Can you feel it ? ¤ Ft. Zatanna

"Can you feel it ?"

Quand les corbeaux chantent, c'est votre ombre que la mort hante... - Faith

     « 50 dollars la soirée, je ne peux pas faire mieux ? » C’était sa réponse, celle qui me dérangeait et qui me transperçait le cœur de son insulte à peine voilée. Silencieuse, détournant mon regard, je récupère mon CV et m’empresse d’aller franchir la porte de sortie. La colère, je la garde en moi, même si elle est légitime. Je ne souhaite pas perdre mon temps à la négociation, j’en suis privée qu’en lui en bénéficie. Je dois gagner ma vie pour ne pas me retrouver à la rue et affamée. Cela fait deux semaines que je suis sortie de l’hôpital, que je peux enfin vivre en toute indépendance sans que des médecins me disent quoi faire et comment mener ma vie par souci de santé. Je sais la vie difficile, et même avec les subventions de l’état pour m’aider à réintégrer la société, je dois essayer de trouver un job qui me permette d’être pleinement autonome, je sais que leur aide ne va pas durer… Rien ne dure jamais dans ce monde.
     « Attends ! Attends, deux secondes ! » Il est passé devant moi, imposant sa présence entre moi et un autre job en coin de rue. Pourquoi insister, me vendre pour si peu, à d’autres. Pensait-il vraiment que j’étais de ceux prêts à lécher le sol pour de la merde ? « Les clients veulent te revoir chanter, hier soir, tu as mis le feu ! » Hier soir, j’étais brisée, au fond d’un gouffre sans fond de solitude que je souhaitais surmonter à l’aide de l’alcool. Et ce fut l’ivresse qui m’a fait prendre le micro et monté sur cette estrade. J’ai chanté pour noyer ma douleur dans la folie de mon acte assurément pulsionnel, je voulais oublier mes cauchemars. Je ne cherchais même pas à plaire, juste à gueuler ce qui me passait sur la langue. J’avais besoin de faire sortir cette rage, cette frustration de ne pas savoir qui je suis, de ne pas connaître la raison de mes phobies, de souffrir quand d'autres jouissent de plaisir. Tout n’était qu’improvisation sur une mélodie inconnue et mes paroles venaient du cœur… Plus que pour les autres, je chantais pour moi-même.    

     Il semble peiné à l’idée que je n’accepte pas sa proposition, ce n’est qu’un mirage trompeur n’existant que pour convaincre et manipuler. Mais sa délicieuse comédie ne me prend pas au triple, indifférente à ses jérémiades dissimulées. Mon regard, fenêtre qui révèle mon insensibilité à ses paroles, s’accompagne d’un silence donnant voie aux obsèques de sa crédibilité. « J’ai un loyer à payer, un frigo à remplir… Je cherche un CDI, pas un travail au noir ! » Ai-je daigné finalement lui répondre par pure politesse, bien qu’à mes yeux, il mérite que mon silence. « 150 dollars ! 150 dollars par semaine si tu viens chanter toutes les nuits, pour un contrat de trois mois. » Il y a maintenant bien plus de sincérité dans sa voix que les quelques secondes précédentes. Hier soir a dû être une excellente soirée pour lui en terme de rentabilité financière pour qu'il insiste à ce point. J’ai déchaîné ses clients qui ont eu l’argent facile après ma prestation. 150 dollars par semaine, c’est un bien meilleur deal, je pourrais mettre suffisamment de côté pour payer le loyer de ma piaule miteuse. « Je commence quand ? »        


    C’est ainsi que je finis cette chanson écrite et apprise dans la journée même. Devant moi, des applaudissements et des nouvelles têtes. La salle est bien plus remplie qu’hier soir. Comment une soirée avait-il suffi à rameuter plus de gens. Descendant de scène, m’en allant retrouver le comptoir pour y trouver un verre de whisky offert par la maison, tout heureux le patron me montre alors la raison pour laquelle son bar est soudainement si populaire. Et surtout, peuplé soudainement de personne ayant un peu plus mon look. Une vidéo se propageant sur twitter où je chante sur cette même scène. Une pub sur son bar, faite à partir de ma prestation d’hier et maintenant celle d’aujourd’hui. En vrai, je m’en foutais pas mal tant qu’il respecte sa part du contrat. Profitant un peu d’être tranquille, je sors deux pilules que je mets en bouche et que j’avale à l’aide d’une gorgée de whisky. Ceci avant que je remarque le regard bleuté d’une femme non loin de moi… « J’ai une prescription pour ça ! » Dis-je, me sentant dans l’obligation d’effacer tout malentendu avant que ces derniers émergent inutilement. Certains prennent des pilules pour dormir, d'autres comme moi en prennent pour rester éveillé.
 

"Can you feel it ?"

