And you could have it all my empire of dirt [PV Jinny Hex]

Le Texas, pays d'armes à feu, de cowboys, de sudistes et de militants conservateurs. Slade aimait bien cet état : le grand air, les voisins qui s'occupaient de leurs affaires et la nourriture, les texans étaient des viandards reconnus, des bons vivants dont embonpoint ne servait qu'à mieux mettre en valeur leurs calibres affichés fièrement. Si il y avait bien un état ou la poudre régnait, c'était ici. Slade y possédait un ranch gigantesque, chevaux des meilleures espèces laboratoire de suivi génétique entraîneurs réputés c'était une de ses affaires les plus juteuses un moyen idéal de blanchir de l'argent et de s'offrir une retraite dans un endroit un peu isolé. Les affaires courantes étaient gérées par Wintergreen, son esprit affûté était bien plus à même de traiter les rouages juridiques et administratifs que Slade qui était avant tout un guerrier, et le meilleur d'entre eux. La maintenance de toute cette petite entreprise était gérée localement par Richard Temp, un gamin du pays qui était passionné par les chevaux. A peine 23 ans et de l'or entre les doigts le gamin avait la confiance de Wintergreen et maintenait les lieux dans un état impeccable, il était réglo et droit dans ses bottes et personne n'oserait lui chercher des noises dans le coin car tout le monde l'appréciait. Slade observa le portail de la grille extérieure s'ouvrir visiblement un investissement avait été fait pour renouveler l'enclos original depuis sa dernière visite. C'était il y avait quoi, un an? Un peu plus? Le temps passait trop vite et il avait tellement de travail c'était d’ailleurs la raison de son retour il s'était mis quelques personnes dangereuses à dos et les affronter était bien moins profitable que de se planquer pour le moment. Il faisait une chaleure intense sous l'été texan et le mercenaire tira de manière frénétique sur sa chemise à manche courte pour s'aérer un peu. La chaleur sèche de la région était souvent crevante, mais au moins on ne suait pas comme un boeuf comme dans les régions plus tropicales ou rien ne séchait.

Il s'apprêtait à appuyer sur la pédale d'accélérateur quand un mouvement attira son regard. Il reconnu instantanément la personne, Jinny Hex, une gamine du coin aux ancêtres célèbres : et bien... les Hex. Ça il y en avait un paquet des fines gâchettes dans ce clan originaire des tout débuts de la conquête de l'Ouest une période pas si lointaine de son point de vue, un peu comme la première guerre mondiale le serait pour les plus jeunes si leur monde saturé d'information ne les avait pas transformé en poissons rouges, un mal qui heureusement ne semblait pas atteindre cette bourgade tranquille. Slade observa de loin la rouquine qui habitait quelques centaines de mètres plus loin, il avait beaucoup de sympathie pour ces voisins au passé haut en couleur et aimait le sentiment d'être l'espace de quelques instants un être humain parfaitement normal à leur contact, Jinny était comme un membre de sa propre famille d'ailleurs cette petite sauvageonne avait le don de lui rappeler parfois sa propre fille et il fut à nouveau peiné de la voir grandir aussi vite en son absence, il la connaissait presque depuis le berceau et il avait du mal à voir en elle autre chose que la gamine qui s'extasiait devant les histoires de ses ancêtres. Elle avait bien grandi, elle avait la tête sur les épaules et savait manier ses revolver comme personne. Il baissa ses lunettes de soleil et l'observa de son œil valide ainsi que celui en verre. Afin de ne pas éveiller les soupçons, il camouflait son apparence ici, des sourcils plus broussailleux, une barbe généreuse, un ventre rebondi, il était méconnaissable et Mr Angus Fletcher était un citoyen respecté bien que très absent de la vile qui payait ses impôts, un riche un peu bizarre qui traînait de temps en temps et aimait bien les Hex. Slade suivait de près l'évolution de la petite après tout, qui savait dans quel pétrin son héritage allait la fourrer.

Il braqua pour approcher tranquillement dans son gigantesque hummer si apprécié des gens du coin, le bousin était secrètement blindé et plus proche de son cousin militaire, il ralenti à la hauteur de Jinny et s'arrêta lui faisant signe de la main.

-Tu vas quelques part?

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Flashback - Dripping Springs, summer 2013.

Jinny Hex en avait gros. Sur la patate, mais ça, pas besoin de préciser, pour quiconque avait une vue assez perçante pour distinguer sa frimousse à travers la chaleur étouffante de l’été texan. Sourcils froncés et mine boudeuse, les mains profondément enfoncées dans les poches de son short en jean malgré la chaleur, les rues de Dripping Springs accueillaient sa mauvaise humeur sans sourciller. On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans, sauf quand on décide de faire la gueule – et Jinny Hex, elle, avait décidé de faire la gueule. Une énième chamaillerie avec sa mère à propos du garage familial, que Jinny ne pouvait plus voir en peinture, une énième soirée avec ses copains de classe dont elle était privée parce que la matriarche avait décidé que son unique fille et unique employée serait d’astreinte – détails frivoles et puériles du point de vue d’un adulte, sans doute, mais pour elle, c’était l’énième goutte d’eau qui menaçait de faire déborder le vase, alors elle avait haussé le ton, sa mère n’avait pas apprécié, et la gamine avait quitté le garage en trombe avant de dire quelque chose qu’elle savait qu’elle allait regretter plus tard. Sûrement une idée stupide, parce qu’on crevait de chaud sous le soleil écrasant de l’après-midi, mais Jinny n’était pas du genre à renoncer à ses bouderies pour si peu. Elle avait besoin de prendre l’air, de redescendre, avant d’affronter à nouveau son dragon intraitable de mère, et elle n’y retournerait pas avant de se sentir prête à le faire.

Chez les Hex, on se serre les coudes, lui martelait sa mère sans arrêt, parce que chez les Hex, on n’est plus beaucoup, alors il faut bien supporter ce qu’il nous reste de famille. Un prétexte bien pratique selon Jinny, mais un peu trop unilatéral à son goût. Elle n’avait plus de grands-parents, et sa mère ne parlait jamais d’eux – elle n’avait pas de cousins connus, par de frère et sœur, et même son père avait décidé de se barrer. Finalement, il ne restait plus qu’elle et sa mère, et parfois, Jinny se demandait si sa mère n’abusait pas un peu de cet état de fait. Tu parles d’une famille, les Hex. Deux nanas paumées dans un trou perdu au Texas, avec pour seule force l’anecdote amusante d’un ancêtre chasseur de primes au Far West. Un héritage qu’objectivement, Jinny trouvait franchement douteux – mais qui, sans qu’elle n’ose l’avouer à voix haute, lui instillait aussi une crainte explicable. La faute à sa mère. La façon dont elle en parlait était toujours… perdue dans ses pensées, Jinny n’entendit pas le moteur du Hummer approcher, et ne s’arracha à sa contemplation que lorsqu’une voix familière l’apostropha depuis l’intérieur du véhicule. Et c’est un regard proprement agacé – quand bien même ça n’était pas de sa faute à lui – qu’elle adressa à Mr Fletcher et sa barbe broussailleuse. « Le plus loin d’ici possible. A l’autre bout du pays. L’autre bout du monde, même. C’est dans vos cordes ça, Mr Fletcher ? »

Maugréant dans sa barbe, elle ajusta son Stetson sur sa tête. L’Australie, ça avait l’air bien, ça, comme option. Loin de Dripping Springs, et en même temps, en terrain familier. Ou alors une grande ville. Elle rêvait d’un jour aller voir une grande ville. New York, ou même Metropolis. Mais tant qu’elle n’était pas encore majeure, c’était évidemment hors de question. Décidée à chasser ces ruminations de ces pensées, elle tourna la tête vers son respectable voisin, un sourire facétieux accroché aux lèvres. « Vous savez que c’est louche normalement, les vieux comme vous qui parlent à des jeunes filles comme moi depuis une voiture ? Faites gaffe à ce que la vieille Muriel n’appelle pas les flics. Vous savez comme elle est, avec ses ragots. » Les bonheurs des petites villes où tout le monde connaissait tout le monde. Surtout les petites vieilles qui n’avaient rien de mieux à faire qu’espionner leurs voisins. Surtout que ça l’emmerderait quand même, que le vieux Fletcher ait des ennuis pour si peu. Elle l’aimait bien, ce voisin débonnaire qui passait régulièrement au garage partager un café avec elle et sa mère et radotait (comme tous les vieux) à propos de ses histoires de guerre, que Jinny pouvait écouter sans se lasser. Un changement bienvenu, elle qui s’était farci de la légende Hex depuis la petite enfance. « Vous étiez passé où ? Ca fait plus d’un an qu’on ne vous a pas vu dans les parages. On commençait à s’inquiéter. » demanda-t-elle à brûle-pourpoint, ravie de pouvoir maintenant satisfaire sa curiosité. Elle avait sauté à la fenêtre quand sa mère lui avait dit voir de la lumière au ranch de Mr Fletcher et qu’il ne s’agissait pas du jeune fils Temp. « Vous avez de nouvelles aventures à me raconter pour vous faire pardonner, j’espère ? »

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Slade voyait bien que Jinny n'était pas dans son état normal, elle semblait énervée, profondément énervée. Son sourire chaleureux ne s'effaça pas un instant et il la détailla un peu plus, son Stetson avait du mal à camoufler le feu de son regard, l'embrasement interne dont elle devait souffrir il resta au début silencieux, rapidement confirmé dans sa théorie par l'envie visible de la jeune fille de se barrer loin d'ici. Il aurait sans doute tout fait pour elle, et Mr Fletcher avait de quoi paye tel luxe à la petite, mais qui s'occuperait d'elle? Ho bien sûr elle était débrouillarde et sans doute capable de s'en sortir seule, mais quel adulte responsable accéderait à cette requête? Il se contenta de lui sourire avec mystère, elle savait qu'il était fortuné, même sous cette fortune, elle devait se douter que de bon Angus avait de quoi lui payer un billet pour tout endroit de sa convenance. Et dieu savait que Slade le ferait sans hésiter si il n'avait pas autant de sympathie pour la mère, car Jinny était un peu comme sa propre fille et il avait du mal à lui dire non, un peu comme un vieux papy gâteaux, il se demandait si elle avait toujours le Colt de collection qu'il lui avait offert lors de ses dix ans. Il avait cherché longtemps une des armes authentiques de Cattle Annie, une femme oubliée de l'histoire si ce n'était pour un vieux film oublié de tous, ce qu'il n'espérait pas pour Jinny, il voulait la voir devenir une femme forte et affirmée, qui prenait sa vie en main, comme il le voulait pour sa propre fille, Rose lui manquait horriblement.

