[mission 1] and now, we fight back (bruce, barbara, john)

fools that will laugh on earth, most weep in hell

Il s’était promis. Il s’était promis de ne plus jouer au héros, de ne plus se mêler de sauvetage de la planète et de toutes ces âneries qui lui avaient déjà coûté la vie une fois – mais pas deux, merci bien messieurs dames. Alors que ce ‘Collectionneur’ avait décidé de téléporter une fraction de leur planète sur une autre, et de les propulser en pleine guerre Amazone-Atlante, John avait pris une résolution, une seule, à ses yeux parfaitement justifiée et raisonnable : ne rien faire. Laisser le gang des superhéros et le club des collants bariolés s’occuper de la chose. Après tout, c’était leur boulot, non ? Lui avait déjà contribué à un effort collectif une fois pour ramener leur monde à la normale, et il avait fini en enfer en remerciement – donc cette fois, il resterait sagement sur le bas-côté à attendre que ça se tasse. Coup de chance miraculeux, il se trouvait dans la Maison du Mystère quand il avait été sauvagement téléporté sur cette fichue Terre de contrefaçon, et la Maison avait refusé de le lâcher, et s’était retrouvée là avec son propriétaire. Pauvre baraque qui ne pouvait même pas sortir de cette planète, elle non plus ; mais au moins, ses défenses magiques ultra-avancées lui garantissaient sécurité et discrétion, qu’importe le temps qu’il prendrait à la Yoga League pour régler le problème. Sauf que le temps passait – et qu’ils étaient toujours là. Une semaine, déjà, et toujours pas de trace d’une quelconque cavalerie pour les ramener chez eux. Et entre temps, Zatanna s’était carapatée il ne savait où, sous l’emprise quasi-complète d’un démon, et il avait réussi à ramener Rosalie à la vie au prix de la vie d’un de ses plus vieux potes. Autant dire que la patience de John Constantine commençait doucement à s’effriter, sur cette planète toute fracassée.

Il avait pris sa décision le jour où il avait voulu s’aventurer dans l’East End de l’ancienne Londres pour trouver un de ses pubs préférés, en se demandant s’il existait sur cette fameuse Terre-4 ; mais il n’avait pas pu vérifier, puisque tout avait été détruit par les conflits idiots et musclés entre les Amazones et les Atlantes. C’est ce qu’on appelait la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Après toutes ces mésaventures, il ne voulait rien d’autre qu’une pinte au calme dans un vrai pub anglais – et puisqu’il n’en trouverait pas sur cette pustule géante de New Themyscira, il fallait bien trouver une solution pour rentrer sur leur Terre à eux. Et comme la Ligue des pyjamas rayés n’avait toujours pas l’air de lever le petit doigt, il n’avait plus qu’à s’en mêler. Et c’était ainsi que, trenchcoat sur le dos et clope au bec, John Constantine avait repris du service. Pour une foutue pinte bien méritée. Son premier réflexe avait été d’aller s’aventurer dans ce Londres dystopique, en tout point semblable à son vieux terrain de jeu, si on en oubliait les ruines et les cadavres. Se laisser porter par les courants de la synchronicité, qui l’avaient emmené tout droit dans les souterrains du métro et dans les pattes de la résistance. Et petit à petit, il avait collecté ses informations, identifié les principaux joueurs dans cette partie d’échecs à trois grandeur nature. Et son deuxième réflexe, non moins important : se lancer à la recherche de ceux qui, plus que lui, pourraient jeter la lumière sur cette sombre affaire et s’assurer qu’ils puissent survivre dans ce monde qui n’était pas le leur. Une cigarette accrochée aux lèvres, adossé à l’entrée en ruines de la vieille station de métro de Holborn, John attendait, patient. Il avait identifié les joueurs d’en face – maintenant, c’était à lui de constituer son équipe pour la suite.

Un peu de divination un poil poussée, c’était tout ce dont il avait eu besoin pour retrouver la trace de Bruce Wayne à New Themyscira. Après avoir découvert qui était à la tête de cette fameuse résistance, contacter Batman et le jeter dans le jeu la tête la première avait été un choix parfaitement naturel – les deux Batman, évidemment, et… et il aurait le temps de lui expliquer quand il serait là. Louée soit la barbe de Merlin, sa magie fonctionnait toujours ici, et il n’avait eu aucun mal à envoyer un message à son fétichiste des chauve-souris préféré sans que personne d’autre ne s’en rende compte. Ne restait qu’à espérer qu’il l’ait bien reçu. Et comme il partait du principe que plus on est de fous, plus on rit, il avait aussi décidé d’inviter un cerveau supplémentaire dans leur petite entreprise, et pas des moindres – quelque chose lui disait que dans cet échiquier géant, le cerveau aiguisé de la célèbre Batgirl ne serait pas de trop. Et que Bruce, peut-être, aurait bien besoin d’une alliée de circonstance, quand il réaliserait à qui il devrait s’adresser. Un bruit de pas, discret, l’arracha à ses pensées, et il tourna la tête avant de se détendre en reconnaissant l’imposante silhouette qui avait fini par le rejoindre. « Batsy. Tu vas pas me croire, mais ça me fait drôlement plaisir de te voir, mon vieux. » lança John sans se départir de sa nonchalance habituelle, avant de lui intimer d’un geste de la main de le rejoindre sous l’arche du métro. « Sortilège de protection. Juste de quoi nous cacher des yeux amazones et atlantes en attendant qu’on soit tous réunis. N’en manque plus qu’une… » musa-t-il en levant les yeux vers le ciel gris et lourd de Ne Themyscira. Il allait bientôt se mettre à pleuvoir. « Je me suis permis d’inviter une copine à toi à se joindre à nous. Elle devrait bientôt nous rejoindre, si elle s’est pas fait embrocher sur un trident entre-temps. » Il exhala la fumée de sa cigarette, avant de jeter une œillade de côté à son improbable camarade. « Alors, comment tu le trouves, jusque-là, ce camp de vacances apocalyptico-désastreux ? Des nouvelles des petits copains de la Ligue ? »

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Bruce était de mauvaise humeur, et ça se sentait jusque dans ses mouvements. Il avait passé une semaine à enquêter sur la situation de cet endroit, sur ce qu'il s'était passé pour en arriver là, et surtout, sur ce qui allait être probablement le point névralgique pour espérer trouver des alliés et, ou, un moyen de retourner chez eux. Car plus le temps passait, et plus le Chevalier Noir avait découvert des informations non seulement contradictoires, mais également très floues et qui n'auguraient rien de bon. Il avait au moins une certitude, partagée par Hal et les autres qu'il avait réussi à croiser : ils n'étaient plus sur leur Terre.

Ce qui n'était pas une bonne nouvelle.

Mais au moins, ils savaient. Et Batman avait tenté de faire en sorte que l'information soit relayée à tous ceux qu'il croisait, à tout ceux avec qui il arrivait à entrer en contact, directement ou indirectement, en espérant que cela n'attire pas des ennuis. Il aurait préféré avoir été envoyé seul, au moins, il aurait eu le sentiment qu'il n'avait pas de responsabilité aussi énorme sur les bras. Car là, même alors que John Constantine, ce satané Britannique aux atouts magiques, l'avait appelé, il se sentait responsable pour tous ceux bloqués sur cette autre Terre. Car la majorité était sans doute perdue, incapable de comprendre comment on en était arrivé là. Ce « Collectionneur » était la seule piste qu'ils avaient.

Et avec le temps, la liste des suspects potentiels diminuait, ne laissant que quelques grands noms de la magie ou de la technologie.

Et même s'il ne l'appréciait pas, Batman fit preuve d'une diplomatie et d'une politesse étonnante avec John en arrivant auprès de lui :

« Tu ne le croiras pas, mais je suis content aussi de te voir. »

Il préférait mille fois que ce soit John plutôt qu'un Vilain, même si la limite était parfois floue avec ce sale type. Leurs politesses s'arrêtèrent là, cependant, car ils n'avaient de toute façon pas assez d'affection l'un pour l'autre, ni même de respect, pour tenter de pousser plus loin l'hypocrisie.

« Barbara m'a dit, oui. J'ai réussi à entrer en contact avec elle avant-hier, ainsi qu'avec Hal en arrivant. Barda est quelque part autour de Westminster ; elle tente de faire profil bas car les locaux la prennent pour une Amazone. Je n'ai réussi qu'à contacter que quelques personnes depuis mon arrivée... et malheureusement, ni Clark ni Diana. Même si je pense que Diana, si elle est intelligente, éviterait de faire trop de vagues ici, vu qui semble être la grande patronne du coin. »

Fixant sur Constantine son regard masqué, Bruce croisa les bras, et ne perdit pas de temps. Batgirl n'était sans doute pas très loin, et il préférait prendre les devants, conscient que la jeune femme en savait sûrement déjà une partie elle aussi.

« Qu'avais-tu de si incroyablement fou, pour te citer, à me proposer ? A nous proposer, même. Tu as été vague, volontairement, pour éviter les risques ; un choix pragmatique qui est tout à ton honneur. Mais j'aimerais connaître les grandes lignes, maintenant. Car je pense savoir de quoi tu vas nous parler, et je te le dis tout de suite : je n'aime pas cette idée, même si elle n'est pas dénuée d'audace. »

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John, Bruce &
Barbara

and now, we fight back

Ombre parmi les ombres, Barbara évoluait sans bruits au milieu des buildings détruits, des rues éventrées et malheureusement des cadavres. Sa cape – car elle avait eu la chance d'arriver dans son attirail complet – s'imbibait de sang et de poussière à chacun de ses pas. Elle en avait vu des choses Barbara depuis qu'elle avait commencé à être Batgirl. Rien n'était cependant comparable au carnage et au drame humain qui s'étendaient tout autour d'elle. Il n'y avait pas à dire, la paranoïa de Bruce et ses petits plans pour neutraliser les membres de la Justice League avaient tout leur sens dans un monde comme celui-ci. Dommage que ces derniers ne semblaient pas exister ici ou n'avaient pas été mis à exécution. Sur cette terre désolée et condamnée, Barbara promis de ne jamais laisser quelque chose de semblable arriver chez elle – à supposer qu'elle survive à cette apocalypse et aux jeux malsains de celui qui se faisait appeler le Collectionneur. Depuis l'annonce de ce dernier, elle avait essayé de se renseigner et de trouver des indices sur son identité. Aujourd'hui, elle avait plus de questions que de réponses. Sans technologies, trouver des réponses se révélait évidemment être une plaie.

Alertée de la présence d'une patrouille grâce aux bruits de leurs bottes sur les gravas, elle se cacha dans l'ombre d'un mur effondré, se confondant parfaitement avec le noir de la pénombre pour disparaître. De ses yeux plissés, elle les regarda passer, compta leurs nombres et évalua leurs armes. Elle garda ses informations dans un coin de son esprit. La résistance et les survivants auraient bien besoin de faire un raid dans les rangs de leurs ennemis pour prendre ce qui s'avérait tout simplement nécessaire à leurs survies. Il suffisait juste de trouver la bonne patrouille et le bon moment. Elle supposait qu'ils y avaient déjà pensé mais elle n'hésiterait pas à le proposer à qui de droit. Pour le moment, elle n'avait tout simplement pas pu rentrer en contact avec les têtes pensantes. Elle s'était renseignée bien sur lorsqu'elle avait erré à Whitechapel. Le nom qui lui était parvenu n'avait évidemment pas réussi à la choquer. Batman était de tous les conflits et qu'il se trouve ici à protéger la veuve et l'orphelin – de manière assez littérale pour le coup – ne la choquait absolument pas. Elle se demandait simplement ce que son Batman aurait à y redire. Pour le moment cependant, elle n'avait pas eu la chance de le retrouver – contrairement à d'autres membres de la Batfamily avec qui elle avait eu des contacts réguliers depuis son arrivée. Seuls Damian et Jason manquaient à l'appel. Avec un peu de chance, ils étaient tout simplement en sécurité sur la bonne terre. Et, elle l'espérait de tout cœur.

La patrouille passée, elle reprit sa route. Recevoir un message de John Constantine avait été une surprise de taille. De toute les personnes qu'elle pensait trouver ici, le sorcier ne se trouvait pas sur la liste – et ce probablement parce que leurs contacts étaient en général plus que limité et qu'elle avait oublié qu'il existait. Façon de parler bien sur. Il n'était juste pas au haut de sa liste de priorités. Après s'être cachée à nouveau pour éviter une seconde patrouille atlante, elle finit par arriver au point de rendez vous. Ses deux compagnons étaient déjà sur place et elle se dépêcha de les rejoindre. Elle eut un sourire sincère pour son mentor et un signe de tête pour Constantine qui fidèle à lui-même arrivait à paraître nonchalant au milieu de l'horreur. Elle supposait que cela était un de ses talents. « Qu'est ce qu'on fait là ? » demanda t-elle rapidement, décidée à en venir rapidement au fait. « Je n'aime pas trop les mystères » avoua t-elle à l'attention de Constantine. Un mystère représentait un casse-tête à ses yeux et elle n'avait alors pas d'autre choix que de le résoudre. Lui éviter cette peine était aussi bien.

