sentit basculer en arrière. Ça allait faire mal, avait-elle pensé. Mais c'était sans compter sur le rouquin qui la rattrapait au vol. Collée serrée contre le leprechaun, Mari sentait une pulsion qu'elle n'aimait pas du tout. Enfin si elle aimait ça mais en même temps non, elle n'aimait pas ça... Oh nan... ça n'allait pas recommencer... Elle avait vécu exactement la même situation il y avait à peu près un mois dans un bar de Brooklyn. Un type, baraqué, pas du tout son style d'ordinaire, et pourtant, il avait passé la nuit dans son lit, alors qu'elle n'avait bu qu'un seul petit verre. Cela confirmait sa théorie, ce n'était pas l'alcool qui lui donnait envie de l'irlandais, c'était son instinct primitif, le totem. Keyvan était le mâle Alpha par excellence, grand, fort, viril... Et vu comment ce simple contact avec son corps avait émoustillé Mari, elle était très certainement en période d'ovulation, au maximum de sa libido. Elle était littéralement comme une lionne en chaleur.

Elle devait absolument trouver un moyen de se contrôler si elle ne voulait pas que le scénario de Brooklyn se répète. Ce n'était tellement pas son genre de coucher avec le premier venu. Elle qui n'avait eu que très peu de relations dans sa vie et à chaque fois avec des hommes qu'elle aimait sincèrement. Elle ne se reconnaissait pas de vouloir sauter ainsi sur le premier mâle appétissant qu'elle croisait. Mais ça venait du fond de ses entrailles, un besoin nécessaire de s'accoupler avec le mâle le plus fertile des alentours. Cela s'annonçait très difficile de se contrôler pour Mari, elle était beaucoup plus alcoolisée que la dernière fois et l'irlandais était bien plus entreprenant que le new-yorkais. Pourquoi avait-il fallu que ça tombe sur lui, ce bougre de leprechaun? Ce dernier en rajoutait d'ailleurs une couche, comme s'il savait qu'elle était prête à être cueillie, servie sur un plateau d'argent pour une nuit de débauche et de luxure sauvages. Il collait presque ses lèvres à son oreille pour lui murmurer quelques mots, laissant sa barbe frôler la peau de Vixen. Les pupilles de la jeune femme se dilataient, son pouls s'accélérait et tous ses sens étaient en éveil. Elle sentait dans sa chair le totem qui s'affolait, elle perdait le contrôle. Quelle ironie quand on sait qu'elle avait suivi Keyvan justement pour qu'il l'aide à trouver un moyen de se contrôler. Note personnelle, ne plus jamais poursuivre un type en période de chaleur. Ses baisers, ses caresses dans le dos... d'ordinaire elle l'aurait remis à sa place illico presto et sans faire dans la dentelle. Mais là, ça la rendait folle, ça l'excitait et elle avait du mal à se retenir de se jeter sur lui. Une sorte de parade nuptiale à ses yeux désormais plus félins qu'humains. Elle le laissait faire.

L'homme l'a redressé alors, il faisait bien deux têtes de plus qu'elle, il lui paraissait immense et ça l'excitait encore plus. Damn! Le contact physique avait été interrompu, c'était le moment ou jamais Vixen. Elle essuyait son cou et son front qui perlaient de sueur et prenait une grande inspiration. Elle hésitait à lui en coller une pour avoir osé la peloter comme il l'avait fait mais comme elle s'était délibérément laissée faire, elle trouvait cela injuste. Mais la phrase qui suivit lui ôta toute hésitation. Vilaine et coquine, ah ouais? Ni une ni deux, Mari lui flanquait une gifle magistrale en pleine tronche. Pars Mari, pars, se criait-elle intérieurement. Elle tournait alors les talons et quittait le bar miteux pour se réfugier dans la petite ruelle sombre qui le longeait. Elle titubait et se collait à un mur pour ne pas tomber. Vixen activait alors le totem de Tantu qui sortait de sa chair, prêt à être utilisé. Invoquant l'esprit de l'étoile de mer, la justicière se régénérait faisant ainsi baissé immédiatement son taux d'alcoolémie. Elle aurait dû le faire bien plus tôt mais il lui avait fallu un éclair de lucidité pour en avoir l'idée. Bref, voilà qu'elle était redevenue aussi fraiche que la rosée du matin. Elle espérait bien que cela soit suffisant pour calmer ses ardeurs mais malheureusement le désir était toujours présent. Sa tête lui sommait de partir mais son corps voulait retourner dans le bar et terminer ce qu'il avait commencé. Finalement, elle n'aurait peut être pas dû activer le totem, elle avait l'impression que cela renforçait ses pulsions animales...