Il rigola à sa remarque sur la vieille Muriel le fit rire, cette vieille pie avait l'oeil partout et répandait de villaines rumeurs, mais il ne s'en inquiétait pas, savoir ce qui torturait la jeune fille était bien plus important que des racontars d'une vieille folle sous médication. Il la rassura avec un sourire, elle cachait mal son trouble derrière sa nonchalance habituelle, enchaînant directement sur son absence, il était vrai que d'habitude il était plus régulier, mais l'Afrique n'allait pas s'embraser seule et les dictateurs étaient des clients exigeants. Il ne les aimait pas, mais le gouvernement si et le gouvernement payait très bien pour les caprices de ces messieurs, de l'assassinat de l'opposant à la protection rapprochée dans un bordel miteux, ces messieurs aimaient rappeler qui ils se payaient grâce à leurs amis.

-J'ai été très occupé, les affaires sont fructueuses, mais prenantes. Mais ce n'est pas des histoires que tu veux entendre.

Un rire franc s'échappa de sa gorge, la petite aimait ses histoires du vietnam, même si il cachait le pire, a détention dans les camps de prisonnier, les mines antipersonnel, les embuscades à l'orée du jour au couteau. Se réveiller avec un vietcong peu jovial le couteau levé au dessus de vous était une surprise désagréable, mais revigorante dans un certain sens.

-Mais tu sait qu'un bon conteur ne donne jamais ses meilleurs histoires avant la fin du spectacle.

Il se pencha pour lui ouvrir la portière, lui faisant signe de monter.

-Mais avant ça, tu va me parler de tes envies de voyage, dit m'en plus, ou veux-tu aller?

Il attendit son entrée dans le véhicule et le choc de la portière pour lui tendre une bouteille d'eau, il faisait une chaleur insupportable là dehors et il ne souhaitait pas la voir se déshydrater. Il se mit à son aise dans le gigantesque siège du véhicule., même pour son gabarit plus rondelet avec les renforts.

-Tu sait que je suis riche et que je ne peux rien te refuser ma grande. Alors dit moi ta destination... Paris? Hongkong? Sydney? 1ére classe? Je peux t'offrir le meilleur.

Il ne parvint pas à garder son sérieux plus longtemps et éclata de rire.

-Dit moi ce qui se passe Jinny. Des problèmes à la maison?

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Dire que Jinny n’avait pas d’amis à Dripping Springs aurait été un mensonge – mais dire qu’elle avait à peine le temps de les voir, ou qu’on ne se lassait pas très vite, à son âge, de croiser toujours les mêmes têtes, en revanche, aurait été une vérité des plus absolues. Avec la santé de sa mère sur le déclin, Jinny passait la plupart de son temps libre au garage à tenir la caisse et à voir ses copains de classe passer faire le plein avant de partir s’amuser sans elle ; derrière son comptoir, elle s’improvisait observatrice de choc, spectatrice à temps plein de la vie tranquille et franchement ennuyeuse du microcosme que constituaient Dripping Springs et ses quelque deux mille habitants. Et à dire vrai, Jinny avait beau ne pas être du genre anxieuse, il y avait quand même une chose qui lui inspirait une crainte viscérale, à lui en retourner les entrailles : croupir dans cette ville pour le reste de sa vie pendant que le reste du monde continuait d’avancer. C’était facile, de se perdre sur ce qui ressemblait à un chemin unique et prédéterminé, quand tout ce qu’elle voyait quand elle s’aventurait aux abords de la ville étaient le désert ou de longues routes ininterrompues avalées par l’horizon. Angus Fletcher, avec ses apparitions sporadiques et calculées, lui rappelait que peut-être, avec un peu de chance, il y avait d’autres embranchements possibles, et qu’avec le temps, elle pourrait elle aussi s’échapper de cette cage de plaines et d’étés trop chauds.

Et il avait raison, ce n’était certainement pas les histoires de ses affaires qu’elle avait envie d’entendre – elle partait du principe, à son sens fort juste, que gérer une affaire de cette ampleur était aussi ennuyeux que gérer un garage, mais en plus grand – mais elle savait aussi qu’il la faisait volontairement poireauter, et un sourire facétieux vint illuminer ses traits sitôt qu’il ouvrit la portière. « De plus en plus louche, Mr Fletcher. Vous avez de la chance que ma mère vous aime bien. » D’un bond leste, elle grimpa dans le siège passager et referma la portière dans la foulée, attrapant la bouteille d’eau avec gratitude. Il était inoffensif, le vieux Fletcher – il faisait partie des meubles et du paysage d’aussi longtemps qu’elle s’en souvienne. Comme le garage, comme sa mère, comme le vieux pick-up familial, comme le shotgun que son père avait laissé avant de claquer la porte. « Et maintenant, vous voulez aider une mineure à fuir le pays ? De mieux en mieux, old man. » enchaîna-t-elle en passant son bras par la fenêtre. Malheureusement, il se moquait, le vieux grigou, et Jinny lui adressa un regard désapprobateur en secouant la tête face à son hilarité, et se renfrogna sitôt qu’il reprit le sujet qui fâche. La plaisanterie était terminée. Retour aux choses sérieuses. « Rien d’aussi palpitant que ce que vous faites dans la vie. Quoi que ce soit, d’ailleurs. » Elle n’y comprenait jamais rien, à ses ‘affaires’ – d’ailleurs elle avait parfois l’impression qu’il faisait exprès de la laisser dans le flou. Peut-être qu’elle devrait lui poser la question, un de ces jours.

Initialement décidée à changer de sujet, c’est finalement d’avis, qu’elle changea, parce que la chaleur de l’été texan faisait chauffer les nerfs, et que Jinny avait quand même bien envie de râler, et qu’elle n’avait personne d’autre auprès de qui râler à part Angus, alors tant pis, c’était lui qui se farcirait sa mauvaise humeur. « C’est une façon de le dire. » grommela-t-elle en haussant les épaules d’un air maussade. « Maman veut que je reste bosser au garage ce soir, alors que je lui avais bien dit que j’avais déjà des plans. » Oh, elle n’était pas idiote, ni immature, Jinny. Elle savait bien à quoi ça ressemblait : un caprice d’enfant gâté. Mais ceux qui arrivaient à cette conclusion n’avaient aucune idée de la réalité du quotidien de la mère et de la fille Hex, et feraient mieux de se regarder deux fois dans le miroir avant d’ouvrir le bec. Travailler comme une brute, seconder sa mère pour qu’elles puissent subsister toutes les deux, elle le faisait sans rechigner, adulte indépendante avant l’heure. Mais parfois, et ça lui faisait mal de l’admettre mais il fallait bien le faire quand même, ça lui manquait, de pouvoir être une ado insouciante. « Je commence juste à en avoir marre d’être son employée plus que sa fille, tout ça parce qu’elle ne veut engager personne d’autre. » Le clanisme des Hex, même à deux, restait légendaire, à Dripping Springs. « Je sais qu’elle a besoin de mon aide, mais une fois, juste une fois, j’aimerais bien passer avant ce maudit garage. » Observant le paysage trop familier défiler par la fenêtre, profitant du vent sur son visage, elle donna une pichenette au rebord de son Stetson. « Vous avez des gosses, Mr Fletcher ? » demanda-t-elle, sautant du coq à l’âne mais pas tant que ça, finalement. Il débarquait toujours tout seul dans son ranch trop grand, mais qui savait ?

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Jinny retardait l'échéance, grattait chaque seconde pour ne pas exprimer ses soucis, Slade la voyait bien se camoufler au mieux derrière quelques petites blagues pour camoufler l'embarras de sa situation. La pauvre n'avait pas eut de chance, les Hex tombaient souvent comme des mouches, et la maladie de sa mère, dont il était bien sûr au courant car cela n'avait fait qu'empirer avec le temps, ne devait pas être facile pour elle. Il n'aimait pas se sentir ainsi impuissant, Jinny était une gamine formidable et intelligente, un amour de rouquine qui n'avait tout simplement pas la chance de vivre une vie normale. Avec sa famille haute en couleur et les tragédies qui l'handicapait. Qui savait combien de Hex restaient sur la surface du Globe, légitimes comme bâtards, voilà une lignée qui se traînait absolument toute la poisse possible. Quand elle fit son entrée et ferma la porte, Slade fut heureux de sentir que la climatisation régnait à nouveau en maître dans l'habitacle, la chaleur texane était souvent oppressante.

Il se montra aussi silencieux que possible, laissant Jinny arriver au bout de ses explications, elle cherchait un peu ses mots comme si elle ne voulait pas embêter son charmant, amical et sympathique voisin. Visiblement la source du confit était une sortie que la jeune Jinny souhaitait faire, Slade manqua de rouler des yeux, il avait dit des centaines de fois à madame Hex qu'elle devrait se trouver un bon employé, il avait tout autant de fois proposé de l'aider à en trouver un et à le payer en cas de coups durs pour le petit garage, mais maman Hex n'était pas femme là laisser qui que ce soit entrer dans leur vie aussi facilement et si il avait bonne presse auprès de cette femme redoutable, elle continuait obstinément de gérer sa barque seule contre vents et marées. Il avait de la peine pour Jinny qui devait être prise entre deux feus, son amour familial et ses envies adolescentes. Il contempla la bouteille d'eau entre ses mains, son air était sérieux, Jinny était presque sa fille adoptive, si il n'avait pas de pouvoir sur sa mère, personne n'en avait d'ailleurs, il savait aussi comment arrondir les angles avec elle, comment user de ses bons sentiments. Il pouvait tenter d'aider Jinny, mais pour l'heure, il devait s'occuper de la petite. Sa question finale le coupa dans son élan, cette question était douloureuse pour Slade. Des enfants, oui il en avait, un mort, un qui le haïssait, une dernière qui refusait de l'écouter. C'était toujours douloureux de constater qu'il avait échoué.

-J'en ais. Enfin, ceux qui me parlent encore.

Son air s'assombrissait un peu, il tournait la bouteille d'eau entre ses mains.

-Ta mère t'aime Jinny, plus que tout au monde, j'espère que tu le sait.

Les parents aimaient leurs enfants, mais face à un monde cruel, un monde qui un jour se passera de leurs géniteurs pour les mettre aux commandes, le devoir n'est-il pas pour ces mêmes géniteurs de préparer leurs enfants à ce monde? Il est difficile de devenir l'ennemi, Slade imaginait la douleur de madame Hex de faire du mal à sa fille en voulant faire le bien, les disputes, les incompréhensions, ces mots qu'on ne peut exprimer ou dire, ces embrassades qu'on voudrait plus longue, le temps qui passe.

-Elle brûlerait ce garage jusqu'aux fondations pour toi si il le fallait, c'est une femme formidable, mais comme tout parent, elle ne voit que ce qui est bon pour ses enfants de son point de vue. J'ai perdu mon premier fils comme ça, il avait un peu moins que ton âge quand il est parti de la maison.

Slade se revoyait encore au bords de cette maudite route, provoquant son fils en pensant que lui montrer qu'il était encore trop jeune pour se débrouiller seul, il l'avait finalement jeté dans les bras de HIVE qui l'avait envoyé au suicide, y repenser faisait toujours aussi mal.

-On veux que vous soyez meilleurs que nous, et vous le serez. Même si pour ça on doit aussi être vos ennemis.

