BRUCE ✸ breezeblocks

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

« Veux-tu devenir ma femme ? » Un faible sourire, noyé par la tristesse. L’écho de sa voix la tirait parfois de ses pensées, avant qu’elle replonge dans la sombre réalité. Bruce n’est plus là. Elle voulait s’enfermer dans un lourd sommeil, et ne plus jamais le quitter. Dans ses rêves, elle entendait ses soupirs, sentait son souffle sur sa peau. Elle redécouvrait la couleur azur de ses yeux, et ses bras qu’elle avait choisi comme refuge. Elle, la vagabonde, la sauvage. Elle refusait d’oublier les détails de leur dernière nuit ensemble. Elle fermait alors ses paupières, comme un enfant qui faisait un vœu ; mais jamais le sommeil ne venait. Comme une punition, Selina était privée de l’image de l’homme qu’elle aimait. Recroquevillée dans son lit, elle serrait son coussin entre ses bras, cherchant à y retrouver la chaleur du corps de son amant : il n’en était rien. Ses draps restaient froids, et personne ne les partagerait de nouveau. Cette nuit encore, elle n’avait fermé l’œil qu’une heure ou deux. La fatigue habitait son visage, affaiblissait son corps, la coupait du monde. Son regard se perdait inlassablement dans le vide, alors que ses doigts fins caressaient le collier de perles qu’elle portait autour de son cou délicat. « Sois maudit, Bruce Wayne. » Elle répétait ces mots à voix haute, comme pour s’en convaincre. Comme pour faire naître une haine à l’égard de l’homme qui avait pris son cœur, et qui l’avait emporté avec lui. C’est moi la voleuse, Bruce. Je ne t’ai jamais autorisé à inverser les rôles. Depuis combien de temps, n’était-elle pas sortie ? Elle ne mangeait plus, ne sortait plus, avait perdu la notion du temps, entraînée dans une tornade bien plus puissante qu’elle. Les forces avaient quitté son corps, empêchant les escapades nocturne. La belle ne voulait voir personne ; elle n’acceptait que les appels et les visites d’Alfred, qui ne l’avait jamais abandonné.

« Miss Kyle, êtes-vous sortie cette semaine ? » Non. Peut-être avait-elle oublié. Elle était restée enfermée dans sa prison dorée, privée des rayons du soleil. Elle ne comprenait plus rien à son monde, dépassée. Ses yeux de jade étaient rivés dans le vide, sa main délicate toujours collée au téléphone. L’alliance brillait, malgré l’obscurité. La promesse d’une vie à deux, pour le meilleur et pour le pire. Tu es devenue vieille, Selina. Tu n’as plus les épaules pour tout ça. La trentenaire avait enfin trouvé la force de déambuler comme une âme perdue dans cet appartement bien trop grand pour elle. Le chat noir se frottait contre les longues jambes, sentant la profonde tristesse de sa maîtresse. Le corps fin avançait dans la cuisine impeccable, digne des modèles d’exposition, avant de rejoindre la somptueuse salle de bain. Son peignoir avait glissé avec aisance sur sa peau pâle, avant que son regard se pose sur l’immense miroir. Selina Kyle n’était plus la femme d’autrefois. Ses joues s’étaient creusées, son corps s’était affiné. Les os étaient presque saillants, les muscles fondus. Elle s’était laissé dépérir, lâchement. Personne n’y aurait cru ; pas même elle. Qui aurait pu imaginer que la femme-chat, clamant son indépendance du haut des toits, serait détruite par la mort de Batman. Bien sûr, la tristesse était une fin logique. Pas ce long tunnel dans l’obscurité dont elle n’arrivait pas à sortir. Elle était vide. Tu es devenue vieille, et tu paies les pots cassés de ta jeunesse. Seule Isis semblait lui être fidèle, toujours blottie contre les jambes de sa maîtresse. Mais les ronronnements ne remplaçaient pas les rires d’Holly, les sarcasmes de Maggie ou les sermons de Bruce. Elle n’avait récolté que des maux, brisant ce qui restait d’humain en elle. La bête sauvage s’était trop longtemps cachée dans sa tanière, à l’abri des chasseurs. Elle avait fini habitée par des regrets qui pesaient trop sur ses épaules, la noyant dans un océan de tourments infernal. Il fallait qu’elle sorte, il fallait qu’elle s’en sorte. Ce soir. La longue douche lui avait remis quelques idées en place : ce soir, elle dévalerait les toits. Tant pis si cette fois-ci personne ne la rattrape. Des idées fusaient ici et là, alors qu’elle tentait du mieux qu’elle pouvait de camoufler les cernes qui creusaient son doux visage. La concentration était à son paroxysme lorsqu’elle était venue allonger ses longs cils, souligner la beauté naturelle de ses yeux. Son visage semblait reprendre vie, après de longues minutes de travail. Et puis le cuir s’était déroulé devant elle. Une jambe fine, puis l’autre. Bientôt, la longue fermeture éclair venait couvrir ses seins, cacher son cou. À nous deux, Gotham. Fouet visé à la hanche, griffes acérées sur les gants noirs et masque sur le crâne, Catwoman était prête à faire son retour, juste quelques heures, juste pour essayer de respirer.

Le chat n’avait pas tardé à reprendre ses réflexes d’antan. Toujours aussi souple, toujours aussi habile. Elle volait de toits en toits, scrutant Gotham d’un œil attentif. Sombre ville. Ce soir, elle ne cherchait rien. Seulement de l’air, un tour de pacotille. Elle se fichait de tout : elle savait ses associations à l’abri, son chat protégé. Plus rien de la retenait, à présent. …Qu’est ce que... Brusquement, la belle s’était arrêtée. Camion suspect, matons suspects, marchandises suspectes. Au loin, une alarme. Bande de gros balourds. Pas foutus d’éviter une alarme. Elle avait roulé ses yeux de jade, avant de sauter majestueusement sur le toit du bolide de fortune. « Eh, les gros lards. » Sac à la main, elle agitait une partie du butin sous leurs nez, sourire carnassier aux lèvres. « Vous avez réveillé tout le quartier, vous n’êtes vraiment pas très délicats. » Un sourcil s’était levé sous le masque opaque lorsqu’un canon s’était braqué vers elle. « Ferme-là, saleté de chat ! T’es pas en posture de l’ouvrir. On est bien plus nombreux. » Rires gras de l'assemblée misérable. D’un doigt ganté, Catwoman comptait les malfrats devant elle avant d’emprunter une mine effarée. « Tout ça, pour moi ? Mon dieu, comment je vais bien pouvoir faire… » Et bientôt, le fouet brisait les airs, arrachant le pistolet trop usagé du bandit. « Jouons ensemble. » Le butin accroché à sa ceinture, le chat redoublait d’acrobaties pour mettre les voyous à terre, non sans mal. Sourire satisfait et souffle court, avant qu’un coup de feu ne soit tiré ; impossible de repérer la cible, malgré ses lunettes infrarouges. « Mes amitiés au patron ! » Sans plus attendre, Selina s’était envolée plus haut à l’aide de son fouet, perçant l’obscurité des immeubles rapprochés. BOUM. Un cri de surprise, avant d’entamer une roulade en guise d’atterrissage. Putain Selina, t’es sacrément rouillée. Cet enfoiré avait tiré une nouvelle fois, et avait bien failli toucher sa cible ; par chance, seul le cuir était déchiré sur le haut de sa cuisse. Tu me le paieras, enfoiré. Ses yeux s’étaient abandonnés à sa ceinture, vide du trésor qu’elle avait dérobé. Fait chier, bordel. Il lui avait fallu lever le visage pour le retrouver, quelques mètres plus loin. Accompagné. Ses sourcils s’étaient froncés, son souffle coupé. Son cœur s’était décroché, l’abandonnant dans des tréfonds qu’elle connaissait trop bien. Les perles de jade osaient à peine se poser plus loin, sur la silhouette imposante qui se découpait dans l’obscurité. Son cerveau lui commandait de s’enfuir, mais ses muscles étaient tétanisés. Comme si elle le voyait pour la première fois, monstre de la nuit, chevalier des ténèbres. On ne pouvait entendre que le silence malgré les sirènes, tout comme elle pouvait presque sentir son corps trembler sur le sol de ce toit abandonné. …C’est…Impossible… Bien sûr, elle savait. Elle savait que ce n'était pas Bruce. Mon Bruce. Ce n'était pas l'homme qu'elle aimait. Il avait probablement son visage, probablement sa voix. Et elle était là, comme blessée au sol, interdite devant lui. Elle savait. Mais son coeur ne pouvait s'empêcher de battre à tout rompre. Selina semblait avoir trouvé un tout autre trésor.

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

Le bruissement de sa cape avait fendu l’air. Son corps se déplaçait rapidement, évitant tous obstacles qui se dressaient devant lui. La chatte s’était relevée agilement, ne perdant pas une miette de l’incroyable spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Plaquant son dos contre le béton froid, elle observait les faits et gestes du Chevalier, prête à intervenir si besoin était. Besoin était rare, souvent. Ils partageaient le même goût pour le danger, les situations délicates, les culs de sac épineux. Pendant longtemps, Selina avait provoqué le destin, s’amusait de la situation. Tomber dans les bras de la chauve-souris en plein vol était un passe-temps récurant, une signature des toits de Gotham. Un jeu dont elle ne s’était jamais lassée, malgré les années. La danse infernale du chat et de la souris, un duo parfait. Bruce est mort. En boucle, comme une rengaine trop vieille, trop usée. Une chanson que l’on ne voulait plus entendre.  « Tu peux sortir des ombres, je sais que tu es encore là. » Sa voix avait électrisé son corps, lui avait arraché un battement de cœur. Bruce est mort. « Aide-moi donc à trouver ce que les hommes de Nygma ont laissé derrière eux. » Elle avait hésité, un instant. Puis le fouet dans les airs, elle avait virevolté pour atterrir à peine plus loin, dans l’obscurité la plus totale. La démarche féline, Selina avançait, un pas après l’autre. Prudente, comme sur le fil du rasoir. Elle n’avait pas lâché son fouet, gardant sur ce dernier une emprise solide. Il y a des douleurs dont on ne voit pas les plaies. La sienne était là, juste devant elle.

