well darlin' look out, cause my hair is comin' down! (tefé)

Splat. Elle aurait pu, elle aurait dû réfléchir quelques secondes de plus avant de tripoter à nouveau le H Dial – comme se plaisaient à lui rappeler les quelques membres plus raisonnables et raisonnés de la Young Justice lorsque d’aventure, ils partaient en mission, et que d’aventure, Jinny se jetait dans les ennuis la tête la première en se disant qu’elle trouverait une solution à ses possibles problèmes plus tard. Mais c’était une chose de ne pas réfléchir quand c’était elle, qu’elle mettait en danger, avec ses conneries. C’en était une autre quand celle qui s’écrasait par terre à ses pieds à cause de son imprudence, c’était une de ses meilleures copines. « Oh shit. » s’étrangla-t-elle en abandonnant son H Dial dans l’herbe pour s’agenouiller précipitamment auprès de Tefé, s’attendant déjà à la trouver en sang, un bout de cervelle dehors, les bras et les jambes cassés dans des angles bizarres… mais en fait pas du tout. Bouche bée, vaguement interloquée, Jinny regarda Tefé gigoter sur son matelas d’herbe et geindre, et se redresser comme si de rien n’était à part les traces de terre sur sa figure. Une vague de soulagement s’écrasa sur les épaules de Jinny, qui se détendit en poussant un long soupir heureux avant de se relever à son tour. « Tu m’as fait une sacrée frayeur, mais je suis ravie que me flanquer des infarctus t’amuse autant. » Allons, tout est bien qui finit bien. Sage réflexion qu’elle se fit en rajustant son chapeau sur sa tête, réapparu après sa re-transformation, alors que Tefé, elle, décidait d’aller faire la sieste en attendant qu’elles puissent à nouveau prendre la route. « Bonne sieste, flemmarde. » ricana-t-elle, les mains sur les hanches ; puis le temps qu’elle se retourne pour s’emparer de sa boîte à outils récupérée au garage, Tefé était déjà partie rejoindre le pays des songes, entourée de leurs deux compagnons canins. Un tableau très bucolique et mignon, qui lui tira un sourire, avant qu’elle ne s’éloigne vers sa camionnette en secouant la tête.

Il avait souffert de cette plongée improvisée, le Colonel – mais finalement, pas autant qu’elle ne l’aurait cru quand sa plante verte préférée les avait sorties de ce pétrin. Manches retroussées, mains dans le cambouis, oiseaux qui pépient au loin et vent frais portant les odeurs du grand air de la plaine, Jinny perdit rapidement notion du temps, absorbée dans son travail pendant que Tefé et les chiens profitaient d’un repos bien mérité. La sérénité, et le bonheur, aussi, dans le monde de Jinny Hex, ressemblait de très près à ce tableau-là, mine de rien. Le grand air, du travail manuel honnête et efficace, et une compagnie agréable, la voilà, sa sainte trinité à elle. Un parfum de réconfort, et même de salvation, après les événements des mois précédents… même si dans les rêves de Tefé, visiblement, elle avait droit à une journée nettement moins tranquille. Un sourire accroché au coin des lèvres, Jinny se tourna un peu pour attraper une vis dans sa boîte à outils – et bondit en tombant nez-à-nez avec une fleur sortie de nulle part, et équipée d’yeux, par-dessus le marché. « Gyah ! » s’écria-t-elle fort peu élégamment, la vis bondissant de sa main pour aller atterrir dans l’herbe. Mais non, il ne s’agissait pas d’une énième invasion alien, ni même de Poison Ivy. Juste du papa de Tefé qui, visiblement, venait vérifier que sa fille chérie était encore en un seul morceau. Heureusement qu’il n’était pas passé quand elles jouaient avec le H Dial, songea-t-elle en fixant la fleur parlante avec de grands yeux et en hochant lentement la tête. Et en enregistrant à moitié seulement ses paroles. « Hein ? La pardonner ? De quoi ? Quel poids ? Quel passé ? Enfin, je veux dire, elle ne m’a jamais rien fait, Tefé… » bafouilla-t-elle, jusqu’à se voir interrompre par la voix de la belle au bois dormant, et de plisser les yeux sous son chapeau. « … enfin, à part imaginer secrètement que je me fais dévorer par son chien, apparemment. » Peut-être que Tefé avait quelque chose à lui dire, finalement.