Être parent était à la fois une charge, un devoir, et un honneur, mais tout le monde ne se montrait pas à la hauteur. Difficile de l'être. Il fallait se contenter de continuer d'essayer.

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Jinny Hex n’avait jamais été connue à Dripping Springs pour son sens de la diplomatie, et encore moins pour son tact – ça aussi, c’était de famille, paraît-il, les Hex avaient toujours eu un talent certain pour s’attirer l’ire de leurs semblables quelle que soit la situation. Mais Jinny n’était quand même pas monstre au point de ne pas sentir une atmosphère changer quand elle disait un mot de travers, et elle n’avait pas besoin d’un diplôme en psychologie ni de s’appeler Batman pour sentir qu’elle venait, malencontreusement, de toucher un point sensible avec le vieux Fletcher. Dardant aussitôt sur lui son regard attentif, elle se demanda bien à quoi ils pouvaient ressembler, les enfants Fletcher – surtout qu’elle n’avait jamais croisé de Mrs Fletcher, donc elle était partie du principe qu’elle avait toujours eu affaire à un éternel célibataire plus passionné par ses chevaux et son business que le mariage et tout ce qui, paraissait-il, en découlait. Angus Fletcher était un voisin éphémère, sans histoires et surtout sans histoire, et bizarrement, ça lui avait toujours convenu. Et ça avait toujours convenu à Dripping Springs aussi. Héritage de leur ouest sauvage dont ils étaient tous plus ou moins ouvertement nostalgiques, où l’on se méfiait des étrangers, mais où les étrangers avaient le privilège de ne jamais se voir abreuver de questions indiscrètes. Au Texas, on laissait le passé derrière soi, et le droit à l’oubli constituait la récompense pour quiconque était capable de survivre à sa rudesse. Et pendant un instant, Jinny se demanda si Angus Fletcher aussi, essayait de laisser quelque chose derrière lui sans se retourner.

Elle leva les yeux au ciel, en bonne ado de mauvaise foi qu’elle était – mais à dix-sept ans, Jinny n’était pas encore la menteuse chevronnée qu’elle serait amenée à devenir plus tard, et la gamine fut bien incapable d’étouffer la vague expression de remord qui lui passa sur le visage. A la fois pour causer encore du souci à sa mère, et pour forcer Fletcher à visiblement revivre des souvenirs douloureux. Toujours à fourrer son nez où il ne fallait pas, la mini-Hex. « ‘Etre nos ennemis’. Ca vous arrive souvent, d’être aussi dramatique ? » demanda-t-elle dans une tentative maladroite d’alléger l’atmosphère. Les discours de Fletcher ressemblaient un peu trop à ceux de sa mère à son goût, elle qui ne haussait jamais le ton, se contentant d’écraser ceux qui osaient s’opposer à elle d’un regard froid et impatient. Ain’t got time for your nonsense, Jinny, qu’elle lui disait sitôt quelle se rebellait sous son autorité. Se renfonçant dans le siège passager, la rouquine jeta un œil par la fenêtre, observant le paysage défiler au dehors. « C’est pour ça qu’il n’y a toujours que vous sur le ranch ? Ils viennent pas vous voir, vos enfants ? » Vaguement, elle sentit bien que sa mère la réprimanderait pour son incapacité chronique à tenir sa langue. Mais tant pis : Jinny n’aimait pas les zones d’ombre, et surtout, elle n’aimait pas museler sa curiosité. Si son voisin y voyait un problème, elle ne doutait pas une seconde qu’il le lui ferait comprendre en termes éloquents.

« Moi je crois que les parents, ça se trompe d’objectif. » renchérit-t-elle en jouant avec le rebord de son Stetson. « Vous dites que vous voulez qu’on soit meilleurs que vous, mais regardez ma mère : elle veut surtout que je fasse comme elle. Une vie entière à Dripping fucking Springs, à travailler sagement dans son garage – pas de voyage, pas d’université, rien pour sortir de ce trou perdu. Et elle se fâche quand j’ose vouloir autre chose. » raisonna-t-elle, avant de se mordre l’intérieur de la joue. « Et mon père s’est barré, donc lui, j’imagine qu’il a carrément abandonné tout espoir. » Parce qu’elle n’était pas la fille qu’il avait attendue. Tant pis. Son père restait son père, même si elle n’avait aucune affection pour lui – elle n’avait nul besoin d’un autre, celui-là lui suffisait bien trop largement. Salaud. Tournant à nouveau la tête vers son drôle de voisin, elle le mettait presque au défi de la contredire. « Peut-être que c’est aux adultes d’apprendre qu’ils n’ont peut-être pas toujours raison. Ou qu’il y a plusieurs façons d’avoir raison. » Allons bon, la voilà philosophe, maintenant. Dix-sept ans, et déjà tout d’une sage. Et pas complètement idiote, ni complètement sourde : elle sortit son téléphone portable de sa poche et commença à pianoter sur le clavier en soupirant : «Au fait, on va où comme ça ? Que je dise à ma mère que je n’ai pas été kidnappée par un fou furieux sanguinaire et où je traîne. » Rebelle, mais pas cruelle. Quand même.

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Slade voyait bien qu'il en avait fait un peu trop, mais Jinny avait frappé en plein coeur, cette gamine avait le don de savoir ou mettre le doigt là ou ça faisait mal même sans le vouloir et il devait avouer qu'il avait un peu glissé du personnage. Mais repenser à ses enfants, à l'amour qu'il n'était pas capable de leur montrer alors qu'il était là, dans ce hummer, à s'occuper d'une enfant qui n'était pas la sienne. C'était une grande douleur que de se rappeler du mal parfois nécessaire qu'on pouvait amener sur sa maison, Joseph avait perdu ses cordes vocales, Grant la vie, Rose était instable, ils avaient été imperméables à ce qu'il leur avait appris, ils n'avaient jamais écouté ce que leur vieux père avait à vraiment leur dire. Combien de fois avait il rêvé de les prendre dans ses bras? Combien de fois avit-il souhaité être un de ces pères minables qui succombait aux envies de ses enfants. Mais entre être leur ami et les préparer au futur, il avait choisi depuis longtemps son camps, évidement que ce qu'il souhaitait était différent, mais la faiblesse n'avait pas sa place dans le monde auxquels ils allaient devoir faire face, les anciens pensaient que la guerre froide avait été dure, mais le nouvel âge des meta humains s'étaient déjà montré meurtrier et les choses ne promettaient pas de s'arranger, qui savait quels dangers menaçaient la terre maintenant que le monde s'était soudain élargi à de nouveaux horizons. Leurs enfants allaient vivre dans un monde bien plus dangereux, un monde ou le moindre idiot pouvait bénéficier de moyens de destruction massifs, les Hex étaient maudits de leur côté, ce n'était pas ce qu'elle voulait, mais c'était ce don Jinny avait besoin, une petite vie tranquille, pourquoi tout ces gamins voulaient se confronter à un monde qui n'attendait que de les dévorer? Ce n'était pas une pensée très logique que de vouloir se faire le bouclier des dangers inévitables, mais chaque parent y aspirait, n'était-ce pas également ce qui faisait d'eux ce qu'il étaient? Défendre leur progéniture jusqu'à leur dernier souffle, quel était le prix de la sécurité de sa propre chaire? Slade lui fit un sourire amusé, ravalant ses sentiments.

-Ils ont leur propre vie désormais. Leur vieillard de père habite trop loin maintenant, puis j'ai vendu l'appartement de New-York... Dipping Springs n'est toujours pas l'endroit le plus facile à rejoindre sur terre.

Rose était actuellement gardée à un autre endroit, elle devait sans doute subir le tutellage inestimable de Wintergreen, Joseph avait rejoint les titans peu après la mort de Grant, il faisait ami-ami avec les assassins de son frère, oui ils avaient une vie bien à eux, au moins un d'entre eux, il n'avait pas encore merdé avec Rose même si elle était complètement instable pour l'instant et qu'elle ne maîtrisait pas encore ses incroyables capacités. Mais bientôt elle pourrait infiltrer les titans et leur soutirer tout ce dont il avait besoin, il avait même réussi à camoufler son lien de fraternité avec Joseph qu'il ferait bientôt passer pour mort afin de combler le vide avec Rose. Un plan minutieusement préparé qui nécessitait justement cette pause, en plus de ses autres activités qui revenaient le rattraper régulièrement. Les paroles de Jinny le ramenait à cette dure réalité, il faisait des choix pour que ses enfants soit comme lui car il avait survécu, sa vie n'avait pas été la meilleure, mais qui pouvait vraiment l'avoir sans toutes les cartes en main? Pourquoi refuser la sagesse des anciens? Leur parcours? Ces jeunes étaient présomptueux comme eux l'avait été, un cycle difficile à briser avec cette nouvelle génération qui arrivait, gavés aux infos venues du net qui inondaient leurs cerveaux encore en plein développement et empoisonnait leurs esprits. Malgré cela il n'avait pas tort, eux aussi avaient cherchés leurs propres solutions loin du chemin de leurs ancêtres, devaient-il apprendre d'eux-même le chemin retour vers la maison? C'était difficile pour un parent de laisser partir l'oisillon, c'était un arrache-coeur.

-J'imagines que vous n'êtes pas trop loin de ce qu'on veut si tous les jeunes pensent comme toi. Tout vas finir par s'arranger, ça finit toujours par s'arranger.

Il rigolait un peu, il fallait avouer que sa logique était bonne, Jinny avait déjà un bon esprit pour son jeune âge, nul doute qu'elle se trouverait un bon garçon qui la traiterait comme une déesse, tant qu'elle gardait la tête sur les épaules. Sa question ne l'arrêta pas dans son hilarité.

-Richard va filer un coup de main à ta mère, je lui ais déjà envoyé un message, elle le connaît bien donc je ne pense pas que ça la dérangera. Quand à toi, jeune fille, et bien, ce n'est pas à moi de t'apprendre les chemins de ton pays.

Il pointa du doigt un des panneaux de fortune installés par les forains, Jinny avait besoin d'une pause et il était heureux de lui offrir.

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« New York ? Qu’est-ce que vous êtes venu fiche à Dripping Springs si vous avez un appartement à New York ? » Non, vraiment, elle, ça la dépassait, cette logique – sans la tête de Jinny Hex, on ne venait s’enterrer dans le fondement du Texas que si on n’avait pas trop le choix, ou si on était un peu fracassé du bulbe, comme sa mère. Et visiblement, comme Mr Fletcher aussi. Il fallait bien être honnête cinq minutes, finalement, c’était peut-être bien ses gosses qui avaient eu le bon instinct, mais ça, elle s’abstint bien de le dire à voix haute, décidant qu’elle avait malmené suffisamment de points sensibles pour aujourd’hui. Et puis bon, si Angus Fletcher affirmait que tout finirait par s’arranger, c’était bien qu’il y avait une part de vérité là-dedans, non ? Faire confiance aux adultes, ou à qui que ce soit d’ailleurs, n’était pas un réflexe qui lui venait facilement, mais même si elle le maltraitait un peu avec ses questions indiscrètes et son insolence d’ado en pleine crise existentielle, il faisait bien partie de la poignée de personnes dont elle voulait bien écouter les conseils et paroles de sagesse – parce que malgré ce qu’elle pouvait en dire, il méritait bien qu’on l’écoute, le vieux Fletcher. Plus que les profs au lycée, et plus que son imbécile de père dont elle n’avait pas vu la couleur depuis des années de toute façon. Et comme ça, elle décida de tourner la page, et de laisser les mystérieux enfants du non moins mystérieux Fletcher dans leurs vies tellement éloignées de la sienne, qu’elle aurait presque pu les prendre pour des créatures mythologiques.

