ante bellum (jason, jason², arthur, cassandra)

Diana tient Ophelia serrée contre sa poitrine. Le sommeil profond et paisible de la petite princesse l'oblige à garder son calme et l'empêche de laisser la colère reprendre le dessus. Elle ne la quitte pas des yeux, comme si elle craignait que la femme venue d'Apokolips ne réapparaisse soudain pour la lui prendre. Peut-être est-ce ridicule, mais Diana ne parvient pas à oublier l'image du petit Philon entre ses bras ; Ophelia aurait pu être à sa place. Sans doute sa place n'est-elle pas au milieu d'un conseil d'urgence, mais Diana ne pouvait pas la laisser plus longtemps avec une nourrice. Assise entre sa mère et son époux, Diana ne perd pas une miette de ce qu'il se dit, mais elle ne quitte pas Ophelia des yeux. C'est tout juste si elle a adressé la parole à Cassandra après que Hermès l'ait amenée sur Themyscira, et elle ne s'est guère montrée plus bavarde avec quiconque. Ceux qui la connaissent bien savent que son silence est trompeur ; intérieurement elle bouillonne comme les entrailles d'un volcan. « Nous connaissons l'Amazone qui accompagnait cette femme. » Diana peut percevoir la culpabilité dans la voix de sa mère. « Elle s'appelle Myrina. Nous la pensions morte depuis cinq mille ans... Elle était l'une de nos meilleures guerrières, l'assassin désigné des Amazones, lorsque nous ne nous étions pas encore repliées sur Themycira. » Diana n'a pas connu le passé belliqueux des Amazones, mais elle sait qu'avant de quitter le reste du monde pour vivre paisiblement – ou presque – sur leur île paradisiaque, elles étaient peut-être le peuple guerrier le plus redoutable au monde. Leur histoire est sanglante, tous les mythes ne sont pas glorieux. Hippolyte n'est que la seconde reine à gouverner avec pour objectif de préserver les Amazones des conflits. Les sourcils froncés, Diana quitte enfin Ophelia des yeux. « Cinq mille ans, vous dites ? » Elle échange un regard avec son jumeau. Le nombre est trop familier pour n'être qu'une simple coïncidence. Hippolyte soupire doucement, et Menalippe croise les bras. « Elle était enceinte en même temps que votre mère. Sa grossesse fut une surprise pour nous toutes, Myrina était la dernière que nous pensions... Eh bien, disons que la fibre maternelle ne coulait pas dans ses veines. » « Pourquoi pensiez-vous qu'elle était morte ? » Pendant quelques secondes, Menalippe et Hippolyte semble hésiter, ne pas savoir comment répondre. « La nuit où vous êtes nés, il n'y avait que Menalippe et Antiope avec moi. J'ai confié Jason à Antiope afin qu'elle l'emmène à Héphaïstos, et quand elle est revenue, elle a trouvé les corps sans vie de deux de nos prophétesses. Nous avons supposé qu'elle avait donné naissance à un garçon, et qu'elle n'avait pas eu le courage de le confier au Forgeron. » Diana caresse doucement le visage d'Ophelia, imperturbable dans son sommeil. « Il y avait une terrible tempête cette nuit là, nous avons retrouvé les restes de l'un de nos navires fracassés contre les rochers, avec des vivres éparpillés sur la plage. Nous avons cru qu'elle et son enfant avaient péri, emportés par les flots de Poséidon. De toute évidence, nous avons eu tort. » « Vous n'auriez jamais pu deviner, Mère. Qui aurait pu ? Si elle a assassiné les Oracles de l'époque, de toute évidence, elle savait que vous ne l'auriez pas laissée partir avec... Avec l'enfant de Darkseid. » Voilà qui est enfin dit. Le doute n'est absolument plus permis, et Diana grimace en songeant qu'une Amazone ait pu vouloir partager le lit du tyran. Mais pourquoi ? Après tout, Darkseid n'est pas le genre d'homme que l'on croise n'importe où, ni même dont on s'attire les faveurs aisément... « Ma tante, vous avez dit qu'elle a déjà pris la vie de plusieurs demi-dieux, n'est-ce pas ? » Menalippe hoche la tête, et Diana lui demande de leur donner les noms de ses victimes. À mesure qu'elle les énonce, une horrible vérité voit le jour dans l'esprit de Diana. « Elle ne tue pas juste des demi-dieux. Elle tue les enfants de Zeus. » Et c'est une nuance de la plus haute importance. « C'est après notre lignée qu'elle en a. C'est nous qu'elle cherche à éradiquer. »

Physiquement, tout ceci était derrière lui. Certes, il avait dû se plier aux exigences de sa mère qui avait décidé que, malgré ses propos qui voulaient la rassurer et minimiser la chose, Jason avait dû laisser l'une des guérisseuses vérifier la blessure qu'il avait reçu au flanc. D'une certaine façon, il avait été tout content de voir que c'était lui qui avait raison, qu'il ne s'agissait de rien, ou plutôt, de rien compte tenu de sa génétique et de sa nature de demi-dieu. Mais d'un autre côté, le simple fait d'avoir été blessé lui avait fortement déplu, sans parler du fait que cela avait quelque peu préoccupé Hippolyte pour rien. Mentalement, de toute façon, il s'en sortait moins bien. Il fermait les yeux et une fois sur deux ou presque, il revoyait sa mère, menacée par l'engeance de Darkseid, cette faux, là, juste sous sa gorge. Quand il déglutissait, c'était presque comme s'il était lui-même capable de sentir la lame épouser de force sa pomme d'Adam sans percer l'épiderme. Sans doute parce qu'il s'agissait là d'une situation qu'il avait lui-même vécu, bien qu'il n'avait jamais vraiment été en danger de mort, le concernant. Hippolyte, si. Il refusait d'oublier ça, et de toute façon, il ne le pouvait pas. Philon n'était plus parmi eux, et même s'il n'était pas de sa famille, Jason s'était quand même un peu attaché au gamin. Surtout parce que, comme lui, il avait un quelque chose qui se levait, entre les jambes, et que certaines Amazones ne toléraient qu'à mi-mots leur présence à tous deux ici. Sans parler du fait qu'il lui avait été parfois plus facile de prendre le gamin dans ses bras plutôt que sa propre nièce, parce que sa chère nièce, Ophelia, c'était l'attraction de toutes sur l'île, et que Diana et son époux étaient des parents très protecteurs et aimants, qui avaient su faire ressortir leurs besoins d'intimité, quand cela pouvait devenir trop. Alors, ouais, Philon n'était plus là, et Jason se disait que quoi qu'il adviendrait de lui, cela serait forcément un sort déplaisant, ou sa geôlière n'aurait pas fait montre d'autant de violence et déployé autant de velléité pour s'emparer de lui ! Le truc, et le jeune homme en était persuadé, c'était que Philon était encore en vie. Sinon, il aurait été égorgé sur place, quelque chose comme ça, n'est-ce pas ? Ou alors il aurait été balancé dans les flots, ou ... En fait, il refusait d'y penser, c'était trop dur. Lui aussi, un jour, avait été un tout petit bébé innocent, qui avait pourtant plus ou moins payé pour les erreurs de ses parents. Quoi que Jason se disait que tout ceci n'avait rien à voir là-dedans, et qu'il ne devait sans doute pas vraiment s'agir d'une volonté de vengeance. De toute façon, il n'avait pas les réponses, et se doutait bien qu'il ne pourrait les avoir que trop tard, ou en tout cas, pas maintenant. Pas maintenant du tout.