“Pour connaître la chance, il ne manque vraiment à certains qu'un peu de chance.” citation de Stanislaw Jerzy Lec extraite des "Nouvelles pensées échevelées"

Seule dans cette ruelle, Mari reprenait ses esprits, elle devait combattre le totem et son influence sur elle. Jamais elle n'aurait cru avoir à faire cela un jour et pourtant, son précieux collier n'était plus son plus fidèle allié. Comme s'il voulait se jouer d'elle, il la mettait à l'épreuve et l'obligeait à repousser ses limites. Grâce à Tefé, une élémentaire que Mari avait récemment rencontré, elle avait compris en partie pourquoi. Elle n'avait pas pris le temps de saisir toutes les subtilités du totem lorsqu'elle en avait fait l'acquisition. Trop obnubilée par sa vengeance contre son oncle Maksai, Vixen avait en effet trop négligée l'enseignement des shamans qui l'avaient pourtant mise en garde contre l'influence du totem et les conséquences découlant de son utilisation. Si seulement Mari avait été une élève plus assidue, peut être qu'elle ne passerait pas par cette sale période ces derniers temps. Ou peut être pas? En effet, la jeune femme soupçonnait Anansi et le Red de vouloir eux aussi la mettre à l'épreuve afin de s'assurer qu'elle était digne du totem. Et ce qu'elle se soit montrée ou non assidue par le passé. C'était tout de même risqué, elle pouvait perdre son humanité dans l'histoire. Mari ne prenait donc plus tout ça à la légère, elle était enfin prête et déterminée à rattraper son retard. Elle avait mis tant d'espoir en ce leprechaun, elle pensait qu'il pourrait la rancarder sur la maitrise des artefacts. Vu son grand âge, il avait du en voir passer des choses, peut être même avait-il déjà rencontré une personne dans son cas? Ce qui aurait bien aidé Vixen.

Qui sait? Peut être qu'elle avait misé sur le bon cheval... mais ce n'était pas cette nuit qu'elle le découvrirait visiblement. Son état ne lui permettait pas d'approfondir le sujet, elle était trop instable, trop vulnérable, trop sous l'influence de ses hormones. Le mieux qu'il lui restait à faire était de partir aussi loin qu'elle le pouvait, attendre et revenir dans de meilleures conditions, l'esprit plus clair. Car même si elle avait entièrement dé-saoulé grâce à son pouvoir, elle sentait qu'elle n'était pas vraiment elle même. Et comme l'irlandais avait l'air d'un chaud lapin prêt à à saisir la moindre occasion sans aucun scrupule, ce n'était pas sur sa galanterie ou sa bienveillance qu'elle pourrait compter pour ne pas faire de bêtises... Oui, il n'y avait pas d'autre choix, Mari ne voulait qu'une seule chose, s'envoler pour Manhattan, retrouver son lit et sa couverture douillette. Elle voulait s'y emmitoufler et ne plus jamais en sortir, du moins tant qu'elle serait comme ça. Mais comme toujours, rien ne se passait comme elle le voulait. Alors qu'elle commençait à invoquer l'esprit de l'aigle pour déguerpir d'ici, elle entendait plusieurs coups de feu. Et pour une raison qui ne lui était pas inconnue, elle sentait que ce putain de rouquin était forcément derrière tout ça. Que faire alors? Prendre le risque de se retrouver une nouvelle fois face à lui? Prendre le risque de succomber à la tentation? Ou partir, se sauver et renier sa vocation? Non, Vixen ne pouvait pas fermer les yeux, elle ne pouvait pas penser uniquement à sa petite personne. Pour le meilleur, et pour le pire, elle s'était engagée à être une bonne justicière, elle s'était engagée à sauver et aider ceux et celles qui en auraient besoin. Elle ne pouvait pas s'enfuir, encore, uniquement pour se préserver elle même, ça ce n'était pas, ça n'était plus, et ça ne serait jamais Vixen.

La justicière se précipitait donc vers les coups de feu qu'elle avait entendu mais il était trop tard, le leprechaun avait sévi, l'autre homme était mort, allongé sur le sol. Vixen fronçait les sourcils, c'était vrai, l'irlandais ne faisait pas dans la dentelle. Très vite, elle comprenait qu'il n'avait été question là que de légitime défense. En effet, toute une armada de yakuzas bien remontés était là. Ils étaient tous là pour le leprechaun. Mari restait à l'écart, observant avant de s'interposer et de possiblement causer des dommages collatéraux. Elle avait même bien envie de s'installer et d'admirer le spectacle. Après tout, il avait bien mérité une petite branlée le rouquin. Mais bon... Bien évidemment, elle ne pouvait pas rester là les bras croisés si les choses tournaient mal. Alors elle se contentait d'observer, prête à agir. Ça s'était souvent sa méthode, observer, analyser, s'adapter et ensuite agir. Bon parfois y'avait pas vraiment le temps, mais quand elle pouvait prendre ce temps, elle le prenait. Le leprechaun riait aux éclats, Mari ne le comprenait décidément pas, il était complètement fou en fait. Un vrai ovni qui n'avait aucune barrière, aucune limite. Il ne se conformait à aucune règles, à aucune lois, il inventait les siennes. Il était fascinant de par sa nature légendaire mais il était aussi et surtout incroyablement dangereux. Un électron libre et imprévisible. Les pires.