Quand les corbeaux chantent, c'est votre ombre que la mort hante... - Faith

     En l’observant avec plus d’attention, l’on peut voir qu’elle n’a pas le même look des gens du coin, ceux qui vivent dans ce quartier pourri. Est-ce qu'il y a si peu d’ambiance dans cette ville pour qu’on décide de venir s’éclater dans le plus miteux des bars du coin. Je peux le voir dès le premier coup d’œil que ce qu’elle porte, c’est un cuir d’une qualité hors de mes moyens. Enfin, peu importe, chacun est libre d’aller où bon leur semble. Mais ce n’est pas un quartier pour une personne ayant l’air fortunée, des gens avides guette en coin de rue, des gens dangereux et j'ai pu le remarquer en très peu de temps. Cela dit, sa remarque quant à ma prescription réussit à m’arracher un sourire. Je doute fortement que son audace lui vienne des quelques shots qu’elle s’envoie paisiblement. Une femme caractérielle sans aucun doute, le genre à ne pas avoir froid aux yeux. Je respecte cette authenticité chez les gens, surtout que je suis moi-même ainsi, n’ayant guère l’envie de mâcher mes mots.
    Je lève mon verre dans ce mouvement de salutation qui n’en est pas un. « Ouais, je ne suis pas trop sûre qu’il apprécierait que son nom soit associé à ce dernier détail. » Répondis-je avant de prendre une autre gorgée et faire signe au barman de remplir à nouveau mon verre du bout de l'index dirigé vers mon récipient. En soit j’ai juste besoin d’un liquide pour faire descendre ce que j’ai avalé, de l’eau où de l’alcool qu’est-ce que ça change au final. Je compte bien me saouler la gueule avant de retourner sur l’estrade et me défouler sur le micro dans tous les cas. Tandis que le barman remplissait mon récipient de cette liqueur de nuit, une main se tendit dans ma direction, celle de cette même femme qui en profita pour complimenter cette performance que semble aimer le reste de la salle. Une performance dont je n’avais peut-être pas conscience sur le coup, me disant que la plupart des individus ici était trop ivre pour voir les défauts de mon chant, d'ailleurs je ne sais même pas s'ils comprennent que c’est ma biographie que j’ai chanté…

      Oui. Celle de cette femme qu’on croyait morte retrouvé dans une forêt, souffrant de la solitude, du fait qu’elle n’a aucun souvenir de sa vie, de ses proches… Vouée à grandir dans les ténèbres d’une angoisse dont elle n’explique pas les origines. Hantée par des images cauchemardesques. Je lui serre la main par pure politesse, n’étant pas de ceux qui ignorent les bases de la courtoisie. « C’est sympa dire ça. Le texte est de moi ouais. » Le reste des interprétations seront tirées d’autre artiste, impossible de chanter toute la soirée sur de l’impro totale. Et surtout, je n’avais pas le temps d’écrire et d’apprendre mes propres textes, un déjà c’était beaucoup. Alors, le patron a souhaité que je chante les sons d'autres artistes que je connaissais. J’ai eu le temps d’en écouter pas mal pendant que j’étais hospitalisé, la musique me permettait d’échapper à l’atmosphère médicale que je trouve oppressant.
       Autant le dire, je hais l’hosto.
« Faith ! » Rajoutais-je après qu’elle se soit présentée. Je trouve son nom étrange, peu commun. A-t-elle des origines ukrainiennes ? Ayant cette impression que la sonorité est issue d’Ukraine ou peut-être de la Russie. Je prends mon verre que je garde en main avant de me tourner complètement vers cette femme. « Zatanna, hein ? Ce n’est pas commun. » Je pose mes lèvres sur le verre le temps d’une dégustation sans saveur, d’une inflammation de la gorge bien recherchée. Mon regard sombre, ne lâchant pas celui clair de la demoiselle. En l’observant, je peux clairement voir qu’elle n’est pas une idiote finie, son regard reflète une volonté propre à ceux qui savent réfléchir par eux-mêmes et qui n’ont besoin de personne. C’était aussi là, le regard d’une femme indépendante dans toute sa splendeur. Alors pourquoi se risquer à avenir dans l’East-End pour une simple dark mélodie mélodramatique à deux balles chantée par une inconnue aux bataillons des hits du moment ?

      « Pourquoi vous risquez dans ce coin paumé ? Je ne suis pas une artiste et ce bar, c’est de la merde ! » Comme je l’ai dit, je ne suis pas de ceux qui mâche ses mots.
 

"Can you feel it ?"

