"It's been a while" (PV Cain)

"I'm not ready, eyes heavy now Heart on your sleeve like you've never been loved Running in circles, now look what you've done Give you my word as you take it and run Wish you'd let me stay, I'm ready now" ♪ Le cliquetis des débris de verre sous le balai de Seraphine la plongea dans un état méditatif. Sa boutique avait été endommagée suite à tous ces événements, et bien que la jeune femme ait pris le temps de faire remplacer les vitres, les épreuves vécues sur Terre-4 l’avaient rendue distraite et elle laissait tantôt échapper une tasse ou se cognait dans un pot de fleur. Fort heureusement elle n’avait brisé encore aucune précieuse antiquité, mais elle avait le sentiment que ce serait pour bientôt. Le retour dans le monde avait été éprouvant mais rien de comparable avec son expérience de cet univers parallèle qui lui en avait fait baver. La crasse, la mort, les alliances, se cacher encore et encore l’avaient ralentie comme une vieille horloge usée, et elle était arrivée à Gotham une semaine en arrière, abîmée au possible. Sa première pensée avait été pour Hiro et elle avait été le voir, craignant que les cahots de la ville n’avaient pas trop secoués l’hôpital mais espérant un miracle peut être. Mais rien. Elle avait posé la main sur la sienne une nouvelle fois sans y trouver de réponse aucune, comme lorsqu’on lit un livre dans une langue morte, une langue que l’on ne parle pas. Alors, elle s’était fêté son retour à elle-même, puisque que personne ne l’attendait, pas même sa mère qu’elle avait croisé de loin au bras d’un grand personnage transpirant l’argent. Ce matin là, Seraphine qui avait manqué de ces petites choses comme de prendre soin d’elle pendant de longs mois, s’était maquillée et parfumée avec fierté, avait peigné sa cascade de cheveux bruns et revêtu son costume de satin rouge. La jeune femme avait réarrangé la boutique, les mains gantées, puis elle s’était assise au fond du magasin pour lire. Elle n’était pas parvenue à se concentrer sur les mots qui s’étaient accrochés à ses souvenirs embrouillés de Terre-4 tels des toiles d’araignées, mais ça ne faisait rien. Elle avait lu les Métamorphoses d’Ovide une dizaine de fois, et s'efforçait de temps à autres de relire le mythe d’Icare, comme pour pratiquer la psychologie sur elle-même. Absorbée par sa lecture tortueuse, elle n’entendit pas la clochette de la porte d’entrée tout de suite. Elle s’humecta les lèvres avant de lever lentement ses yeux maquillés vers la vitrine : Désolée on va fer-...mer ? Si sur son visage se peignait une expression si incertaine, c’était parce que l’homme qui venait d'entrer n’était pas un client, mais un PDG plutôt riche, jeune et mignon. Un PDG que Seraphine connaissait d’ailleurs plutôt bien. On peut le dire, elle ne s’attendait pas, mais alors pas du tout à sa visite. Les deux jeunes avaient été proches dans le temps, mais s’étaient dernièrement éloignés, chacun ayant pris un chemin différent. S’inquiétait-il pour elle ? Seraphine l’espérait, au fond, rien qu’un peu. Elle était heureuse de voir un visage familier, qui plus est après ce grand bordel duquel tout le monde n’était pas ressorti vivant. Seraphine se leva pour le rejoindre, fit quelques pas sonores sur le bois ancien, juchée sur ses escarpins. Cain Turnbull, ça pour une surprise. Tu es venu pour faire un don charitable au magasin ? ironisa-t-elle. Je te croyais mort depuis le temps. S’il était vrai que les années avaient passé, Cain n’était pas le seul blâmer pour ne pas avoir donné de nouvelles. Mais il avait eu Hiro et toutes les complications qui avaient suivit, et le trentenaire était là devant elle, vivant, alors c'était le plus important. Il avait survécu, ce garçon qu’elle disait vouloir épouser gamine, avec qui elle courait dans les rues de la Nola, et là tout de suite elle se sentit sensiblement moins seule. Il y aurait sans doute eu de meilleurs mots à dire après tout ce temps mais Seraphine ne savait plus bien comment elle devait se comporter avec cet homme, moitié proche et moitié inconnu, alors elle prit le soin d’attendre de voir ce qu’il pouvait bien lui vouloir.

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Déjà, les affaires reprenaient, et c'était sûrement là le meilleur moyen d'oublier l'horreur de ces six derniers mois. Un quotidien qui fut rythmé par la guerre et la survie, où nombreux ont été ceux que tu as vu périr devant toi. Des images qui resteront évidemment gravées dans ta mémoire, comme un devoir de souvenir du survivant. Toi, t'as eu la chance de t'en sortir. Toi, t'as pu retrouver ton monde. Alors oui, peut-être qu'il n'est pas comme vous l'espérez, ce monde, mais contrairement à l'autre, il existe encore de l'espoir chez vous. Vous pouvez faire mieux, vous devez faire mieux. Et c'est ton rôle, dans une moindre mesure, de pousser au changement. Tu n'as même aucune honte à profiter de la crise pour étendre l'influence de ton entreprise encore plus loin. Dans une situation aussi périlleuse que celle dans laquelle vous vous trouvez en ce moment, les énergies renouvelables sont des façons nouvelles et efficaces de remplacer les anciennes devenues obsolètes. L'électricité, le nucléaire, tout ça doit peu à peu disparaître pour faire place à des procédés exclusivement basés sur ce que nous offre la planète, et ce, sans jamais l'exploiter. Le soleil pour commencer. Energie inépuisable qui pourrait changer complètement vos modes de vie dans le meilleur des sens. Ce n'est pas les idées qui te manquent, encore moins depuis ton retour, après avoir côtoyé de près ou de loin Atlantes et Amazones. T'as envie de te servir de leurs technologies pour développer les tiennes, et l'une des premières choses que t'as faites en arrivant chez Turnbull Corp, c'est d'engager de nouveaux experts. Si vous pouviez avoir un dixième de ce que les Atlantes sont parvenus à obtenir, la clé de votre avenir pourrait se jouer dans ton entreprise. C'est en tout cas le nouvel objectif que tu t'es fixé, toujours nourri d'une folle ambition, et encore plus après avoir vu de tes propres yeux un monde s'éteindre. C'est votre devoir, votre responsabilité, et tu comptes bien endosser les tiens.

Gotham. Chaque fois que t'y viens, t'as l'impression de sentir sa pestilence te sortir par tous les pores. Un étouffement qui te met toujours mal à l'aise, et que tu ressens à chaque pas posé sur le bitume encore chaud du quartier d'Old Gotham. Mais pour cette fois, on va dire que ça en valait la peine. Tu viens de signer un gros contrat, et c'est tout ce dont tu avais besoin pour t'aider à affronter la dureté de la ville. Seul, la soirée devant toi, c'est sans hésitation aucune que tu te diriges vers une boutique d’antiquaire, dont la propriétaire est une connaissance de longue date. Première fois que tu prends l'initiative d'aller la voir, malgré tes nombreux allers et retours dans le coin. Sûrement parce que ton séjour à New Themyscira t'a également donné l'envie d'aborder différemment tes relations avec les gens. Ou du moins, d'entreprendre plutôt d'attendre que tout vienne à toi. Comme si tout t'était dû. Comme si tu étais constamment celui qui devait se faire désirer. Face à la devanture de la boutique, tu ouvres alors la porte de la caverne d'Ali Baba, nonchalant, souriant, presque semblable à un habitué des lieux. Et oui, évidemment, ton entrée ne passe pas inaperçue. « Pourquoi, t'as besoin de thunes, Magpie ? » Un poil arrogant, un poil railleur, tu t'approches de la jolie brune avec qui tu arpentais les recoins de la Nouvelle-Orléans, quand t'étais encore qu'un gamin sans rien en poche. Un temps révolu, puisque la misère, tu l'as définitivement laissée au placard. Une autre vie que tu préfères oublier, sans pour autant renier les rares choses qu'elle a su t'apporter. « Moi ? Mort ? Tu sous-estimes mon instinct de survie, je suis pire qu'un cafard. » Bien qu'il s'en ait fallu plusieurs fois de peu sur New Themyscira. Mais bon, ça, elle est pas obligée de le savoir.

