High School Magical : director's cut || Selina

High School Magical : director's cut

Le pensionnat était ancien, massif, semblable à un énorme manoir du siècle dernier, à l’image de l’architecture de ce quartier huppé où s’était l’établissement, qui accueillait, d’après ses informations, des enfants depuis la première année de primaire jusqu’à la dernière année de lycée. La journée touchait à sa fin mais on se serait déjà cru la nuit, tant le ciel de Gotham était chargé de nuage – brouillard ou pollution, nul ne le savait jamais vraiment dans cette ville. Elle pouvait voir des dizaines de silhouettes aller et venir dans l’immense parc qui encerclait la propriété et de nombreuses fenêtres étaient éclairées, preuve que des cours étaient encore dispensés. Zee aurait pu prétendre regretter ou ne pas regretter cette grande époque, mais en vérité elle n’avait jamais mis un pied dans le système éducatif de masse. N’était jamais allée en classe, n’avait jamais passé de soirées entre amies au dortoir ou ailleurs, et à seize ans, en vérité, elle cherchait son père, qu’elle pensait mort, et luttait contre une horrible mégère de sorcière. Bien loin des exercices de maths et des dissertations à faire à la maison. Loin des morts suspectes d’adolescents et des rumeurs de sorcellerie, aussi, il fallait bien l’admettre. Ces ragots étaient arrivés jusqu’à elle via une ancienne amie de son père, qui était venue la trouver : sa petite-fille fréquentait cette luxueuse école et depuis quelques semaines, des choses étranges, d’après elle, s’y passaient. Zee connaissait bien cette dame et savait qu’elle avait de vraies raisons de s’inquiéter. Et si personne, journalistes ou autorités, ne s’était encore emparé de l’affaire, c’était que l’école faisait tout pour l’étouffer, réputation à tenir oblige. Les parents payaient très cher pour mettre leurs bambins dans cette usine à futurs chefs d’entreprise et femmes politiques et des gamins qui se pendaient dans les gymnases, ce n’était pas le genre de pub qui leur apporterait des fonds de la part des riches donateurs.

Zee s’approcha de l’entrée de l’école, où veillait un gardien, comme de juste. Elle brandit sa fausse carte d’étudiante. Son apparence, grâce à un sort, était tel qu’elle était sur la photo : elle avait simplement repris l’apparence de ses seize ans. Plus jeune, plus petite, plus fine. Même cheveux de jais, même yeux bleus, air un peu moins insolent cependant car elle n’était plus l’adolescente révoltée qu’avait dû supporter son père à l’époque, mais une adulte, et cela peut-être se voyait dans son regard… Mais tout ce qui intéressa le gardien fut de savoir ce qu’elle faisait en-dehors du pensionnat un soir de semaine, et Zee se contenta de lui souffler de ne pas poser de questions. Elle aurait pu se téléporter à l’intérieur, rentrer en catimini, mais elle devait mener l’enquête, et s’était dit qu’il lui serait plus simple d’approcher les élèves si elle leur ressemblait. Aux dernières nouvelles, les adolescents ne se confiaient pas plus aux adultes en 2019 qu’en 2000. Elle traversa le parc et entra dans le bâtiment qui abritait l’internat, pour les garçons et pour les filles – Zee trouvait naïf de la part de la direction de l’école de ne pas les avoir parqués dans deux bâtiments séparés le plus loin possible l’un de l’autre, mais tant mieux pour les mômes. Cela dit, d’après la petite-fille de l’amie de Zatara, les professeurs, surveillants et personnels divers du pensionnat étaient sur les dents, en ce moment. Et ils avaient de bonnes raisons.

Trois suicides. Une adolescente retrouvée noyée dans la piscine. Une autre tuée par des piqûres de guêpes – comme si ce genre de bestioles pouvait survivre dans l’air de Gotham. Un gamin retrouvé raide et bleu dans un placard métallique du vestiaire de l’équipe de foot féminine. Un autre qui avait dévalé l’escalier sur la tête. Cela faisait beaucoup. Et bien sûr, l’établissement bruissait de rumeurs et de spéculations. Parmi tous ces ragots : il y aurait de la magie à l’œuvre. L’adolescente qui lui servait de source n’avait pas voulu en dire plus et avait semblé réellement terrifiée. On parlait de chants qui s’élevaient la nuit dans les couloirs, de portes qui claquaient, d’élèves qui semaient la terreur… Rien de neuf dans un pensionnat, mais additionné à tous ces morts étranges… Alors elle était là, marchant dans un couloir, passant devant une salle commune, puis le bureau des pions… Il n’y avait pas grand-monde dans l’internat côté fille. Mais au détour d’un couloir, elle discerna une silhouette sombre, quasi invisible. Elle semblait danser dans les ombres et Zee aurait pu se laisser prendre et y voir un fantôme, un vrai. Mais cette façon de bouger et cette silhouette, elle les connaissait bien, et depuis longtemps. Sans prendre la peine de reprendre son apparence adulte, elle rejoignit Selina en quelques pas légers – mais pas autant que ceux de son amie. De toute façon, elles s’étaient connues jeunes adolescentes et Selina saurait très bien qui elle était. « Qu’est-ce que tu fais là, Seli ? » Elle avait presque vociféré, parlant tout bas alors que techniquement elle n'était coupable de rien, mais il faut dire que dès que Selina était dans les parages, les choses avaient tendance à devenir illégales. C’était un peu trop pour une coïncidence, non ? Et elle doutait que son amie se soit introduite ici pour voler aux ados leurs smartphones et leurs trousses à maquillage…