Maintenant, il était temps pour un Conseil de Guerre. C'était assez étrange, comme situation, parce qu'il avait beau avoir un paquet de siècles au compteur, tout ceci était nouveau pour lui. Tout ça parce qu'il avait été tenu écarté des siens pendant si longtemps. Et maintenant ... Maintenant, il devait pleinement assurer son rôle, tenir son rang, et tout le reste. Ce qui était bien plus facile à dire qu'à faire, compte tenu de sa situation. Et puis, être là, sur Themyscira, et avoir droit de parole et voix de décision, en tant qu'homme, c'était assez surréaliste. Mais il était Prince, après tout, seul et unique fils de Hippolyte, Reine des Amazones. Hippolyte ... Jason imagine à quel point elle doit souffrir. A quel point tout ceci peut la ramener plusieurs millénaires en arrière, et en fait ... En fait, non, il ne se doutait absolument pas qu'il était vraiment si proche que ça de la vérité. Lorsqu'elle énonce les faits, il ... Il se fige, et son regard se trouve aimanté vers celui de Diana. Un geste en réponse au propre sien, ou une symbiose parfaite, allez savoir. En tout cas, à mesure que le voile est levé sur certaines choses, Jason se sent empli d'une certaine tristesse pour celle qui l'a mis au monde, celle-là même qui a décidé que se tiendraient de part et d'autre d'elle ses deux enfants. Hippolyte et lui ont eu l'occasion de parler un peu de tout ceci, avant. Enfin, pas de cette sale traîtresse de Myrina, mais plutôt du contexte de sa naissance. Mais il ait toujours demeuré certaines zones d'ombres, et, par exemple, Jason ignorait, jusque là, que ce fut en Antiope qu'elle accorda toute confiance pour le mener en sécurité auprès de son demi-frère de Dieu de la Forge, alors qu'il n'était encore qu'un nourrisson sans défense. Voilà qui, finalement, ne devait guère être bien étonnant, dans le fond, mais ... Mais cela lui faisait tout de même quelque chose, rien que d'imaginer la douleur que cela avait dû être pour sa mère que de se séparer de lui. Alors, il reste mutique, ce qui, le connaissant, n'est pas dans ses habitudes, et ne présage donc rien de bon. Il n'est pas à l'ouest, pas plus qu'il n'est dans ses pensées, la tête ailleurs ou pas du tout à ce qui se passait. En réalité, il assimilait tout, et il se retenait de hurler. Et peut-être, aussi, de casser un ou deux trucs. Mais il se retenait. Pas par crainte de passer pour une grosse brute ou un frusque. Honnêtement, il savait bien qu'encore bon nombre d'Amazones n'avaient pas vraiment besoin d'excuser pour ne point le porter dans leur cœur. Mais il y avait Hippolyte, à ses côtés, et il ne voulait point lui rappeler les emportements et coups de colère pour lesquels était réputé son père. La Reine des Amazones n'avait en effet sans doute absolument pas besoin qu'on lui rappelle qui était le père de ses enfants, et il était sans doute encore moins nécessaire que cette piqûre de rappel émane de son fils lui-même ! Et puis, il y avait Ophelia, qui dormait, si innocente et si inconsciente. Et puis ... Et puis, crier, d'accord, mais dans quel but, et pour dire quoi ? De toute façon, Diana semblait bien mieux que lui naviguer dans ces eaux bien troubles. Mais, finalement, la conclusion à laquelle elle parvint ne le ravit pas du tout. Et il n'y avait pas que lui à ressentir les choses ainsi, visiblement, à en voir et à en entendre l'empressement de son beau-frère à vouloir casser de la gueuse traîtresse ! Tournant le regard vers Cassandra, Jason préfère, un instant, s'assurer qu'elle va bien, et qu'elle encaisse au mieux le choc, même si, bon, ça craint, comme conclusion ...

« La majorité des enfants de Zeus forme surtout une belle brochette de bâtards. » C'est la première chose qu'il trouve à dire depuis le début de ce conseil, oui oui ! « Jason, ton langage. » Un seul regard de la part de sa mère a suffit à Jason pour se sentir un peu pris en faute, ce qui le pousse à s'éclaircir la gorge et à se redresser un peu dans son fauteuil, histoire de ne pas paraître avachi, ce qu'il n'était pas, mais bon ... « Toutes mes excuses, Mère, mais c'est la stricte vérité. » Jason retint, par réflexe, un « et vous le savez personnellement autant que moi », qui aurait été très malavisé et des plus irrespectueux envers celle qui ne s'était séparée de lui qu'avec une immense douleur, et dans le but de le sauver. « Il existe sans doute en ce monde beaucoup d'enfants de Zeus qui s'ignorent, ce qui fait d'eux, j'imagine, des cibles bien faciles à abattre pour qui voudrait faire un carton. Regardez, Diana, qui s'est toujours pensée fille unique, s'est découverte un frère jumeau et une palanquée de demi-frères et de demi-sœurs, en l'espace de seulement quelques semaines ! Ne parlons pas de Cassandra qui, elle, n'était sans doute même pas au courant que Zeus existait vraiment avant qu'on ne lui mette les deux pieds dedans. Enfin, corrige moi si je me trompe, Cassie. » Il lui accordait un sourire un peu crispé, sans doute, mais un sourire quand même. « On va avoir besoin de toute l'aide nécessaire, si on veut s'en sortir. Et si notre cher père ne daigne pas intervenir, espérons au moins qu'il aura le cran de nous donner les noms de tous ses rejetons, enfin, s'il les connait tous ! » D'ailleurs, en parlant de ça, un doute le prit. Dans la lignée des descendants de Zeus, il y avait ses enfants, légitimes et illégitimes, certes, mais il y avait également tous les descendants de ces derniers, or ... Aux dernières nouvelles, Jason n'était encore jamais devenu père, mais ... Attendez ... Non, c'était ridicule, il le saurait ! ... Il le saurait, n'est-ce pas ? ... « L'autre question, c'est ... Par les Dieux, qu'ont pu voir les Oracles pour que Myrina se débarrasse d'elles ? »