Il tentait alors une diversion en hurlant aux yakuzas qu'un dragon arrivait. Mari levait les yeux au ciel, et doublement en voyant que les japonais rentrer dans le panneau. Mais bon... si cette diversion pouvait éviter un carnage, elle n'y voyait pas d'inconvénient. Elle avait peut être finalement mal jugé Keyvan... Ah nan... En fait elle l'avait bien cerné et elle le comprenait en le voyant sortir une grenade du vide intersidérale. Comment avait-il fait ça?! Pour le coup, elle devait avouer qu'elle était vraiment impressionnée mais aussi très inquiète pour la suite des évènements. Keyvan lançait alors cette fichue grenade, confirmant les inquiétudes de Mari, et il s'enfuyait comme un lâche. Ni une ni deux, Vixen invoquait l'esprit de l'antilope et s'élançait à la vitesse de la lumière vers les yakuzas. Un par un, et ce en une fraction de secondes, elle les balançait dans la baie qui longeait le bar. L'eau y était peu profonde, aucun risque qu'ils se noient et puis c'était ça ou mourir dans une putain d'explosion. In-extremis, Mari avait réussi à sauver tous les japonais. Bon, ces yakuzas n'étaient assurément pas des anges mais innocents ou criminels, c'était le même combat pour elle. Elle n'était pas là pour décider qui devait vivre ou mourir, tout cela se jouait bien plus haut.

Les habitants sortaient de leur maison, affolés et paniqués. Le feu... ils devaient éteindre le feu au risque de voir l'incendie prendre des proportions plus funestes. Putain d'irlandais, pourquoi avait-il fallu qu'il balance cette satanée grenade? Vixen invoquait alors l'esprit du chameau, capable de stocker environ 136 litres d'eau dans son estomac. Quel meilleur choix pour éteindre un feu? D'un seul souffle, la justicière éteignait les flammes, sauvant très probablement une partie du village. Voilà un dénouement qu'elle n'aurait jamais imaginé en mettant un pied à Ine, petit village de pêcheurs au Japon. Une fois les habitants et les lieux en sécurité, Mari cherchait Keyvan du regard mais il avait complètement et inexplicablement disparu. Tant mieux finalement, un problème de moins. Mari devait alors faire face aux remerciements des villageois qui la vénéraient presque pour ce qu'elle venait de faire. La justicière était très gênée, elle n'aimait pas trop ces démonstrations d'affection et surtout, elle n'était pas du tout tactile avec les inconnus. C'était fou ça quand même. Sous prétexte qu'elle était une héroïne, les gens croyaient pouvoir la toucher comme ça, comme ils voulaient. Vixen détestait ça même si elle savait qu'il n'y avait rien de méchant là dedans, ces gens lui exprimaient simplement leur gratitude. Elle ne disait donc rien et se contentait de sourire tout en s'éloignant lentement mais surement de la foule pour disparaitre à son tour.

Retour à la case départ dans cette foutue ruelle, Vixen souriait amusée. Elle n'arrivait pas à croire qu'il avait pu se passer autant de choses en si peu de temps. Cette nuit là, elle n'était pas prête de l'oublier, ça s'était sûr. Ça ressemblait à un gros mauvais bad trip mais finalement, les choses rentraient dans l'ordre. Il était vraiment temps pour elle de prendre la poudre d'escampette. Une nouvelle fois, elle commençait à invoquer l'esprit de l'aigle mais une lumière dorée et aveuglante l'en empêchait. Merde alors, le leprechaun, le retour. On aurait pu croire au titre d'un mauvais film d'horreur mais c'était malheureusement la réalité. Il était revenu à la charge le bougre. Époussetant la fumée de l'irlandais qui venait agresser ses narines, Vixen grimaçait. Cette odeur, elle la connaissait. Fallait pas croire comme ça mais Mari elle aussi avait eu sa période dark quand elle était modèle internationale. Elle avait voyagé à travers le monde et expérimenté beaucoup de choses. Elle n'était pas si prude et innocente qu'elle n'y paraissait la belle. Elle en avait connu des liaisons tumultueuses avec des mecs pas toujours fréquentables dans le style de Keyvan. Peut être pour ça qu'il l'attirait autant, c'était le genre d'hommes qui avaient été son péché mignon autrefois. J'ai bien dit autrefois car aujourd'hui, ces hommes là, Mari les fuyait comme la peste. Elle n'aspirait pas à trouver le prince charmant ou à se mettre en couple dans un avenir proche mais, si elle devait rencontrer un homme et s'en enticher, ce ne serait certainement pas d'un type comme l'irlandais. Au contraire, elle recherchait la sécurité, la stabilité, la protection, la bienveillance, l'amour, le vrai. Les coups d'un soir et les nuits de débauche, ce n'était plus pour elle. Bref, tout ça pour dire que l'odeur de ce pétard l'incommodait réellement et faisait remonter à la surface des souvenirs qu'elle préférerait pouvoir effacer de sa mémoire.

