Apnée qui ne s'arrêtait pas. Coeur battant trop fort dans la poitrine, hurlant tout ce qui ne pouvait pas être dit. Tu te ronges les ongles dans le taxi apprêté pour l'occasion. Ce rendez-vous ne venait pas de toi. Les idées n'étaient pas tiennes. Et l'appréhension, au creux de tes reins, avait un goût tellement désagréable. Parce que tu savais parfaitement pourquoi tu devais te rendre au manoir Wayne. Tu y étais déjà allée plus petite. Perdue dans la foule quand seul ton nom raisonnait. Tu n'étais personne et déjà pourtant si importante que tu ne t'en rendais pas compte.
Tes doigts pianotent, à toute vitesse, sur l'écran du téléphone pour ne pas voir que tu perds pied. Que peut-être, au plus profond de vous, Matteo avait raison. Que tu ne seras jamais rien d'autre qu'une jolie poupée de son entre les mains de tes parents. En joyau, polie pour leur unique volonté afin de devenir quelque chose d'utile. Tu n'avais pas voulu creuser les mots de ton frère. Mais cette après midi, sous le ciel toujours pluvieux de Gotham, c'est à lui que tu envoies un texto. Il ne prendra pas la peine de l'ouvrir, laissant l'accusé sur reçu. Combien de temps avant qu'il ne change de numéro ? Combien de temps avant que tu n'es définitivement plus aucune possibilité de prendre de ses nouvelles ? C'est ainsi que tes parents t'ont convaincu de demander une place à Wayne. Parce qu'avec lui, tu aurais une chance de retrouver ton jumeau. Comme si les Warworsth en avaient quelque chose à faire. Tes larmes n'ont ému que ta propre personne.
Tes narines crachent un soupçon de fumée alors que tu expires. Vider ton âme avant d'arriver devant celui qui doit avoir tant à faire depuis que le monde a explosé. Son nom, en lettres brunes sur papier blanc, tu ne voulais pas y croire. Mais tes parents étaient formels. La chauve souris était proche, tellement proche que vous auriez pu la toucher.
Nouveau déglutissement quand tu tends le billet au chauffeur, en lui disant de garder la monnaie. Merci eternel visé aux lèvres. Tu dois bien être la seule de ta famille à connaitre la politesse. A moins que ce soit Matteo l'exception, lui visé dans sa supériorité qui n'existe plus. Plus rien que des cheveux blonds et des yeux bleus, plus rien qu'un prénom qu'il a déjà changé.
Mais tu ne pleures plus. Parce que c'est trop tard et parce que, là où tu te trouves, tu dois être plus forte que tu ne l'as jamais été. Le rendez-vous a déjà été arrangé. On t'attendra, toi la MW qui ne vient pourtant pas pour ça. Tes géniteurs n'ont pas tout expliqué aux téléphones. A toi de faire tes preuves.
Qu'ils peuvent être idiots quand ils pensent de la sorte. Tu n'as jamais été Matteo. Et tu n'as jamais été capable de faire tes preuves. A peine de sauver des imbéciles dans la rue en faisant quelque étincelles. Impossible pour ceux qui te destinaient à bien plus.
Tu sonnes. Tu attends. Le majordome viendra. Très vite, aussi vite qu'on peut pour une personne de ton importance. Mais tu le sais, maintenant que tu te trouves devant l'immense manoir de la chauve souris. Tu n'es personne d'autre qu'un minuscule insecte que mangera, en gouter, le volant.
Alfred était allé ouvrir, Bruce étant occupé dans la Batcave sur le rafistolage d'une de ses armures. La nuit précédente, une confrontation avec des malfrats à la solde du Joker avait mal tourné, et il avait été blessé. Un instant d'innattention, rare et pourtant si révélateur de son état d'esprit actuel. Il commençait à être fatigué. Il avait besoin de repos, d'une pause de plusieurs jours... et ça lui paraissait compliqué. Il était le Chevalier Noir de Gotham, et au vu de ce qu'il se passait dans la ville ces dernières semaines, il n'allait pas pouvoir se reposer.
Malgré les injonctions de son majordome.