Curieux et intéressé, tu jettes un œil attentif à tous les objets qui se trouvent aux alentours – mais sans toucher, parce que t'es pas un sale gosse impoli. Vous en avez fait du chemin tous les deux. Elle ici, toi un peu partout, et sans jamais prendre le temps ou la peine de vraiment garder le contact. Une erreur, sans doute. Mais il n'est jamais trop tard pour réparer les choses, pas vrai ? Faut bien que ça serve aussi à ça les fins du monde, revenir vers ceux que l'on a un peu trop souvent mis de côté. « Je suis de passage à Gotham, alors je me suis dis que j'allais passer te voir. Ça fait longtemps. » Et oui, il y a un peu de nostalgie dans ta façon de parler. Parce que vous vous entendiez bien, tous les deux. Elle te connaissait avant même que tu deviennes ce pdg adepte des soirées mondaines. Avant que tu ne sois celui que tu es aujourd'hui. Le meilleur comme le pire. « Comment ça va depuis tout ce temps ? J'espère que t'es quand même un peu contente de me voir. » Malgré les silences, malgré l'éloignement. Vous ne rattraperez pas le temps passé en une seule soirée, mais vous pouvez au moins essayer.

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"I'm not ready, eyes heavy now Heart on your sleeve like you've never been loved Running in circles, now look what you've done Give you my word as you take it and run Wish you'd let me stay, I'm ready now" ♪ Pourquoi, t'as besoin de thunes, Magpie ? Tu aimerais bien, rétorqua-t-elle. Dans son costume des beaux jours, toutes ces paillettes lui semblaient tout à coup bien ridicules. Lui avait connu la vraie elle, qui n’était en fait qu’une enfant miséreuse. Cette poudre aux yeux ne pourrait jamais totalement lui cacher ça, à lui. Est-ce que ça la rendait mal à l’aise ? Peut être un peu. Les hommes de Gotham, acheteurs ou clients de la pègre voyaient en Seraphine une belle femme d’affaires, une collectionneuse unique en son genre, revêche de temps à autres. Les héros à qui elle venait en aide la définissaient comme un outil joli à regarder, un agent double redoutable, une précieuse alliée en talons hauts. Hiro, lui, l’avait toujours fantasmée, vue meilleure qu’elle ne l’était certainement. Mais lui ? Quel était son point de vue sur tout ça ? Avait-il des attentes ou bien se faisait-il des idées ? Jamais elle n’oserait le toucher pour entrer dans sa tête. Et pas seulement parce qu’elle avait peur de ce qui pouvait s’y trouver, c’était une question déontologique. Voir ses yeux fiers et facétieux la rendaient nostalgique. Il n’avait qu’à respirer pour qu’elle plonge dans la NOLA à l’époque de son enfance. Un cafard ? Elle rit, amusée par cette comparaison puisqu’elle s’était longtemps laissée convaincre qu’elle comme sa mère n’étaient rien d’autre que des parasites. Elle le regardait poser sagement les yeux sur des boîtes ornées, des vases et des encriers. Son image était bien différente de qu’il était mais il ne faut, paraît-il, jamais juger un livre à sa couverture : Je suis de passage à Gotham, alors je me suis dis que j'allais passer te voir. Ça fait longtemps. Sa voix lui mit du baume au coeur, elle ravivait des souvenirs enfouis au fond d’elle qui flottait en suspens jusqu'à ce moment : Comment ça va depuis tout ce temps ? J'espère que t'es quand même un peu contente de me voir. Bien sûr que je suis contente de te voir, rétorqua-t-elle en s’éveillant. Elle lui sourit, douce et pétillante avec un de ses sourires qu’elle ne délivre d’ordinaire plus. Seraphine avait pris l’habitude d’être une carnivore, qui ne séduisait que par intérêt, lançait des oeillades pour s’approprier et charmait pour tenir son petit monde au creux de sa main. Combien de ces expressions étaient sincères ? Elle pouvait les compter sur les doigts de la main. Mais Cain était une exception qui confirmait la règle : Je suis même assez contente pour t’offrir à boire, je t’en prie assieds toi. Ils n’en étaient pas au point où Seraphine le ferait monter à l’étage, chez elle. Alors elle lui désigna la petite table derrière elle où reposait encore sa lecture. Elle poussa un rideau de velours vert derrière lequel était entreposé sa réserve d’alcools, supposant qu’ils ne prendraient ni l’un ni l’autre du soft : Qu’est ce que je te sers dis-moi ? fit-elle tout en farfouillant parmi les bouteilles. Bon sang ça fait combien de temps ? demanda-t-elle rhétorique ment. Elle sortit leurs boissons et les posa sur la table, attrapa de jolis verres dans le vaisselier tout en continuant de s’adresser à lui, comme s’ils avaient toujours été proches : Est-ce que tu es toujours un Don Juan notoire ? Ou bien t’es-tu casé depuis le temps ? Elle attendit, la main sur la hanche avec un regard amusé. Si Cain avait trouvé chaussure à son pied la presse en aurait certainement parlé, mais elle préférait demander à l’intéressé, simplement pour l'embêter. La jeune femme se souvint alors de quelque chose et traversa la boutique pour tourner l’écriteau sur “Closed”, histoire de ne pas être dérangé par un client ou, plus fâcheux, un envoyé de la pègre. Seraphine vint s’asseoir à ses côtés, dans son fauteuil Strandmon et lui tendit son verre plein : Alors, à quoi veux-tu trinquer ?

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Tu te souviens encore d'elle, quand elle était qu'une enfant, la bouille ronde et le regard espiègle. Vous jouiez ensemble, innocemment, comme si rien d'autre ne comptait. Une innocence qui aujourd'hui a depuis longtemps éclaté, et qui a remplacé le bac à sable par un bac de poussière. Tu dirais qu'elle a plutôt bien réussi sa vie, Seraphine, mais tu sais aussi que les apparences peuvent être trompeuses, et qu'il ne faut jamais se fier à ce que seul l'oeil peut voir. « Elle est chouette ta boutique. » Et c'est sincère, t'es pas du genre à avoir le compliment facile, aussi dur envers toi-même qu'envers les autres. C'est comme ça que t'as élevé, dans l'exigence et le perfectionnisme absolu, si bien que les restes de cette éducation perdurent encore dans ta façon d'aborder les choses qui t'entourent. Son business, comme toi, elle l'a monté à la sueur de son front, et tu ne respectes personne autant que ceux qui parviennent à s'élever malgré les chaines à leurs pieds. Vous n'étiez pas destinés à obtenir quoi que ce soit, tous les deux au bas de l'échelle sociale, là où vous étiez censés rester. Alors peut-être que vous ne jouez cette fois-ci plus réellement dans la même cour, mais t'es heureux de constater par toi-même ce beau chemin parcouru, et largement mérité. Tu lui rends son sourire, te laissant emporté par cette douce nostalgie qui te soulève le cœur. Ça apaise la tourmente, parfois, de faire un petit tour dans le passé, si bien que tu te demandes pourquoi tu ne l'as pas fait un peu plus tôt. Elle a l'air réellement contente de te voir, Seraphine, et cette sensation d'être avec quelqu'un qui te connait vraiment, avant que tu ne possèdes pouvoir et argent, ça fait bien longtemps que tu ne l'avais pas ressentie. Il n'y a pas de triche entre vous, tu ne te comportes pas comme tu le fais avec ceux dont tu as besoin d'obtenir quelque chose. Pas de filtre, pas de faux semblants, et dans une vie où il faut constamment être dans le contrôle, ça fait grandement du bien.