Il voulait parler sérieusement maintenant le Don Juan de bas étage. Il était pas culotté quand même. D'autant plus qu'avec les idées claires, Mari le soupçonnait désormais d'être le responsable de sa chute dans le bar. Ce qui ferait de lui le pire enfoiré de la Terre. Il avait beau se la jouer grand seigneur, je sors de nulle part avec une belle lumière étincelante, il n'en restait pas moins un bel enfoiré. Oui Mari, déteste le, comme ça ça t'évite de te perdre dans ses magnifiques yeux verts et de vouloir lui arracher sa chemise. Vixen se parlait à elle même, qu'est-ce qu'il pouvait l'agacer et pourtant elle le désirait toujours. Elle allait vite fait bien fait le remettre à sa place avant de déguerpir d'ici. Oh... mais c'était qu'il s'en prenait à sa magie maintenant. Attention le Don Juan, tu avais réussi à réveiller la lionne mais là tu commences à réveiller le lion. Et ça, c'est beaucoup moins judicieux pour ton intégrité physique. Une Vixen énervée peut faire beaucoup de dégâts. Plongeant son regard dans celui de Keyvan, Mari esquissait un mince sourire espiègle, présage qu'elle allait effectivement le remettre à sa place. Lentement, elle se rapprochait du leprechaun et tournait autour de lui comme un prédateur autour de sa proie. Elle se montrait alors avenante et séductrice, histoire d’endormir la méfiance de la bête qui n'avait pas semblé insensible à ses charmes un peu plus tôt. Dans le dos de l'irlandais, discrètement, elle glissait sa main sur son collier, invoquant ni vue ni connue l'esprit du rhinocéros. Il allait voir si elle ne faisait que de la merde avec sa magie... Mari repassait devant lui et posait sensuellement ses deux mains sur le torse de Keyvan. Se dressant sur la pointe des pieds, elle rapprochait dangereusement son visage de celui de l'irlandais, leurs lèvres étaient à deux doigts de se frôler.

« Quitte de quoi? Je te dois rien l'enfoiré. »

Sur ces belles paroles, Vixen donnait un léger à-coup sur le torse du leprechaun qui était projeté avec une grande violence plusieurs mètres plus loin. Invoquant l'esprit de l'antilope, Mari le rejoignait dans la seconde, le plaquant au sol pour qu'il n'ait pas le temps de se relever. Elle invoquait alors à nouveau la force du rhinocéros pour réussir à le maitriser. A califourchon sur l'irlandais, Vixen avait bien conscience qu'elle prenait un risque mais elle ne pouvait se laisser parler ainsi. Personne n'avait le droit de la prendre de haut comme il venait de le faire, c'était une question de fierté et d'honneur. Oh elle n'avait pas l'intention de lui faire de mal, mais elle voulait marquer le coup.


« Alors? Qui est-ce qui fait de la merde maintenant? »

Avait-elle demandé en maintenant, grâce à ses deux mains, une certaine pression sur le torse de Keyvan, l'empêchant de riposter. Grâce au totem, elle avait une force surhumaine et n'avait aucun mal à rivaliser avec l'irlandais.

« Je pourrais jouer avec toi comme ça toute la nuit sans jamais me fatiguer alors montre moi le respect que je mérite et arrête de jouer les caïds. Tu ne sais pas à qui tu as à faire... Quand je pense que j'étais venue ici pour te voir, une belle perte de temps. Alors maintenant c'est toi qui vas m'oublier et tracer ta route. T'es vraiment le pire porte bonheur que j'ai jamais rencontré, tu devrais vraiment songer à te recycler. »

“Pour connaître la chance, il ne manque vraiment à certains qu'un peu de chance.” citation de Stanislaw Jerzy Lec extraite des "Nouvelles pensées échevelées"

L'irlandais crachait du sang, il était en très mauvaise posture et pourtant il semblait apprécier cela. Pire encore, il riait au nez de Vixen, ce qui avait le don de prodigieusement l'agacer. En fait, tout en cet enfoiré l’agaçait. Il était arrogant, désinvolte, vulgaire, bourrin et égocentrique. Elle ne pouvait tout simplement pas le voir. Il était certain que, sans cette attraction animale qui existait entre eux, Mari aurait déjà mis les voiles depuis bien longtemps, renonçant aux potentiels réponses que le leprechaun pouvait lui apporter. Et plus les secondes passaient, plus cette option devenait séduisante. Son rire, son sourire, son regard de fouine... Mari bouillait, elle avait envie de lui péter les dents. Non... contrôle toi Vixen, ne cède pas à tes pulsions, qu'elles soient sexuelles ou agressives. Tout se bousculait dans la tête de la jeune femme, son esprit, celui du totem, celui de tous les animaux et même, sans nul doute, celui d'Anansi. Ça faisait beaucoup de monde là haut et elle avait beaucoup de mal à gérer. Elle avait tellement envie de hurler, de leur dire à tous de la fermer et de la laisser tranquille. Impossible. Elle était totalement impuissante. Elle ne pouvais que patienter, le temps que ça passe.