« Je sais que tu vas râler parce qu’il y a des gens, mais je meurs d’envie de churros depuis qu’on a vu le panneau sur l’autoroute. » Mais, que Tefé rêve secrètement de la voir se faire mordiller le mollet par Merc ou non, elle restait sa compagne de voyage, et son amie, et Jinny était toute disposée à lui pardonner ses élans meurtriers inconscients pour continuer leur petit road trip au gré des routes droites du Connecticut. Il lui avait fallu deux bonnes heures pour remettre le Colonel en état de marche, et le moteur crachait encore un peu, mais il tiendrait le coup jusqu’à ce qu’elle regagne Rhode Island et puisse le confier aux bons soins de Conner. En attendait, elles roulaient tranquillement vers l’est, voguant sans trop savoir vers où, sans autre but qu’apprécier la compagnie et l’instant présent. Et après un peu de conduite, Jinny, qui par un miracle quelconque n’était pas en hyperglycémie, avait repéré des panneaux tout colorés, de bleu, de jaune, de rose, annonçant joyeusement l’existence d’une fête foraine locale à quelques kilomètres de là. Le monde commençait doucement à reprendre des couleurs, au lendemain du désastre de New Themyscira, et après avoir vécu trois mois dans des ruines et des caves désaffectées, la cowgirl comptait bien en profiter. Carpe Diem, c’était là son motto renouvelé. « On n’a pas besoin de rester longtemps. Juste assez pour profiter de la malbouffe horriblement tentatrice, faire une ou deux attractions si tu te sens d’humeur aventureuse, et on repart trouver un coin où passer la nuit. Deal ? » Alors qu’elle monologuait, Jinny engagea le Colonel sur le parking en terre battue, trouva une place entre un autre pick-up et un 4x4 familial, et parvint même, miracle du Seigneur, à s’y parquer presque sans érafler la carrosserie du 4x4. Le frein à main couina et marqua l’arrêt total du véhicule, et Jinny ouvrit sa portière pour sauter les deux bottes les premières dans la poussière couleur rouille. D’ici, déjà, elles pouvaient sentir l’odeur de friture, de barbe-à-papa, de pommes caramélisées, et de pizzas qui les attendaient à l’intérieur de la petite foire. Sitôt les deux chiens libérés, eux aussi, Jinny contourna le Colonel et, tout sourire, glissa son bras sous celui de Tefé pour la forcer l’encourager à la suivre. « T’as déjà été dans une fête foraine ? Je m’imaginais bêtement que oui, mais en fait c’est pas toujours si évident. » Pas pour ses amis pas complètement humains, quoi. Et même pour les humains, ceux de son entourage actuel avaient parfois eu des parcours… assez surprenants. Ne plus tirer de conclusions hâtives, la voilà, la leçon à retenir.

Spoiler:

AVENGEDINCHAINS

well darlin' look out, cause my hair is comin' down!

« Aaaaaah-ah... Depuis quelques heures, elle ne s'exprimait plus que soupirs d'aise. Les bras croisés sur le rebord de la vitre ouverte, la joue posée sur ses bras, le vent sur son visage et dans ses cheveux, Merc assis entre ses jambes croisées, qui lui aussi avait posé sa tête brune sur le rebord, les oreilles pliées en arrière par la brise... Elle n'aurait probablement pas dû apprécier autant l'idée de rouler tout droit avec absolument zéro destination en répandant sur son chemin du dioxyde de carbone, mais c'était trop bon, elle ne pouvait pas s'en empêcher. Il y avait bien eu un moment difficile quand elle avait perdu ses lunettes de soleil happées par le vent alors qu'elle passait la tête par la fenêtre comme un chien, mais elle s'était montrée extrêmement mature à ce sujet, se contentant de donner un coup de poings rageur dans la portière du Colonel, en y laissant la marque de ses phalanges au passage. Pauvre Colonel, elle lui aurait fait subir tous les outrages. Jinny l'avait réparé en quelques heures seulement, même si elle avait prétendu que ce n'était que du provisoire. Cela avait fait sourire l'élémentaire. Bien sûr, il fallait que tout cela s'achève d'une façon ou d'une autre. Tefé ne la suivrait pas jusque chez elle, jusqu'à sa nouvelle bande et le reste. Pourquoi est-ce qu'elle ne pouvait pas faire ça à jamais, rouler sur une route pour nulle part ? La Terre était ronde, après tout. Mais bon, pour commencer, elle n'avait pas le permis, et puis ces trucs-là ne se faisaient pas tout seul... Elle tapota la carrosserie du bout des ongles, le compte à rebours de son existence désormais entièrement dépendant du Colonel. « Aaaaah... » Elle répondit aux paroles de Jinny par un autre soupir béat, l'écoutant d'une oreille seulement, les yeux mi-clos, le front dégagé par le vent.