Elle est bien habillée, bien maquillée, très jolie pour une antiquaire, et c'est tout ce dont tu as besoin pour en tirer quelques hypothèses – bien que sûrement trop hâtives. Cette boutique, est-il possible qu'elle lui apporte plus que quelques billets en échange de précieux objets ? T'en sais assez sur elle et sur le fonctionnement de cette société pour te permettre de douter de cette jolie façade. Surtout dans une ville comme Gotham. Rien n'est simple, jamais. Il existe toujours des zones d'ombre, même dans la plus pure des âmes. « Avec plaisir, merci. » Tu t'exécutes et viens t'assoir sur la chaise autour de la petite table mise à votre disposition. Tu ignores encore si ces retrouvailles mèneront quelque part et à une relation un peu plus suivie, mais déjà, tu profites de ce précieux moment en sa compagnie, désireux de rattraper le temps que vous avez trop perdu. « Du gin, si t'en as. » Elle en cache beaucoup des trésors dans sa boutique, décidément. Quelles autres surprises elle te réserve, la pétillante mais non moins mystérieuse Seraphine Magpie ? Plongé dans tes pensées, tu réfléchis à la dernière fois où tu l'as vue. Pouah, ça fait si longtemps que tu ne pourrais même plus mettre un jour ou une année dessus, moment bien trop éloigné pour ta mémoire un peu défaillante. « Honnêtement, je sais plus, mais je crois qu'on s'était croisés une fois quand on était ados. » Ce qui, pour ainsi dire, remonte à très longtemps. T'as aujourd'hui trente ans, et malheureusement, anticipant ta propre introspective avec sa nouvelle question, tu restes pourtant le même sur pas mal de points. Tu lui souris un peu timidement, avant de faire une grimace qui en dit long sur ta prochaine réponse. « Euuuh, je crois que j'ai pas beaucoup changé. » Voilà qui devrait suffire à ce qu'elle comprenne. Toi casé ? Certainement pas. C'est même pas un mot que tu connais. Non, tu restes le vagabond des draps, voguant de lit en lit sans aucune attache. Et pour l'instant, ça te convient. Enfin, tu crois.

Verre en main, tu viens le cogner doucement contre le sien. Il y a plein de choses auxquelles vous pourriez trinquer, mais tu préfères rester simple : «  A nous ! » Simplement. A vos retrouvailles. A tout à ce que vous avez à vous raconter. Et étonnement, malgré le temps qui s'est écoulé, tout reste naturel entre vous. Aucune gêne, comme celle qui se ressent quand deux personnes qui se sont perdues de vue se retrouvent, sans trop savoir quoi se dire ou comment réagir. Là, pour l'instant, tout se passe pour le mieux. « Et toi alors ? Qu'est-ce que tu deviens ? Professionnellement et personnellement. Je suis sûr que t'as des choses à me raconter. » Et tu espères sincèrement que sa vie privée est tout aussi réussie que sa vie professionnelle. Tu ne souhaites ni plus ni moins que le meilleur à cette ancienne gamine de la Nouvelle Orléans devenue antiquaire à Gotham. C'est fou ce que le temps passe vite.

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"I'm not ready, eyes heavy now Heart on your sleeve like you've never been loved Running in circles, now look what you've done Give you my word as you take it and run Wish you'd let me stay, I'm ready now" ♪ Honnêtement, je sais plus, mais je crois qu'on s'était croisés une fois quand on était ados. Oh c’est vrai, réfléchit elle en riant, agitant les remous du passé sans penser qu’ils peuvent effrayer les poissons de l’esprit. J’étais éperdument amoureuse de toi encore à l’époque, admit-elle avec un soupir. En écoutant sa réponse quand à sa ribambelle de petites amies elle grimaça avant de trinquer avec lui et de s’enfiler son porto. Oui enfin, heureusement qu’on est jamais sortis ensemble toi et moi. Tu m’aurais brisé le coeur, pensa-t-elle avec nostalgie. Ce qu’elle devenait ? Difficile de devenir quelque chose après six mois de pause. Il s’agissait à ses yeux, davantage de redevenir quelqu’un. Elle tourna la tête vers les allées de la boutique pleine de bibelots anciens, son petit empire comme elle aimait à l’appeler. Leur empire, dans une autre vie, à elle et Hiro. Seraphine avait cette sensation d’avoir été investie d’une mission précise : régner sur toutes ces choses et les distiller dans le monde. Douce utopie qui ne perdurait que grâce à son deuxième emploi, mais comment le lui dire ? "Cain, je suis une méta-humaine depuis gamine et je peux tout savoir sur toi en te touchant." Essayons un truc plus flippant la prochaine fois tiens , railla l’antiquaire pour elle-même. Elle repensa à la fois où elle avait tiré Cain par la manche en jouant et avait sentit s’abattre sur ses épaules cette sensation de pression constante insupportable. Assourdie par des cris de dispute et les vertiges d’un don encore mal maîtrisé, elle avait été vaccinée pour toujours de l’envie de le toucher sans ses gants. Ce n’était pas bien, et dès lors elle n’avait plus jamais usé de son don sur un proche. Ça va, tu sais ce que c’est, quand le commerce va, tout va ! tenta-t-elle de se convaincre. Je suis une personne pleine de talents et de charme donc le bouche à oreille, ça va vite, ajouta Seraphine en hochant la tête, se vantant intentionnellement. Mais c’est Gotham, ça va ça vient, il faut toujours regarder derrière son épaule au-cas-où. Seraphine soupira avec une moue résignée. La nouvelle-Orléans lui manquait, avec ses beignets, son Hurricane coloré et son Jazz. Mais sa vie était ici désormais, là où traficotent les gens pas clairs sans rien craindre de la loi. Et toi ? Et comment vont tes parents ? Je dirais à ma mère que je t’ai vu ça lui fera plaisir j’en suis sûre. Tous ces babillages étaient loin de ressembler à Seraphine qui se murait le plus souvent dans le silence...sauf dans certains cas dont celui-ci. Peut être voulait-elle l’assaillir de questions pour mieux éviter de parler de sa vie personnelle. En se retournant sur elle-même, Seraphine ne pouvait que constater à quel point tout dans son existence s’était détraqué. Elle parlait de sa mère pour faire bonne figure mais cette dernière se fichait bien de savoir si sa fille était vivante ou morte. La jeune femme finissait ses soirées dans un bar ou à recevoir des clients de Mrs Whisperer, comme si elle avait été une prostituée. Il n’y avait rien de sexuel, mais elle vendait tout de même ses services aux plus offrants comme une mendiante, et sa puissance actuelle n’enlevait rien à cette amertume qui grandissait chaque jour un peu plus à son encontre. La vérité, c’était que toutes les protections et l’argent du monde ne remplaceraient pas ce vide qui s’était creusé, comme on creuse une tombe. La culpabilité que Seraphine ressentait, d’être vivante et en bonne santé tandis que son ami demeurait dans un profond coma la noyait dans une déprime dissimulée par l’allure de princesse qu’elle s'efforçait d’entretenir. Puis, il y avait eu Terre-4 et ces longs mois à lutter sur sa survie qui l’avaient amenés à reconsidérer la vie en tant que tel. Et voilà ce qu’elle y avait vu : une femme qui passait à côté de son existence, une femme seule. Seraphine avait décidé de changer tout ça, et l’apparition de Cain dans sa boutique, qu'elle regardait avec attention, lui apparaissait comme un signe de nouveau départ. Tout ce qu’elle espérait, c’était ne pas être cassée pour toujours et demeurer un être fêlé, mais pas brisé. Tu as atterrit où toi ? Après...tu sais...le bordel ambulant ?