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Quel plaisir, oui effectivement, enfin pour le moment. Zee savait bien que Selina n’était pas là pour faire du tourisme. Elle non plus. L’affaire était grave, et elle était certaine que les choses n’allaient pas tarder à se compliquer. Les choses se compliquaient souvent quand elles se retrouvaient toutes les deux sur un même truc. Depuis toujours. Zee s’était plus d’une fois retrouvée à devoir fuir la police, elle, la petite fille sage à son papa, tout ça parce qu’elle avait suivi – okay, de son plein gré et avec un certain délice – Selina. Selina, qui elle ne se faisait jamais attraper… Elle aussi était un genre de magicienne. Zee n’eut pas le temps de parler que son amie la plaquait contre le mur. Un gardien approchait. Sa source n’avait pas menti, les surveillants ici étaient déjà en maraude, alors même que la journée de cours n’était pas finie. Si ça ce n’était pas un signe que quelque chose n’allait pas… Elle esquissa un sourire amusé. De nature curieuse, ben tiens… Selina était là pour une raison précise, mais Zee savait qu’elle finirait par le savoir. La seule inconnue, de taille, à présent, c’était comment cette histoire allait finir. Elle leva les yeux vers son amie, qui était plus grande qu’elle, maintenant qu’elle-même avait pris l’apparence d’une ado. Plus grande, et vu d’ici, beaucoup mieux fichue, aussi. Zee s’écarta de ses gratouilles en passant vite fait les mains sur son absence de poitrine. Ha, l’adolescence, ça n’avait vraiment que des mauvais côtés. « Je mène l’enquête, figure-toi. Incognito, en quelque sorte. Tu n’aimes pas ? » Elle pirouetta vaguement sans attendre de réponse, et soudain, une onde de magie traversa le couloir, probablement même tout le bâtiment, et elle cessa ses âneries. Selina aussi l’avait sentie, ce qui était bien la preuve que la magie à l’œuvre était totalement incontrôlée. Un autre drame allait avoir lieu si ça continuait, et ce serait plus grave encore un élève mort ici ou là. Même si c’était horrible en soi.

Elle emboîta le pas à Selina naturellement. Bien sûr qu’elles allaient s’allier, même si au final, elles n’étaient probablement pas là pour la même chose… Zee savait qu’elle devait attendre et laisser venir. « J’ai entendu des histoires, oui. L’école essaye d’étouffer l’affaire, au prix de la vie de leurs élèves. » Il y avait du mépris dans sa voix. Si Selina était venue là pour percer le coffre-fort du dirlo, grand bien lui fasse, ce n’était pas elle qui allait l’arrêter. De nouveau, cette pulsation, cette vague de magie oppressante et lâchée dans l’air sans aucune restriction. « Beurk, c’est de la magie, mais de la magie répugnante. Ceux ou celles qui font ça n’ont aucun contrôle dessus, c’est pour ça que les gens deviennent fou, ici. » Il fallait être plusieurs pour générer une énergie pareille. Ce n’était pas forcément très puissant, mais ce n’était pas naturel. Une magie artificielle, c’est-à-dire qu’il devait y avoir un objet magique dans l’équation, ou pire, quelqu’un… Un vrai sorcier, qui aurait trouvé en des enfants les outils parfaits à manipuler. Maintenant, pourquoi dans un lycée… Non, ça ne collait pas. Elle fit signe à Selina à une intersection, lui désignant la direction d’où émanaient ces ondes de magie. Elle baissa d’un ton. « Tu es là pour sauver la veuve et l’orphelin, toi aussi ? » Ou pour mettre la main sur quelque chose, plus probablement. Zee ne poussa pas la réflexion plus loin. Elles se trouvaient dans un long couloir mal éclairé, et l’architecture gothique de la bâtisse n’arrangeait pas l’ambiance de coupe-gorge de cet endroit censé être un internat, nom de la déesse ! Quelque chose semblait pulser dans les ténèbres du couloir face à elles. Zee posa une main sur le bras de son amie pour la faire s’arrêter.

« Les petites malines… Il y a de la magie qui dégouline de partout. On se rapproche. » Elle tendit les mains devant elle et souffla une formule – al eigam eélévér ! – et une onde de lumière jaillit de ses doigts pour balayer le couloir face à elle jusqu’au mur du fond. Les ampoules se rallumèrent, l’impression étouffante disparut, de même que l’étrange distorsion qui donnait au lieu une impression étrange. L’endroit ressemblait de nouveau à un couloir d’internat normal, à ceci près que derrière une de ces portes, quelque faisait une très grosse bêtise.