Malheureusement, ce n'était pas le rouquin qui allait l'aider dans sa démarche. Nan, lui, ce qu'il aimait c'était la titiller, la pousser à bout, jouer avec elle. Il sentait qu'elle pouvait craquer à n'importe quel moment et il avait visiblement très envie de voir ça. Les sourcils froncés, la rage dans le regard, Mari l'observait pendant qu'il bavassait ses conneries. Il aimait les parties plutôt hard, ce n'était pas du tout le cas de Vixen. Jamais la jeune femme n'avait été friande de ce genre de... pratiques. Et même sous l'influence du totem et de son instinct primitif, elle n'irait pas jusque là. Oh elle avait bien envie d'une partie de jambes en l'air bestiale et spontanée, intense et musclée, mais pas plus. Les trucs chelous dont lui parlait Keyvan ne l'intéressaient pas du tout, bien au contraire, ça avait plutôt tendance à la refroidir. Ce qui n'était absolument pas le cas de l'irlandais, il était chaud comme la braise, autant pour la partie de jambes en l'air que pour l'excès de confiance en lui. Il ne doutait de rien l'enfoiré et surtout pas de lui. Étrangement, ça agaçait et ça excitait Mari, tout à la fois. C'était le côté mâle Alpha ça, elle ne pouvait pas y résister dans son état actuel, même s'il était vrai qu'il l'avait pas mal freiné avec ses propos vulgaires et déplacés.

Mari renforçait alors son emprise sur le leprechaun, histoire de lui faire comprendre qu'elle n'était pas du tout sensible à ce qu'il pouvait lui dire. Ce qui était bien évidemment faux. Ça l'énervait tellement que lui, un homme qu'elle connaissait à peine, un homme qu'elle méprisait déjà à moitié, puisse comprendre ses failles aussi vite. Beaucoup de ses proches ne se doutaient même pas une seule seconde de l'épreuve qu'elle était entrain de traverser. Malgré la présence et le soutien de Diana et Clark, Vixen se sentait plus seule que jamais. Se dire que ce satané rouquin était peut être le seul à pouvoir la comprendre et l'aider... ça lui faisait mal au cul. C'est alors que Keyvan la fermait enfin avant de jeter un regard à sa propre main. Par réflexe, Mari regardait elle aussi et sans qu'elle n'ait eu le temps de comprendre, elle se retrouvait à quatre pattes sur le béton, sans plus aucune trace du rouquin. L'enfoiré! Il était donc capable de se téléporter. Le coup de la lumière, elle avait juste pensé que c'était un tour de passe passe comme ces putains de mauvais magiciens qu'on pouvait croiser à tous les coins de rue. Mais non, lui... il avait vraiment un pouvoir. Ça l'agaçait encore plus. Vixen soupirait, faisant se soulever la mèche de cheveux qui lui tombait en plein au milieu du visage. Finalement, c'était lui qui avait gagné la partie et qui lui avait fait à l'envers. Elle regrettait alors de ne pas avoir saisi sa chance en lui posant tout de même quelques questions. C'est toujours comme ça non? C'est seulement quand on perd quelque chose qu'on en mesure la valeur.

Ne t'inquiète pas Vixen, il est toujours là l'enfoiré. Il déboulait d'ailleurs derrière elle, prenant un malin plaisir à lui tapoter sur la tête. La justicière levait les yeux au ciel. Oh... qu'est-ce qu'elle avait envie de lui faire mordre la poussière à cet instant précis. Mais elle ne pouvait pas, elle ne devait pas. Elle se contentait donc de repousser vivement sa main pour qu'il cesse de l'asticoter ainsi. Et alors qu'elle s'apprêtait à se relever, n'appréciant pas du tout d'être dans cette position d'infériorité, ce fut finalement Keyvan qui se mettait à sa hauteur. Il s'accroupissait en effet à côté de la jeune femme, rallumant son invincible pétard qui l'incommodait toujours autant. Une nouvelle fois, la justicière repoussait la fumée avec sa main, attendant quelles conneries le rouquin allait encore débiter. Mais finalement, il semblait enfin vouloir prendre tout cela au sérieux. Son air et son ton étaient plus grave, peut être qu'ils allaient enfin pouvoir avoir une vraie discussion. Mari était prête à lui laisser une seconde chance de lui prouver qu'il était pas aussi con et bourrin qu'il en avait l'air. Mais, bien évidemment, cela aurait été trop beau pour être vrai et ils furent interrompus par le même genre de types qui avaient attaqué Keyvan devant le bar. Merde alors, il avait dû les mettre sacrément en rogne les yakuzas pour qu'ils persistent comme ça. Encore un bain de sang... songeait Mari. Elle allait devoir empêcher le leprechaun de faire un bain de sang.