Il remonta dans le manoir, utilisant l'ascenseur secret. Depuis la révélation de son identité, chaque visiteur avait essayé de trouver l'entrée de la Batcave sous le bâtiment, de lui arracher quelques secrets, de lui parler de tout ça et de tenter de lui faire avouer des choses sur le Chevalier Noir de Gotham. Bruce, à chaque fois, avait pratiqué la langue de plomb, et il n'avait laissé filtré aucune information. Personne n'aurait pu réussir à lui soutirer la moindre information.
Et pourtant... tout était si compliqué avec les autres membres de la batfamily qu'il se demandait, parfois, s'il n'aurait pas fallu laisser entrer quelqu'un d'autre dans son univers. Quelqu'un avec qui partager ses découvertes, ses secrets. Quelqu'un d'autre à former. Un nouveau Robin.
« ...permettez que je vous débarrasse, miss. Ah, maître Bruce. Voici Malory Warworsth, notre invitée ce soir. Allez vous asseoir, je vous apporte du thé. »
Le maître de maison resta immobile dans le salon, une main contre sa hanche, l'autre dans une poche. Stoïque et le visage fermé, il observa la jeune femme qui s'avançait vers lui, clairement mal à l'aise. Elle n'était sans doute pas là de son propre gré, ou du moins, pas parce que ça lui faisait plaisir. Elle avait un visage fin et allongé, des cheveux dorés, et elle était très jeune. Pour un peu, on aurait pu la prendre pour une lycéenne venue rencontrer son idole.
Mais ce n'était certainement pas le cas. Les Warworsth n'étaient clairement pas une famille de samaritains.
« Bonsoir. Bruce Wayne, mais ça... vous le savez déjà. »
Il s'était approché, la main tendue amicalement. C'était Shiva qui lui avait appris ça, jadis : une poignée de mains en révélait beaucoup sur le caractère des personnes. Bien sur, là, il était en civil, et il ne risquait donc pas d'intimider autant la jeune femme que s'il avait porté l'armure. Mais pourtant, il savait que l'effet était immédiat. Depuis la révélation, personne n'osait le contredire ou lui lancer des invectives. Personne n'osait rien contre lui, depuis la tentative de Black Mask.
Batman était devenu tellement terrifiant pour le monde, maintenant qu'on savait qu'il avait un empire financier presque sans limite derrière lui. Amusant, à quel point une vérité tant redoutée s'avérait au final aussi utile. Pour un peu, Bruce aurait pu souhaiter que les choses arrivent véritablement, s'il l'avait su.
« Inutile d'y aller par quatre chemins : quelle est la raison de votre venue?La dernière fois que vos parents m'ont contacté, il était question d'une tutelle financière... mais c'était il y a deux ans, au moins. J'ose espérer – et deviner - que la raison est désormais toute autre ? »
Alfred semblait sympathique, plus que de nombreux majordomes auxquels tu avais un jour eu à faire. Tu lui souriais, honnêtement, sans les manières des tiens. Parce que mentir ne serviraient à rien ici et combien de fois tu t'étais rendu à l'évidence que face à ceux nés différents, tu n'étais qu'une minuscule étoile que tes parents avaient eu même accroché pour faire descendre sur terre. Tu inspiras, une fois de plus, sourire éternellement visé aux lèvres. On ne te l'enlevait que si rarement parce qu'il était ton masque face à tout ceux qui, un jour, s'en prendrait aux Warworsth. Tant d'espérance que ta venue ici.
Et pourtant, alors que Bruce Wayne apparait, tu sais que tu n'arriveras pas à aussi bien garder la face. Pourquoi avaient-ils trouvé le moyen de se brouiller avec Matteo ? N'aurait-se été tellement plus facile que de l'envoyer lui ? Tu tentes de garder constance, de garder les épaules hautes et le visage avenant. Pourtant, tu n'as qu'une envie. T'enfoncer dans un trou et ne jamais en ressortir. Les yeux bleus t'observent, t'analysent et toi, tu tentes de ne pas déglutir ou baisser le regard. Car soutenir à son importance. Car le premier quittant le combat est le perdant.
Dieu que tu les détestes à l'instant de t'avoir envoyé toi.