Finalement, la silhouette féminine avait fini par surgir de l’ombre, se découpant dans le clair de lune timide. De la pointe de sa botte, elle avait déplacé un corps dont l’hôte avait été lourdement assommé. « Batman ne me disait jamais ce que j’avais à faire. » Son menton s’était redressé, présentant son visage masqué à l’homonyme de l’homme qu’elle avait perdu. La distance entre eux était raisonnable, et elle hésitait encore entre la creuser ou la réduire. « Mais puisque tu insistes… » Pendant une seconde, le chat avait mine de s’étirer ; son corps se tendait dans le cuir, ses épaules roulaient légèrement. Lentement, elle s’était accroupie près du corps de la femme en vert. « Tu ne l’as loupé… Ses lèvres sont bleues. » Elle s’était redressée, toujours aussi lascive. « Je doute que ce soit ton coup qui est en la cause. Soit Nygma a engagé des dégénérés, soit il a drogué cette pauvre femme. » Son esprit était ailleurs. Elle n’arrivait à se concentrer, pas à réfléchir. Elle bouillonnait des questions, s’accordait aux points d’interrogations verts peints sur les murs. Elle voulait savoir. Savoir comment il était, savoir qui il était. Savoir. « Je suppose que tu n’es pas là par hasard. Comment va ce vieux Alfred ? » Elle naviguait parmi les corps assommés à la recherche d’indices, d’autres détails. Et puis, un cri de douleur : elle n’avait pas manqué d’écraser de son talon une main suspecte, partie à la recherche d’une arme non loin. « Trésor, n’aggrave pas ton cas. Dis-nous plutôt ce que tu sais, veux-tu ? » Le bandit arrivait à peine à ouvrir la bouche, la mâchoire probablement fracturée par le titan de Gotham. « Ny….Nyg… » Sans prendre la peine d’enjamber le corps, la belle avait repris son chemin, tirant cette fois-ci une enveloppe de la poche arrière d’un voyou. « Ca faisait bien longtemps que je n’avais pas croisé cet idiot vert. » Un pas, puis un autre. La distance qui se réduit, doucement. Comme une promesse de retrouvailles, maudites, certainement. Il n’était plus qu’à un mètre, à présent. A travers ses lunettes, elle l’observait, la Chauve-Souris. Chaque détail qu’elle s’était jurée de ne pas oublier. Bruce est mort. Pourtant, il était là, juste devant elle. Mécaniquement, la main gantée s’était tendue vers lui, l’enveloppe coincée entre deux doigts. « Inspecteur. » Un faible sourire, avant que la belle se jette un coup d’œil derrière elle, dérangée par un vacarme lointain. « Nygma sait que nous sommes là. Les renforts arrivent.» Un camion arrivait, probablement remplis de petits sbires verts. Des cris, des rires et de la fumée verte qui rendait impossible pour la voleuse d’y voir plus clair. L’homme mystère et sa folie des grandeurs n’étaient pas décidés à déserter les ruelles de Gotham ce soir.  

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

« Alfred va bien. Il dit que tu as l’air toujours aussi ravissante.» Un sourire s’était tendrement dessiné sur les lèvres colorées. Alfred avait été là, quand tout s’était écroulé autour d’elle. Elle n’oubliera jamais ses yeux, sa voix, ses mains tremblantes. Ils étaient là, errants dans l’appartement de la voleuse, comme deux âmes qui avaient tout perdu. Lui celui qu’il considérait comme son fils, elle son futur mari. « Remercie-le pour moi. Je lui dois un bon repas, je n’ai pas oublié. » Ce sourire, encore. Alfred avait été plus qu’un majordome ; il avait été son seul ami durant cette sombre période. Les perles de jade s’étaient reposées sur la lettre que le chevalier avait saisie, attentive à son contenu. « Qu’est-ce que c’est ? » Un pas pour se rapprocher, la tête légèrement penchée pour mieux voir. Et l’arrivée des renforts lui avait coupé l’herbe sous le pied, l’obligeant à imiter les gestes de son amant. Tapis dans l’ombre, l’un à côté de l’autre. Elle voulait se concentrer, elle voulait savoir. Elle voulait entendre, comprendre. Mais les battements incessants et sourds de son cœur l’empêchaient d’y voir plus clair. Ils n’avaient jamais été aussi prêts depuis que leurs regards s’étaient recroisés. Elle n’avait jamais oublié son parfum. Elle n’avait jamais oublié le réconfort qu’il lui apportait, ni même la chaleur qui émanait de sa peau. Elle qui avait été si froide, pendant si longtemps.


« La vache, ils ont pris une sacrée raclée ! » Selina avait levé les yeux au ciel, avant de froncer les sourcils en entendant son prénom. Tu paies rien pour attendre, bouffon. Elle luttait contre les bruits parasites pour se concentrer sur les discussions et les pas des truands pour arriver à les localiser. Elle était prête à bondir, comme elle aimait le faire. Et par réflexe, elle s’était penchée. Légèrement. Trop peu pour être repérée. Assez pour poser une main sur le bras de la chauve-souris. Le geste était fluide, la poigne douce. La préméditation l’avait quitté un instant, si bien qu’elle ne s’était rendu compte du contact que plusieurs secondes plus tard. La main s’était retirée sans qu’elle n’ose prononcer un mot, sans même le regarder. Il n’y fera même pas attention si je fais comme si de rien n’était. Oh, Selina. Qu’il est crédule de penser que l’électricité ne passe que dans un sens.


Il n’avait fallu que quelques minutes pour qu’ils ne désertent la zone. Le Batman avait agilement usé d’un mouchard pour traquer le véhicule, déterminé à régler cette affaire. « Je pars à leur poursuite. Tu viens ? » Elle avait étouffé un rire. « Tu crois vraiment que je vais te laisser régler ça tout seul ? Cet idiot a prononcé mon nom, je suis désormais impliquée. » Ses épaules s’étaient haussées, comme si tout était devenu une évidence. Mécaniquement, elle s’était relevée de sa cachette, relavant les lunettes qui cachaient jusqu’à présent ses yeux. « Je suppose que tu as déjà une piste. Qu’est-ce qu’il y avait sur cette lettre ? » Cette partie du quartier était le sien. Elle voulait savoir ; elle devait savoir. « Dois-je m’inquiéter de quelque chose pour la sécurité de mes protégés ? » Son visage était devenu plus grave, sérieux. Catwoman avait souvent le cœur à rire, mesquine. Mais elle devenait une vraie panthère lorsqu’on s’en prenait aux enfants ou aux femmes du district. Elle s’était avancée à son niveau, gagnant même de la distance sur lui. « Quelle est la destination ? On monte au septième ciel ou tu as ta voiture ? » Les toits avaient toujours été son endroit favori. Peut-être parce qu’elle savait qu’elle le retrouvait toujours, en haut. Pour des courses folles, des nuits passionnées ou de longues discussions. Sans qu’elle puisse s’en empêcher et sans qu’elle n’ait la volonté de le faire, ces trois idées tournaient en boucle dans sa tête depuis que ses perles avaient retrouvé son chevalier noir. Son esprit fourmillait de questions, son corps se languissait de retrouver le sien et son cœur de retrouver Bruce. Pas le sien. Pas celui qu’elle avait perdu. Un semblant de lui, une partie de lui qui ne l’avait jamais quitté. 

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

« Il y avait cinq lettres, en tout, si on en croit les mots des hommes de Nygma. Chacune contenait simplement une lettre, une partie d’une petite énigme comme il aime les faire pour m’attirer dans un piège. L, I, N, D, et maintenant, E. Alfred travaille en ce moment-même à essayer de déterminer de quoi il s’agir. » La moue boudeuse de la brune trahissait son agacement. « Ce bouffon n’a que ça à faire. » Ses sourcils s’étaient légèrement froncés en le voyant tendre son bras dans les airs, armé d’un Bat-Grappin. …Tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça. Il lui avait fallu quelques coups de fouet bien placés pour le rejoindre sur le toit, à l’abris des regards. Catwoman ignorait s’il la fuyait, ou s’il souhaitait avancer dans l’enquête Elle brûlait de lui demander, brûlait de savoir. Mais les mots ne lui venaient pas, ne voulaient pas sortir de sa bouche. Si Nygma s’était amusé de créer des lettres pour énigmes, elles n’étaient aussi complexes que celle de l’homme qui se dressait devant elle.  

Il semblait agacé, elle le sentait. Peut-être était-ce son intuition féminine. Peut-être était-ce son silence, celui qui trahissait Bruce. Elle restait là, à le fixer. Elle n’osait rien dire, elle ne voulait pas le brusquer ; elle était déjà sûre de l’avoir fait, à plusieurs reprises. L’absence de parole était presque parfaite. Elle n’entendait que son souffle, pourtant imperceptible. Elle avait appris à surveiller son torse lorsqu’il dormait, calant sa respiration à la sienne pour mieux s’endormir.  « Alfred m’a dit qu’un jour, il faudrait bien que nous parlions. » Ça lui avait arraché un sourire, à la chapardeuse. Cet Alfred était incroyable.  «  Que je n’étais pas lui, mais que tu n’étais pas elle non plus. » Non, ce n’était son Bruce. Ce n’était pas lui, il ne le serait jamais. Tout comme elle n’était sa Selina. Ils étaient simplement Batman et Catwoman, deux figures emblématiques de Gotham, rien de plus. En observant le chaos de la ville, elle avait rapidement compris qu’elle serait obligée d’être confrontée au chevalier ; pas pour elle, pas pour lui. Pour Gotham. Cette ville noire avait besoin des amants maudits, trop complémentaires depuis des années. Et comme bercée par les acrobaties de toits en toits, elle semblait redevenir un peu plus sereine, en sécurité. Pour Gotham. Elle aurait aimé s’en convaincre, que ça rentre dans sa tête. Mais elle crevait de le revoir au fond. Au plus profond. « Et que c’était peut-être là note seule chance de pouvoir nous regarder dans les yeux sans nous déchirer. » Ses yeux s’étaient reposés sur lui. Elle avait le sourire mauvais, sans qu’il ne s’éternise sur ses lèvres. Non, la tristesse s’était invitée à la danse, chassant les médisances. Sans nous déchirer. Sais-tu, Bruce, que je suis déchirée depuis que tu es parti. Elle avait fini en poupée de chiffon, tenant à peine sur ses jambes. « Je suis déjà déchirée, Bat. » Sa voix était blanche, vaincue. Elle s’était battue pendant de longues semaines contre elle-même, contre les images qui noyaient son esprit. Bruce, Bruce, Bruce. Tu m’as volé tout ce que j’avais de plus cher. Contre la colère, aussi. Elle avait perdu le combat. «Je ne serai jamais la Selina que tu as quittée, dans ton monde. » Les yeux assassins s’étaient plantés dans les siens, ignorant à cet instant toute la souffrance que le titan de Gotham cachait sous son armure. « Je suppose que maintenant, nous sommes deux à avoir perdues un être cher. Deux à ne plus rien avoir à perdre. » Elle avait croisé les bras sur sa poitrine, comme prise d’un frisson. Elle avait froid. Elle était glacée, à l’intérieur. Aveuglée par la douleur, la colère, les regrets. Gelée. « Tu n’aurais jamais dû quitter ton monde. »



Ses pas étaient presque inaudibles, malgré les talons qu’elle portait. Son regard s’était échoué dans le vide, attiré par la fumée verte à quelques kilomètres. Qu’elle brûle, cette ville. Elle fronce ses sourcils, remet rapidement ses lunettes sur son nez en trompette. Nigma. Elle avait presque failli oublier ce bouffon vert et ses énigmes étranges. Elle restait silencieuse, alors que son esprit lui hurlait des paroles inaudibles. Des cris, des noms, des menaces. « Le camion s’est arrêté. Tu devrais demander à Alfred s’il a du nouveau. Ca s’agite, plus loin. » Penchée au-dessus du vide, ses yeux sondaient le meilleur point d’ancrage pour descendre, avant de se reposer sur le super-héros. Un sourire en coin s’était dessiné sur ses lèvres alors que ses bras s’étaient écartés dans les airs. « On se rejoint en bas. » Un, deux, trois pas. Il n’avait pas fallu de plus pour que son corps bascule dans le vide, les yeux plantés dans les siens, comme animée par une de ses anciennes pulsions. Combien de fois ce Batman avait-il rattrapé Catwoman du haut des toits dans l'autre monde ?