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Les années passaient mais certaines choses ne changeaient pas. Dans leur duo, les choses avaient toujours fonctionné de la même façon. Selina était à l’époque l’adolescente libre comme l’air qui semblait toujours échapper aux conséquences ou du moins les survoler comme l’acrobate féline qu’elle était ; pour Zee, un rêve, un genre de modèle à imiter. Elle n’était alors qu’une ado, qui faisait certes sa part de conneries, mais au final, au bout de quelques heures ou de quelques jours, les pièces du puzzle de sa vie se remettaient toujours en place, il y avait toujours son père, sa maison et les limites qui formaient le cadre de sa vie. Selina n’entrait dans aucun cadre. Et tout ce que faisait Zee, souvent dans le mimétisme, bien sûr que son amie le faisait mieux, et plus naturellement. Alors au petit jeu de qui déstabiliserait l’autre, la magicienne savait qu’elle n’avait aucune chance. Mais cette dynamique, elle l’avait toujours aimé, et ce soir encore, même après toutes ces années, c’est avec un sourire qu’elle suivit Selina, sans chercher à avoir le dernier mot – elle aurait échoué. D’une manière différente, elles étaient probablement toutes les deux des vilaines filles, et ce n’était pas toujours un compliment, mais c’était ainsi. Pour l’heure, les plus vilaines des filles dans le bâtiment, c’étaient celles qui s’amusaient avec une magie qu’elles ne contrôlaient clairement pas. Non seulement cette énergie sombre se faisait sentir, mais elle était visible, même pour des yeux novices. Semblait petit à petit s’approprier les lieux, comme entraînant tout l’internet dans le monde d’où elle provenait, recouvrant les sols et les murs. Zee regarda Selina poser la main sur un mur et retroussa le nez en voyant le résultat, puis sourit devant la réaction de son amie.

« Ça ressemble à de la magie noire, mais pour en faire, il faut réunir des conditions particulières et j’ai du mal à croire que de simples ados aient pu faire ça toutes seules. Il y a des créatures dans ce monde et ailleurs qui adorent se servir des jeunes filles comme véhicules pour leur sorcellerie… » La magie noire, c’étaient des sacrifices d’animaux, des objets qu’on ne trouvait pas dans l’épicerie du coin de la rue et des formules qu’on ne trouvait pas sur Internet. L’affaire était peut-être beaucoup plus grave que ce qu’elle avait cru. Tout en avançant, elle approcha la main du mur où la substance aqueuse et noire gagnait du terrain. Une légère lumière émanait de ses doigts et la substance sembla se recroqueviller, pour mieux repartir à l’assaut du mur dès que Zee éloignait sa main. « Elles ont invoqué quelque chose dans notre monde, et ce quelque chose essaye de franchir la porte. Je ne crois pas qu’il ait réussi pour le moment, mais cette sensation, cette substance, ce sont les signes qu’il essaye de forcer la porte. » Tout n’était pas perdu. Mais, quel artefact stupide, quel livre oublié, quelle vieille bonne femme croisée au coin d’une rue avaient permis à ces mômes de faire une chose pareille ? Et aussi… Zee doutait qu’elles allaient retrouver ces enfants en vie, désormais. Mais autant faire demi-tour si c’était pour perdre espoir. Elle jeta un regard en coin à son amie. « Ça me rappelle des souvenirs. Tu n’es pas jalouse, au moins ? Si tu veux, je peux aussi te rendre ton apparence de cette époque. Ce serait comme au bon vieux temps ! » Le bon vieux temps où elles faisaient des bêtises – ou plutôt, où Selina faisait ce qu’elle faisait toujours, où Zee la suivait, et où elle se faisait toujours attraper quand Selina s’en sortait toujours.

Voyant son amie lutter contre la magie noire qui partait à l’assaut de leurs jambes comme pour les empêcher d’avancer, Zee posa une main sur son bras et leva l’autre devant son visage. « etacéH, edrocca-suon at noitcetorp. » Un léger halo argenté les entoura toutes les deux, faisant fuir la substance gluante comme si elle était vivante. Elles avancèrent ainsi, repoussant la chose sur leur chemin, jusqu’à ce que la magicienne se fiche devant une porte de l’internet complètement recouverte de cette horrible magie. « Je crois qu’on y est. Et je ne sais pas si les gamines qui ont fait ça sont encore en vie. » Qu’allaient-elles trouver derrière cette porte ? Zee posa la main sur le battant et la substance noire qui la recouvrit sécha et vola en éclat. Déjà, autour du chambranle, d’autres filaments noirâtres tentaient de recouvrir la porte, mais la magicienne garda la main posé dessus, puis ses doigts traversèrent le battant et elle avança ainsi, jusqu’à passer la tête à l’intérieur… Avant de la ressortir aussi sec. « Bon. » Bon ? D’un mot, Zee reprit son apparence adulte, parce que les choses allaient devenir sérieuses, si ce n’était pas déjà le cas. Elle avait eu un aperçu de l’intérieur de cette chambre, qui ne ressemblait plus du tout à une chambre – elle semblait immense désormais, les murs, le mobilier étaient recouverts de cette substances dégoûtante, et au milieu, elle les avait vues : quatre silhouettes tordues, figées dans d’horribles positions, comme si elles avaient tenté de fuir avant d’être recouvertes à leur tour de cette magie noire… Impossible de savoir si elles étaient en vie. Mais au milieu de leur cercle, se trouvait l’origine du mal, et le point de leur monde que quelque chose tentait de forcer pour se répandre dans Gotham. « Il y a bien autre chose que les filles à l’origine de tout ce bordel. N’y touche pas à mains nues surtout, si tu dois en arriver là. » Mais par où commencer une fois cette porte de l’enfer ouverte ? Zee ne pensait qu’aux filles. Si elles étaient encore en vie. Elle posa la main sur le battant qui s’ouvrit sans un bruit.