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Tu ne peux cacher ta mine surprise quand elle te confie, des années plus tard, ses sentiments adolescents. Ce serait mentir de prétendre ne pas t'en être un peu douté, mais il y a une différence entre une présomption de coup de cœur juvénile et l'entendre confessé de sa propre bouche. Et pour être parfaitement honnête, tu ne sais comment réagir à l'aveu. T'es touché, bien évidemment, mais aussi conscient que tu ne lui as probablement pas apporté que du bien. Ce qui est moindre, cependant, en comparaison de ce qui se serait passé si tu avais franchi le pas avec elle. Hier comme aujourd'hui, tu restes ce même gamin irresponsable qui refuse de s'attacher à qui que ce soit. Parce que c'est plus simple de vivre ainsi, mais aussi parce que tu n'as jamais appris à vivre autrement. Tu l'aimais bien, Seraphine, et peut-être que vous auriez pu vivre une petite histoire, avant que tu finisses sans aucun doute possible par tout gâcher. Comme tu as tout gâché avec Tessa avant même le commencement d'une potentielle relation. T'es de ceux qui ne sont pas fait pour l'amour, voilà tout. Tu te complais dans la luxure, préférant largement une nuit éphémère à une bague passée au doigt. Et ça, pour elle, ce n'est plus du tout un secret. « Ah, mademoiselle Magpie qui use et abuse de ses atouts pour faire tourner la boutique. C'est plutôt une bonne technique, si j'en crois ce que tu me dis. » T'es heureux pour elle, vraiment. Elle méritait plus que quiconque de sortir de la misère des vos rues d'antan. Ce que tu remarques, en revanche, dans son discours sur sa nouvelle vie, c'est qu'elle ne te parle absolument pas du pan personnel. Tu dois en déduire que si les affaires tournent en bien, ce n'est pas le cas pour le reste ? Difficile de deviner ce qui sa cache derrières ses sourires, et tu serais bien incapable de déterminer le genre de femme qu'elle est devenue. Peut-être que comme toi, l'amour n'a jamais été dans ses priorités, ou bien n'est-il jamais venu frapper à sa porte ? Si elle ne t'en parle pas, tu n'insisteras pas, faisant taire ta curiosité d'une gorgée de gin. Vous venez à peine de vous retrouver, loin de toi l'envie de trop t’immiscer dans son intimité.

C'est maintenant que tu réalises, que finalement, vous ne connaissez pas tant de choses l'un sur l'autre. Qu'est-ce qui s'est passé pour que votre relation stagne autant pendant des années ? C'était pas faute de bien vous entendre, pourtant. Est-ce que déjà à l'époque, inconsciemment, tu mettais une barrière entre toi et les gens ? C'est toujours drôle de se retrouver face à quelqu'un de son passé, car alors le recul s'opère, et en jetant un œil en arrière, on peut trouver aussi bien des réponses que des questionnements. « Mes parents vont bien, fidèles à eux-mêmes. » Elle ne percevra sans doute pas le cynisme dans ta voix, mais ce qu'elle sait de ta famille est tout ce que tu as bien voulu lui dire. En soit, pas grand chose. Relation tumultueuse depuis toujours qui vient de prendre un tout autre tournant dernièrement. Devenu le fils prodige des Turnbull, une toute nouvelle tâche importante vient de t'être confiée, et celle-ci, tu crains qu'elle ne soit ton billet sans retour vers l'obscurité la plus profonde. Une perdition qui ne semble pas inquiéter tes parents, désireux, eux, de te voir accomplir ce but ultime pour la salvation définitive de votre famille. Ce qu'ils te demandent n'est ni plus ni moins que d'assassiner la dernière héritière de Jonah Hex. Un meurtre qui laissera du sang sur tes mains pour toujours. Ce qu'ils attendent de toi, c'est un sacrifice. Et le pire dans tout ça, c'est que tu t'es engagé à le faire. Longtemps nourri par la revanche qu'ils ont implantée en toi, tu n'arrives aujourd'hui plus à t'en détacher complètement. Le dernier acte d'une pièce de théâtre dont tu ne veux plus du premier rôle, mais que tu vas devoir assumer jusqu'au bout.

Elle garde le contrôle de la conversation, Seraphine, sans doute par crainte de te voir poser des questions auxquelles elle ne saurait pas répondre. Un comportement qui t'intrigue de plus en plus. Pour l'instant, tu acceptes de jouer le jeu sans broncher, mais si il se pourrait bien qu'à un moment donné les règles finissent par changer. « Tu vas te foutre de moi, mais j'ai atterri dans le bayou au milieu des cochons sauvages. Ce qui est en soit pas si horrible, puisque j'ai au moins eu la chance d'être directement en Louisiane. Et toi ? » A en juger par son apparence, elle s'en est tirée sans trop de casse elle aussi. Après avoir terminé ton verre, tu fais une proposition à ton amie qui pourrait l'intéresser : « Tu connais pas un endroit sympa dans le coin où on pourrait aller ? Ce sera plus sympa pour continuer de papoter. » Non pas que tu te sentes mal dans sa boutique, bien au contraire, mais c'est pas franchement le lieu idéal pour rattraper le temps perdu. Et loin de ses habitudes quotidiennes, peut-être finira t-elle par t'avouer tout ce qui reste bien gardé derrière la prison de ses lèvres.

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"I'm not ready, eyes heavy now Heart on your sleeve like you've never been loved Running in circles, now look what you've done Give you my word as you take it and run Wish you'd let me stay, I'm ready now" ♪ Cain voyait clair dans son jeu, même si elle s’efforçait d’être convaincante. Il y a toujours des gens à qui on ne peut rien cacher ou presque, sans qu’ils aient besoin d’un pouvoir comme le sien. Même si la tristesse était passée à tout vitesse dans ses yeux, Seraphine riait maintenant d’un rire sincère. Cain dans le bayou ? N’était-ce pas là le destin ? Ils lui manquaient, ces grands marais, ces petites barques et ces petits pontons. La jeune femme descendit son verre, sourit puis se leva : Ouais, allons marcher un peu, fit-elle en répondant à sa requête. Le port de ses escarpins n’était pas un problème. Ceux-ci étaient usés jusqu’à l’os et elle avait l’habitude de circuler en ville avec. En réalité elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle pourrait l’emmener, les endroits où elle avait ses entrées le feraient se poser des questions. Seraphine attrapa son long trench coat, juste au cas où et s’empara des clés dans le tiroir de son bureau. Elle prit soin de retourner le panneau pour indiquer que la boutique était fermée et verrouilla derrière eux : Moi je me suis retrouvée au Japon, répondit tardivement Seraphine. C’était sublime, j’étais contente d’y être allée au moins une fois. Mais la Nouvelle-Orléans me manque, ça m’aurait bien plut d’y retourner. Elle lui parla de la nourriture et des décors, de cette politesse innée qu’ont les gens, sans savoir s’il y avait déjà été ou non. Ils descendirent la rue qui commençait à plonger dans le calme, passèrent devant Cathedral Square : Alors ? Tu es venu à Gotham pour affaires ? demanda-t-elle en marchant. Les gens ici ont l’air de bien profiter des récents événements, le travail a repris plus que jamais, annonça-t-elle comme une banalité. Elle enfila sa veste grise lorsqu’ils arrivèrent sur le port. L’ambiance était particulièrement mystérieuse sur les docks, le vis à vis de ce côté-ci était impressionnant avec ses immenses buildings qui illuminaient progressivement le soir, comme autant d’étoiles factices. Gotham dans toute sa magnifique noirceur se dressait fière et indomptable. Le vent s’était levé, emmêlant les cheveux de Seraphine, gonflant sa longue veste et l’agitant comme une cape de super héroïne. Comme le sol bétonné était pleins d’irrégularité elle prit le bras de Cain, à l’ancienne, sans arrière pensées : Pardon, le sol est glissant ici, mais ça vaut le coup d’œil non ? Ils firent quelques pas encore sur les quais, le clapotis de l’eau qui butait contre le bout du port berçait la jeune femme qui s’en trouva apaisée. Les ouvriers de la côte, tardifs, s’affairaient plus loin, chargeant des camions rangeant leurs filets : C’était une bonne idée de sortir, admit-elle en s’asseyant sur le bord du quais. La jeune antiquaire enleva ses chaussures pour éviter qu’elles ne tombent dans le vide et les posa près d’elle. L’air marin la fit frissonner, mais elle profitait de ses sensations dont elle avait manqué sur Terre-4, des moments calmes comme celui-ci : Je viens ici quand j’ai une heure à tuer ou quand j’ai besoin de réfléchir. Cet endroit était le lieu de prédilection de bien des mafieux qui venaient récupérer leurs marchandises pas nettes. Les habitants de Gotham évitaient donc de passer par là, mais Seraphine était connue comme le loup blanc. Même si elle ne restait jamais trop tard, elle n’était jamais importunée. Elle agita les jambes dans le vide en regardant l’horizon et prit une inspiration. Elle avait l’impression qu’elle allait livrer bataille. Bizarrement. Elle leva la tête vers son vieil ami : Pourquoi est-ce que j’ai l’impression que tu veux me demander quelque chose ? Elle désigna la place à côté d’elle du menton, gentiment. Ses cheveux étaient ébouriffés et son t-shirt malmené par le vent. Elle décelait un air un peu grave dans son expression, mais ce n’était pas nouveau, il l’avait toujours eut, cette tête. Même enfant il avait de temps à autre ce visage emprunt de contrariété, comme s’il portait seul le poids du monde. Cette petit ride entre les sourcils l’avait toujours distingué des autres enfants, puisque déjà trop mature pour le demeurer. C’était ça qui avait plu à la petite Seraphine qui avait toujours compris le monde des grandes personne tôt, qui n’avait pas voulu rester une petite fille dans sa tête. C’était sans doute comme ça qu’ils étaient devenus amis. Peut-être que tu aurais aimé aller dans un bar ou quoi ? s'enquit-elle. Honnêtement ils ne sont pas fréquentables à cette heure-ci, même pour toi, mais je peux me tromper, railla Séraphine en haussant une épaule, pour l'embêter.