Elle se secoua alors que le décor changeait et qu'elles arrivaient dans un endroit qui semblait un peu plus civilisé que jusqu'à présent. Un parking, devant ce qui semblait être une fête foraine, le genre campagnarde mais d'autant plus fournie en manèges qu'il y avait de la place pour les installer. Elle se laissa couler hors du Colonel et entraîner par son amie. Était-elle déjà allée dans une fête foraine? Impossible que ses parents l'y aient emmenée, même si elle se rappelait vaguement d'un carnaval à La Nouvelle-Orléans. Elle n'y était certainement pas allée toute seule. Mary Conway aurait été du genre à s'y rendre avec ses amis, mais Tefé n'avait pas envie d'ouvrir les tiroirs de ces souvenirs-là maintenant. « Non, jamais. Mais j'ai vu Destination Finale 3. » Comme si ça suffisait à lui donner les connaissances nécessaires sur une fête foraine. En tout cas elle devait bien avouer que ça sentait rudement bon. Mais c'était aussi l'un des endroits les plus bruyants qu'elle avait jamais vu, à part n'importe quelle centre-ville de mégapole. Elles achetèrent des billets d'entrée, ou plutôt Jinny acheta vu qu'au moment de payer, Tefé tapota ses poches en ce geste universel du loser qui n'a pas d'argent sur lui, sans en ressentir la moindre honte, puis elle se figea, le bec ouvert. Tout ce monde... tout ce bruit... toutes ces odeurs... Dans les films, ça avait toujours l'air tout petit et uniquement fréquenté par des gosses, mais en vrai, c'était grand et uniquement fréquenté par des gosses. Qui couraient dans tous les sens, leurs parents à leurs trousses. Il y avait aussi des grappes d'ados. Des couples. Des familles nombreuses. Des types déguisés en clown offraient des ballons aux gamins qui s'approchaient un peu trop près d'eux et elle ressentit une violente envie d'en frapper un - de clown, pas de gosse.

Lumières, sons, parfums, il n'y avait rien ici de près ou de loin qui soit proche de la nature, elle avait même l'impression que c'était un endroit encore plus humain que la ville. « Heyyyyyyyy mesdemoiselles, approchez, approchez, le grand Mysterio vous prédit votre avenir pour un dollar cinquante ! » Tefé sursauta comme si elle venait de mettre deux doigts dans la prise et recula d'un pas pour s'éloigner du type qui avait pénétré son espace vital pour lui faire la pub de Mysterio, dont la tente se situait tout près. « Mysterio comme le catcheur ? C'est ça qu'il fait maintenant qu'il a pris sa retraite ? C'est pathétique. » Elle entraîna Jinny un peu plus loin, laissant le type avec ses « quoi ? hein ? » et secouant la tête. « Je te le dis moi, te fais pas prédire l'avenir, jamais, même par Rey Mysterio. Ces trucs-là, ça fera que t'attirer des ennuis. Oh, c'est ça que tu cherchais ? » Telle une bête, elle avait senti le stand avant même de le voir. Une petite roulotte qui vendait des trucs dégoulinant de sucre et de gras. S'il y avait bien un aspect de son corps humain qu'elle ne détestait pas toujours c'était son aptitude à inhaler de la nourriture et autant dire que quand elle en avait l'occasion, elle ne s'en privait pas. En gros, soit elle se nourrissait de baies, de plantes et d'eau claire, quand elle vivait loin des hommes, soit elle bâfrait de la junk-food non-stop quand elle était parmi eux, sans juste milieu. Et bientôt, elles eurent entre les mains les sacro-saints churros, une première pour Tefé. Nourriture des dieux s'il en était, d'ailleurs elle était sûre, maintenant qu'elle y avait goûté, que c'était de ça dont se nourrissaient les Amazones sur Themyscira, vautrées sur des divans, entre deux coupes d'hydromel. « C'est pas mal. C'est un peu bruyant mais c'est pas mal. Je te vois bien être venue dans ce genre d'endroit ado avec tes amis pour un premier rencard sur la grande-roue et plus si affinités. »

Elle hocha la tête en scannant Jinny du regard, certaine d'avoir raison, vu que ça se passait toujours comme ça dans les séries télé. Puis son oreille aiguisée capta des hurlements de terreur qui sonnaient comme une douce musique pour elle et elle leva les yeux avant de se figer, son churro à la main, les yeux écarquillés. Dépassant par-dessus tous les autres manèges, dans toute sa gloire, se trouvait un rollercoaster, comme dans Destination Finale. Elle devait bien avouer qu'elle avait toujours eu envie d'essayer. Elle se tourna vers Jinny, la saisissant par sa manche pour tirer dessus. « Je veux faire ça. » Une nouvelle salve de hurlements la conforta dans son choix. Mais elle pouvait imaginer que son amie n'en ait pas envie, cela dit. Et après une seconde de réflexion, elle ajouta : « T'es pas obligée de venir, tu pourras tenir mes churros. Mais tu les manges pas, hein ? » C'était à ça des fois qu'une amitié se jouait, et Tefé était sérieuse, sur l'échelle des churros, il y avait des trahisons qui ne pourraient être pardonnées, enfin pas avant quelques heures.