Diana fronce les sourcils. La question de Jason est pertinente : comment tuer la fille de Darkseid ? Mais quand il demande s'ils ne pourraient pas bénéficier de l'aide des dieux, elle soupire. Rien n'est moins aisé qu'obtenir l'assistance des Olympiens, et Zeus n'est pas connu pour être un père exemplaire. Mais il ne peut pas rester les bras ballants pendant que ses enfants et ses descendants se font massacrer, n'est-ce pas ? Il ne s'agit plus de ne pas intervenir pour ne pas déséquilibrer le monde, cette fois c'est personnel. Il doit cesser de penser comme un roi et commencer à le faire en tant que père – à supposer qu'il en soit capable. « Je te remercie, Arthur. Ta présence nous sera d'une grande aide. » Devraient-ils contacter la Ligue ? Demander l'aide de Kal-El, Bruce et tous les autres ? Hélas, Diana les connaît, s'ils ne se sont pas déjà portés volontaires pour les aider, c'est qu'ils ont leurs propres problèmes à régler. « Tula sera la bienvenue auprès de notre armée. Ce sera un honneur pour nous de nous battre aux côtés de notre sœur Atlante. » Diana secoue la tête lorsque Hippolyte reprend son frère pour lui demander de faire attention à son langage. « Non, Mère, Jason a raison. La plupart d'entre nous sommes des bâtards, au sens premier du terme. Nous avons la chance de savoir que Zeus est notre père, mais combien l'ignorent ? Combien n'ont hérité d'aucun trait divin leur permettant de se douter de quelque chose, combien encore pensent simplement être méta-humains ou autre chose ? Zeus est âgé de nombreux millénaires, ses enfants ont eu des enfants qui eux-mêmes ont eu des enfants... Cela fait des générations et des familles entières de cibles potentielles... Des centaines, peut-être des milliers d'innocents à la merci de la folie de ces deux femmes. Nous ne pouvons pas les laisser tous les massacrer, nous devons trouver un moyen de les arrêter. » Tuer l'Amazone sera facile. Toute guerrière qu'elle soit, elle n'est pas déesse. C'est sa progéniture qui pose problème. « Personne n'est  réellement immortel ou invulnérable. Nous avons su renvoyer Darkseid dans son monde, nous l'avons blessé. Nous pouvons recommencer avec sa fille, mais en nous assurant que la sentence sera cette fois définitive. » Elle berce doucement Ophelia qui commence à s'agiter dans ses bras, avant de reprendre. « Il faudra commencer par l'aveugler. Lui crever les yeux, comme nous l'avons fait avec Darkseid, pour la priver de son rayon. Kal-El et moi l'avons renvoyé dans son monde à coups de poings, et croyez-moi, nous avons bien senti ses os se briser. » S'ils ne l'ont pas tué, ils auraient pu – et dû, Diana en est toujours intimement persuadée. « Il faut que nous les empêchions de lui permettre de revenir sur Terre. Nous devons trouver le moyen de rendre nos Motherboxes inaccessibles. » Elle reste songeuse un instant, avant de se tourner vers Arthur. « Pourrais-tu les dissimuler dans une fosse sous-marine ? Je suppose que tu as des... amis capables de les garder. » Sur Themyscira, celle des Amazones n'est plus en sécurité, elles pourraient revenir. « Il faut aussi que nous sachions où l'Amazone renégate a trouvé ses flèches, peut-être possède-t-elle d'autres armes capables de tuer des dieux et des demi-dieux. » La pointe de la flèche ayant traversé sa propre épaule, Diana l'a gardée ; elle la tend à son frère. « Elle provient des forges d'Héphaïstos, n'est-ce pas ? » Elle espère que son jumeau saura leur dire combien de ces flèches ont été forgées, et peut-être combien ont été volées. Celle qui l'a blessée est différente de celles ayant touché ses sœurs, Myrina ne les utilise pas au hasard... Soupirant doucement, Diana s'enfonce un peu dans son siège, et constante qu'Ophelia est à présent bien réveillée. Instinctivement, elle parle un ton plus bas. « Quant aux visions des Oracles... Je ne sais pas... Est-il possible qu'elle les ait simplement tuées pour garder son secret ? » C'est une hypothèse bien peu probable, hélas. « Ne comptons pas sur Apollon. Menalippe, va donc chercher Lyke. Autant interroger leur successeur, plutôt qu'un dieu aux humeurs changeantes. » Diana regarde sa tante quitter la salle, sceptique. Si Lyke avait vu quelque chose elle se serait empressée de les prévenir, assurément. Elle ne protégerait pas la meurtrière de sa propre mère... « Je... J'ai peut-être une stratégie pour venir à bout de la fille de Darkseid, mais je doute qu'elle vous plaise beaucoup. » Une situation désespérée appelle à prendre des mesures désespérées. « Si vis pacem, para bellum. » Arès. L'idée est loin de l'enchanter, mais... « Je le déteste autant que vous tous. Mais soyons honnêtes, il est le Dieu de la Guerre, meilleur stratège que nous tous. Si la plupart de mes stratégies fonctionnent, c'est parce que j'ai appris de lui. Je le connais mieux que quiconque. Je sais ce qu'il veut. Mais au delà de cela, lui aussi est un enfant de Zeus. Loin d'être le plus vulnérable, certes, mais il n'est pas dans son intérêt de voir disparaître des Olympiens. » Avant de voir Jason bondir de son siège, Diana prend sa main dans la sienne ; elle la serre un peu plus fort que nécessaire, peut-être. « Ça ne me plaît pas plus qu'à quiconque ici. Mais nous devons être plus intelligents qu'elles, prendre des chemins différents de ceux auxquels elles s'attendent, même si cela nous déplaît. Et puis, vous savez ce que l'on dit. L'ennemi de mon ennemi est mon ami. » Temporairement, cela va de soi. Diana est-elle la seule capable de ravaler sa rancœur et mettre sa fierté de côté dans le seul et unique but de protéger les membres de sa famille, sans exception ?