Pando

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Il y avait presque une douce ironie, à se retrouver là, sur cette Terre parfaitement étrangère avec Batman pour seule compagnie. Eux qui passaient plutôt leur temps à s’éviter autant qu’il était humainement possible de le faire, semblaient au moins avoir la sagesse d’accepter une trêve lorsque les circonstances l’imposaient. Et si John se moquait régulièrement de Batman, et préférait encore voir sa trogne le moins possible, il avouerait sans aucune gêne que dans cette situation, il n’avait pas réfléchi à deux fois avant de faire appel au Chevalier Noir. Sa clope suspendue au coin des lèvres, John l’observa, le protecteur de Gotham, à travers la fumée de sa cigarette. Il savait, à quel point il l’insupportait – si les quelques poings qu’il s’était pris dans la figure suffisaient à faire état des sentiments de Bruce à son égard. Mais Bruce soupçonnait-il seulement les sentiments ambivalents qu’il suscitait en John ? Un respect mêlé de mépris qui se manifestait en sarcasmes parfois insultants ; parce qu’ils n’auraient pas pu être plus différents, mais ils étaient aussi effroyablement semblables. Tous deux des moins que rien, comparés aux monstres de pouvoir qu’ils côtoyaient au quotidien, mais qui avaient su tirer leur épingle du jeu et s’affirmer comme autorités en la matière en usant du plus dangereux pouvoir qui soit : la connaissance. Tout savoir, sur tout, et tout le monde, pour ne rien laisser au hasard et toujours avoir six longueurs d’avance sur l’adversaire. Là où ils divergeaient, et en devenaient dramatiquement irréconciliables, c’était l’application. L’un s’était construit superhéros et monstre de contrôle. L’autre, as de pique imprévisible. Même pour Batman. C’était peut-être ça, au fond, que la chauve-souris ne lui avait jamais pardonné. Ecoutant le récit de Bruce, il hocha la tête en soufflant une dernière bouffée de fumée. « Aie donc foi en tes petits copains. Si Lady Di’ est avec nous, elle s’est rudement bien fondue dans la masse. Sinon on aurait déjà entendu parler d’elle. » commenta-t-il avant que ses yeux n’accrochent une silhouette virevoltant dans les airs. Parfait. Un rire sans joie lui échappa alors qu’il dardait à nouveau son regard sur son acolyte. « Tu n’aimes jamais aucune de mes idées, Bats. Déformation professionnelle, je suppose. »

Et il laissa volontairement planer le doute, refusant de répondre immédiatement aux questionnements pourtant légitime de Batman ; voilà que Batgirl faisait son entrée en scène elle aussi, et John lui retourna son bref hochement de tête en guise de salutation. Cette fille-là, John n’avait guère eu l’occasion de tester sa patience par le passé, ni guère de la voir en action de ses propres yeux. Mais il avait bien compris que si la batfam avait un cerveau en dehors de son leader, c’était bien elle. Et là tout de suite, il avait besoin de rassembler la matière grise de la plus belle qualité, pour ce qu’ils allaient avoir à faire. Mais voilà qu’elle était aussi impatiente que son mentor, la rouquine, et John leva les yeux au ciel avant d’écraser son mégot au sol et de remonter le col de son imperméable. « Mais quelle impatience, tous les deux. Le mystère, ça fait partie de ma marque de fabrique – si vous me l’enlevez, où est l’intérêt, hein ? » Et il pivota sur ses talons, et s’engouffra dans la gueule béante de la station en ruines de Holborn. Direction, le métro et ses interminables souterrains. « Allez, en voiture les enfants. Si vous êtes sages, tonton John vous racontera même une histoire. » Après tout, qu’est-ce qu’ils pouvaient faire pour lui arracher ses secrets, hein ? Lui coller une beigne ? Bruce l’y avait trop habitué. Un sourire en coin à cette pensée, il les guida tous les deux dans les profondeurs de la station désaffectée, puis sur les rails, et ensemble, ils s’engouffrèrent sur le vaste réseau ferroviaire qui courant encore miraculeusement sous la ville. Les meilleurs secrets étaient toujours partagés dans les recoins les plus obscurs, plutôt qu’en plein jour.

John frotta ses mains l’une contre l’autre et murmura une formule, et de ses paumes naquit une flammèche pas plus grosse qu’un poing fermé, qui se vit à flotter devant eux, un peu de lumière pour ouvrir la voie alors qu’ils s’avançaient dans l’obscurité. Et enfin, John consentit à éclairer un peu leur lanterne. « Donc. Je suppose que vous êtes au courant tous les deux, en bons Sherlock Holmes des temps modernes que vous êtes, mais on s’est retrouvés propulsés en pleine guerre Atlantico-Amazones, l’humanité est pratiquement exterminée c’est la joie – et je suppose que vous avez aussi qu’au milieu de tout ça, un groupe d’irréductibles s’est organisé en espérant mettre une dérouillée aux pouvoirs en place. Et comme ils sont originaux, ils se font appeler la résistance. Bon, jusque-là, tout va bien. » Tout ça, c’était de notoriété publique, et il n’allait faire offense ni à l’un ni l’autre en partant du principe qu’ils n’étaient pas au fait de la situation. « Sauf que notre arrivée a un peu chamboulé la donne dans cette drôle de guerre. Vous l’avez entendu vous aussi, ce ‘Collectionneur’ s’attend à un jeu de gladiateur à échelle planétaire. Le pire scénario possible, ce serait que la résistance signe une trêve avec les Atlantes et les Amazones, et joigne leurs forces le temps de nous décimer, nous. » Et ça, personne n’en voulait. Pas même la résistance… pour le moment. « Donc, j’ai pensé qu’il valait mieux prendre les devants. J’ai été voir la résistance – ils m’ont arrêté, fait prisonnier, j’ai demandé à voir leur leader, tout le tralala. Le leader, vous savez déjà tous les deux qui c’est, non ? » demanda-t-il en jetant un œil par-dessus son épaule. Oui, ils savaient forcément. C’était de la batfam qu’ils parlaient, nom de nom.

John les emmena à gauche dans une fourche, mettant le cap en direction de Covent Garden. Ou du moins, ses souterrains. Et il reprit son histoire : « J’ai rencontré ce Batman numéro 2. Aussi coincé que toi, Batsy, et encore moins aimable. Mais il a bien voulu écouter ce que j’avais à dire, et même s’il a pas l’air décidé à tous nous massacrer, je le sens quand même encore sur la défensive. C’est là que vous intervenez, tous les deux. » Il ralentit le pas, pour rester à leur hauteur. « Je ne sais pas encore ce qu’on peut tirer de ce Batman exactement, mais ça, personne mieux que vous ne peut le déterminer. Moi, je fais juste l’intermédiaire. Batgirl, je t’ai demandé de venir parce qu’on va avoir d’une tacticienne à la tête froide, et parce que t’as des talents que tu pourrais prêter à la résistance, va savoir. Tu représentes un atout considérable pour nous, peut-être que tu pourrais aussi en être un pour eux. Et toi, mon vieux Bats… » John inspira profondément. « Je t’ai fait venir parce que j’ai pensé qu’un Batman accepterait d’écouter les arguments d’un autre Batman. » Il marqua une pause, et lâcha le réel point névralgique de tout ce mystère. « Et parce que j’ai pensé que Thomas Wayne accepterait au moins d’écouter son fils. » Le doute n’était pas permis. Le Batman de ce monde était aussi doué que le leur pour dissimuler son identité aux yeux du monde, et pour garder ses secrets, mais lui non plus n’était pas immunisé à la télépathie. Il ne s’était probablement même pas rendu compte que John avait farfouillé dans son esprit pour percer le mystère de son identité. Et à cet instant précis, John était presque tenter de fouiller dans celui de Bruce, pour savoir ce qui pouvait lui passer par la tête à cette annonce. Un père et un fils. Issus de deux mondes différents. Même le détective le plus détaché de la planète ne pouvait pas rester insensible à une perspective pareille, si ?

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Ainsi donc, il s'agissait de son propre père.

Bruce avait redouté la rencontre fatidique qu'il y aurait entre lui et le Batman de cet endroit, sachant qu'elle arriverait forcément tôt ou tard. Qu'importe son rôle dans cette histoire, qu'importe les décisions qu'il prenait et les choix qu'il faisait, il aurait eu à le confronter un jour. A lui parler, ou du moins, à se trouver en sa présence... pour le meilleur comme pour le pire. Il avait orienté à peu près toutes ses recherches sur ce sujet depuis qu'il avait appris l'existence de cet autre Chevalier Noir, sans toutefois parvenir à apprendre beaucoup. Et en tout cas, rien d'assez précis pour qu'il puisse déterminer de qui il s'agissait.

Mais il savait toutefois une chose : le lien familial entre eux ne serait pas spécialement une bonne chose.

« Je vois. »

Il serra les dents, laissant ses pensées s'organiser avant de reprendre la parole. Il ne voulait pas que ses mots soient mal compris, et en plus de ça, il rechignait à dire certaines choses devant Constantine. Barbara comprendrait aisément, mais pas le Britannique. Cet arrogant allait certainement... bref.

Concentration.

« Que les choses soient claires : je n'ai aucune idée de comment il faut faire pour l'amadouer. Je doute même que ce soit possible. De ce que j'ai pu découvrir, il est extrême, bien plus que je ne puis l'être. Il n'hésite pas à rendre coup pour coup et même à aller plus loin que mes propres limites. Nous ne sommes pas sur un pied d'égalité : il est vieux, je suis plus jeune, il ne se freine pas, alors que je retiens mes coups. Notre seul avantage, c'est qu'il a accepté de nous recevoir. Cela signifie donc qu'il voit probablement une utilité à s'allier contre l'oppresseur de son monde. »

Il y eut un silence, puis il enchaîna :

« L'un de vous a-t-il davantage d'informations sur ce qu'il s'est passé ici ? Dans les souterrains, avec Hal, on a vu rapidement les traces d'un raz-de-marée, et vu les décombres autour de nous, il est évident qu'il y a eu un conflit de grande intensité ici. J'en ignore les origines, mais les protagonistes... Amazones et Atlantes avec des humains au milieu. Mais une trêve entre eux me paraît difficilement réalisable. De ce que j'ai compris, c'est vraiment la haine, entre eux. »

Il avait du se passer quelque chose de terriblement grave pour qu'on en arrive à une telle situation, songea-t-il. Il envisageait toujours le pire du pire, comme il l'avait montré à Barbara, et il avait déjà prévu des plans pour contrer une guerre entre Atlantes et Amazones. Ici, soit le Batman n'avait jamais prévu ça, soit il n'avait pas pu les mettre en place d'une manière ou d'une autre. Et cette histoire de Collectionneur... cela le perturbait. Seul quelqu'un de véritablement ingénieux et très puissant, possédant d'importantes ressources, aurait pu faire ça. Comme il l'avait dit à Hal, la liste des suspects potentiels n'était pas grande.

Et ils n'avaient toujours aucun indice.

« L'un d'entre vous a une piste pour ce... Collectionneur... ? J'ai quelques noms en tête, mais aucun ne se distingue du lot. »

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« J’en sais rien non plus, Bats. Pour être tout à fait honnête avec toi, ce que je te demande là, c’est un coup de poker de bout en bout. Parce que franchement, je suis pas sûr qu’on ait une longue liste d’autres options. » admit John, alors que le trio avançait dans les profondeurs sombres et caverneuses du métro désaffecté. Amadouer Bruce Wayne était déjà un défi en soi, alors Thomas Wayne, survivant de l’attaque qui avait pris ses parents à leur Batman, et leader d’un groupuscule s’opposant aux Amazones et aux Atlantes de cette Terre ? Autant dire qu’il était gros, le coup de bluff. Mais puisqu’il n’y avait pour le moment pas l’air d’y avoir d’autres alternatives, il fallait jouer avec les cartes qui leur avaient été distribuées. Et leurs cartes à eux, c’était Bruce. Dans leur malheur, les habitants de Terre-1 avaient au moins eu la chance d’avoir été catapultés dans cet enfer dystopique avec un de leurs plus grands superhéros, et John avait beau avoir une dent notoire contre ce qu’il appelait affectueusement le club des capes et collants, il savait aussi très bien, comme tous les autres clampins lambdas de la planète, que sans Batman et sa clique, il ne serait probablement déjà plus de ce monde depuis longtemps. Il comprenait la pression qu’il faisait peser d’un seul coup sur les épaules de son acolyte – et surtout l’incertitude de leur mission. Malheureusement, ils n’avaient pas le choix. Cette fois, le monde n’avait pas besoin d’un John Constantine sacrificiel pour survivre. Il avait besoin d’un Batman.