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Oh bordel non pas un voyant. Une terrible sensation de fin du monde imminente prit Jinny à la gorge, alors que devant ses yeux défilaient les images de sa dernière visite chez une voyante, qui s’était soldée par la révélation d’un lien quasi-télépathique entre elle et un type qui finalement avait révélé de s’être immiscée dans sa vie que pour y mettre un terme très définitif – certes, il y avait peu de chances pour que ce numéro se répète avec Tefé, mais Jinny ne tenait absolument pas à tenter l’expérience. Traitez-la de parano, maintenant, elle préférait se méfier. Le traumatisme était réel, et elle n’avait aucune envie de partager sa conscience avec encore quelqu’un d’autre, merci bien. L’avantage, c’était que si elle expliquait à Tefé, elle était à peu près sûre qu’elle comprendrait et approuverait sa prudence. Ne serait-ce que parce que Tefé aussi semblait avoir une dent contre les voyants et autres diseurs de bonne aventure. Mais avant que Jinny n’ait le temps de poser les questions qui fâchent, Tefé avait déjà découvert le Saint Graal, dont l’odeur sacrée et divine vint chatouiller à son tour les narines de la cowgirl. Voilà. C’était comme ça qu’on profitait pleinement d’une sortie improvisée dans une région qu’elles ne connaissaient pas le moins du monde, dans une foire dans une petite ville dont elles ignoraient même le nom. Jinny mordit dans son churros, immédiatement conquise par la sensation réconfortante et chaleureuse de la pâte frite et pleine de gras contre son palais, une véritable barre de bonheur concentré, si on lui demandait son avis, dont son estomac affamé se réjouissait d’avance. Enfin quelque chose de normal. Enfin quelque chose de familier, et réconfortant, comme les souvenirs que Tefé conjurait en tapant en plein dans le mille avec ses suppositions, ce qui tira un sourire à Jinny qui mâchait encore son churros. « Elle s’appelait Mathilda. Elle était dans l’équipe de cheerleaders et elle a déménagé deux jours après notre premier baiser dans la grande roue. Mon premier grand chagrin d’amour. » Et clairement pas le dernier – mais comme elle avait envie de tout, sauf de penser à sa traîtresse infidèle d’ex-petite-amie, Jinny reporta son attention sur son churros, et l’odeur de barbe-à-papa qui flottait dans l’air, et les cris des enfants et les ding ding ding des stands de punching balls et autres attrape-nigauds qui donnaient tout leur charme à ces bulles improbables de divertissement. Vraiment, elles avaient très bien fait de venir.

Jinny faillit avaler son morceau de churros de travers, brusquement interrompue dans sa marche enthousiaste par la poigne de Tefé qui la stoppa net avec la détermination de l’enfant demandant à sa mère un tour de manège. « Pas obligée de venir ? Tu veux juste un larbin pour tenir tes churros pendant que tu t’amuses, c’est ça ? » rétorqua-t-elle en feignant l’indignation sans la moindre conviction. Evidemment qu’elle allait venir sur ce rollercoaster, sacrénom. Sans laisser à Tefé le temps de négocier, ce fut à son tour de la saisir par la manche pour l’entraîner en direction de l’attraction tant convoitée. Dans la file, en attendant leur tour, coincées entre une famille de quatre marmots surexcités et un jeune couple particulièrement enthousiaste dans ses démonstrations d’affection, elles eurent tout le loisir de finir leurs churros, se délectant des cris de frayeurs de ceux qui passaient avant elle, leur imagination toute prête à s’emballer en imaginait les frissons d’adrénaline que tout ça leur promettait inévitablement. Et enfin vint leur tour, et Jinny entraîna Tefé pour prendre place sur les tous petits sièges durs comme de la pierre et franchement inconfortables qui semblaient faire partie de la tradition, et aida sa copine à s’y retrouver avec la barrière de sécurité – si, Tefé, je te promets, c’est obligatoire et pas si idiot que ça, comme concept. « Accroche-toi à tes basques. » recommanda-t-elle ; et dans un timing parfait, les wagons sursautèrent d’un même ensemble, et remontèrent lentement le long des rails, clac-clac-clac-clac, ascension vertigineuse qui culmina au point le plus haut de toute cette fête foraine, leur offrant une vue imprenable sur le contrebas tout de même vachement vertical. Jinny émit un rire qui ressemblait plus à un gloussement d’excitation, et au cas où Tefé soit en train de changer d’avis bien trop tard, elle lui offrit sa main – libre à elle de la prendre ou non – tout en maintenant son chapeau en place de l’autre. Depuis combien de temps n’avait-elle pas pris le temps de complètement oublier le tournant extrêmement bizarre que sa vie avait pris depuis la mort de sa mère ? Trois ans, exactement. Depuis la mort de sa mère, en fait. Quelle ironie que la normalité fasse son grand retour grâce à une fille qui avait plus d’affinités avec les plantes qu’avec le reste de l’humanité.