Elle suivit son doigt du regard et déchiffra le panneau publicitaire indiqué, bricolé à la va-vite, sur le bord de la route ; et de perplexe et sceptique, son expression passa immédiatement à la surprise et l’excitation. La fête foraine qui passait par Dripping Springs tous les six mois – comment avait-elle pu oublier ? Voilà ce qui arrivait quand on passait trop de temps enfermée dans un garage, décida-t-elle avec toute la mauvaise foi du monde, alors que ces mêmes forains étaient passés déposer des flyers chez les Hex. « C’est carrément flippant que vous ayez tout planifié comme ça, mais zut. » Elle ne l’avait même pas vu envoyer un message à sa mère – et Jinny s’estimait pourtant relativement bonne observatrice. « Maman vous en voudra si je rentre trop tard, mais j’ai au moins le temps de vous montrer mes progrès au tir. » affima-t-elle avec toute la confiance en elle d’une gamine de dix-sept ans qui connaît deux choses, dans la vie : les moteurs de voiture, et la gâchette d’une arme à feu. Une éducation somme tout classique quand on grandit au fin fond du Texas, mais quand on porte le patronyme qu’elle se trimballait, le cliché était encore plus vrai que nature. Sans se presser, l’imposant véhicule se fraya un chemin dans le champ de terre battue réaménagé pour l’occasion, soulevant un volumineux nuage de poussière rouge derrière lui. Et tant pis pour les voisins de parking.

La chaleur lourde et étouffante de l’été texan la prit à la gorge sitôt qu’elle ouvrit la portière et sauta hors de la voiture en rajustant son Stetson sur sa tête rousse ; mais l’impitoyable été texan ne saurait avoir raison d’une Hex qui portait la canicule dans son ADN au même titre que ses tâches de rousseur. Et visiblement, une bonne partie de Dripping Springs avait suivi le même raisonnement : les allées de la fête foraine étaient admirablement peuplées, résonnant des cris des enfants et du brouhaha des adultes gardant un œil sur leur progéniture tout en essayant de faire la conversation au voisin. Si l’objectif d’Angus avait été de lui faire oublier ses ennuis familiaux, c’était chose faite : son attention désormais entièrement portée sur l’agitation qu’elle avait sous les yeux, Jinny ne pensait même plus à sa rancœur contre sa mère, ou seulement marginalement ; elle se dit même qu’elle aurait bien aimé être là, avec eux, si sa santé le lui avait permis. « Je m’entraîne encore avec le Colt que vous m’avez offert, vous vous en souvenez ? » demanda-t-elle à son voisin en se retournant, avant de pivoter à nouveau sur ses talons pour reprendre sa marche en direction du stand de tir – une petite tradition à laquelle, à cause de l’absence prolongée de Mr Fletcher, ils n’avaient pas pu s’adonner depuis un long moment. « Je ne veux pas me vanter, mais j’ai sacrément progressé depuis la dernière fois. Si je ne vous impressionne pas un petit peu, je ne sais pas ce qu’il vous faudra. » affirma-t-elle, volontairement provocatrice, alors qu’ils arrivaient devant le stand de la discorde. Les mains dans le dos, Jinny adressa un sourire en coin à son cher voisin. « Mais vous d’abord. Que je constate si vous avez commencé à rouiller, ou pas. »

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Jinny était tellement adorable quand elle était heureuse, voir un sourire sur son visage était tout ce que ce bon vieux Angus Fletcher voulait après tout, le sympathique et affable voisin des Hex qui n'hésitait jamais à mettre de sa poche pour eux, discrètement si il le fallait, maman Hex n'aimait pas ce genre de chose, l'indépendance des gens du Texas les poussait en effet souvent à aller jusqu'à refuser de l'aide qu'on leur proposait, mais le vieux renard avait toujours des voitures à faire réparer et des pourboires généreux. Ce petit jeu durait depuis des années sans qu'il ne s'en lasse, madame Hex était une tête de mule à l'esprit affûté et cette petite amitié teintée de mésentente cordiale rafraîchissait chacune de ses venues ici, il fallait dire qu'elle était sans doute le personnage le plus intéressant de cette bourgade de paysans, elle en avait dans la cervelle et dans les tripes et il la respectait au plus haut point, ils partageaient après tout des vues très similaires sur de nombreux sujets et ils étaient tout deux issus d'un passé lointain et souvent amer. La malédiction des Hex, il avait finit par bien la connaître à force de tanner en toute subtilité cette vieille têtue, elle et sa fille pour être honnête. Il fallait savoir s'installer dans le cercle des gens que les Hex ne chassaient pas avec des regards méchants de leur propriété et savoir y rester avec habileté, car la mama pouvait changer d'avis à votre sujet au moindre signe de duplicité ou si vous deveniez trop inquisiteur, c'était une glace très fine qui pouvait vous engloutir dans l'eau gelée en un mot mal considéré. Personne ne voulait être du mauvais côté de cette femme. Avec le temps il avait maîtrisé l'exercice avec un mélange d'aide désintéressée et de véritable sympathie à l'égard de la famille, cela lui permettait ce genre de folies, si Jinny n'avait rien vu, c'est tout simplement par ce que Slade avait utilisé l'ordinateur embarqué du Hummer qui passait facilement pour une console de commande high tech, le vieux fletcher avait tout un tas de gadgets futuristiques dans sa propriété, la plupartdans ses voitures lourdements modifiées que Jinny avait sans doute put toucher quelques fois pleines de gadgets en tout genre et souvent assez inutiles, de quoi entretenir l'idée d'un vieux monsieur un peu flambeur, il n'y avait que Richard pour s'amuser avec, le jeune homme avait bien le droit de s'amuser de temps à autres, il appréciait particulièrement Vegas ou une voiture de sport faisait toujours de l'effet aux propriétaires de casino qui lui permettait de dépenser son argent durement gagné dans leurs établissements. Mais en dehors de ça un travailleur exemplaire et jeune homme avec la tête sur les épaules.

-J'était scout, je suis toujours prêt girl.

Il éclata de rire alors qu'il entamait sa manœuvre pour se garer dans un nuage de poussière.

-Mais j'ai hâte de voir ce que tu vaux maintenant, et si tu as suivi mes conseils.

Non pas qu'elle en ais vraiment besoin, c'était un Hex après tout, un pur produit des légendes du far west prenant vie, c'était une grande fille capable de se débrouiller seule, malgré tout il aimait se comporter en papy gâteau avec elle. Elle avait le don de l'attendrir même si il était dans le fonds un vieil homme aigri. Il eut l'occasion de regretter l'intérieur frais de sa voiture une fois le pied mis à l'extérieur, le choc était rude, mais il avait connu pire et il se contenta d'un peu tirer sur sa chemise pour aérer son torse et diminuer la puissance de la bouffée de chaleur qui l'envahissait, ce n'était pas un climat pour les faibles très clairement. Mais voir Jinny s'extasier devant le spectacle ainsi offert valait bien de supporter le climat, c'était même un inconvénient mineur à cet égard, il caressa pensivement son menton avec un sourire satisfait. Elle se vantait déjà des progèrs accomplis en tout cas, il espérait bien voir ça, il se débrouillait bien et était capable d'exploits que peu d'hommes pouvaient atteindre au tir, mais la petite Hex faisait des miracles avec un six-coups, lui était bien plus habitué des armes militaires bien plus avancées que ces armes désormais chouchous des collectionneurs, ces pistolets avaient cependant une cote non négligeable de par la légende qui les entourait, celle des pistoleros et des bandits attaquant des trains. Jinny le mettait d'ailleurs au défi à peine arrivé, il sortit quelques billets de son portefeuille et les posa devant le forain qui le gratifia d'un grand sourire et d'un fusil à air comprimé, le mercenaire ajusta son chapeau et prit position, se concentrant un bref instant devant les figurines immobiles, il sentait le poids de l'arme, il connaissait sa puissance théorique et il voyait le petit arc que décrivait le canon là ou son propriétaire l'avait un peu tordu pour fausser le tir, il prit une profonde inspiration et aligna une à une les cibles en rechargeant avec rapidité et efficacité, , il n'abusait cependant pas, il restait un vieil homme et pas un super soldat, mais celà ne l'empêchait pas d'en mettre un peu plein la vue au point de décrocher la mâchoire du proprio du stand. Slade lui offrit un petit sourire ravi en voyant les cinq figurines proprement massacrées. Il tendit le fusil à la jeune fille avec un petit sourire moqueur.

-Semper fi girl, à ton tour.

Il l'observa prendre position et ne résista pas à un peu de facétie sournoise, bousculant son pied mit en arrière avec un petit rire pour la déstabiliser. Le challenge était formateur après tout.

@Jinny Hex"Tout l'art de la guerre est basé sur la duperie." Sun Tzu

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Se passionner pour les armes à feux, c’était presque une étape obligatoire dans l’éducation des enfants, dans le Texas rural – et dans le cas de Jinny Hex, si tel n’avait pas été le cas, sans doute aurait-elle été déshéritée manu militari. Elle qui n’avait jamais quitté sa région natale, se doutait bien qu’ils devaient un peu passer pour des extra-terrestres aux yeux du monde extérieur, et que si elle vivait dans une de ces séries pour ados qui se passaient à New York ou en Californie, son intérêt pour le tir lui aurait déjà attiré bien des ennuis. Mais ici, au milieu du désert aride dans lequel les fantômes des bandits et chasseurs de primes passés faisaient encore la loi, c’était parfaitement acceptable. Sans doute pour ça que le vieux Fletcher n’avait jamais cillé une seule fois lorsqu’il l’avait vue, dès l’enfance, s’entraîner à tenir correctement une arme avec sa mère, soucieuse d’enseigner à sa fille les meilleurs réflexes hérités d’une longue tradition familiale. Certains enfants grandissaient sans jamais avoir peur des chiens, parce qu’ils les fréquentaient depuis le berceau – pour Jinny, c’était les pistolets, les fusils, les carabines, et l’odeur de poudre. Parfaitement à son aise dans cet élément, elle s’accouda à la rambarde et observa, attentif, son voisin préféré montrer l’exemple – parce qu’il savait sacrément bien tirer aussi, celui-là. Il fallait être bon tireur, de toute façon, pour que sa mère laisse qui que ce soit entraîner sa fille à sa place, donc c’était bien qu’il avait passé le test très exigeant de la famille Hex. Sacré Angus.

