Your heaven's a lie || Faith

"your heaven's a lie"

Quand les corbeaux chantent, c'est votre ombre que la mort hante... - Faith

     
             J’écoutais la magicienne me dire que pour l’instant, il valait mieux ne pas faire confiance aux mots sortant de la bouche du démon. Et j’étais plus que d’accord avec elle, ce qu’il voulait était clair en moi. Son ambition était de vivre parmi ceux qu’il pourrait asservir et je n’étais certainement rien de plus qu’un moyen de franchir la frontière qui sépare son monde du mien, si j'ai encore le droit de dire que c'est encore mon monde. Oui, il voulait sans doute quitter sa dimension dont il était prisonnier. Malgré que Zatanna n’avait pas fini ce qu’elle avait à me dire, mon esprit se perdait déjà à travers mes pensées, songeant à nouveau à ses images qui me hantaient d’Asakku. Je ressentais en moi la frustration de ne pas me rappeler exactement et entièrement toutes ces périodes de ma vie encore dissimulées en dessous d’un océan de nuage. Je ne me rendis guère compte du moment où Zatanna avait arrêté de parler pour prendre une gorgée de son thé. Je n’arrivais pas retiré la sensation de ses lèvres contres les miennes, tout mon être n’avait à ce moment-là ressenti aucun frisson, aucune forme de crainte, juste un ardent désir que je n’arrivais point à apaiser à l’heure où nous buvions ce thé.
      « Sit’ëp~Aï... » Chuchotais-je alors que je caressais du bout de mon index mes lèvres. Je frottais à la suite mes yeux, je devais cesser d’y songer, car ce n’était là rien plus qu'une autre torture mentale. Ce démon avait réussi à me faire quelque chose, son subterfuge arrivait à me faire oublier ma crainte de lui. Mais il y avait autre chose, mon tatouage s’était étendu sur une grande partie de mon corps, je pouvais contempler les écrits sumériens sur mon bras. Pire encore, j’arrivais à lire ses derniers, j’arrivais à comprendre le sumérien… J’avais passé un moment à lire les marques sur mes bras, puis celles sur mes jambes. C’était intriguant, effrayant, excitant. J’étais partagée, enjouée, perplexe. Je ne savais pas quoi ressentir de ce que je lisais, mais j’avais l’impression que les marques bougeaient sur ma peau, qu’elle se déplaçait et qu’elle racontait autre chose, un nouveau récit, d'une autre période. Oui. Je voulais relire un passage que je n’avais pas compris, mais une fois revenue à l'endroit ou le récit était supposé être, les symboles étaient différents. Et évidemment, j’avais lâché l’affaire, car encore une fois, je commençais à penser que j’étais juste cinglée, ma méthode pour ne pas trop me prendre la tête.

      Et puis certains passages n’avait aucun sens, pas de signification particulière, comme s’il ne s’agissait de rien d’autre qu’un baragouinage volontaire. Mais tout mon être me criait de ne pas lire ces phrases-là à voix haute. Bref, c’était avant que m’installe pour prendre le thé avec la magicienne et qu’on fasse un peu le point de cette soirée. Et putain, sérieusement ! De base, j’étais juste venue pour un travail, voilà que je découvrais que j'étais une… Déesse Akkadienne, née d'un dieu Sumérien, la belle histoire qui va me faire chier longtemps maintenant. Il faudra, me pardonner si demain, je n’en parle plus, que je me concentre sur mon quotidien et renie toutes ces choses paranormales progressivement. Merde quoi, Zatanna, je voulais juste gagner un peu plus de fric moi, pas avoir un démon qui semblait maintenant me coller au cul. Si les entretiens d’embauche étaient toujours aussi dangereux avec elle, la vie de magicienne ne doit pas être de tout repos. Mon attention se reporta sur elle quand elle m’annonça que ce n’était pas son genre d’abandonner les gens.
     Je n’étais pas pour autant désolée de douter d'elle, je ne la connaissais pas encore et j’espérais avoir le temps de la connaître, j’espérais réellement que serait celle qui briserait ma solitude en devenant une amie par exemple. J’avais quelque part parlé de ma peur de l’abandon d’un point purement égoïste. Et Zatanna me fit réfléchir lorsqu’elle m’annonça que mon cas dépassait désormais la dimension personnelle. Quelle idiote égoïste je peux faire, oui. Je n’avais pas pensé au danger qu’Asakku pouvait devenir pour les Hommes, j’ai juste pensé à moi. Je me contentai d’acquiescer de la tête, un peu honteuse, me recroquevillant en prenant une gorgée de mon thé. Dieu que c’était bon… Dieu ? Parlons-en de lui. Il est quoi pour moi maintenant que je sais tout ça et je suis quoi pour lui ? Une ennemie, une rivale, étrangère à son domaine ? Puis-je toujours prétendre avoir foi en lui, à lui vouer mes prières en sachant que j’ai vécu en louant mes prières à d’autres divinités il y a longtemps, des déités plus nombreuses et plus loquaces que lui ?