 

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

 La chute. « Vous avez été un peu dure, si je peux me le permettre, miss Kyle. » Merde Un sursaut s’empare de son corps, manquant de trahir son atterrissage au sol. « Alfred, vous avez bien failli me tuer. Je n’attendais pas à entendre votre voix. » Le chat s’était redressé, jetant un coup d’œil derrière elle. Personne. Qu’est-ce que tu cherches, Sel. Tu n’es qu’une sombre idiote. « Cela faisait bien longtemps que vous n’aviez pas enfilé votre costume, miss Kyle. » Un sourire s’était invité sur ses lèvres, alors qu’elle avançait prudemment en direction des fumées colorées. « J’ai toujours su que vous aimiez le cuir, Alfred. Vous êtes un homme de goût. » Elle avait cru entendre un soupire amusé, renforçant le sourire collé à son visage. « Vous êtes incorrigible, Miss Kyle. » Il avait tant souffert. En perdant Bruce, Selina savait que cet homme avait tout perdu. Le souvenir de Thomas et Martha, un patron, un ami, un fils. Celui qui ne bronchait jamais s’était effondré, se demandant pourquoi il était parti avant lui. « Mais je reste sérieux. Vous avez été dure. Vous l’ignoriez peut-être, mais ce Bruce a lui aussi perdu la femme qu’il aimait, dans son monde. Lui aussi, vous a perdu. » Elle était restée interdite, une seconde. « …Je l’ignorais. » Quelle vache tu as été. Lui lancer au visage qu’il aurait dû rester dans son monde. « Puis-je oser espérer une discussion ? » Le soupir qu’elle avait lâché en disait long sur sa réponse. « Ce Bruce-là est encore plus hermétique que celui que nous avons connu, Alfred. » Le camion semblait abandonné dans une rue annexe. Au loin, elle entendait les rires gras des sbires de Nygma. L’opportunité de trouver un éventuel indice ou trésor était trop belle pour la laisser passer. « Il va falloir préparer votre nouvel ami à ma présence. Ou il faudra orchestrer une rupture assez crédible pour que cette peste de Vicki Vale puisse en faire un article avant de courir après le milliardaire fraîchement célibataire. » La fouille était ponctuée de soupirs, de déception. Des mégots de cigarettes, des bombes de peinture vertes, des montagnes de papier. « Ne serait-ce pas une pointe d’animosité que j’entends là, miss Kyle ? » Bingo. Ses lèvres s’étaient étirées en un sourire, brandissant devant elle la photo d’un homme. « Je ne l’ai jamais aimé, elle le sait bien. Alfred, pouvez-vous scanner cette photo ? Je pense que ça intéressera le grand détective. » D’un doigt, la voleuse avait effectué un tour de passe-passe sur les épaisses branches de ses lunettes, rendant honneur à toute l’ingéniosité de Lucius Fox. « Belle trouvaille, miss Kyle. Je transmets sans plus tarder. Je me permets également de confirmer l’invitation de monsieur Wayne à votre égard. » Selina s’était contenté de secouer la tête avant de quitter la camion. Quelle sombre idée avez-vous encore derrière la tête, Alfred… Son regard se dirige vers le ciel, à la recherche du chevalier noir.


Ils se rapprochaient de l’objectif ; une fois les coordonnées communiquées, Catwoman s’était dirigée vers le petit bâtiment qui semblait désaffecté. Une ombre s’était projetée au-dessus d’elle, lui intimant que son binôme était dans les parages. Son instinct ne l’avait pas trahi : le corps lourd s’était imposé entre les quatre hommes, engageant une chorégraphie assourdissante. La chapardeuse enroulait son fouet lorsque ses yeux se posaient sur lui, une nouvelle fois. La douleur était incompréhensible, soufflant un parfum de désir et de haine, de réconfort et de mépris. Qu’est-ce qu’il ressent, lui ? « Trois personnes au second étage, deux autres au troisième. Personne au premier et au rez-de-chaussée. Je prends le troisième étage. Et attention à l’otage, il faut qu’on trouve des indices pour coincer Nygma…et le connaissant, ce Richard Delin est une clé pour répondre à l’énigme suivante. » Elle ne détourne pas le regard, continue de le fixer. Elle a envie de lui vomir son arrogance, son autorité maladroite, son désir de contrôle. Lui aussi, vous a perdu. Selina ravale sa salive, baisse les yeux sur sa ceinture et rattache le fouet à la place qui lui est destinée. « …Je te retrouve au troisième quand je me serai occupée des trois idiots qui ont décidé de suivre cet imbécile de Nygma. » Sans un regard, la silhouette de cuir se faufile avec agilité sur un muret, avant de rejoindre le deuxième étage. Il fallait qu’elle se concentre, elle le savait. Nygma était vicieux, et elle savait qu’il n’hésiterait pas à jouer de stratagèmes pour arriver à ses fins. Il avait intimé l’ordre à ses sbires de refaire la décoration : les murs étaient truffés de points d’interrogation verts, signature qu’elle avait toujours trouvée stupide. « Eh ! Qui est l-… CATWO-! » Elle avait bondi, collant une main sur le visage du malfrat pour le faire taire. « On ne t’as jamais appris à ne pas crier au loup, petit oiseau ? » Il n’avait fallu que d’un coup de pied bien placé pour plier le bougre en deux. Elle s’était relevée, décidée à avancer et à retrouver ce pauvre homme. Un. Plus que deux. Elle avance, Selina. Elle se noie dans ses pensées, essaie de plonger dans celui de ce nouveau Bruce.


Puis un cri. « À L’AIDE ! À L’AIDE ! » Son visage s’était instinctivement tourné en direction de la voix grave, paniquée. Elle avance, Selina. Elle court, se concentre. « S’IL VOUS PLAÎT ! » La pièce semblait petite, sombre. Autour d’elle, il n’y avait personne. Aucun signe de vie, pas même la présence de Bruce ; seul l’escalier sur la droite lui tenait compagnie. …Ce serait trop facile… Mais les cris reprennent. Ils ont l’air désespéré. Si désespérés. Elle se concentre, Selina. Ces cris semblent réels, la détresse aussi. Et la détresse, elle la connaît depuis son enfance. Elle ne peut pas se tromper, elle est concentrée. Alors la poignée se brise sous le coup de pied. « Vous allez bi-… » Face à elle, un homme sur une chaise. Ses yeux cherchent les siens, ses mains sont liées. « Aidez-moi ! Aidez-moi ![/color]» Elle recule, Selina. Mais son corps se heurte à un obstacle. Cet homme n’est pas celui de la photo. Cet homme n’est pas celui qu’elle cherche. « …La mayonnaise ne prend pas, on dirait. » Elle reste immobile, avant qu’un autre cri ne résonne au loin. « Je me suis toujours demandé si les chats aimaient jouer à cache-cache. Mais visiblement, pas trop. » Rires gras. L’homme s’était libéré de ses liens d’une facilité déconcertante. Debout, il la surplombait d’au moins vingt centimètres, tout comme son comparse placé derrière elle. « On pensait tomber sur ton copain la chauve-souris, mais on va commencer par toi. » Elle s’était contentée de pouffer de rire. « C’est ta mère que tu vas supplier de t’aider d’ici cinq minutes. » Puis, plus rien.


« …Alfred ? » La voix était presque endormie, sonnée. « Alfred… Vous m’entendez ? » Elle se relève péniblement, essuie le sang au coin de ses lèvres. « Il y a des faux otages. Je ne sais pas s’ils sont plus nombreux que prévus. Mais ils savent qu’on est là. Il faut prévenir Batman. Je continue sa ronde ici, j’ai entendu d’autres voix. » Sans ménagement, elle écrase les deux corps des molosses marqués au visage, attaqués par le chat. « Nygma, si tu m'entends, je vais te graver ton putain de point t'interrogation sur le front avec mes propres griffes. »

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

Selina avance. Prudemment, doucement. Un pas après l’autre, prête à bondir sur le premier imbécile vêtu de vert que son regard croiserait. Ce n’est pas l’écorchure au coin de ses lèvres et celle près de son arcade qui ont raison d’elle. Elle est prête à en démordre, à se venger. Refaire surface ; une perspective bien plus difficile qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Bien sûr, elle n’avait pas pensé au manque d’énergie, la perte d’agilité, les muscles moins solides. Il n’avait fallu que quelques semaines, pourtant. Tu es bien rouillée, Sel. Elle s’était bien battue, malgré tout. Elle était presque sûre d’avoir cassé quelques dents au colosse derrière elle, envoyant son talon dans le visage. Il l’avait bien mérité, après tout. J’espère que Bat n’a pas eu de souci. Elle secoue finalement la tête, roulant les yeux. Bien sûr que non. Elle n’était pas sûre qu’une main sur le feu pourrait le faire réagir. Tu es mauvaise, Sel. Il a autant perdu que toi. L’étage avait l’air vide, dépourvu de vie. Quelque chose clochait, elle le sentait. « Miss Kyle ? Tout va b-zreezzz ? J’ai cru bzz----. » Les ondes avaient été brouillées. Merde…Alfred n’a peut-être pas eu mon message. Ou peut-être qu’il n’a pas pu lui transmettre. « Nygma s’est débrouillé pour brouiller les ondes, Alfred. Je ne vous entends pas. Peut-être que vous non plus. » Sa main s’était verrouillée sur son fouet, prête à le dégainer à tout instant. « Si vous m’entendez, je vais bien. Des bêtes égratignures. » Et probablement une belle contusion sur le flanc droit. Mais elle n’avait pas le temps de penser à la douleur ; l’otage, lui, aurait peut-être moins de chance qu’elle.

Elle ne trouvait rien, et commençait de s’agacer. « T’as fini de te planquer, Nygma ?! » Silence. Et finalement, des grésillements. Forts, lourds. Elle s’était mise en quête de ses derniers, tombant finalement sur un écran de télé caché dans un coin. « T’étais pas là tout à l’heure, toi. » Les yeux fixaient l’écran teinté de la signature du vilain, attendant avec impatience son apparition. « Catwoman, mon chaton. Enfin, j’ai cru que tu ne me trouverais jamais ! As-tu rencontré mes amis ? Je suis sûr que vous avez joué au chat. » Son rire ridicule lui avait arraché un frisson, relançant la douleur qui envahissait son côté droit. « Il me faut plus que deux bouffons pour me faire tomber, Nygma. Balance ton énigme, tu commences à me taper sur le système. » Il ne s’arrêtait pas de rire, frappant dans ses mains. « Ton compagnon n’est pas venu à ton secours ? Il n’a pas l’air très en forme en ce moment, tu ne trouves pas ? » Elle scrutait les environs, cherchant une porte de sortie pour anticiper sa survie en cas de mauvaise réponse. « Accouche Nygma. J’ai pas toute la nuit. » Elle savait comment il fonctionnait. Crescendo. Il aimait le suspense, la lenteur. La torture de l’esprit était pour lui bien plus importante que la torture physique, contrairement à Black Mask. « Bon, bon, bon. Commençons par quelque chose de facile : les pauvres en ont. Les riches en ont besoin. Si l’on en mange, on en meurt. » Un soupire de désespoir pour réponse, pendant qu’elle essayait de réfléchir. Mais comment y voir clair dans un esprit aussi sombre que le sien ? Ses idées se mélangeaient depuis bien trop longtemps, sans arriver à trouver un ordre logique. Fais-toi violence, Sel. « Alooooors ? Tu donnes ta langue…au chat ? » Il s’esclaffe, elle rêve de le faire taire. « Rien. » La pauvreté, elle l’avait connu. Elle n’avait rien. La richesse aussi, ce sentiment de ne manquer de rien. Se laisser mourir, en ne mangeant rien. « Bravoooooo, quelle bonne réponse ! Connais-tu le jeu du chaud-froid ? Mais si, tu sais bien… Plus tu te rapproches de ta cible, plus tu chauffes. » Elle était restée silencieuse, fixant l’écran avec mépris. « Et bien très chère voleuse… Froid, froid, froid ! » Catwoman n’avait pas même pris le temps d’écouter la suite du message. Elle savait qu’elle n’en tirerait rien.