Tirant sur sa cigarette, John écouta attentivement les questionnements de son camarade, et, l’air sombre, hocha négativement la tête. « J’en sais pas beaucoup plus que toi, j’en ai peur. » répondit-il, en omettant sagement d’indiquer que c’était surtout parce qu’au lieu de chercher une solution, il avait passé ses premiers temps à New Themyscira terré dans sa Maison du Mystère, à picoler comme un trou en se lamentant sur son sort et ressusciter une certaine sorcière nordique. « Mais peut-être que ton paternel-pas-vraiment-paternel pourra nous en dire plus, s’il ne nous casse pas le nez avant. » Et Hal Jordan était aussi dans les parages, alors ? Parfait. Un Green Lantern ne serait sans doute pas de trop, si tout finissait par partir de traviole pour leur petit gang d’égarés. « Quant à ce ‘Collectionneur’, j’ai bien pensé à quelques grands noms du milieu occulte, mais je ne ressens aucune trace de magie dans tout ce merdier. Mordru, Wotan, Circé, Hécate, ou même Merlin ou Dr Fate qui auraient débloqué, aucune trace de leur présence ; et un rituel de cette ampleur en aurait forcément laissé une. » John haussa les épaules. « Donc je pense que tu peux exclure les sorciers de ta liste de suspects. Pour les autres, ils relèvent plus de ta juridiction que de la mienne. » John avait beau être une encyclopédie de savoir à sa façon, son expertise ne dépassait guère les limites de l’occulte, du mystique, et de la magie. Toutes ces autres menaces intergalactiques, c’était pas son domaine. Pas son terrain de jeu. Mais Batman était l’un des plus grands détectives de la planète – si quelqu’un pouvait jeter la lumière sur cette affaire, mais sans son arsenal habituel, c’était bien lui, non ? « Et comme j’ai sacrément envie de rentrer chez moi et de me caler devant une pinte, je compte sur toi pour nous sortir de ce merdier, ok ? » Une profession de foi étonnante et inattendue, mais une profession de foi quand même. Pour une fois, John voulait bien laisser leurs différends de côté, pour s’assurer que leur Batman ait les coudées libres pour faire son boulot, et sauver le monde une fois de plus.

John entraîna leur étonnant trio le long des rails du métro, puis bifurqua dans une voie de garage dans la paroi de laquelle un large trou avait été creusé – à la dynamite, se demanda John, alors qu’ils approchaient de la gueule béante découpée à même le béton. Et très vite, trois silhouettes, armées jusqu’aux dents, émergèrent des ténèbres pour les accueillir à bout portant de leurs mitraillettes. « Qui va là ? » aboya le premier homme, alors que John, en retenant un soupir, leva les mains en l’air, sans vérifier si ses deux acolytes suivaient le mouvement. La voilà, la résistance. De pauvres types qui s’improvisaient soldats pour survivre, et n’avaient pas d’autre choix que de considérer tout le monde comme un ennemi jusqu’à preuve du contraire. John adressa une œillade de côté à Bruce et Barbara, puis se décida à prendre la parole au nom de leur petit groupe. « Mon nom est John Constantine, je viens de l’autre Terre. Le Batman de la résistance m’a envoyé en éclaireur pour contacter l’autre Batman et le lui amener. J’ose espérer qu’il a fait passer le message. Ce serait un peu gênant, sinon. » Le deuxième larron s’approcha du premier, et marmonna quelque chose à son oreille, et les trois tinrent conciliabule pendant que John, Bruce et Barbara attendaient que l’on statue sur leur sort. Profitant de cette brève distraction, John se pencha vers Bruce et lui souffla : « Autre bonne raison d’aller voir leur Batman. Si quelqu’un a des infos sur ce Collectionneur, ce sera forcément lui. Et je crois pas qu’il y ait plus qualifié qu’un Batman pour interroger un autre Batman, non ? »

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« Tu serais surpris. »

Il répondit à John dans un souffle, pour éviter d'être entendu par les zouailles de son « paternel », avant d'ajouter autre chose :

« Qui plus est, j'ai entendu pas mal de rumeurs sur Thomas depuis que j'ai commencé à mener mon enquête. Comme je te l'ai dit, il est extrême, et ça m'étonnerait qu'il nous accueille avec le sourire. Il verra sans doute ma présence, et celle de Barbara, comme une menace. Moi, c'est ce que je ferais. »

Il se tut, ne pouvant en ajouter davantage sur sa propre liste des suspects. Constantine avait raison : le Batman de Terre-4 semblait être bien plus capable de savoir qui était ce Collectionneur que lui, et surtout que le reste de leurs amis. A cela, il y avait également des raisons bien précises : notamment le fait qu'ils ne pouvaient pas tous se retrouver. Pour des raisons certainement voulues, les membres de la Justice League ne parvenaient pas à se rejoindre, à se contacter, et les arrivants de leur propre Terre étaient dispersés aux quatre coins de Londres... mais peut-être aussi du monde ?

De ce qu'il avait pu en voir, toutefois, cela se limitait à la périphérie londonienne. Ou en tout cas, ce qui avait été cette périphérie. Car il n'en restait pas grand chose. Le reste du monde était-il ravagé, lui aussi ? L'Humanité était-elle condamnée ici ? Cela semblait invraisemblable, et pourtant... personne ne faisait jamais mention du reste de la planète. Comme si sur cette Terre, tout le monde était enfermé dans une bulle protectrice, ou du moins dans une bulle destinée à piéger tout le monde à l'intérieur pour observer ce qu'il se passerait alors.

« Hmm. »

Il était certain d'avoir soudainement mis le doigt sur quelque chose, mais on l'empêcha de parler en leur faisant signe d'avancer.

« Toi, le gars à la cape. Fais attention à comment tu causes. Le fumeur, on le connaît, mais toi et ta pote en armure de Batman, on vous connaît pas. Si c'est un piège, ou une ruse quelconque des Amazones, on vous tire dessus en premier, c'est compris ? »

Une menace terrifiante... à laquelle Bruce décida simplement de ne pas répondre. Il était en train de se préparer mentalement à voir son père. Ce qui était sans doute une des choses les plus difficiles qu'il ait jamais faite ces derniers temps.

Alors qu'il avait demandé Selina en mariage ! Ce qui était, en soi, très impressionnant.

La Résistance vivait dans un coin du réseau souterrain assez éloigné de là où Hal et lui avaient atterri... mais avec un peu de hasard, ils auraient très bien pu leur tomber dessus et entrer en contact avec eux directement. Cela leur aurait certainement épargné pas mal de temps, mais ils ne pouvaient pas retourner en arrière. Bruce analysa évidemment toute la scène qui se présentait à lui, dans ses moindres détails, en espérant pouvoir observer quelque chose d'intéressant. Il se doutait que Barbara faisait pareil, tandis que Constantine se contentait certainement de fumer et de suivre le mouvement.

La Résistance avait au moins aussi peu de moyens que les populations occupées durant la Seconde Guerre Mondiale. Ils n'avaient pas tous une armure, ils vivaient cachés, terrés même, avec peu de vivres, et dans une salubrité très relative. Mais ils avaient un atout indéniable : leur Batman.

Et celui-ci les observait d'un œil analytique.

Ce ne fut pas autant un choc qu'aurait pu le croire Bruce, et il parvint donc à ne rien laisser paraître. Thomas Wayne, celui-ci en tout cas, ne ressemblait pas beaucoup aux photos qu'il avait pu en voir. Grisonnant, vieillissant, il semblait non seulement avoir de l'âge mais en plus en avoir pris très vite. Toutefois, ses yeux alertes étaient encore vifs, et ils braqués sur Bruce et Barbara.

Le Chevalier Noir décida qu'il valait mieux laisser Constantine parler pour le moment.

John, Bruce &
Barbara

and now, we fight back

Pendant leur petite balade, Barbara avait soit ignoré les commentaires sans intérêts de Constantine soit écouté religieusement sans intervenir les informations qui avaient été échangés entre les deux hommes. Avançant derrière eux, elle réfléchissant de son côté. Thomas Wayne. Si elle avait pu apprendre que Batman était le leader de la résistance de la part des quelques humains qui avaient bien eu envie de répondre à ses questions, l'identité de ce dernier était une information nouvelle. Une information nouvelle et lourde de … conséquences. L'homme dans son monde était mort depuis des décennies et à ce titre elle n'avait jamais eu le chance – ou la malchance – de le rencontrer. Elle en avait en revanche entendu parler. Un homme bon voilà le portrait qui avait été dressé de cet homme qui était devenu dans sa mort un martyre de Gotham. Barbara se doutait cependant bien que cet homme là était bien différent de celui qu'elle s’apprêtait à rencontrer – et les propos de Bruce ne firent que confirmer ses doutes. Même si elle savait que Bruce pouvait faire la part des choses, la jeune femme ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. La mort de ses parents était un sujet sensible et elle avait peur de la réaction que son mentor pouvait avoir – peut être malgré lui. Après tout, qui était immunisé contre ce genre de situation. A moins d'avoir littéralement un cœur de pierre personne. Elle-même savait que si la même chance lui était donné, elle n'en mènerait pas l'âge. Et pourtant, elle n'avait pas connu ses parents aussi longtemps que Bruce avait connu les siens.

Doucement, elle soupira de manière pratiquement inaudible. Tout cela n’annonçait rien de bon. Surtout, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'ils courraient tout droit à la catastrophe. Depuis qu'elle était entrée dans le métro, un mauvais pressentiment hérissait les poils de sa peau. La rousse priait dans l'intimité de son subconscient que c'était juste sa paranoïa habituelle – exacerbée par sa présence dans ses lieux, au milieu de cette guerre qui n'était pas la sienne – qui lui jouait des tours. Vraiment, elle l'espérait de tout cœur mais se préparait en silence à parer à toutes les éventualités. « Et sinon pourquoi la réponse que vous cherchez ne serait pas la plus évidente ? » s'exclama t-elle tout à coup en sortant de son mutisme pour donner son avis sur la raison de la guerre atlante/amazone/ humains. « Les atlantes et les amazones sont deux peuples aux capacités dépassant celles des humains … et ils ne sont pas fans ni de ces derniers ni de l'un, l'autre » déclara t-elle simplement. Parfois, la réponse la plus évidente était celle sur laquelle il fallait se concentrer. Bien sur, elle n'émettait qu'une spéculation. Elle non plus ne savait pas réellement ce qui s'était passé entre les trois races. « Est ce que ça serait vraiment si difficile à croire qu'ils aient finalement décidé de prendre le contrôle du monde pour le façonner à leurs images? Après tout, même dans notre .. réalité... on ne peut pas dire que les atlantes soient amoureux de la surface » conclua t-elle. L'hypothèse était là. Il n'y avait plus qu'à voir si la rousse avait raison ou tord sur la question.

Stoppés par le comité d'accueil à l'entrée du quartier général de la résistance, Barbara suivit l'exemple de Constantine et leva légèrement les mains pour signaler qu'elle n'était pas une menace. « Toi, le gars à la cape. Fais attention à comment tu causes. Le fumeur, on le connaît, mais toi et ta pote en armure de Batman, on vous connaît pas. Si c'est un piège, ou une ruse quelconque des Amazones, on vous tire dessus en premier, c'est compris ? ». Sous son masque un peu égratigné, Barbara haussa un sourcil. « Charmant » souffla t-elle d'une voix assez basse pour ne pas être entendue. Sur ses gardes, la jeune femme suivit le mouvement et elle se retrouva bientôt face à un Batman qui ne ressemblait en rien au sien. Ce dernier les détailla et elle en profita pour en faire de même. Puis son regard se porta sur le reste de l'endroit et sur ses occupants. Quelques machines, quelques ordinateurs... rien de bien moderne. Surtout leurs états étaient déplorables. Quelque chose qui ne l'étonnait pas réellement, mais qui faisait grincer des dents le génie informatique tapi pour le moment au fond de ses cellules. Ces pauvres bébés maltraités. Sa petite inspection fut coupée cependant court lorsque Thomas Wayne décida de se planter face à elle, la forçant à se courber vers l'arrière sous l'effet de sa stature imposante. Apparemment, elle en avait assez vu à son goût. Habituée de ce genre de tactique d’intimidation – purement masculine – elle garda son calme et évita de réagir. Le pousser par réflexe aurait certainement été de mauvais goût. N'est ce pas ?