Tu pris la main, serrant fortement la poigne. Nul besoin de briser. Seulement celui de prouver que, derrière ton visage et les expressions qui s'en échappaient comme d'un livre ouvert, tu n'étais pas la faible depuis demoiselle que tu montrais à chaque seconde. Penses à ce que tu es Malory. Penses à Theia. Mais nul costume derrière lequel te cacher aujourd'hui. Juste toi, ta véritable identité et, en face, un homme plus puissant que tout ceux que tu n'avais jamais pu rencontrer. Bruce Wayne. Batman. Héros des nuits sombres de Gotham, considéré comme un criminel par tant. Jamais par toi. Au fond, tu l'admirais ce héros qui tentait de faire de votre ville un lieu plus sûr.
C'est un plaisir de vous revoir Monsieur Wayne.
La voix ne tremble pas et le sourire, jamais, ne disparait. Tu ne sembles pas sûre de toi et pourtant, tu le mimes, tu le singes. Animal savant auquel on a apprit à faire la révérence et les courbettes. Est-il donc si facile de lire en toi ?
La proposition du thé pour trouver une seconde avant de répondre aux mots de la chauve souris. La proposition pour garder ton masque encore un peu. Car quand il parle, les mots touchent et appuient. Mais tu n'en montres rien, si ce n'est un sourire à peine plus mutin. Il vise juste mais n'en saura rien.
Tu ne réponds pas tout de suite, te laissant guider par Alfred jusqu'au petit salon. Ne pas se laisser impressionner par la beauté du manoir. Ne pas trembler en sentant le Batman derrière toi. Juste avancer, talons bas sur le sol aménagé. Après tout, chez toi, les pressions et les décorations sont les mêmes. Présence jamais rassurante du père derrière l'épaule. Etalage de richesse pour faire taire les pouilleux. Tu espères, au fond, que Wayne n'est pas comme les tiens. Il a choisi le bien. Il ne peut être mauvais ? Question rhétorique qui ne trouvera jamais de réponses. Car tu le sais : les actes seuls ne définissent jamais un homme. Et la chauve souris, au fond, n'est qu'un homme.
Décidément, vous n'y allez pas par quatre chemins. Mes parents m'avaient prévenu mais je n'osais les croire. Ne vous inquiétez pas, si la situation avait considéré les Warworsth, on ne m'aurait certainement pas envoyée.
Des mots pour ne rien dire, pour attendre et appuyer ton sourire. Qu'il ne s'inquiète pas. Tu n'étais pas la plus dangereuse des tiens. Mordred bien avant toi. Puis, en haut de la pyramide de votre déchéance, ton père et les milles fils de sa toile.
Mais si vous désirez jouer franc jeu alors je ne vais pas m'épancher sur milles détails insignifiants. Vous êtes le mieux placé pour savoir que l'annonce de votre identité a déclenché des tempêtes. Il se trouve que...
Le sourire meurt et la lumière du salon frémit. Métronome mal réglé que la danse des ampoules. Tes yeux s'éclairent, de cette lumière dorée qui a accompagné toute ton enfance. Mauvais contrôle des émotions autrefois. Maitrise totale aujourd'hui. Intonation de la voix qui tremble, déjà. Puis que supplie, ensuite. Pas de danger dans ta demande quand tu as déjà baissé ta garde.
Je suis née différente des autres. Secret bien gardé n'est-ce pas ? Aujourd'hui, je viens demander votre aide. J'ai besoin... d'agir... De faire parti de quelque chose pour pouvoir servir Gotham. Et... Vous êtes le mieux placé pour intervenir.
La confiance s'évanouie, se tarit. Parce que malgré tes iris brûlants de ton pouvoir, tu sembles encore plus petite que quelques minutes avant. Et il y a dans tes yeux des supplications tangibles. Tu as besoin de rejoindre autre chose. De ne plus agir comme une petite frappe dans la rue. Comme une incompétente dans le monde.