Quand les corbeaux chantent, c'est votre ombre que la mort hante... - Faith

     C’était une femme plutôt fière de son nom, ce qui était honorable. Elle m’annonça être une magicienne, je pris un air surpris. Elle n’était vraiment pas du coin, elle, par rapport à moi, c'était réellement une artiste. Sa présence ici était d’autant plus ridicule. Je ne savais pas si c’était une célébrité, mais vu qu’elle semblait riche, c’est peut-être le cas. Est-ce qu’elle cherchait des sensations fortes à se traîner par ici avec ses bijoux ? Et quand elle sortit son billet pour avoir la bouteille, je ne pus m’empêcher de lever un sourcil, en pouffant de rire dans mon coin… Elle s’en fout littéralement d’attirer sur l’attention, une vraie tarée celle-là... J'aime ça ! Et puis, de tout façon, qu'est-ce que ça peut bien me foutre l'endroit où elle veut se déchirer la gueule à coup de gin ? C’est une grande fille et en plus de ça, une magicienne. Avec ses petits tours de passe-passe, je suis sûre qu'elle pourrait tromper le premier venue qui chercherait à la dépouiller de toute façon, non ? Du coup, je me contentais d’acquiescer avant d’ajouter. « Sympa le métier. »
     Elle posa sa bouteille de gin à côté de moi, une manière très peu subtile de m’inviter à l’aider à descendre le contenue. Mais qui suis-je pour refuser une aussi délicieuse offre ? Je ne suis qu’une simple et pauvre mortelle, soumise à ses terribles désirs. Que Dieu pardonne ma terrible faiblesse, mais comment ignorer ce nectar qu’est l’alcool ? J’engloutis d’une traite mon second verre de Whisky avant d’attraper la bouteille et remplir mon récipient, levant avant cette dernière en direction de Zatanna pour la remercie. Une fois servi, je reposais la bouteille et la fit légèrement glisser vers cette nouvelle amie du soir. Elle en profite pour m’expliquer qu’elle vienne d'ici ou d'ailleurs, la pourriture ne s’arrêtait pas qu’à East-End, que même dans la partie haute société de Gotham elle n’est pas à l’abri. Et comment lui donner tort ? Elle avait raison dans ses propos… Mais malgré tout, elle avait tort d’être là.

      En effet, c’était toujours moins dangereux d’être dans la partie élitiste. Parmi les élites, un voleur ne la verrait pas forcément, elle serait un diamant parmi une multitude d'autre choix. Tandis qu’ici, elle était ce bijou traînant dans la boue, visible de tous les porcs aux alentours. Elle poursuit en exprimant que j’avais tort quand je disais ne point être une artiste. Si je trouve touchant ce qu’elle dit peu après, je me garde de répondre quoi que ce soit qu’un simple et brève sourire pour la remercier à ma manière. Mais au fond de moi, ce n’était que des mots d’attentions venant d'une inconnue, je n'y croyais pas plus que ça. Cependant, je n’étais pas capable de voir mon potentiel, celui que semblait tout de même discerner cette étrange magicienne. Comment lui dire qu’on m’avait embauché pour ce poste alors que je n’avais chanté qu’une seule fois pour le fun, que je n’avais rien d’une vraie chanteuse passionnée par son art. Bah ouais, moi, je m’en foutais d’être sur scène, je voulais juste avoir mon fric en fin de semaine. Mais comment lui répondre ça après un aussi délicat compliment, mieux valait que je m’oublie dans ce verre de gin.
     Le patron tenait un bar de merde, mais putain, c’était un sacré commerçant. Il avait réussi à me vendre sur les réseaux sociaux avant même que j’accepte de bosser pour lui, il faut le dire, ce type avait un talent caché. En effet, Zatanna semblait être là parce qu’elle a entendu parlé de moi. Bordel, j’ai chanté toute défoncée hier soir et pourtant, me voilà connu sans que je le sache au préalable, internet est vraiment dangereux et incroyable à la fois. Son intérêt était tel qu’elle semblait vouloir connaître le sens de mes vers ? Avais-je vraiment touché cette femme au point qu’elle est même prêtée attention aux paroles plutôt qu’à mes rimes et aux rythmes de la musique ? Et lorsqu’elle rajoute plus tard que ma chanson l’avait emporté à travers les limbes douloureux de sa mémoire, du moins j’imagine, je la fixais un moment, songeuse. L’idée que mes paroles raisonnent à travers son être, comme un écho insurmontable avait de quoi me faire réfléchir un instant… Moi, c’était ce que je ressentais constamment au point de vouloir crier ces pensées qui me hantent, de les vomir comme j’ai pu le faire hier soir.

      Mon regard s’était posé sur le miroir se trouvant derrière le comptoir et après un instant, je m’étais mise alors à chanter ses paroles à cappella :

 

      Je m’arrête et je me mets à rire avant de prendre une longue gorgée de mon verre de gin. Je me retourne vers Zatanna, le sourire aux lèvres et je m’exclame toute pompette. « Putain, si t'arrives vraiment à te retrouver dans ses paroles-là ? Alors sache que tu dois être aussi démolie de l’intérieur que je le suis ma pauvre ! » Je levai aussitôt mon verre dans sa direction. « Trinquons à ça ! » Je vidais ce verre par la suite, en lâchant un bon vieux ‘’Yeah’’ des familles. « Plus sérieusement, je préfère qu’on se fasse sa propre interprétation de mes paroles, où serait la magie si l’on révélait tout, hein ? » Dis-je en lui faisant un clin d’œil. Oui, monsieur, c’est ça être subtile, même alcoolisée comme je l’étais.
 

"Can you feel it ?"