Jason avait été bien élevé, voyons. Enfin ... Enfin, il avait reçu une éducation, et ce même s'il avait grandi sans ses parents. Héphaïstos avait une sale réputation pour certains, mais si on devait seulement se référer à ce que racontent les gens plutôt que de chercher à savoir et à comprendre la vérité, et bien ... Et bien ce serait une bien mauvaise indication quant à l'intelligence humaine ! Il avait eu une vie cabossée, Héphaïstos, et il n'aimait rien de mieux que d'être dans sa forge. Il avait des principes, en tout cas, et un code de l'honneur. Alors, oui, on jurait beaucoup dans ses forges. Mais seulement parce que le travail y était éreintant, en plus d'y être exigeant, alors, il fallait bien lâcher la pression comme on pouvait ! Sans parler du fait qu'il n'y avait aucune femme, dans les forges, et que, donc, la libération des nerfs via le sexe était ... Bon, tout ceci était une autre histoire. Les faits étaient que sa mère n'avait sûrement pas mal interprété ses paroles. Elle avait sans nul doute compris le double sens, non sans tout de même tenir à lui dire de surveiller son langage. Peut-être était-ce là une tentative de sa part de s'imposer en tant que sa mère, même si elle n'avait absolument pas besoin d'agir ainsi. Il n'y avait eu aucune figure maternelle dans sa vie, voilà donc une place que nulle n'avait usurpé, une place qui était destinée à Hippolyte depuis toujours, une place qu'elle occupait depuis l'instant même où la vérité avait été éventée. Le fait était, en tout cas, que Diana allait dans son sens. Cela ne ravisait pas Jason d'un quelconque orgueil mal placé, ni même d'une fierté toute masculine, non. En réalité, dans un sens, voilà qui était bien inquiétant, car cela signifiait qu'il avait raison. Ce qui n'ouvrait pas sur des perspectives bien ravissantes et joyeuses. A cette pensée, il ne put s'empêcher de poser un regard un peu douloureux sur la jolie frimousse de Cassandra. Rien que le fait de penser que, si elle n'avait rien su de sa filiation, elle puisse être en danger de mort sans même le savoir ... Mais Cassandra savait, ce qui n'était sûrement pas le cas d'une palanquée d'autres enfants illégitimes engendrés par ce libidineux de Zeus. Ouais, c'était sûrement très mal et très irrespectueux d'insulter ainsi son propre père, et encore plus quand il se trouvait être le Dieu des Dieux, mais bon. La vérité était ce qu'elle était. En tout cas, tout ceci l'amenait à se dire que, peut-être, lui-même devait balayer devant sa propre porte, et s'interroger quant au fait que, vue la vie qu'il avait vécu et les décisions qu'il avait prises concernant sa vie sentimentale, peut-être qu'il devrait commencer à se demander s'il n'avait pas marché dans les pas de son géniteur en concevant des gosses sans jamais les reconnaître comme siens. Mais pour sa défense, si tel était le cas, alors il n'était absolument pas au courant de sa paternité !

Le plan que semblait déjà élaborer Diana le sortit quelque peu de ses pensées. Sa jumelle avait alors toute son attention, et toute son approbation, aussi. Énucléer quelqu'un ne serait après tout pas une première pour lui, bien que ... Bien qu'il n'en avait jamais fait l'expérience sur une créature telle que la bâtarde de Darkseid. S'en prendre à un mortel et à une immortelle, c'était bien différent ! Est-ce qu'elle aussi, elle geindrait comme un bébé ? Et le voilà qui se laissait une fois encore emporter par ses pensées ! Vilain garnement ... De toute façon, Diana s'adressait directement à lui, et il aurait très impoli et grossier de l'ignorer. Surtout quand elle avait besoin de ses lumières. Et il était ravi de pouvoir l'aider. Bien évidemment, il n'était demeuré dans les forges de Héphaïstos que pendant un millénaire, mais c'était largement suffisant pour y avoir engrangé un nombre impressionnant de connaissances. Ce qui l'amenait à être capable de reconnaître, sans jamais se tromper, ce qui avait été forgé dans les Forges et ce qui ne l'avait pas été. Il était même en mesure de savoir si une arme avait été forgée par Héphaïstos ou plutôt par l'un de ses apprentis. Et, d'une certaine façon, il devait même être capable d'identifier l'apprenti si jamais il avait travaillé avec celui-ci. Il ne lui fallut donc pas bien longtemps pour pouvoir être en mesure de répondre à la question que sa sœur jumelle venait de lui poser. Cependant, il ne manqua pas de tourner la pointe de flèche en tout sens, pour l'examiner en détail. Car répondre par la positive à Diana ne suffirait pas à bien les renseigner. Il lui fallait identifier le plus de détails, pour livrer une réponse la plus complète possible. Une réponse qui n'obligerait personne à lui demander de préciser ou de compléter ses propos.

« Aucun doute là-dessus. Ces flèches n'ont pas seulement été forgées dans les Forges, elles ont été forgées par Héphaïstos lui-même. J'étais encore un gamin, à l'époque, donc je ne me souviens plus de qui avait passé la commande, mais je sais qu'il en a forgé l'équivalent de ce qu'on appelait, entre nous, un carquois olympien. Il y a donc 12 flèches, en tout. 12, comme les Douze. » D'ailleurs, en parlant du loup ... En parlant du loup, Diana elle-même était amenée à faire référence à l'un des 12. Et pas à n'importe lequel. A Ares lui-même, leur putain de demi-frère. Oui, fort heureusement qu'il gardait sa vision des choses pour lui-même, ou Hippolyte aurait vraiment fini par lui botter le cul. Et devant tout le monde, en plus.