Bruce resta un long moment assis sans rien dire. Alfred eut le temps d'apporter du thé et de repartir avant qu'il n'esquisse le moindre geste, et qu'il ne reprenne la parole. Car oui, là, il analysait parfaitement ce qu'on venait de lui annoncer, et il devinait bien le plan derrière les mots de la jeune femme. Des plans qui n'étaient sans doute pas de son fait. Mais dont elle portait quand même l'essence.
Les Warworsth avaient, comme tout le monde, appris qui il était véritablement, et ils voyaient là une occasion de bien se placer. Tel un pion sur un échiquier géant, la jeune Malory – aux capacités particulières – était envoyée pour tâter le terrain. Pour savoir ce qui allait se passer désormais, pour essayer de voir si le but ultime était atteignable. Quoi de plus prestigieux que de pouvoir affirmer être en contact avec le Batman ? Quelle gloire plus importante que d'avoir sa propre fille luttant contre le crime aux côtés du Chevalier Noir de Gotham ? Clairement, elle était là pour ça.
Et contrairement à ce qu'on aurait pu penser, il n'y était pas fondamentalement opposé.
« Je pense au contraire que votre famille est parfaitement au courant de ce qui vous amène ici, et du but dissimulé derrière. Vous n'êtes pas sans savoir que vous venez d'une famille puissante, renommée, et qui aspire à beaucoup plus. Vous n'êtes pas là par hasard, que ce soit pour vous ou pour eux. Toutefois... »
Bien que froids, ses mots n'étaient pas mauvais. Il s'agissait d'une vérité simple, nécessitant d'être rappelée. Car il y avait beaucoup de choses en jeu.
Bruce Wayne était là, observateur, calculateur, et il se demandait ce qu'il allait bien pouvoir faire de Malory Warworsth. Mais Batman, lui, savait parfaitement comment agir. La jeune femme disait posséder des capacités, et il fallait donc les évaluer dans un endroit sûr, et d'une manière totalement sûre, pour estimer ce qu'il allait falloir ensuite. Mais les deux étaient d'accord sur un point : pouvait-il s'agir de cette opportunité ? Cette femme pouvait-elle représenter la personne dont il avait besoin ces derniers temps ?
Plus que jamais, avec ce qu'il se passait, il avait le sentiment que sa croisade éternelle ne pouvait pas se faire dans la solitude. Alors, certes, il avait toute la Batfamily pour l'aider s'il en avait vraiment besoin. Mais Dick était distant. Jason encore plus. Timothy acceptait son existence mais n'osait pas lui parler. Damian était... un étranger total. Barbara, en charge, ne l'appréciait pas et ne s'en cachait pas. Cassandra et Stephanie ne lui adressaient pas la parole. Seul Alfred le soutenait encore ouvertement... et il y avait Cat, bien sur. Mais c'était encore différent, et de surcroît, terriblement compliqué.
« Toutefois je comprends que vous soyez venue ici. Rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de mettre l'armure pour vous faire peur et vous forcer à partir. Le thé est excellent, ce serait dommage de le renverser. »
Il eut un léger sourire, qui se referma aussitôt.
« Avant d'aller plus loin, je vais vous demander de m'écouter. »
De nouveau, le visage dur, et froid. Batman prenait le dessus.
« Je ne fais pas ça pour la gloire, pour l'argent, pour la reconnaissance des autres. Je ne fais pas tout ça parce que j'en ai envie, parce qu'il s'agit d'un loisir de riche. Je le fais parce que j'ai vu le monde tel qu'il est vraiment, dans toute sa splendeur et dans toute son horreur. Je le fais parce que quelqu'un doit le faire, et parce que lorsque je me suis lancé, la noirceur était omniprésente. Elle existera toujours, mais je ne baisserai pas les bras pour autant. J'ai appris des meilleurs et des pires, et j'ai surmonté ma condition d'être humain pour être Batman. Je le fais parce que j'ai fait un vœu, à l'âge de dix ans. »
Légère pause, le temps que le message fasse son effet.