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Après avoir terminé ton verre, vous quittez la boutique pour regagner l'extérieur. Direction un endroit qui t'est encore inconnu, mais qui ne devrait pas te décevoir. Avec Seraphine, rien n'est jamais basique. Elle a ce grain particulier que l'on retrouve chez ceux qui n'ont pas froid aux yeux qui te donne l'envie de la suivre n'importe où. Et puis, il y a aussi cette profonde curiosité dont tu n'arrives pas à te débarrasser. Tu sais que t'es un homme qui aime garder ses secrets rien que pour lui, mais elle, c'est encore un tout autre niveau. Elle a le don de parvenir à embrouiller les gens pour éviter qu'il ne pose trop de questions. Et sans doute est-ce très efficace avec les autres, mais avec toi, ça ne prend pas. La boutique, ce quartier, sa réussite, tu y crois sans sourciller, mais tu restes néanmoins persuadé qu'il y a des détails dont elle a refusé de te parler. Et comment lui en vouloir ? Après des années d'absence, te voilà qui refait irruption dans sa vie. Ce serait malvenu d'espérer qu'elle s'ouvre à toi aussi aisément. Même si ce n'est pas la raison de ces retrouvailles, plus le fruit d'une reconsidération de tout après six mois passés sur New Themyscira, tu n'en restes pas moins intrigué par toutes ces zones d'ombre que tu distingues aussi bien sur son visage que dans les réponses qu'elle évite savamment de te donner. Alors pour l'instant, tu continues de prétendre. Et c'est avec intérêt que tu l'écoutes te parler de son retour au Japon, pays que tu ne connais pas encore, mais qui figure assurément sur les prochaines destinations que tu aimerais explorer. « Ouais, j'ai fait signer un contrat tout à l'heure. Gotham n'est pas franchement la ville où je fais le plus affaire, mais tout est bon à prendre. » Et pour cause, comme en témoigne cette nuit déjà noire accompagnée d'épais nuages, Gotham n'est pas synonyme de soleil. Et pour installer des panneaux solaires, et bien, il faut le soleil. Mais qu'importe, ton passage ici t'aura au moins permis de retrouver les traces d'une vieille amie que tu auras mis beaucoup trop de temps à aller voir.

Bras dessus, bras dessous, vous arrivez sur les docks de la ville. Choix atypique, et que tu cherches à comprendre. C'est vrai que c'est chouette, d'être entouré de tous ces bateaux, et d'avoir la ville et ses lumières dans son dos, mais n'est-ce pas aussi un endroit peu fréquentable ? En tout cas, pas pour une demoiselle comme elle. Et loin de toi l'idée de douter de sa capacité à se défendre toute seule, mais quand même, les malfrats de Gotham sont réputés comme étant les pires du pays, et même en ayant des connaissances en arts martiaux, peu de chance qu'elle parvienne à se tirer d'une situation aussi cocasse toute seule. Définitivement étonnante cette idée. A moins qu'elle ne le soit finalement pas du tout ? Plongé dans tes pensées – ou plutôt dans tes questionnements – tu te laisses justement trahir par ton air songeur. Et après un bref sourire, tu la rejoins pour t'assoir sur le rebord, jambes dans le vide, vent qui s'engouffre dans tes cheveux décoiffés. « Non, des bars j'en fais tout le temps. Là au moins je peux découvrir l'endroit où t'aimes aller. » Seraphine n'est pas une fille conventionnelle, et vous retrouver ici est à l'image de ce qu'elle dégage. Mais elle a raison, il y a quelque chose que tu aimerais lui demander. Ou plutôt, quelque chose que tu aimerais qu'elle cesse. « Je sais que ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus, toi et moi, mais tu dois quand même te souvenir que j'ai horreur qu'on me mène en bateau. Ou qu'on ne soit pas honnête avec moi. » Déformation professionnelle, t'aimes pas perdre ton temps. C'est comme lorsque tu signes des contrats, soit la personne en face est intéressée, soit elle ne l'est pas, il n'y a pas de juste milieu. Le peut-être n'existe pas avec toi. Il en est de même ici, aussi agréable soit cette sortie en sa compagnie, t'as bien trop l'impression qu'elle te cache des choses pour réellement l'apprécier à sa juste valeur.

T'as jamais cherché à comprendre pourquoi elle portait des gants, estimant que c'était là son jardin secret, et qu'il était libre à elle de t'en parler ou non. Tu ne forces pas les gens à t'avouer des secrets qu'ils n'ont pas envie de te confier. Mais il y a une différence entre ça et essayer de te cacher une vérité qui se devine pourtant aisément. Tu pourrais te renseigner sur elle, avec l'argent, rien n'est impossible, mais tu la respectes beaucoup trop pour faire usage de procédés aussi douteux. Alors les cartes sont dans ses mains. Le mensonge ou la vérité. Sachant que son choix déterminera sans doute la suite de votre relation. « J'avais espoir qu'on construise une relation plus soutenue, plus sincère. Mais j'ai besoin que tu joues le jeu, toi aussi. » Ce n'est pas une tentative de la faire culpabiliser, simplement de t'assurer que vous êtes bien sur la même longueur d'onde. Base essentielle pour la reprendre là où vous l'avez laissé, cette amitié. « Tu fais quoi au juste dans ta boutique ? » Question posée clairement, pour qu'elle ne puisse s'en détourner. A quoi bon tout ça, si vous n'êtes pas honnête l'un envers l'autre ?