Pando

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Ca lui aurait arraché la langue de l’admettre, mais John avait toujours trouvé que la réputation de mec un poil intimidant de Batman/Bruce Wayne était loin d’être usurpée – et ça n’avait rien à voir avec le nombre de coups qu’il avait pu se prendre de sa part, mérités ou non. C’était une question d’allure et de prestance avant tout ; mais depuis qu’il avait eu l’insigne honneur de rencontrer le Batman de cette nouvelle Terre, l’exorciste se disait que son Bats préféré avait trouvé son maître. Thomas Wayne se tenait là, devant eux, droit comme un i dans une allure martiale et autoritaire, le regard inflexible et plus perçant que la plus aiguisée des lames. Dans un drôle de retournement de situation, John constata que le bougre n’avait même pas pris la peine de porter son masque, son visage complètement à découvert pour accueillir ses visiteurs. Tentative d’intimidation, d’un homme qui voulait prouver qu’il n’avait plus rien à perdre ? Provocation, à l’égard de cet alter-ego d’un autre monde, qui n’était autre que son ‘fils’ ? Expérience, par curiosité ? Difficile de déchiffrer son visage fermé, et John se garda bien de tout commentaire. Passionné par l’étrange scène qui se déroulait sous ses yeux, John laissa son regard aller du plus vieux au plus jeune, du presque père au presque fils. L’air de famille était parfaitement indéniable, et pourtant… « Comme promis, je te présente Batman – notre Batman. Et la rouquine à côté, c’est son acolyte, Batgirl. » John se chargea des présentations sommaires, et se demanda ce qui pouvait bien traverser l’esprit des deux chauves-souris, alors que Thomas les dévisagea tour à tour avec une défiance palpable, avant d’aller se poster devant Batgirl, gigantesque colosse face à elle malgré son âge. Et John devait bien l’admettre – elle avait un certain cran, à lui rendre son regard sans broncher de la sorte. Un point pour poil de carotte.

« Risque-t-on d’avoir une mauvaise surprise, si on les fouille ? » demanda Thomas, sans lâcher Barbara du regard – et John souffla la fumée de sa cigarette en haussant les épaules. « Va pas me faire croire que tes sbires ne nous ont pas déjà fait passer par un détecteur quelconque. Peut-être des gadgets ici et là, mais je te l’ai dit, Bats senior. Les nôtres ne tuent pas. » « Pas encore. Sur cette Terre, vous risquez bien de ne pas avoir le choix pour survivre. Que vous soyez un Batman, ou une équipe entière. » répliqua sombrement le leader de la Résistance, en acceptant enfin de laisser à Batgirl son espace vital pour tourner la tête vers un de ses hommes, qui se contenta de hocher la tête à l’affirmative. Les nouveaux venus ne portaient rien de létal sur eux – du moins rien que lui et ses hommes ne puissent contrer d’une manière ou d’une autre. Voilà qui suffisait à le satisfaire. Dans ce monde en perdition, la technologie qui survivait encore était bien loin de ce qu’ils avaient pu connaître un jour ; mais tout ce que New Themyscira pouvait compter de technologie de pointe, arrachée des décombres de la City et de ses hubs high-tech et remis sur pieds par leurs précieux ingénieurs, se trouvait là, dans les souterrains du métro, lourdement gardé par leurs hommes. Pendant un instant, Thomas Wayne se demanda à quoi la technologie de cet autre monde pouvait ressembler, si le monde n’avait pas arrêté de tourner pour eux. Du regard, il inspecta leurs uniformes – si similaires au sien, que ça en devenait presque inconfortable. C’était vrai, alors. Il y avait un autre Batman, sur une autre Terre. Un autre Batman qui portait le nom de Bruce Wayne.

« Ce Constantine me dit que vous et vos semblables avez été téléportés sur notre planète sans avertissement ni signe avant-coureur, et surtout, contre votre gré. Que ce ‘Collectionneur’ vous a arrachés à vos vies pour vous précipiter dans cet enfer. » lâcha Thomas, le visage sévère et les traits creusés qui le vieillissaient de vingt ans, les mains croisées dans le dos. Sur son torse, le sigle de la chauve-souris luisait sous les lumières crues qui illuminaient les souterrains. « Nos informations tendent pour le moment à identifier quelques dizaines de personnes de personnes comme appartenant à votre Terre. Nous estimons le total à une centaine, sans compter ceux qui ont déjà péri. » Mais un Batman aurait-il été un Batman, s’il n’avait pas songé à un millier de scénarios, d’hypothèses différentes pour expliquer ce phénomène ? Les paroles du Collectionneur, il avait passé des heures à méditer dessus, à méthodiquement éliminer certaines possibilités, à en formuler d’autres. Et il en était une en particulier, qu’il voulait soumettre à ses invités en sursis. Méfiant, paranoïaque, comme se devait de l’être un homme avec autant de responsabilités sur les épaules, et plus rien à perdre que sa planète et le reste de l’humanité. « Je ne fais pas confiance à Constantine. » Dans son coin, John leva les yeux au ciel, en prétendant être choqué. Thomas n’y prêta pas la moindre attention, et fit quelques pas en direction de Bruce, le toisant avec toute la concentration d’un prédateur. « Tu es le Batman de cette autre Terre ? Convainc-moi que toi, cette ‘Batgirl’, et vos semblables n’êtes pas des complices de ce Collectionneur dans cette expérience qu’il semble s’être fixée ? » Aurait-ce été si surprenant, que cette entité suprême ajoute une variable à son expérimentation, une variable complice suivant ses instructions à la lettre ? Que le but ne soit pas réellement de voir deux Terres s’affronter, mais de voir comment eux réagiraient face à un tel scénario ? Thomas Wayne se refusait à exclure cette possibilité, pas tant que ces deux-là, qui se réclamaient du même sigle que lui, ne l’auraient pas convaincu entièrement de leur bonne foi. Tant que cet homme, qui portait le prénom de son fils – qui, dans un autre monde, aurait pu être son fils, ne lui aurait pas offert un semblant d’explication auquel se raccrocher, alors que derrière son masque stoïque, le souvenir de la pire nuit de sa vie de père lui donnait envie de hurler.

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Bruce se garda de répondre qu'il ne faisait pas confiance non plus à Constantine, que Barbara non plus ne lui faisait pas confiance. Il aurait été idiot de griller ainsi les maigres cartes qu'ils possédaient, tous les trois, en montrant qu'eux aussi avaient du mal à s'entendre. Et de surcroît, le Chevalier Noir préférait largement avoir affaire à John, car il savait des choses à son sujet, il savait comment le maîtriser, comment le contrôler dans une certaine mesure. Malheureusement, leurs options étaient limitées ici, et sans un vrai signe de leurs camarades ou d'une solution, ils allaient devoir s'impliquer différemment.

Et ça passait, inévitablement, par cet autre Batman.

Le convaincre ? Il ne pouvait pas dire qu'il était surpris. Il aurait sans doute agi de la même manière, s'il avait été à sa place. S'il avait tout perdu dans un monde aussi noir et aussi dévasté que celui-ci. Cela forçait à réfléchir, bien sur. Réfléchir à comment convaincre son presque père, mais aussi, à comment il aurait lui-même agi dans ces circonstances. Il savait qu'il avait les moyens d'empêcher qu'une telle chose se produise sur sa Terre. Il savait qu'il ferait tout ce qu'il faudrait pour que Selina et les autres vivent en paix, et ce même s'il devait disparaître. Mais de là à tuer ? Pas qu'il n'en était pas capable, mais il ne voulait pas le faire.

Il ne l'avait jamais voulu. Dès les premiers instants où, enfant, il avait décidé qu'il ferait de sa vie une croisade contre le crime, il savait qu'il ne pouvait pas se permettre de tuer. Certains le faisaient, plus ou moins brutalement, mais pas lui. Ce n'était pas sa philosophie, ce n'était pas nécessaire.

Puis, finalement, il se mit à répondre, après un regard pour Barbara. Car s'il fallait convaincre cet homme, ce substitut de père, de sa sincérité, il n'y avait alors qu'un seul moyen. Tout le monde pouvait usurper une apparence, une identité... mais personne ne pouvait découvrir ce secret sans l'avoir vécu, ou que Bruce lui en ait parlé :

« C'est simple. Il s'appelait Joe Chill. »

Le regard de Thomas Wayne ne changea pas. L'expression de son visage non plus. Sa posture pas davantage. Mais il était intéressé, soudainement, et cela, Bruce le sentait.

« Il a tué mes parents, a fait de moi ce que je suis devenu. Il n'y aurait pas de Batman, pas de Batgirl, sans lui. Et toi, il a... »

« Il a tué ma femme. Il a tué mon fils. Et je l'ai tué pour cela. »

Un sourire horrible se dessina alors sur le visage du vieux Wayne, qui jeta un regard vers Barbara, avant de se fixer de nouveau sur Bruce.

« Je vois que tu as réussi à entraîner d'autres gens dans ta croisade, Chevalier Noir. Bien pour toi. Moi, j'agissais seul, jusqu'à ce que les Amazones et les Atlantes ne prennent mon monde pour un champ de bataille. »

C'était une réussite, se dit Batman. Le vieux de Terre-4 ne semblait pas leur faire davantage confiance, mais au moins, il savait qu'il pouvait s'attendre à ne pas être poignardé dans le dos, et qu'il n'avait pas affaire à des espions. Toutefois, une question restait en suspend :

« Que sais-tu de ce Collectionneur ? Batgirl, Constantine et moi avons des pistes, et une liste très réduite de suspects potentiels... mais aucune certitude. »

John, Bruce &
Barbara

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« Pas encore. Sur cette Terre, vous risquez bien de ne pas avoir le choix pour survivre. Que vous soyez un Batman, ou une équipe entière ». Et peut être même que Barbara ferait une petite exception pour lui si il ne se décidait pas à lui rendre son espace personnel. Ce n'était pas parce qu'elle était habituée à la tactique qu'elle appréciait être fixée de haut de la sorte. Les hommes vraiment pensa t-elle en se forçant à ne rien laisser paraître de son agacement. Thomas Wayne n'était vraiment pas celui qu'elle avait imaginé. Non pas que cela l'étonnait beaucoup. Bien des personnes auraient changé en ayant vécu ce qu'il avait vécu. Évidemment, elle garda ses opinions pour elle. Et si Bruce lui demandait plus tard ce qu'elle en avait pensé, elle ne manquerait pas de lui répondre que son père de cette autre réalité était en tout point charmant. Lorsqu'il consentit à la laisser finalement respirer, elle glissa un regard furtif à ses deux autres camarades. Et ce avant de se concentrer sur le début de leur conversation sérieuse. Sentant que les questions ne lui étaient pas destinées - et pas seulement parce qu'elles ne lui étaient pas directement adressées -, la rousse préféra garder le silence. Elle laissa ainsi à Bruce la tâche de convaincre cet autre Batman. Personnellement, Barbara n'était pas sûre qu'il puisse y arriver. L'homme était de nature méfiante et il faudrait bien plus que des mots et une expérience partagée similaire pour l'amener à les croire. De plus, Thomas Wayne ne semblait pas vraiment être le type à changer d'avis même lorsqu'il était présenté avec toutes les preuves lui démontrant qu'il avait tord. Du moins, c'était ce qu'il dégageait. Évidemment, Batgirl espérait se tromper. Cela arrangerait grandement ses affaires si elle faisait fausse route.