« Vous n'avez pas conscience de ce que cela implique, votre demande. Mais ça viendra, si c'est véritablement ce que vous souhaitez. Et sachez que je ne pourrais rien pour vous si vous n'êtes pas totalement honnête. Vous n'allez pas sur un sentier facile. Vous vous aventurez sur une route sans fin, faite de violence et de drame, une route où vous sacrifierez plus que vous ne recevrez. Votre engagement... doit être total. Et indépendant de votre famille. »
Le silence te faisait frissonner. Angoisse le long de l'échine, accompagné de ce froid que tu ne connaissais que trop bien. Il avait guidé tes errances enfantines, quand tu cherchais une raison aux trous dans ta tête, quand tu essayais de comprendre pourquoi le sang te faisait hurler de la sorte. Jamais raison n'avait surgit, pas même avec l'aide de ce psychologue qu'on t'avait foutu dans les pattes et que tu avais fini par plus considérer que les tiens. Parce qu'il était extérieur. Parce qu'il n'avait pas de M devant son prénom ni de Warworsth derrière.
Pourtant, même après les années de thérapie, le silence te fait encore peur. Tes yeux s'éteignent, retrouvant cet aura sombre qui ne les quittera jamais. Tu t'étais fait avoir par la génétique quand Matteo avait les cieux dans ses iris et toi la nuit. Jeu de sort, ironie muette que ta mère avait bien souvent relevée. Pas tout. Jamais toi. Juste tout pour ne pas penser au silence de l'homme en face de toi. Et déjà, alors que tu prends ta tasse de thé et en boit une gorgée, les mains qui deviennent moites. Mais tu ne détournes pas les yeux, pas cette fois. Tu n'en as pas le droit. Devoir Warworsth car c'est bien par ton nom que tu as été présentée et par ton nom que tu existeras toujours. Sauf s'il fait quelque chose. Sauf si tu fais quelque chose.
Tu ne le feras pas. Encore une fois, tu attends de dépendre d'un autre pour trouver une place. En es-tu seulement capable seule ?
Puis les mots et cette réponse tant espérée et tant éprouvée. Tu ne réagis pas, ne dois pas le faire. Mais Bruce Wayne sait. Il connait ta famille sans en découvrir toutes les horreurs. Il goute l'odeur du sang sans pourtant voir les placards renfermant milles squelettes. Il voit un peu plus loin que chacun mais ne se perds pas trop loin sous l'eau qui entoure l'iceberg.
Tu accompagnes son sourire à ton tour, quoi que plus crispé que le sien. Parce que l'appréhension roule dans tes iris sans qu'elle n'hurle trop fort la vérité. Il pourrait tout faire que tu n'aurais certainement pas le temps de réagir. Expérience glacée comme fouge juvénile. Il fera dix gestes quand tu n'en amorcerais qu'un seul.
Je mentirai en disant que j'ai parcouru les mêmes routes que vous Monsieur Wayne. Mais ne pensez pas que la vie rêvée qu'offre les Warwortsh au reste du monde n'est pas un leurre. Vous et l'empire que découle de votre nom êtes bien placé pour le savoir.
Ton visage s'était fermé. Nulle émotion dans les yeux noirs et doigts bien trop serrés contre la porcelaine. Il y avait tant de secret derrière les belles promesses de la richesse. Ta mère était une politique. Il n'en fallait pas plus pour savoir que les magouilles allaient de paire avec votre existence. Car tu ne creuserais pas, pas devant lui. Si Matteo avait raison, les vilains portaient le nom des tiens et tu ne donnerais aucune raison au Batman pour s'en prendre à ceux qui garderaient, toujours, ta loyauté.
Pourquoi continuer si la noirceur existera toujours ? Pour un héros, combien de vilains attendent dans l'ombre ? Je veux me battre mais pour parvenir à ramener de la lumière. Pas en sachant parfaitement que, quoi que je fasse, rien ne changera.
Fougue, reprenant la flamme du ton qui se voulait neutre. Car Telia est toujours là, derrière le visage avenant de Malory Warworsth. Car tu es ces deux facettes et que, dans ton costume de super, tu peux essayé de croire changer le monde. Ses mots heurtent, cognent, grognent. Et tu ne les comprends pas, ne les analyse pas vraiment. Réponse trop instinctive quand ils t'ont dit, si souvent, de réfléchir avant de parler.