« Calmez vous messieurs, je suis sûre qu'on peut éviter le bain de sang. »

Avait-elle dit en se relevant doucement vers les yakuzas. Elle invoquait en même temps l'esprit de l'antilope afin de pouvoir intervenir au plus vite si les choses se corsaient. Elle était également prête à dégainer son bouclier d'énergie pour se protéger elle et l'enfoiré. Il l'agaçait mais ce n'était pas une raison valable pour le laisser crever non? Si? Non... Mais Vixen n'eut même pas eu le temps de s'en servir, à peine les tueurs à gage avaient-ils posé leurs doigts sur leurs gâchettes que Keyvan s'était accroché à elle, la téléportant avec lui dans ce qui ressemblait bien à une interprétation de l'enfer. C'était tout simplement horrible, ça la prenait aux tripes et elle crut bien un instant qu'elle allait mourir. Merde alors, faut prévenir quand on embarque quelqu'un dans ce genre de conneries. Je sais pas... au moins faire une mini formation pour garder le coeur accroché parce que je peux vous jurer que ça dépote d'être téléportée par un putain de leprechaun. Vixen lui serrait fort la main par peur qu'il ne la lâche et ne l'abandonne dans cette sorte d'abysse sans fond. Puis soudain, en une fraction de secondes, voilà qu'ils étaient de retour sur la terre ferme, roulant sur le sol. Il faisait chaud et la montagne de muscles rousse écrasait littéralement Mari qui était complètement déboussolée. Merde c'était quoi ce bordel. Puis c'était reparti pour un tour, une nouvelle porte. Mari ne prêtait même pas attention au commentaire graveleux de Keyvan lorsqu'elle s'était retrouvée une nouvelle fois à le chevaucher, elle était encore trop sous le choc. Jamais elle n'avait vécu ce qu'elle était entrain de vivre dans les bras de l'irlandais.

Puis finalement, après le chaos le plus total, arrivait enfin la trêve, le repos. Keyvan lâchait la main de Mari qui paniquait sans savoir où elle allait atterrir et surtout, dans quel état. Heureusement pour elle, plus de peur que de mal. Elle se retrouvait assise sur un immense trône d'or. Inconfortable et kitch à souhait, mais il y avait pire. Ce trône appartenait-il au leprechaun? Voilà qu'il se prenait pour un roi maintenant... Ou alors ils étaient vraiment chez un roi? Mari ne savait pas, elle ne savait plus. Elle mit d'ailleurs plusieurs instants à reprendre ses esprits, comme lorsque l'on se réveille d'un cauchemar plus vrai que nature. Le réveil était, comment dire, très étrange, elle n'en croyait pas ses yeux. Tous ces trésors, ces reliques, cet or. Elle avait l'impression d'être dans la caverne d'Ali Baba, en beaucoup beaucoup plus grand et impressionnant. Keyvan, lui, semblait tout à fait dans son élément. Aucun doute, ils étaient bien chez lui. Impressionnant, certes, mais pas très chaleureux ou accueillant. Mari préférait son petit loft à New York. Il lui manquait tellement, elle en avait marre de cette nuit horrible. Elle voulait juste que tout s'arrête et rentrer enfin chez elle. Keyvan lui ordonnait alors de sortir ses fesses de son trône. Oh mec, c'était tellement pas le moment de jouer avec ses nerfs. Elle lui lançait un regard sombre, l’irlandais semblait enfin comprendre qu'elle était vraiment à bout cette fois-ci et qu'il ne fallait pas la chercher d'avantage, au risque de libérer le kraken. Il lui proposait donc une trêve et lui demandait une nouvelle fois pourquoi elle le cherchait. Vixen se levait lentement du trône, montrant ainsi qu'elle acceptait de faire la trêve et d'entamer la discussion.

« On m'a dit que tu en connaissais un rayon sur la magie et ses artefacts. J'ai besoin de tes lumières concernant mon collier. J'aimerais réguler son emprise et ne plus le laisser m'influencer. Ça te parle ou je perds mon temps? »

Tout en disant cela, Mari avançait lentement parmi les trésors de Keyvan, il y en avait vraiment beaucoup.