Jinny émit un sifflement admiratif alors que le vieil homme alignait les cibles avec une aisance déconcertante – est-ce qu’elle lui avait déjà demandé où il avait appris à tirer ? Elle ne s’en souvenait plus, et devrait donc lui reposer la question un de ces jours. Mais elle sentait l’adrénaline monter, et l’excitation du challenge avec elle. Impressionnée, elle l’était toujours un peu quand il montrait l’exemple, mais, compétitrice dans l’âme, elle avait bien l’intention de ne pas se laisser faire, et de lui en mettre plein les yeux aussi. On disait déjà régulièrement qu’il n’y avait pas meilleure tireuse à Dripping Springs que Jinny et sa mère, et c’était une réputation à laquelle elle tenait évidemment beaucoup. « C’est ça, faites le fanfaron. » rétorqua-t-elle en s’emparant de la carabine. « Faites gaffe, un de ces jours je vais vous rattraper quand même. » ajouta-t-elle, malicieuse, en plantant ses pieds dans le sol et en collant la crosse de la carabine contre sa joue, appliquée, rôdée à l’exercice. Elle prit une inspiration, et… « Hééé ! » s’exclama-t-elle en perdant l’équilibre au moment même où elle pressait la détente. Pan, la bille rata complètement sa cible, et elle se retourna pour fusiller Angus du regard. « Ne commencez pas à tricher ! » l’avertit-elle, vexée comme un pou, avant de reprendre position. « Sauf si vous avez peur de perdre contre une gamine, évidemment. » Et, dernière petite pique lâchée, elle visa, et tira.

Le projectile frôla sa cible, et l’adolescente, stupéfaite, fronça les sourcils, piquée au vif. Allons, quoi maintenant ? Elle avait mal positionné son arme ? Loin de se démonter, elle se remit en position – et si elle ne remarqua pas la distorsion du canon, elle avait en revanche bien remarqué la trajectoire de la balle, et ajusta sa posture de manière à combler sa précédente lacune. Un changement millimétré, mais qu’elle savait crucial. Elle se concentra, bloqua sa respiration – pan ! Une exclamation de satisfaction franchit ses lèvres dès que la figurine vola en éclats. Victoire ! Désormais sûre et certaine de son tir, elle se remit en position, et enchaîna les tirs sans hésiter, bang, bang, bang, les cibles sautèrent avec une rapidité déconcertante, et elle prenait peut-être un peu trop confiance en ses capacités, mais que c’était satisfaisant, ce sentiment de parfaitement savoir ce qu’elle faisait, et cette certitude qu’elle le faisait bien. Un grand sourire aux lèvres, le canon de la carabine encore fumant, elle décolla la crosse de sa joue et rendit son arme au forain un poil dépité d’être tombé sur de si bons tireurs – mais hé, il était au Texas, à quoi s’attendait-il d’autre. « Alors ? Pas mal, non ? » renchérit-elle en pivotant sur ses talons pour faire face à son voisin. Bon d’accord, elle avait loupé deux tirs, dont un à cause de lui ! Et elle s’était précipitée pour les autres, trop hâtive, trop enthousiaste, mais qui s’en souciait ! Elle avait eu ses cibles, c’était tout ce qui comptait, à ses yeux.

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Slade avait fait l'armée, c'était un mercenaire qui avait traversé le globe et affronté des adversaires redoutables. Les tireurs étaient souvent des ennemis redoutables et beaucoup d'entre eux pouvaient se battre pour la première place. Ce vieux salaud de David Cain avait encore de la ressource malgré son âge qui se faisait déjà important, l'armée des USA pouvait se targuer d'avoir quelques bons tireurs dans ses corps d'élite, des machines à tuer de sang-froid capables de délivrer la mort à des distances se comptant en kilomètres, et la descendante des Hex pourrait sans doute s'attirer le respect de ces mecs là. Jinny n'avait en tout cas pas apprécié sa petite farce, il éclata de rire en voyant son air renfrogné et fit un petit "oh!" outré à son attaque sur sa peur d'être vaincu par une fille, il accusa son vieil âge pour la maladresse en rigolant, il ne la perdait pas de l’œil derrière ses lunettes de soleil, sa position était impeccable et elle amortissait le tir avec fluidité, Texas ou pas il avait eut raison de s'intéresser à elle, la petite serait à suivre dans les années à venir, impossible de saisir l'ironie de ses pensées à l'heure actuelle bien sûr, mais Slade était pour le moment absolument ravi de voir le spectacle d'une Hex en action, elle était moins flashy que lui, mais tout aussi efficace, après avoir ajusté son premier tir sous le sourire sournois du propriétaire de stand qui était soulagé de voir quelques plombs perdus après la performance de son premier concurrent. La voir ainsi recalibre le tir presque d'instinct, c'était purement impressionnant à observer. Slade savait apprécier une belle technique et Rose devrait prendre des cours avec Jinny car la rouquine était impeccable dans son exécution. La voir ainsi s'extasier devant sa propre performance tira un sourire à Slade, elle était née pur ça, inutile de le nier. Il était temps de faire un peu monter l'enjeu, les cibles statiques étaient sans doute un peu trop faciles pour deux tireurs aussi expérimentés, Slade prit plus de plombs pour eux et rechargeât l'arme, avisant les ballons flottant au dessus de la souffleuse, un grand classique moins facile qu'il n'en avait l'air. Il lui fit un petit sourire sournois, son ton était définitivement moqueur.

-Et bien tu pourrait un jour surpasser un vieux marine young girl, félicitation. Que dirait-tu de pimenter un peu le jeu?

Il lui montra le jeu avec les ballons, trois ballons gonflés à l’hélium ballottés dans une cage de bois par les vents d'une soufflerie complètement folle.

-Si tu arrives à avoir les trois d'un seul tir en moins de tir que moi, tu pourras choisir une des voitures de mon garage, n'importe laquelle. Si tu échoue, on parlera de ton avenir, et je te prévient ce sera pas une discussion plaisante par ce que ce sera sérieux. En cas d'égalité... disons qu'on se fera une grosse glace, il fait toujours aussi chaud dans ce pays.

Il lui fit son plus beau sourire, Il savait combien ce genre de discussion était soulante pour les jeunes de son âge, mais c'était important, et il se disait que n'étant pas sa mère, elle s'ouvrirait sans doute plus. C'était un paris risqué, mais alléchant pour elle, après tout elle pouvait gagner gros si elle pouvait le vaincre, ce qui n'était pas assuré vu ses capacités augmentés et ses réflexes incroyables, mais il devait avouer que la soufflerie de ce stand devait avoir de la bouteille et était complètement erratique et imprévisible, il ne serait donc pas trop confiant sur sa capacité réelle à l'emporter, mais l'idée de se confronter un peu à Jinny ravivait la flamme du combattant en lui, il voulait vaincre.

-A moins... bien sûr... que tu ais peur de perdre contre un vieillard.

Petit retour à l'envoyeur mesquin, il ponctua d'un sourire clairement moqueur.

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Son avenir, son avenir – si vous lui posiez la question, elle vous dirait qu’il était tout tracé, son avenir, à Jinny. Une belle ligne droite dont on ne dévie pas, bien tranquille, le long d’une route sans heurts, parce que c’était de ça dont elle s’était assurée, mama Hex, toutes ces années à élever sa fille unique dans un coin paumé du Texas, à secouer la tête sans répondre à ses questions sitôt qu’elle voulait s’informer sur son héritage familial. Elle avait beau vouloir s’enfoncer dans l’anonymat, mama Hex, avec un patronyme pareil, c’était impossible de ne pas faire hausser les sourcils, surtout dans le sud qui portait encore les cicatrices de son Far West perdu, écrasé par la civilisation. Mais, si héritage sanglant il y avait, la matriarche de la famille Hex faisait tout ce qui était en son pouvoir pour l’effacer consciencieusement aux yeux du monde. Rentrer dans les clous, ne pas faire de vagues – se faire oublier, disparaître, et surtout, bien inculquer à sa fille qu’elle devait faire pareil. Jonah Hex avait un jour régné en maître incontesté du Far West, et elles, maintenant, n’avaient plus qu’à régner sur le silence et la tranquillité d’une petite bourgade pas très loin d’Austen. Un jour, elle reprendrait le garage familial, et elle réparerait toutes les bagnoles du coin, les mains dans le cambouis et un œil derrière la caisse, et elle enterrerait, une bonne fois pour toutes, ses envies d’ailleurs inconsciemment alimentées par ce brave voisin et ses aventures toujours teintées de mystère.

Ses yeux se dardèrent sur les ballons qu’Angus lui indiquaient, et un sourire en coin vint illuminer son visage juvénile. Choisir une des voitures de son garage, ou discuter de son avenir, ou une glace. Clairement, le challenge valait la peine d’être relevé – et même si elle perdait lamentablement, elle pourrait au moins se consoler en se moquant de lui et de ses manières de grand-père. Quant à parler d’avenir – elle se demandait bien ce qu’il pouvait avoir à dire sur le sujet, le vieux Fletcher. « Moi ? Peur ? De vous ? » s’esclaffa-t-elle ; pauvre enfant, inconsciente encore de partir au coude à coude avec le monstre sanguinaire qui, des années plus tard, hanterait les cauchemars de nouveaux amis qu’elle n’aurait jamais pensé rencontrer. Combien de fois, une fois que les miroirs des illusions auraient volé en éclats, repenserait-elle à cette scène, et les centaines de scènes similaires qui avaient peuplé son enfance, en sentant le poison amer et glacé de la désillusion souiller ces précieux souvenirs ? « Donnez-moi cette carabine et étirez-vous avant de rouiller. » le provoqua-t-elle délibérément. Parce qu’il jouait au vieux papy gentil, Angus, mais elle savait bien que quelque part, il était aussi compétiteur qu’elle, et elle avait bien envie de le voir s’y mettre un peu sérieusement, l’ancien soldat. Ne serait-ce que pour pouvoir se vanter à ses copains et sa mère d’avoir failli battre un Marine à son propre jeu. Jonah serait si fier.

Trois ballons, une soufflerie en cavale, et le moins de tirs possible. Bien. Jinny remonta son chapeau sur sa tête et s’empara de la carabine, avant de se remettre en position, appliquée comme l’élève modèle qu’elle était, prenant, cette fois, bien le temps de se positionner et d’ajuster son tir. Ces fichus ballons gigotaient dans tous les sens. Voilà qui n’allait pas lui faciliter la tâche. Elle prit une longue inspiration, puis expira, l’œil rivé sur le viseur. Bang ! Le premier ballon éclata - une victoire pour certains, mais ça n'était pas là le défi qu'Angus lui avait posé, arrachant une grimace à la jeune fille qui sentait déjà poindre la frustration. Elle attendit que le forain rétablisse à trois le nombre de ballons, ajusta sa carabine, expira, pressa la détente : bang. « Mais enfin ! » Deuxième ratage – de peu, mais un ratage quand même. Nom de… Passablement agacée par sa performance en chute libre, elle tira une troisième fois – et cette fois, les ballons éclata. Tous les trois ! Pas trop tôt ! Une performance acceptable, mais elle savait très bien que Fletcher pouvait – et allait sûrement – la surpasser. Malgré tout, elle lui tendit la carabine avec une étincelle provocatrice dans le regard. « Allez, à vous. Je m’en voudrais de retourner à la maison et devoir dire à ma mère que j’ai foutu la honte à un innocent vieillard. » Innocent vieillard. Oh Jinny, si tu savais.