Quand les corbeaux chantent, c'est votre ombre que la mort hante... - Faith

     Je mentirais si je disais que je ne commençais pas à un peu apprécier la présence de la magicienne. Me voir comme une artiste était charitable de sa part, elle qui en était une authentique, une véritable artiste qui était en plus profondément touchée par des paroles que je pensais sincèrement être comprises de moi-même uniquement, car écrit pour moi-même. Oh oui, je mentirais si je disais ne pas ressentir une joie à savoir que je pouvais communiquer avec d’autre personne qui pouvait saisir la dureté de mes vers, l’essence de la douleur qui en faisait vibrer mes cordes vocales sur un tempo tantôt agressif, tantôt doux. Zatanna la magicienne avait peut-être finalement réussi éveillé en moi l’étincelle d'une passion musicale, car il fallait le dire, voire le reconnaître… Même si j’avais accepté de chanter sans la moindre expérience pour simplement gagner quelques billets verts, j’avais adoré ce que j’ai fait la première, j’ai adoré écrire ce texte.
     Vous savez, je n’ai jamais aimé me poser sur un siège en face d’un type qui n’attend simplement que vous déballiez votre histoire ou vos sentiments sur un contexte particulier. Voir le psy avait tendance à être un point sacrément merdique de ma journée à l’hosto. Je n’aimais pas particulièrement m’ouvrir, parler clairement de moi. Et je n’aime tout simplement pas ça, parce que je ne tiens pas à être prise en pitié ou être le sujet d’étude d’une personne en particulier. Vivre avec le fait d’être médiatisé, c’était déjà l’enfer à Portland. Lorsqu’on me voyait, on voyait cette pauvre victime trouver dans la forêt du coin, ou bien ce miracle revenu à la vie ? Je n’aime pas qu’on parle de moi et qu’on remémore ouvertement ma propre célébrité issue d’un drame. C’est peut-être pour cela que j’ai choisi Gotham, une ville bien trop profondément préoccupée par sa criminalité pour s’intéresser au fait divers d’une petite ville comme Portland. Et c'est aussi pour cela que je chante ma vie par métaphore, ce n'est pas un récit explicite sur mon histoire.

       Après avoir trinqué, j’écoutais ce qu’avait à exprimer la magicienne pendant que je sirotais mon verre. Je me penchais au-dessus du comptoir tout en prenant soin de l’écouter, pour attraper le paquet de cacahuètes entreposé derrière quelques verres empilés, en-dessous de ce dernier. Pour le billet que Zatanna avait donné au barman, il n’allait pas nous prendre la tête pour de la bouffe. Je commençais à vouloir un petit accompagnement salé afin de boire ma petite liqueur. Je fis glisser les cacahuètes vers la magicienne après m'être servie. Dès qu’elle termina, je ne pouvais que me sentir intimement lié à ce qu’elle semblait avoir vécu, des choix peut-être pas forcément idéal qu’elle a du prendre par le passé, je crois que je suis aussi passée par-là. « Tu as au moins la chance de te rappeler des choix douteux que tu as fait par le passé… Mon amnésie ne me permet pas de me souvenir clairement de beaucoup choses au-delà de ces cinq derniers mois. » C’était sortie si simplement, sans même que j’en ai conscience, cette partie de ma vie que je préfère taire.
     Cela prouvait deux choses, d’une : je grimpais dangereusement dans l’échelle de l’ivresse et je commençais à être assez bourré pour laisser fuité quelques détails sans m’en soucier, bon pas assez pour lâcher les gros morceaux quand même. De deux : j’étais aussi bien plus à l’aise avec la magicienne au point que tout sortait de ma bouche de manière naturelle. Enfin, soit, elle avait pu comprendre ma petite phrase en lien avec son métier et rajouta qu’effectivement, la magie devait être préservée. Elle me proposa alors peu après, que si j’avais besoin de me faire un peu plus de fric, elle avait connaissance d'un autre club. Peu après sa proposition, elle me fit glisser son numéro en le faisant apparaître avec un tour de magie vraiment impressionnant, confirmant que ce qu’elle racontait, n'était pas des bobards et qu’elle était vraiment une artiste de scène. Merde. Mais mes pensées revinrent sur sa proposition. « T’essayes de me draguer ? » Il fallait que je demande au cas où, je ne suis pas trop vive d’esprit pour ce genre de complication sociale. Et puis ce n’est pas de ma faute, elle porte vraiment à confusion là.

      Après tout, elle disait qu’elle n’était pas une manager, mais elle me proposait une meilleur condition de vie pour faire là-bas ce que je fais ici. Mais qu’est-ce qu’elle y gagnait honnêtement ? Après cette soirée, chacun retournerait à sa vie après tout. Et franchement, je ne crois pas en la générosité pure, jouer les bons samaritains c’est toujours dans un but lucratif. Je tapotai son numéro du bout des doigts sans pour autant le prendre, attendant une réponse. J’avais évidemment volontairement ignoré sa dernière question dès lors que je lui avais posais la mienne. Je n’étais pas encore assez ivre pour laisser passer d’autres coquilles de mon histoire, surtout à sa demande. J’avais posé ma question sur le ton de l’humour, mais j’étais quand même curieuse de savoir ce qu’elle voulait de moi, si elle ne cherchait pas à me draguer. J’ai assez de recul pour savoir qu’il ne faut pas non plus trop faire confiance au premier venu au risque d’avoir une mauvaise surprise. Je dis pas non plus que c'est une psychopathe, mais faut faire gaffe à Gotham... Il y a pas mal de cinglés dans le coin, paraît-il.
 

"Can you feel it ?"