“Pour connaître la chance, il ne manque vraiment à certains qu'un peu de chance.” citation de Stanislaw Jerzy Lec extraite des "Nouvelles pensées échevelées"

Le leprechaun était tendu, Mari l'avait bien remarqué. Il semblait obnubilé par ses trésors. Non, il était obnubilé par ses trésors. Cela amusait la jeune femme qui commençait à le cerner un peu plus malgré la folie qui se dégageait de lui. Le temps avait dû lui griller quelques neurones à celui là, il avait un pète au casque et pas un petit. Complètement cinglé, mais vu qu'elle se trouvait déjà, un peu malgré elle, dans son terrier, autant essayer d'en tirer quelque chose. A vrai dire, Mari n'y croyait plus vraiment mais elle n'avait plus rien à perdre finalement. Elle attendait la réponse du rouquin tout en poursuivant sa visite des lieux. Il n'aimait pas ça, elle le savait, mais elle s'en fichait. Soudain, elle sentit sa présence derrière elle. Cette masse volumineuse, imposante et chaude. Elle pouvait sentir son souffle descendre jusqu'à sa nuque, des frissons lui parcouraient le corps. Vixen fermait les yeux et prenait une profonde inspiration, elle devait contrôler son désir pour lui qui persistait malgré sa profonde aversion pour le leprechaun. Une fois l'esprit en place, elle se retournait vers l'irlandais. Il lui tendait la main, un large sourire aux lèvres. Hésitation bien sûr... était-ce une main amicale ou allait-il encore lui jouer un sale tour? Mari prenait une moue hésitante avant de plonger son regard dans celui de Keyvan. Elle essayait de le sonder, de trouver des réponses dans ses yeux mais rien... Allez, pour maintenant, ce n'était plus la peine de faire la difficile, elle lui donnait la main, espérant ne pas le regretter.

« Répondre à ma question ça ira merci. »

Mari n'avait pas envie d'entrer dans le jeu de l'irlandais, sa patience arrivait à saturation, elle voulait savoir si elle perdait son temps ou non. Lorsque le roux se penchait vers elle, la justicière se reculait par réflexe, elle se demandait bien ce qu'il voulait lui faire. Finalement, il souhaitait seulement observer son collier. Bien joué Sherlock, enfin une initiative qui avait du sens. Mari le laissait donc faire à sa guise. De toute manière, il ne pouvait pas lui prendre son collier, elle ne risquait rien... enfin c'était ce qu'elle croyait. Le collier était littéralement ancré dans sa chair et tous ceux qui avaient tenté par le passé de lui arracher avaient échoué. Elle doutait donc que le leprechaun soit capable de lui voler, puisque apparemment, il était du genre cleptomane le chien fou. Mais sait-on jamais. Et puis... fou... pas tant que ça en fait. C'était qu'il reconnaissait bien l'artefact l'enfoiré. Il parlait d'Anansi, c'était bien ça. Là, il récupérait un peu de l'attention de Mari. Des grimoires disait-il, pourquoi pas. Mari l'observait, sagement, silencieusement. Elle ne voulait pas le perturber ou le provoquer, les choses sérieuses venaient de commencer. Elle se mordillait la lèvre inférieure, stressée et impatiente. Elle espérait vraiment qu'il allait lui sortir une recette miracle de son chapeau magique. Et après quelques minutes de recherches et de mauvaises pioches, le rouquin semblait enfin avoir trouvé quelque chose d'intéressant. Mari ne criait pas victoire, oh non, elle attendait de voir avant de s'enthousiasmer. Et puis ce qu'elle avait entendu ne l'enchantait pas vraiment. Du sang de celle qui veut faire le rituel... ok... de la verdure et un boeuf... étrange. Décidément, Vixen n'aimait pas tout ce qui relevait de la magie et des rituels. Un comble pour celle qui tirait ses pouvoirs d'un artefact magique.

Keyvan rangeait le grimoire et se rapprochait à nouveau de Mari. Elle s'apprêtait à lui demander comment il comptait procéder quand, sans lui laisser le temps de s'exprimer ou même de comprendre, il l'attrapait par la taille pour la serrer contre lui. Mari était à deux doigts de s'offusquer et de lui jouer le remake de la gifle du bar quand elle comprit qu'il ne faisait pas ça pour la mettre dans son lit mais pour la téléporter... chez elle, en Afrique. Très bien, ça passait alors. Mais était-il vraiment obligé d'être aussi collé à elle? Pour les autres téléportations ça n'avait pas été le cas. Mari était plutôt mal à l'aise dans les bras du grand rouquin, justement parce qu'elle s'y sentait drôlement bien. Enfoiré de sexy d'irlandais! Allez, Mari, fais ce qu'il t'a dit, pense à l'Afrique, pense au Zambesi, pense à ton village natale. La téléportation fut tout aussi désagréable que les premières et Vixen crut bien vomir tripes et boyaux à l'arrivée mais il n'en fut, bien heureusement, rien. L'air de l'Afrique avait su la calmer et surtout la ressourcer. Que c'était bon d'être de retour ici, il n'y avait pas à tergiverser, c'était ici que la justicière se sentait le mieux. Et cette nuit, plus que jamais, elle avait besoin de cela. Elle était ravie d'être loin du Japon, loin de ce bar miteux, loin de la tanière du roux aussi. Là, elle était enfin en terrain connu, elle était chez elle, elle se sentait bien. Après avoir rassurer les quelques villageois abasourdis et inquiets, Mari rejoignait l'irlandais. Il était à la recherche de l'un de ses ingrédients.