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La façon dont Selina le disait, on aurait dit qu’elle avait l’intention de toucher absolument TOUT ce qui passerait à sa portée, en dépit des circonstances. Ce n’était pas une surprise en soi, cela dit, cela confirmait juste qu’elle était venue pour mettre la main sur quelque chose, littéralement. Que ce quelque chose ait un rapport avec le film d’horreur qui se déroulait dans ce pensionnat, en revanche, inquiétait un peu plus la magicienne. Elle s’attendait déjà à moitié à devoir finir la nuit enroulée autour du foutu objet pour empêcher Selina de partir avec. Qu’elle parte avec, en vérité, et à condition que l’objet en question ne soit pas dangereux, cela était bien égal avec Zee. Mais elle l’inquiétait plus de la personne qui avait payé Seli pour lui ramener la chose… Son amie n’était pas toujours très regardante sur les gens à qui elle filait des trucs contre salaire, et pourquoi aurait-elle dû l’être au demeurant ? Tant qu’elle était payée. Ce n’était pas une façon de faire qui correspondait à la personnalité de Zee mais c’était celle de Seli et Zee n’avait pas vocation à lui faire la morale ou quoi que ce soit. Les gens survivaient comme ils pouvaient, faisaient ce qu’ils aimaient, décidaient de leur vie comme ils l’entendaient. De toute façon, ce n’était pas comme si Selina l’aurait écouté plus de dix secondes avant de lui rire au nez. N’empêche, Zee ne voulait pas retrouver dans un mois une ville entière recouverte d’une boue noirâtre gluante parce que le type à qui Selina aurait vendu l’artefact avait voulu jouer avec. « Son vrai propriétaire, hein ? Il faut le faire pour perdre un artefact aussi dangereux. J’espère qu’on ne retrouvera pas Gotham enfouie sous la boue maléfique dans deux mois parce que ton type a voulu jouer avec. » Et c’était tout, tout ce qu’elle pouvait dire ou faire, à peine de quoi se donner bonne conscience.

Gardant son amie dans son champ de vision, elle la laissa poser ses pattes partout et s’approcha des horribles statues. Elle fit le tour de chacune pour chercher un signe de vie et s’aperçut bien vite que sous la carapace noirâtre, au niveau du visage, les yeux la suivaient dans chacun de ses mouvements. Elles ne faisaient pas un bruit, ne bougeaient pas d’un millimètre, mais elles étaient toujours là. C’était vraiment horrible. Elle soupira doucement. « Les gens font des erreurs, Selina. Cela ne veut pas dire qu’elles méritent leur sort. » Elle approcha doucement ses mains d’une des filles, laissant la lumière commencer à craqueler la substance. Oui, elle pouvait les libérer. Elle tourna la tête vers Selina, pour la voir arracher un genre de coup à la glu maléfique, et elle eut le temps d’ouvrir la bouche pour lui dire de faire attention avant qu’un choc ne les projette ailleurs. Ici, en plus des quatre adolescentes, il y avait une autre source de magie, beaucoup plus puissante – une vraie sorcière, cette fois, pas une apprentie. Apparemment, Selina s’était bien gardée de tout lui dire sur cette mission et en d’autres circonstances, Zee aurait poussé une gueulante. Mais plus tard, oui, plus tard, les explications. Dédaignant l’objet auquel son amie s’accrochait avec constance, elle s’envola pour éviter toute mauvaise surprise, remarquant que cela lui demandait beaucoup plus d’énergie que d’habitude. Elle tendit la main vers les quatre filles évanouies. « aL eigam sel egètorp ! » Aussitôt, un dôme de lumière bleutée les entoura, barrière infranchissable tant que Zee serait vivante. Elle aurait préféré les téléporter ailleurs mais elle n’était pas sûre d’en être capable compte tenu de toute la magie noire qui saturait l’air. Selina avait raison sur ce point, il fallait se débarrasser de cette bonne femme avant toute chose.