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     Merde, elle m’a eu, je suis maintenant complètement paumée et trop bourrée pour tenter de pousser la réflexion et la suspicion plus en profondeur. Et puis son rire était contagieux, car dès lors qu’elle éclata de cette hilarité, j’avais soudainement trouvé ma question précédente, ridiculement drôle dans mon esprit. La moitié de mon visage rapidement plongé sous le col de mon haut pour y dissimuler mon sourire et ce rire étouffé. Un peu plus et je me sentais bête, au point que je pourrais en rougir. En l’écoutant me dire que si elle était venue ici pour draguer, j’aurais effectivement été son premier choix. Merde. Si elle n’essayait pas me kidnapper pour me consommer le temps d’une soirée passionnelle comme un coureur de jupon chevronné, elle marquait indirectement des points dans mon estime d’elle. Je n’avais honnêtement pas trop envie de douter d’elle. Alors, sortant mon visage de mon col, je récupère son numéro et le range dans ma poche finalement.
     Elle était trop cool en m’en sens pour être cinglée, je devrais arrêter me faire des idées surtout dans mon état. Je mâchais les cacahuètes que j’avais en main, laissant ma gencive s’imprégner du sel, puis je m’offris alors une autre gorgée de gin. Le patron me jeta un regard pour m’inciter à stopper là avec les verres qui commençait à être en trop. Oui, il ne fallait pas que j’oublie que je dois retourner sur scène pour y chanter le reste de la nuit. J’allais y interpréter Falling again de Lacuna Coil, System de Chester Bennington, Before I’m dead de Kidney, Slept so long de Jay Gordon et j’en passe. Je devais éviter d’être trop bourré pour me souvenir des paroles. Les gens n’étaient apparemment pas venus pour écouter la playlist du bar, c’était certain. Mais j’étais encore saine d’esprit pour me donner sur scène, j’avais hâte d’interpréter Slept so long et Falling Again, mes deux préférés. Je les ai écoutés tellement de fois en boucle quand j’étais encore hospitalisée.

      « Ouais, c’est triste d’être condamnée à répéter des erreurs dont on a plus connaissance. Aussi triste que d’oublier le poids de l’une d’entre elle. » Ce poids essentiel qui t’offre l’essence même de l’expérience, je ne l’avais plus, je ne le ressentais plus. Et pourtant, j’avais ces vagues de souvenirs qui me remémoraient quelquefois à quel point ce poids devait être bien lourd à porter. Savoir qu’une vie entière m’a été arraché, me fit me demander si la personne que j’étais autrefois, était bel et bien revenu à la vie avec moi. L’éducation, l’expérience, les rencontres ou les trahisons font de vous la personne que vous allez être demain, toutes les situations de votre vécu vont d’une manière ou d'une autre vous forger un caractère, une identité propre. Si on perd la mémoire, on perd ce qui a fait de vous la personne que vous vous étiez forgés. Finalement, perdre son identité est comparable à mourir, la personne que j’étais n’existe plus. Et même si c’est souvenir revenait aujourd’hui, je suis Faith maintenant, Faith Mathias Cross.
     Comme je ne pouvais plus boire, je me contentais de me plonger dans les cacahuètes pour avoir quelques choses à mettre en bouche. Zatanna me parla d’élection et je me contentai de mon côté de lever un sourcil perplexe. « C’est qui ça, Lex Luthor ? » Je sentis tout d’un coup le regard du barman dans ma direction, je crois que je venais de le choquer. Je le toisais de ce regard qui disait ‘’De quoi je me mêle’’, ce qui le fit retourner silencieusement à ses travaux. Je me suis intéressée à beaucoup de choses pour m’aider à retrouver la mémoire, beaucoup de choses qui ont influencé mon style de vie d’aujourd’hui. Je ne sais pas si j’étais une gothique avant, mais en faisait des recherches sur la musique entourant cet univers, les looks vestimentaires, bah j’ai aimé ça. Toutefois, jusqu’à présent, j’ai appris ce qui m’était aisé d’apprendre… C’est-à-dire les choses qui m’intéressaient le plus, ce qui n’est pas le cas de la politique.

      Il était possible que j’eusse déjà vu la tête de ce Lex Luthor à la télé, mais son nom ne me disait rien sur le moment. « Il doit pas être très apprécié ce type, au vu de la façon dont tu parles de lui ? »
 