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"I'm not ready, eyes heavy now Heart on your sleeve like you've never been loved Running in circles, now look what you've done Give you my word as you take it and run Wish you'd let me stay, I'm ready now" ♪ Elle observait le port, avec une légère grimace. L’eau illuminée par les nombreuses lucarnes sur l’autre rive lui paraissait alors bien intéressante. Ou bien peut être évitait-elle soigneusement de le regarder dans les yeux : Ah Cain, soupira Seraphine en détaillant cette architecture grignotée par le gothique ancien au beau milieu de sa modernité. Voir la chauve souris là dedans lui avait toujours paru énormément ressembler à une réécriture de Dracula : Pour ta gueule d’ange tu as toujours été beaucoup trop intelligent. Le sarcasme, sa meilleure arme contre le monde, son tic indéfectible dont la source ne tarissait jamais. Elle réfléchissait oui, à ce qui pouvait bien gamberger dans sa petite tête : J’avoue que c’est tentant, de tout te dire pour que tu puisses, au mieux, me faire la morale. Elle n’en pensait que la moitié, mais il ne pourrait rien pour elle. Tu fais quoi au juste dans ta boutique ? Je ne suis pas sûre que ta vision parfaite des entreprises blanches comme neige y survivrait, lui avait-elle répondu du tac au tac, sentant la question prête à franchir le rempart de ses lèvres d’une minute à l’autre. J’aurais bien aimé avoir ta vision là  dessus : Que penses-tu donc que j’y fasse ? Une certaine colère l’envahit alors qu’elle regardait cet ami d’enfance de nouveau dans les yeux. Les iris brunes de Seraphine étaient habitées par une flamme, assurément, et cette incandescence si elle l’avait pu aurait brûlé le regard vert face à elle, qu’elle interpréta comme suffisant, suspicieux et désobligeant. Mes parents ne m’ont pas légué d’entreprise, à moi, déglutit-elle, sans méchanceté mais la voix envenimée d’un ressentiment sec. Quand les mains se tendent, je les prends c’est tout, dodelina-t-elle de la tête en finissant par soupirer : Ah, vous êtes là madame. La brune leva les yeux au ciel, ayant horreur d’être coupée d’une part, et de se faire griller de l’autre, même Caïn aurait sans doute déjà tout compris elle n’avait pas vraiment de doutes là dessus. Elle pivota sur son train arrière. Un homme trapu, le bonnet enfoncé sur le crâne lui cachant presque les yeux, un ciré bleu et des bottes crasseuses : il avait la parfaite panoplie du marin : Un problème ? demanda-t-il en toisant Caïn. Tout va bien, articula-t-elle alors qu’il venait à sa rencontre et tendit la main pour l’aider à se lever. mais Seraphine resta assise, il lui fit le baise-main à la place. Je vous ai déjà dit de ne pas venir me voir ici. Il n’y avait personne à votre boutique et… il jetait des coups d’œil à son ami, qui lui allait de l’un à l’autre. Vous pouvez parler devant monsieur Turnbull, c’est un de mes associés, lâcha-t-elle brusquement. Mieux valait ne pas dire que c’était un ami : Il pourrait se retrouver en danger le jour où elle se retrouverait en mauvaise posture. Voilà pourquoi elle ne s’entourait pas : elle avait toujours moins à perdre, moins à risquer. De tout façon, elle avait un proche dans le coma, une cible peinte sur sa jolie tête asiatique, et c’était de trop. Elle adressa un regard entendu à Caïn, elle savait qu’il  entrerait dans sa manœuvre : ils jouaient toujours enfants, à prétendre : Notre ami commun voudrait s’entretenir avec vous, le plus tôt possible, ajouta le faux marin. Même si elle donnait l’impression d’être une femme respectée, intouchable, une petite reine, elle devait avant tout se conformer à ce que commandaient les patrons, ses clients ou tout autre personnage avec le pouvoir de la faire décapiter. Il n’y avait que les héros qu’elle faisait attendre. Après quelques tergiversations malgré tout, il fut conclu qu’ils se rencontrerait le lendemain. Quand Seraphine revint à Caïn et que l’homme de main était déjà loin, leur discussion prenait tout son sens. Le vent souffla dans les mèches brunes de l’antiquaire, agitant petites perles de ses fines longues d'oreilles. La colère était redescendue, son cœur battait encore à pleine vitesse. C’était vile comédie que toute cette prestance : Seraphine avait toujours profondément peur. Elle ne pouvait se faire abattre de la sorte, mais les Maroni pouvaient surprendre les Falcone, et eux même être surpris par les hommes du Black Mask, et alors il en serait fini d’elle. Heureusement qu’elle avait un don serviable : Tu reviens maintenant, mais où étais-tu tout ce temps ? finit-elle par murmurer entre deux souffles de vent. Leur échange de regard repris, il ne restait que peu de colère mais sa voix trahissait une amertume malgré ses efforts pour la dissimuler. Elle imagina -en détaillant ce visage qui avait certes vieilli, mais qui était irrémédiablement le même que ce petit garçon solitaire avec qui elle avait voulu se marier pendant longtemps.- ce qu’aurait été sa vie avec lui à ses côtés. Aurait-elle prit un chemin différent ? Rien n’était moins sûr, sa ligne de vie aurait dévié à 90° comme un train sur un aiguillage. Sa fierté criait dans le vent qu’elle n’avait jamais eut besoin des hommes et qu’elle se débrouillait de tout façon très bien avec son château de cartes construit pendant des années. Sa raison elle, se figurait l’édifice qui s’effondre, sa vie de solitude, la douleur d’avoir perdu l’être qui avait fait d’elle une autre personne, malgré sa continuelle et persistante envie de le nier. Oui, elle aurait eut besoin de Caïn pour prendre la relève  d'Hiro certainement, mais l’avouer était une autre paire de manche. La jeune femme baissa la tête vers son gant et le tritura comme à son habitude, en haussant l'épaule, comme une enfant qu’on punit mais qui cherche à se défendre : J’étais...seule, livrée à moi-même, plus que je ne le suis aujourd’hui. J’ai beaucoup perdu. Chaque allée et venue au Gotham Mercy Hospital se faisait un plaisir de le lui rappeler. Pourquoi revenir aujourd'hui ? Est-ce que le voyage au pays des horreurs t’aura traumatisé autant que moi…? Est-ce ce qui t’as donné envie de me retrouver pour me sermonner ?demanda-t-elle cherchant de nouveau la réponse dans ses yeux verts. Certes, Caïn ne méritait pas tout cela, mais Seraphine le tint pour responsable de cette tournure qu'avait prit son destin tout à coup. Elle n'aurait jamais eut de telles pensées si le brun ne lui avait pas retourné sa main dans la figure comme il venait de le faire, mais tel était l'esprit revanchard de Seraphine. Qui était-il pour lui donner des leçons ? C'était une survivante et elle ne s'était reposée que sur elle-même depuis 3 ans, et tant pis si elle était moins reluisante à ses yeux.

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Lui faire la morale ? N'est-ce pas un peu trop anticipée comme réaction ? Tu la sens se braquer avant même d'avoir eu la vérité sur son business, preuve qu'il n'y a vraiment rien de beau à te dévoiler. Les barrières se lèvent, tu la sens t'échapper très rapidement, et pour éviter qu'elle ne s'envole comme un cerf volant, il va te falloir la jouer fine. Sauf que t'es pas très doué pour ça. T'es plutôt du genre direct, sans prendre de pincette, estimant que personne n'a de temps à perdre. Une entreprise léguée par tes parents ? Non, elle se trompe lourdement. A t-elle oublié d'où tu venais ? A t-elle oublié où tu vivais avant que te ne puisses racheter votre ancien domaine familiale ? C'est dans les rues que vous vous êtes rencontrés, deux gamins plus que modestes qui tentaient de faire leur bout de chemin dans un monde bien trop grand et hostile pour eux. Tu étais comme elle, avant de prendre trop propre destin en main. « Moi non plus, Sera. » Sourcils froncés, tu acceptes mal la réflexion. Elle fait de toi ce que tu n'es pas, presque comme si elle te reprochait ta réussite. Oh, oui tu as de l'argent aujourd'hui, mais qu'elle ne s'imagine pas que tout t'est tombé tout cuit dans le bec. Tu t'es battu avec acharnement pour obtenir tout ça, et quand, effectivement, on refuse de tremper dans des sales combines, la route jusqu'au sommet est encore plus longue. T'aurais pu accepter des services douteux, ou te lancer dans le business de l'argent sale, mais t'as toujours refusé par principe. Tout aurait été plus simple et rapide en refusant les règles, mais il en était absolument hors de question. Alors oui, t'es sorti de la misère, t'as pu te refaire une vie teintée de strass et de paillettes, mais tout ça, tu l'as largement mérité. T'es pas en colère face à son discours, juste déçu et blessé de cette image qu'elle semble avoir de toi. Les années vous auront fait beaucoup de mal, à commencer par cette vision erronée.