Mais il y a trop de mots, trop d'informations. Qui elles ne demandent nulles réponses. Qui elles, ne demandent qu'a être entendues et surtout écoutées. Puis compris. parce qu'il attend autre chose. Qu'il sous entends plus. Idée que tu ne peux percevoir. Tu es venu pour rejoindre un groupe et pourtant, là, derrière les mots, se cache autre chose. Curiosité mal placée que la tienne. Mais tu ne le feras pas parler. Car, ce soir, comme toujours, tu ne mènes aucun discours.
Bruce se leva, les mains dans le dos, avant de s'attarder devant une des hautes fenêtres du manoir Wayne. Ses yeux se perdirent dans l'horizon obscur, où les lueurs de la nuit jouaient avec le ciel étoilé sans nuage. Ce serait une belle soirée d'été, et surtout, une nuit sans l'intervention prévue du Batman. Ou peut-être que si, au final, selon comment la soirée tournerait.
Il répondit alors à la jeune femme :
« La noirceur et la lumière sont comme les deux faces d'une pièce. Enlevez l'une des deux, et l'autre ne peut pas exister. Mais il suffit de jouer sur cette dualité, sur cet équilibre, et c'est en cela que réside toute cette croisade contre la noirceur. Pendant longtemps, j'ai lutté sans tenir compte de tout ça. J'étais certain que je faisais la différence, que le peuple de Gotham se sentait plus bon, plus libéré, grâce à mes actions. Et après, il y eut une très longue période où j'ai... douté. »
Il se perdit brièvement dans ses souvenirs, et surtout, dans ceux dont il avait connaissance de l'Autre.
« Chaque nouveau super-vilain était plus terrible et plus violent que le précédent. Chaque ennemi était plus dangereux que celui d'avant, et il y avait une escalade de plus en plus élevée. C'était usant, dangereux, et j'étais persuadé que mon combat se perdait dans une spirale infernale et inutile... Alfred m'a beaucoup aidé. Il m'a aidé à mettre en place une statistique des crimes quotidiens à Gotham... et c'est là que j'ai compris. »
Il se retourna, regardant la blonde dans les yeux.
« Nos actions comptent. Véritablement. Jour après jour, année après année, le crime diminue de plus en plus. Nous parvenons à faire la différence, à rendre les rues plus sûres, à soulager les Gothamites de leurs maux. Nous sommes utiles, et il ne faut donc pas laisser le désespoir nous prendre. Les coups durs, les difficultés, tout cela, nous pouvons les supporter car nous devons le faire. Nous pouvons nous soutenir entre nous, et cela, ils ne pourront jamais nous l'enlever. »
Son visage s'éclaira légèrement.
« Vous voulez vous rendre utile, vous voulez que vos actions comptent. Ce peut être facilement le cas. Mais avant tout, j'aimerais que vous me dîtes exactement ce que vous attendez de moi. Que puis-je vous apporter que vous n'avez pas déjà ? Que cherchez-vous à travers moi ? Qu'est-ce qui vous pousse à chercher l'aide du Batman, plutôt que de continuer toute seule ou de trouver quelqu'un d'autre ? Ce que vous, vous souhaitez. Pas votre famille. »
Il l'observa, guettant sa réaction. Il savait analyser les gens, et ce n'était certainement pas Malory qui réussirait à lui mentir sans qu'il ne s'en rendre compte. Il avait trop l'habitude de ces gens-là, et il préférait donc tester sa capacité à être honnête. Car s'il devait l'entraîner, s'il devait faire d'elle la prochaine héroïne dont Gotham avait besoin, il fallait qu'il soit absolument certain. Il fallait qu'il sache s'il y avait une chance qu'il voit en elle le bon potentiel... et s'il pouvait l'exploiter derrière.