Il fallait qu’elle retrouve son Chevalier. Il avait peut-être reçu des informations, avait peut-être une piste. Peut-être qu’il était en danger. Elle avait rejoint les escaliers, ne manquant pas d’envoyer valser un garde tout aussi minable que la décoration de ce vieil immeuble. La voleuse avançait prudemment. Ses lunettes avaient endommagé dans la bataille, atténuant la vision nocturne qu’elle pouvait lui apporter. Elle refusait de refaire une erreur, de se laisser berner une nouvelle fois. Pour elle, et pour lui. C’était stupide, elle le savait : pourtant, elle ressentait un besoin compulsif de faire ses preuves, tout comme les premières fois. Et finalement. Dieu soit loué. Elle avait pas vu son visage. Elle n’avait jamais eu le loisir de le revoir, encore. Simplement les photos, les rares photos. Il était simplement là, dos à elle. Elle voulait se persuader du contraire, mais elle n’y arrivait pas. C’était juste son image, sa carrure imposante ; elle se sentait comme apaisée, par sa simple présence. Ce n’est pas lui, Sel. Non, il était différent. Son aura était plus sombre, plus distance. Ca passera. La blessure était encore fraîche, après tout. « Tu as trouvé quelque chose ? Les ondes sont brouillées, j’ai pas pu… » Elle s’était arrêtée, net. Tu parles dans le vent. « L’otage n’est pas ici, c’est beaucoup trop facile. » Nygma ne les laisserait pas tranquille de sitôt, c’était évident. Et la patience n’était pas le fort de Selina.

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

Personne ne l’attendait. Elle était arrivée de nulle part, sans le moindre bruit. Une ombre sur un mur. Elle se glissait comme la fumée, sans se faire attraper. C’était le son de la voix de Nygma qui l’avait guidé jusqu’à lui. Les serpents qui sortaient de sa bouche lui rappelaient les atrocités qu’elle avait pu entendre de ceux qui ne croyaient pas en elle. Criminelle, moins que rien. Eux n’avaient pas compris. Ils n’avaient pas vu ce qu’elle avait vu. Selina était née moins que rien, et avait toujours tout voulu. Aujourd’hui, elle était au sommet. Mais le monde n’est rien sans ceux que l’on aime. Elle avait tout, mais tout lui manquait. « Tout le monde l'a remarqué, Batman. Tu as changé. Ou plutôt, tu es redevenu ce que tu fus jadis. A tes débuts, dans le cœur d'Arkham, dans les ruelles sombres, dans les pires endroits. Violent, féroce, indomptable, un vrai bourreau ! Le taux d'hospitalisation pour tes victimes a augmenté de trente-neuf pourcents, et beaucoup refusent de reprendre du service après. Personnellement, j'admire cette reconstruction... mais Catwoman ? Elle ne te correspond plus. Elle est trop libre pour toi, Chevalier Noir. Et elle finira par te faire dévier de nouveau. » Nygma savait comment la piquer. Il la savait impulsive, sauvage. Elle serrait les dents, serrait les poings. Ses griffes avaient manqué de déchirer la chair tendre de ses paumes. « J’espère pour toi que tu es bien planqué, sinon c’est toi qui va dévier. » Pourtant, elle savait. Selina savait qu’il était inutile de rentrer dans son jeu, mais elle était une participante bien trop investie dans la bataille. « Assez. Tu ne parviendras pas à atteindre ce but, Nygma. Donc soit tu nous dis ce que tu as à dire, soit tu attends sagement que je vienne te trouver. »

Les bras croisés, elle attendait. De temps en temps, ses yeux courraient les alentours, à la recherche de sbires ou de caméras qui auraient pu les trahir. « Très bien, Batman... mais ne viens pas pleurer, je t'aurais prévenu. Alors, passons aux choses sérieuses ! Vous avez toujours un otage à retrouver, mais je le tiens près de moi, bien à l'abri. » Tu ne paies rien pour attendre, imbécile. Je vais me faire un plaisir de te faire dévier d’un coup de griffes. Elle restait attentive, la voleuse. Elle savait qu’à tout moment, un événement impromptu pouvait arriver. Nygma était plein de ressources. « Il va vous falloir mériter de le retrouver, mon duo presque pas préféré ! Je vais commencer avec une très facile, qui, je suis sûr, saura vous plaire : sans même regarder, je vois aussi clair dans l'obscurité que le jour, qui suis-je ? » Elle fronçait les sourcils, observant le chevalier pensif. Puis reculer, d’un pas. Bat… Il la regardait, semblait vouloir lui faire comprendre quelque chose. Ses yeux semblaient vouloir la transpercer, lui intimer la détresse du moment. …Qu’est-ce que tu veux faire, Bat... Elle s’était contentée de cligner des yeux, avant de fixer de nouveau l’écran. Il avait senti quelque chose, elle l’avait compris. Ses bras étaient retombés le long de son corps, prête à agir dans le besoin. Elle avait un net désavantage ; des trois interlocuteurs, elle était la seule à ne pas connaître l’issue de la situation. Cependant, Catwoman avait un atout majeur.  « Une chauve-souris. » Elle était une alliée du héros de la ville. Et Gotham tout entière le savait.

Tout s’était passé vite. Rapide comme l’éclair, force inégalée. Sans même qu’elle n’est le temps de comprendre, ses pieds avaient quitté le sol avant de s’élever dans les airs, échappant à une explosion mortelle. Elle n’avait pas même osé tourner la tête pour observer avec désolation la scène chaotique qui se déroulait derrière elle. Des éclats de verre se mêlaient aux flammes, embrasant le ciel obscur de Gotham. La course s’était terminée un peu plus loin, sur des toits voisins. L’atterrissage avait été moins violent qu’elle n’aurait pu le penser, son corps collé à celui du titan de Gotham. Il avait cependant fallu quelques secondes à Selina pour retrouver ses esprits, remettre les idées brouillonnes en place. « …Bat ? » La surprise et l’inquiétude noyaient les traits de son visage. Son corps avait été protégé de l’explosion par sa cape, comme un véritable gilet pare-balles. Coïncidence, ou véritable volonté de la protéger ? « Que… C’était quoi, ça ?! Comment tu… » Sans geste brusque, elle s’était doucement reculée, cherchant à savoir s’il allait bien. « Tu n’es pas blessé ? » La crainte trahissait sa voix. La violence de l’explosion était inouïe, imprévisible. Derrière elle, le brasier ne tarissait pas. Bien sûr, elle avait l’habitude. L’habitude d’être sauvée, in-extrémiste, sur le fil du rasoir. Elle en avait profité, de nombreuses fois. « Bruce ne sera pas toujours là pour te sauver. » Qu’ils avaient tort, les autres. Bruce n’était pas lui là. Son Bruce. Mais comme un ange gardien, elle avait de nouveau été sauvée. « La GCPD ne va pas tarder à arriver. Tu arrives à marcher ? » Elle lui devait une, c’était sûr. Elle le savait solide, prévenant, mais pas invincible. Bruce est mort. « Alfred, vous m’entendez ? Cet imbécile de Nygma a fait sauter le bâtiment. Batman nous a… » Elle s’arrête, comme si elle cherchait ses mots. Sauvé. « Evité le pire. Avez-vous pu avancer de votre côté ? » Peut-être parlait-elle dans le vide, elle l’ignorait. L’oreillette intégrée dans ses lunettes avait été malmenée, probablement lourdement endommagée. Tout ce que désirait Catwoman à présent, c’était se venger. Un désir de vengeance qui la rongeait de l’intérieur. Furieuse contre tous, empoisonnée par la violence. Elle voulait voir Nygma brûler.

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

« Hmm. Je vais bien. » Un sourcil s’était arqué, laissant supposer le doute qui l’envahissait. Il lui avait suffi d’un coup d’œil pour le comprendre, au vu de l’état de son armure. Elle sentait son regard sur elle, jaugeant son état physique. « Moi, je vais bien. Ton armure est sacrément abîmée, tu as du… » Ses mots étaient laissés en suspens. Il était agacé, de la chute, de la situation, d’elle. Elle s’en savait rien, et ne préférait au fond ne pas savoir. « Je peux marcher, oui. Ne t’inquiète pas pour moi. » Alors elle s’était ravisée, se consolant dans le silence. Elle se contentait de l’observer se dégourdir, se questionnant sur la situation : devait-elle insister pour voir son bras, ou rester en retrait ? Qu’as-tu pu surmonter pour être aussi taciturne… Et son regard, encore. Elle arrivait à le sentir à travers le masque, la carapace. Ses lèvres s’étaient étendues en un sourire tendre, empli de tristesse. Bien sûr que de le voir dans un état pareil la faisant souffrir. Bruce est mort. Oui, mais son image renvoyait toute la souffrance qu’il avait pu éprouver. Les cicatrices qu’elle avait soignées, les plaies qu’elle avait recousues, les pansements qu’elle avait apposés. Son image reflétait tout. Le bon, le mauvais. C’était tout bonnement impossible d’y rester insensible, malgré la lutte intérieure qu’elle menait à chaque seconde. Bruce est mort. Mais il était là, devant elle. Un autre homme, une autre planète, une autre histoire. Des milliards de questions fourmillaient dans sa tête, cherchant désespérément une réponse. Elle pensait cependant en avoir une : sa Selina et elle n’avaient pas le même lien. Il s’apprêtait à la sortir de ses pensées, avant qu’Alfred ne lui souffle essaie de lui souffler de sages paroles. « Je…nous allons bien, Alfred. » Elle avait levé les yeux au ciel, ne préférant manifester aucune opinion. Alfred l’avait pris de court, l’apostrophant grâce au micro intégré dans ses lunettes. « Miss Kyle ? Vous m’entendez ? » Elle tourne le dos, laisse Bruce s’isolait de son côté. « Notre Bruce a l’air plus têtu que l’ancien, n’est-ce pas ? Je suis sûr que je peux compter sur vous et votre caractère pour minimiser les dégâts. » Un sourire tendre vient illuminer son visage. Alfred ne l’avait rejeté. Bien sûr, il avait mis Bruce en garde, à l’époque. Elle n’était pas fiable, trop bancale pour être digne de conscience.  Pourtant, il lui avait confié bien des responsabilités, bien plus grandes qu’elle n’aurait pu le penser.