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     Je l’écoutais me parler de ce personnage qui semblait au final être notre président… Ouais, maintenant, je comprenais le regard du barman sur ma personne. J’ai sûrement dû voir son visage aux infos, sans pour autant avoir retenu son nom. Il faut dire que j’étais bien plus intéressée de me réveiller dans un monde envahi de méta-humain et surtout, d’un certain superman. Savoir qui est le président à côté de ces découvertes-là, me semblait sagement ridicule et dérisoire. Je souriais un brin en la fixant sur certains passages, elle en parlait comme s’il s’agissait d’un ennemi de l’humanité, c’était assez drôle. De mon côté, je ne le connaissais pas, alors je ne m’étais guère permise d’entrer en accord avec son discours ou de porter un quelconque jugement envers cet homme. Même milliardaire, ce n’était qu’un homme, j’aurais plus de raison d’avoir peur ou des doutes sur l'intégrité des méta-humains à l’heure actuelle, certain avait peut-être l’âme pourrie, et ce, avec des capacités hors du commun.
     Comme si elle avait pressenti la réaction de mon patron, elle désignait la scène où je devais retourner dans la soirée avant de m’inviter à y retourner si c’était de mon devoir. En observant l’heure sur l’horloge, il s’avérait qu’effectivement, je devais y retourner. Elle semblait vouloir m’attendre, je ne savais pas si je devais lui dire que cette fois, j’allais être sur scène bien plus longtemps. En réalité, c’était finalement pour ça qu’elle était venue à l’origine, alors je m’étais simplement abstenue. Finissant les cacahuètes dans ma main en une bouchée complète, je pris la direction de la scène sans un au revoir, ni même un adieu. Ne lui confirmant pas si je revenais vers elle ou non, en fin de soirée. Elle pouvait interpréter cela comme bon lui semblait, j’étais le genre de personne être ambigu dans mon comportement et je l’assumais totalement. J’aimais d’ailleurs la façon que j’étais, j’ignorais pourquoi je n’aimais pas me faire des amis, ou entrer dans une relation… Il y avait une peur qui m’habitait quand les barrières de la proximité s’effondraient et que je commençais à aimer une personne.

       Cette peur, quelque part, me poussait à cracher inconsciemment sur de potentielles amitiés, à les bousiller d’avance. C’est pour cela que d’un côté, je ne m’en voulais pas totalement d’être comme j’étais : distante, parfois un peu froide et j’en passe. En effet, car je n’aimais encore moins ressentir la peur de blesser les autres. Alors, des fois, j’en jouais. Si elle partait, bah tant mieux pour moi peut-être, si elle restait, merde, mais tant mieux aussi. Pourquoi essayerais-je de construire un début d’amitié quelconque si on n’était pas capable de supporter mon caractère, ma façon d’être ? Et comment si on ne me supporte pas, pourrais-je dépasser ma phobie d’être aimée, ou cette peur de blesser ceux pour qui je finis par avoir de l’attachement ? Non, très peu pour moi. J’ai apprécié la présence de Zatanna, si elle devait rester malgré tout, alors peut-être qu’on pourrait discuter à nouveau, peut-être pas. Ce qui était certain, c’est qu’il était hors de question que je rentre chez moi dans un état de sobriété, je ne veux surtout pas rêver… L’alcool a au moins le pouvoir de rendre mes songes flous.
     Une fois sur scène, l’instrumentation est lancée. Le patron voulait que je commence avec de l’agressive. Slept So Long… Puis directement à la suite Not Meant For Me.


      Les heures défilaient, eh bientôt la chaleur dans la salle plongée dans cette obscurité où se déhanchaient les demoiselles, accompagnées de l’agitation rythmé des hommes aux bras levés sur des signes satanistes… La base. Vous savez, lorsque vous faites les cornes du diable avec vos mains pendant que vous dansez. Il faisait si chaud que d’où j’étais, j’en transpirais. Je n’osais pas imaginer ce que ça donnait sur ce qui s’était transformé en piste de danse. Et puis, ils semblaient y avoir plus de monde. Je l’ignorais, je ne voyais rien avec la scène qui m’éclairait uniquement. « Putain, je ne vous vois pas, mais je vous sens déchaînés mes salauds… Est-ce que vous l’êtes ? »  Une question taquine qui fait réagir la salle dans son ensemble, au point que je ne saurais pas étonné que tout le quartier nous ait entendu. Du délire… Ouais, j’avoue que je prenais du plaisir en cet instant, l’alcool me permettait aussi d’en jouir. Je terminais ma présentation alors sur Forkasen, suivi de Before I’m Dead.    
     Je pris la direction du comptoir, en me demandant si finalement elle était toujours là, cette magicienne, si elle avait transpiré en rejoignant ces fous qui dansaient comme des dingues d’Arkham. Ou bien avait-elle attendu comme une bourgeoise isolée sur son banc, ne voulant pas se mêler à la plèbe, aux sauvages que nous étions.
 

"Can you feel it ?"