Tout en écoutant d'une oreille, ce qui continuait à se dire, elle recommença à regarder autour d'elle. Sans bouger autant son visage que la première fois. Elle ne voulait pas à nouveau le voir polluer son espace vital. Elle tourna brièvement son regard vers Bruce lorsqu'il prononça son nom de code puis repartit à son observation discrète. Une grimace se faufila sur sa bouche lorsqu'elle avisa le traitement que reçu l'une des machines un peu plus loin sur sa droite. Yeux plissés derrière son masque, elle continua de regarder la femme essayant de réparer et brancher ce qu'elle reconnu comme un système de communication militaire. Un système en très mauvais état. « Vous allez finir par mettre le feu à toutes vos installations si vous branchez ça comme ça » déclara t-elle finalement, brisant ainsi tout le reste des conversations. Tous les regards se tournèrent vers elle et le silence lui répondit. « En électricité, il y a une règle toute simple pour éviter la surcharge et la prise feu du système électrique. Et cette règle vous êtes entrain de la bafouer » continua t-elle en essayant de ne pas se laisser démonter dans ce territoire hostile. Raclant légèrement sa gorge, elle prit le parti de s'avancer vers la source du problème. Sans laisser à personne le temps de l'arrêter, elle débrancha la multiprise et brancha seule le système de communication. Elle trouverait un endroit sur où les mettre plus tard. « Maintenant, il vous manque juste à faire .. ça » continua t-elle en laissant ses doigts pianoter avec la force de l'expérience sur le clavier à proximité. En quelques secondes, elle reboota le système complet et commença à créer plusieurs lignes hautement sécurisées. Du moins autant se faire que peut. « Plus qu'à attendre maintenant, il y en a pour un quart d'heure au moins vu la force du signal » termina t-elle en s'éloignant de la machine. « Vous voyez si vous vous détendez, on peut s'entre aider » ne put elle s'empêcher de laisser échapper à l'intention de leur hôte.

Pando

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Joe Chill. Malin, Bats, songea John en exhalant une bouffée de nicotine, alors que Thomas Wayne, visiblement satisfait de cette réponse – ou du moins, autant qu’on pouvait l’être en mentionnant l’assassin de son fils et de sa femme – s’éloignait de quelques pas. Jesus, même à deux Terres de différence, c’était frappant, cette similarité dans les mimiques et les attitudes entre le faux père et le faux fils. Le regard de John coula de Thomas à Bruce, alors qu’il déployait des efforts surhumains pour ne pas laisser sa curiosité l’emporter et s’aventurer à un peu de magie empathique pour deviner ce qu’il pouvait ressentir, à ce moment-là, le chevalier noir. Mais ce n’était pas le moment. A cette heure cruciale, c'était Bats et Batgirl, les stars du show. Et il n’avait nullement l’intention d’interférer dans leurs petites affaires. Et il posait les bonnes questions, leur Batman, et John reporta son regard sur Thomas, bien curieux de la réponse, lui aussi. Malheureusement, leurs espoirs furent bien vite réduits en poussière. « Pour le moment, pas grand-chose, j’en ai peur. » répondit Thomas d’un air plus sombre encore. « Nous avons une équipe de recherche, menée par un de nos lieutenants, Cyborg, qui travaillent activement et exclusivement à l’identification de ce ‘Collectionneur’. Qui qu’il soit, son petit discours a tout l’air d’indiquer qu’il n’a pas réellement l’intention de se faire discret. Pour l’heure, c’est lui le maître du jeu. Il le sait, et il en baissera la garde. Tôt ou tard, son arrogance le poussera à commettre une erreur – alors, nous pourrons trouver les pièces du puzzle qui nous manquent encore. » Cyborg et ses équipes étaient les meilleurs esprits et les meilleurs détectives encore en vie à New Themyscira. Thomas était convaincu que sitôt qu’il y aurait quelque chose à découvrir, rien n’échapperait à leur attention. Ce n’était plus qu’une question de temps.

La voix de Batgirl s’élevant du côté des ordinateurs attira l’attention de Thomas, qui darda son regard aigu sur elle alors qu’elle leur exposait – non sans impatience – comment améliorer et sécuriser leurs installations. Intéressant, songea Thomas. Ainsi, cette acolyte s’était fait une spécialité de connaître les ordinateurs ? Malin, de l’avoir amenée ici. Et si Thomas resta parfaitement de marbre face aux déclarations de Barbara, la jeune femme qu’elle avait aidée, en revanche, se redressa de son poste en époussetant son pantalon et déclara : « Si seulement la quasi-totalité des ingénieurs informatiques de Londres n’avaient pas apparemment été noyés par le roi d’Atlantis, ou décapités par les Amazones, on aurait eu quelque chose de moins… amateur, à vous montrer. Merci. » John arqua un sourcil curieux, en détaillant la rouquine au regard déterminé qui venait de rejoindre la conversation. « Lois Lane. L’autre tête pensante de notre organisation. » annonça Thomas, aussi laconique qu’il était possible de l’être, alors que Lois tendait la main à Batgirl. « Vous excuserez nos mauvaises manières, j’espère. Comme vous avez pu le voir, la vie n’a pas exactement été rose ici, ces derniers temps. » Et malgré sa cordialité apparente, il y avait, dans les yeux de Lois Lane, une dureté, un éclat inflexible, si propre aux gens qui en avaient trop vu, et trop vécu, et trop supporté.

Thomas Wayne, lui, avait profité de ce petit interlude pour reporter à nouveau son attention sur Bruce. Son fils. Ou plutôt, une version de son fils, l’homme qu’il aurait pu devenir, peut-être, si le sien avait eu la chance de vivre. Deux Batman, à cause d’une infime variation dans leurs histoires respectives. Ca n’était pas vraiment son fils, il le savait bien – mais après des décennies de remords, de regrets, et de fureur jamais guérie, qu’il était étrange, absurde, et douloureux, de voir cet ersatz de fils se tenir devant lui. Quelque part dans l’immensité du multivers, existait un monde où Bruce avait survécu. Et dans sa poitrine, Thomas sentit un étau impossible compresser un cœur qu’il pensait résolument éteint. Bon sang. Etait-ce délibéré ? Lui envoyer ce miroir de son fils perdu, au plus haut de la guerre entre les trois factions de leur monde ? Pour le faire douter, pour le secouer dans son inébranlable résolution ? Thomas chassa ces pensées de son esprit ; mais devant ses yeux, flottaient toujours les fantômes cruels restés dans Crime Alley. « Constantine nous a déjà raconté la façon dont vous étiez arrivés. Téléportés sans avertissement – pour lui, en tout cas. Je veux vos deux points de vue. Qui sont vos suspects ? Qui d’autre est arrivé sur notre Terre avec vous ? Avez-vous réussi à établir le moindre contact avec vos semblables ? » demanda Thomas en rafale. Les connaissances, c’était ce qui lui manquait le plus, à l’heure actuelle. Pour le moment, de ces égarés, il ne savait que deux choses : le Collectionneur les avait visiblement amenés ici contre leur gré, et ~~son fils~~ son homologue était, d’une façon ou d’une autre, un de leurs leaders, lui aussi. Ca n’était pas suffisant. Malgré tout, ça n’était pas suffisant. Aux côtés de Batgirl, Lois Lane croisa les bras, soucieuse, et fit elle aussi à nouveau entendre sa voix. « Nous prenons des risques de vous laissant entrer ici. Vous n’êtes peut-être pas des complices de ce Collectionneurs, mais… il a mentionné un combat à mort entre nous, après tout. » Et le sous-entendu était on ne peut plus clair. Pour le Collectionneur, c’était le célèbre proverbe, ‘eux ou nous’. Et maintenant, il ne restait qu’à eux, de décider ce qu’ils allaient en faire.

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Bruce darda un instant son regard dans celui de Thomas, se livrant au même jeu inquisiteur que lui. Il s'efforçait de rester aussi imperturbable que possible, de ne pas laisser les émotions étranges et contradictoires le gagner. Il fallait qu'il se contrôle, car cet homme n'était pas son père... et il ne le serait jamais. Tout comme lui, il ne pouvait pas accepter autre chose que le fait qu'il s'agisse d'un coup tordu de ce Collectionneur. Il aurait ardemment espéré pouvoir dire qu'il se foutait complètement de ce face-à-face. Mais en vérité, il lui était difficile de supporter la vie de son ersatz de père.

Et encore plus ce qu'il était devenu, poussé par la haine et le désespoir.

Toutefois, il jeta un regard vers Constantine avant de répondre au Batman de cette Terre. Il ne savait pas ce qu'il pouvait exactement lui dire, ni ce qu'il pouvait vraiment dire devant Constantine. Pas par manque de confiance, mais parce qu'il savait que plus il en dirait, plus le Britannique ferait ses propres analyses dans son coin... sans en avertir les autres. Ce n'était pas un allié fiable ; même si pour une fois, Bruce était prêt à enterrer la hache de guerre pour qu'ils s'entraident. Voir à ne pas le frapper.

« J'ignore combien d'entre nous sont arrivés ici. »

Il préféra rester évasif. C'était plus prudent, et surtout, il ne pouvait pas forcément faire mieux car il ignorait véritablement qui était arrivé... même s'il avait des estimations plutôt raisonnables.

« J'ignore également qui précisément. Moi-même, je suis arrivé avec un allié, mais ce peut ne pas être le cas pour d'autres. Ce qui est certain, c'est que tous ceux qui sont venus ne sont pas forcément des amis, et encore moins des gens sur qui on peut compter. J'irais même jusqu'à dire que certains seraient des ennemis. Mais sans la moindre certitude, c'est compliqué de donner une vraie réponse. »

Il avait répondu aux questions plus superflues à son sens. Maintenant, il fallait parler de l'autre problème, qui était, selon lui, la priorité. Car ne pas savoir qui était leur véritable ennemi représentait une difficulté importante qui freinait considérablement leur retour chez eux. Et Bruce, pragmatique comme toujours, ne voyait pas d'autre objectif en tête que celui-ci. Il ferait tout pour permettre aux siens de rentrer, plutôt que de rester à vivre dans cet endroit.

« Et ma propre liste de suspects ne comporte, hélas, pas de nom pour le moment. Mais déjà, plusieurs éléments sont à retenir. Premièrement, c'est un joueur, un stratège, un tacticien, et on peut d'ors et déjà oublier les Amazones et les Atlantes pour ça. Ça ne ressemble pas à leur manière de faire, et ils ne sont pas assez puissants pour ça. Darkseid non plus n'est pas un suspect, car il ne prendrait pas la peine de faire quelque chose comme cela : c'est trop sournois pour un maître de guerre comme lui. Dans l'espace, il ne reste alors que les Corps des Lantern, mais aucun n'agirait non plus de la sorte, ou des entités, individus ou civilisations lointaines. Selon moi, il faut une technologie très avancée pour pouvoir faire ça. »

Il marqua une pause.

« Mais si je me trompe, alors la solution n'est pas technologique, mais magique. Et là, il est tout aussi difficile de savoir de qui il peut s'agir. Je connais l'identité des plus puissants magiciens de mon monde, et ils ne feraient pas ça ou n'auraient pas la puissance suffisante. Non, pour moi, le problème vient d'ailleurs. Un conquérant, un stratège galactique, qui joue à un jeu plus vaste dans lequel il tente une petite expérience. »

Il attendit alors la réaction de Barbara, car les questions étaient aussi pour elle.

Et il cachait ainsi le fait qu'en exposant ses propres conclusions, il se rendait compte d'une chose. Son instinct le titillait, et il sentait qu'il avait mis le doigt sur quelque chose. S'il avait raison, s'il estimait correctement...

...Alors il serait plus compliqué que prévu de rentrer chez eux.

John, Bruce &
Barbara

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Après une petite hésitation, Barbara serra la main de Lois Lane. Cette femme, elle avait déjà eu l'occasion de la rencontrer dans son propre monde et en soit la jeune femme n'était pas surprise de retrouver son double au milieu d'une telle guerre. Si elle avait retenu quelque chose de leur brève entrevue, c'était bien le fait que là où il y avait du danger, il y avait Lois Lane. « Batgirl » répéta t-elle pour être polie. Après tout, ils savaient tous qui elle était. Du moins, qui elle était lorsqu'elle était ainsi vêtue. « Vous excuserez nos mauvaises manières, j’espère. Comme vous avez pu le voir, la vie n’a pas exactement été rose ici, ces derniers temps ». Pour toute réponse, la rouquine hocha la tête. Bien sur qu'elle comprenait leurs méfiances. Bien sur qu'elle comprenait leurs brusqueries. Et au fond, elle ne leur en tenait pas rigueur. Pour elle, c'était seulement perturbant de se retrouver face à face avec le double d'un homme mort et enterré depuis des décennies. La présence de Lois en revanche avait quelque part quelque chose de rassurant. Car même si elles n'étaient pas les mêmes personnes, il devait y avoir des similarités avec lesquelles Barbara pouvait travailler.

Bras croisés sur le plastron de son armure, elle reporta son attention sur le reste de la conversation. Elle non plus ne savait pas à qui ils avaient à faire. Et encore moins combien de ses semblables – ou non – s'étaient retrouvés sur cette terre dévastée. Face à cette constatation, elle ne pouvait s'empêcher de se demander combien parmi ces gens là – ces voyageurs qu'ils étaient – étaient encore en vie à l'heure actuelle et combien avaient survécu. Penser à ces vies perdues pour le plaisir d'une seule entité la mettait en colère. Malgré toutes ces années à combattre le crime, elle ne comprenait toujours pas comment on pouvait aussi peu se soucier de la vie humaine. Ou de la vie tout court. Après tout, l'univers était vaste. Clairement, Barbara n'avait rien d'un conquérant et ses crimes se limitaient à bafouer les lignes juridiques pour sauver les innocents et mettre les méchants en prison. Ce qui en soit lui devrait normalement quelques années en prison. Lorsque le regard de Bruce se tourna vers elle, elle se contenta de hausser les épaules. Elle ne savait rien de plus et n'avait pas de nouvelles idées à offrir au débat. Par ailleurs, les conclusions de Bruce étaient bien plus abouties que les siennes.