« C’est une amie à toi, on dirait. Tu es sûre de ne pas vouloir lui donner cet artefact ? » Le plus important, c’était la vie – celles des gamines et les leurs. Du moins dans la liste des priorités de Zee. Mais elle se doutait que Seli ne serait pas d’accord. Et de toute façon, elles ne pouvaient pas donner ce truc à cette sorcière, même si c’était tentant, pour éviter plus de dégâts encore. Foutus objets magiques, et foutues sorcières débiles. Elle aurait déjà pu se couler dans un bain chaud et moussant, à cette heure-ci, sans tout ce bordel. Joignant les mains devant son visage, elle rassembla ce qu’elle pouvait de magie sans en perdre le contrôle non plus, les yeux étincelant de lumière, puis écarta les bras, un tour qu’elle avait appris de Fate, un peu semblable à ce qu’elle avait fait pour repousser la substance magique dégueue, mais à bien plus grande échelle. Une onde de magie argentée jaillit de son corps en trois cercles concentriques et soudain, l’atmosphère fut beaucoup plus légère. Zee était sûre d’une chose : elle n’avait pas envie de tabasser cette vieille dondon sans que Seli participe à la fête, principalement parce que c’était Seli, en général, qui s’occupait du tabassage. « Tu n’enverras nos corps nulle part, et tu ferais mieux de retourner dans le trou d’où tu sors. Une sorcière qui a besoin d’enfants pour faire son boulot n’a pas les épaules pour jouer les vilaines du jour. » Elle plana à hauteur de Selina, pour lui glisser, tout bas mais assez fort quand même : « C’est une sangsue, non ? Elle se nourrit en permanence de l’énergie environnante, et surtout de celle des gamines, mais c’est fini maintenant. Tu as vu sa tête ? » Et effectivement, la tête de la sorcière commençait à avoir une drôle d’allure. De quoi l’énerver un peu plus, probablement.

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Eh bien, les choses prenaient très vite des allures quasi cartoonesques. Zee était toujours impressionnée de croiser dans ce monde des êtres magiques qu’elle ne connaissait pas, à croire que finalement, la magie, c’était banal, n’importe quel clampin du coin de la rue pouvait devenir la Némésis de Machin ou Bidule. Et à voir Selina et la vieille sorcière s’expliquer, il devait y avoir des dossiers entre elles, chose dont l’un dans l’autre, Zee préférait ne pas s'en mêler. Les gamines comptaient. L’école tout entière, aussi. Et dans une autre mesure, les plans que cette horreur ridée avait pour cet artefact stupide, parce qu’il y avait toujours un stupide artefact dans ce genre d’histoire, toujours un objet dangereux que tout le monde voulait possédait pour des raisons toujours valables bien entendu, quand bien même personne n’y connaissait rien en magie ou du moins se croyaient toujours capables de « gérer ». La magie était dangereuse, point final. Tout objet en lien avec la magie, particulièrement ceux qui possédaient du pouvoir, l’était aussi. Elle dut résister soudain à l’envie brûlante de téléporter la sorcière sur la Lune et de la laisser se débrouiller toute seule là-bas, avec son stupide calice. Ladite sorcière se mua en serpent pour mieux attaquer Selina, et Zatanna ne pouvait pas vraiment lâcher les chiens alors que son amie était au milieu, mais soudain, l’artefact fut libéré de l’emprise de la sorcière, et tout alla très vite. Sa magie pulsait si fort que la magicienne sentit les battements de son cœur se caler sur son rythme, sa musique élémentaire quasi naturelle. Un peu qu’elle allait l’utiliser. Mais elle n’était pas sûre en revanche de vouloir le faire alors que Selina était en difficulté et se faisait avaler sous ses yeux par les ténèbres de la magie noire de la fameuse Raccommodeuse. Elle appela son amie, mais c’était trop tard. Le mieux qu’elle pouvait faire pour elle à présent c’était de faire son job. « sneiV riov namam, tcafetra ! » Pas très orthodoxe mais peu importait.

Au moment où la main de Zee se referma sur l’objet, Bleue poussa un hurlement, comme si elle s’était brûlée. « Rends-le-moi ! Il est à moi ! » Sans l’écouter, Zee se laissait envahir par toute la magie contenue dans l’artefact et qui s’accordait si bien à sa nature, comme si elle avait toujours été la propriétaire de l’objet, quand bien même elle aurait voulu s’en débarrasser tout de suite au lieu de s’en servir. Mais le détruire ne les aiderait en rien. Et cette puissance qui l’envahissait, elle ne pouvait lui dire non. C’était une sensation bien trop agréable, qui lui arracha même un petit rire. Elle avait l’impression d’avoir trop bu. « aL eigam en tneitrappa't sulp, euelB ! ellE tse à iom, à tnesérp ! » Et à peine avait-elle prononcé ces mots que tel un trou noir, l’artefact se mit à siphonner l’énergie de la vieille. D’abord, ses filaments de magie noire, puis, petit à petit, s’arrachant de son corps difforme par ondes noirâtre, la magie qui la maintenait debout, dont elle s’alimentait. L’artefact dévorait également toute l’énergie alentour, toute la magie noire qui avait envahi les lieux, celle qui courait encore sur le corps des adolescentes sous leur bulle protectrice, et Zee pouvait aussi le sentir se servir dans ses propres réserves. La réalité déformée créée par Bleue commençait à se fissurer, les portes entre les mondes à se tordre et à se dilater. Il ne faudrait pas qu’elle garde de ce truc trop longtemps activé. Mais la sensation était vraiment incroyable, un pur shoot d’adrénaline. Dans son délire, elle baissa les yeux et vit que l’artefact siphonnait aussi les filaments poisseux qui avaient englouti Selina, dont la main dépassée, et un éclat de lumière attira son regard… En même temps, la sorcière se matérialisa devant elle, sa gueule de serpent devant son visage. Zee leva le bras et sentit les dents se refermer dans sa chair. Mais elle n’avait pas mal. Et le venin ne lui faisait rien. Tout son corps était comme un catalyseur de magie élémentaire qui alimentait l’artefact et annihilait les pouvoirs de Bleue.