Interrompus, c'est aussitôt que tu lèves ton regard vers l'inconnu. Finalement, tu l'as ta réponse, sans même qu'elle ait eu besoin de te le dire clairement. Le regard sévère, c'est avec un certain mépris que tu l'observes de la tête au pied, faux marin sous couverture. Et prêt à répliquer à sa première question, inconscient du danger, tu t'abstiens finalement, préférant laisser l'intéressée gérer la situation comme bon lui semblera. Tu sais pas d'où il sort ce type, mais t'aimerais le voir repartir très vite. Même si c'est là l'occasion pour toi d'assister à ce qu'elle pratique réellement dans sa boutique. Un associé ? Parfaitement. Et voilà que tu arbores un sourire faussement sympathique, jouant ton rôle du mieux que possible, comme vous aviez l'habitude de le faire autrefois. T'as aucune envie de lui attirer des ennuis, donc pour cette fois, tu te tiens à carreaux en te pliant au jeu sans broncher – et va à l'encontre des émotions qui t'assaillent. Dans quel pétrin elle s'est fourrée ? C'est ce genre de main tendues qu'elle a attrapé ? Bon sang. A l'instant même où l'homme s'éclipse, tu te relèves brusquement, agité et agacé par tout ce qui vient de se passer sous tes yeux. C'était qui ? Pour qui il travaille ? Avec qui elle s'entretient ? Tant de questions qui traversent ton esprit. Trop pour que tu ne parviennes à en choisir une. « Où j'étais ? En train de me construire un avenir. Et crois-moi, je suis désolé d'avoir sacrifié notre amitié pour y arriver. » Tu hausses le ton, emporté par une colère soudaine, mais tu ne lui en veux pas, à Sera. Elle a raison, tu l'as laissée tomber. Un autre dommage collatéral de ton ascension.

Elle t'en veut, beaucoup. Tu le vois dans ses yeux, tu l'entends dans sa voix. Si t'avais été là, les choses seraient déroulées autrement. Elle n'aurait pas eu à vendre son âme à la mafia de Gotham. Et vous n'en seriez pas là aujourd'hui, sur ces docks, à tenter de ramasser les pots cassés. « Je suis revenu parce que j'essaye de réparer mes erreurs. Evidemment que passer six mois là-bas m'ont changé. Evidemment que j'envisage les choses autrement maintenant que j'ai vu tous ces gens mourir, en plus d'avoir frôlé la mort moi-même. » Personne n'est rentré indemne de ce séjour à New Themyscira. Tu ne portes peut-être pas de blessures apparentes, mais elles n'en sont pas pour autant inexistantes. Elles ne se voient pas, c'est tout. « Me reproche pas de ne pas avoir été là, il faut être deux pour qu'une relation se détériore. » Même si détériorer n'est pas le bon mot. Elle s'est simplement perdue dans le fossé de vos chemins respectifs. Est-ce que tu le regrettes ? Bien sûr. Mais c'est trop tard pour changer les choses, et à quoi bon se tourmenter l'esprit pour ce qui ne peut être effacé ? « Je suis pas en train de te sermonner, j'essaye juste de comprendre. Pourquoi tu m'as pas demandé de l'aide ? Pourquoi tu m'as rien dit ? » T'aurais été là si elle avait osé le faire. Mais elle est bien trop fière, Sera, pas vrai ? Jamais elle ne t'aurait demandé quoi que ce soit, préférant sans doute faire ses propres choix et en assumer ensuite les conséquences. Ça ne change rien à ce que tu penses d'elle, elle reste cette fille indépendante et prête à se battre pour s'en sortir, coûte que coûte. Et elle te le prouve encore maintenant. Simplement, t'as pas envie qu'il lui arrive des emmerdes. Ces gens avec qui elle fait affaires ne sont pas des gens qui acceptent le refus, et un jour ou l'autre, tu crains que tout ne s'envenime considérablement. « Je voulais te revoir. Je voulais m'assurer que tu allais bien, et que tu étais parvenue à t'en sortir, toi aussi. Mais évidemment, je m'attendais pas à ce que tu fricottes avec la mafia de Gotham. » Tout est relatif, puisqu'elle s'en est bien tirée, en apparence. C'est dès qu'on creuse un peu qu'on trouve l'aspect le moins reluisant de sa réussite.

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"I'm not ready, eyes heavy now Heart on your sleeve like you've never been loved Running in circles, now look what you've done Give you my word as you take it and run Wish you'd let me stay, I'm ready now" ♪ Elle sentit sa faute, son empressement à se faire plaindre, alors que Cain n’avait jamais été bien différent d’elle. C’était presque la seule manière qu’elle avait trouvé pour justifier ce pied dans la tombe. Le confort qu’elle avait toujours attendu commençait à lui tendre les bras, et son don encombrant, antisocial était devenir la clé de sa délivrance. Mais un seul regard de Cain sur cette situation la fit douter. N’aurait-elle pas dû se cantonner à aider les héros ? Tous l’oubliaient pourtant bien vite. Les héros n’achetaient pas ses services : Il étaient tantôt brutes, entraient demandaient, menaçaient parfois et disparaissaient sans demander leur reste. Les malfrats, eux, tentaient plus souvent d’en faire une alliée, lui offraient des trucs coûteux… Le jour où ils découvriraient son rôle de taupe, elle ne donnait pas cher de sa peau. Mais s’il n’y avait pas eu tout ça ? Pas de boutique, pas Hiro, pas de contrat de médium / pseudo voyante ? Où en serait-elle ? Une voleuse délaissée de ses parents qui, vivraient de petits vols à la tire, sans éducation et sans alliés, peut être même sans foyer. Ça ne l’aurait pas étonnée d’être retrouvée dans un caniveau, abandonnée là pour avoir voulu voler au plus puissant. Le regard soudain qu’elle jeta à cet enfant avec qui elle avait partagé un bout de chemin, se teinta de bleu, un bleu nostalgique. Où j'étais ? En train de me construire un avenir. Et crois-moi, je suis désolé d'avoir sacrifié notre amitié pour y arriver. Un coup de blues se heurta à son cœur et désormais lourd, celui-ci se contracta. Elle n’avait pas le droit de lui reprocher sa réussite, elle avait été là, à la Nouvelle Orléans quand on l’avait classé jeune entrepreneur émérite. Conférence de presse où il avait été rayonnant mais à laquelle elle avait assisté de loin. Ce jour là, elle ne sait pas tant ce qu’elle était venue chercher mais visiblement en le voyant glorieux et changé, elle avait senti une distance se créer entre eux. Alors, Seraphine avait bu un peu de vin et elle s’en était allée, remontant dans un taxi direction l’aéroport. Une vague de regret l’envahit, elle et son orgueil. Seraphine resta irrémédiablement silencieuse à mesure qu’il parlait. Oui, elle aurait pu en demander, de l’aide à ce moment là, désormais qu’il avait réussi, dans une ville qui avait été le berceau de leur jeunesse, mais elle avait préféré fuir. Pourquoi ? Peut être parce qu’elle avait eut honte. C’était juste après qu’Hiro ne tombe dans le coma. Elle n’avait pas voulu d’une éventuelle pitié et, même si elle était paumée à cette époque, la jeune femme n’avait pas voulu lui nuire. Pensant, peut-être qu’il aurait tout quitté pour lui venir en aide, qu’il lui tendrait la main en mettant de côté sa carrière dans un moment si crucial dans la vie d’un jeune entrepreneur. Tout ça pour une gamine qui avait partagé ses jeux un temps. Avec des “si” on referait le monde, n’est-ce pas ? lança-t-elle dans un sourire triste mais allégé, enfin, de partager sa charge avec quelqu’un. Elle n’ajouta rien sur cette journée d’été où leur route avait manqué de se croiser à nouveau. Je suis désolée, le célibat me rend aigrie, se justifia-t-elle non sans rire de ce mensonge éhonté dans lequel baignait un semblant de vérité. Ça et la paranoïa que je développe … pensa Seraphine. Elle leva la tête, le ciel pollué recouvrait les étoiles mais certaines commençaient à poindre. Le vent poussait les nuages à toute vitesse. Ah ça, la mafia paye étonnamment bien. Je mets de côté pour la retraite. Elle abandonna le sarcasme pour lui prendre la main, les quelques bourrasques s’engouffrèrent de nouveau dans leurs cheveux ébouriffés fabuleusement au gré des éléments : Mais à dire vrai, ça sert les intérêts des bons samaritains en costume aussi… avoua-t-elle après avoir regardé autour d’elle. Les docks étaient calmes, et aucun d’eux n’aurait pu imaginer ce qui s’y profilerait d’horrible quelques temps plus tard. Que le béton se gorgerait de sang et l’air de pression. Entre nous, je ne pouvais que basculer du côté obscur, tu ne crois pas ? Sa longue veste grise s’agitait nerveusement, ses pans battant l’air. J’ai ma part de responsabilité, admit-elle raisonnablement, en faisant écho aux paroles de son ami. Et pour me faire pardonner, je te livrerais un secret. Un des miens ou celui de quelqu’un d’autre. Sa main toujours dans la sienne, elle se leva et chaussa ses escarpins. Mais tu peux prendre ton temps pour y penser. En attendant, bougeons avant de chopper la mort. Son langage un peu vulgaire faisait son apparition en sa compagnie, naturellement et irrémédiablement. Et elle réalisa alors à quel point ça lui avait manqué, cette sincérité physique. Les choses s’échappaient rapidement de tous ses pores, rebondissant comme des balles de ping-pong. Je suis heureuse que tu sois venu. Et je jouerais le jeu, comme tu l’as si bien dit.