       Pouvais-je toujours être une de ses croyantes, quand les textes sur mes bras m’annonçaient qu’on me vouait à une époque un culte, à moi, une simple humaine… Ou comme le dit le texte, une déité piégée dans une enveloppe de chair. Je n’arriverais certainement plus à aller à l’église en sachant cette vérité, car de tout façon, si je meurs, c’est le monde d’Asakku qui m’attend. Oui. Pas le paradis de Dieu, ni l’enfer de Lucifer. Juste le royaume où je suis liée à jamais et que mon étrange immortalité me préservait jusqu’à maintenant. Je fis attention aux chuchotements de Zatanna, elle aussi chantait parfois du charabia, mais un charabia qui avait un rôle à jouer et que je fus témoin lorsqu’elle plongea sa main dans cette faille. Je détournais le regard, car aussi étrange que cela puisse être et malgré ce à quoi j’avais assisté, ça restait fort de cacahuète cette histoire et je n'arrivais pas trop à m'y habituer. Elle avait en sortie des livres avant de les citer… Un seul nom m’avait interpellé alors que c’est la première que je les entendais.
     Je regardais alors aussitôt mon bras, puis mon coude, mon épaule… « Bordel, où est-ce que j’ai vu ça ? » Chuchotais-je alors que Zatanna continuait en m’expliquant la raison pour laquelle elle connaissait mon surnom et aussi l’existence de mes tatouages. Je m’étais alors arrêtée pour la contempler légèrement hébétée. À l’entendre, l'homme voulant sauver par amour une certaine Mystery et qui se trimbalant avec mon tatouage, avait drôlement l'air d'être lié à moi plus que par simple connaissance. Vouant sa vie à une quête qui aurait causé sa perte. Pourquoi je vois encore le visage de cet homme en cet instant, lui dont j’ai pris le nom ? Pourquoi cela me déchirait de songer qu’il n’était peut-être plus rien d’autre qu’un souvenir, un homme hantant désormais simplement mes rêves ? Je serais les dents en songeant que ce n’était pas si mal de ne plus être Ahmanet, de ne plus avoir ses souvenirs. Elle a vécu trop longtemps et a dû faire bien trop de rencontres douloureuses. Je ne voulais pas connaître tout ça, je ne voulais pas qu’elle me lègue tous ses fardeaux.  

      Fronçant les sourcils, je crachais alors, malgré le risque de passer pour quelqu’un de froid, mais j'étais ainsi, incapable d'hypocrisie. « Qui qu’il soit, il n’aurait pas dû se mêler de ça, c'est de sa faute. Tu as ça de commun avec lui, un point que je n’arriverai pas à comprendre. » Je continuais à cherche le paragraphe sur mon corps, mais encore une fois tout était différent, ce qui me confirmait bel et bien que les textes n’étaient pas immuables… C’était de la folie. Bien heureuse d’être en short, je pouvais aisément lire sur ma cuisse les marques antiques et je trouvais alors un texte mentionnant le fameux nom que j’avais reconnue. « Ah, le voilà ! Aššur-Bāni-Apli. » Lisais-je, avant de reprendre la lecture du paragraphe en anglais. « Assur a donné un héritier, Nabu a octroyé la connaissance, Asag a offert la puissance, Ahmanet a emporté ses ennemis. Roi de la terre et de l’univers, bénis des dieux anciens et nouveaux. » Je m’arrêtais, lorsque je tombais encore sur une phrase impossible à traduire, du charabia, que je ne voulais pas dire à voix haute.
     Je me remis au fond du canapé, mug en main pour réfléchir à la dernière phrase de Zatanna. « Il y a rien d’écrit sur moi concernant cette dague, mais je ne suis pas capable de voir les inscriptions dans mon dos… » Je restais là à réfléchir en sirotant un moment mon thé jusqu’à le finir. C’est en le déposant, en songeant à mon rêve dernier, à cette aventure particulièrement éprouvante que ça me revenait en mémoire. « La dague du rituel qui m’a transformé en égal d’Asakku… Je n’étais pas moi-même quand je l’avais entre mes mains. C’est peut-être de cette dague dont il est question ? » Non parce que si c’est le cas, on n’a peut-être pas de souci à se faire. Je veux dire, on fait comment pour retrouver une dague certainement ensevelie avec Akkad quelque part dans le désert Irakien.
   