Et pourtant, il manquait quelque chose. À grand-peine, elle s’en fit la réflexion. Si elle continuait comme ça, l’artefact allait dévorer un autre genre d’énergie, vitale, à commencer par celle de Selina elle-même. Menteuse ! songea-t-elle à l'attention de son amie, et cette simple pensée la ramena sur Terre. Elle pouvait dessécher la vieille Bleue, laisser l’artefact avoir la peau de Selina, et tuer les adolescentes, puis tous les autres gens qui se trouvaient dans cette école, et dans ce quartier, et dans cette ville… Ah, ce foutu truc, elle le savait, qu’il était dangereux ! Avec violence, Zee donna un coup de calice dans la gueule du serpent – à l’ancienne. D’un geste, elle récupéra le fragment manquant qui s’inséra tout seul dans l’artefact. Elle sentit sa puissance être décuplée et entendit Bleue pousser un horrible cri, ou alors c’était elle, elle ne savait plus. « La ferme !! » Elle ne savait pas trop à qui elle s’adressait, mais c’était probablement à l’artefact lui-même. Elle le lâcha et ce fut comme si elle avait coupé le courant. Elle tomba sur le cul dans l’herbe molle. Disparue, la magie, disparue, la puissance. Son dôme protecteur s’était évaporé également. Mais Bleue était toujours là. Toujours plus vieille, toujours plus faible, mais Zee ne pouvait plus bouger le petit doigt, si ce n’est qu’elle s’enroula autour de cet artefact de malheur. Personne doté de pouvoirs magiques ne devait mettre la main sur ce truc – et elle non plus, mais pour le moment, plutôt elle que Bleue. « Cat… T’es en vie ? » « Maudites garces ! » Bleue, en tout cas, avait encore la forme. Et Zee se vit là, comme une tortue sur le dos, achevée par une ancêtre de quatre-vingt-dix-huit ans, qui allait remettre la main sur l'artefact et recommencer ses conneries, une vraie victoire, Zee, well done. « Caaaaaaaaat ! »

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Quand elle vit Selina se relever, elle crut que la bataille était gagnée. Mais c’était sa faute, aussi, à toujours voir le verre à moitié plein. Comme si ça voulait dire que son amie allait bien, qu’elle se tienne sur ses deux jambes. Comme si ça voulait dire que le combat était fini, plié, emballé. Rien que le rire guttural de la sorcière face à elle lui donnait un indice précieux – ce n’était pas là le rire de quelqu’un qui venait de se faire botter le cul. Zee tenta sa chance, même si rien qu’à la voir, elle sut que son amie n’était pas aux abonnés absents. « Selina ! Réveille-toi ! » De quoi ? Un cauchemar ? Un enchantement ? Zee aurait pu le savoir, si seulement elle s’était permis d’aller faire un petit tour dans la tête de Selina, mais ça, c’était mal, non ? Interdit, en tout cas. Mais alors quoi ? La magicienne esquiva de justesse un coup de griffe et observait son amie avec anxiété, qui semblait tant souffrir du conflit intérieur qui l’agitait. Il n’y avait rien qu’elle détestait plus que ce genre de manipulation mentale. C’était pire que de la torture, c’était terrifiant, humiliant et traumatisant. Zee recula d’un bond pour esquiver un autre coup de son amie, craignant, si elle s’attaquait à la vieille, de blesser aussi sa marionnette. Mais soudain, une apparition fit, eh bien, son apparition. La véritable Bleue, à n’en pas douter. Qui en avait, des choses à dire – c’était pas un peu tard pour se pointer, sinon ? La main tendue, Zee lança un sort à toute vitesse, sans pour autant s’emmêler les pinceaux, la force de l’habitude. Des fils argentés jaillirent du sol, s’enroulèrent autour des bras et des jambes de Selina, la retenant momentanément. Mais Zee pouvait voir que la rage qui l’animait était plus forte que tout. Elle tirait sur ses entraves magiques, si fort qu’il était clair qu’elle était prête à se briser les os plutôt que rester ainsi enchaînée. « Vous appelez ça raccommoder, vous ? On devrait la rebaptiser Mary la briseuse, plutôt ! » Des pans de soi qu’on passait des années à coller avec minutie pour faire semblant que tout allait bien, et débarquait une vieille sorcière pour tout casser, et il fallait tout recommencer.

