Mister J est peut-être parti régler des affaires à l’autre bout du pays, ça n’empêche pas que j’ai du boulot. Ou plutôt une mission. Car ce soir, je suis en mission et celle-ci est personnelle. Quand le chat n’est pas là, la souris danse, non ? Ça tombe plutôt bien, car danser, j’adore ça. Et mon équipe n’est pas en reste. D’accord, ce n’est peut-être pas « mon équipe » à proprement parler, mais au sein des rangs du boss il y avait toujours des âmes volontaires pour faire un petit tour avec la boss-lady et je comptais bien en profiter. J’avais repéré une parure divine dans une bijouterie un peu plus tôt dans la journée et comptais bien l’ajouter à ma collection. J’avais les moyens de me la payer, à vrai dire j’avais les moyens de me (faire) payer à peu près tout ce que je pouvais désirer, mais où était l’intérêt dans tout ça ? C’était bien plus amusant de simplement prendre ce qu’on voulait ! Et depuis cette histoire avec la fusée, Mister J était un peu moins partageur alors j’aimais autant ne rien avoir à lui demander. Si par la même occasion je pouvais lui prouver que j’étais parfaitement capable de me débrouiller seule, c’était encore mieux.
« On y va ! » Panda n’a pas coupé le contact que je suis déjà à moitié sortie du van. J’en profite pour examiner la rue, mes couettes colorées se balançant de chaque côté de ma tête. Les hommes me rejoignent bientôt, leur équipement leur donnant vaguement une allure de tortues ninjas. Seulement armée de ma batte fétiche et vêtue d’une tenue de cuir rouge et noir à la coupe provoquante, je dénote au milieu de leurs accoutrements sombres, sans parler de mon maquillage édulcoré ! Au moins, on sait que je suis là, je ne suis pas du genre discrète de toutes façons.
« Il me faut une dose avant d’y aller. » Mon homme de main préféré sort une boisson énergisante de son veston et me la tend. Raisin, il me connaît tellement bien. Panda a toujours une canette sur lui, sa façon de veiller sur moi. Je prends la boisson et la vide d’une longue traite, sentant le liquide rafraîchissant jusqu’au bout de mes doigts. Mon envie de sucre assouvie, il est temps d’attaquer l’entrée. Littéralement même, et c’est d’ailleurs Panda qui s’affaire avec son chalumeau depuis de bonnes minutes contre la grille de la bijouterie ciblée. Le p’tit nouveau s’est occupé des alarmes et bientôt nous n’avons plus qu’à entrer. J’aime l’odeur des magasins à cette heure de la nuit. Un mélange de javellisant qui me rappelle un peu mon bien aimé, et surtout cette ambiance feutrée, presque intime qui s’abat sur les lieux une fois que les clients et autres employés les ont quittés. S’en est presque trop calme, aussi je ne me fais pas prier pour sortir ma batte et venir l’abattre sur la vitrine principale. Celle-ci vole en éclats et le fracas retentit entre les murs de la bijouterie. Le jeu est lancé. Comme une mécanique bien huilée, en réponse au signal chacun s’affaire bientôt de son côté pour dévaliser méthodiquement les étals.
Assise sur le comptoir, je m’attarde sur une parure particulièrement jolie, l’essai, change d’avis, puis en revêt une autre. Finalement, à quoi bon choisir, je prends les deux. Le carnage s’est un peu calmé, suffisamment pour que l’on perçoive un bruit de sirènes au loin. Je tends l’oreille quelques instants et me rends compte qu’il semble se rapprocher. Depuis mon perchoir, je me penche de l’autre côté du comptoir pour vérifier quelque chose, offrant une vue de choix aux personnes présentes. Je me redresse en fronçant les sourcils et ne tarde pas à pointer du doigt le stagiaire. Il arrête net ce qu’il était en train de faire lorsqu’il croise mon regard. Je lui fais signe d’approcher. À travers son masque, je le vois déglutir lentement, puis il m’obéit. Lorsqu’il est à une distance raisonnable, je saisis prestement l’arme pendue à sa ceinture et vient la lui flanquer contre le crâne.
« Tu as oublié l’alarme silencieuse. » Mon ton est froid et sans appel, dans la boutique plus personne ne bouge. Un large sourire étire mon visage.
« Mais c’était presque trop facile, alors un peu d’animation est la bienvenue ! » Le type recommence à respirer et saisit l’occasion pour proférer quelques excuses. Je ne les entends pas et me contente de lui asséner un violent coup de pied dans les parties intimes, celles-ci se trouvant précisément à hauteur de mon pied dans cette configuration. Quelqu’un vient à son secours et lui conseille de ne rien ajouter et pendant ce temps je me reconcentre sur le problème en cours.
Malheureusement, il est maintenant un peu tard pour faire quoi que ce soit, comme en témoignent les lumières rouges et bleues qui illuminent bientôt la boutique. Je n’ai pas le temps de choisir parmi les quelques options qui flottent dans ma tête que les conversations des flics commencent à se faire entendre et bientôt le mégaphone retentit
« SORTEZ DE LÀ, VOUS ÊTES CERNÉS ! » Je soupire devant le peu d’originalité de ce discours, mais bien vite Panda m’indique qu’il s’agit du lieutenant Miller du GCPD et ça ne m’étonne pas trop. Les autres ont également pris position pour observer ce qu’il se passe dehors, mais puisque Panda a la meilleure place c’est lui que je rejoins. À travers la petite ouverture j’entends les flics s’afférer à installer un barrage et remarque surtout que seules deux voitures sont présentes sur les lieux pour le moment. C’est un bon point pour nous. Je m’apprête à proposer quelque chose lorsque l’écho d’une conversation me parvient aux oreilles.
« … n’a pas besoin de vous monsieur le justicier ! » Je fronce les sourcils et croise le regard désapprobateur de Panda (si, son masque de peluche me fixe avec un drôle d’air, je le jure). J’ai des étoiles plein les yeux. Un justicier, ici ? Mais comment ça, qui, où, pourquoi ? Est-ce quelqu’un que je connais ? Un vrai justicier, un flic optimiste nouveau à Gotham, un citoyen qui fait du zèle ? Je veux savoir, je dois savoir. Panda lève les yeux au ciel, ayant très bien compris où cette petite réflexion m’a mené. Pour toute réponse, je lui souris avant de me redresser pour hurler
« JE VEUX PARLER AU JUSTICIER ! » © TITANIA
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