Bon, Jason voulait bien que les Dieux soient puissants, et tout le reste, mais de là à ce que le simple fait de penser à eux les fassent débarquer ... Ouais, y avait carrément un fossé entre ce délire là et la réalité. Ou alors, ils étaient sacrément sourds la plupart du temps, parce que, putain, le nombre de fois où Jason les avait priés pour qu'ils le réunissent avec ses parents ... Ou alors, c'était simplement Zeus qui y avait toujours mis de la mauvaise volonté, ce qui, dans le fond, ne serait guère étonnant ... Quoi qu'il en soit, ils sont là, et dans le fond, cela ne doit ravir personne à l'extrême. Sa tante Menalippe lui enlève d'ailleurs pratiquement les mots de la bouche, en toute honnêteté. C'était sans doute un de ses grands défauts, ça. L'ouvrir quand il serait plus sage de la fermer. Mais il avait une bonne excuse : ses parents, ils ne lui avaient pas appris la politesse et le mensonge, parce qu'ils n'avaient pas été là, en temps et en heure ... D'un air très méfiant et un peu sur la défensive, Jason voit alors son père s'asseoir face à lui. Cool, enfin un peu d'attention paternelle, quoi que ... Il reste mutique, Zeus, alors que tout le monde attend qu'il l'ouvre. Un instant, le demi-dieu songea même à lui donner un coup de pied sous la table, mais serait-ce bien intelligent ? Quand le Dieu des dieux se décida, disons que ses propos n'avaient rien de bien rassurant. Les desseins de cette Graal étaient des plus ambitieux, mais étaient aussi des plus redoutables. En plus, le pauvre Philon, qui n'avait rien fait et rien demandé à personne se retrouvait mêlé à tout ceci. Quand est-ce qu'on arrêterait de faire chier les gamins ? En tout cas, son beau-frère a raison. S'ils doivent la présence des Dieux en cet instant, ce n'est point par attachement et affection personnels de leur part, non. En réalité, ils craignent pour leur cul, et s'attendent sans doute à ce qu'on fasse le sale boulot pour eux.

« Bonjour à vous aussi Père. Diana, Cassandra et moi allons bien, merci de vous en être soucié dès que vous avez su ce qui se passait ici ... Sans vouloir vous offenser, par simple curiosité, vous comptiez bientôt nous informer de tout ceci ou vous souhaitiez attendre que l'un d'entre nous soit sur le point d'aller saluer notre oncle Hadès ? ... J'ai déchaîné la Tempête, en me disant que, peut-être, cela pourrait vous servir de signal pour venir nous aider, d'autant plus que Diana était blessée. ... En fait, laissez tomber. J'ai survécu sans vous jusque là. » Secouant la tête de gauche à droite, il soupira, avant de reporter son attention sur sa mère, avec bien plus de douceur. « Mère, qu'est-ce qui a poussé cette Myrina à concevoir un enfant avec Darkseid ? Et ... Je sais qu'elle est l'une d'entre vous, ou tout du moins qu'elle l'était, mais ... Mais si je lui tombe dessus, je ne la traînerais pas jusqu'ici pour qu'elle puisse faire face à votre justice. Elle périra bien avant. Elle a osé s'en prendre à Diana, je ne peux pas pardonner ça. »

Si Diana n'avait pas eu Ophelia contre elle, elle aurait serré les poings jusqu'au sang lorsque les Olympiens font une apparition théâtrale peu de temps après avoir été mentionnés. Peut-on aller jusqu'à dire qu'ils ont certainement attendu qu'on les évoque pour apparaître ? Pour Diana, cela ne fait pas le moindre doute. Elle leur adresse un regard noir, à son père particulièrement, et sentir la présence d'Arès dans son dos l'agace profondément. Quand sa tante revient avec l'Oracle, elle ne se prive pas de leur dire le fond de sa pensée, et si d'ordinaire Diana fait preuve de respect à l'égard des dieux dans sa façon de s'adresser à eux, elle approuve parfaitement les propos de Menalippe. Profondément déçue, et même blessée par le peu de considération des dieux, elle évite de regarder Zeus lorsqu'il leur apporte quelques réponses aux questions qu'ils se posent. Un petit rire cynique lui échappe lorsque Jason résume la situation : c'est parce que les Olympiens se sentent menacés qu'ils sont venus. Diana secoue doucement la tête lorsque son jumeau essaie de comprendre pourquoi leur père n'est pas venu les aider alors qu'ils étaient en danger. C'est sans espoir, inutile d'essayer de comprendre les desseins des dieux, ou simplement leur façon de penser. « Nous n'avons jamais eu besoin d'eux jusqu'à présent. Cela ne commencera pas aujourd'hui. » Elle se tourne vers Hippolyte, espérant que cette dernière puisse leur apporter des explications quant aux raisons qui auraient pu pousser Myrina à faire un enfant avec Darkseid dans le simple but de le détruire par la suite. Aux yeux de Diana une telle stratégie n'a aucune logique et surtout, c'est cruel. Mettre un enfant au monde dans le simple but d'en faire une arme... Aucune mère digne de ce nom ne ferait une chose pareille, aucune. « Pour être tout à fait honnête... Je l'ignore. Myrina et moi n'avons jamais été proches, Antiope aurait pu vous en dire davantage à son sujet. Lorsque je suis montée sur le trône de Themyscira, j'ai mis fin à de nombreuses pratiques que je ne jugeais plus nécessaires, ou qui étaient devenues barbares. Repliées sur Themyscira, nous n'avions plus besoin des talents d'assassin de Myrina. Elle ne savait que se battre et tuer, sans doute a-t-elle eu besoin de se trouver un nouveau but... » Diana fronce les sourcils lorsqu'elle voit Zeus sur le point de répondre, et elle l'interrompt avant même qu'il n'ait pris la parole. « Peu importe. Peu importe pourquoi Myrina a agi comme elle l'a fait. Cela n'a aucune importance, car de toute évidence Graal se moque des ambitions de sa mère. Elle veut ramener Darkseid ici et se débarrasser des dieux de l'ancien temps pour qu'il ait le champ libre. Elle veut le tuer pour mieux le ressusciter et le manipuler, et nous ne pouvons pas la laisser faire. Des milliers de vie sont en jeu, le sort de la planète l'est également. » Elle dépose Ophelia dans les bras de son père pour quitter son siège, ne tenant plus en place. Elle acquiesce aux paroles d'Arthur, avant de reprendre la parole. « Nous allons la traquer et l'empêcher d'exécuter son plan machiavélique. Nous devons sauver Philon, et faire en sorte qu'elle ne tue plus d'innocents. Comptez-vous faire quelque chose pour arrêter le massacre de vos enfants, père ? » Furieuse et ébranlée, Diana lâche le mot comme une insulte. Cela fait tiquer Zeus, et c'est exactement ce qu'elle voulait – les faire passer pour des incapables, tous autant qu'ils sont, pour qu'enfin ils agissent comme des dieux. « Nous allons envoyer Hermès prévenir mes descendants. Et ceux des autres. » Cela ne suffira pas à tous les protéger, mais Diana est lucide : impossible de veiller sur des milliers de personnes, c'est sur Graal qu'ils doivent se concentrer. « Artemis. Tu es la mieux placée pour nous aider à retrouver Graal, tu es la meilleure chasseresse et traqueuse que je connaisse. Nous aideras-tu ? » La déesse hoche la tête. « Naturellement. Mais la ramener ici ne sera pas une tâche aisée, je doute qu'elle se laisse faire. » « Qu'importe. Il faut l'arrêter. Si nous pouvons la juger et la condamner, tant mieux, mais sinon... L'arrêter doit être notre priorité. Nous ne pouvons pas laisser Darkseid revenir. À force d'essayer de conquérir la Terre, je crains qu'il ne finisse par y arriver, surtout si sa fille l'y aide. » Diana reste songeuse un instant, les bras croisés sous sa poitrine. Son regard se pose sur tous les membres de leur assemblée, elle fronce les sourcils lorsqu'elle croise celui d'Arès. « Nous allons avoir besoin d'armes capables de la blesser. Jason, pourrais-tu te rendre aux Forges, demander à Héphaïstos de nous en fournir ? J'ai la Tueuse de Dieux et l'Epée d'Athéna, et Arthur le Trident de Poséidon. Mais il nous en faudra davantage... Des flèches pour toi, Jason ? Et il me semble qu'Héphaïstos s'est très bien adapté aux armes modernes, si je ne m'abuse ses balles sont particulièrement... efficaces. » Ce que Diana demande, ce sont des armes capables de tuer Graal s'ils doivent se résoudre à cette éventualité. Si Graal n'avait pas attaqué son royaume, son peuple, un enfant innocent et sa famille, peut-être aurait-elle pu faire preuve de clémence à son égard, chercher à la comprendre et à négocier avec elle. Mais cette fois... Cette fois, Diana n'est pas prête à retenir ses coups.