Zee eut un geste de recul quand Bleue se rapprocha, mais c’était trop tard, et de toute façon ce n’était pas comme si elle avait le choix. Elle sentit la légère vapeur qui s’était échappée des lèvres de Bleue franchir les siennes, et fut secouée d’un choc magique comme elle en avait rarement ressenti. Un vrai shoot de pouvoir directement dans son sang qui se mit à bouillonner de cette magie étrangère et puissante. D’un geste, elle fit éclater les liens qui retenaient son amie. Elle préférait devoir la repousser encore et encore plutôt que la voir se blesser sous la rage qui l’animait – et il en fallait, de la rage, contenue dans ce corps mince, pour que Selina agisse ainsi. Serrant le pétale dans sa main droite, Zee envoya valdinguer son amie d’un geste – désoléééeeee –, mais de toute façon, ce n’était rien à côté de comment elle se sentirait dans quelques minutes, a priori. Elle préférait ne pas y penser. Ne pas penser non plus aux adolescentes affaiblies et ponctionnées. De toute façon, ne pas vaincre la sorcière, c’était les laisser mourir, toutes. « La vieille… » La vieille était déjà sur elle, avec son petit soldat tout de cuir vêtue. Zee fonça sur Selina qui lui fonçait dessus et au moment où elles allaient se rentrer dedans, la magicienne rendit son corps immatériel et traversa son amie. La vieille sorcière, la voyant apparaître sous son nez, poussa un hurlement. Zee plaqua la main qui tenait le pétale contre sa poitrine maigre et aussitôt, une fumée bleutée jaillit de ses sous ses doigts, comme émanant du corps rachitique. Mary poussa un second hurlement, bien plus sonore, celui-là, et se tortilla sous sa poigne, mais il lui était impossible de se détacher du pétale et du pouvoir dévorant de la véritable Bleue, tout comme Zee ne pouvait se détacher de la vieille. Elle sentit une douleur brusque dans la paume de sa main, puis la vieille tomba comme un sac de vêtements sales et ne bougea plus.

La magicienne secoua la main pour décoller le fragment d’artefact de sa main, où il s’était légèrement incrusté. Déjà que sa main n’était pas bien jolie à regarder pour cause d’anciennes brûlure… Mais tout ça, c’était pour gagner du temps. Elle trouva enfin le courage de se retourner, pour chercher Selina des yeux. Elle était là. Ne bougeait plus. Zee retint sa respiration comme pour encourager son amie à respirer, à bouger. Elle alla auprès d’elle et la secoua doucement. Qui savait ce qu’elle avait vu, ce qu’elle avait vécu ? Un autre genre de combat s’était déroulé dans un autre genre de monde, comme un reflet de la réalité, tout aussi important. « Catwoman… Cat… » Un geste, un sourire, une insulte, même, tout lui irait tant qu’il y aurait un signe de vie.

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High School Magical : director's cut

Elle bougeait, Selina, elle était en vie. Et mieux encore, à voir son regard, il y avait de la lumière à tous les étages. À son commentaire sur les joies de la possession, Zee aurait pu répondre amen sister, c’était le genre d’expérience qui laissait des traces physiques et psychiques et traumatiques aussi, puisqu’on y était. Et hélas, dire plus jamais après ce genre d’expérience, c’était exactement comme dire plus jamais un matin de cuite bien solide, c’était le genre de résolution qu’on tenait deux jours à tout casser, et puis la tentation était trop forte – avec l’alcool – ou la malchance trop présente – avec la possession –, et c’était reparti pour un tour. Elle aida son amie à se relever, jetant un coup d’œil au vieux tas de guenilles qu’était devenue la vieille sorcière. Elle n’en savait rien, si elle l’avait tuée. Elle s’en fichait complètement. Mais Bleue, qui poppa de nouveau devant elle, leur assura que non. Ce qui donna à Selina l’occasion de s’en charger elle-même ? À ce stade, Zee ne suivait plus vraiment le fil des événements. Bleue et Seli semblait se connaître depuis un moment, et il y avait eu un « plan », et la magicienne n’était pas sûre que tout se soit déroulé selon ce fameux plan vu le bordel qui venait de se passer, mais peu importait le voyage, seule comptait la destination, non, c’était pas cela qu’on disait ? Non, c’était pas ça. « Quelque peu perdu le contrôle », noooon, si peu. Zee soupira et se posa à côté de son amie, qui se sentait assez en forme pour se plaindre, ce qui la mit en joie. Non pas qu’elle fut maso, mais c’était là la Selina qu’elle connaissait, pas la créature possédée et habitée par la rage de tout à l’heure. « Ce n’est pas tous les jours que j’ai l’occasion de te battre. Mais la prochaine fois qu’on en vient aux mains toi et moi, je te laisserai me taper dessus. » Une prémonition qui s’ignore, peut-être.