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Jinny pouvait devenir absolument n'importe quoi, elle pouvait rester éternellement à Dipping Spring dans un garage poussiéreux, entreprendre des études supérieures, intégrer l'armée ou le gouvernement, la police, le bureau comté du sheriff, pour une fille de son âge, tout ça n'était question que de choix et d'opportunités? Bien sûr le futur était bien plus cruel pour le duo, Slade deviendrait l'ennemi de ses nouveaux amis, un personnage qu'elle connaîtrait sous le nom de Deathstroke, celui qui avait vaincu les titans, la menace dans l'ombre, le monstre borgne, un mercenaire sans pitié, rien du souriant, farceur et gaga Angus Fletcher. Slade ne savait pas encore le peine qu'il ressentirait quand les armes ne seraient plus dirigées vers d'innocents ballons, mais l'un vers l'autres, il ne savait pas encore ce qu'était le sentiment brûlant et furieux de la peine quand les balles le frapperait. Jinny était comme une fille pour lui, il aimait cet enfant d'un amour pur et paternel, cette petite rouquine au potentiel sans limite, comme pour Rose, il était prêt à tout pour elle, mais même elle ne pourrait combler le vide de la perte de Grant, cette sourde et inextinguible colère qui brûlerait dans ses veines à chacune de ses rencontres avec les titans, à chaque fois que ses pas le mènerait à ses ennemis jurés, son sang coulerait, et pour ça le sang de la prochaine génération serait sacrifié sur l'autel de sa rage. Les peines qui attendaient Slade étaient loin d'être terminées, car nul ne part se venger sans creuser une tombe de plus.

Pour l'heure, il profitait d'une douce insouciance, le monde avait encore un sens, les aliens et autres menaces intergalactiques n'étaient que le cadet des soucis dans son esprit pour l'heure, il n'existaient à vrai dire pas, sauf ceux qui vivaient déjà sur terre bien sûr. Il pouvait avoir l'incroyable opportunité de fréquenter la descendante de Jonah Hex comme un proche, il avait la chance inouïe d'aider à faire grandir une jeune fille qui plus tard se servirait de chacune de ses leçons contre lui. L'Homme est souvent son plus grand ennemi, le destin ne fait qu'ajouter une pincée d'ironie à son destin tragique.

Jinny semblait avoir été piquée au vif par la remarque du vieil homme car elle répliqua aussitôt avec arrogance, il n'en attendait bien sûr pas moins d'elle, c'était une des bases de leur relation, ce mélange de rivalité et de complicité, Jinny savait qu'elle pouvait asticoter le vieux Fletcher sans qu'il le prenne mal, qu'elle avait tout droit de se moquer de lui et de son âge avancé comme il rabrouait souvent sa jeunesse et sa fougue, mais le vieux Fletcher était un vieux loup rusé, il observa attentivement Jinny lors de chacun de ses tirs, là encore, son naturel était assez désarmant, il fallait un véritable talent pour manier ainsi une arme, c'était très subtil, mais la position des mains par rapport au corps et à l'arme, la manière de caler le fusil même si il ne crachait que des billes de plomb, tout ça indiquait clairement à son œil expérimenté que la petite deviendrait un des plus fins tireurs de l'histoire, elle pourrait complètement poser une marque indélébile dans l'histoire du tir sportif par exemple ou se faire un chemin dans les forces spéciales, bien qu'il ne souhaite pas la deuxième option à la roquine.

Ce fut ensuite son tour, sa petite pique ne tira qu'un sourire amusé à Angus qui grommela un peu pour la forme, maugréant sur l'insolence de la jeunesse plus pour faire rire la jeune fille que pour vraiment riposter. Il saisit l'arme qu'il mit en joue, il avait un avantage sur les talents de Jinny à ce petit jeu en particulier, des réflexes incroyables et une expérience que peu pouvaient égaler.

-Vois-tu jeune fille, tu ne devrait pas défier ainsi tes aînés.

Il voulait que cela soit une leçon pour elle dans un certain sens, le doigt pressa la détente à la fin de sa phrase, éclatant de manière successive les trois ballons sous l’œil médusé du forain. Les restes des ballons commençaient à retomber.

-Les vieux singes connaissent de nombreuses grimaces.

Il éclata de rire en baissant le fusil qu'il déposa sur le stand, il ajusta son chapeau, déposa les prix des plombs plus un généreux pourboire sur le comptoir et reçu une petite peluche, une renard roux qu'il donna à Jinny. Il avait du mal à cacher son hilarité.

-Tu l'as bien mérité young lady. Une glace? Je crève de chaud.

Il préférait ne pas mettre la discussion ennuyante sur le tapis tout de suite, ils auraient le temps autour d'un bonne glace.

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Il était fort, le vieux Fletcher. Très fort, même. Jinny l’avait déjà vu à l’œuvre, mais dans l’insouciance de la jeunesse, elle avait un peu tendance à l’oublier quand même. Et elle s’en souvint dès qu’elle le vit ajuster son arme, et qu’un terrible pressentiment la submergea : il allait réussir, le vieux singe. Et ça ne rata pas, évidemment – pan, une seule balle, enfin, un seul plomb, qui traversa les trois ballons exactement au milieu ou presque, un exploit qui laissa le forain médusé et qui, à elle, lui arracha une exclamation de surprise et de désespoir. Jinny Hex était mauvaise perdante, biberonnée à la compétitivité texane qui ne savait admettre la défaite tout de suite – d’abord il fallait digérer, ensuite on serrait la main de son adversaire avec fair-play. Mais flûte, que c’était vexant, quand même. Et un peu déroutant, l’aisance avec laquelle ce vieil homme alignait encore les tirs de précision, quand elle voyait plein de vieux de son âge courbés sur une canne pour se déplacer et les mains plus très assurées. Elle en était à deux doigts de lui demander s’il se dopait à quelque chose, avant de décider que ça n’était sans doute pas très poli et qu’elle n’avait aucune envie que ça remonte aux oreilles de sa mère. Et puis en plus, sa défaite signifiait qu’ils devaient parler de son avenir, une perspective qui ne réjouissait guère son petit cœur d’ado de dix-sept ans qui levait déjà les yeux au ciel d’exaspération. Pourquoi c’était toujours les vieux qui prenaient la vie autant au sérieux, hein ?

« Va pour une glace. » fit-elle mine de rechigner, avant de le suivre, les bras croisés dans une semi-fausse bouderie alors qu’ils se dirigeaient vers le stand de crèmes glacées déjà assailli de visiteurs. Ils avaient beau tous être habitués à la chaleur assommante de l’été texan, pourquoi se priver d’un des rares plaisirs qui les aidait à combattre ce fléau annuel. Jinny et son cher voisin attendirent patiemment leur tour au milieu des autres familles, et Jinny ne put s’empêcher de songer un instant à sa mère, restée au garage, sans doute, à l’ombre, elle qui dans son état affaibli avait de plus en plus de mal à supporter les grandes chaleurs et la canicule. Depuis combien de temps n’avait-elle pas pu sortir profiter de ses étés autrement que dans le champ derrière chez elles et sous un arbre, et jamais trop longtemps ? Au moins deux ans, calcula-t-elle rapidement. Et elle était à peu près sûre que ça n’irait pas en s’améliorant. Jinny était peut-être jeune, mais pas assez jeune pour encore se bercer d’illusions optimistes quand la vérité la regardait dans la figure. Les jours de sa mère étaient comptés. Combien de temps exactement lui restait-il, ça, même les médecins étaient incapables de leur donner une réponse claire. Un an. Dix ans. Est-ce que c’était de ça, que Fletcher voulait lui parler ? D’un coup, Jinny commença à redouter cette fameuse discussion. Réaliste, oui – mais pas moins jeune, et incapable de résister à l’envie de déférer encore un peu ces considérations difficiles de l’après.

Son cornet de glace en main – seigneur que c’était bon sous cette chaleur – elle ouvrit la marche pour leur trouver un grand acacia sous l’ombre duquel trouver refuge, non loin des autres festivaliers qui sortaient les pique-niques ou faisaient une courte pause avant de poursuivre leur sortie. Concentrée sur sa glace au chocolat – évidemment – elle décida, tout de même, d’attaquer directement dans le vif du sujet, pas du genre à tourner cinquante ans autour du pot. « De quoi vous vouliez me parler, alors ? » demanda-t-elle en relevant les yeux sur son vieux voisin. « Y a pas grand-chose à dire, vous savez. On a le garage de la famille, maman m’a déjà dit que le jour où elle ne pourrait plus travailler, je pourrais le reprendre. Enfin, elle a bien sous-entendu que c’était le plan, quoi. » Et de toute façon, tant que sa mère était malade, hors de question qu’elle quitte Dripping Springs. « Ils font quoi vos enfants, dans la vie ? » demanda-t-elle, un peu pour retourner le projecteur sur lui, et un peu par curiosité aussi – est-ce qu’ils étaient devenus ce que leur père avait voulu ? Leur conversation un peu plus tôt avait l’air de d’indiquer que non, mais les détails l’intéressaient quand même. « Peut-être qu’en plus de reprendre le garage, je pourrais ouvrir un haras dans notre champ. Elever des chevaux, vous faire un peu de concurrence. Juste un petit truc en plus du garage. » Parce qu’elle aimait bien les chevaux – sa jument était sûrement sa meilleure amie, bien plus que ses camarades de classe. Mais est-ce que c’était de ça qu’il voulait parler, Angus, ou est-ce qu’il y avait autre chose encore ?

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Il aurait menti en disant que l'écraser à plate couture ne lui faisait pas plaisir, Slade était un compétiteur dans l'âme, un homme qui avait bâti une réputation solide à la sueur de son front et qui en était fier. Il avait tiré le meilleur parti de ses nouvelles capacités et avait le vent en poupe, ses services s'arrachaient, nécessitant bien sur ce genre de pause. Si il changeait régulièrement, il n'y avait qu'à Dipping Spring qu'il repartait avec le sourire aux lèvres. Jinny était comme un cadeau du destin pour lui, cette jeune fille qui ne connaissait de lui que le visage bonhomme et sympathique d'un vieil homme auréolé de mystères, ce bon vieux Mr Fletcher qui avait le droit à une vie normale mais décidait de perdre son temps aux quatre coins de la planète pour vendre ses canassons. Slade savait que cet homme ne serait jamais lui, qu'il était fait pour d'autres choses, que ses responsabilités étaient toutes autres, que son destin ne le mènerait sans doute jamais à une telle conclusion après tout le mal qu'il avait fait, celui qu'il avait subit aussi, il savait que la mort était la seule chose qui attendait au bout du chemin que jamais il ne serait cet homme tranquille et paisible, mais en avait-il vraiment envie? Il avait combattu toute sa vie, près de 50 ans de guerre quasi-permanente au quatre coins du monde, de quoi épuiser n'importe qui, mais lui continuait, il prenait du plaisir dans la chasse, dans la traque de ses cibles, mais quand il regardait Jinny, sans ses yeux pour l'instant encore innocents de tous le mal qu'ils allaient se faire, il pouvait presque y croire, presque le désirer. Oui, une vie simple.