« Clairement, ce collectionner se croit plus fort que tout le monde. Et peut être qu'il l'est. Ou peut être qu'il ne l'est pas. Quoiqu'il en soit le seul fait qu'il se pense supérieur est déjà une erreur. Donc comme cela a justement été dit, il baissera sa garde et nous donnera les informations que l'on recherche. Après tout, quel criminel n'a jamais recherché la gloire ? L'appel de cette dernière est souvent trop fort pour être ignoré. Son nom, j'en mets ma main à couper, il ne nous le donnera lui-même. Juste pour qu'on sache à qui l'on doit tout ça » conclua la rouquine en s'appuyant contre une table bancale. Evidemment, Barbara ne disait pas qu'il ne fallait rien faire. Mais aucun d'eux n'étaient omniscients – jusqu'à preuve du contraire. Deviner ce qu'ils ne pouvaient connaître était donc impossible. Et se triturer les méninges pour rien ne lui semblait pas être la meilleure perspective d'action. Pour le moment le collectionneur était un point d’interrogation, une équation inconnue. Et il fallait attendre. Contre lui, à cet instant précis, ils ne pouvaient rien. « Et pour répondre à votre question, je suis arrivée toute seule » rajouta t-elle en se souvenant que la question avait été également formulé à son encontre. « Et si vous permettez j'ai une question à mon tour. Cette guerre entre les atlantes et les amazones.. pourquoi ? » Si elle ne pouvait rien faire contre un ennemi qui pour l'instant se cachait, elle pouvait au moins faire quelque chose contre les ennemis qu'elle voyait. Et elle était bien curieuse de savoir comment tout cela avait commencé. Une information qui plus était les aiderait dans leur propre monde.

Pando

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« Correction : ils n’auraient pas la puissance de le faire sans laisser de traces. T’as la mémoire courte, Batsy ? » intervint John pour la première fois depuis le début de cette conversation, sourire en coin alors qu’il se laissait aller nonchalamment contre un mur en tirant une bouffée de cigarette, avant de vaguement faire un geste en direction de Thomas. « De toute façon j’ai déjà raconté à Bat-senior ce que je t’ai raconté dans le tunnel. Perdez pas de temps dans une chasse aux sorcières, les enfants. Ca, c’est mon domaine. » Une conclusion qui, d’après l’expression de Thomas Wayne, ne lui plaisait pas, mais John en conclut qu’il l’avait déjà pris en grippe, tel père tel fils, tout ça. Tant pis. Ils savaient tous, désormais, que le responsable de ce bordel sans nom n’avait rien de magique, et s’ils décidaient de ne pas le croire ou de douter de ses talents, tant pis pour eux, ils iraient droit dans le mur. L’attention de John se détachait déjà de la conversation sitôt qu’ils repartirent sur leurs hypothèses de menaces inter-galactiques – yep, not my scene, songea-t-il en soupirant. Thomas Wayne, lui, sembla momentanément absorbé dans ses pensées, pesant ses options, en tacticien implacable qu’il était. Jusqu’à ce que Batgirl n’ouvre la bouche ; son regard d’acier se darda sur elle, plus attentif qu’un aigle prêt à fondre sur une proie ou suivre une piste, et Lois aussi écouta avec attention, la même attention qu’ils avaient accordée à Bruce quelques instants plus tôt.

C’eut été mentir que dire que Thomas n’était pas déçu d’apprendre que ces égarés d’une autre Terre n’en savaient finalement guère plus qu’eux. Il avait espéré, en laissant ce Constantine lui amener cet autre Batman et son associée, jeter un peu plus de lumière sur cette sombre affaire, mais finalement, le brouillard était toujours aussi épais. Bruce – seigneur, qu’il était étrange, d’invoquer ce prénom au présent – avait ses hypothèses, tout comme lui, mais dans leurs circonstances, ces hypothèses n’étaient finalement que ça. Des hypothèses, impossibles encore à confirmer, donc à contrecarrer. « Batgirl a raison. » admit Thomas, non sans une pointe de regret amer dans la voix – non contre Batgirl, mais parce qu’il n’aimait vraiment, vraiment pas, ne pas avoir les réponses qu’il voulait. Lois hocha la tête, approbatrice. « Nous n’avons pas suffisamment de données pour déterminer une identité précise, et à l’heure actuelle, nous avons des problèmes bien plus pressants à régler. » Contre son mur, John se redressa, soudainement plus attentif. Voilà, c’était là. Le moment où tout passe ou tout casse. Fils ou pas fils, Thomas allait se camper sur ses positions, privilégier la guerre qui ravageait son monde, plutôt que cette menace distante à laquelle ils ne pouvaient pour l’instant rien faire – et qui pourrait l’en blâmer ? John espérait juste que son Batman saurait prendre son mal en patience, et se positionner correctement sur cet échiquier nouveau qui se présentait à eux. Chaque chose en son temps, Bats.

Thomas s’approcha d’un ordinateur et pianota rapidement sur le clavier, pour faire apparaître deux images sur l’écran ; deux visages trop familiers, horriblement familiers, et en même temps, horriblement différents. « Bloody hell. » souffla John, face aux images aberrantes de Diana de Themyscira et Arthur Curry. Lois se tourna alors vers Batgirl et Batman. « La reine des Amazones et le roi des Atlantes sont responsables de l’état de notre monde. Les relations entre leurs peuples ont toujours été tendues, mais tout s’est enflammé le jour où la reine Diana a assassiné Mera, la reine d’Atlantis et épouse d’Arthur Curry. En représailles, Arthur a assassiné le mari de Diana… et depuis, la guerre n’a de cesse de consumer notre monde tout entier. Londres n’est pas la seule ville à être tombée. » Les mots pesaient lourd, dans la bouche de celle qui les maniait pourtant si bien. Mais ces gens méritaient de savoir dans quel enfer ils étaient tombés, exactement. La mine sombre, Thomas fit glisser les visuels vers un autre – la photo d’un autre Atlante, lui aussi armé d’un trident. « Dans sa fureur, le roi Arthur a provoqué un tsunami qui a rasé la moitié de l’Europe… et a fait de Londres ce que vous en voyez aujourd’hui. Sans se douter que c’était son propre frère, le prince Orm, l’instigateur du fuel entre Diana et Mera. Un complot manigancé par lui et la propre tante de Diana, Penthésilée… tout ce que nous sommes en train de payer n’est que le résultat des machinations de couples plus sanguinaires les uns que les autres. » Une guerre qui n’aurait jamais dû concerner l’humanité, mais dont ils s’étaient tous retrouvés dégâts collatéraux. « Nous pensons, sans certitude, que Diana a fini par apprendre la vérité, et chercher à en informer Arthur. On ignore ce qu’il s’est passé exactement, mais leur rencontre s’est soldée par la mort de ce dernier… et son frère est maintenant sur le trône, et poursuit cette guerre aveugle avec sa rivale, sans que personne ne se soucie de notre sort à nous. Bienvenue à New Themyscira. » conclut-elle sur une note chargée d’amertume et de résignation.

Un bref silence s’abattit sur la pièce, alors que chacun digérait les informations que Lois venait de leur donner. John, pour sa part, maintenant qu’il en savait un peu plus, avaient encore moins envie de se mêler de ces histoires. Un kidnapping à échelle planétaire, et maintenant, une guerre stérile qui ne se terminerait qu’une fois qu’un peuple aurait annihilé les deux autres… formidable. « Amazones et Atlantes ont juré la perte de l’humanité. Nous ne sommes rien d’autre que des nuisibles, à leurs yeux. Et peu importe la Terre, ils ne feront pas de discrimination quand il s’agira de nous tuer. » reprit Thomas en s’approchant à nouveau de Bruce. « C’est ça, ma guerre. Je suis désolé pour tes semblables, mais ma priorité, c’est de mettre fin à cette absurdité. Pas ce Collectionneur. Lui peut attendre. Mais nous pouvons trouver un arrangement. » Son regard dériva jusqu’à Barbara, comme pour s’assurer de son attention, à elle aussi, puis darda son regard dans celui de Bruce. Son fils. Presque. « Vous voulez sauver les vôtres ? Aidez-nous à gagner cette maudite guerre. Rangez-vous à nos côtés. Aidez-nous à vaincre les Amazones et les Atlantes. Tant qu’ils seront là, ils tueront les nôtres, et vos alliés, et personne n’aura aucune chance. Tu ne pourras pas affronter ce Collectionneur seul, Bruce. » A son tour, Lois se tourna vers leurs deux interlocuteurs – et son regard s’attarda sur Barbara. « Il est clair que vous avez des talents qui pourraient réellement faire la différence dans notre groupe. Ce que tu as fait avec cet ordinateur – je suis sûre que ce n’est qu’un tout petit morceau de l’iceberg, pas vrai ? Alors serrons-nous les coudes. Aidez-nous, et nous vous aiderons. On vous mettra en contact avec Cyborg et son équipe, et tout ce qu’ils trouvent sur ce Collectionneur, vous le saurez aussi… »

Et John, dans son coin, d’observer et d’écouter attentivement, alors que les joueurs des deux camps tentaient encore de déterminer leurs positions. Cette proposition, elle était au conditionnel, elle voulait dire rester sur cette foutue planète pour ils ne savaient combien de temps, elle voulait dire se contenter de rester au second plan avec tous les risques que ça comportait… et il se demandait bien ce que Batman et Batgirl allaient bien pouvoir y répondre.

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Bruce rongeait son frein, digérant toutes les informations qu'il pouvait glaner de ce qui était dit devant lui, en cet instant. En vérité, il comprenait sans doute beaucoup plus de choses que ce que Thomas, Loïs et peut-être même Constantine pensaient. Seule Barbara était à même de comprendre autant que lui, ou en tout cas, de la même manière que lui. Et de tout ce qui était dit, malheureusement, Bruce ne voyait rien qui n'augure quoi que ce soit de bon.

Premièrement, Diana et Arthur, sur cette Terre, avaient agi exactement comme l'aurait imaginé le Chevalier Noir dans les pires scénarios qu'il avait envisagés. Ils s'étaient transformés en conquérants, laissant leur rancune et leurs émotions prendre le dessus sur la raison. Arthur n'avait jamais été très patient, et Diana ne cessait de refouler ses émotions ; il n'était donc pas si surprenant que ça ait lâché au bout d'un moment. Ce qui était étrange, c'était le fait que l'Amazone décide de tuer Mera ainsi. C'était... étrange, stupide n'étant probablement pas le mot juste pour une situation aussi nébuleuse.

Deuxièmement, Orm était au pouvoir chez les Atlantes, et Diana chez les Amazones. La planète entière souffrait de ce conflit, et ils étaient coincés à Londres. Pourquoi cet endroit ? Peut-être parce que les deux races avaient choisi de s'établir ici. C'était logique, et si ce Collectionneur voulait les forcer à s'affronter, alors il avait probablement bien choisi. Encore une fois, Bruce se fit la réflexion que tout ceci était incroyablement ingénieux... et pourtant tellement simple en même temps. Il avait suffi d'une idée un peu saugrenue.

Et troisièmement, il n'aimait pas l'idée de mettre de côté ses priorités – à savoir, résoudre le problème de leur venue ici – de côté. Cette pensée l'amena alors à formuler une question qu'il aurait du poser depuis le début, et qui, si Thomas consentait à y répondre, leur donnerait également un aperçu de qui se passait plus globalement sur cette Terre.

« Avant de choisir, car tu te doutes bien que je ne vais pas répondre simplement par oui ou non, je veux poser des questions. Et ma première est la suivante : où sont les autres ? Sur ton monde, où est Superman ? Où sont les Green Lantern ? Green Arrow, Flash, où sont-ils également ? Et tous les autres ? Tu excuseras la brusquerie de ma question, Thomas, mais je refuse de me lancer dans une autre croisade si je n'ai pas tous les éléments en main. Je suis sûr que tu peux le comprendre. »

Indéniablement, cet homme n'était pas son père, et ne le serait jamais. Il n'y avait plus rien de commun entre eux, allant même jusqu'aux caractéristiques physiques. Grâce aux photos qu'il avait, Bruce savait qu'il avait hérité de plusieurs traits de son père, mais ce Thomas là n'en possédait presque plus, aussi bien physiques que mentaux. Leur seule ressemblance subsistait dans un nom et dans une volonté communes, mais c'était tout. Leurs vies, leurs méthodes, leurs façons de pensées, leurs gestes, tout était étranger et opposé.