Zee soupira en regardant la fée disparaître et une espèce de neige magique tomber doucement autour d’elle comme du coton. Elle laissa échapper un soupir. « Ne t’excuse pas. Je crois que ça s’est terminé du mieux possible compte tenu des circonstances. Et tu ne peux pas empêcher les gens de faire des conneries. Je suis juste contente qu’elle se soit tirée avec cet artefact. » Oui, elle préférait savoir que le « client » de Cat saurait quoi faire avec ce machin et qu’il ne s’agissait pas juste d’un riche et maléfique homme d’affaires qui en aurait fait elle ne savait quelle arme de destruction massive. « Un peu pressé les choses, vraiment ? On a eu de la chance, à ce stade, c’est tout. Mais puisque ça se termine du mieux possible, ça me va. » Ah on était loin des plans au cordeau à la Batman, par exemple, mais Zee avait l’habitude de l’improvisation totale et des plans inutiles qui finissent toujours par foirer, c’était même son fond de commerce. Et elle ne traînait pas exactement avec des gens organisés comme une armée. Elle leva une main pour réceptionner un flocon de magie dans sa paume, qui s’évapora aussitôt au contact de sa peau. « Qu’est-ce qu’il s’est passé, pour toi ? J’ai bien compris que tu menais un combat… » Selina et les confidences, une courte histoire. Mais ça n’empêchait pas Zee de tenter le coup.

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High School Magical : director's cut

C’était à ça que servait les faiblesses, les failles et les traumatismes. Pas seulement à ce que vous puissiez gentiment vous torturer avec, mais pour que le premier ennemi venu s’en empare, et les retourne contre vous. Le mot était fort et contenait déjà tout un pan de l’histoire de Selina : trahison. Et puis, sa colère ne trompait pas. Zee savait qu’elle n’aurait pas tous les détails, mais qu’elle en saurait assez pour savoir à quoi s’en tenir. Sagement, elle se tut et laissa son amie parler. Quel bien pouvait-il y avoir à se faire arracher le cœur ? Mais c’était ainsi qu’elle se sentait et cet état n’appelait ni jugement ni sermon, pas de belles paroles murmurées entre deux amies qui s’étaient déjà fait si souvent piétiner par la vie pour savoir que la naïveté était loin, et les bons sentiments aussi. Elle suivit le regard de Selina des yeux, vers les adolescentes qui reprenaient conscience, pas seulement physiquement. Zee savait ce qu’elles ressentaient en cette seconde ; le vide, le sentiment de perte indicible, un pouvoir dont elles étaient devenues dépendantes et qui les avait quittées. Ne restait à la place que la triste et grise réalité, qui, si avant, ne leur semblait peut-être pas amusante, serait désormais pour elles, et jusqu’à leur mort, une longue suite de secondes, de minutes et d’heures sans saveurs, sans couleurs, sans intérêt. Pour qui avait goûté un tel pouvoir, ne restait à la fin qu’un champ de ruines émotionnelles. La magie ravageait tout pour qui ne savait pas la manier, et ne laisser qu’un champ de poussière. Ces filles ne trouveraient jamais le bonheur. Ne seraient jamais heureuses en amour. Ne se satisferaient jamais de ce qu’elles avaient et iraient toujours plus loin pour tenter de retrouver la sensation qu’elles avaient connue. En vain. Mais elles étaient en vie. Et Zee se fichait de savoir si elles seraient en vie et malheureuses, tant qu’elles étaient en vie.

Elle reporta son attention sur Selina. « L’amour, ça revient toujours, avec ou sans cœur. » Sombre présage pour son amie, mais c’était son avis, à Zee. C’était comme la mauvaise herbe, ça s’incrustait partout, même quand on en voulait pas, et puis ça finissait par pourrir dans votre jardin, desceller vos pavés et moisissait sous vos pieds, en bref, c’était pénible. Il y avait toujours un homme. Ou une femme. N’importe qui capable de vous arracher le cœur, d’une façon ou d’une autre. Zee pouvait imaginer de qui il s’agissait, ou peut-être pas. De toute façon, elle n’était pas la mieux placée pour donner son avis sur cette question-là. « La prochaine fois que tu le vois, tabasse-le aussi un peu de ma part. » Ça ne lui coûtait pas grand-chose. Mais c’était totalement sincère. Elle suivit des yeux son amie, qui se levait et semblait enfiler de nouveau sa peau de chat, son armure invisible, transfigurée, redevenue elle-même. Cela n’enlevait rien à la tempête qui grondait en elle, mais comme toutes les femmes, probablement, elle la cachait bien, et puis c’était tout, on passait à autre chose. Elle se leva à son tour avec un soupir. Merci du cadeau. Mais elle s’y attendait. Selina avait mené sa mission à bien et n’avait aucune raison de rester. Zee était venue ici pour aider les élèves et elle avait encore un peu de travail à faire. De la pédagogie dans le vent. Elle aurait des mots durs, cependant. Leur dirait ce qui les attendait, à ses filles. Sans pitié. Il fallait bien un châtiment quand il y avait un crime.

« Va, va, enfuis-toi avant que je ne te demande ton aide pour les calmer et leur prêter ton épaule pour pleurer. Donne-moi de tes nouvelles, d’accord ? Ne sois pas un fantôme. » Elle avait envie de dire plus, de faire plus. De rendre à Selina la confiance qu’un certain type avait brisée, mais il n’y avait pas vraiment de solution. La magie n’était pas toujours la solution. Ces filles en étaient la preuve, non ? Zee décida, sagement, que si. Elle se leva et rejoignit les adolescentes. Quand elle se retourna, son amie avait disparu.

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