Quand les corbeaux chantent, c'est votre ombre que la mort hante... - Faith

     Il était temps de me bourrer la gueule avant de rentrer chez moi, en cette soirée mon job était royalement terminé et je pense que l’on pouvait dire que j’avais fait du bon travail. Par contre, le faire tous les jours, je ne savais pas si cette option me plaisait énormément. Il faudrait que j’écrive mes propres morceaux histoire de proposer mes versions avec les interprétations déjà existantes, c'est pas mal de travail pour trois mois de contrat et une paye si peu enrichissante. Peut-être que j'ai bien fait de prendre le numéro de la magicienne. En parlant de la louve, fidèle à son poste, elle avait sans aucun doute gardé le comptoir. Je lui rends son sourire avant de m’installer, ma foi, elle était restée tout au long de la nuit. Cela voulait bien signifier qu’elle n’était pas juste là dans un but complètement immorale et égoïste, ou bien, j’étais loin de connaître sa détermination. Je m’installais alors à ma place qui semblait toujours libre après ces dernières heures, tant mieux en soi. Mais ce qui était Bizarre, c’était qu’aucun mec en chaleur n’avait cherché à séduire la demoiselle ici présente. Avec une plastique comme la sienne et ses yeux saphir, c’était bien étonnant.
     Il était peut-être possible qu’ils soient intimidés par la demoiselle. Si je n’étais pas un peu déconnectée de la réalité, j’aurais peut-être été intimidé aussi… Peut-être, je ne savais pas en réalité. J’étais assez bizarre et indifférente à trop de choses pour en connaître la réponse. Elle remplissait nos verres généreusement, vidant cette bouteille. J’invitais le barman à mettre de la glace, ainsi que notre ami dans le cas où elle en voulait. Il faisait vachement chaud à mon goût, il fallait que j’avale quelque chose de frais. « J’ai interprété des mecs et des nanas géniaux, il faut dire. » Répondis-je à Zatanna qui avait été à nouveau emportée par la douceur et violence de la playlist. Je ne pouvais qu’être d’accord avec elle, ces mecs-là m’ont sauvé de l’ennui criminel et tyrannique de l’hôpital. Je n’aurais jamais imaginé quelques mois auparavant, je monterais sur l’estrade pour chanter leurs morceaux si mythiques.

      « Ce n’est pas désagréable ! » Lui avouais-je. Oui, ce n’était pas si mal de chanter et d’avoir un tel public. Je déborde encore d’adrénaline et d’une force que je n’aurais pas cru possible. J’aurais pu continuer à chanter encore et encore, buvant, voire me noyant dans leur transe. Je n’étais plus vraiment moi-même, non, c’était plutôt comme si je m’étais réellement enfin retrouvée. Oui. Retrouver cette part de moi-même à laquelle je n’avais plus accès. Je plongeais un doigt dans le liquide, constatant qu’il était bien frais comme je le voulais. Et tant mieux, après avoir fait danser les glaçons pendant quelques minutes dans mon verre, si le gin était encore chaud ça m’aurait bien saoulé. Ce fut au moment où le verre éclata dans ma main, que je ressentis en moi un fort bouleversement. Je ne saurais pas décrire cela, j’avais simplement une soudaine colère qui m’habitait. Je sentais comme si on avait cherché à pénétrer mon être lui-même, je ressentais des frissons partout à travers ma chair.
     Je fixais mon ancien récipient réduit à l’état de morceaux de verre un moment comme s’il s’agissait d’un objet d’obsession. Je devais me faire des idées, comment un simple verre pouvait-il agresser mon âme, ébranler mon esprit. Je devais simplement être encore sous un état de transe qui survenait sans doute après être sortie de scène. Je pouvais après tout ressentir encore toute l’adrénaline qui parcourait mon corps. « Woops ! » Avais-je alors simplement dit en direction de Zatanna, ne préoccupant même pas du fait que je saignais à la main à cause d’une entaille. Le barman m’apporta toutefois de quoi appuyer sur la blessure tandis qu’il ramassa les morceaux. « Eh bien, on dirait que les dieux ne veulent pas me laisser rentrer chez moi bourrée. »
 

"Can you feel it ?"

Quand les corbeaux chantent, c'est votre ombre que la mort hante... - Faith

     « Ouais, c’est que dalle. » Mon regard se perdait sur le verre tandis que le barman en ramassait ses morceaux un peu éparpillés sur le comptoir. J’avais sans doute l’air d’être ailleurs et c’était le cas, songeuse à la sensation qui m’avait traversé il y a quelques secondes. Mais pas que cela, mon reflet dans le verre avait aussi l’air différent. Sans doute, était-ce dû à la luminosité, mais je pensais que mes yeux ne reflétaient rien, sombre et dépourvu de couleur. Cependant, personne autour de moi ne semblait l’avoir remarqué, j’imaginais alors que ce n’était que la luminosité qui me troubla l’espace d’un moment. Mais cela ne m’empêchait pas de faire travailler mon esprit. « Peut-être un peu des trois, j’imagine. » Répondis-je avec un sourire, il fallait que je sorte de ma léthargie. Ce n’était pas non plus bon pour moi de me focaliser sur une chose aussi peu signifiante, alors autant revenir dans la réalité. Et puis de toute façon, c’était aussi sacrément impressionnant ce que j'ai fait. Il faut une bonne force pour casser un verre d’ordinaire et je n’avais même pas senti d’effort sur ma poigne. C’était plutôt cool quand on repensait.
     « Je cherche un emploi… Enfin, je cherchais. » Avais-je simplement annoncé avant de me lever, tout en pressant la serviette contre ma blessure. « Tu m’excuses un moment, je vais nettoyer ça. » Me levant à nouveau, je profitais pour chercher dans la poche de ma veste posée sur le comptoir ma boîte contenant les cachets que j’avais pris plutôt. Et ce, avant de me diriger vers le W/C public qui, au vu du Budget du bar, était mixte et très peu espacé. Il m’a fallu attendre sagement mon tour avant de pouvoir entrer dans la pièce. La cuvette était affreusement dégueulasse et l’odeur, ridiculement horripilante. Mais j’avais seulement besoin du robinet se trouvant juste en dessous d’un miroir. Je laissais l’eau coulé pour commencer. Oui, qui sait ce que pouvait receler ces conduits douteux, je ne voulais pas prendre de risque d’attraper une infection quelconque.