John, Bruce &
Barbara

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Batgirl n'était pas peu fière d'avoir fait son petit effet sur le géant de la résistance qui lui faisait face. Pour s’amourer sa petite victoire, elle s'autorisa un fin sourire. Ce dernier ne resta que quelques secondes sur son visage et s'évapora aussi vite qu'il était venu. Il aurait été mal placé de sourire à pleine dent ou plus longtemps. La situation n'était pas propice à ce genre de comportement. D'ailleurs, elle finit par s'assombrir un peu plus lorsqu'ils consentirent à répondre à sa question – et à celle que John et Bruce s'était posé quelques minutes plus tôt sur le chemin menant jusqu'ici. Bras croisés sur sa poitrine, la plus jeune du trio laissa ses yeux émeraudes glisser sur les portraits qui lui faisaient face. Attentive, elle écouta les explication qui furent fournies par Lois Lane. Derrière son masque, elle haussa un sourcil lorsqu'elle appris le sort qui avait été réservé à la reine atlante. Une mort violente et certainement douloureuse. Bien sur, la rousse ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi Diana avait trouvé bon d'assassiner Mera. A part quelques très rares exceptions – à comprendre le Joker – les criminels ou les personnes vivantes de manière générale ne tuaient pas pour le seul plaisir. Ils défendaient ou défendaient leurs intérêts. Ils se vengeaient. Il y avait toujours une raison sous-jacente. Une réflexion même parfois. Pour la jeune adulte qu'elle était, il y avait donc plus à apprendre sur ce sujet. Et même les manipulations à distance ne semblaient pas être une raison suffisante pour éliminer une autre reine. Pour autant, elle ne posa pas la question à voix haute. Elle la garda dans un coin de son esprit, prête à mener sa propre enquête. Elle était de plus persuadée que Bruce s'était fait la même réflexion. Il avait eu ce tic nerveux qui en disait long – pour qui savait le repérer. Lui aussi trouvait tout cela … incomplet. Dans tout les cas, cette guerre était stupide et n'aurait probablement jamais du toucher l'humanité. Cependant et malheureusement, ils étaient au milieu. Ils étaient le terrain neutre où les deux clans pouvaient s'affronter. « Bienvenue à New Themyscira ». « Charmant » ne put elle s'empêcher de répondre pour la seconde fois avec tout le cynisme qui les gens comme elle pouvait posséder.

Après Lois, ce fut à Thomas de reprendre la parole et Barbara lui accorda la même attention qu'à sa collègue. Lorsque Lois se tourna spécifiquement vers elle, Barbara décroisa ses bras. Effectivement, ses talents dépassaient de loin ce qu'elle venait de faire. Elle était un génie informatique et n'avait pas peur de l'avouer. Batgirl tourna la tête vers le reste de la pièce et son regard glissa à nouveau sur les machines qui occupaient l'espace. Elle pouvait peut être faire beaucoup pour eux. Mais elle n'était pas non plus un dieu. Leur matériel était endommagé, usé. Et avec ce qu'elle voyait, elle n'était pas sûre de réussir à faire des miracles. En revanche, elle ne pouvait certainement faire mieux que ce qu'ils avaient. Cependant comme Bruce – qui s'était exprimé alors qu'elle regardait à nouveau autour d'elle- elle avait des questions et des conditions. Surtout des conditions à vrai dire. Et cela lui faisait presque du mal d'avoir à les dire à voix haute car Barbara ne marchandait jamais sur la vie humaine. Pour elle, tout le monde méritait d'être sauvé. Même les plus vilains. Un corollaire certainement de la règle d'or que Bruce lui avait inculqué pendant toutes ses années. Cependant, cette terre n'était pas sa terre. Cette guerre n'était pas sa guerre. Sa loyauté allait donc aux habitants de son monde en premier lieu.

Soudainement mal à l'aise elle soupira doucement et se redressa. « Vous aider, je le veux bien même si je ne pense pas faire des miracles avec ce que vous avez sous la main. Cependant – et outre les demandes de mon Batman – il faut que de votre côté vous assuriez la sécurité des gens de notre monde contre les humains de cette planète. Contre vous vos hommes et les autres civils. Après tout, le Collectionneur a placé une cible dans nos dos et ils sont à la merci de toute le monde ici. Atlantes, Amazones et vos propres compatriotes. Certains peuvent peut être se défendre mais d'autres non. Vous comprenez bien je suis sûre qu'ils sont notre priorité. Bien sur, l'on s'assurerait en échange que les nôtres ne mettent pas le bazar dans vos rangs ». La rouquine espérait que l'échange soit perçu comme équitable. Et que la demande ne soit pas perçu comme un rapport de force. Elle restait cependant sur ses gardes. Ici, mieux valait se méfier de tout. Et de toute le monde. Même si ils semblaient sympathiques.

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Si seulement les habitants de Terre-4 et ceux de leur Terre savaient ce qui se jouait, à cet instant, dans ces souterrains londoniens, John se demandait bien ce qu’ils en penseraient. De savoir que leur destin à tous reposait entre les mains d’un faux père et d’un faux fils qui se regardaient en chien de faïence et ne parvenaient que péniblement à trouver un terrain d’entente, trop bornés pour faire les concessions nécessaires ; et entre les mains d’une carte joker, un atout dans la manche, une jeune femme qui agissait presque comme une conscience générale dans cette situation pour le moins épineuse. Et si John ne s’était pas exactement attendu à ce que tout se déroule comme sur des roulettes, il avait quand même espéré un peu moins de tensions, et un peu plus d’efforts entre les deux Batman qui, pour le moment, n’avaient absolument pas l’air de vouloir concéder du terrain. Et voilà que Bruce martelait de questions à son tour, demandant à Thomas où étaient son Superman, son Green Lantern, son Green Arrow, et pour la première fois depuis le début de la conversation, Thomas fronça les sourcils, marquant une incompréhension sincère. Ah. Petit problème de traduction ; et pour cette fois, John acceptait de servir de traducteur. « Doucement, Batsy. On est sur une autre Terre : à quoi ça va te servir de taper du pied et faire du name-dropping si ces noms-là n’ont jamais existé, hm ? » intervint-il en s’approchant de leur petit groupe. Il fouilla dans la poche intérieur de son manteau, et en sortit un sachet dont il déversa le contenu sur une table de travail ; une poussière ocre, au-dessus de laquelle il marmonna une incantation, avant de souffler dessus. Une étincelle de magie pulsa dans l’air, et rapidement, des silhouettes, bien connues de Bruce et Barbara, se dessinèrent sous leurs yeux.

« Tu vois des visages familiers là-dedans, Bat-senior ? » demanda-t-il alors que Thomas approchait prudemment, scrutant attentivement les traits de Superman, Green Lantern, Green Arrow, Black Canary, Captain Marvel, Flash, et toute la bande habituelle de ceux que John appelait affectueusement la Ligue des Collants Bariolés. Puis, le chef de la résistance pointa du doigt Captain Marvel. « Je connais celui-là. Un certain Billy Batson et sa famille, qui répondent au nom de Captain Thunder. Batson a été empalé par l’Amazone au début de la guerre. » Ouch. « Je n’ai jamais vu la plupart autres. Qui qu’ils soient sur votre Terre, sur la nôtre, ce ne sont encore que des anonymes, ou ils ont dû périr il y a longtemps. » « Attendez. » intervint Lois, en pointant Green Lantern du doigt. « Je connais cet homme-là. Il ne portait pas ce costume, mais je crois que c’était un pilote – il est mort en essayant de bombarder la ville avec la technologie nucléaire de Green Arrow Industries. J’imagine que celui que tu appelles Green Arrow est notre Oliver Queen… mais il n’est pas à New Themyscira, et encore moins un des nôtres. » « Et Superman, ça ne vous dit rien ? » « Absolument rien. » John soupira et se mordit l’intérieur de la joue, avant de se tourner vers ses comparses. « On dirait bien que la Justice League est hors-compète sur cette Terre. A part Cyborg et, bizarrement, Etrigan, que j’ai croisé la première fois, c’est pas les superhéros qui se bousculent au portillon. »

De son côté, Thomas contemplait, songeur, les silhouettes de poussière qui flottaient encore en l’air. Ces héros, cette Ligue de Justice dont il entendait parler, était-ce donc à ça que ressemblait ce monde alternatif ? Des vigilantes qui s’assemblaient en groupe ? Avec une telle puissance de frappe, ils auraient des ressources inimaginables pour contrer les Amazones et les Atlantes… Mais sur cette Terre, cette ‘Ligue’ n’avait jamais existé. Sur cette Terre, Batman avait toujours travaillé seul, jusqu’à sa rencontre avec Cyborg et Lois. Mais pour Bruce, c’était autre chose – Bruce avait une équipe, des alliés… une famille ? Thomas chassa cette pensée de son esprit, et se concentra sur Barbara tout comme John et Lois. Enfin, une proposition qui avançait dans le bon sens. Un échange de bons procédés – la protection des égarés, contre la promesse de ne pas semer le trouble dans leurs rangs, ni leur planter de poignard dans le dos. Lois et Thomas échangèrent un regard, l’une songeuse, l’autre imperturbable de stoïcisme. « C’est une demande qui me paraît raisonnable. Ce Collectionneur s’attend à ce que nous nous retournions les uns contre les autres : surprenons-le en faisant exactement l’inverse. Les vôtres sont sans doute perdus dans ce monde… nous pourrions envoyer des éclaireurs tenter d’en retrouver le plus possible, et les rassembler sur notre territoire, ou dans le quartier des réfugiés à Brixton. » suggéra Lois en réfléchissant à voix haute. Trouver les égarés de Terre-1, leur permettre de se retrouver, s’assurer que personne ne s’entretue, en guise d’acte de bonne foi. Thomas soupira, puis se décida lui aussi à parler. « Nous avons des espions à Brixton, Covent Garden, et aux endroits les mieux connus des pilleurs. Nous ferons passer le message pour qu’eux aussi gardent l’œil ouvert, et envoient tout égaré qu’ils croisent dans notre direction. »

Lentement, Thomas s’approcha de la table de travail et posa les deux mains à plat dessus, regardant tour à tour Bruce et Barbara. Une trêve était certes un bon début, mais il restait tant d’inconnus encore à déterminer. « Mais tout ceci ne servira à rien sans un plan. Nous sommes déjà à peine assez nombreux pour tenir les Amazones et les Atlantes hors de nos territoires, et nos ressources sont rares. Que proposez-vous pour gérer les vôtres ? Que ferez-vous, une fois que vous aurez retrouvé vos alliés, si seulement ils sont eux aussi sur notre Terre ? » Il était évident que s’ils refusaient en bloc de participer aux efforts contre les Amazones et les Atlantes, ils ne pourraient rester avec la Résistance, peut-être même ne pas bénéficier de leur aide – même si Thomas l’avait voulu, comment justifier auprès de ses hommes de peut-être sacrifier nombre d’entre eux pour des étrangers qui n’avaient aucune intention de leur venir en aide alors qu’ils touchaient au fin fond du désespoir ? Hélas, c’était la guerre, qui faisait rage ici. La bonté d’âme et l’altruisme avaient déserté cette ville depuis longtemps. Ce que Thomas voulait savoir, maintenant, c’était ce que prévoyaient les deux chauves-souris, une fois les recherches lancées. Ce qu’ils s’attendaient à trouver, et ce qu’ils feraient s’ils ne le trouvaient pas. Alors, et seulement alors, prendrait-il une décision finale. « Ce n’est pas une croisade, Bruce. C’est une guerre, dans laquelle les vôtres périront sans votre aide et la nôtre. Tous tes repères habituels, tu vas devoir les abandonner, si tu ne veux pas faillir à ta mission. Ta collègue semble l’avoir déjà compris. » Thomas marqua un instant d’hésitation, pendant lequel Lois ne put s’empêcher de couler un regard soucieux vers Barbara. « Je sais que je ne suis pas ton père, et que tu n’es pas mon fils. Je ne te ferai pas l’affront d’invoquer cette excuse, mais… songe que nos intérêts ne sont pas si éloignés les uns des autres. »

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Bruce resta plus stoïque que jamais, fixant Thomas sans rien dire. Parce qu'il voyait clairement le jeu de son faux-père, parce qu'il savait pertinemment de quoi il retournait derrière ces paroles. Ce n'était pas exactement de la provocation, mais plutôt un petit test subtil. Barbara avait compris certaines choses, oui, mais la jeune femme avait toujours su faire preuve d'une empathie supérieure à la sienne. Constantine, lui, vivait dans une réalité mentale différente du reste du monde (la plupart du temps, la même que sa bouteille et ses cigarettes) ; il ne pouvait simplement pas comprendre les tenants et aboutissants de tout ceci.