« Woooooo ça décoiffe ! » s’exclama joyeusement Jinny en remettant son chapeau en place, effectivement décoiffée après les loopings et autres soubresauts enchaînés à toute berzingue sur ces rails dont elle avait bien cru qu’ils allaient se détacher sous le poids des wagons – mais ça faisait partie du jeu, pas vrai ? Elle avait mal partout, ses pauvres reins malmenés par les sursauts de l’attraction, mais au moins, ses churros étaient restés dans son estomac. Tout le monde n’avait pas eu cette chance-là. Jinny se tourna vers Tefé, bien curieuse de voir si son estomac à elle avait survécu au traitement du rollercoaster, et enfonça les mains dans les poches de son pantalon. « Alors, ça t’a plu ? » C’était sûr qu’elle n’avait pas des trucs comme ça, dans ses forêts et ses marais, Tefé – remarque, elle avait peut-être encore mieux, et c’était elle qui n’y connaissait rien. Jinny, en tout cas, était ravie de ce tour de manège. Et n’avait absolument aucune envie de s’arrêter en si bon chemin. Les chiens pouvaient bien les attendre quelques minutes de plus dans la camionnette, non ? « J’ai une autre idée. » Le visage de la cowgirl s’illumina quand ses yeux tombèrent sur une autre des innombrables attractions de son enfance et de son adolescence, et elle pointa du doigt les auto-tamponneuses sur lesquels des gosses et des ados boutonneux s’éclataient déjà. « C’est sûrement la seule attraction du monde où tu peux te défouler sur les autres sans que personne ne trouve rien à y redire. Une pote à moi dirait que c’est très cathartique, comme expérience. Allez, viens ! » D’autorité, Jinny attrapa Tefé et l’entraîna à sa suite jusqu’au guichet, leur acheta un billet à toutes les deux, et guida sa plante préférée jusqu’à deux petites voitures encore libres. Avec adresse, et en se contorsionnant un peu, Jinny se glissa dans la première, et appuya sur la pédale pour démarrer – weeeeee c’était aussi grisant que dans ses souvenirs ! Les yeux pétillants de malice, elle fit un ou deux tours de piste en attendant que Tefé ne suive son exemple… et à peine son amie fut-elle assise dans son véhicule, que Jinny lui fonça droit dessus avec un grand sourire de prédateur, et la percuta de plein fouet. BAM. Et rit aux éclats, excitée comme une puce. « Je parie que t’arriveras pas à me rentrer dedans. » Chercher la bagarre. Se chercher des puces. Qu’importe ce qu’elles cherchaient, du moment qu’elles se trouvaient et qu’elles pouvaient se marrer un peu, pour oublier à quel point leurs mondes rimaient avec un grand n’importe quoi.

AVENGEDINCHAINS

well darlin' look out, cause my hair is comin' down!

Elle sentait qu'il y avait baleineau sous gravillon avec cette histoire de Mathilda-sur-la-grande-roue, mais Tefé choisit de ne pas poser de questions pour le moment tout simplement parce que, s'agissant d'une cheerleader, on pouvait être sûr que tout ça avait mal fini. Fut un temps où sa meilleure amie avait été une cheerleader et devinez quoi ? Elle avait couché avec son petit ami, faisant de Tefé l'héroïne involontaire d'un teen-movie pathétique qu'elle s'était elle-même chargée de transformer en slasher en se débarrassant des deux clichés ambulants qui lui avaient servi d'amis du temps où elle était Mary Conway. Apparemment, Jinny avait laissé partir sa cheerleader à elle, mais il n'était jamais trop tard pour réparer ses erreurs, songea-t-elle sagement avant de ranger cette affaire dans sa mémoire à tiroirs, pour la ressortir plus tard, un jour, probablement dans un moment absolument pas adéquat. En attendant, elle avait exprimé son envie de faire un tour de grand huit, et la cow-girl était d'accord. Là, Tefé découvrit un aspect de l'humanité qu'elle n'avait encore jamais expérimenté jusque-là ; décidément c'était le jour des premières fois : faire la queue. C'était particulièrement barbant et au bout de quelques minutes à peine, insupportable, mais heureusement, elle avait ses churros pour passer le temps, ainsi que les doux cris d'agonie qui s'élevaient de l'attraction à intervalles réguliers, sans parler de ce type qui, une fois descendu du rollercoaster, se précipita pour vomir dans  une poubelle tout près d'elles, ce que ne manqua pas de remarquer Tefé qui se moqua de lui en le pointant du doigt tout en finissant ses churros. Puis elles furent enfin assises dans leur wagon et maintenues dans celui-ci par une barre en métal qui pressait contre son petit corps maigrichon, ce qui la mit grandement mal à l'aise.