Catwoman emmagasinait les informations. Le camion, la GCPD, les policiers disparus. « …Si je résume bien, nous n’avons plus un seul otage, mais potentiellement quatre. C’est ça ? » Un soupir, alors qu’elle faisait les cent pas. « C’est tout à fait ça, Miss Kyle. Heureux de voir que malgré vos blessures, vos calculs restent juste. » Un rire s’était échappé de ses lèvres, sans qu’elle ne puisse le contrôler. Depuis combien de temps n’avait-elle pas ri, la voleuse ? « Ce ne sont que des égratignures, Alfred. J’aurai probablement de beaux bleus, mais ça n’apportera qu’un peu de couleur au tableau. » Ses yeux s’étaient échoués sur le chevalier, qui la fixait une nouvelle fois. « C’est un plaisir de vous entendre rire, Miss Kyle. Il me semble que cela faisait une éternité. Je compte sur vous pour éviter un nouveau carnage. » Elle n’avait pas quitté son sourire. Entendre Alfred lui mettait toujours du baume au cœur, sans qu’il ne s’en rende forcément compte. La définition de la bonté. Elle s’était arrêtée de marcher, plantée à une distance raisonnable de la chauve-souris. « Mission acceptée, Alfred. »

Elle savait qu’il l’avait entendu, qu’il avait compris. Bien sûr, que cette mission lui était destinée. Elle avait fini par rompre les quelques mètres qui les séparaient, ne pouvant pas s’empêcher de regarder l’état de son armure. « Qu’est-ce que ce cher Jim t’as soufflé ? J’espère qu’il me passe le bonjour. » Catwoman et la GCPD n’avaient jamais réussi à s’entendre ; ils étaient des petites souris entre ses griffes. Depuis ses débuts, elle prenait à malin plaisir de les rendre chèvres, sans jamais franchir les limites. « Le camion a filé, Nygma a changé de plan. Nous n’avons plus un otage sur les bras, mais quatre. Pour le moment. » D’autres allaient peut-être se rajouter à la liste. Elle craignait pour ses protégés, maintenant qu’elle était mêlée à l’affaire. Ses quartiers avaient été attaqués, et sa propre vie avait été menacée. « Je peux partir en éclaireur, si tu as besoin de rencontrer Gordon et ses équipes. Ma présence n’est pas…très appréciée. Et je suis peut-être plus habituée à ce Gotham que toi. » Crache-le, Sel. Des mots tournaient dans sa tête, comme un boomerang incessant. « J’aimerai juste mettre quelque chose au clair, avant que l’on reprenne notre quête. » Il n’était pas l’heure aux explications, déclarations ou discussions nocturnes. Elle le savait. Peut-être n’était-elle pas même prête. « Bat et moi, nous nous faisions une confiance aveugle. Je sais, que les choses sont différentes. Etranges. Pour ce soir… contentons-nous de le faire pour Gotham. » Ses paroles étaient solennelles, presque assassines. Non, elle ne reniait rien. La haine essayait de la ronger, mais elle avait décidé de lutter contre. Bien sûr, elle était blessée. Mais elle savait qu’elle devrait composer avec ses blessures, avec lui. Alors elle avait tendu une main, juste devant elle. Comme une promesse, celle d’un soir.  

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

Elle ne l’avait pas quitté des yeux. Elle ne s’attendait à rien ; elle avait appris, avec le temps. Les attentes mutaient en déception, métamorphoses maudites. Durant bien des années, Selina les avait enchaînées. De son passée de gamine aux joues creusées à l’image de femme accomplie qu’elle était devenue. Elle avait trouvé en la Batfamily un morceau de famille qu’elle n’avait jamais eu, une confiance accordée à demi-mot. « Allons-y, alors. Nous avons des otages à sauver. » Elle avait laissé retomber sa main le long de son corps. Bien sûr, qu’il ne t’accordera pas sa confiance. Elle s’était contenté de s’approcher du toit, prête à dégainer les accessoires qui lui permettrait de joindre Cape Carmine, ultime point de rendez-vous. Bien sûr, qu’elle aurait pu être blessée. Déchirée. Mais elle l’était déjà. Et durant des années, elle avait été habituée à être rejetée, trop libre, trop franche, trop volage. Trop paradoxale. Ce n’était pas son silence qui aurait raison d’elle, elle s’y refusait. Bruce est mort. Ce n’était pas lui. « Je pars devant. » La silhouette en cuir s’était évanouie dans la nuit. Bien sûr, qu’il la rattraperait. Elle n’avait pas sa force, pas sa rapidité. Elle savait qu’il n’était pas loin, et que malgré la distance qu’il appliquait avec soin entre eux, il gardait un œil sur elle.

Ils étaient arrivés à destination sans difficulté. Les yeux verts balayaient les environs, alors que son compagnon utilisait la super technologie de Lucius. Les informations qui lui donnaient été précises. Elle les écoutait avec attention, prenant le temps de toutes les assimilées. « Cinq personnes dans le bâtiment. Peut-être les otages et un garde ? Et... hmm. Des explosifs ont été placés à plusieurs endroits de l'entrepôt. Nygma prévoit de retenter l'expérience, alors soyons prudents. Tiens, prends ça. » Son regard s’était baissé vers le gadget du chevalier, prenant le brouilleur dans ses mains avec précaution. « Voilà comment nous allons procéder : je m'occupe des tireurs sur le toit ; tu pénètres dans le bâtiment, neutralise discrètement les bombes, puis tu t'occupes de ceux à l'intérieur. Pendant ce temps, je me charge des deux près du camion. Allons-y. » Les ordres étaient clairs, et cette fois-ci, elle s’était promis de garder ses remarques pour elle. Sans bruit, elle avait accroché le brouilleur à sa ceinture avant de se redresser et de faire face à son partenaire. « Je doute pouvoir te communiquer des informations, mon micro est endommagé. Si je trouve les otages, j’essaierai de te le faire comprendre. » Son visage s’était tourné vers le camion. « Nygma n’est pas aussi stupide pour les mettre tous au même endroit, n’est-ce pas ? Le jeu serait de trop courte durée. » Un soupir avant de tourner les talons, prête à rejoindre l’intérieur du bâtiment. « Sois prudent. » Elle n’avait pas attendu de réponse, elle savait qu’elle n’en aurait aucune. Bruce est mort. Oui, ce n’était pas lui. Mais comment pouvait-elle rester insensible devant le parfait sosie de celui dont elle partageait la vie ? « Miss Kyle, vous me recevez ? » Le signal était chaotique, mais elle avait compris les mots. « Je suis dans le bâtiment, Alfred. C’est truffé d’explosif, et ça ne m’étonnerait pas que Nygma est préparé un comité d’accueil. » Les chuchotements s’étaient perdus dans le désert qu’était l’immeuble. « Miss Kyle ? Soyez prudente, voulez-vous ? » Un nouveau sourire, avant qu’elle ne glisse une promesse à son ami : Je ferai mon possible Alfred. Elle n’avait pas tardé à rencontrer les premières bombes, désamorcées grâce à l’outils que Bat lui avait confié. Premières bombes…Et premiers ennemis. Mains posées sur les hanches, elle faisait mine d’être excédée. « Oh non, pas encore. » Les deux hommes s’étaient rués sur elle, sans se douter une seule seconde de l’issue du combat. Il ne lui avait fallu que quelques minutes pour mettre fin au duel, avant de se frotter les mains. « Catwoman, 2 – Nygma, 0. » Le constat n’était, en réalité, pas aussi simple : elle le savait, et savait aussi que le temps était compté.



Compté. Comme l’explosion des bombes. Catwoman avait usé de fantaisie pour atteindre des zones hors d’atteinte, refusant d’être confrontée une nouvelle fois aux déflagrations causées par Nygma. Ses sens étaient en alerte : elle refusait de se faire berner une nouvelle fois. La priorité était les otages, mais elle ne pouvait pas se permettre d’oublier un explosif. L’issue pourrait être catastrophique, pour elle, pour les otages, pour Bruce. Elle n’avait pas le droit à l’erreur. Elle fouillait les étages, la voleuse. Elle cherchait un trésor qui avait peu de valeur pour elle, mais qui pourrait sauver des vies. Elle s’était finalement arrêtée devant une porte loquetée. Le cadenas était trop récent pour faire partie des murs. Bingo. Forte de son expérience en cambriolage, Selina avait réussi à venir à bout de la serrure rapidement. Mais l’air satisfait sur son visage s’était dissipé en une seconde. Devant elle, des dizaines et des dizaines d’explosifs, reliés entre eux par un minuteur. « Surpriiiiiiiiiiiiiiise ! » Elle lève la tête et fixe les hauts parleurs des yeux, furieuse. « Tu ne pensais quand même pas que ton petit boîtier fonctionnerait ici, Catwoman ? Mmh ? Ne me dis pas que tu es si stupide que ça. Batman est tombé bien bas… » Un soupir résonne dans la pièce alors que son cœur s’accélère. « Comme tu peux le constater, il reste…. 47 minutes. J’espère que le feu d’artifice vous a plu, tout à l’heure. Celui-ci est aussi extraordinaire…. » Elle rage, bouillonne. « Tu paies rien pour attendre. » Un rire éclate, lui glaçant le sang. « Pauvre idiote, tu serais déjà morte brûlée si on ne t’avait pas sauvé ! Ma question est désormais celle-ci : ta lâcheté te poussera-t-elle à sauver ta peau, ou te battras-tu pour conserver le peu d’estimer que les autres ont de toi ? » Cette fois-ci, les ongles avaient percé la peau. Des filets de sang coulaient le long de ses doigts, tachant le sol en silence. Une lumière s’était allumée, manquant de l’aveugler. Un pas en arrière, plus deux, avant de s’enfuir dans le long couloir. Elle courrait à en perdre haleine, s’arrêtant devant chaque porte qu’elle croisait, les frappant du pied avec puissance dans l’espoir de libérer les otages. Mais il n’y avait personne. Elle courrait, et priait le ciel pour que son micro veuille bien fonctionner. « Alfred ? Alfred, je vous en supplie, il faut que vous m’écoutiez. » Dans son oreille, des bourdonnements apportaient une réponse. D’un geste vif, elle avait essayé de changer de canal, dans l’unique but de joindre Bruce. « Bat, Bat je ne sais pas si tu arrives à m’entendre. » Elle frappait encore les portes, sans succès. « Il y a un nid d’explosifs, programmé sur 47 minutes. Probablement 42 maintenant. Impossible de les brouiller, le système était beaucoup trop recherché. » Tu parles trop, Selina. Sois concise. « Bombes. Immeuble. Deuxième étage. 41 minutes. » Elle avait répété ce message trois fois, espérant qu’il arriverait à capter ne serait-ce qu’une fois.

Les grésillements avaient fini par la rendre folle. Sans réfléchir, Selina avait coupé la connexion, donnant un ultime coup de pied dans une porte ancienne. « Catwoman ! » Un lourd soupir de soulagement s’était échappé de ses lèvres, constatant que deux des trois otages se trouvaient dans la pièce. « Je suis en état d’arrestation, blablabla, je sais. Où est le troisième ? » Silence. « OÙ EST LE TROISIEME ? L’immeuble va exploser, j’ai pas le temps d’être patiente ! » La panique s’était installée sur le visage des officiers de police de la ville. « Dan il est… Il a réussi à s’échapper, il… » Quel con. « C’est pas un fan de Batman. Ou de… de…de vous. Il va probablement croire que vous êtes impliquée. » L’agacement se lisait sur ses traits, alors qu’elle leur intimait de quitter la pièce rapidement. « La voie est libre au premier et au rez-de-chaussée. Si vous réussissez à contacter votre collègue, dîtes-lui de déguerpir au plus vite. Vous devez quitter la zone rapidement. Pas le temps de jouer au cowboy, compris ? Prévenez Gordon, les équipes de la GCPD ne doivent pas s’approcher du périmètre. » Son visage n’était qu’à quelques centimètres de l’agent de police. Menaçante, elle avait perdu le sourire narquois qui rendait fou de rage les commissaires. « Maintenant ! » Plus que deux. Si cette rencontre avait eu le mérite de lui enlever un poids, elle lui avait aussi permis de reprendre son souffle. Elle n’avait cependant pas le temps de s’éterniser ici, le temps pressait, et elle avait potentiellement un otage à ses trousses. 34 minutes. C’était le peu de temps qu’il lui restait pour prévenir son chevalier, et convaincre un homme qui la chassait de quitter rapidement les lieux.