"your heaven's a lie"

Quand les corbeaux chantent, c'est votre ombre que la mort hante... - Faith

     
             Je savais ce qui m’attendais derrière cette porte, les grondements presque célestes étaient comme le signe annonciateur d’un déluge à venir, châtiment d’une colère divine redoutée. Mes mains étaient tremblantes, j’avais réellement du mal à contenir la peur dans mon cœur ou peut-être, était-ce de l’excitation. J’étais devenue à assez bizarre pour ressentir des émotions qui s’opposaient à une situation, paradoxe très souvent dangereux. Tournant le dos à la porte, je me fixais comme si c’était la dernière fois à travers ce miroir reflétant ce que j’étais réellement. Cette chemise de cuir sans manche m’allait comme un gant, exhibant mes bras qui, eux-mêmes, exposaient les tatouages qui en recouvrait une partie ? Je m’étais fixée un moment dans cette glace, assez de temps pour avoir perdu le fil de cette temporalité en question. Et à raison… J’étais devenue une personne dangereusement liée à un monde qui me dépassait très sincèrement, c’était encore plus fou que l’existence des méta-humains.
     Je me sentais fragile, faible et dépendante d’une magicienne à qui je dois pour le moment ma sécurité. Je n’aimais pas le déroulement de ce film, si je pouvais disparaître, être hors d’atteinte, je l’aurais certainement fait, j’aurais certainement disparue sans laisser de trace, sans laisser de lettre… Volatilisée, priant pour que l’on me croit morte, qu’on me pleure, qu’on me regrette ou qu’on soit soulagé de cette perte désirée. Tout en moi, voulait renier la vérité pour une vie plus ordinaire, j’aurais sans doute été prête à renouer avec l’idée de la folie si j'en avais le droit, si le danger n'était que personnel. Car pire que de croire qu’on est fou ou folle, pire que de craindre une entité inconnue, je me sentais avoir du désir pour l’Impie, lui, l’infâme séducteur qui avait transformé mes angoisses en fantasme. Maintenant, je n’osais plus dormir à cause d’éventuels rêves mouillés, le cauchemar était maintenant le rêve. Quelle ironie, non ? Avoir peur de faire beau rêve, hein ? Un rêve qui pourrait à nouveau faire apparaître le démon qui en profiterait pour planter sa graine, lui dont je sentais le souffle à chaque fois que je fermais les yeux.

      Ce que je pouvais haïr Ahmanet pour avoir perdu la mémoire et m’avoir, de ce fait égoïste, laissé sans défense face à lui. Et je me haïssais de savoir que j’étais cette idiote qui avait laissé sa famille la soumettre à l’éternité. Et à quel prix, hein ? À quel prix putain ? Qu’est-ce qu’est devenu mon père ? Ou bien ma mère ? Qu’est-il donc advenu d’An-Ki après qu’elle devînt la main qui engendra mon existence, qui me livra au démon, tuant cette pauvre Finola ? Qu’est-elle est devenue elle ? Sont-ils morts ? Sont-ils immortels aussi ? Immortelle, hein ? Ce n’était peut-être pas une si mauvaise chose dans le sens où si je meure, je vais tomber là-bas, dans son monde, entre ses mains et pour l’éternité. Mais plus j’étais vivante, plus j’étais un risque pour l’humanité, car mon existence signifiait qu’un jour où l’autre, je pourrais le mettre au monde. Il sera patient, il attendra le moment, comme il avait attendu déjà si longtemps.
     Voilà où j’en étais, face une porte où grondait le sinistre chahut du chaos. Même si la peur m’habitait, même si je n’étais pas prête à l’affronter, j’allais le faire, j’allais crier durant ce combat qui était le mien. Zatanna faisait le nécessaire de son côté pour trouver des réponses, cherchant cette arme antique que démon et son culte voulait récupérer. Je devais alors montrer que tout ceci n’allait pas m’abattre, qu’à ma manière, j’allais affronter ces enfoirés. Je me levai donc pour faire face à cette porte. J’inspirais et expirais de plus en plus vite alors que j’ouvris la porte donnant voie sur un long couloir à peine éclairé. Plus j’avançais plus les grondements devenaient clairs, je finis par en deviner des voix criant à l’unisson, telle une agonie infernale. Mais mes pas ne ressentaient pour autant plus aucune hésitation, je marchais jusqu’à entrer dans une pièce où désormais, je pouvais les entendre clairement, ces gens qui scandaient mon nom tel des dévots.

       Les rideaux s’ouvrirent sur ces âmes venues glorifier à travers leur transe hystérique, celle qu’ils avaient choisie pour idole. Vois Ahmanet, le fardeau de ton existence, car même dans la mort, ces fous te réclame et te voue leur âme. Je m’approchai alors d'eux avant d’attraper mon micro, et faire signe à mon groupe de commencer à jouer. Vois Zatanna ce que je suis devenue en à peine deux mois, aujourd’hui je le vois ces diables de votre temps, voulant obtenir un contrat savoureux avec cette étoile montante qui fait le buzz sur internet. Est-ce que j’aurais eu la chance d’être repérée par ces managers si je travaillais encore dans ce bar pourri où tu m'as trouvé… Où était-ce parce qu’il me voyait te fréquentant, toi la magicienne Zatara aux prodigieux sens du spectacle. Qui sait ? Quoi qu’il en soit, je te le dois Zatanna, cette musique. « Déesse Oubliée. » Dis-je avant que la musique commence.