      L’eau se teinta de rouge dès lors qu’il glissa sur ma main dont la paume s’éclaircissait à nouveau, l’eau emportant avec elle les traces de sang séché. Je pris une autre serviette que j’enroulais autour de ma paume. C’était temporaire, le temps de rentrer chez moi et de m’en occuper calmement. J’avais alors relevé mon regard vers le miroir, mon attention soudainement capturée par ce reflet si fascinant qui avait le pouvoir étrange de m’attrister. À chaque fois que je voyais ce reflet, je me rappelais aussitôt que c’était le visage d’une personne que je ne connaissais pas. Je songeais que je pourrais être capable de tout pour retrouver mon passé, ou ne serait-ce pour savoir à quelle partie de la planète, j’appartiens que ce soit dans sa géographie, ou son histoire. Je ressortais alors cette photo qui ne me quittait plus, celle de cette femme qui me ressemble portant un enfant. Je ressentais le besoin dans les tréfonds de mon cœur avoir la capacité de la retrouver, si elle existe… Celle que je prenais pour ma mère, que j’espérais être ma mère. Ca me donnait l’impression que je venais bel et bien de quelque part et cette idée me suffisait à me réconforter dans ma solitude.
     La fatigue me gagnait à nouveau, maintenant que l’adrénaline était redescendue. Ces saletés de pilules ne faisaient déjà plus effet. Loin d’être recommandé, assurément dangereux pour la santé, j’allais à nouveau prendre ces merdes pour écarter la fatigue et une fois chez moi, engloutir deux canettes de Monster. Sortant ma boite contenant les pilules, je les considérais un moment au vu de leur nombre diminuant bien trop vite, bien avait la date de prescription. Comment allais-je m’en procurer d'autre sans une nouvelle autorisation du médecin qui n'arriverait que le mois prochain ? Songeuse, je relevais à nouveau mon regard vers la glace. De nouveau fixant mon reflet, cette fois avec mépris. Foutue Junkie ! Quelques autres secondes, dix pour être précis, c’est le temps qu’il m’a fallu pour remarquer une anomalie à droite de mon reflet, dans le coin de la pièce, peu éclairé. Une ombre qui attira mon regard, car elle n’était guère présente la première fois que j’ai regardé dans le miroir. Il me fallut à peine une seconde pour réaliser que ce n’était pas une simple ombre.

      Sous la panique, j’avais bien évidemment sursauté en lâchant un gémissement honteux, celui dont on n'a pas le contrôle. Par réflexe, je m’étais retournée pour faire face à ce que j’avais cru voir. Tout mon être avait réagi avant de tenter de discerner la silhouette avec plus de détails. Il faut dire que les yeux jaunes de ce que j’ai cru voir, ne m’avait pas permit de garder le calme dans mon cœur. Fixant l’endroit où la chose était, il n’y avait désormais plus rien. Je restais un moment ainsi, fixant ce mur banal avant de réalisé autre chose d’autant plus bouleversant. Je me retournais vers le lavabo, avant de remonter ma chevelure et la tirer en arrière de mes mains plaquées contre elle, ceci en lâchant une expiration roque, mélange de rage contenue et de panique étouffée. Mes pilules étaient tombées et j’en serrais la mâchoire. « Merde ! » Dos collé contre ce mur, je me laissais glisser contre ce dernier, le visage plonger dans mes mains, je sentais alors toute ma rage se transformer en détresse. « Merde ! Merde ! Merde ! » Me voilà en train de pleurer dans mes mains pour de misérables pilules. Pathétique.
     Je ne voulais surtout pas dormir, je… Je ne supportais vraiment plus ces cauchemars. En plus de me garder, éveillé, ces médicaments empêchaient les hallucinations de se manifester, ces mêmes hallucinations qui survenaient après avoir franchi un stade de fatigue que j’avais longtemps dépassé. Il a fallu que ce soit l’une de ces chimères de l’esprit qui cause la perte de mes biens. J’ignore combien de temps a dû s’écouler, pendant que j’étais là assise à me morfondre dans mon malheur. Une personne frappa à la porte manifestant son ambition de chier un bon coup dans ses maudites chiottes et que je serais formidable si je pouvais libérer la seule cuvette de ce bar à la con. Me relevant, les yeux rougies par les larmes. « Peut-être qu’il sera compréhensible… Peut-être qu’il me fera une autre ordonnance. Ouais. » Tentais-je de me rassurer, actionnant l’eau pour mouiller mon visage et faire disparaître les trace de larmes. Je sortis des W/C pour me diriger vers le comptoir dans le simple but d’y récupérer ma veste. Mon regard posé à la suite sur Zatanna, je m’excuse auprès d'elle. « Je… je suis désolée, finalement, je me sens pas de continuer la soirée. Je vais rentrer. Merci pour la bouteille de Gin, c'était cool. » Mauvaise actrice, même si je dis la vérité, ma voix exprimait sans filtre dans quel état, je me trouvais.