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

Son cœur battait à une vitesse inhabituelle. Elle l’entendait dans le creux de son oreille, résonner de façon lourde et incessante ; elle aurait voulu qu’il s’arrête. Brusquement. Qu’il la laisse en paix, qu’elle puisse réfléchir. Entendre pour une fois le silence, sans le bruit de ses pensées qui lui parasitait l’esprit. Respire Sel’. Respire. En vain. Les angoisses qui la hantaient depuis la mort de Bruce refaisaient surface. Bien sûr, elles avaient choisi un moment délicat pour revenir. Comme dans un cauchemar. « Putain, putain, putain… » Elle s’était remise à courir, cherchant un éventuel indice qui la mènerait vers une solution. Rien. Rien. Allez, Sel. Allez. La voleuse ignorait tout de la situation du Chevalier Noir, et commençait de sérieusement s’en préoccuper. Avait-il trouvé un otage ? Etait-il tombé sur Nygma ? Etait-il tombé sur le flic qui leur en voulait ?


Elle, oui. Plutôt que de fanfaronner, Catwoman avait décidé de se figer. Juste là, devant lui. Elle n’avait pas de temps à perdre en plaisanterie ou cascade fantasque. Il fallait qu’elle agisse au plus vite. « …Catwoman. Vous avez que… que si je vous ramènerai au commissaire, je… » Un soupir l’avait interrompu. « Je sais. Mais sois mignon, ne me fais pas perdre mon temps. Le bâtiment peut exploser d’une minute à l’autre, comme tu peux le constater, il n’y a rien à voler ici. Dépêche-toi de rejoindre les autres et mettez-vous à l’abri plus loin. » Ses yeux fixent la main armée qui tremble le long de son corps. Ne fais pas de connerie… Elle savait qu’elle ne pouvait pas se retrouver avec un corps inanimé sur les bras. « Tes deux collègues doivent être dehors. Cours les rejoindre. Nygma n’épargnera personne. » Le tout pour le tout. Selina avait repris sa marche rapide, sans même se retourner. « Je l’ai vu, Batman. Il m’a dit que Nygma essayait de nous tromper. » Bruce est mort., mais pas Batman. Elle s’était arrêtée une seconde, avant de reprendre sa course. Combien de temps lui restait-il ?


Toutes ses recherches s’étaient avérées vaines. La voleuse avait redescendu les étages, décidée à trouver des indices à l’extérieur. Les murs, les camions… Nygma pouvait utiliser tout ce qui était à porter de ses mains pour mettre fin à ses plans. Et son plan pour Catwoman était tout autre ; « Alors Catwoman, on a du mal à ouvrir la porte ? » Rire ridicule, alors qu’elle s’était arrêtée de forcer la porte. « Un comble pour une voleuse de ne pas savoir ouvrir une porte, n’est-ce pas ? Mes hommes ont fait le nécessaire pour bloquer les issues. Tu es faite comme… un rat ? » Nouvelles esclaffes, alors que des éclairs sortaient des yeux de la brune. « Et on t’appelle Catwoman, n’est-ce pas drôle ? » Non, ce n’était pas drôle. Pas un seul sourire ne s’était dessiné sur ses lèvres. « Le Joker aurait fait mieux. » Ultime provocation, elle le savait. « On s’amuse plus avec lui. Tes énigmes sont barbantes, Nygma. Tu n’as pas compris pourquoi personne ne voulait s’associer avec toi ? » Son coup de poker avait peu de chance de fonctionner, mais elle avait espoir qu’il lui donne un petit indice. « Tu n’as pas très aimable, Catwoman… Ta vie ne tient pourtant qu’à un fil… J’ai beaucoup de points communs avec le Joker… On aime les mêmes couleurs, et on aime aussi les farces… » Ses yeux roulent d’ennui. « Laisse-moi vivre mes dernières minutes en paix, tu veux ? » Elle avait rebroussé chemin, laissant le vilain sans interlocuteur.

Elle avait poursuivi ses recherches au rez-de-chaussée, avant de revenir devant la porte de sortie. Un bruit désagréable l’avait fait grimacer. Elle n’avait pas tout de suite compris. Qu’est-ce que... C’était son souffle. Son souffle qu’elle connaissait par cœur. « Bat ? » Son oreillette était endommagée, mais elle savait. Elle savait qu’une connexion était revenue, que quelque chose s’était passé. « Bat, mon micro a pris un sacré coup, je ne sais pas si tu m’entends. » Un nouveau coup de pied brise le silence de la pièce. « Nygma m’a pris pour une fourmis qu’il a foutu dans un bocal. Les issus de l’immeuble sont bloquées, je ne peux pas sortir. » Son souffle est un peu court, mais rien dans sa voix ne reflète la panique. Son corps s’était doucement épuisé, délaissé depuis la mort de son bien-aimé. La fougue qui la caractérisait tant s’était domptée. « Les otages sont tous sortis du bâtiment. Trois officiers de la GCPD. » Elle remontait doucement les étages, scrutant les murs en ultime recours. Elle voulait retrouver la pièce où se cachaient les bombes, trouver une solution, ou savoir quand son heure allait sonner. « …Douze minutes. » Ses yeux étaient affreusement vides. Elle fixait les détonateurs sans la moindre peur, alors qu’ils lui avaient arraché des frissons quelques minutes plus tôt. « J’ai retourné le bâtiment, je n’ai rien trouvé. Nygma m’a fait son charabia avec les fils et les couleurs, mais j’ignore si c’est un piège. » Bien sûr, elle était tentée de trancher le fil vert. Mais elle connaissait Nygma, et savait qu’il poussait les gens à faire ce que lui voulait. A cet instant, elle priait pour que Bruce ait plus d’indices qu’elle. Si Selina voulait se prouver le contraire, elle ne voulait pas mourir ici.

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

« Cat, attention ! » Les yeux verts s’étaient écarquillés sous la surprise. Selina était si concentrée qu’elle ne l’avait pas entendu se glisser derrière elle, si concentrée qu’elle n’avait pas deviné sa présence. Pourtant, elle le sentait. Elle savait quand Bruce était près d’elle ; une aura particulière prenait possession d’elle. Elle le ressentait au plus profond de son ventre, comme s’il avait été dénoué de tous les précédents malheurs. Bruce est mort. Ce n’était pas son Bruce. Etait-ce pour cette raison qu’elle n’avait pas prédit son arrivée ? Ou était-ce à cause de la fatigue et concentration excessives qui avaient amaigri son corps, creusé son visage, marqué ses yeux ? Elle avait préféré ne pas s’attarder sur la question, observant son chevalier brisé aisément deux robots qui voulaient visiblement lui enlever la vie. D’un coup de pied, elle avait réussi à briser un des bras d’un robot, s’étonnant de la solidité de ceux-ci. « Heureuse de te revoir, Bat ! » Un sourire était venu illuminé les traits doux de son visage, comme incarné par un souffle nouveau. « J’ai bien cru que Nygma aurait raison de moi, cette fois-ci. Ça m’aurait embêté de partir à cause de ce bouffon. » Elle s’était rapproché des fils, laissant la chauve-souris s’occuper du dernier robot. Les fils étaient multiples, il lui fallait réfléchir et faire le bon choix. « Tu es conscient que tu mets nos deux vies entre mes mains ? » Elle venait de le réaliser, à l’instant. Elle ignorait si cette décision était un élan de confiance, ou un élan d’insouciance. Bruce, tu viens de confier ta vie à une inconnue qui a commis un nombre de crimes vertigineux. Faisait-il confiance à la Catwoman de son monde, comme Bruce lui avait accordé une confiance aveugle ? TAIS-TOI SELINA. Ses mains fines s’étaient délicatement avancées vers le plus massif des détonateurs. …Y’a aucun fil vert… Elle avait ravalé sa salive, sentant son cœur battre un peu plus vive. Les voix se multipliaient dans sa tête, lui soufflant de couper le fil rouge, puis le blanc, puis le bleu. Le jaune. Puis le bleu. Le jaune. Puis le bleu. Vert.

Les griffes avaient été fatales aux deux fils. Ses yeux s’étaient clos une seconde. Autour d’elle, rien n’avait bougé. Uniquement le silence, et le crépitement douteux qui venait d’un robot à terre. « …On est encore en vie ? » Son visage s’était tourné en direction du Batman. On pouvait y lire la surprise, teintée d’un soulagement évident. Pour tant de raisons ; elle l’avait retrouvé lui, elle était sortie d’affaire, et elle ne les avait pas tué. Selina s’était habilement redressée, raccourcissant la courte distance entre son chevalier et elle. Elle se tenait juste devant lui, à quelques centimètres maintenant, levant le visage pour pouvoir espérer attraper son regard. « Merci de m’avoir fait confiance. » Ça lui avait arraché un sourire, presque un rire nerveux. « J’aurai jamais cru que tu me laisserais ta vie entre les mains il y a quelques heures. » Avec douceur, elle s’était hissée sur la pointe des pieds et s’était doucement penchée au-dessus de l’épaule du chevalier. « …Quelle est la suite de nos aventures, Alfred ? » Traduire ce rapprochement par de l’unique provocation était mal connaître la voleuse. L’envie était présente, tout comme cette part d’innocence qui se cachait parfois en elle. D’un pas, son corps s’était éloigné du sien, ne quittant pas pour autant son regard à travers leurs masques. « Oh, miss Kyle. Un plaisir de vous entendre. Il vous faudra vous diriger vers les souterrains, Nygma semble s’y réfugier. » …Sale rat. Elle était prête. Prête à lui rendre la monnaie de sa pièce, à lui faire payer le sang désormais séché sur son visage. « …Il paraît que taper dans un léprochaune, ça lui fait cracher des pièces d’or. J’ai hâte de voir ce qui va sortir du chapeau de Nygma. »


Ils s’étaient sortis dans trop de difficultés, éliminant tous les ennemis présents dans l’enceinte de l’immeuble. Le but était maintenant de trouver une entrée potentielle, un chemin vers leur ennemi. Derrière elle, Batman scrutait avec attention autour de lui, alors qu’elle balayait l’herbe de ses bottes de cuir un peu plus loin. Puis un bruit de métal, juste sous ses pieds. « …Bingo. » Son sourire trahissait sa victoire alors qu’elle était baissée dans l’obscurité. « …La trappe est fermée de l’intérieur. » Ses yeux se posent partout, jusqu’à ce qu’elle détecte une bouche à égout à quelques mètres. Lucky Cat. Sans prêter attention à son partenaire, Catwoman s’active. La rage en elle l’anime, tout comme la volonté de coincer Nygma. « Voici ma porte d’entrée. » La plaque était étroite, elle savait que Bruce ne pourrait pas s’y faufiler. Son corps s’était étendu dans les airs, étirant ses muscles comme ceux d’un félin prêt à sauter sur sa victime. «Je pense que je peux t’ouvrir la trappe qu’il y avait un peu plus haut, sous les branches. » D’un geste du pied, le chat avait fait glisser la plaque sur le côté, se penchant au-dessus du gouffre pour jauger la profondeur. …Tu as fait pire, Sel. Elle avait jeté un dernier regard au chevalier noir avant de glisser la silhouette fine dans le gouffre. Par chance, la lampe intégrée dans ses lunettes n’était pas endommagée. Elle se déplaçait dans les tunnels avec aisance, à la recherche de la trappe qui permettrait à Bruce de la rejoindre. « …J’ai connu mieux comme premier rendez-vous… » Un soupir s’était échappé de ses lèvres avant que ses yeux s’illuminent à la vue d’une échelle. …La roue tourne. Sans difficulté, Selina s’était hissée à la surface, ouvrant la trappe à son amant. « …Si Monsieur veut bien se donner la peine. » L’air joueur qui s’était invité sur son visage ne trompait personne : la partie ne faisait uniquement que commencer pour elle.