C'est à la dérobée que tu le regardes alors que lui se perd dans les ténèbres des jardins. Tu savais qui il était, tu l'avais vu trop de fois sans jamais réellement le regarder. Parce qu'il n'était que l'homme le plus riche, que le milliardaire dont tu ne t'approcherais jamais vraiment. Parce qu'à l'époque, il n'était pas Batman. Pas ce chevalier que tu imaginais agir dans les ombres, que tu admirais dans le secret de ta propre condition d'héroïne. Seul Matteo savait que tu conservais les journaux, que tu boudais dès qu'on salissait le nom de ton héro. Tu ne l'aurais pas pensé comme ça. Etais-tu déçue ? Tu n'aurais encore pu le dire. Il était moins impressionnant ici. Mais tellement plus intelligent, peut-être plus grand encore que tu l'aurais cru. Et, au fond, sur une pensée amusée pour tes idées d'adolescences qui n'avait pas vraiment fini de grandir, plus charmant.
Rougissement avorté dans l'œuf au cheminement de tes rêveries. Car il revient à toi, reparle en t'arrachant son regard. Pour moins lire ne lui. Comme si tu en étais seulement capable.
Et tes mains s'emmêlèrent de nouveau alors que la gorge peine à déglutir. Tu ne veux pas détourner les yeux, pas au risque qu'il se tourne vers toi. Parce qu'on t'as apprit une seule chose : garder la tête haute. Mais ses mots t'effraient, mais ses mots tournoient dans le mauvais sens. Car si même lui doute, qui, part tous les Saints, peut être certain ? Peut-être l'ange de Metropolis, dans son carré de blancheur. Mais si Superman sortait de l'équation, ne restaient-ils que des faibles ?
«Nos actions comptent. Véritablement. »
Il ne fallait nul autre mot. Nulle autre certitude quand le sourire abreuvait tes lèvres. Parce qu'il l'avait dit. Parce que tu voulais le croire. Tout le reste ne comptait plus. Tout le reste n'était que fioriture si le Batman te jurait que les actes comptaient; Alors pourquoi pas les tiens ? Pourquoi ne pourrais-tu pas, toi aussi, rendre les actions utiles. Tes épaules se relèvent. Ton corps entier se redresse alors même que tu ne t'étais pas rendu compte t'avachir de peur et de détresse. Mais c'est de l'espoir qu'il apporte. Et c'est ton sourire qui entraine ta réponse.
Je ne peux pas agir seule. Je ne suis pas grand chose sans l'argent de ma famille et ils ne sont pas des supers. Même s'ils essayent depuis toujours de m'apprendre, je n'avance pas. J'ai besoin de l'aide de quelqu'un et personne à Gotman n'est mieux placé que le plus célèbre des héros. Je dois m'entrainer si je... Pour offrir de l'espoir aux gens. Pour que le symbole du Batman ne soit plus le seul qui soulage les coeurs. Pour qu'ils soient certain qu'il n'y a pas qu'un héro pour les protéger. Que nous sommes bien plus nombreux, bien plus encore que les vilains. Et ça... je ne pourrais jamais le faire seule.
Il y a tant de détermination dans tes yeux sombres. Couplée à cette supplication qui n'est pourtant plus celle de la petite fille quémandant un service. Tu ne te bats pas que pour la reconnaissance. Tu ne te bats pas uniquement pour être quelqu'un. Et ça, jamais tes parents ne sauraient te l'enlever. Car, ce soir, les mots de Matteo tonnent et grondent et hurlent et offrent tout ce que tu n'as jamais pu dire. Ce soir, devant cet homme qui est bien plus que les Warworsth ne seront jamais, tu oses trahir une partie de l'iceberg. Parce que les Hommes doivent avoir confiance en le Batman. Et tu n'es rien d'autre qu'une mortelle devant un dieu.
Les voeux de mes parents ne sont pas très compliqués à comprendre. Ils m'ont envoyé ici car ils veulent dévoiler qui je suis quand j'aurais rejoint une league importante. Nulle doute qu'ils misent sur les Teens. Mais... Même si leur ambition sont mauvaises, peut-être pouvez vous en tirer quelque chose de bon ? Je me fiche que le nom Warworsth brille. Il le fait déjà très bien sans moi. Par contre, si je peux agir, les conséquences n'ont que trop peu d'impacts.
Jamais ton visage n'avait été aussi neutre. Sourire mort au bord des lèvres pleines. L'heure n'était pas aux courbettes et ne l'avait finalement jamais été. Laisser cela pour Mordred. Finalement, il avait toujours été le seul Warworsth parfait.
Accueil 