On avait beau dire qu'il fallait toujours être deux, pour faire un enfant, et bien, parfois ... Parfois, cela ne fonctionnait pas exactement comme ça. Il n'y avait qu'à voir les Amazones, par exemple. Enfin, pas toutes ... Car même si Diana avait été bernée par un mensonge pendant tous ces millénaires, maintenant, elle savait. Et tout le monde savait, d'ailleurs. Peut-être que Jason devrait culpabiliser un peu d'avoir ainsi fait s'effondrer tout un pan de l'existence de sa sœur jumelle. Un pan considérable, en plus, pas un petit truc de rien du tout, parce que, lui, il semblait qu'il ne savait pas faire les choses à moitié ... Mais en fait, non. Non, il ne culpabilisait pas parce que, oui, tout comme lui, elle avait le droit à la vérité. Et la vérité, parfois, ça fait mal. Pire qu'un uppercut en pleine face. Enfin, après, bien évidemment, tout dépendait de la vérité, et de l'antériorité ainsi que de l'ancienneté du mensonge qui la dissimulait. En tout cas, non, parfois, il n'y a pas besoin d'être deux pour faire un enfant. Pas pour rien qu'on parle de se faire faire un gamin dans le dos, pour toutes ces fois, où ... En fait, il n'avait sans doute pas entière légitimité à parler de tout ça. Il n'y connaissait rien, en parentalité. Il avait eu un exemple proche du néant, dans sa vie, pendant tout ce temps. Il n'avait lui-même pas eu de gamin, du moins, à ce qu'il en savait, et ... Et autour de lui, pendant 1000 ans, pour ses plus proches, cela avait aussi été le néant total. Il y avait bien Héphaïstos, mais bon, lui, vivent les parents qu'il se traînait ! Et, oui, le demi-dieu était parfaitement au courant qu'il était en train de parler de son propre demi-frère, mais il savait bien que ce dernier ne lui en voudrait pas, et ne pourrait même qu’acquiescer s'il était là, présent, dans la même pièce que lui en ce moment. En tout cas, Jason était parfaitement au fait que, d'une certaine façon, c'étaient les femmes qui avaient le pouvoir, en terme des grossesses, dans le sens où, si elles n'en voulaient pas, elles avaient les moyens de tout stopper net, et qu'au contraire, si elles en voulaient, elles savaient quand s'y prendre..

Tout ça pour dire qu'il n'avait pas la moindre idée de si le fameux Darkseid était au courant ou non. Mais cela avait-il de l'importance ? Peut-être que si, quand même, mais, là, maintenant, le savoir ne leur servirait sans doute à rien. En tout cas, le demi-dieu était très attentive aux paroles de sa royale mère, et il allait s'en dire que ... Qu'il avait encore bien des choses à apprendre et à comprendre des Amazones. Mais Hippolyte lui avait assuré qu'elle n'était absolument pas prête à le voir sortir de sa vie une nouvelle fois, perspective des plus réjouissantes. Ils auraient donc le temps de ... Le temps de perfectionner tout ça, d'aller plus en profondeur, et de partager des instants réellement privilégiés, entre mère et fils. Sauf qu'il fallait remettre ça à plus tard. Et se réjouir du fait que, au moins, lui, sa vie ne se résumait pas à se battre et à tuer, loin de là, même. Fort heureusement, d'ailleurs. De toute façon, Diana avait raison. Myrina n'était pas la priorité, et sa propre fille le leur avait bien montré, se contrefichant littéralement de la voir se faire occire, lorsqu'elle était venue leur dérober Philon. Ses priorités étaient ailleurs, et les leurs devaient donc s'adapter et se calquer sur tout ça. Ils n'avaient pas vraiment le choix, en même temps ... En tout cas, Jason ne peut qu'arborer un sourire carnassier en direction de son géniteur en le voyant quelque peu se faire ruer dans les brancards de la part de sa sœur jumelle. Diana avait bien raison d'agir, de réagir et de parler ainsi. C'était amplement mérité. Cette menace n'était pas nouvelle, après tout, et qui savait exactement combien de descendants des Olympiens avaient déjà perdu la vie ? En tout cas, ouais, donc, Zeus devait se tenir une petite liste de tous ses bâtards, de tous ses gamins nés hors mariage et de relations extraconjugales, ceux-là même pour qui il ne devait éprouver qu'un certain dédain, une neutralité et un grand désintéressement. Ou alors, il était sourd comme un pot, parce que, par les Dieux, qu'est-ce que Jason avait pu gueulé, complètement torché, contre ces parents qu'il ne connaissait pas et qu'il jugeait l'avoir abandonné ! Il était même tombé dans l'Arno, une fois, beurré comme jamais, et avait bu la tasse. En tout cas ... En tout cas, Jason ne pouvait que continuer à clairement suivre Diana dans ses idées. Elle semblait tellement plus posée que lui, une question d'éducation, sans doute. Comme quoi, venir du même moule, cela ne faisait pas tout. L'éducation et l'affection reçues comptaient également pour beaucoup, hélas pour lui, et tant mieux pour elle ... Alors, il n'eut aucun doute quand elle le sollicita directement.