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

Curiosity kills the cat. Fort heureusement pour Selina, les chats avaient neuf vies d’après une ancienne légende. Mettre son nez partout semblait être une obligation, comme une signature. Pourtant, elle savait que ce besoin entêtant de savoir la menait toujours vers des destinations parfois dangereuses. Nombreux étaient les affreux personnages qui voulaient sa peau parce qu’elle en avait trop vu, trop entendu. Elle était redoutable, Catwoman. Son corps se déplaçait tel celui d’une acrobate, engageant une danse infernale dont ses adversaires n’en sortaient pas. C’était avec un naturel déconcertant que le corps moulé dans le cuir était plaqué au sien, désireuse de voir ce dont il s’agissait. Son esprit était bien trop occupé à essayer de se concentrer sur la mission, et non plus sur le miroir parfait de son ancien époux. Un clone qui abritait une âme différente, qu’elle savait difficile à dompter. Elle voulait l’enterrer, cette idée. Elle luttait constamment contre la peur de le connaître, la peur de le voir partir. D’entendre des vérités qui la blesserait, la mettrait à terre. Bruce est mort mais lui était là, maladroit, perdu dans un monde qui n’était pas le sien. « « Si nous bougeons, elle s'ouvrira probablement, et impossible de savoir ce qu'il y a en dessous. Si jamais cela arrive, j'utiliserai le grappin pour nous suspendre dans les airs. Prépare-toi à t'accrocher à m... » Immédiatement, la chute. Batman n’avait pas même eu le temps de terminer sa phrase. En une fraction de seconde, ils s’étaient effondrés sur le sol. La chute avait été plus préjudiciable pour son partenaire que pour elle, plus légère. Les yeux verts s’étaient posés sur le Chevalier, qui se relevait non sans effort. Elle ne pouvait rien dire, rien faire qui laisserait deviner à l’Homme Mystère qu’il était dans une mauvaise position. Elle s’était contenté de se redresser lentement, scannant minutieusement la pièce. « ...Et voici le grand final ! Mes deux tourtereaux préférés, face à mon génie ! Prêts pour le dernier test, mes mignons ? » Ses poings s’étaient serrés, instinctivement. Elle aurait juré le réduire en morceaux en une fraction de seconde, lasse de ses jeux idiots. « Accouche, Nygma. On a pas toute la nuit non plus. » Le regard qu’elle lui jetait était mauvais. Elle voulait en finir, vite. Son corps était affaibli, elle le savait. Les dures semaines sans sommeil, sans se nourrir correctement. La fatigue physique qu’elle n’avait plus connue, mais surtout émotionnelle qui l’assommait à chaque minute, chaque seconde. Les coups qu’elle avait encaissés, les paroles qui résonnaient en elle. Selina le sentait au plus profond d’elle : tout en elle menaçait de s’écrouler comme un château de cartes.

La spécialité de Nygma, ce n’était pas les énigmes, mais de jouer avec les nerfs de ses proies. Il était suffisamment intelligent pour détecter les failles, pour surprendre. Les yeux de la belle s’étaient reposés sur les angles de la pièce, à la recherche d’un gadget de l’homme vert. « …C’est quoi ça… » Sa voix était à peine audible, comme un secret. Ce n’était étrangement pas les lasers prêts à les trancher en quatre qui lui avaient glacé le sang, mais bien les petites bouches prêtes à cracher quelque chose. « Alors Selina, tu donnes ta langue au chat ? » La pièce était trop petite, les murs trop bas. « …Du gaz. » L’euphorie avait envahi le vilain, en sécurité de l’autre côté de la vitre. Il applaudissait, fou de joie. « Je savais que tu pouvais être maligne parfois ! Si vous ne trouvez pas la solution à cette énigme, un gaz toxique envahira la pièce. Je sais que vos gadgets sont très perfectionnés, j’ai donc rajouté quelques lasers pour pimenter un peu le jeu…Au cas où. N’est-ce pas fantastique ? » Catwoman avait ravalé sa salive. Elle se savait complètement nue de protection contre un quelconque gaz, et avait déjà été témoin des dégâts qu’ils pouvaient faire. « Oh, Cat. Tu te souviens des gamins perdus d’East End ? Tu sais, ceux qui se sont battus à mort… » L’orage la gagnait, prédisant une tempête intérieure bien plus forte qu’elle. Bien sûr, qu’elle se souvenait. Elle se souvenait de ces gamins qui s’étaient arraché le visage, rendus complètement fous par le gaz utilisés par l’Epouvantail. « Je me souviens. » Les corps n’étaient pas identifiables, déformés par la rage et les instincts primitifs de la rue. « Vous avez trente minutes pour vous sortir d’ici, avant que les charmantes trappes au-dessus de votre tête ne s’ouvrent totalement. Vous aurez le plaisir de goûter à une quantité minime de celui-ci pendant votre temps de réflexion, pour vous mettre en joie. » Il riait, encore. Puis plus rien. La vitre était devenue noire, sans possibilité de le voir, de l’observer. Et dans un accès de colère, le poing de la brune était venu frapper la large baie teintée. Le chrono venait de s’enclencher, et la rage l’avait immunisé aux éléments extérieurs. Malgré le poids qui écrasait son corps, Selina avait qu’elle devait pourtant continuer de se battre. Pour lui, pour Alfred. Pour Bruce.

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

« Récapitulons. Le tunnel au-dessus de nos têtes ne sera accessible que lorsque les trappes s'ouvriront. Au moins une d'entre elles mène à celui-ci, les autres doivent mener à des conduits de maintenance d'où sortira le gaz. Les lasers sortent par les faisceaux tout autour de la pièce, et des petits ventilateurs commencent à lâcher du gaz depuis les angles. Pour l'instant, en quantité trop faible pour m'affecter, mais ça ne saurait tarder à changer. » Mais la quantité de gaz arriverait à devenir dangereux d’ici peu. Elle en avait déjà vu les effets, meurtriers sur des petits corps. Batman était solide, mais le gaz aurait raison de lui à un moment ou un autre. « Oh... c'est mignon ! Les deux amoureux qui veulent se dire adieu vingt-trois minutes avant la fin ! Promis, je ferme les yeux pour vous laisser ce moment d'intimité ! » Elle aurait voulu le tuer. Le faire taire. Une balle entre les deux yeux, comme Black Mask. Elle en rêvait, alors qu’elle en cauchemardait la nuit. « La trappe juste au-dessus de toi est la bonne. Prends le bat-grappin ; quand elle s'ouvrira, bondis et désactive l'arrivée du gaz ; les valves ne doivent pas être loin. Moi, je vais créer une brèche pour permettre d'attraper Nygma. Tiens-toi prête. » Son corps avait été attiré contre le sien. Sans prévenir. Ses yeux s’étaient arrondis sous la surprise, se plantant désespérément dans l’azur des siens. Une surprise d’autant plus surprenante que le respirateur qu’il avait callé entre ses lèvres, préférant privilégier sa vie plutôt que la sienne. Bruce… Tout était fluide, comme s’ils ne s’étaient jamais quitté. Toujours connus. La rupture s’était effacée, la mort passagère. Elle n’avait pas eu le temps de profiter de sa chaleur, de son étreinte. Pas le temps pour protester, pour lui dire qu’elle voulait rester avec lui. Le corps solide avait quitté le sien, fragile, pour mettre son plan à exécution. Un mouvement lui avait suffi pour atteindre le grappin, et se hisser hors du piège. Laissant son bien-aimé aux griffes de gaz toxiques.

Ses pieds avaient touché la terre, ferme. Autour d’elle, l’extérieur. L’herbe, les arbres. Cette petite forêt que ses bottes avaient foulé une poignée de minutes auparavant. Ici, tout était paisible. Dans son esprit. Elle n’entendait pas les sirènes de GCPD, l’arrivée des journalistes au loin, les cris après l’explosion. Non, rien de tout ça. Un sifflement aigüe, pourtant si sourd, si long. Pendant une seconde, son âme avait déserté son corps. Selina était perdue. Elle regardait tout autour d’elle, et cette seconde lui parut être une éternité. Bruce est mort. Non. Non, Bruce était là. Sous ses pieds. D’un geste mécanique, elle était venue retirer le respirateur d’entre ses lèvres, sentant à nouveau la chaleur du corps du chevalier contre le sien. Depuis combien de temps n’as-tu pas senti ce réconfort, cette chaleur ? Ses yeux de Jade dans le vide, son esprit dans le brouillard. Bruce. Un électrochoc, plus violent encore que l’explosion. Et puis un cri, déchirant le silence de son esprit. « ALFRED ! » Un cri désespéré, comme celui qui lui avait arraché la gorge lorsqu’elle avait sa mort. Bruce. Brisant le silence comme cette coupe de vin qui s’était écrasée sur le sol. N’est. Son cœur bat trop vite, partout. Dans ses tempes, sa poitrine, son ventre, ses veines. Elle voudrait l’arracher, et se nourrir de cette impulsion pour toujours. Pas Elle se hâte d’attraper le fouet à sa ceinture, pour l’accrocher solidement à un arbre non loin. Une corde de rappel, qui la priverait de son arme principale, mais qui pourrait lui être utile plus tard. Mort. Une main était venue se viser sur ses lunettes. Ultime espoir, mais elle devait essayer. « Alfred, c’est Cat. Envoyez-moi la Batmobile à notre localisation. Je crains pour la santé de Bat, je veux être sûre de pouvoir le ramener en un morceau. ». Elle ignorait si la transmission de son micro était encore fonctionnelle, mais elle aurait au moins essayé. Le plan B étant de voler un véhicule de la GCPD, un acte de bravoure dont elle avait déjà fait preuve. Il lui suffisait maintenant de sortir le sosie de son bien-aimé de la tourmente.

Alors elle courrait, la voleuse. Elle courrait le long du tunnel, ouvrant chaque trappe qu’elle voyait sous ses pieds. Pour laisser échapper le gaz, priant pour que son bien-aimé ait la vie sauve. Elle courrait, avant de le rejoindre dans le sous-terrain explosé. La fatigue avait quitté son corps, comme un ultime recours. Les malades avaient ce regain d’énergie avant de quitter la vie, disaient-ils. Une impulsion nouvelle, l’adrénaline avant la fin. Le vide. Mais elle s’en fichait. Le monde avait déjà perdu un Batman, elle se refusait à ce qu’il en perde un second. Elle n’était rien, elle, hormis la voleuse prestigieuse de Gotham. Lui, représentait tout. Bruce Wayne, Batman. Ils étaient les fondements de Gotham. Sans eux, la ville s’effondrait, se noyait dans les limbes. « BAT ! » L’épaisse fumée l’empêchait d’y voir clair. Son matériel était brisé, son corps ne suivait plus, mais elle se battait. Selina se battait. Pour la première fois depuis la mort de Bruce, elle se sentait vivante, pourtant à l’aube de l’épuisement, éteinte. Ses bras s’agitaient dans le brouillard, jusqu’à percuter une cible : Nygma.