Elle dut bien s'avouer que tout la préparation du grand moment ne fut pas agréable. Prisonnière du wagon, celui-ci semblant ahaner dans la côte pour les amener au sommet du grand-huit avec de grands bruits métalliques peu rassurants, il y avait un côté irrémédiable à tout cela, comme si c'était trop tard pour reculer et qu'un choix fait quelques minutes plus tôt allait se révéler atrocement malvenu... Elle ne pensa même pas à profiter de la vue. Puis le wagon plongea et pendant les minutes qui suivirent, elle perdit un peu conscience de la réalité. Chacun son style dans ces moments-là, elle entendait Jinny rire à côté d'elle, mais en ce qui la concernait, elle passa tout le tour à la bouche grande ouverte en un hurlement silencieux, en état de choc, et ce ne fut qu'à la fin qu'elle se rendit compte qu'elle compressait la main de Jinny dans la sienne comme un étau. Elle tituba hors du wagon en essayant de savoir si elle s'était amusée ou pas, mais c'était difficile à dire, là tout de suite. « Je sais pas trop... J'ai pas eu le temps d'y réfléchir... » Et c'était vrai, elle ne pouvait pas prétendre s'être éclatée, mais elle n'avait pas détesté non plus. En fait, elle n'en gardait que la sensation physique d'écrasement, et finalement, elle se retrouva à son tour penchée au-dessus d'une poubelle, comme un retour de karma, à dégueuler les churros qu'elle venait d'avaler et qui étaient beaucoup moins bons au deuxième passage. Bon, ça ne faisait jamais que deux fois qu'elle gerbait en présence de Jinny, ça allait finir par lui faire gagner un surnom. Elle se redressa en lâchant un bruit non identifiable, puis arracha son coca à un préado de douze ans qui passait par là avec ses potes pour se rincer la bouche. Le gamin commença par protester puis fila ventre à terre en voyant sa tête. Elle n'avait aucun problème à grogner sur lui, et rejoignit Jinny en sirotant son coca nouvellement acquis avec tout le naturel dont elle était capable. « C'est bon, je suis prête, même à rouler une pelle à quelqu'un sur une grande roue s'il le faut. » Parce que le romantisme n'était jamais mort en sa présence.

Mais Jinny avait une autre idée. Le temps d'inhaler son coca, Tefé se retrouva au volant d'une petite voiture très simple à conduire, même pour elle, et il semblait que le but de cette attraction était de foncer dans les autres voiturettes. Pourquoi est-ce qu'elle n'entendait parler de ça que maintenant ? Cathartique, c'était exactement ce dont elle avait besoin. Elle sentit un choc monumental qui la secoua dans son autotamponneuse, serra le volant à deux mains et entra en action. Tel un char d'assaut, elle partit en marche arrière, écartant de son chemin deux chiards assis côte à côte, puis écrasa la pédale d'accélération, cherchant Jinny des yeux au milieu des autres participants. C'était une magnifique métaphore. Telle une moissonneuse-batteuse, elle fonça droit devant avec l'impression que sa détermination à elle seule suffisant à rendre son auto plus puissante et plus destructrice que les autres, alors que c'était une illusion. Moïse de l'auto-tamponneuse, elle fit s'ouvrir la mer Noire de voitures devant elle à grands coups de volant, se vengeant de tout sur tout le monde par procuration, puis repéra une chevelure rousse et un chapeau de cow-girl. En cette seconde, ce n'était pas Brainiac, l'ennemi à craindre, c'était elle, Tefé Holland, et ses capacités de conduite de véhicule désespérément nazes. Peu importait le passé de Jinny, les gens qui devaient se dresser sur sa route, ceux qui se prétendaient sa némésis, ceux qui un jour seraient ses ennemis mortels, là, tout de suite, la pire menace pour la cow-girl était une plante dans une auto-tamponneuse, et soudain, la voie fut libre, Tefé écrabouilla la pédale, son auto bondit en avant, elle crut s'entendre brailler comme Braveheart menant ses hommes à la charge contre les Anglais, la distance entre les deux voiturettes se réduisant en quelques secondes jusqu'à ce que le choc, homérique...