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Le regret est horriblement fort ce soir. Plus fort qu'il ne l'a jamais été. T'as tant sacrifié pour arriver à monter cette société, et l'avoir perdue elle, a sans doute été ta plus grosse erreur. Pire même que ce que t'as fait traverser à ton propre frère, car Sera, elle, a toujours été présente quand tu en avais besoin. Vous venez du même monde, jusqu'à ce que tu remodèles le tien, et t'es persuadé que si vous étiez restés proches l'un de l'autre, elle n'aurait jamais plongé dans ce milieu dangereux, et toi, tu ne serais pas devenu cet homme au cœur de glace. T'aimes pas ce qu'elle te confie, t'aimes pas savoir qu'elle trempe dans des trucs louches, avec chaque jour le risque qu'elle n'en réchappe pas. T'ignores exactement à quoi elle joue, mais tu sais déjà qu'elle finira par en perdre le contrôle, et que les conséquences seront déplorables. Il n'y a aucune chance de remporter la partie quand les dés sont pipés. Cette ville, Gotham, elle gangrène ceux qui l'habitent, et toi-même t'as toujours horreur de t'y rendre, comme si c'était là l'endroit le plus proche de l'enfer. Tout est poisseux, les gens ont sans cesse la tête baissée, et maintenant, en plus, elle vient de te prendre une amie. Happée par les vices, elle a emprunté un chemin où tu ne pourras jamais la suivre. Mais peut-être pourras-tu l'en tirer. Elle s'excuse, Sera, alors tu te calmes toi aussi aussitôt. Tu n'as aucune envie de t'engueuler avec elle, alors tu respires un bon coup, et tu cherches déjà une solution au problème plutôt que de l'en blâmer bêtement. Ses choix, t'aurais toi-même pu les faire. Et tu sais que parfois, on a l'impression de ne pas en avoir d'autres. Parfois, aussi, on attrape la première main qui se tend, par crainte de la laisser filer et de ne plus voir une nouvelle occasion se présenter. « Ouais, on referait le monde. Mais ça n'enlève rien aux regrets. » C'est ta responsabilité, ta connerie, et tu es parfaitement enclin à l'assumer complètement. Un fardeau qui s'alourdit encore un peu plus, à mesure que le temps défile, comme si tu prenais malin plaisir à te rajouter du poids à trainer, auto-flagellation d'un homme qui a lui aussi été incapable de faire les bons choix.

C'est drôle, cette main dans la tienne, à chercher à renouer un lien que vous pensiez trop filoché pour encore tenir. Et pourtant. Il y a le naturel qui revient prendre sa place, et qui facilite vos échanges au point de presque effacé le temps écoulé. Tu ne pensais pas que cette visite aurait un tel aboutissement, et malgré les ombres au tableau, t'es plus qu'heureux de cette volonté réciproque d'arranger les choses. Peut-être que vous allez vous en sortir, finalement, et que les erreurs du passé ne pèseront plus autant dans la balance. « Je te connais assez pour savoir que t'as pas vraiment basculé du côté obscur. » Sera n'appartient pas à la catégorie de ces gens là, elle vaut bien mieux. Et ce n'est pas parce qu'elle travaille avec et pour eux que tu vas l'associer à leur perfidie. Même si vos routes se sont éloignées, et qu'elle s'est engouffrée dans une brèche dangereuse, elle reste cette gamine avec qui tu passais tout ton temps, et qu'à l'époque, tu n'aurais jamais pensé voir voir disparaître de ton existence. Ton opinion sur elle n'a pas changée, elle reste la femme indépendante et forte qu'elle a toujours été. Et ça, même les pires crapules de Gotham ne pourront lui enlever. « Un secret, hein ? Prépare-toi, parce que je suis certain que t'en as encore quelques uns à m'avouer. Je vais y réfléchir, et crois-moi, je vais pas te rater. » Voilà, vous venez tout juste de trouver votre vitesse de croisière. Bien sûr, tout reste compliqué, et comment pourrait-il en être autrement avec un passif comme le vôtre, mais aucune raison que vous ne retrouviez pas ce que ce que vous aviez autrefois. En tout cas, toi, t'as plus du tout envie de repartir ou de rejouer la triste carte du silence radio. Vous avez encore beaucoup à vous dire, beaucoup à faire ensemble, et t'es déjà impatient de connaître la suite de votre histoire née il y a si longtemps.

Mais malheureusement, quand ton téléphone sonne, tu comprends qu'il faudra attendre encore un peu. Après t'être excusé auprès d'elle, tu prends l'appel, devinant déjà qu'il mettra fin à vos retrouvailles. Une réunion d'urgence imprévue, après la signature d'un gros contrat à Gotham. Une petite minute de discussion avec ton collègue, et tu raccroches. « Je suis désolé, faut que j'y aille. Le boulot, évidemment. » Le travail, comme d'habitude, devenu une barrière qui t'éloigne de tellement de choses. « Mais promis, t'auras vite de mes nouvelles. Maintenant, je te lâche plus. C'était chouette de te revoir. » Et oui, il s'agit bien là d'une promesse. Après une brève étreinte et un dernier signe de la main, tu t'éloignes d'un pas pressé de ton amie, songeant, pour rendre la séparation un peu moins amère, à la prochaine fois.

sujet terminé

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