Un coup était venu la séparer de ce qu’elle cherchait depuis le début : un combat entre son Chevalier et l’ennemi de la soirée. Il fallait capturer Nygma. Il fallait sauver Bruce. Ce nouveau Bruce. Bruce est mort, mais on pouvait sauver ce souffle nouveau, le nouveau protecteur de Gotham. « Bat ! » Un cri perdu dans le brouillard, la panique environnante. Son regard s’était posé sur le plafond, observant les trappes absorber les toxines qui envahissaient la pièce. Peu de temps de gagner, mais elle savait que c’était déjà ça de gagner. Et son regard s’était posé sur lui, à travers la fumée. Presque dénué d’armure, blessé, mais pas vaincu. Elle pensait à Alfred, espérant que son appel avait été reçu. Jusqu’à ce qu’une main vint se poser sur son épaule : une prise légère, faible. Ce n’était pas celle du Chevalier, elle le savait. Un volte-face lui avait permis de confirmer sa pensée, observant le visage tuméfié de Nygma, presque caché derrière un chapeau abîmé. Sans même le savoir, une force herculéenne l’avait poussé contre le mur, assommant partiellement le vilain pour quelques minutes. Le temps qu’elle se soucie du double de son amant, avant de jeter à son cou pour capturer ses lèvres. Bien plus qu’un baiser, une bouffée d’oxygène pure, pas encore contaminée par le gaz qui dominait la pièce. Et un échange rapide, troquant ses lèvres contre le respirateur qu’elle gardait précieusement au creux de ses griffes. « Il est temps d’en finir. » Tendrement, ses mains avaient encadré le visage de la chauve-souris, avant de le quitter pour utiliser le bat-grappin de menotte du meurtrier. Selina retenait son souffle. Elle se savait faible, vulnérable au gaz. Sans trop tarder, sa main avait rejoint celle du Batman, l’entrainant vers Nygma et lui intimant de porter son corps engourdit vers elle. La porte de sortie se trouvait non loin, près de son fouet qui pendait non loin. Une promesse vers la fin d’un cauchemar dont elle ne souhaitait que la fin.

(c) oxymort

please break my heart

bruce & selina

◊ ◊ ◊

Elle n’avait rien vu venir. Ni Nygma, ni son spectre. Ni la pointe, ni la rage dans son regard. Rien. Tout était flou, trouble. Le gaz, la fatigue, l’épuisement même. Son désir profond de quitter ce piège, de rejoindre le monde au-dessus d’eux, la sécurité. Elle n’avait pas vu le corps du titan protéger le sien, prendre les coups à sa place. Le coup, qui avait arraché un lourd grognement de douleur à la chauve-souris. Ses yeux s’étaient écarquillés d’effroi en voyant le sang sur le sol, à ses pieds. « Bat ! » Sa voix était étouffée dans la confusion générale, alors qu’elle était témoin d’un nouveau combat entre le Batman et l’Homme Mystère. Un combat court, qui n’avait laissé aucun des deux hommes indemnes. Nygma était certes hors d’état de nuire de nouveau, mais le justicier pâtissait de ses blessures. Il fallait agir vite, et le sortir au plus vite de cet enfer. « Cat… » Elle s’était précipitée devant lui, cherchant à adoucir sa chute certaine. Il était là, devant elle, un genou au sol. « Je… Je crois que j’en ai fait assez pour ce soir. » Selina aurait presque pu rire si elle n’était pas aussi concentrée dans son avancée. Il lui avait tout de même arraché un sourire, comme Bruce arrivait toujours à le faire. Dans les moments difficiles, il avait toujours eu les bons mots pour la rassurer, pour la faire sourire. « Tu en as fait assez pour une bonne semaine. » Il était à bout de souffle, blessé jusqu’à la moelle, étourdi par le gaz et épuisé de cette longue nuit. « Je suis là, je vais te sortir de là. » Elle le devait. Elle lui devait. Il lui avait sauvé la vie, bien des fois encore. Il lui sauverait encore de nombreuses fois, c’était une certitude.

Ses mains délicates étaient venues se déposer à la naissance de ses épaules, comme la femme réconfortante qu’elle savait parfois être. « Alfred, mon micro est brisé, j’ignore si mon message vous a été transmis. J’ai besoin de la bat-mobile, je vous prie de nous l’envoyez au plus vite. » Elle espérait que l’équipement de la chauve-souris n’était pas aussi endommagé que le sien ; elle le savait plus solide, grâce aux technologies les plus poussées qu’il avait pu développer. Elle devait maintenant sortir d’ici, et elle savait que la tâche n’allait pas être facile. D’un coup d’œil, elle avait observé Nygma, livré à son sort. « Toi, tu paies rien pour attendre. Un beau comité t’attend en haut. » Elle savait que la GCPD finirait ce qu’ils avaient commencé, et que le fou au costume vert rejoindrait l’asile d’Arkham après avoir reçu des soins. Cela le tiendrait hors de leur chemin un moment, jusqu’à ce qu’il réussisse une nouvelle fois à s’en échapper. Ce qui l’intéressait, c’était le grappin, seul outil qu’elle avait sous la main pour extirper le corps du titan de ce tunnel. Tout se mélanger dans son esprit, déjà brisé depuis longtemps. Mais agir était désormais la seule chose qu’elle pouvait faire. Non sans difficulté, la belle avait relevé le titan blessé, pour marcher péniblement jusqu’à la trappe au-dessus de leur tête. « Reste ici une seconde. Je ne t’abandonne pas. » La silhouette de cuir titubait, dépourvue du respirateur. Le gaz lui faisait tourner la tête, bien qu’il fût beaucoup plus diffus qu’auparavant. Elle avait fermé les yeux, une seconde, cherchant la concentration qui lui manquait dans ses retranchements les plus profonds. Et finalement, le grappin était dans ses mains. Elle avait rebroussé chemin avec précipitation, se heurtant à divers objets avant de retrouver Bruce. « Reste avec moi Bat, reste avec moi. » Une main tendre était venue se poser sur sa joue, s’assurant qu’il était toujours conscient. Ses yeux luttaient pour rester ouverts. « Je t’interdis de me filer entre les mains. Tu ne dois pas t’endormir, tu m’entends ? » Selina se battait avec le grappin, réticent à l’idée de sauver son propre maître. « Je t’interdis de partir une nouvelle fois. » Elle savait que le gaz aurait des répercutions plus lourdes s’il sombrait dans le sommeil. Elle l’avait déjà vu, elle en avait déjà été témoin. Un sourire était finalement venu éclairer le visage terne : elle était venue à bout de l’outil de leur sauvetage, et s’était hâtée de faire un nœud solide autour de la chauve-souris. « Alfred, prévenez la GCPD qu’il y a un gaz toxique dans le tunnel. Ils vont devoir y descendre avec des masques, ils sont équipés. Nygma est dans un sale état, il ne pourra pas s’enfuir. » Elle lutte, la voleuse. Mais elle est sereine. La fin du cauchemar est proche. « Dîtes à Gordon qu’il a le feu vert d’ici quelques minutes. J’évacue le chevalier et le ramène auprès de vous. » Puis son doigt sur la gâchette, propulsant leurs corps hors du souterrain.



La lumière commençait à se montrer, timidement. « Miss Kyle, je doute que vous soyez en état de conduire… » Selina n’avait pas le temps d’écouter les conseils précieux du majordome. Il lui fallait maintenant rejoindre le manoir pour que Bruce reçoive les soins nécessaires. Péniblement, elle avait traîné le fantôme de son bien-aimé. Elle grimaçait de douleur, mais s’interdisait le moindre son. « Le pilote automatique est activé. Il vous suffira de rentrer l’adresse du manoir pour que la voiture vous y amène en sécurité. » Alfred avait parfaitement suivi les instructions : la bat-mobile était garée à quelques mètres de la trappe uniquement, attendant précieusement ses passagers. Il avait le don de toujours simplifier les choses, Alfred. L’ouverture de la voiture, les sièges passagers couchés, le kit de premier secours à portée de main. « Je t’interdis de baisser les bras, tu m’entends. Tu restes avec moi. » Elle ignorait s’il l’entendait. Elle s’en fichait bien, finalement. Un ultime effort lui avait été demandé pour traîner son corps dans la voiture, dotée de formidables gadgets et pourtant si confortable. « Je t’ai perdu une fois, je ne te perdrais pas deux. » Bruce est mort. Mais lui est bien vivant. La porte s’était refermée rapidement. Il ne lui avait fallu que quelques secondes pour rentrer l’adresse du manoir, avant de jeter un coup d’œil par la fenêtre. Dehors, la fourmilière grouillait. Les agents de police courraient en leur direction, équipés d’épais masques à gaz. J’espère que tu vas pourrir à Arkham un moment. De la finalité de la soirée, elle n’en saurait rien. La voiture s’était déjà éloignée, rendant la scène invisible à l’œil nu. Mais ce n’était pas sa priorité. « Reste tranquille. » Ses mains tremblantes s’étaient approchées de son torse blessé, éloignant les tissus de la plaie. « Merde… » Cette dernière était bien trop profonde pour qu’elle puisse faire quoi que ce soit : Catwoman était téméraire, mais lucide. Elle refusait de faire plus de mal que de bien, elle se savait étourdie, et savait ses mains peu précises. Elle s’était contenté de lui administrer un antidouleur, et de veiller sur lui jusqu’à leur arrivée au manoir. De ce moment, elle n’avait pas quitté sa main. Un doigt habilement posé sur son poignet, surveillant son pouls de toute l’attention qu’il lui restait.


La voiture avait finalement franchi le portail de l’imposant manoir. À l’intérieur de la Batcave, Alfred attendait, inquiet. Selina n’avait pas tardé à le rejoindre, jetant un regard presque rassurant au vieil homme. « Pour l’amour du ciel, Miss Kyle. Regardez-vous… » Sans un mot, elle avait rapproché le brancard de la voiture, décidée à sortir Bruce de la voiture au plus vite. « Son état est stable, mais il a perdu beaucoup de sang. Je n’ai pas pu lui faire de soin, j’ai respiré trop de gaz. » Bruce était sauf. Entre les mains de fée d’Alfred, la vie n’était plus en danger. Elle le savait. « Selina, vous avez besoin de soin aussi. » Et finalement, un sourire. « Occupez-vous de Bruce. Je vous promets de me laisser soigner après. Je vous attends ici, pour retrouver mes esprits. » Peut-être était-ce la fatigue, peut-être était-ce le gaz. Les dernières paroles du majordome s’étaient perdues dans l’immense cave. Au loin, le brancard s’éloignait, lentement. Et puis, plus rien. Le noir. Son corps avait lâché, épuisé de ces aventures. Mais elle s’était endormie tranquille, la voleuse : son chevalier était hors de danger. Elle avait honoré sa promesse.

(c) oxymort