« Aaaaaaaah... » Assise sur le capot du Colonel, Tefé se tenait la nuque d'une main et vidait le contenu d'une canette de bière dans son gosier de l'autre. Elle coula un regard de côté à son amie, avant de reporter son attention sur Merc et Sawyer qui se couraient après sur le parking en terre de la fête foraine qui continuait de battre son plein. Le soleil se couchait, donnant un ton orangé au paysage. « Désolée, je me suis un peu laissée emporter. C'est ces histoires de cheerleaders, et puis j'avais vraiment besoin de me défouler après tout cette merde. » Bien sur, Jinny et elle n'avaient pas vécu les mêmes merdes avant de se retrouver quelques jours auparavant, mais Tefé savait que par la force des choses, son amie aussi sortait d'une période pourrie, donc elle pouvait comprendre. La plante fit craquer son cou, encore endolori après qu'une garce de huit ans l'ait fauchée par la droite au moment où elle-même rentrait à tout allure dans l'auto-tamponneuse de Jinny. Avec un sentiment profond d'injustice, Tefé avait sauté de son véhicule pour brailler sur la gosse, qui lui avait alors fauchée les jambes avec son auto, et après ça, l'élémentaire avait vu rouge, puis le propriétaire du manège l'avait jetée de son attraction, et quelques types baraqués l'avaient jetée - avec Jinny - de la fête foraine. Qui aurait pu croire qu'il y avait un service de sécurité dans ce genre d'endroit. Et qu'apparemment, on ne pouvait pas saisir une enfant de huit ans par le col de sa chemise et de la secouer jusqu'à ce qu'à la faire pleurer. Bref. « Enfin, en tout cas, c'était chouette. Et il faudra que je retente le rollercoaster, maintenant que je sais à quoi m'attendre. » Elle termina sa canette, l'écrasa dans sa main et la lança à Merc, qui la rattrapa au vol dans sa gueule avant d'aller la jeter dans la poubelle la plus proche - la jaune, celle du recyclage. Tefé s'allongea sur le capot cabossé avec un soupir d'aise. « Merci Jinny. Si t'étais pas là, je sais pas qui aurait pu m'amener dans un endroit pareil. » Et lui occuper l'esprit pendant ces quelques jours bénis de pure procrastination. Elle fixa le ciel couleur de feu pendant un moment. « J'imagine qu'il va bien falloir que tu retournes à ta vie de Jinny Hex, cow-girl au grand cœur et au coffre rempli de problèmes à régler. Je crois que je suis censée faire pareil, enfin, le grand cœur en moins. » C'était tout le problème avec les retrouvailles et les bons moments : à un moment donné, ça finissait en séparation et en mauvais moment à passer. Est-ce que ça en valait vraiment la peine ? Elle aurait pu être au bord d'une route quelque part, seule avec Merc, son humeur égale par rapport à il y avait quelques jours et sans ces nouveaux souvenirs qui deviendraient forcément doux-amers puisque ce ne serait plus que des souvenirs. Putain, est-ce que ça en valait vraiment la peine ? Et puis quelque part dans ce ciel fauve se planquait un futur ennemi, promesse éventuelle que cette séparation serait peut-être définitive. Tefé ne comptait pas se mêler de cette histoire, mais elle doutait que son amie ne se retrouve pas sur le champ de bataille. « Bon... Avant qu'on se dise adieu, juste au cas où ce serait la dernière fois qu'on se croise, est-ce qu'on peut rouler encore un peu ? Vers n'importe où, on s'en fiche. On se contente de rouler encore un peu. » Et puis, dans quelques heures, ou quelques jours, Tefé s'en irait, disparaîtrait, probablement à un moment où Jinny dormirait parce qu'elle n'aimait pas dire au revoir, ne savait pas comment faire sans se sentir ridicule. Alors oui, voilà. Rouler encore un peu avec le soleil couchant dans la gueule, et faire semblant de croire que c'était une vie tout à fait possible, avant que la réalité ne les rattrape. S'il y avait bien une personne qui pouvait lui offrir ça, c'était celle-là, Jinny Hex.

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Il y avait des bonnes et des mauvaises douleurs, dans ce monde. Les mauvaises, c’était quand on se rendait compte que quelqu’un qu’on considérait un ami n’avait rien souhaité d’autre qu’établir une proximité pour mieux vous planter une balle entre les deux yeux – et qu’il était passé à deux doigts de l’estomac, à la place. Les bonnes, elles, pouvaient inclure des muscles douloureux et malmenés après une partie d’auto-tamponneuses particulièrement musclée, suivie d’une petite altercation avec une gamine terrifiée et le service de sécurité local, qui n’avait visiblement pas l’habitude, ni l’envie de faire dans la dentelle, face à une redneck en chapeau et une blonde qui avait tout d’une punk à chien, jusque dans l’attitude déplorable et franchement belliqueuse. Oui, elles s’étaient vues jetées dehors. Oui, ça avait été humiliant et franchement pas super fun – surtout qu’elle avait drôlement envie d’une barbe à papa, maintenant, mais que du coup, c’était un peu tard. Mais est-ce qu’elle referait exactement la même chose ? Re-déciderait d’initier Tefé aux joies des auto-tamponneuses en sachant très bien que sa copine avait la patience d’un feu d’artifice et le caractère explosif qui allait avec ? Absolument. Allongée sur le capot un peu bousillé du Colonel, Jinny rigolait encore bêtement en repensant à la tête de tous ces gens alors qu’elles se faisaient traîner dehors comme des malpropres. Ca faisait un moment qu’elle n’avait pas ri comme ça, quand même. « Hé, on l’avait bien mérité après la journée qu’on a passée. On ne dira juste à personne que notre idée d’un bon moment, c’est de traumatiser des gamins qui n’ont rien demandé à personne. » Avec un peu de chance, ni Batman, ni Superman, ni personne n’en saurait jamais rien. Quoique, elle raconterait bien à Jason, tiens. Ca pourrait le faire rire, lui. Ou lui faire froncer les sourcils, maintenant qu’il était papa. Oups.