« Ce sera fait. Et je peux déjà dire que la réponse sera positive. Héphaïstos mettra tous les gars sur le coup. S'il y a besoin d'aider, je le ferais. Ça fait longtemps, mais je n'ai pas perdu la main. » Il hocha la tête, positivement, avant de tourner le regard vers celui qui se trouvait être son beau-frère, en plus d'être son homonyme. Et un sourire narquois s'érigea alors sur ses lèvres. « Héphaïstos ne m'a jamais paru aussi jeune que quand il expérimente de nouvelles armes, ou qu'il améliore ce que les humains croient déjà imperfectibles. Tu auras tes balles. Et ton flingue. » Tu parles ! La dernière fois qu'il était passé, il avait surpris son demi-frère de Dieu de la Forge à s'esclaffer comme un gamin après avoir lancé une poignée de balles dans les flammes, avant que cela ne pétarade en tout sens et ne projette des étincelles sur plusieurs mètres à la ronde ! En revanche, son sourire se ternit quelque peu à la simple évocation de ramener Graal en vie. Une perspective ne le réjouissant que très peu. Peut-être qu'un instant, il apparut comme un gamin boudeur, mais il n'avait jamais réellement eu la possibilité de l'être. Gamin, et boudeur. On lui avait un peu arraché ça, ou plutôt l'en avait-on privé, par la force des choses et des circonstances. Il se rattrapait donc. Ou pas. Croisant les bras sur sa poitrine, il ne manqua cependant pas d'envoyer un regard torve en direction de son père. « Espérons alors que vous lui tombiez dessus avant que je ne le fasse ... » Finalement, il soupira, fermant les yeux, avant de reprendre. On ne sait jamais, si Ophelia le voyait, il était encore de question qu'il passe pour l'oncle ronchon infréquentable et trop borné. « Donc, des balles et un flingue héphaïstiens ... D'autres commandes spécifiques ? »

Diana prend une profonde inspiration. Traquer Graal ne sera pas une partie de plaisir, ce sera compliqué et dangereux. Combien d'entre eux seront blessés, ou pire ? Combien d'Amazones, combien d'Atlantes vont encore périr ? Combien de nouvelles morts inutiles, qui auraient pu être évitées si les dieux avaient cessé d'être égoïstes, rien qu'une minute ? Diana peine à contenir sa colère, elle est parfaitement furieuse et blessée dans son amour propre. Aucun d'entre eux n'a levé le petit doigt lorsque Graal a attaqué. Pas même Artémis ou Athéna, nul n'a bougé. « Espérons qu'Héphaïstos au moins soit à la hauteur de nos espérances. » Elle lance un regard lourd de sens à Zeus, avant de secouer doucement la tête. « Si nous pouvons ramener Graal ici et la soumettre à notre justice, alors nous le ferons. Mais il est hors de question que nous mettions nos vies en danger pour cela, nous avons bien trop à perdre... » Elle cherche le regard d'Arthur. « Si nous la tuons, la Ligue n'approuvera pas, mais nous devons protéger nos peuples avant de songer à l'avis de l'équipe. S'il le faut, j'assumerai l'entière responsabilité du sort de Graal. » Diana sait que certains ne comprennent jamais que l'on puisse en arriver à tuer un ennemi, leur code moral les en empêche, mais elle sait qu'Arthur partage les mêmes principes qu'elle. En tant que roi d'Atlantis et princesse de Themyscira, ils se doivent de protéger leurs peuples. « Pour le moment, Graal et Myrina ont plusieurs coups d'avance sur nous. Mais au moins, tant qu'elles n'ont pas les Motherboxes, elles ne pourront pas aider Darkseid à revenir sur Terre. Nous pouvons supposer qu'elles chercheront à les récupérer, peu importe où elles sont, puisque sans Darkseid le plan de Graal tombe à l'eau. Tuer la descendance olympienne... Ce n'est encore qu'un loisir pour elle, j'ai l'impression. Ce n'est pas encore son but principal, elle a simplement annoncé son programme sur le long terme. » Pour autant, elle sèmera la mort sur son passage, cela ne fait aucun doute. Et puisqu'il est parfaitement impossible de protéger des milliers de personnes simultanément, c'est sur leur bourreau qu'ils doivent se concentrer. Elle reste songeuse tandis que sa mère remercie Arthur pour son soutien, et s'efforçant d'éviter de croiser le regard d'Arès ; sans grand succès. Elle finit par le regarder droit dans les yeux, comme pour le défier avant de reprendre la parole. « Néanmoins, nous devons nous préparer à devoir affronter le pire... Si par malheur Graal parvient à ouvrir un portail sur Apokolips, la Terre risque une nouvelle invasion. Nous aurons besoin d'unir nos armées pour affronter les hordes de Paradémons, les Furies et Darkseid lui-même... Mais après deux échecs, je suppose que Darkseid enverra la totalité de ses troupes sur Terre, alors j'ai peur que cela ne suffise pas cette fois ci. » « Il y a les Amazones de Bana-Mighdall. J'ignore ce qu'est devenu la tribu d'Antiope, mais une Amazone est une Amazone. » Diana hausse les sourcils. Il est rare qu'Hippolyte évoque sa sœur décédée, ou encore la seconde peuplade amazone dissimulée quelque part en Égypte. « Elles ont renoncés à leurs dieux. » « Et personne ici ne peut leur en vouloir. Si vous agissiez plus souvent au lieu de larmoyer, peut-être que Themyscira n'aurait pas perdu la moitié de ses Amazones. » Diana se retient de cogner du point sur la table et si elle voit le regard de Zeus s'assombrir, elle ne courbe pas l'échine pour autant. Peu importe qu'il lui ait offert un siège à l'Olympe, elle ne sera jamais des leurs. « Jason, dans combien de temps penses-tu que nous aurons nos armes ? Au plus vite nous serons prêts, et au plus vite nous pourrons contre-attaquer. Graal a eu l'avantage de la surprise, mais ensemble nous sommes plus forts qu'elle et nous pouvons la vaincre, j'en suis persuadée. » Elle doit l'être. C'est peut-être d'eux que dépend l'avenir du monde.