Une impression qui n'était pas aidée par leur allure de grand père et petite fille au milieu de cette foule composée de familles heureuses. Après une brève attente, il eurent le droit aux bienvenue glaces, dans cette chaleur étouffante d'été texan, il valait mieux se rafraîchir comme on le pouvait quand on le pouvait. Il sentit le trouble de Jinny, ses pores se dilataient, les muscles de son visage s'animaient. Difficile de dire ce à quoi elle pensait, mais pour une jeune fille de cet âge, c'était sa famille ou un garçon, et la petite Hex ne s'enticherait pas de n'importe qui, et surtout pas dans cette bourgade paumée peuplée de gens dont les rêves ne dépassaient pas les limites de leur patelin. Non, Jinny voulait plus, elle voulait voir le monde, mordre dans son cœur et se délecter de son nectar. Et elle devrait sans doute bientôt, il avait vu l'état de cette femme incroyable se détériorer année après année, elle était douée pour le camoufler, mais il en aurait fallut bien lus pour tromper sa vigilance, il n'était pas médecin, mais Jinny serait un jour face à elle-même, il espérait qu'elle en avait conscience, que son avenir était ouvert à toutes les possibilités et qu'il était là pour elle. Elle fut immédiatement curieuse du sujet exact de la conversation, mais il la laissa d'abord dérouler, elle avait le droit de dire ce qu'elle en pensait après tout. Il sentait son amertume en énonçant "le plan" qu'avait concocté sa mère pour elle, pauvre femme. Aussi il eut un petit rire en imaginant Jinny abandonner en quelques mois et tout revendre pour aller faire dieu sait quoi. Les fantômes de cette femme qu'elle aimait bien plus qu'elle ne pouvait l'avouer serait trop présent, elle fuirait, loin, aussi loin que possible là ou personne ne la retrouverait. Mais il fut distrait, ce que faisait ses enfants?

-Et bien ma plus jeune étudie à l'étranger, on se parle peu, mais elle adore son cher père...

Rose était actuellement sur un contrat en Lituanie, un baron de la pègre locale se payait l'assassinat d'un journaliste trop encombrant, leurs rapports avaient été compliqués depuis la mort de Grant, il avait redoublé d'exigence avec elle pour lui éviter le même sort.

-... son grand frère a décidé de travailler pour une association de protection des animaux ...

Ah, Joseph, ce sale gamin aidait régulièrement les titans à lui barrer la route ce qui avait le don d'énerver son paternel, ce sale garnement était . Son regard s'assombrit en repensant à Grant.

-... quand à l'aîné, il as eut un accident, je ne peux lui parler qu'à l'église.

Il avait été victime d'un meurtre, les titans avaient tués son fils. Il ponctua par un sourire confiant pour camoufler son trouble pendant qu'elle expliquait ce qu'elle comptait faire. Il eut un petit rire amusé, de mieux en mieux des chevaux pour lui faire concurrence? Original.

-Et bien bonne chance jeune fille, mais tu devrait d'abord apprendre à viser si tu compte me faire de l'ombre un jour.

Un petit sourire de défi éclaira son visage.

-Mais tu penses vraiment rester ici? Tu voulait partir il y as moins d'une heure jeune fille. Je ne répéterait rien à ta mère Jinny, qu'est-ce que tu veux vraiment?

Il lui fit un sourire chaleureux, le même qu'il utilisait pour tromper tout le monde, amical, un brin enthousiaste, assuré et rassurant.

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« Je SAIS viser. » rétorqua-t-elle aussitôt, piquée au vif piquée dans sa fierté de texane biberonnée directement sur les stands de tir. Mais c’était de bonne guerre, après tout. Jinny avait la fibre compétitrice, et à Dripping Springs, ils commençaient à se compter sur les doigts de la main, les gens qui pouvaient rivaliser avec elle – alors forcément, elle était ravie, la gamine, dès que son ancien Marine de voisin revenait dans les parages pour l’arracher à son ennui existentiel. Et puis, il détonnait dans le paysage, pas seulement dans l’attitude, mais aussi dans l’approche qu’il semblait avoir à la vie. A Dripping Springs, typique bourgade texane, on prenait son temps. On ne se posait pas trop de questions sur la vie, on se contentait de prendre la vie comme elle venait, au quotidien, au jour le jour, on ne regardait pas trop vers le passé et on ne se souciait de l’avenir que sur le court terme. Angus Fletcher était l’une des rares personnes dans l’entourage de Jinny à aussi clairement lui parler d’avenir. C’était bizarre, et en même temps ça lui donnait l’impression d’être vraiment prise au sérieux. Elle avait dix-sept ans, certains de ses copains parlaient d’aller à l’université sans se presser, mais pour la plupart, l’avenir restait quand même une notion bien nébuleuse à propos de laquelle il ne servait à rien de se presser. Et elle, et bien… elle n’était pas sûre d’être vraiment d’accord avec ce précepte. Mais elle avait un peu l’impression d’être la seule en son genre.

Jusqu’à ce que son voisin n’entre en scène, évidemment. Est-ce qu’elle pensait rester ici ? Evidemment, songea-t-elle immédiatement, sans trop réfléchir – mais ça, c’était surtout parce que c’était ce que sa mère voulait et lui répétait depuis aussi longtemps qu’elle s’en souvienne. Ce qu’elle, elle pouvait bien vouloir, ça n’était pas souvent qu’on lui demandait. Encore moins dans la sphère familiale particulièrement réduite – et la conseillère d’orientation du lycée, dont c’était le métier, de faire semblant de s’intéresser à l’avenir d’une bande d’ados qui avaient mieux à faire que de penser à leur future retraite. Jinny ricana – l’idée d’Angus jouant les rapporteurs auprès de sa mère la faisant visiblement beaucoup rire – puis baissa les yeux sur sa peluche de renardeau aussi roux qu’elle. « Je sais pas. » admit-elle après un petit moment de silence. Parce que c’était bien ça, la malédiction de Jinny, finalement. Elle se plaignait que sa mère décidait de son avenir, mais si on lui donnait carte blanche ? Elle était aussi incapable de se projeter que le reste de ses congénères. La vérité, c’était qu’elle n’en savait rien, ce qu’elle voulait faire. Ou être. S’il y avait une différence entre les deux. Elle était trop indécise, et à plus de dix mètres d’elle, elle ne voyait que du brouillard. Certaines personnes avaient trop d’idées pour se décider : Jinny, elle, n’avait que des bribes d’idées, d’envies, qui s’envolaient ensuite comme le vent parce qu’elle n’était pas fichue de s’y accrocher. True texan style.

« Tout ce que je sais c’est que j’aimerais bien partir d’ici. Je voudrais voyager, voir ce qu’il y a en dehors de Dripping Springs, et improviser à partir de là, mais il paraît que c’est pas possible. C’est fini apparemment, l’époque où il suffisait de débarquer dans une ville avec sa valise pour recommencer de zéro. » philosopha-t-elle. L’improvisation, avait-elle l’impression, n’était plus autorisée, de nos jours. Fut une époque où elle aurait pu s’installer quelque part, rester dans une chambre d’hôtel, vivre de petit boulot en petit boulot, puis, quand elle en aurait eu marre, elle n’aurait eu qu’à remballer ses affaires et repartir. Mais aujourd’hui, ça n’était plus possible. Il fallait prévoir, planifier, savoir dix ans à l’avance où on allait. Elle, elle en était résolument incapable. « Et je veux pas laisser tomber maman alors qu’elle a personne d’autre. Même si elle embauchait quelqu’un, ce serait pas pareil. Elle est malade, ça ne va sûrement pas s’arranger, donc je veux rester garder un œil sur elle. » Hors de question de mettre sa mère dans un hôpital ou une institution quelconque. Elle ne s’en remettrait jamais – et Jinny non plus. Alors tant pis si elles se prenaient la tête, au moins, elles restaient soudées, à leur manière un peu maladroite. « Je resterai avec elle le temps qu’il faudra. Je reprendrai le garage. Et puis le reste, j’aviserai quand… quand elle sera plus là. » C’était pas du défaitisme, ni du fatalisme. C’était une réalité. Un jour, plus tôt que la plupart des parents, Mrs Hex laisserait derrière elle une fille qui n’aurait plus qu’à se débrouiller toute seule. Alors en attendant, elles continueraient de se serrer les coudes. Elles deux contre le reste du monde, en attendant qu’il n’en reste plus qu’une.

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"Je sait pas" Des mots qu'on entendait rarement de bon cœur dans la bouche de n'importe qui, mais le fait que Jinny en soit capable voulait dire qu'elle avait la lucidité nécessaire pour le reconnaître, l'accepter et s'améliorer, cela en disait long sur qui elle était vraiment, elle n'avait rien de ces gamines paumés qui débarquaient à Broadway ou Hollywood des rêves pleins la tête et des étoiles dans les yeux, Jinny ne serait jamais comme ces filles là des écervelées qui ne pensaient qu'à faire la fête pour la plupart et dont les carrières finissaient souvent dans un restaurant ouvert vingt-quatre heure sur vingt-quatre, si elles étaient chanceuses, il en avait croisé des ordures qui savait prendre avantages de leur naïveté. Après tout il ne se serait jamais intéréssé à Jinny si elle n'avait que son nom pour elle, la mère Hex était un sacré personnage, mais sa fille n'avait rien à lui envier, des caractères qui n'étaient pas seulement du au Texas, même à Dipping Spring la mère Hex faisait figure d'énergumène particulièrement virulent. La plupart des bouseux du coin avaient raison de ne pas venir lui chier dans les bottes car son âge n'avait rien enlevé à sa langue qui était aussi affûtée qu'un rasoir, Slade en avait fait les frais quelques fois. Jinny tenait résolument d'elle, plus qu'elle ne pouvait ou ne voulait l'accepter sans doute, les deux faces d'une même pièces, différentes mais identiques. Jinny voulait évidement en voir plus, elle voulait que le monde s'offre à elle, elle voulait croquer dedans à pleine dans comme tous les jeunes.