Paisiblement affalée sur son capot, Jinny était presque tentée de s’endormir là, sur ce parking – elle avait vécu moins confortablement, lors de ses pérégrinations – et fut tirée de ses rêveries par la voix de Tefé, qui lui tira un sourire. Elle n’avait eu aucune idée d’à quoi s’attendre, lorsqu’elle avait répondu à l’appel de Swamp Thing, mais après ce road trip improvisé, ma foi, si elle avait contribué d’une façon ou d’une autre à l’éducation de Tefé au monde des hommes, aussi bizarre et peu accueillant soit-elle, alors elle ne pouvait demander plus grande satisfaction. « Merci à toi. Sans toi, ça ne me serait même pas venu à l’esprit d’y aller toute seule. » Et puis, il y avait quelque chose de spécial dans le fait d’essayer quelque chose pour la première fois, et d’assister à une première fois de quelqu’un d’autre. Quelque chose d’un peu magique, peut-être même plus que tout ce qu’elle avait dans sa malle infernale. Et de très satisfaisant aussi, persuadée maintenant que Tefé saurait trouver le chemin de la prochaine fête foraine, même sans elle, et en garderait leurs bons moments à elle en tête. « Hmm il faudrait. Le devoir finira bien par m’appeler, même si j’essayais de m’enterrer au fin fond du Connecticut. Il paraît que c’est ça, grandir. » Et avec un rire, elle gratifia Tefé d’un coup de coude affectueux. « Tu verras, même toi tu peux y arriver, à ta façon. Qui sait, tu trouveras peut-être pas ça si mal. » Elles avaient beau avoir la sauvagerie dans le sang, toutes les deux, c’était sans doute bien là que leurs chemins différaient. Tefé ne vivait, ne vivrait peut-être jamais pour personne d’autre qu’elle-même, et si c’était son choix, alors elle avait bien raison. Mais elle ? Elle, elle avait décidé de lier le sien à ceux d’une pelletée d’autres. Alors forcément, à la fin, il fallait revenir au bercail. Mais après ces quelques jours d’aventure loin de toutes les fins du monde, elle se sentait enfin prête. A remettre Hex au placard, et laisser Jinny faire son job.

Des adieux. Jinny non plus n’avait jamais été douée pour ça. Peut-être parce qu’elle n’avait jamais eu l’occasion d’en faire, dans le fond. Un père démissionnaire parti avant sa naissance. Une mère écroulée qui ne s’était jamais relevée. Un ami devenu traître sans avertissement. Donc ouais, elle non plus, elle n’avait pas envie de faire des adieux tout de suite – d’ailleurs, ça n’en serait pas, des adieux, parce qu’elle avait bien l’intention de survivre à tout ce que Brainiac pourrait bien leur envoyer sur la tronche. Donc, cette séparation, elle ne serait que temporaire. Obligé. Mais est-ce que ça les forçait à la mettre à exécution là, tout de suite ? Jinny était bien d’accord avec Tefé. Le vrai monde pouvait bien attendre encore un peu. Pourquoi se hâter, quand il leur semblait presque avoir tout le temps du monde ? « Alors roulons encore un peu. Ce ne sont pas quelques kilomètres en plus qui feront la différence. Et si Brainiac a un problème avec ça, il pourra venir nous le dire lui-même. » On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans – et visiblement, on ne l’est pas beaucoup plus quand on en a vingt-quatre et une foule de problèmes chevillés au corps. Mais quelle importance ? A elles deux, elles avaient le monde entier sous les yeux, toutes les routes ouvertes à leurs pérégrinations, et aucune limite que celle du temps qu’elles voudraient bien se donner. Et puis, à un moment, Tefé disparaîtrait, comme elle disparaissait toujours, et Jinny saurait qu’est venu le moment pour elle de reprendre le cours de son existence un poil chaotique. Tefé Holland comme parenthèse. Tefé Holland comme ponctuation dans une partition qui lui échappait quotidiennement – Tefé Holland comme arrêt forcé, et comme rappel de tout ce qui était vraiment essentiel. Deux filles, une camionnette, et l’aventure à perte de vue.

FIN.

AVENGEDINCHAINS