Est-ce qu'il devrait d'abord prendre le temps de demander son avis à Héphaïstos avant d'engager sa parole ? Sans doute que oui, du moins, si l'on suivait les règles strictes de la politesse et des conventions. Mais Jason connaissait suffisamment bien le Dieu de la Forge pour se permettre de s'affranchir de tout ceci. Il le connaissait bien, et surtout, il était son ami. Oui. Bien qu'aujourd'hui, il sache toute la vérité concernant leurs origines communes et ces liens du sang qui les liaient de par leur père commun, il n'en demeurait pas moins qu'avant tout, Héphaïstos était son ami. Son ami, en même temps qu'il demeurait son Maître. Car Jason avait beau avoir perfectionné ses techniques et être devenu l'un des meilleurs apprentis du Dieu, si ce n'était le meilleur, à mesure des années et des siècles passés sous son apprentissage, il ne se targuerait jamais d'avoir détrôner le Dieu. Cela serait très prétentieux de sa part, et ils ne jouaient de toute façon pas avec les mêmes armes. En dépit du fait que sa mère n'était pas la première venue ni même n'importe qui, il n'en demeurait pas moins qu'elle n'était pas une déesse, et que, donc, cela ne ferait jamais de Jason un Dieu, mais bel et bien un demi-dieu. Alors, non, franchement non, il ne se pose pas un instant la question concernant la réponse que pourrait bien fournir Héphaïstos à la sollicitation de Diana. D'autant plus que Jason le savait, mais sa sœur jumelle se trouvait être l'une des personnes pour lesquelles le Forgeron éprouvait le plus de respect. Il ne fallait pas se demander, donc, s'il approuverait ou non. La réponse positive s'imposait d'elle-même, et pas qu'un peu. De la même façon, Jason ne se questionna nullement concernant le fait d'élargir la liste des commandes qu'il livrerait à Héphaïstos. Accepter chacune d'entre elles était donc une évidence.

« A plus forte raison parce que tu es Roi, il n'y verra aucun inconvénient. Bien au contraire. » Il ne connaissait pas le Roi Atlante autant que sa jumelle, Jason, mais il estimait qu'Arthur ne se formaliserait point du tutoiement. Après tout, ils étaient dans le même camp, et ils s'étaient même battus côte à côte, alors ... En tout cas, si l'Atlante ne sembla pas du tout relever, le demi-dieu ne manqua pas de capter le regard et le signe que dirigeaient vers lui sa royale sujette. Et une étincelle mutine naquit au fond de son regard. Oui, il préparait un sale coup, ou pas, mais encore fallait-il bien le connaître pour le comprendre et voir clair dans son jeu ... Ce qu'il ne manqua pas non plus de faire, ce fut de réagir aux propos de Diana. « Je pense que Héphaïstos n'a jamais déçu ni trahi personne, lui ... »

Mais Jason ne rajouta rien face aux propos de sa jumelle concernant le sort à réserver à cette sale tordue de Graal et à sa traîtresse de mère. Parce qu'il avait déjà exposé son point de vue, et abattu ses propres cartes concernant ses desseins et ses priorités à lui. Tuer ou être tué. Ce n'était même pas là que se situait la question, d'ailleurs. Il savait très bien ce qu'il y avait en jeu, il le comprenait. Et si certains pouvaient bien rechigner face aux méthodes sanglantes et expéditives, lui n'avait jamais eu de difficultés à assumer d'avoir les mains sales. Il n'était pas un enfant de chœur, il était loin d'être parfait, et il avait vécu et survécu jusque là sans se trimbaler uniquement des amis et des alliés, bien au contraire. Diana semblait avoir une volonté plus nuancée, certes, mais néanmoins tout autant déterminée. Il serait là pour la supporter, quel que soit son choix, bien que sa préférence à lui était déjà bien marquée. Mais Diana était sa sœur, et il était hors de question de la laisser se prendre un camouflet toute seule. Il n'en dit rien, mais il espérait bien qu'elle le comprenait d'ores et déjà et qu'elle en était bel et bien consciente. De toute façon, ses pensées furent détournées par sa propre mère, quand Hippolyte amena sur le tapis le sujet de ce groupe d'Amazones qui s'était scindé de celles de Themyscira, il y avait déjà bien longtemps de cela. Jason n'en avait qu'entendu parler, mais il n'en ignorait rien. Et la colère de Diana envers leur père se fait entendre, là où le demi-dieu la comprend bien. Il le surveille, Zeus. Et il ne s'en cache pas. Si ce dernier s'avise de renvoyer Diana dans ses quartiers, la tête brûlée et l'inconscience de Jason ne manqueront pas de se manifester. Mais leur père semble prendre son parti de tout ceci, contraint et forcé, même s'il donne l'impression d'avoir des difficultés à avaler et que son visage ne laisse pas de doute concernant sa colère qu'il renâcle et semble avoir de la peine à contenir. Il se prend une petite fessée, là, quand même, ou plutôt se fait-il encore et encore mettre le nez dans la merde, comme on dit. Mais, après tout, il a sa part de responsabilité dans tout ça, et il doit bien le savoir. Bref. De toute façon, Diana capte de nouveau l'attention de Jason, qui ne manque pas de laisser de côté tout le reste.

« Héphaïstos est efficace. Et il sait oublier tout le reste pour se focaliser uniquement sur sa forge. Sans parler du fait qu'il va mobiliser tous les fils des Amazones. Je vais superviser tout ça, si vous le voulez bien, car, si je peux faire le lien entre les Forges et vous, autant le faire. Mais je dirais qu'il y en aura pour minimum 2 semaines. Tout ne se fait pas en un jour, et Héphaïstos est très perfectionniste. Ce n'est pas pour rien que ses créations sont réputées. Ça vous va ? » Oui, ils y arriveraient. Ils auraient les armes pour affronter Graal, et s'ils échouaient, au moins auraient-ils tout donner. Mais, pour l'instant, dans l'esprit du jeune homme, il était déjà hors de question de songer à la défaite. Ils y arriveraient. Ils y arriveraient, car il le fallait. Oui. Ils y arriveraient.