« Si tu dis encore un commentaire désagréable sur ma terre, je te brise la colonne vertébrale c'est clair? »

Mari avait dit cela discrètement, feignant un ton poli et courtois. Elle ne voulait pas être entendue des curieux qui les observaient au loin. Mais si elle avait été seule avec le leprechaun, sûr qu'elle lui aurait fait payer physiquement d'avoir osé insulter son village. Mais voilà, les habitants étaient déjà bien assez perturbés comme cela, elle ne voulait pas leur communiquer en plus son angoisse et sa colère. Pour donner le change, elle donnait à Keyvan une tape amicale dans le dos. Légère pour que les villageois ne captent pas son hostilité envers le roux, mais assez forte pour que lui, au contraire, la sente. Des plantes, du foin et un bœuf, Keyvan avait tout ce dont il avait besoin et ils partaient donc en route vers... en fait Mari n'en savait rien. Mais ce qu'elle savait, c'était qu'elle n'appréciait pas du tout comment le rouquin avait parlé au bœuf et comment il le traitait. Fronçant les sourcils, elle lançait un regard noir au leprechaun avant d'entrer en télépathie avec le bœuf pour le rassurer. Ce pauvre animal, il ne comprenait rien mais la présence de Vixen l'apaiser. D'ailleurs, Mari ne s'était pas privée de bousculer l'irlandais pour prendre sa place et conduire elle même le bœuf en haut de la colline.

« T'es vraiment un enfoiré... »

Elle avait pas pu s'en empêcher, il avait fallu que ça sorte, elle le méprisait tellement ce connard. Il avait pas intérêt à reposer ses sales pattes sur ce pauvre bœuf qui valait tellement plus que lui. Vixen avait tellement envie de faire marche arrière et de le larguer là comme la bouse qu'il était. Mais une partie d'elle n'arrêtait pas de lui dire "et si, et si il avait la solution". C'était la seule et unique raison pour laquelle elle avait continué à le suivre. Une fois en haut de la colline, elle écoutait attentivement ses instructions mais elle ne comprenait rien, absolument rien. Qu'est-ce qu'il baragouinait l'alcoolo de service? Elle commençait à se dire qu'elle était vraiment désespérée pour écouter ce pilier de bar. Et maintenant, voilà qu'il se transformait en strip-teaseur. Il se mettait torse nu, comme ça, tranquille. Bon là... Mari devait avouer que... il avait un corps absolument parfait le bougre, parfaitement à son goût. Merde alors! Voilà qu'il titillait encore la libido de la justicière. Mari préférait alors se retourner, au cas où il se déciderait à se mettre tout à coup en tenue d'Adam. Plus rien ne l'étonnait venant de l'irlandais. Mais alors qu'elle avait le dos tourné, elle entendait un son qui lui glaçait le sang. Elle ressentait la terreur et la souffrance du bœuf. Bordel de merde, elle allait tué cet enfoiré, c'était décidé. Il avait été trop loin.

Mari se retournait, ivre de colère. Elle n'écoutait même pas ce trou du cul et fonçait vers l'animal. Elle savait qu'elle pouvait encore le sauver. Elle le prenait dans ses bras et activait son totem, invoquant l'esprit de l'étoile de mer. Entrant dans une trans, dont rien ni personne n'aurait pu la faire sortir, Vixen établissait le lien télépathique avec le bœuf afin de partager avec lui son pouvoir de régénération. Cela, elle ne pouvait le faire qu'avec les animaux grâce au pouvoir et à la puissance du Red. In extremis, elle parvenait à sauver le bœuf et lui ordonnait de fuir. Une fois l'animal au loin, en sécurité, Mari se retournait, furieuse, vers Keyvan. Le sang du pauvre bœuf maculé ses vêtements, ses mains et une partie de son visage.

« Non mais tu te fous de ma gueule espèce de connard?! »

Elle s'approchait de lui d'un pas vif et déterminé avant de le pousser plusieurs fois violemment sur le torse, laissant ses empreintes ensanglantées sur la peau de l'irlandais.


« J'en ai rien à foutre de ton rituel de merde, j'en ai rien à foutre de ton aide, je ne veux plus jamais te revoir. Nan mais t'es un grand malade! »

Mari était folle de rage, elle ne supportait pas que l'on s'en prenne aux animaux et encore moins en son nom. Rien au monde ne valait la peine que l'on sacrifie une vie, qu'elle soit humaine ou animale. Vixen avait envie de de tuer le roux et, croyez moi, elle devait lutter fort pour résister à ce désir meurtrier. En revanche, le repoussait violemment, s'acharnait sur son torse nu, ça, elle s'y donnait à cœur joie. Ça lui permettait au moins d'évacuer sa colère et toute ces tensions qu'elle avait accumulé depuis le début de la soirée. Elle n'avait même pas invoquer le totem pour gonfler sa force, elle avait juste envie de se défouler, naturellement, simplement. Ses coups devaient être des caresses pour Keyvan mais elle s'en fichait, qu'est-ce que ça faisait du bien.