Même si le Chevalier Noir lui accordait le fait qu'il avait eu une idée pas si idiote que ça en les amenant ici. Il fallait, de toute façon, faire quelque chose pour eux tous. Pour les leurs coincés ici, dispersés aux quatre coins de Londres et à la merci des premiers pillards, Atlantes et Amazones venus. Bon, il était vrai que la plupart d'entre eux était tout à fait capable de se défendre seul, et de se cacher suffisamment pour esquiver le gros des problèmes. Mais...

Mais il n'y avait pas que ça en jeu. Car peut-être que pendant tout ce temps, leur propre Terre se retrouvait seule, désarmée, affaiblie, et ils ne pouvaient plus la défendre. Personnellement, Bruce n'aimait pas l'idée de perdre du temps ici, car c'était mettre en danger sa propre Terre. Il comprenait la difficulté de l'accord qu'ils voulaient tous passer : Thomas pensait à sa Terre, et lui à la sienne, ce qui était plus que compréhensible. La solution résidait peut-être dans l'entre-aide, mais déjà, le Chevalier Noir voyait venir tous les mauvais côtés.

Y compris un retournement de situation, où ils rentreraient chez eux... et les double avec eux, et pas dans des intentions si honnêtes que ça.

« Non, en effet. Nos intérêts ne sont pas si éloignés. »

Il sentait bien l'exaspération de Thomas, car il vivait exactement la même. Ni l'un ni l'autre n'avait envie de céder du terrain, et pour une bonne raison : parce qu'ils avaient la responsabilité de tout ce qui irait mal derrière. Peu importait ce que pouvaient penser les autres : Batman avait une responsabilité qu'il ne prenait pas à la légère.

« Mais je dois t'avertir, Thomas, que je ne suis pas dupe. Tu t'en doutes, bien sur, mais le moindre coup de poignard dans notre dos aurait de fâcheuses conséquences. L'inverse est vrai aussi, bien entendu, et nous ferons également passer le mot pour qu'il n'y ait pas de problèmes entre les nôtres et les tiens. Ensemble, nous pouvons parvenir à un résultat, et c'est bien ce que je compte faire. Toutefois... »

Il vit son père ciller. Pas par nervosité, mais par réflexe. L'âge ne pouvait pas lui permettre de soutenir aussi longtemps que Bruce un regard. Etrangement, cela apporta au Chevalier Noir une certaine satisfaction.

« Toutefois, je n'ai pas besoin de préciser que ma priorité reste les miens. Tout comme ta priorité reste les tiens. Nous ferons face tous ensemble, car il y a là un danger qui nous menace tous. Par nécessité. »

Car jamais Bruce n'aurait tenté une telle alliance en d'autres circonstances. Parce qu'il savait très bien, il l'avait parfaitement compris, que Thomas Wayne n'était pas du genre à jouer franc-jeu. Il y aurait forcément un coup de poignard dans le dos.

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Barbara fut soulagée de voir que sa proposition n'avait pas été mal interprétée et qu'au contraire elle avait été accepté. D'un sourire aimable, elle remercia Lois à ses côtés. Clairement, la reporter servait de tampon entre son Batman et eux. Un peu comme la rousse. Du moins, c'était ainsi qu'elle se sentait pendant que les deux chevaliers noirs tentaient de savoir de quoi l'autre était fait. Barbara aurait pu trouver cela amusant si la situation n'était pas aussi délicate. Batgirl était satisfaite de constater que comme Bruce, Thomas Wayne pouvait se montrer raisonnable si les solutions proposées étaient faisables et cohérentes. Et aussi lorsqu'elles présentaient un intérêt certain pour les siens et le fonctionnement de la résistance. Après tout, elle venait de se proposer comme main d’œuvre gratuite. Elle qui avait laissé Oracle au placard depuis son opération allait devoir en rendosser l'identité. Non pas que cela la dérangeai vraiment. Oracle sans être Barbara à part entière restait tout de même une part certaine de sa personnalité. Elle n'avait ainsi jamais disparu. Barbara resta attentive lorsque Thomas reprit la parole pour leur demander ce qu'ils comptaient faire de plus. Les questions sous-jacentes étaient on ne peut plus claire, de même que les menaces. Et Barbara les comprenait. Elle comprenait aussi pourquoi ces dernières étaient une nécessité. Il l'avait bien dit lui-même. Ils étaient à court de moyens humains, financiers, militaires. Ils survivaient à cette guerre par ce qui apparaissait être l'opération du saint-esprit.

Pendant un moment Barbara resta silencieuse, se contentant d'écouter l'échange d'arguments – si l'on pouvait les appeler ainsi – entre Bruce et son père. Un étrange silence s'installa entre tous les protagonistes face aux dernières paroles de Bruce. Barbara se trouva pas en elle l'idée de les réfuter. Après tout, elle avait elle-même émis la même constatation quelques minutes auparavant. Les leurs étaient leurs priorités. Car c'est eux qu'ils devaient ramener sur la bonne terre. Sur la Terre dont ils étaient tous originaires. « Vous comprenez bien qu'on ne peut pas certifier que tous les nôtres pourront vous prêter main forte » commença t-elle, sentant qu'elle devait offrir un peu plus que ce qui avait déjà été dit. Et ce dans le but d'assurer la paix des ménages … si elle pouvait s'exprimer ainsi. « Certains ne savent probablement pas se battre. Sans compter qu'il peut y avoir des enfants et des personnes âgées. Impossible d'évaluer à l'heure actuelle nos réelles forces » continua t-elle. Pour être sur des mesures à prendre, il leur fallait un peu plus d'informations que celles qu'ils avaient collectivement réussit à obtenir.

« Ceci dit, si les autres membres de la Ligue sont sur cette planète, ils se battront. Ils vous aideront. Car c'est ce qu'ils font. C'est même ce qu'ils sont intrinsèquement pour certains. Et puis, comme l'a dit Batman – le mien – cette guerre nous concerne aussi à présent et ce jusqu'à ce qu'on puisse rentrer chez nous ». Jamais les autres membres de la Ligue ne laisseraient des innocents en danger périr sans rien faire d'autres que les regarder. Elle aimait penser qu'elle les connaissait assez bien – ou les avait assez bien étudié – pour pouvoir l'affirmer. Cependant, il serait probablement judicieux d'avoir une petite conversation sur les membres qui composaient l'équipe. Après tout, ils avaient un Arthur Curry et une Diana Prince. Mieux valait à son avis avoir cette conversation maintenant. Elle laissait cependant à Bruce le soin de mentionner ce petit détail. De taille. Ou à Constantine s'il voulait se montrer indélicat. Barbara estimait pour le moment avoir assez pris ses responsabilités. « Quant à moi, j'ai jamais eu besoin d'une raison pour me battre contre ceux qui oppressent les innocents. Et du moment que vous aidez les nôtres comme convenu, vous pouvez compter sur mon expertise informatique et technique en plus » termina t-elle en haussant les épaules. Barbara n'était pas comme Bruce. Elle ne menait pas une croisade. Non, la jeune femme apportait son aide à ceux qui en avaient besoin pour la seule raison qu'elle pouvait le faire.

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Si Batman et Batgirl avaient en tête de se livrer a un numéro de good cop/bad cop pour intimider Thomas Wayne et ses acolytes, John devait bien admettre qu’il était aussi impressionne que sceptique. Bruce se campait sur ses positions, ignorant superbement les questions de Thomas et Lois et refusant de prendre le moindre risque qui pourrai signifier la mise en danger des siens, tandis que Batgirl s’efforçait de se montrer plus réaliste et conciliante et d’instaurer le dialogue nécessaire à leurs deux groupes. Mais bizarrement, ce mélange explosif avait l’air de fonctionner. John songea qu’il avait bien fait de ne pas se contenter d’amener leur Batman. Finalement, c’était bien sa présence, son existence sous les yeux de Thomas, couple aux talents de négociatrice de Batgirl, qui allaient peut-être faire pencher la balance en leur faveur. La mâchoire de Thomas Wayne se crispa sous les accusations de son presque-fils, et John était à peu près certain que n’importe qui répondant a un autre nom aurait déjà fini quelque part dans la Tamise. Mais ça fonctionnait. Le procédé était moche, mais ça fonctionnait, et face à ce qu’aurait pu devenir son fils, Wayne père se montrait plus… malléable. Il ne s’était pas attendu a ce que cette discussion se déroule facilement, ou qu’ils arrivent à une issue complètement bouclée du premier coup – mais il était soulagé de constater qu’au moins, une espèce de dialogue, et un status quo, étaient établis. Ils pouvaient remettre leurs inquiétudes à propos de ce Collectionneur et ses envies de combats de gladiateur a plus tard – pour le moment, l’urgence, c’était les Amazones et les Atlantes.

Les regards se reportèrent sur Batgirl lorsqu’elle reprit la parole pour compléter les déclarations de Bruce, et les doubler d’affirmations qui firent briller une lueur de soulagement dans les yeux de Lois. « Damn. Votre monde a carrément un groupe de surhumains pour le protéger ? » demanda-t-elle, sa curiosité de journaliste piquée au vif, avant de laisser son regard glisser sur les photographies encore affichées à l’écran. « Si on avait eu la même chose ici, notre monde serait sans doute bien différent… » « Au moins vous avez échappé à la vue de tous ces gars en collants moulants qui volent dans le ciel. Toujours voir le côté positif de la chose, chérie. » intervint John en tirant une bouffée de cigarette. Lois ne répondit à sa petite plaisanterie que par un haussement de sourcil, puis elle décida, fort sagement, de ne pas relever, et se tourna à nouveau vers ses autres interlocuteurs. « Alors c’est décidé. Batgirl nous apporte son soutien logistique, les deux Batman travailleront ensemble pour retrouver le plus de personnes de votre Terre possible, et moi je ferai les arrangements nécessaires pour les accueillir et informer nos troupes. » Après cela, il faudra coordonner nos efforts. Etablir un état-major, recenser ceux chez les nôtres et chez les vôtres qui seront en état de contribuer à la lutte, avant que les Amazones et les Atlantes ne réalisent que nous avons unis nos forces. L’effet de surprise sera notre principal atout. Et une fois que nous aurons mis fin a cette guerre, nous pourrons concentrer nos efforts sur le chien qui croit pouvoir nous tenir en laisse. » conclut Thomas, résolu et inflexible. Le portrait craché de son fils.

Victoire. Pas vraiment parfaite, mais ça, John ne s’y était jamais attendu, mais victoire quand même. Le dialogue était entame, un semblant de plan avait émergé de ces discussions tendues, et personne n’allait s’entretuer avec personne. Mine de rien, les épaules de John se détendirent un peu, et alors que Thomas et Lois conversaient avec deux de leurs acolytes pour amorcer les préparatifs de cette nouvelle alliance, John, lui, se rapprocha des deux chauves-souris et donna une tape amicale sur l’épaule de Bruce. « Beau boulot, tous les deux. C’était mal barre, mais finalement, on s’en sort pas si mal, vu le climat actuel, hm ? » Un peu d’optimisme dans ce monde de brutes. « Batman et Batgirl font de la résistance. Au moins ça vous fera une histoire marrante à ajouter à vos autobiographies le jour où vous prendrez votre retraite. En attendant, moi, je vais vous laisser fignoler les détails avec vos nouveaux amis, je suis sûr que vous avez plein de choses à vous dire, et mon job à moi s’arrête là, si vous n’y voyez pas d’objection. » Inutile qu’il s’éternise dans les parages. Il avait mis son grain de sel dans toute cette histoire pour mettre le plus de chances de leur côté de trouver le chemin de la sortie, mais la suite ne relevait pas de son domaine de compétences. Les menaces cosmiques et tout ce bordel, l’expérience avait prouvé que ce n’était pas son rayon, merci bien. « On se reverra sur notre Terre, si vous vous débrouillez bien. Peut-être même que je vous paierai une pinte si vous nous sortez de ce merdier. » ajouta-t-il avec un clin d’œil. Et Thomas et Lois se tournèrent a nouveau vers eux, visiblement prêts a établir leur plan de bataille avec leurs deux nouveaux alliés.

Spoiler:

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