Il était passé par là, si sa découverte s'était limitée au début à la jungle du Vietnam, il avait depuis vu plus qu'aucun homme ne pouvait rêver, des temples perdus, l'espace, des villes défiant l'imagination dans les univers magiques, il ne doutait pas que le destin mettrait Jinny sur cette voix si il en avait décidé ainsi, c'était parfois étrange ce que nos choix pouvait nous amener à faire, la jeune Texane avait le temps de s'en rendre compte d'elle-même. Le seul souhait du mercenaire pour elle était bien sûr qu'elle sache faire des choix judicieux, il était souvent difficile de savoir à l'avance quelles seraient les répercussions de nos décisions, quelles routes prendraient les choses une fois notre décision prise. Slade avait beaucoup fauté bien malgré lui, on pouvait être animé des meilleures intention et quand même échouer comme il l'avait appris encore et encore au cours de son existence. Jinny connaîtrait comme lui la perte bientôt, si sa perte serait plus naturelle, elle n'en serait pas moins douloureuse, lui estimait souvent qu'il avait de la chance d'avoir un ennemi qu'il pouvait combattre, des personnes bien réelles sur lesquelles exercer sa vengeance, tout était une question de temps, un temps dont il disposait en nombre conséquent, Jinny n'aurait pas se plaisir à moins qu'un abruti essaye de... non aucun voleur de base ne pourrait faire face au duo de rouquines, le fusil à pompe sous le comptoir n'était pas là pour la déco.

-Dans ce cas je pense que tu aura besoin de ça.

Il fouilla dans la poche arrière de son pantalon et en sortit un portefeuille en cuir aux initiales de Angus Fletcher, un des éléments de son déguisement, ça renforçait l’authenticité du personnage, il fit l'extraction d'une petite carte cartonnée qu'il lui tendit, dessus se trouvait des identifiants bancaires.

-Ne dit rien à ta mère, mais j'ai préparé une petite somme, de quoi t'aider à démarrer. Rien de bien fou, quelques petits milliers de dollars, mais comme tu l'a dit toi-même c'est difficile de recommencer de zéro, en cas de besoin tu aura de quoi voir venir.

Bon ça lui permettait aussi de garder l’œil sur elle au cas où, mais ça il se garderait bien de le dire.

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Chez les Hex, on prônait l’indépendance et la débrouillardise. Une famille ou on n’a besoin de personne, a part de soi-même, restes d’une époque pas si lointaine et riches en enseignements et instincts qui s’étaient graves dans leur ADN plus surement que la couleur de leurs cheveux. Et les dernières membres de la famille Hex exemplifiaient ces préceptes a un degré presque aussi poussé que Jonah lui-même. L’unité de la famille unie et normale, elles avaient tenté, avant que le patriarche ne foute le camp en laissant femme et fille derrière lui ; alors tant pis, elles avaient retroussé les manches, elles s’étaient démerdées toutes seules, et elles s’étaient fait la promesse plus ou moins tacite de ne jamais dépendre de personne d’autres qu’elles-mêmes. Dans cette vie, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Et peut-être que parfois, c’était un peu vexant pour les gens comme Angus qui voulaient sincèrement leur rendre la vie plus facile, mais la vérité ? C’était que compter sur les autres, pour elles, c’était encore plus difficile que mener leurs barques toutes seules. Les Hex avaient pose des limites très strictes à leur petit cercle familial, et elles ne considéraient vraiment comme amis que ceux qui avaient la sagesse de bien vouloir les respecter. Ca n’était pas un caprice. Ca n’était pas de l’amertume. Pour elles, la mère comme la fille, c’était une question de survie. Parce qu’il y avait trop de zones d’ombre dans leur histoire pour qu’elles se permettent de baisser la garde, avec qui que ce soit.

Alors forcément, Jinny, ça ne lui venait pas vraiment à l’idée de raisonner différemment – elle avait entendu trop d’histoires dignes de films d’horreur de sa mère, héritées de Jonah ou vécues par elle-même. Les décennies avaient beau s’écouler, les Hex étaient toujours des cibles ; les Black avaient disparus du radar, leurs derniers allies tombes, mais les Turnbull, eux, leurs ennemis de toujours, vivaient encore. Et de ce que lui disait sa mère, la hache de guerre n’était toujours pas enterrée. Vieille rivalité stupide, selon elle, mais ce n’était pas comme si elle avait son mot à dire. Et personne d’autre n’avait sa place dans ces guerres utérines et cet héritage difficile. Pas même Angus Fletcher, avec sa bienveillance et sa bonne volonté. Avec un point d’interrogation peint sur la figure, Jinny releva les yeux sur la carte qu’elle lui tendait, dont elle se saisit sans comprendre pour déchiffrer le numéro inscrit dessus. Avant de s’étrangler en l’écoutant lui expliquer de quoi il s’agissait. « Attendez, quoi ? » balbutia-t-elle en dévisageant son voisin. C’était une blague ? Mais non, il était parfaitement sérieux, Angus, et Jinny n’avait aucune idée de comment elle était censée réagir. Mais il y avait une chose dont elle fut certaine instantanément, sans même avoir besoin de réfléchir : elle ne pouvait pas accepter. Pas maintenant, pas plus tard. Les Hex avaient des limites bien définies, et Angus, peut-être intentionnellement, peut-être pas, venait de les franchir.

« Je peux pas accepter. » répondit-elle en lui rendant sa carte. Sans colère, sans exaspération – mais avec dans la voix une urgence définitive. Oh, il était surement plein de bonnes intentions, Angus, mais visiblement, il ne réalisait pas ce qu’il lui demandait en lui demandant d’accepter ce compte secret. « On a nos problèmes avec ma mère, mais hors de question que je lui mente pour accepter de l’argent d’un étranger. » Même si Angus n’était pas vraiment un étranger, le constat restait le même. Elle ne pouvait pas – ne voulait pas – accepter la générosité de quelqu’un d’autre, pas comme ça, pas dans ces conditions. Elle n’avait que dix-sept ans, mais elle ne soupçonnait que trop bien le potentiel cadeau empoisonne que tout ceci constituerait. « J’ai pas besoin de votre argent, Mr Fletcher. On a nos économies, on a le garage, et même si on n’avait rien – peut-être que c’est pas grand-chose pour vous et votre fortune, mais moi, c’est de mon indépendance, qu’il s’agit. » poursuivit-elle avec animation. Et peut-être qu’il ne serait pas d’accord, mais ça n’était pas une question de savoir qui avait raison et qui avait tort. C’était une question de respecter ses valeurs, et son libre-arbitre. Et son libre-arbitre, elle ne l’imaginait qu’en ne devant rien à personne, sauf a ses propres efforts. « Vous devriez garder votre argent pour vos enfants, ou des gens qui en ont vraiment besoin. Moi ça ira. Vraiment. » Et si Angus la connaissait bien, ce qui devrait être le cas après près de dix-sept ans à fréquenter leur drôle de famille, il comprendrait. Il n’était peut-être pas vraiment un père pour elle, qui avait bien assez d’un, aussi déficient soit-il, mais il était bien le seul adulte, en dehors de sa mère, dont l’opinion et le soutien comptait à ses yeux. Juste, pas comme ça.

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Si il n'en laissait rien paraître, mais il était un peu déçu, les Hex étaient de sacrés paranoïaques certes, mais il pensait parfois avoir réussit à se faire une meilleure place que ça auprès d'eux, cela n'avait aucune importance dans le fonds, mais ça faisait toujours un peu mal d'être repoussé ainsi. La vérité était certes complexes autour de ce qu'il faisait, il avait en effet quelques motifs cachés comme toujours, mais jamais il ne pourrait faire de mal à Jinny, il le pensait vraiment à cet instant, comment diable la sympathique et souriante rouquine et son voisin affable un peu bizarre pouvaient en venir à se détester? Soumis à la cruauté du destin, à une forme cosmique et comique de justice karmique ou tout simplement à ses propres pêchés, le mercenaire ne se doutait pas qu'il devrait un jour choisir entre elle et la réussite de sa mission, que si il aimait cette petite de tout son cœur et de toute son âme, comme sa propre fille Rose, qu'à l'instant présent il remuerait ciel et terre pour elle, cette gamine du Texas serait un obstacle pour lui, l'ennemi qu'il craindrait de croiser.

Alors qu'il reprenait la carte dans ses mains, Slade se jurait de faire tout ce qui était en son pouvoir pour garder de côté cette possibilité, lui laisser la porte ouverte si elle souhaitait l'emprunter plus tard. il savait que c'était peu probable, mais qui savait ce que l'avenir réservait, et puis ce compte ne lui manquerait pas, il n'était de toute façon pas à son nom, ce n'était pas comme si il faisait d'elle la bénéficiaire de sa fortune, cela était pour Rose, Joseph et Wintergreen si le vieux salaud lui survivait. Si il faisait tout ça pour ses enfants, l'homme qui lui avait été le plus fidèle aurait lui aussi sa part du gâteau à sa mort, des belles propriétés et une portefeuille d'action parmi les plus lucratives qu'il possédait, malgré le sérum, Slade ne s'était jamais imaginé survivre à tout ses gens. Le destin lui avait déjà pris Grant, il espérait ne pas perdre un autre proche.

Jinny se montrait incroyablement adulte et raisonnable dans son rejet de l'offre, nul doute que sa langue était aussi acérée que sa visée, cela lui serait indéniablement utile pour la suite, il lui fit un sourire rassurant en prenant un de ses mains entre les siennes, voilà qu'elle était presque à se sentir mal d'avoir fait ce que sa mère lui avait appris durant toutes ces années. Si il ressentait du regret, il était fier de la voir ainsi suivre les conseils extrêmes mais non dénués de sa génitrice, aussi vieille et folle qu'on la décrivait, il y en avait de l'épaisseur sous cette caboche. Maman Hex avait la peau dure et ne se laissait impressionner par personne, pas même pas son immensément riche voisin lors de leur première rencontre, oui Jinny était comme sa mère, une comète qui fendait les cieux à son gré, un electron libre 100% made in Texas, il eut un rire franc et mettant la carte dans une poche intérieure de sa veste.

-Excuse le vieillard que je suis Jinny, à mon âge on s'inquiète de ce qu'on laissera à ceux qui compte vraiment.

Il lâcha sa main et pencha sa tête sur le côté.

-Tu es son portrait craché quand elle venue me voir pour le bruit des travaux que je faisait jour et nuit quand je me suis installé. Tu as cette même expression de farouche indépendance qu'elle quand j'ai proposé de la payer pour le dérangement... mais toi tu ne me pointe pas une winchester sous le nez et je t'en remercie.

Il reprit à rire de plus belle, il n'était pas un homme qu'on effrayait facilement, mais ce jour là il avait appris à craindre le nom des Hex, sa boite aux lettres avait conservé l'impact qu'elle y avait fait en trouant la peau d'un de ses employés, le pauvre homme.

-Tout ne se résout pas avec de l'argent Jinny, c'est une leçon précieuse que tu m'apprends à nouveau.

Il se releva en essuyant la terre sous ses jambes accrochée à son pantalon avant de tendre sa main pour aider l'adolescente à se relever.

-Et je te vois bien reprendre le garage de toute façon.

Il sentait le contact de ses mains rendue caleuses par le travail malgré le jeune âge, elle était la fille de sa mère après tout.

-J'arrête de t’embêter avec ça... pour le moment.

Son index et son majeur firent mine de pincer délicatement sa jouer dans un geste un peu moqueur.

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